• #guerre #militarisme #marchanddemort #barbarie #haine #étatisme #nationalisme #impérialisme #fascisme...

    #antimilitarisme #désarmement #antiguerre #internationalisme #Paix #anarchisme

    ★ CONTRE TOUTES LES GUERRES...

    « L’opinion publique est changeante ; un instant rassemblée, le lendemain elle risque d’inverser la tendance et échapper aux faiseurs d’opinions. Il convient de la ressaisir. Et les vieilles recettes resurgissent : le drapeau outragé, la liberté à défendre, la terre profanée par l’ennemi, le terrorisme qui doit être éradiqué ; ça prend. Aux armes ! Les peuples doivent marcher. Les armements s’ébranlent. Les budgets militaires mirobolants qui ponctionnent ceux vitaux, de l’éducation, la santé, la recherche, l’écologie… Les drones s’invitent à la guerre malgré quelques dommages collatéraux. Ils remplacent ou complètent les monstrueux canons qui dressent leurs gueules sinistres vers le ciel. Les intérêts des belligérants se monnaient rubis sur l’ongle : vente d’armes… avec au passage quelques rétrocessions.

    On connaît le processus guerrier : menaces, provocations, engagement. Comme si la terre avait besoin d’un surcroît de haine et de sang ; elle en est déjà gorgée ! Mais la France veut ses parts de marché. Notre odieux commerce non plus triangulaire mais des armes assurera une retombée économique pour ceux qui ont investi dans l’économie de la mort. Quelle effarante situation !

    Suffit-il de dénoncer les nationalismes et le néo-colonialisme, deux formes de fascisme ? Certainement pas car ne pas s’engager dans le combat pacifiste, c’est se condamner à revivre les erreurs du passé et celles du présent. Un sursaut de colère et de lucidité se doit d’atteindre la conscience des hommes (...) »

    ▶️ Lire le texte complet…

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/01/contre-toutes-les-guerres.html

  • https://reporterre.net/A-La-Reunion-des-habitants-s-opposent-a-un-parc-de-loisirs-sur-le-volcan

    Hugo Picard, la cinquantaine, est un enfant du coin : petits-fils du guide du volcan, fils d’éleveur, il est lui-même éleveur de bœufs en contrebas du piton Dugain. Derrière son large sourire, son discours est tranché : « La mairie veut acheter une partie de mes terres pour faire passer la piste d’accès aux tyroliennes. Ils m’ont fait plein de propositions : nettoyer ma retenue collinaire, arranger mon chemin, et même donner un boulot à ma femme ! » raconte le Réunionnais.

    Mais Hugo est droit dans ses bottes, il ne veut pas de ce projet et tient à défendre les terres agricoles. « Je préfère développer la souveraineté alimentaire, nourrir le peuple. Mais pas de béton ! Le béton, ce n’est pas ça qui donne à manger »

    #parc_d'attractions #loisirs #dégradation #tourisme #marchandisation #usure_du_monde #projet_écocidaire #bio-diversité

  • Watteau : L’Enseigne de Gersaint
    http://watteau-abecedario.org/Enseigne_de_Gersaint.htm

    Une #histoire_de_la_peinture de Watteau (en anglais) très bien documentée.

    L’Enseigne de Gersaint est une huile sur toile de grande dimension (1,66 × 3,06 m) peinte en quelques jours à l’automne 1720 par Antoine Watteau, de retour d’Angleterre et peu de temps avant sa mort.

    Différentes interprétations soulignent le rôle testamentaire et au moins la fin d’une époque, notamment on voit le portrait de Louis XIV être mis dans une malle. (Louis XIV est mort 5 ans avant)

    Berlin, Schloss Charlottenburg, Staatliche Schlösser und Gärten Berlin, inv. GK I 1200/1201
    Oil on canvas 166 x 306 cm

    Si tu ne lis pas l’anglais, tu peux voir aussi « L’ENSEIGNE, DIT L’ENSEIGNE DE GERSAINT »
    https://histoire-image.org/etudes/enseigne-dit-enseigne-gersaint

  • Plus de 3 millions de bénéficiaires de l’aide alimentaire en France – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/plus-de-3-millions-de-beneficiaires-de-laide-alimentaire-en-france-202211

    Alors que la France connaît une vague inflationniste, l’Insee a rendu publiques ses données sur les personnes ayant recours aux réseaux associatifs de distribution de nourriture. Quatre bénéficiaires sur cinq souffrent de « privations alimentaires ».

    C’est un « portrait social » dressé ce mercredi par l’Insee qui tombe à point nommé. Alors que le sujet de la précarité alimentaire est brûlant, face à la flambée vertigineuse du prix des denrées, l’institut vient de rendre public ses travaux annuels sur les évolutions économiques et sociales en France. Avec cette fois-ci un éclairage particulier sur les bénéficiaires de l’aide alimentaire. Entre novembre et décembre 2021, les statisticiens de l’Insee ont ainsi enquêté auprès de ces personnes, en grande difficulté financière, qui se rendent dans un ou des centres associatifs de distribution d’aide afin de recevoir ou acheter des produits alimentaires. En intégrant tous les individus composant le ménage de ces bénéficiaires, l’Insee estime qu’entre 3,2 et 3,5 millions de personnes ont reçu en 2021 des aides alimentaires (colis, achats en épiceries solidaires ou distribution de repas prêts à consommer) par le réseau associatif.

    #aide_alimentaire #pauvreté #caritatif

    • L’embrouille des millions, quelle honte.

      Si tu calcules bien, réduit à 3 personnes qui ont faim toute l’année, et avec un fond de 60€, ça fait 20€ par personne, sur 365 jours ça fait à peine 6 cents par jour par personne si tout l’argent leur est bein reversé. Bon appétit les amis, vous reprendrez bien un peu de papier journal trempé dans l’eau pour le midi mais seulement l’année prochaine hein.

      En intégrant tous les individus composant le ménage de ces bénéficiaires, l’Insee estime qu’ entre 3,2 et 3,5 millions de personnes ont reçu en 2021 des aides alimentaires (colis, achats en épiceries solidaires ou distribution de repas prêts à consommer) par le réseau associatif.

      Certes, les données datent de l’année dernière, mais elles se révèlent éclairantes à l’aune du contexte inflationniste de 2022. Contexte qui a convaincu le Conseil national de l’alimentation (CNA) de recommander, en octobre dernier, d’inscrire le droit à l’alimentation dans la législation française pour en « garantir l’accès à tous et toutes ». Contexte qui a également valu à la première ministre, Elisabeth Borne, d’annoncer en début de mois la création d’un « fonds pour une aide alimentaire durable »de 60 millions d’euros en 2023

      #Borne_lahonte

    • on se souvient qu’une loi contre le gaspillage alimentaire (2016) avait fini par imposer qu’une partie des commerces cèdent leurs invendus alimentaires en voie de péremption ou périmés à des assos lorsqu’elles en font la demande, sous certaines conditions, elles ont supposées être habilitées https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/lutte-contre-l-exclusion/lutte-contre-la-precarite-alimentaire/article/habilitations-a-l-aide-alimentaire?TSPD_101_R0=087dc22938ab20

      dès 2018, des start-up de la récup se sont monté pour monétiser les invendus de manière plus dividualisée et flexible que ce que permettent les entrepôts de la grande distribution déjà sur le créneau (introuvables en centre-villes). leurs clients passent d’abord, et pour le meilleur.

      Chaque jour, des aliments frais sont gaspillés dans des commerces, simplement parce qu’ils n’ont pas été vendus à temps. L’application Too Good To Go permet aux utilisateurs d’acheter des Paniers Surprise [sic] composés de produits invendus à petits prix.

      Tu peux sauver un repas [sic] en quelques clics, et ainsi contribuer à réduire un peu la quantité de gaspillage alimentaire ! Alors, es-tu un vrai Waste Warrior.

      Réveille l’aventurier qui est en toi, parce que le panier peut être composé de plein de produits différents !

      https://toogoodtogo.be/fr-be/blog/mon-premier-toogoodtogo

      #marchandisation

  • Composer un monde en commun. Une théologie politique de l’#anthropocène

    Comment relever les extraordinaires défis que nous lancent les #crises induites par la #destruction de notre #habitat planétaire ? Faut-il réviser le concept même de #propriété_privée ? Remettre en cause la #souveraineté des #États-nations ? Comment construire ensemble les #institutions_internationales qui permettraient de prendre soin de nos #communs_globaux que sont le climat mais aussi la #biodiversité, la #santé, les #cultures et jusqu’à la #démocratie ?

    Car c’est elle qui, aujourd’hui, est menacée par notre refus d’inscrire des limites à la toute-puissance de la #personnalité_juridique, des techniques extractivistes et de la #marchandisation du monde. Où trouverons-nous les ressources politiques, culturelles et spirituelles pour inventer ces limites et en faire une chance plutôt qu’une insupportable privation de liberté ?

    Un tel projet exige de refonder l’#utopie des #Lumières. Et pour cela, de puiser à la source du #christianisme, qui constitue l’une de ses matrices historiques. Il implique donc une révision de la manière dont le christianisme se comprend lui-même : expérience stylistique du retrait d’un Dieu qui s’efface pour nous ouvrir à un horizon démocratique qu’il nous revient d’imaginer ensemble ? Ou #religion d’un Christ glorieux qui légitimerait une souveraineté politique autoritaire, carnivore, phallocratique et colonialiste ? Telles sont quelques-unes questions que pose ce livre.

    Apprendre à y répondre participe peut-être de ce que les traditions bibliques nomment la sainteté.

    https://www.seuil.com/ouvrage/composer-un-monde-en-commun-gael-giraud/9782021474404

    #livre #Gaël_Giraud #communs #commons #Etat-nation #extractivisme #colonialisme #autoritarisme

  • Armement. Guerre au Yémen « made in France »
    Orient XXI > Ariane Lavrilleux > 29 septembre 2022
    https://orientxxi.info/magazine/armement-guerre-au-yemen-made-in-france,5883

    La France est, après les États-Unis, le principal pays fournisseur d’armes à la coalition saoudo-émiratie engagée dans la guerre civile au Yémen depuis 2015. Qui équipe et répare les avions de combat de la Coalition ? Où sont formés les militaires ? Où sont produites les bombes qui frappent les marchés et les habitations yéménites ? Enquête sur les grandes entreprises françaises qui ont profité de la guerre, avec le soutien de l’État français.

    Le conflit au Yémen a tué en sept ans 110 000 personnes, dont près de 13 000 civils selon les données d’Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled). Depuis le déclenchement, en mars 2015, de l’intervention de la coalition arabe emmenée par l’Arabie saoudite contre les rebelles houthistes, Paris n’a cessé de nier l’implication de la France. « Nous n’avons récemment vendu aucune arme qui puisse être utilisée dans le cadre du conflit yéménite », assurait, en janvier 2019, Florence Parly, la ministre des armées, au micro de France Inter. Les matériels livrés ne serviraient qu’à « assurer la protection du territoire saoudien contre des attaques balistiques venant du Yémen » précisait-elle. (...)

    #Yemen #marchands_de_canons

  • Chine. Le retour des #vendeurs_de_rue à Shanghai

    Pendant des années, ils ont été considérés comme une #tumeur_urbaine par les autorités chinoises. Mais les commerçants ambulants font aujourd’hui leur grand retour à Shanghai, locomotive économique de l’empire du Milieu.

    « L’#économie_de_rue serait-elle de retour ? » s’enthousiasme le média shanghaïen en ligne Pengpai (The Paper). Le 22 septembre, le Comité permanent de l’Assemblée municipale du peuple de Shanghai a approuvé une révision du « Règlement sur la gestion de l’hygiène environnementale de Shanghai ».

    De ce fait, à partir du mois de décembre, les vendeurs de rue pourront légalement installer des étals dans les #marchés_de_nuit. Une nouvelle qui réjouit Pengpai :

    « L’économie de rue n’est pas seulement un reflet de la tolérance de la ville, c’est aussi un élément important de l’#écosystème_économique. »

    « Par le passé, il était interdit à Shanghai d’installer des stands ambulants et des commerces dans l’#espace_public, comme les #trottoirs », rappelle le quotidien de la jeunesse chinoise Zhongguo Qingnian Bao, qui ne cache pas sa joie face aux « changements dans le concept de #gouvernance_urbaine ».

    Jadis, dans le développement urbain chinois, le commerce de rue a été constamment qualifié d’obstruction au #paysage_urbain, d’entrave à la #circulation_routière, etc. « Il a été presque considéré comme synonyme de ’#sale, #désordonné' », déplore le journal, ajoutant :

    « L’absence d’échoppes en bord de route était vue comme un #symbole de l’indice d’une #ville_civilisée. »

    Le Zhongguo Qingnian Bao mentionne les avantages des « #échoppes_de_rue ». « Cette activité économique urbaine marginale » a évidemment ses atouts, surtout dans le contexte économique actuel.

    Création d’#emplois

    « Il s’agit d’un moyen pragmatique de stimuler la #consommation et de préserver l’#animation d’une ville », argumente le quotidien, en ajoutant que, « nécessitant un faible investissement, il contribue à créer des d’emplois ».

    La création d’emplois est devenue urgente dans la deuxième puissance mondiale. En août dernier, le Bureau national chinois des statistiques a annoncé un taux de chômage record de 19,9 % chez les jeunes de 16 à 24 ans.

    Le média hongkongais en ligne HK01 parle également d’une « bonne décision » prise à Shanghai, montrant que les autorités de cette métropole « ont compris que la #gestion_urbaine et l’économie des #colporteurs peuvent coexister, et que les deux ne s’excluent pas mutuellement ».

    HK01 regrette qu’autrefois de nombreuses villes chinoises aient à tout prix voulu donner un aspect propre et ordonné à leur cité. Cela provoquait de fréquentes confrontations entre les chengguan (sorte de police municipale) et les #marchands_ambulants, causant « de nombreux incidents regrettables et affligeants ».

    Ainsi, en mai 2009, Xia Junfeng, jeune vendeur d’aliments de rue à Shenyang, dans le Liaoning, a tué deux chengguan dans une bagarre. Xia a été exécuté quatre ans plus tard.

    Interrogé par le média américain Radio Free Asia, l’économiste Si Ling estime que ce changement de politique de la ville de Shanghai est dû à la vague de faillites d’entreprises à la suite de l’épidémie. D’après lui, « le gouvernement de Shanghai a dû faire face au grand nombre de commerçants et d’ouvriers ayant besoin de travail en autorisant l’#économie_de_rue ».

    Le chroniqueur Fang Yuan impute également cette souplesse du pouvoir vis-à-vis du commerce de rue à « la morosité des conditions macroéconomiques ». Il estime que « cette forme d’économie est la forme la plus basse de l’économie », qui ne peut toutefois pas être une solution de long terme face à la situation économique actuelle.

    https://www.courrierinternational.com/article/chine-le-retour-des-vendeurs-de-rue-a-shanghai

    #informalité #ville_informelle #économie_informelle #Chine #Shanghai #urban_matters #commerce #villes #cohabitation #propreté #ordre
    #TRUST #master_TRUST

  • L’échec de #Shanghai et le pari perdu de #Paris-Saclay

    La nouvelle de ce mois, concernant l’Université et la #recherche, est sans conteste l’#abandon par la #Chine des #classements_internationaux et en particulier de celui dit « de Shanghai ». Accompagnant le déplacement planétaire de la sphère productive vers l’Asie, la création d’établissements universitaires en Chine a été massive : on en compte aujourd’hui plus de 3 000. La Chine est devenue une immense puissance scientifique et se soucie désormais de développer un modèle universitaire original. En visite le 25 avril à l’université Renmin de Pékin, le président Xi Jinping a déclaré ceci : « La Chine est un pays avec une histoire unique, une culture distincte et un contexte national particulier […] Nous ne pouvons pas suivre aveuglément les autres ou nous contenter de copier les standards et les modèles étrangers lorsque nous construisons des universités de classe mondiale ». Cette déclaration a été immédiatement suivie d’effets, avec le retrait de plusieurs universités des classements internationaux, dont l’université Renmin — une décision saluée dans la foulée par le journal gouvernemental, le Quotidien du Peuple, ce qui ne laisse guère de doutes sur le caractère mûrement réfléchi du changement de cap national.

    Plus qu’ailleurs, le modèle normatif promu par le « classement de Shanghaï », créé en 2003 et produit depuis 2009 par le cabinet #Shanghai_Ranking_Consultancy (30 employés), a été utilisé en France comme outil de communication et comme argument palliant à bon compte un déficit de pensée critique et politique. De nombreux articles ont été consacrés à l’ineptie de la méthodologie employée (démontrée par exemple ici - https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03797720500260116 - ou là - https://link.springer.com/article/10.1007/s11192-009-0115-x -), à commencer par ceci : le #score composite fabriqué, mélangeant torchons et serviettes, n’est ni une variable intensive (indépendante de la « taille » de l’établissement mesurée par le budget, le nombre d’étudiants ou le nombre de chercheurs par exemple), ni une variable extensive (proportionnelle à cette « taille »). Il s’agit d’un #bricolage sans rigueur, dépourvu de toute #rationalité_scientifique, « calibré » pour reproduire le #classement_symbolique des grandes universités privées états-uniennes. Du reste, comment la #qualité de la formation et de la recherche scientifique pourrait-elle bien varier à l’échelle d’une année, sauf à se baser sur des #indicateurs délirants ?

    Le concours de circonstances qui a conduit à la #fétichisation de ce classement par la #technobureaucratie du supérieur a été analysé dans les travaux de Christine Barats, auxquels nous renvoyons, ainsi que dans l’ouvrage de Hugo Harari-Kermadec, Le classement de Shanghai. L’université marchandisée (2019).

    La réception de ce classement par l’élite des grands corps de l’Etat fut un dessillement : aucun de ses lieux de formation — ni Sciences Po Paris, ni HEC, ni l’ENA, ni Polytechnique — n’ont de reconnaissance internationale. Seule l’Université, où se situe la recherche scientifique, apparaît dans ce classement. Bien sûr, d’autres classements sont utilisés pour les Master of Business Administration (MBA) et en particulier ceux basés sur le bénéfice financier escompté (salaires des alumni), à mettre en regard du coût de la formation (classement Value for money). Mais cela reste un choc pour la haute fonction publique de découvrir que dans le monde entier, les élites sont formées par la recherche, à l’Université, mais que la France fait exception à l’idéal humboldtien du fait de l’héritage napoléonien des Grandes Ecoles.

    Ce dessillement a suscité des réactions contradictoires chez les tenants de « l’économie européenne de la connaissance » théorisée notamment par M. Philippe Aghion et a conduit certains secteurs de l’Etat à soutenir un projet historique visant à surmonter le legs napoléonien dans la formation des élites : le projet de Paris-Saclay, dans sa mouture initiale.

    Sur le papier, jusqu’en 2015, beaucoup de conditions sont réunies pour un succès de ce projet, à condition bien sûr de se fixer un objectif clair : la construction d’une université expérimentale associant production, critique et transmission des savoirs scientifiques et techniques, en faisant le pari du soutien à l’émergence de PME industrielles à très haute valeur ajoutée, travaillant en bonne intelligence avec l’université. Loin de desservir le projet, le fait que le plateau de Saclay ne soit pas au cœur d’une métropole était un avantage. En effet, sa situation géographique permettait d’imaginer une ville-campus adaptée aux enjeux du XXIème siècle. Saclay pouvait donc être cette université où se rencontrent les élites scientifiques, économiques et politiques qui fait tant défaut au système français. Partant de ce constat partiel mais juste, l’État consacra un investissement de 5,3 milliards d’euros au projet d’université intégrée de Saclay en l’espace de dix ans. Disons-le : Paris-Saclay était alors le seul projet de regroupement universitaire intéressant. Tous les autres regroupements ne visaient qu’à produire des économies d’échelle dans les services centraux et à changer les statuts des établissements pour mettre les structures de décision hors d’atteinte des universitaires. On sait désormais que le surcoût de fonctionnement des mastodontes universitaires est exorbitant, qu’ils ont été dévitalisés et que le pouvoir y a été capté par une nouvelle bureaucratie managériale, au fonctionnement féodal, qui s’octroie une large part des ressources qui manquent à l’enseignement et à la recherche.

    Ce qui, à Paris-Saclay, rendait cette expérience historique d’unification entre Université et Grandes Écoles possible, c’est l’obsolescence de l’École Polytechnique. Deux rapports de la cour des comptes et un rapport parlementaire avaient pointé l’absence de « stratégie » de l’État pour cet établissement, son inadaptation à la « concurrence internationale », sa « gouvernance » défaillante et l’absurdité de sa tutelle militaire. Polytechnique était devenu un boulet aux yeux d’une partie du bloc réformateur. L’humiliation infligée par les classements internationaux avait également mis en difficulté les secteurs les plus conservateurs de la bureaucratie polytechnicienne d’État et leurs relais pantoufleurs du CAC 40. Dans ce contexte de crise, un quatrième rapport, commandé à M. Attali par le premier ministre, préconisait la suppression du classement de sortie, la suppression de la solde et la création d’une nouvelle « École polytechnique de Paris » englobant les grandes écoles du plateau, au sein de Paris-Saclay. La voie semblait libre pour reconstruire à Saclay une formation des élites administratives et industrielles en lien avec la recherche universitaire.

    Mais le 15 décembre 2015, cette expérience historique de dépassement des archaïsmes français tombe à l’eau. Plus exactement, « on » l’y pousse, à l’eau, les deux pieds coulés dans du béton. Quel « on » exactement conduit Paris-Saclay dans cette « impasse », pour reprendre le doux euphémisme de la Cour des Comptes ? Après que M. Le Drian, ministre de la Défense, a annoncé le 6 juin 2015 une « révolution » à Polytechnique, les président-directeurs généraux d’entreprises françaises du CAC 40 issus du corps des Mines s’activent au cœur de l’été.

    Une task-force est constituée autour de M. Pringuet, X-Mines et président de l’AFEP, le lobby des grands patrons français. S’il existe une rivalité entre l’Inspection des finances, nourrie par l’ENA, et le Corps des mines, alimenté par l’École Polytechnique, ENA-IGF et X-Mines partagent un même désir de perpétuation de la technostructure à la française, menacée par le projet d’intégration de Polytechnique dans Paris-Saclay. M. Pringuet, en liaison avec M. Macron depuis 2012 – son action de lobbying a abouti à la création du CICE -, obtient l’aide de celui-ci. Il est vrai que M. Macron, sous la mandature précédente, s’était déjà penché sur les questions d’« économie de la connaissance » comme rapporteur général de la commission Attali. L’enjeu des réformes universitaires, pour lui, n’est en aucun cas de dépasser l’archaïsme bonapartiste : bien au contraire, il s’agit de constituer une poignée de mastodontes internationalisés, dans la plus pure tradition des « fleurons » chers aux Grands Corps. C’est la fatalité des hauts fonctionnaires hexagonaux de rester désespérément français même (et surtout) lorsqu’ils croient singer le MIT… Lors de ce conseil d’administration du 15 décembre 2015, les deux ministres de tutelle de Polytechnique, M. Le Drian et M. Mandon sont accompagnés de M. Macron. Quand « Bercy » vient d’imposer des centaines de millions d’euros de coups de rabot dans le budget de l’Université, et même des milliards de coupes dans le contrat de plan État-régions, M. Macron apporte, ce 15 décembre 2015, 60 millions d’euros d’augmentation de budget à l’École Polytechnique… et consacre l’abandon du projet de Paris-Saclay, malgré son importance et son coût.

    Depuis, de reconfiguration en reconfiguration, Paris-Saclay n’est plus que l’avatar périurbain d’une politique qui n’avait probablement jamais cessé d’être la seule boussole des secteurs dirigeants de la bureaucratie : la différenciation des universités, fondée sur la séparation entre des établissements de proximité et une poignée d’universités-monstres supposément tournées vers la coopération internationale, et les yeux rivés vers des rankings sans substance. Ne reste qu’une question : les apparatchiks ont-ils entrevu ne serait-ce qu’un instant la signification libératrice du projet initial de Paris-Saclay ? Ou avaient-ils élaboré ce projet aussi inconsciemment qu’ils l’ont ensuite liquidé, en jouant à la dînette de Shanghai ?

    Toujours est-il qu’au terme de ce rendez-vous manqué, l’administratrice de la faillite politique et intellectuelle de Paris-Saclay, Mme #Sylvie_Retailleau, a pu se gargariser de la seule chose qui lui reste : une progression de quelques places dans un classement déjà décrédibilisé, arrachée à coups de milliards d’euros qui auraient pu être dépensés ailleurs et autrement. Il y a quelques mois, la dame de Shanghai déclarait en effet : « Cette position dans [le classement de Shanghai] nous renforce aussi dans la conviction de la pertinence de notre trajectoire institutionnelle collective. » Cette faillite valait bien une promotion : Aux innocents les mains pleines.

    Terminons cette histoire par quelques vers à la manière de Mallarmé, tirés de Lingua Novæ Universitatis, que vous pouvez encore vous procurer chez l’éditeur.

    https://rogueesr.fr/20220601

    #Classement_de_Shanghai #classification #comparaison #université #facs #ranking #critique

    ping @_kg_

    • Le Classement De Shanghai. L’université Marchandisée

      « Le classement de Shanghai mesure mal la qualité de l’enseignement supérieur…  » « Ce n’est pas aux étudiants d’évaluer les enseignants…  », « Les universitaires n’aiment pas qu’on les évalue… », etc. Seraient-ils corporatistes, recroquevillés sur leurs supposés privilèges ? Et pourquoi les dirigeants et les gestionnaires de l’Université tiennent-ils tellement à donner des notes et à classer (les chercheurs, les enseignants, les laboratoires, les universités…) ? Une vielle habitude d’enseignants ?

      Hugo Harari-Kermadec montre que l’enjeu principal de cette mise en nombre est de préparer la marchandisation de l’Université. Pour produire du Capital humain et s’insérer dans l’économie de la connaissance, l’Université devrait se transformer en profondeur, et le travail des universitaires devrait changer, coûte que coûte, de forme. Si les classements et les autres dispositifs de mise en nombre sont aussi importants, c’est parce qu’ils jouent un rôle essentiel pour faire du service public d’enseignement supérieur un nouveau secteur marchand producteur de valeur économique et de profits.

      En saisissant un secteur en cours de marchandisation, Hugo Harari-Kermadec révèle un processus qui s’étend bien au-delà de l’Université, de l’hôpital aux tâches domestiques, des compteurs linky aux bigdata. Il donne une nouvelle légitimité aux résistances face à la mise en nombre et invite à retourner l’arme de la quantification comme instrument d’émancipation.

      https://www.editionsbdl.com/produit/le-classement-de-shanghai-luniversite-marchandisee
      #marchandisation #livre

  • J’ai commencé un boulot de distributeur de publicité dans les boîtes aux lettres depuis deux semaines. Si j’éprouve un malaise au sujet de ce boulot, ce n’est pas à cause de ce boulot en lui-même, mais du fait du regard négatif en réaction à cela, émanant de mon entourage. Ce regard est emprunt de pitié, parfois d’une désapprobation. J’aurais aimé une telle unanimité dans la négativité quand je faisais un boulot de codeur informatique ou d’ingénieur. A l’époque je me sentais coincé dans ce genre de tâches, consistant à faire augmenter la productivité des gens, et ce dans un contexte où je ne côtoyais que des salariés ayant fait des études supérieures. Dans ce genre de milieu, on se pense un peu privilégié. Non loin de mon ancienne boîte il y avait des camionnettes le long des routes où officiaient des prostituées, et mes collègues se sentaient loin de cela, à l’abri de façons de gagner de l’argent jugées indignes. De mon côté, une grosse partie de ma souffrance au travail émanait du hiatus entre l’obligation de paraître motivé et la réalité de ma motivation profonde, qui était que j’étais là par absence d’alternative pour gagner des euros. J’ai fini par me faire virer pour vivre un temps des allocations chômage, jusqu’à être confronté au manque d’argent à nouveau.

    Nous sommes des « travailleurs libres » écrivait Marx, et cela signifie que nous ne sommes pas attachés à un maître, une communauté ou un lieu. Notre force de travail est disponible à la vente, et cette liberté est une fiction juridique nécessaire pour contractualiser avec un employeur ou un client.

    Cette liberté de contracter, institution nécessaire au capitalisme, nous fait croire que c’est un choix de faire tel ou tel type de travail. Mais l’éventail de ce choix, si jamais il fallait le revendiquer, est de toute façon un privilège de ceux qui ont fait un peu d’étude, qui ont la bonne couleur de peau, qui ont des papiers ou qui habitent les bons quartiers. Je pense que dans des milieux plus modestes, personne n’aurait rien à redire au fait de distribuer de la pub pour ramasser quelques euros. De mon côté, je peux sans doute me faire embaucher pour quantité de boulots différents, mais à l’intérieur d’un choix vraiment restreint. Par exemple, quitte à courir partout dans une hâte permanente plusieurs heures d’affilées, je préférerais me rendre utile dans les services d’urgence d’un hôpital. Mais je n’ai aucune des qualifications requises pour cela, et je suis lassé de toutes ces années de formation derrière moi. De plus, je ne veux pas travailler à plein temps, ou plutôt si j’en étais obligé, je pense que je (re)deviendrais très vite une personne aigrie et déprimée. Je tente donc de vivre avec le minimum d’argent possible pour travailler le moins possible. Et je souhaite dans la mesure du possible compartimenter les choses en réservant un temps dédié et limité dans la semaine réservé au gain d’euros.

    Aussi dans ce boulot de distributeur de pub, j’ai pu découvrir et apprécier ce que je n’avais pas du tout observé dans mes boulots plus qualifiés. L’absence de fierté et la modestie des gens, même de la part des responsables, qui directement auto-critiquent l’activité de la boîte. Il est vrai que la distribution de pubs en boîte aux lettres est sur la sellette, tellement elle est illégitime, et que bientôt elle disparaîtra sans doute complètement. Ceci dit, c’est la première fois aussi dans mon boulot et pratiquement dès mon arrivée, des gens parlent de faire grève et de bloquer le dépôt. Socialement c’est un univers où je me sens beaucoup plus à l’aise car j’y retrouve ce que je cherche ailleurs. Malheureusement ce n’est pas un boulot éthique, il est non seulement peu utile socialement, mais injustifiable écologiquement parlant, avec ces tonnes de papiers imprimés à peine consultés avant de rejoindre la poubelle. Les personnes âgées peuvent en être friandes toutefois, et dans les immeubles de logements sociaux, je ne vois que très peu de « stop pub » sur les boîtes aux lettres. Ce papier publicitaire est indéniablement une source d’information pour qui veut optimiser son budget courses. Cela ne justifie pas pour autant ces tonnes de papier que nous distribuons chaque semaine.

    Il est clair que pour moi, la seule chose qui justifie ce boulot c’est l’argent, et ma volonté de ne pas compromettre ma subjectivité dans des boulots où l’on me demandera d’être motivé pour l’exercer. Ici, il n’est pas question de défendre un métier, un outil de travail, une éthique professionnelle ou une entreprise. Et c’est heureux. Et ça devrait l’être partout et pas seulement dans la distribution de pubs. Ici, la seule issue positive d’un mouvement social à mes yeux est de foutre le feu à ces dépôts, à condition toutefois de ne pas s’arrêter là. Car j’aimerais bien m’adresser aux personnes qui font un boulot plus acceptable à leurs propres yeux, c’est-à-dire ni totalement nuisibles ni totalement futiles, mais quand même un peu. Ce sont des boulots utiles dans cette société-là, mais insensés dans une société décente. Tant que notre subsistance de base restera fondée sur la vente de notre temps de vie, et bien plus encore quand nous y pensons en dehors de ces heures, ce sera toujours l’exploitation qui gouvernera nos prétendus choix. Tant que nous ne commencerons pas à construire un socle de subsistance inconditionnel et débarrassé de l’argent, les discussions éthiques sur le travail ne resteront qu’un bavardage entre gens privilégiés. Tant qu’on en est à se juger les uns les autres sur nos prétendus choix de vie, en fermant les yeux sur les règles sociales qu’il faut changer pour réellement avoir le choix de ne pas aller collectivement dans le mur, on ne fait que propager et reproduire notre propre aliénation à la marchandise.

    #distributeur-prospectus #anti-travail

    • Par rapport aux « boulots de merde » de Brygo (ou « bullshit jobs » de Graeber), un point qu’il cherche à faire comprendre, il me semble, c’est que justement il y a plus ou moins un consensus pour dire que ce type de boulot est négatif (pour l’environnement, et souvent pour les salariés), mais que de nombreux autres devraient l’être tout autant, pour deux raisons différentes, qui ne se situent pas au même niveau :
      – de nombreux métiers valorisés socialement (à cause du niveau d’étude entre autre), sont tout aussi négatifs pour la société, comme développeur informatique ou installeur de logiciels ERP, si le but est d’augmenter la productivité des gens dans une entreprise par exemple, c’est participer pleinement à l’un des cœurs du fonctionnement capitaliste : produire toujours plus, toujours plus vite, pour faire plus de marge, même si ça abime des gens en bout de chaine
      – dans le capitalisme tout travail devrait être reconnu comme négatif quelque soit son but, car tout travail est une vente de son temps contre de l’argent, même dans les activités « gentilles » (soigner des gens, fabriquer des jouets en bois, être journaliste à CQFD…)

    • merci aussi @deun pour ton texte

      Je croise pas mal de personnes, assez jeunes pour la plupart, qui disent choisir de vivre en squats parce qu’elles considèrent que payer pour se loger, boire de l’eau, s’éclairer est une aberration sociale et environnementale. Je souligne que ces personnes sont jeunes car c’est loin d’être simple de vivre ainsi toute une vie.
      Le gain financier du travail (et son augmentation prévue lors d’une « carrière ») nous rassure en nous exemptant de la culpabilité d’être des « parasites de la société ». Il permet également de lever la culpabilité de consommer des produits aussi terrifiants que des SUV ou des carottes râpées sous barquette plastique, devenus l’absurde compensation symbolique du travail.
      Nous nous permettons cet égoïsme sordide parce que nos modes de représentation politique (vivre ensemble) ont été totalement remodelés de manière à nous enjoindre de nous conformer à un modèle de réussite individuelle si bien intégré que nous ne savons plus vivre ensemble. Jusqu’à nous faire croire que la roue soit disant collective qui va de plus en plus vite dans le ravin que nous poussons à force de travail est la seule et unique à être valorisable.

      Une vieille amie chinoise me disait que nous ne connaissons pas notre chance de pouvoir passer notre journée à déprimer alors qu’ailleurs, la journée est par nécessité consacrée à trouver à manger. Ici, en Europe, nous ne travaillons plus que pour maintenir le décor en place : des pantins à l’assemblée nationale aux ordres des maitres du monde maintenus par des imbéciles qui veulent occuper leur journée.

      Pour ce qui est des déprimé·es, de plus en plus nombreux, et ceux qui craquent psychologiquement du travail sous toute ses formes, le pire est sûrement quand il faut revenir à la place attribuée, être lâche à nouveau, avoir peur de se défendre des exploiteurs ou de se retrouver à vivre en squatt.

    • @rastapopoulos

      Concernant ceci, est-ce la position des auteurs du livre « Boulots de merde » de Brygo et Cyran ? Je suis curieux de savoir comment ils la justifient si c’est le cas.

      dans le capitalisme tout travail devrait être reconnu comme négatif quelque soit son but, car tout travail est une vente de son temps contre de l’argent, même dans les activités « gentilles » (soigner des gens, fabriquer des jouets en bois, être journaliste à CQFD…)

      C’est évidemment ce que je pense aussi. La négativité dont il est question n’est pas dans la dimension concrète du travail rémunéré, mais dans le type de rapport social que ce travail vient actualiser. C’est ce que j’essaie de raconter dans mon autre texte « je travaille et je ne veux pas être payé pour cela ».

    • Ah non non @deun ça c’était mon commentaire de ce que toi tu avais décrit :p , en réponse à @vanderling qui mettait justement un lien vers les boulots de merde de Brygo plus haut. Et donc en disant que ce que toi tu disais allait plutôt à l’encontre de ça, ou tout du moins allait bien plus « profond » car ne se limitait pas à dire que tel ou tel boulot est merdique écolo-socialement, mais que tout le rapport social est pourri.

    • Un autre lien qui apportera peut-être plus de réponse à tes questions @deun
      https://seenthis.net/messages/959382
      Je ne peux pas répondre car je n’ai pas lu ces livres, dans ton autre texte tu conclus par le manque d’une culture de l’insoumission au travail rémunéré. Pour mon cas, je ne me considère pas comme un insoumis mais comme un assisté et un fainéant invétéré suffisamment résistant. Ma liberté n’a pas de prix et j’accepte de vivre de ce que j’aime, c’est-à-dire pas grand-chose. Le sens commun, quand il n’est pas perdu, nous invite à refuser l’adaptation et à tenter de recréer un monde, c’est-à-dire les conditions d’une habitation disait Hannah Arendt. Sauf que là, la maison brûle et qu’il n’y a jamais eu autant de pyromanes. Un autre copain (assisté lui aussi) m’a dit : « Le dernier qui m’a vu travailler est mort et le prochain qui me verra retravailler il est pas né. »

    • ... en tout cas dans l’entreprise de distribution de pub on te fait bien comprendre la logique sociale du « temps socialement nécessaire » où la norme pour être payé pour son temps de travail c’est d’atteindre la vitesse de la personne la plus performante. (Et il me semble qu’avant le système de la badgeuse gps, les gens s’échinaient à finir leur tournée en bien plus d’heures qu’ils étaient payés, et se retrouvaient donc à être payé un 1/2 Smic horaire. Maintenant ce truc de faire travailler les gens à la tâche qui leur a fait perdre des procès au prud’homme n’est pas possible sous cette forme. Mais ça revient sous une autre, par exemple en appliquant des pénalités appelées « écrêtage » sur les tournées où le logiciel a détectée des « anomalies », comme par exemple des tournées incomplètes dans le temps dit « théorique » payé au distributeur).

      Ceci dit j’ai observé la même logique dans un bureau d’étude technique employant des dessinateurs bac+2 : le chef du machin dimensionnait les tâches en fonction du plus performant, et il trouvait normal que le débutant passe des heures non payées le temps d’atteindre l’objectif. En fait tout le monde trouvait ça normal et c’est normal parce que c’est la logique capitaliste.

  • La Russie veut interdire aux étrangers de recourir à ses mères porteuses La Tribune - Reuters
    https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KCN2NA1U7/la-russie-veut-interdire-aux-etrangers-de-recourir-a-ses-meres-porteuses.h

    Les députés russes ont approuvé mardi en première lecture un texte de loi visant à interdire aux étrangers de recourir aux mères porteuses en Russie, un projet visant implicitement les Occidentaux sur fond de guerre en Ukraine.

    Le recours à des mères porteuses rémunérées est légal en Russie même si cette pratique est critiquée par des organisations religieuses qui la considèrent comme une commercialisation de la procréation.

    L’un des rédacteurs du texte, adopté à la quasi-unanimité en première lecture, a déclaré qu’une telle législation était nécessaire pour mettre les enfants nés en Russie à l’abri du danger.


    (Crédits photo : Pavel Mikheyev)
    Elu de Russie unie, le parti majoritaire soutenant le président Vladimir Poutine, Vassili Piskariov a déclaré qu’en l’état actuel de la loi, « nous ne pouvons pas suivre le destin d’un seul bébé ».

    « Nous ne savons pas qui sont leurs parents, leurs prétendus ’père’ et ’mère’ ni pourquoi ils achètent un bébé », a déclaré l’élu à la Douma, estimant qu’environ 40.000 enfants nés en Russie de mères porteuses avaient quitté le pays pour être élevés par des étrangers.

    « Pourquoi devrions-nous dépenser notre argent pour résoudre les problèmes démographiques d’autres pays ? » a-t-il ajouté, proposant que les bébés nés de mères porteuses en Russie obtiennent automatiquement la nationalité russe « afin de pouvoir connaître leur destin ».

    Pour entrer en vigueur, le texte doit encore être adopté à l’issue de deux autres lectures à la Douma, puis être examiné par le Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement, et être promulgué par Vladimir Poutine.

     #gpa #fric #pma #femmes #reproduction #critique_techno #marchandisation #nécrotechnologies #gestation_pour_autrui #libéralisme #maternité #exploitation #marchandise

  • La #marchandisation des #frontières - Comment la #militarisation de l’UE alimente les réseaux de trafic entre l’#Afrique_du_Nord et l’#Espagne

    Ces dernières années ont été marquées par de très nombreuses traversées du nord du Maroc vers le sud et vers le Sahara occidental. De manière concomitante, les personnes impliquées dans les trafics illégaux ont également étendu leurs réseaux vers le sud. Cependant, ce changement n’est pas seulement d’ordre géographique mais aussi, et de manière substantielle, de nature. Jusqu’en 2019, où la militarisation des frontières du nord a atteint un pic, les traversées était organisées de manière relativement décentralisée ou collective : un groupe d’ami·es se rassemblait pour acheter un canot pneumatique pour traverser le détroit de Gibraltar, ou bien des groupes plus importants organisaient le passage des barrières de Ceuta et Melilla. L’hyper sécurisation des frontières du nord, orchestrée par l’Union européenne, a privé les voyageur·ses de ces modes d’organisation horizontaux. Désormais, ils doivent compter sur des réseaux de trafic de plus en plus centralisés. Ainsi, cette militarisation a non seulement favorisé des organisations qui sont plus verticales, mais elle a aussi diminué le nombre d’itinéraires possibles pour les voyageur·ses. Cela débouche sur une demande accrue vers une offre réduite d’itinéraires, et, en conséquence le marché est inondé de services de maigre qualité : des voyages avec un mauvais équipement ou dans des conditions météo dangereuses. Ce qui augmente le taux de décès. Ce phénomène est illustré, entre autres, par la prévalence actuelle des canots pneumatiques sur la route de l’Atlantique. Les membres d’Alarm Phone Maroc signalent également la hausse du prix d’un voyage, qui est passée d’environ 200 à plusieurs milliers d’euros, voire jusqu’à 5000 euros. Le fait que des personnes soient prêtes à payer ces sommes est révélateur autant de leur désespoir que de l’absurdité du discours de l’Union européenne : qui choisirait de payer 2000 euros s’iel pouvait avoir un visa pour 200 euros, soit un dixième ? Ces personnes ne « choisissent » pas de payer des passeurs – iels n’ont pas d’autre solution.

    Une autre représentation erronée est celle selon laquelle le cœur du problème serait les « passeurs ». Comme le montre cette analyse sur plusieurs régions, ce type de trafic des frontières ne serait pas possible sans une corruption d’état bien enracinée. Il faut donner de l’argent à des auxiliaires de police marocains qui patrouillent le long de la côte. Pour certaines traversées (notamment, les dénommés « Voyages VIP »), des personnes de la Marine marocaine sont payées pour ne pas faire d’interception. Des fonctionnaires espagnols, également, ont la réputation de recevoir de l’argent en sous-main, en particulier aux frontières des enclaves de Ceuta et Mellila – secteur où le trafic a quasiment disparu ces deux dernières années car le Covid-19 a provoqué la fermeture des frontières terrestres. Les réseaux du trafic s’étendent de chaque côté des frontières. Ils impliquent la population locale, des entreprises et les autorités sur les deux rives de la Méditerranée. Et n’oublions pas que le principal bénéficiaire du trafic aux frontières a toujours été et sera toujours l’économie europénne. Sans la main-d’œuvre bon marché des exilé·es, qui cultiverait les champs au sud de l’Europe, qui nettoierait les toilettes, qui garnirait les rayons des entrepôts ?

    Aussi, à Alarm Phone, nous faisons une analyse plus nuancée des « passeurs » et de leur rôle. Au fil des ans, nous avons rencontré des personnes très différentes impliquées dans le trafic aux frontières : celles qui gagnent de l’argent en organisant des voyages en bateau parce qu’elles n’ont pas d’autre source de revenus stables, celles qui organisent même gratuitement des voyages par bateau pour des personnes vulnérables (par exemple des femmes et des enfants), mais aussi celles qui exploitent avec brutalité les besoins d’autrui pour s’enrichir. Voici pourquoi nous utilisons des termes plus nuancés que celui de « passeurs ». Dans les communautés des voyageur·ses, les organisateurs sont appelés « Chairman ». En effet, il s’agit souvent de personnes qui, outre leur rôle d’organisateurs, jouissent d’une forte reconnaissance au sein de leur communauté, et gèrent une sorte d’agence de voyage. Ce sont bien des trafiquants, et nous n’hésiterions pas à les nommer ainsi et à dénoncer des pratiques d’exploitation si nous les rencontrions. Mais il y a toujours eu des agents de voyage qui font de leur mieux pour offrir un service indispensable. C’est pourquoi nous utilisons dans ce rapport les trois désignations (trafiquant, agent de voyage, Chairman), selon le contexte.

    Le rapport qui suit met en évidence le fonctionnement du trafic des frontières dans différentes régions en Méditerranée occidentale et sur la route Atlantique. Nous espérons qu’il montrera comment le vrai problème du commerce des frontières ne réside pas dans les trafiquants individuels et les agents de voyage. Si le commerce des frontières est florissant, c’est lié à deux facteurs étroitement associés, a) des politiques frontalières racistes de l’Union européenne, qui ne permet pas d’itinéraire légal, militarise les frontières et pousse les migrant·es à avoir recours à des réseaux centralisés et souvent basés sur l’exploitation, b) les structures capitalistes qui permettent aux fonctionnaires d’état et aux populations locales de s’enrichir et aux économies européennes de prospérer.
    2 Nouvelles des régions
    2.1 La Route de l’Atlantique
    Le commerce des frontières entre le Sahara occidental, le Maroc et les Îles Canaries.

    Au cours des dernières années, le commerce sur la Route de l’Atlantique a explosé. C’est une conséquence directe de la fermeture des itinéraires plus au nord. Les trafiquants et les agents de voyage qui auparavant travaillaient dans le nord se sont désormais installés dans le Sahara occidental : « Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de “Chairmans” qu’en 2019. En raison des gros changements à Tanger et Nador, les Chairmans qui y travaillaient sont maintenant ici [au Sahara occidental] et des intermédiaires sont eux aussi devenus des Chairmans, explique A. d’Alarm Phone Maroc.

    Ces trafiquants et ces agents de voyage ont également déplacé leurs réseaux de recrutement. De nombreux passagers qui quittent le Sahara occidental ou le sud du Maroc n’y vivent pas, en fait : iels sont dans des camps et des quartiers habités par des migrant·es, à Tanger, Casablanca, Nador, etc. et ne se déplacent vers le sud que quelques jours avant leur départ. Le recrutement pour les passages se fait de bouche à oreille. En général, ce sont des Sub-saharien·nes fraîchement arrivé·es en avion de leur pays d’origine, des personnes vivant dans les villes mentionnées ci-dessus, ou bien des voyageur·ses marocains, surtout ceux et celles des régions les plus pauvres. Les trafiquants et les agents de voyage,quant à eux, ne vivent pas non plus près des lieux de départ, mais résident ailleurs.

    Le pic énorme de la demande, depuis 2020, a provoqué une forte hausse des bénéfices des trafiquants. Lors d’un entretien exceptionellement accordé au journal La Vanguardia, un agent de voyage marocain nous a dit qu’il gagnait € 70 000 en deux mois seulement. L’augmentation de la demande, cependant, a également pour conséquence la vente par des opérateurs douteux de services d’une qualité encore inférieure à ceux qui sont sur le marché, et qui sont déjà peu adéquats et dangereux. Comme l’explique B., militant d’Alarm Phone, « en même temps, les passagers sont plus souvent plumés par des organisations malhonnêtes, et ces voyages mal préparés provoque de nombreux décès et la disparition de bateaux ».

    Selon un agent de voyage, il faut verser environ €20 000 par voyage pour le carburant et l’équipement, alors que celui-ci doit être fourni par les agents de voyage (bateau en bois, coque en fibre ou en aluminium, dispositif de navigation, etc.). Il faut souvent y ajouter €10 000 pour la corruption de fonctionnaires. A., militant de Laayoune, explique comment les trafiquants collaborent avec des autorités de l’état susceptibles d’être corrompues :

    « Les bateaux qui partent d’ici, Laayoune ou Tarfaya, vous devez payer les garde-côtes, la police militaire. Si vous ne le faites pas, vous ne pouvez pas trouver un lieu de départ, puisqu’il y a un poste de contrôle tous les deux kilomètres. Les Marocains qui travaillent avec les trafiquants [sub-sahariens] vont s’arranger pour que les policiers soient payés et donc ne regardent pas quand des migrants embarquent ».

    Ceux et celles qui peuvent payer plus, pour ce qu’on appelle un voyage VIP (en général entre € 3000 et € 5000), peuvent embarquer pour une traversée grâce à des « cadeaux » plus importants, et éviter ainsi d’être interceptés non seulement près des côtes mais aussi plus loin en mer. Le voyageur ou la voyageuse ordinaire paye habituellement entre € 2000 et € 2500 pour une place sur un bateau. S’iel veut acheter plusieurs essais en un seul paiement (la version dite « garantie », le prix est plus élevé, € 3000 ou plus.

    En outre, le réseau de corruption entre les trafiquants bien rémunérés et des fonctionnaires est dense, et s’étend bien au-delà des départs de bateau. Quand des trafiquants sont arrêtés, ils encourent en général une peine entre 5 et 20 ans de prison. Mais la règle est différente pour les riches. Les trafiquants peuvent verser un gros “cadeau” et quitter la prison après quelques mois seulement. Cela signifie que les agents de voyage qui purgent vraiment leur peine de prison ne sont le plus souvent que du menu fretin. Il est intéressant de noter ce que l’agent de voyage de Dakhla interviewé par La Vanguardia en dit :

    « Pour la police et pour nous, les « trafiquants », la migration est intéressante. Nous gagnons de l’argent ensemble. Tous les deux ou trois mois, ils arrêtent un trafiquant pour montrer qu’ils font leur travail, mais je n’ai pas peur, j’ai de bons contacts ».

    Bien sûr, ces réseaux ne se limitent pas à la police (militaire) et aux trafiquants. Récemment un salarié de Caritas Meknès a été accusé d’avoir participé au trafic et d’avoir reçu sur son compte en banque personnel de substantielles sommes d’argent au cours des dernières années. Inutile de le préciser, la corruption flambe des deux côtés de la Méditerranée, avec des résidents locaux qui font partie des réseaux de trafic actifs dans les Îles Canaries. Ceci est bien illustré par le cas des bateaux et des moteurs abandonnés dans le port d’Arguineguin, Grandes Canaries. Une fois que les bateaux ont été remorqués au port par Salvamento Maritimo, les moteurs et le carburant sont volés et revendus pour € 300, puis ré-exportés vers la Mauritanie et le Sénégal par des petites entreprises espagnoles, par exemple des sociétés de matériel électronique, puis revendus dans les pays de départ jusqu’à €4000. Début octobre, un réseau de ce type, qui impliquait des travailleurs locaux du port d’Arguineguin ainsi que des habitants des villes voisines a été démantelé par les autorités espagnoles, lors de la découverte d’un conteneur avec 52 moteurs. Pendant longtemps, les autorités locales ne se sont pas préoccupées de ces bateaux et moteurs abandonnées, et ont laissé s’installer une espèce de cimetière de bateaux. L’automne dernier, le Ministre de l’intérieur a sous-traité avec une société la destruction de ces bateaux. Depuis, un peu plus 100 de ces bateaux ont été détruits pour la somme de € 60 000.

    Si nous abordons le commerce des frontières sur la route de l’Atlantique, nous ne pouvons pas ignorer les bateaux qui transportent de la drogue. Ils représentent une part très lucrative du modèle économique associé aux réseaux de trafic au Maroc et en Espagne. Ces navires, cependant, qui arrivent en général à Lanzarote, ne contactent jamais Alarm Phone : en conséquence, nous ne les intégrerons pas dans cette analyse.
    Traversées & Sauvetages : un mur invisible en Atlantique

    Cette nouvelle année a vu une augmentation supplémentaire des traversées et des arrivées. En tout, pour la région Ouest Méditerranée et Atlantique, 7430 personnes ont réussi à traverser en janvier et février. Pour mémoire, il y a eu 3915 arrivées sur la même période en 2021. Ce bond des arrivées est encore plus net sur la Route des Canaries, où l’arrivée de 5604 personnes, jusqu’à maintenant pour cette année, constitue une hausse de 119% par rapport aux deux premiers mois de 2021.

    Comme ces chiffres le montrent, les voyages jusqu’aux Îles Canaries représentent 3/4 de toutes les arrivées en Espagne. La route de l’Atlantique est toujours l’itinéraire le plus meurtrier vers l’Europe, avec une estimation de plus de 4404 décès et personnes disparues en 2021, selon le collectif Caminando Fronteras. Des naufrages importants continuent à se produire, pour les mêmes raisons que nous avons expliquées en détail dans nos rapports précédents. Par exemple, des bateaux se perdent en mer et disparaissent complètement (comme les 52 personnes qui ont quitté Tarfaya le 4 janvier ou les 60 personnes qui sont également parties la première semaine de janvier) ou par chance, sont secourus dans des lieux très éloignés (par exemple le bateau gambien avec 105 survivants et 17 décès, qui a été secouru à 800 km au sud des Canaries après 19 jours en mer en décembre ou les 34 personnes qui ont quitté Dakhla le 3 novembre, dont seulement 20 ont survécu aux trois semaines en mer). Une autre raison est que de nombreux bateaux rencontrent des problèmes peu après avoir quitté les côtes marocaines ou sahariennes. Ceci tient au choix des organisateurs, qui utilisent du matériel défectueux ou tout simplement ne prennent pas en compte les conditions météo. Par exemple, nous voyons de nombreux cas de canots pneumatiques percés ou de pannes de moteur.

    Ces deux problèmes sont liés à l’indifférence des autorités. Dans plusieurs cas, Alarm Phone a alerté les autorités marocaines rapidement, mais les opérations de secours ont été retardées de plusieurs heures avec pour conséquence de terribles tragédies. Nous portons le deuil des 45 personnes (43 par noyades, 2 à l’hôpital) lorsque la marine marocaine n’a pas réagi au naufrage de 53 personnes le 16 janvier et celui des quatre personnes que l’on a laissé se noyer le 6 février, parce que MRCC Madrid a délégué la responsabilité du sauvetage à Rabat, qui ne l’a pas organisé assez tôt.

    Ce cas met en évidence une orientation politique très troublante concernant l’Atlantique : la création d’un mur invisible en mer. Alarm Phone constate une tendance : de plus en plus d’opérations SAR sont déléguées aux autorités marocaines, bien que les bateaux soient dans la zone de chevauchement des deux zones SAR. En considérant que les bateaux qui relèvent à la fois de la responsabilité des autorités espagnoles et marocaines sont le problème de Rabat, l’état espagnol, en fait, applique une politique d’interception « où cela est possible ». Ceci peut être une réaction à la hausse du stock de téléphones satellites des agents de voyage. Depuis l’été dernier, de plus en plus de bateaux en ont été équipés. Avec un téléphone satellitte, les voyageur·ses en mer peuvent appeler les autorités et Alarm Phone et donner leur position GPS exacte. Cependant, dans plusieurs cas, quand la position GPS donnée est dans la zone SAR dont le Maroc revendique aussi la responsabilité dans le cadre de leur occupation du Sahara Occidental, des interceptions ont été organisées conjointement par les autorités espagnoles et marocaines.

    La création de ce mur invisible n’est pas la seule évolution inquiétante. La route de l’Atlantique est également en train de s’étendre vers le nord. Certaines communautés marocaines ont commencé à organiser des départs depuis des villes aussi lointaines qu’Al Jadida (près de Casablanca). Cela représente un voyage de 650 km vers le sud jusqu’à Lanzarote. De même, pendant cette période, certains sauvetages ont eu lieu très au nord des Canaries, comme celui de 35 personnes à 210 km au nord-est de Lanzarote, le 18 janvier.

    Les bateaux partent également toujours de plus loin au sud, mais moins souvent qu’à la fin de 2020. En 2021, 55% de tous les bateaux qui sont arrivés aux îles Canaries étaient partis du Sahara occidental, 26% du sud du Maroc, par exemple de Tan-Tan ou Guelmim. Cela correspond également à une baisse du pourcentage des voyages en provenance des pays du Sud. Maintenant, seulement un cinquième de toutes les arrivées sont des bateaux partant de la Mauritanie, de la Gambie, du Sénégal. La plupart des départs se font entre Boujdour et Tan-Tan, ce qui explique la très forte proportion d’arrivées vers la partie est des îles Canaries. Lanzarote, Fuerteventura et Gran Canaria reçoivent la quasi-totalité des arrivées. La moitié des voyageur·ses sont des ressortissant·es marocain·es, suivie par la Guinée, le Sénégal, la Côte d’Ivoire. Pour les voyageur·ses marocain·es, les expulsions ont repris après la réouverture des frontières par le Maroc début février.

    Les services d’accueil à Lanzarote sont connus pour être saturés. L’acheminement d’un plus grand nombre de bateaux secourus vers le port d’Arguineguin, à Gran Canaria, et le transfert des migrant·es vers Fuerteventura ne changent pas faire grand-chose à la situation. Jusqu’à très récemment, à leur arrivée dans le port d’Arrecife, les voyageur·ses étaient conduit·es dans un bâtiment industriel situé à quelques kilomètres de la ville et se voyaient attribuer un espace dans cet ancien entrepôt industriel. Les gens étaient retenus pour en quarantaine pendant 72 heures, et testés pour le Covid-19. Les conditions de détention étaient inhumaines : pas de lits convenables, pas d’intimité, pas de douches et pas d’espace sécurisé pour les mineur·es et les femmes. Des militant·es et des défenseur·ses des droits de l’homme ont fait campagne contre la “nave de la vergüenza“, l’”entrepôt de la honte”, et se sont plaints des conditions inhumaines auprès des autorités et d’un médiateur, qui ont à leur tour demandé la fermeture de cet espace. Au moment où nous finalisions ce rapport, le ministère de l’Intérieur a annoncé que la “nef” avait été vidée et que les nouveaux·elles arrivant·es seraient conduit·es au centre d’hébergement temporaire (CETI en espagnol) situé juste en face. Reste à savoir si cela se traduira par un changement significatif et un hébergement décent.

    2.2 Tanger, Ceuta et le détroit de Gibraltar : Une diminution des départs

    L’augmentation des traversées vers les îles Canaries s’est accompagnée d’une diminution des tentatives depuis Tanger, une route autrefois très fréquentée. Il y a environ 5 ans, tous les un ou deux mois, on entendait encore parler de Boza (arrivée) de 1 à 2 bateaux. Mais depuis le Covid-19 et, ajouté à cela, la fermeture des frontières, on n’entend plus beaucoup parler de Boza à Tanger.

    Sur la période de ce rapport, Alarm Phone n’a observé que 3 cas autour de Tanger. Le 5 novembre, sept personnes en détresse à l’Est de Tanger sont rentrées au Maroc de manière autonome. Le 9 novembre, un bateau avec 13 personnes à bord (dont 1 femme) a été intercepté par la Marine Royale, et le 12 décembre, 3 autres personnes ont été interceptées. Le seul cas du début de l’année 2022 s’est cependant avéré être un Boza. Le 10 janvier, Alarm Phone a été informé que 3 personnes étaient parties de Fnideq, près de Ceuta, dans un kayak en plastique. De l’eau pénétrait dans l’embarcation. Alarm Phone a informé les autorités mais a perdu le contact avec le bateau. Le lendemain, le syndicat CGT Salvamento Maritimo a annoncé que trois Marocains avaient été secourus et emmenés à Algeciras.

    L’une des principales raisons de la rareté des départs et de la rareté encore plus grande des réussites réside dans le fait que les autorités marocaines ont renforcé la sécurité et intensifié la militarisation de la frontière. Les personnes subsahariennes en exil vivent dans un état d’insécurité au Maroc car les attaques contre les personnes perçues comme migrant·es sont fréquentes. K., militant·e d’Alarm Phone à Tanger, rapporte :

    “La vie quotidienne est pleine de problèmes et vous êtes soumis à une répression massive. Les violations quotidiennes des droits de l’homme et les arrestations arbitraires vous laissent dans un état constant de panique ou d’anxiété. Mais la réalité est que, même face à toutes ces politiques, les gens ne désespèrent pas et cherchent toujours des moyens de voyager, mais la situation devient de plus en plus difficile pour les personnes en déplacement”.

    Cela entraîne une perte d’espoir et pousse de nombreuses personnes à se rendre à Laayoune, où les attaques et les arrestations ne sont pas aussi fréquentes et où il est encore possible d’effectuer la traversée.

    Les Marocain·es travaillant dans les associations qui organisent la continuité des voyages dans le nord du pays ne sont plus très actif·ves, en raison du renforcement de la sécurité et de la militarisation des frontières. Dans le Nord, ce ne sont plus que des petits groupes de personnes qui organisent le voyage, peut-être en raison d’un manque de demande. Parfois, ceux qui tentent de passer en Europe sont interceptés par la Force Auxiliaire (police militaire) sur terre ou par la Marine Royale en mer. Lorsque des personnes sont en détresse ou en danger en mer, la Marine Royale est contactée, mais il arrive souvent qu’elle n’arrive pas à temps.

    Des personnes en exil à Tanger nous ont dit que les prix pour les voyages depuis le Nord-Ouest sont variables, mais il est évident que la militarisation de la région a entraîné une augmentation massive des prix, et la professionnalisation du commerce frontalier. Pour les petits bateaux auto-organisés, chaque personne contribue entre 150 et 250 euros, mais le prix peut atteindre 500 à 750 euros. Les prix dépendent de la taille et de la qualité du matériel. Mais en raison de la militarisation massive de la zone frontalière de Tanger, il est désormais presque impossible d’organiser des voyages entre ami·es. Les gens continuent à faire la traversée, mais, en raison de l’augmentation de la surveillance des frontières, les voyageur·ses sont devenu·es dépendant·es de structures centralisées et paient entre 4000 et 6000 € pour le voyage. Ce prix est exorbitant, et montre que non seulement les voyageur·ses doivent rassembler eux-mêmes des sommes importantes, mais aussi qu’il permet à toutes les personnes impliquées dans ce trafic de réaliser de gros profits. Le prix représente un bon salaire pour les trafiquants, bien sûr, mais ils ne sont pas les seuls à en tirer profit. Lorsqu’il s’agit de corrompre la Marine Royale, pour les grands groupes, les chiffres sont énormes. Les chiffres qui nous ont été rapportés sont de l’ordre de 30 000 à 50 000 € pour les bateaux à moteur, mais les pots-de-vin peuvent atteindre 70 000 à 100 000 €.

    Il est clair que les gains réalisés grâce à cette augmentation absurde de l’action de l’armée et de la police se font au détriment des voyageurs : “C’est un non-sens absolu. C’est devenu un gagne-pain pour de nombreuses personnes. L’UE et le Maroc ont fait de l’exil un commerce vraiment rentable” commente K. de Tanger.
    2.3 Nord-est du Maroc : La répression continue dans la région de Nador

    Les forêts autour de Nador restent soumises à de fréquentes descentes de police, à la répression de l’État et à la violence envers les personnes Noires. Dans le cadre de cette répression, de nombreux·ses intermédiaires subsaharien·nes ont été arrêté·es ces dernières années.

    Les conditions de vie dans les camps sont loin d’être sûres. Le 24 janvier, elles ont entraîné la mort de 3 enfants. Ils sont morts étouffés après que leur abri de fortune en bâche ait pris feu dans la forêt de Gourougou (nord-ouest du Cimetière Sidi Salem, Nador). Leur mère, Happiness Johans, est décédée à l’hôpital quelques jours plus tard. En réaction, l’AMDH Nador a écrit une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur pour demander que les personnes en exil soient autorisé·es à louer des maisons à Nador.

    Nador est non seulement un point de rassemblement pour les communautés de voyageur·ses subsaharien.nes, mais aussi un point de départ pour les ressortissant·es marocain·es qui se rendent en Espagne. Ils et elles souffrent également de la répression. Les arrestations et les expulsions inhumaines de mineur·es marocain·es à Nador continuent. L’AMDH de Nador rapporte que le 1er janvier, près de 80 mineur.es et jeunes non accompagné·es ont été embarqué·es de force dans des bus et emmené.es à Casablanca. Aucun·e d’entre eux·elles n’était originaire de cette ville.

    Les ressortissant·es marocain·es continuent de se rendre en Espagne continentale par voie maritime, mais ils et elles s’organisent très différemment des voyageur·ses subsaharien·nes. La région du Rif ne fait pas exception. Plutôt que des équipes professionnelles, ce sont des ami·es qui se réunissent pour planifier et organiser la traversée. Ils et elles mettent en commun leurs ressources pour obtenir l’équipement nécessaire et, dans certains cas, pour soudoyer les officiers militaires qui surveillent les zones de départ. Les ami·es et les membres de la famille peuvent également fournir un soutien matériel pour le voyage. Comme nous ne disposons pas d’autres informations concrètes sur la manière dont les ressortissant·es marocain·es parviennent à surmonter le système frontalier, et de même pour d’autres communautés, par exemple les ressortissant·es syrien·nes et yéménites, nous pouvons seulement décrire la manière dont les voyageur·ses subsaharien·nes passent par Nador.
    Le commerce frontalier autour de Nador : Les prix ont augmenté de façon spectaculaire

    Le système établi autour du passage vers l’Europe via Nador a connu des changements fondamentaux au fil des ans. Les prix ont augmenté de façon spectaculaire pour les voyages à partir de cette région. Un membre local d’Alarm Phone, qui vit dans les forêts de Nador depuis 2001, se souvient que jusqu’en 2010, on pouvait obtenir une place dans un bateau pour seulement 300 €. Puis, entre 2010 et 2014, un nouveau système a vu le jour dans les forêts : le système “garantie” Les gens voyagent désormais avec “garantie”. Ils et elles effectuent un paiement unique plus élevé, mais sont assuré·es d’avoir autant de tentatives de traversée qu’il en faut pour atteindre l’Europe. Il s’agit peut-être d’une réponse aux taux d’interceptions élevés, tant sur terre que sur mer. Il faut désormais souvent plusieurs tentatives pour réussir la traversée. Le prix de la “garantie” est passé à 1500 euros. Vers 2018, les prix sont montés jusqu’à 3 500 € et, pour une femme avec des enfants, jusqu’à 4 500 €.

    Pour comprendre comment les prix sont déterminés dans les forêts, il faut savoir que les négociations se font par le biais d’intermédiaires au sein des communautés subsahariennes. Ces intermédiaires rencontrent régulièrement les président·es des différentes communautés subsahariennes. Ils travaillent également avec des organisateur·ices de départs marocain·es. L’agent·e marocain·e demande aux intermédiaires une somme par tête pour organiser les bateaux. Cette somme est payée par le ou la futur·e passager·e, qui doit également verser une commission à l’intermédiaire.

    L’agent·e et l’intermédiaire négocient le prix par tête. Les voyageur·ses uni·es pourraient exercer une grande influence sur les agent·es dans ces négociations, car les Marocain·es n’ont aucun autre lien avec leurs client·es potentiel·les. Mais la loi de l’offre et de la demande favorise les trafiquant·es. Les possibilités de voyage, les places dans les canots pneumatiques, se font rares depuis quelques années maintenant et certaines communautés subsahariennes ont accepté de payer des sommes plus élevées aux trafiquant·es marocain·es afin de s’assurer une place. Cela a entraîné une hausse des prix au niveau mondial. Il s’agit d’une activité très rentable pour les agents de voyage.

    Nous savons que, face aux hausses de prix exorbitantes, les communautés ont tenté d’organiser elles-mêmes leurs voyages afin d’exercer une pression pour faire baisser les prix. Néanmoins, contrairement à la situation d’un Etat où la loi aurait permis à un syndicat de maintenir les prix à un niveau abordable, la criminalisation du commerce a mis les acheteur.euses à la merci d’un marché absolument non réglementé. Dans un contexte où le client se voit menacé de ne pas partir ou d’être tabassé s’il ne règle pas le montant d’avance, c’est le vendeur qui détient tout le pouvoir. Il n’est pas surprenant que des tentatives de négociations collectives au sein de groupes de client.es disparates aient échoué. Aujourd’hui, un.e candidat.e à la traversée est susceptible de payer jusqu’à 2600 euros d’avance au passeur et 900 euros à l’intermédiaire pour une place dans un bateau, aux côtés de 59 autres voyageur.euses.

    Les chefs des communautés ainsi que les intermédiaires ont toujours eu accès à une liste de personnes vivant dans les forêts et n’ayant pas les moyens de payer pour le voyage, c’est-à-dire souvent des mères seules, mais aussi d’autres personnes n’étant pas en mesure de rassembler assez d’argent. Les chefs notent également les noms de “celles et ceux qui ne posent pas problème” dans les camps, c’est-à-dire des personnes qui suivent les codes et les règles destinées à assurer la sécurité de la communauté dans ces camps. Progressivement, au fil des années, des places gratuites ont été libérées pour ces personnes à bord des bateaux. Les prix ayant aujourd’hui atteint de tels montants, pouvant aller jusqu’à 3500 euros pour une place, cette forme de solidarité n’est plus réalisable. La situation des personnes sans moyens financiers est désormais sans espoir. L’unique moyen qu’il leur reste d’atteindre l’Espagne est de passer par-dessus les barrières de Melilla – option qui, mises à part quelques rares exceptions, n’est envisageable que pour des hommes.

    Autour de Noël et du Nouvel An, de nombreuses tentatives collectives pour franchir les barrières de Melilla ont eu lieu. Ces tentatives ont été reçues violemment par les autorités espagnoles et marocaines. D’après le Ministre des affaires étrangères espagnol, plus de 1000 personnes ayant essayé de franchir les barrières de Ceuta et de Melilla ont été interceptées dans cette courte période. Les barrières frontalières de Melilla sont de plus en plus militarisées. La présence d’unités militaires armées y est désormais permanente. Néanmoins, le 2 mars, alors que nous rédigions le présent rapport, 2500 personnes sont parvenues à organiser une tentative pour franchir ces barrières. 500 d’entre elles environ ont réussi à rejoindre Melilla. C’est un énorme Boza. En terme d’arrivées, il s’agit de l’une des tentatives les plus fructueuses aux frontières de Melilla. Bienvenue en Espagne !
    Les cas Alarm Phone de ces derniers mois : 27 personnes ont disparu sans laisser de traces

    Pendant la période que couvre ce rapport, 16 embarcations en partance du Nord-Est du Maroc ont contacté l’Alarm Phone. 7 des 8 bateaux partis en novembre et en décembre entre Temsamane/Al Hoceïma et Nador sont bien arrivés à Motríl et à Almería. Seul un bateau, transportant 15 personnes, a été intercepté par la Marine Royale. Durant la toute première semaine de janvier, Alarm Phone a été impliqué dans deux cas : un bateau parti de Tazaghine a dû retourner au Maroc, un autre, parti de Nador avec 13 personnes à son bord, a été secouru jusqu’à Almería.

    Le 8 janvier, on informe Alarm Phone qu’un bateau transportant environ 36 personnes est parti de Nador pendant la nuit. Le MRCC Rabat confirmera plus tard l’interception du bateau. Nous déplorons le fait qu’une autre embarcation, ainsi que les 27 personnes qui étaient à son bord, parties de Nador quelques heures seulement après la première, aient disparu sans laisser de traces​​​​​​​. 9 des passager.es étaient des femmes.

    En février, deux bateaux qui avaient contacté Alarm Phone après leur départ d’Al Hoceïma ont été secourus et amenés en Espagne. Un autre bateau a été intercepté par la Marine Royale. Le 12 février, on informe Alarm Phone de la disparition en mer d’Alborán d’un bateau transportant 7 personnes, après être parti de Bouyafar à l’aube. Ce n’est qu’après deux jours et une grande pression exercée par les proches des passager.es ainsi que par Alarm Phone qu’il a été possible de découvrir que les voyageur.euses avaient été secouru.es, emmené.es à Motril et immédiatement placé.es en détention. Comme nous l’avons tweeté à propos de ce cas, “nous condamnons le silence des autorités qui relève d’un racisme structurel à l’encontre des personnes en mouvement. #LibertéDeMouvement.”
    2.4. Oujda et la frontière algérienne : les traversées deviennent plus dangereuses

    La situation à Oujda et à la frontière entre l’Algérie et le Maroc reste dangereuse et a empiré ces dernières semaines. Les quatre dernières mois ont été le théâtre d’arrestations de personnes, mineur.es y compris, qui mendiaient, ainsi que de refoulements répétés à la frontière.

    Bien des personnes ayant pour volonté de traverser la frontière qui sépare le Maroc de l’Europe doivent d’abord passer par l’Algérie. Puisque cette frontière est fermée depuis longtemps – y compris pour des personnes ayant des documents officiels leur permettant de voyager entre ces deux pays – traverser cette frontière est évidemment très difficile pour des personnes ne bénéficiant pas d’une telle permission. “Difficile” signifie presque toujours que cela coûte cher. Historiquement, les hommes devaient payer entre 150 et 200 euros, parfois même 250 euros, pour pouvoir traverser cette frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc. Les femmes devaient payer entre 300 et 400 euros et les personnes malades et/ou handicapées (physiques) devaient payer 500 euros.

    Le 5 janvier dernier, le Maroc a officiellement établi une zone militaire à la frontière avec l’Algérie. Jusqu’alors, le Maroc était divisé en deux zones militaires, Nord et Sud. La création de cette troisième zone est due au conflit qui n’a cesse de s’intensifier entre le Maroc et l’Algérie. La frontière a été renforcée et équipée tant matériellement qu’en ressources humaines. En conséquence, traverser la frontière est également devenu plus coûteux et, récemment, le nombre de personnes qui la traversent a drastiquement baissé. Les prix ont doublé, voire triplé dans certains cas. Pour des hommes physiquement valides, le prix minimal est désormais de 250 euros, le double pour des femmes, et le triple pour des personnes (physiquement) handicapées ainsi que pour des femmes enceintes. On dit que les prix vont parfois jusqu’à 1000 euros. Ils dépendent des aptitudes physiques, plus particulièrement de la capacité à courir et de l’endurance. Désormais, traverser cette frontière est, en fait, surtout lié au transport de drogues et se fait en coopération avec les forces militaires marocaines qui, en échange, en profitent financièrement. On conseille aux personnes qui traversent d’avoir de l’argent et un smartphone sur elles afin de pouvoir payer leur sortie de prison si elles devaient être découvertes pendant la traversée.

    Les personnes qui souhaitent traverser sont souvent exploitées mais, n’ayant aucune autre option, elles ne peuvent pas l’éviter. Des femmes sont souvent violées dans la zone frontalière et tombent enceintes ou contractent des maladies sexuellement transmissibles. De nombreuses personnes meurent pendant la traversée. D’autres meurent après l’arrivée du fait des épreuves vécues. Cela est particulièrement courant en hiver en raison du manque de vêtements appropriés au climat ou parce qu’elles glissent sur le sol détrempé et tombent dans le fossé inondé de la frontière et s’y noient. Lorsque quelqu’un meurt en traversant la frontière, la personne qui mène le groupe ne peut appeler personne à l’aide sous peine d’être envoyée en prison. Même après la traversée, presque personne n’a le courage de recenser les morts qui ont eu lieu dans la zone frontalière : des personnes disparaissent sans que leur mort n’ait été consignée où que ce soit. Après avoir traversé la frontière, particulièrement en hiver, les personnes souffrent des conséquences physiques de ce parcours dangereux. La traversée peut durer de 2 à 3 jours, mais va parfois jusqu’à une semaine.

    Alors même que traverser la frontière devenait plus dangereux, les conditions de logement des personnes changeaient aussi. Alors qu’auparavant les personnes vivaient en plus grands groupes plus ou moins en auto-gestion, il est aujourd’hui plus courant de louer son propre petit espace dans un appartement bondé. Lorsque la police découvre qu’un grand nombre de personnes habitent dans un même appartement, elle s’y introduit de force et arrête les personnes sans papiers pour les déporter en Algérie en pleine nuit. A la fin de l’année dernière, par exemple, la police a arrêté 20 personnes à leur domicile. Nous avons été informé.es que sept personnes bénéficiant des papiers qu’il fallait ont été relâchées, que sept autres personnes ont été emmenées à la zone frontalière durant la nuit et que trois personnes ont été arrêtées pour privation de liberté et traffic d’êtres humains.

    Le début d’année a vu le nombre de rafles aux domiciles des personnes augmenter. Ces rafles se concentrent au niveau des quartiers habités par les migrant.es : Andalous et Ben Mrah, quartiers où les descentes de police sont de plus en plus fréquentes. En janvier, 16 personnes ont été arrêtées pour privation de liberté à Sidi Yahya, un autre quartier d’Oujda, et sont actuellement poursuivies en justice.

    En conséquence des mesures de contrôle liées au Covid-19, le “pass sanitaire”, l’attestation de vaccination en vigueur au Maroc, a été introduit de sorte que les personnes qui n’en bénéficient pas ne puissent pas faire leurs courses ou utiliser les transports en commun. L’accès au vaccin est variable. Il nous a été rapporté que des personnes sans titre de séjour ont pu être vaccinées au Maroc tant qu’elles étaient en mesure de montrer un passeport en règle. Néanmoins, le pass sanitaire n’est pas accessible à des personnes venant de traverser la frontière algérienne ou pour des personnes n’ayant pas les bons passeports. Cela signifie qu’elles ne peuvent pas voyager facilement. Le coût des transports est doublé, au moins, car les conducteurs cachent les personnes pour échapper aux contrôles.
    2.5. L’Algérie et les départs pour l’Espagne

    La tendance que nous avions remarquée dans les précédents rapports s’est poursuivie dans la période couverte par ce rapport. De novembre 2021 à mars 2022, le nombre de départs de jeunes hommes, de familles et de femmes parties des rives algériennes n’a cessé d’augmenter, en conséquence du retour de bâton du mouvement social de 2019, de la désillusion qui lui a succédée et des difficultés économiques dont la grande majorité de la population algérienne a fait l’épreuve et qui n’ont fait qu’empirer en contexte de pandémie.

    Sur le plan politique, les militant.es et les syndicalistes algérien.nes, ainsi que toute personne ayant été engagée dans le hirak, font toujours face à une répression impressionnante. Récemment, plusieurs organisations et de nombreux individus ont publié une déclaration dénonçant la criminalisation par les autorités algériennes des partis politiques, des syndicats et des bases d’organisations politiques. La répression ne mène pas seulement à l’exil d’un grand nombre de personnes algériennes. Elle rend également difficile l’obtention d’informations sur le terrain concernant la situation des voyageur.euses, car la menace de criminalisation force le silence de nombreux.ses citoyen.nes et militant.es.

    Dans un article publié par le site français Mediapart, un homme algérien résidant en Espagne demande : “Pourquoi on est autant à fuir l’Algérie ?,Tebboune [le président algérien] va se faire soigner en Allemagne et moi, je dois rester mourir ici ?”

    La défaillance du système de santé pousse de nombreuses personnes à quitter le pays. D’après un article du site algérien algeriepartplus, “les ressortissant.es algérien.nes sont les plus nombreux.ses à demander un visa pour avoir accès à un traitement dans les hôpitaux français”.

    Dans cette optique, il n’est pas surprenant que le nombre de départs depuis novembre soit resté très élevé et ait compté quelques pics pendant la période. Par exemple, la période entre le 30 décembre et le 4 janvier a vu le nombre de départs exploser, ce que les médias algériens ont largement documenté. Près de 40 bateaux sont partis de la côte algérienne en direction de la péninsule espagnole. D’expérience, nous savons que le nombre de départs augmente autour des périodes de fêtes nationales (par exemple autour de l’Aïd au Maroc). La Croix Rouge a recensé le passage de 312 personnes à ses bureaux d’Almeria. La moitié d’entre elles était arrivée au cours des 24h précédentes, entre le 31 décembre et le 1er janvier, d’après un article d’Infomigrants.

    Si de nombreux bateaux rejoignent avec succès les côtes espagnoles, bien d’autres ont un destin tragique. D’après l’ONG Caminando Fronteras, pas moins de 169 harragas algériens ont été portés disparus en 2021 et les corps sans vie de 22 d’entre eux ont été retrouvés par le Salvamento Maritimo. Entre le 1er et le 5 janvier, 30 Algérien.nes sont mort.es dans leur tentative pour entrer en Europe. Nos pensées vont, comme toujours, aux familles et aux proches des défunt.es.

    Notre emploi du mot “tragique” ne doit pas dissimuler où est la responsabilité de ces crimes : d’une part, le fait que les structures politiques algériennes n’offrent aucune perspective sociale et économique, d’autre part le refus délibéré des pays européens de permettre une route migratoire régulière ainsi que la militarisation des frontières que ces mêmes pays mettent en place. Combinés, ces facteurs forcent les gens à inventer et à risquer des chemins chaque fois plus dangereux vers un futur vivable.
    Le soutien porté par à Alarm Phone aux Algérien.nes qui voyagent vers l’Espagne

    Ces derniers mois, Alarm Phone a porté assistance à six bateaux partis d’Algérie en direction de l’Espagne (le 5 novembre, le 20 et le 30 décembre, le 11 et le 13 février). L’un d’entre eux transportait 9 personnes parties de Capdur (Béjaïa) le soir du 30 décembre et a finalement échoué sur l’île du Congrès (Espagne). Elles ont été finalement refoulées jusqu’à Nador, au Maroc.

    Les voyageur.euses algérien.nes ne font pas seulement face aux risques en mer. Une fois arrivé.es en Europe, le risque de déportation est désormais de plus en plus grand. A la mi-novembre, une entrevue entre les ministres de l’Intérieur algériens et espagnols a eu pour issue la décision du gouvernement algérien de débloquer l’équivalent de 6,4 millions d’euros pour financer le rapatriement des harragas algériens en 2022. Depuis lors, les déportations ont dramatiquement augmenté. Le 20 février, une trentaine d’Algérien.nes a été déportée d’Espagne vers Oran ou Ghazaouet. Le 1er février déjà avait eu lieu une déportation au cours de laquelle 40 Algérien.nes ont été expulsé.es de force dans le port d’Almeria. D’après l’un de nos contacts à Oran, le risque d’arrestations et de poursuites judiciaires pour les personnes déportées de force vers l’Algérie est très élevé. Cela fait partie intégrante de la dure criminalisation des harragas par l’Etat algérien dont il était déjà question lors d’un précédent rapport. La procédure de déportation ajoute donc un nouveau risque à la liste de ceux que les personnes en mouvement connaissent déjà et nourrit la corruption en Algérie puisque le seul moyen pour les personnes déportées de sortir de prison est de soudoyer quelqu’un.
    Un commerce frontalier florissant

    Il est clair que le déchaînement général et continu des politiques répressives à l’encontre des personnes en mouvement a créé les conditions propices au développement d’un commerce frontalier prolifique géré par des organisations clandestines en constante expansion. Dans un article intitulé “Algérie : Le trafic de migrants vers l’Espagne a généré près de 60 millions d’euros en 2021” Jeune Afrique met en avant une enquête menée en 2021 par la police espagnole montrant que “ces réseaux disposent aujourd’hui d’une flotte de « bateaux-taxis », des embarcations dotées de puissants moteurs de 200 à 300 chevaux permettant de gagner rapidement les côtes espagnoles et d’effectuer plusieurs rotations par semaine.”

    En Algérie, les organisations illicites impliquées dans le business des frontières sont devenues de plus en plus puissantes et structurées. En 2020, les observateurs.rices avaient déjà noté un changement dans le mode opératoire des voyageurs et voyageuses lié au rôle croissant des organisations criminelles dans l’organisation des traversées. Historiquement, l’exil des personnes algériennes était organisé de manière autonome. Des groupes d’une dizaine de personnes mettaient en commun leurs ressources pour financer un bateau et un moteur, puis préparaient correctement leur voyage avant de prendre la mer. Au cours des trois dernières années, la militarisation et la répression contre les voyageurs et voyageuses ont augmenté. Cela est allé de pair avec la corruption de la police des frontières. Cela a rendu possible le développement de puissantes organisations du marché noir. Celles-ci dominent désormais le marché. Nos contacts à Oran nous disent que l’organisation du passage clandestin telle qu’elle s’est développée en Algérie repose largement sur des pratiques systématiques de corruption au sein de la police des frontières. En outre, les départs autonomes sont désormais très difficiles, voire impossibles, car les trafiquants surveillent avec attention les côtes et les plages, à l’affût des départs de bateaux qui ne font pas partie de leur flotte.

    Ce phénomène est, selon Mediapart, particulièrement notable dans la région d’Oran, région à partir de laquelle la majorité des départs ont eu lieu au cours des derniers mois. Un pêcheur d’Oran raconte que “la marine n’arrive plus à faire face à la situation. Même quand elle tente de les stopper, [les passeurs] arrivent à leur échapper car leurs embarcations sont plus rapides. […] Certains jours, j’ai compté jusqu’à 11 bateaux de passeurs au mouillage”. Selon la chercheuse Nabila Mouassi, également citée dans l’article de Mediapart, “la mafia travaille sur un pied d’égalité avec l’État.”

    Quant au prix du passage, “tou.te.s les adolescent.e.s d’Oran et des villages alentours peuvent vous le dire”, affirme un contact local à Oran. Il varie de 750 à 4000 euros, selon le type de bateau, la qualité du moteur, la fourniture d’un GPS/téléphone satellite, etc.

    3 Naufrages et personnes disparues

    Au cours des quatre derniers mois, nous avons recensé plus de 200 décès et plusieurs centaines de personnes disparues dans la région de la Méditerranée occidentale. Alarm Phone a été témoin d’au moins dix naufrages et de cas de décès dus à un retard des secours ou à une absence d’assistance. Ces cas de “laissé.es pour compte” sont des évènements si courants qu’ils doivent être considérés comme faisant partie intégrante du régime mortel des frontières.

    Malgré tous les efforts déployés pour recenser les mort.e.s et les disparu.e.s, nous pouvons être sûr.e.s que le nombre réel de personnes qui sont mortes en mer en tentant de rejoindre l’UE est bien plus élevé. Nous voulons nous souvenir de chacun et chacune d’entre elles et eux et commémorer chaque victime inconnue afin de combattre le système politique qui les a tué.e.s.

    Le 8 novembre 2021, un bateau avec des ressortissant.es gambien.nes et sénégalais.es est parti de Gambie pour tenter d’atteindre les îles Canaries. C’était un groupe d’environ 165 personnes. Après deux jours, leurs proches ont perdu le contact avec elleet eux. Aucune nouvelle des voyageurs et voyageuses depuis. 35 des passager.e.s étaient originaires de Gunjur. Le village reste sous le choc et dans la confusion. (source : AP)

    Le 11 Novembre, quatre corps sans vie sont repêchés et trois personnes sont déclarées disparues. Les personnes décédées se sont noyées à proximité de la côte de Oued Cherrat, Skhirat, Maroc.

    Le 14 Novembre, un bateau est retrouvé, à environ 40 miles au sud de Gran Canaria, Espagne, avec sept corps sans vie à bord. Le bateau avait passé au moins six jours en mer. Une huitième personne est morte après le secours dans le port de Arguineguin, Gran Canaria, Espagne

    Le 15 Novembre, deux personnes meurent dans une embarcation à la dérive au Sud de Gran Canaria, Espagne. Il y a 42 personnes survivantes.

    Le 18 Novembre, un corps sans vie est rejeté sur la côte à Nabak, 16km au Nord de Dakhla, au Sahara Occidental.

    Le 18 novembre, un bateau avec deux corps sans vie et 40 survivant.es est retrouvé à la dérive à 216 km au sud de Gran Canaria, en Espagne.

    Le 19 novembre, un corps sans vie est retrouvé après le chavirement d’un bateau à moteur dans les alentours de la côte de Sarchal, Ceuta, Espagne.

    Le 20 novembre, Mutassim Karim est porté disparu alors qu’il tentait de rejoindre Melilla, en Espagne, à la nage. L’ONG AMDH pointe du doigt la Guardia Civil comme responsable du décès et demande l’ouverture d’une enquête sur cette disparition.

    Le 23 novembre, un bateau avec 34 personnes est retrouvé par un navire marchand à 500 km au sud de Gran Canaria. 14 personnes sont mortes et seules 20 personnes survivent après 3 semaines en mer.

    Le 25 novembre, une femme tombe à l’eau alors qu’un bateau de 58 personnes est intercepté par la marine marocaine au large de Laayoune, au Sahara occidental. Une autre personne était morte avant l’interception.

    Le 26 novembre, deux personnes meurent et quatre sont portées disparues après qu’un dinghy/zodiac ait chaviré au sud de Gran Canaria, en Espagne.

    Le 27 novembre, la mort de deux personnes est confirmée après qu’un bateau transportant 57 personnes ait chaviré pendant une opération de secours au sud-est de Fuerteventura, sur les îles Canaries, en Espagne. Quatre personnes sont toujours disparues.

    Le 27 novembre, deux corps sans vie sont retrouvés en mer, à Punta Leona et à El Desnarigado-Sarchal, à Ceuta, en Espagne.

    Le 30 novembre, cinq mineurs – Ahmed, Tarik, Yahya, Alae et Brahim – sont portés disparus dans le détroit de Gibraltar, au Maroc. Ils avaient quitté Ceuta deux semaines plus tôt dans un radeau sans moteur avec la péninsule pour cap. Nous sommes toujours sans nouvelle.

    Le 1er décembre, au moins 40 personnes perdent la vie après le naufrage d’un bateau au large de Tarfaya, au Maroc.

    Le 2 décembre, la dépouille d’un bébé est retrouvée à bord d’un bateau au large des côtes de Fuerteventura. Le bébé faisait partie d’un groupe de presque 300 personnes qui voyageaient dans cinq bateaux différents en direction de Fuerteventura en Espagne. L’Alarm Phone a été informé qu’un sixième bateau avait fait naufrage non loin de la plage de Tarfaya. 22 personnes ont été déclarées disparues et 13 personnes ont été retrouvées mortes.

    Le 6 décembre, un bateau avec 56 personnes à son bord arrive à Gran Canaria, en Espagne. Un bébé, deux femmes et un homme meurent avant d’avoir atteint l’île.

    Le 6 décembre, les dépouilles de trois personnes s’échouent sur le rivage, sur la plage de Beni Chiker, à Nador, au Maroc, très probablement après une tentative de traverser la frontière de Melilla.

    Le 6 décembre, un bateau transportant 20 personnes est secouru au sud de La Gomera, îles Canaries, Espagne. On y retrouve un corps mort.

    Le 8 décembre, 29 personnes meurent après qu’un bateau ait chaviré en Atlantique, au large de Laayoune, au Sahara occidental. 31 personnes survivent au naufrage.

    Le 9 décembre, un corps est retrouvé à 50km au nord de Dakhla, au Sahara occidental.

    Le 12 décembre, un corps mort échoue sur la plage de Fnideq au Maroc. Il semble s’agir du corps d’une personne ayant tenté d’atteindre Ceuta à la nage.

    Le 13 décembre, un corps est retrouvé près de la plage de Sarchal, à Ceuta, en Espagne.

    Le 14 décembre, un corps échoue sur la plage municipale de Tanger au Maroc.

    Le 14 décembre, un corps est retrouvé près de la Corniche de Nador au Maroc. La personne est probablement décédée au cours de sa tentative pour traverser la frontière de Melilla en Espagne.

    Le 17 décembre, un corps est retrouvé sur un bateau de 60 personnes au Sud-est de Gran Canaria, dans les îles Canaries, en Espagne.

    Le 18 décembre, 17 personnes meurent en mer entre la Gambie et les îles Canaries, en Espagne. Un bateau composé de 105 survivant.es est retrouvé à 800kms au sud de Tenerife. Le bateau avait quitté la Gambie 19 jours plus tôt.

    Le 18 décembre, 35 personnes meurent dans le naufrage d’un bateau transportant 52 personnes, au large de Boujdour, au Sahara occidental.

    Le 20 décembre, deux corps sont retrouvés près de la frontière algérienne à Touissite, Jerada, au Maroc.

    Le 21 décembre, un corps est retrouvé à Playa de los Muertos, à Almeria, en Espagne.

    Le 21 décembre, un bateau de 15 personnes fait naufrage au large de la côte d’Arzew en Algérie. Seules huit personnes ont survécu.

    Le 23 décembre, trois personnes meurent et trois disparaissent après qu’un bateau de 10 personnes ait chaviré à 3kms au large de Chlef, Mostaganem, en Algérie.

    Le 23 décembre, deux corps sont retrouvés à Ras Asfour, à Jerada, au Maroc (près de la frontière algérienne).

    Le 30 décembre, un corps sans vie est rejeté sur la plage de Ténès, Chlef, Algérie.

    Le 30 décembre, un corps sans vie est retrouvé près du port de Beni Haoua, Chlef, Algérie.

    Le 31 décembre, deux corps sans vie sont découverts sur la côte de Cherchell, Tipaza, Algérie.

    Le 31 décembre un corps sans vie est repêché en mer près de BouHaroun, Tipaza, Algérie.

    Le 31 décembre, six survivants et trois corps sans vie sont repêchés après un naufrage à 35 miles nautiques de la côte d’Almeria, Espagne.

    Le 03 janvier 2022, trois personnes meurent et dix personnes disparaissent dans deux naufrages au large de Cabo de Gata, Almería, Espagne.

    Le 04 janvier, deux bateaux avec 103 survivant·es et deux corps sans vie sont trouvés par des navires de la marine américaine lors de manœuvres dans l’Atlantique. Les survivant·es sont transféré·es à la Marine Royale.

    Le 04 janvier, Alarm Phone est informé de la disparition d’un bateau avec 52 personnes à bord. Le bateau était parti avec 23 hommes, 21 femmes et huit enfants de Tarfaya, au Maroc.

    Le 04 janvier, Alarm Phone est informé d’un cas de détresse avec 63 personnes à bord au large de Tarfaya, Maroc. Cinq personnes meurent en mer avant l’arrivée des secours et six personnes doivent être soignées à l’hôpital.

    Le 07 janvier, après plusieurs jours de dérive, un bateau est secouru à 26 km des côtes d’Alicante, en Espagne. Cinq personnes peuvent être secourues, au moins 12 personnes sont portées disparues.

    Le 07 janvier, Alarm Phone est informé de la disparition d’un bateau qui avait quitté Ain-El Turk, Algérie, le 03 janvier avec 12 personnes à bord. Le bateau semble avoir sombré en emportant tou.tes les passager·es.

    Le 08 janvier, Alarm Phone est témoin du naufrage d’un bateau avec 27 personnes à bord au large de Nador, au Maroc. Cinq corps en décomposition sont retrouvés près de Malaga, en Espagne, 15 jours plus tard. 22 personnes sont portées disparues.

    Le 9 janvier, Alarm Phone Maroc est informé qu’un bateau avec 12 personnes à bord a fait naufrage au large des côtes algériennes. Seules deux personnes ont survécu, dix personnes sont toujours portées disparues.

    Le 11 janvier, un corps sans vie est retrouvé dans l’eau au large de Rocher Plat, Tipaza, Algérie.

    Le 12 janvier, un corps en décomposition est rejeté sur le rivage à Plage Gounini, Tipaza, Algérie.

    Le 13 janvier, un bateau avec 60 voyageur·ses est perdu. Il était parti une semaine auparavant à destination des îles Canaries, en Espagne.

    Le 14 janvier, dix personnes meurent dans un naufrage au large des côtes algériennes. Seules trois personnes peuvent être sauvées après 12 jours de dérive.

    Le 16 janvier, Alarm Phone est informé d’un cas de détresse avec 55 personnes à bord. Lorsque les secours arrivent enfin, deux personnes sont déjà décédées et dix seulement peuvent être sauvées. 43 personnes sont toujours portées disparues. Le naufrage a eu lieu près de Tarfaya, au Maroc. Il est rapporté que deux personnes sont décédées à l’hôpital.

    Le 16 janvier, le corps d’un jeune homme est rejeté sur la côte orientale de Fuerteventura. Le jour suivant, le corps d’une jeune femme est également retrouvé.

    Le 17 janvier, une personne est retrouvée sans vie dans l’un des deux canots pneumatiques secourus au sud-est de Gran Canaria, en Espagne.

    Du 16 au 25 janvier, cinq corps sans vie sont rejetés sur le rivage sur différentes plages autour de Málaga, en Espagne :

    Le 16 janvier, un corps mort est retrouvé sur la plage de Cabo Pino, à l’est de Marbella, en Espagne.
    Le 17 janvier, deux corps morts sont retrouvés sur la plage de Las Verdas, à Benalmádena, en Espagne.
    Le 23 janvier, un corps est retrouvé flottant près de la plage de La Caleta, Malaga, Espagne.
    Le 24 janvier, un corps est retrouvé flottant à côté de la plage de Nerja, Espagne.

    Comme 17 personnes ont disparu lors de leur traversée vers Almeria entre le 16 et le 25 janvier, nous supposons que ces corps font partie des personnes qui se sont noyées dans les différents naufrages de cette période.

    Le 18 janvier, le corps sans vie d’une personne qui voyageait dans un bateau avec neuf autres hommes est repêché au large de Carboneras, Almeria, Espagne.

    Le 24 janvier, il n’y a toujours aucune trace d’un bateau avec 43 personnes qui avait quitté Nouadhibou, Mauritanie, le 5 janvier. Parmi ces personnes qui tentaient de prendre la route des îles Canaries, sept femmes et deux enfants

    Le 25 janvier, 19 personnes meurent et neuf personnes survivent à un naufrage à 77 km au sud-est de Lanzarote, en Espagne.

    Le 1er février, au moins deux personnes meurent lorsqu’un bateau pneumatique chavire à 100 km au large de Plage David, Ben Slimane, Maroc. Le nombre de personnes disparues n’est pas clair. Le bateau transportait environ 50 personnes, mais seules sept d’entre elles ont été secourues.

    Le 01 février, Alarm Phone Maroc rapporte qu’une personne est décédée pendant l’opération de sauvetage d’un bateau avec 58 personnes au large de Tarfaya, au Maroc.

    Le 02 février, au moins un homme meurt et un autre est évacué par hélicoptère vers un hôpital après qu’un bateau avec environ 50 personnes à bord, chavire à 35 km au sud de Morro Jable, Fuerteventura, îles Canaries, Espagne.

    Le 05 février, Alarm Phone Maroc découvre le naufrage d’un bateau transportant 58 personnes, survenu au large de Tarfaya, au Maroc. Huit personnes n’ont pas survécu à la tragédie selon les recherches d’Alarm Phone.

    Le 6 février, Alarm Phone est alerté du naufrage d’un bateau pneumatique transportant 52 personnes à 75 miles nautiques au sud-ouest de Boujdour, Sahara Occidental. En raison des conditions météorologiques difficiles et du mauvais état du bateau, les personnes à bord sont en grand danger. Le téléphone d’alarme informe immédiatement les autorités mais les secours sont retardés pendant des heures. Quatre personnes sont mortes avant l’arrivée du navire de sauvetage.

    Le 7 février, un bateau avec 68 personnes à bord fait naufrage à 85 km au sud de Gran Canaria, îles Canaries, Espagne. 65 personnes sont secourues mais trois personnes avaient sauté du bateau pneumatique et ont perdu la vie avant le début des opérations de sauvetage.

    Le 13 février, les restes d’une personne sont rejetés sur la plage de Targha, Chefchaouen, Maroc.

    Le 22 février, 40 personnes sont secourues après neuf jours de dérive au large de la côte de Sidi Ifni, au Maroc. Trois personnes étaient déjà décédées.

    Le 23 février, Alarm Phone est informé d’un naufrage avec 87-94 personnes au large de la côte d’Imtlan, Sahara Occidental. Trois corps sans vie sont récupérés à bord après quatre jours en mer, 47 personnes sont secourues, mais 37-44 personnes sont toujours portées disparues.
    4 Journée internationale de lutte : CommémorActions 2022 à l’occasion du 6 février

    Le travail de Alarm Phone consiste principalement à soutenir par téléphone les personnes en détresse pendant leur traversée. Mais dans la plupart des cas, le travail va bien au-delà. En plus de documenter les refoulements illégaux et l’absence d’assistance de la part des autorités, nous finissons parfois par soutenir les familles dans la recherche de leurs proches disparu.e.s. Lorsqu’un bateau disparaît, les proches restent souvent sans information pendant des mois, ne reçoivent pratiquement aucun soutien de l’État et se sentent livré.es à eux et elles -mêmes dans la tentative de retrouver leurs proches. C’est souvent le cas en Gambie, point de départ habituel des bateaux sur la route de l’Atlantique. Malheureusement, Alarm Phone n’est pas vraiment en action dans cette région mais certain.es de nos camarades activistes qui y vivent nous ont parlé d’un cas dans lequel iels se sont retrouvé.es impliqué.es fin janvier :

    Le 8 novembre 2021, un bateau avec des ressortissant.e.s gambien.ne.s et sénégalais.e.s est parti de Gambie pour rejoindre les îles Canaries. C’était un groupe d’environ 165 personnes, dont 8 femmes. Après deux jours, leurs proches ont perdu le contact avec elle et eux et n’ont plus de nouvelles depuis. Alarm Phone a rencontré plusieurs familles à Gunjur, en Gambie. Elles sont toujours désespérément à la recherche d’un groupe de 35 jeunes de leur village qui faisaient partie des passager.es du bateau. Jusqu’à aujourd’hui, elles n’ont reçu aucun soutien des gouvernements dans leur tentative de retrouver leurs proches.

    Selon le Comité International de la Croix-Rouge (ICRC), seulement “13 % des personnes qui se sont noyées en route vers l’Europe en Méditerranée et dans l’océan Atlantique entre 2014 et 2019 ont été retrouvées ou enterrées en Europe du Sud.” Étant donné que les funérailles sont une étape importante dans le processus de deuil, ne pas pouvoir enterrer les parents et ami.es perdu.es ou rester dans l’incertitude quant à leur sort empêche les gens de trouver comment surmonter leur chagrin. Malgré cela, ça peut donner d’autant plus de force pour sortir de sa supposée impuissance, passer à l’action ensemble et commémorer publiquement les personnes disparu.e.s tout en dénonçant le régime frontalier meurtrier et les responsables de ces morts.

    C’est pourquoi, chaque année depuis le massacre de Tarajal en 2014, des milliers de personnes à travers le monde descendent dans la rue le 06 février, Journée Mondiale de Lutte, en réponse à l’appel à l’action pour organiser des “commémorActions” décentralisées et locales. Ce sont des actions pour commémorer les personnes qui sont mortes, ont disparu ou ont été forcées de disparaître au cours de leurs voyages à travers les frontières. Cette année, de telles commémorations ont eu lieu au Cameroun, en Gambie, en Tunisie, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, en Turquie, au Mexique, en France, en Allemagne, en Grèce, à Malte, en Serbie, en Slovénie, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et ailleurs.
    Vous pouvez trouver une collection de vidéos et de photos sur les médias sociaux (#CommemorActions). En parallèle, notre projet sœur “Missing at the Borders ” recueille des images de toutes les villes où des actions commémoratives ont eu lieu. Voici quelques images des événements que les activistes d’Alarm Phone ont (co-)organisés le 6 février 2022 :

    En septembre 2022, une autre grande #commémorAction aura lieu en Tunisie. Nous espérons vous voir là bas, ou à l’une des nombreuses manifestations dans la lutte quotidienne contre l’inhumaine politique migratoire des puissants. Continuons à commémorer les personnes, pas les chiffres, et luttons ensemble pour la liberté de circulation pour toutes et tous !

    https://alarmphone.org/fr/2022/03/31/la-marchandisation-des-frontieres
    #asile #migrations #réfugiés #commémoration #morts_aux_frontières #décès #morts #route_atlantique #Atlantique #Sahara_occidental #Maroc #Canaries #mur_invisible #Tanger #Ceuta #Détroit_de_Gibraltar #Gibraltar #Nador #Oujda #Algérie #commerce_frontalier #naufrages #disparitions

  • Forme sociale et subjectivité : À propos de l’égalité et du conflit social immanent à la modernité capitaliste, par Moishe Postone
    http://www.palim-psao.fr/2022/04/forme-sociale-et-subjectivite-a-propos-de-l-egalite-et-du-conflit-social-

    Au contraire, l’action collective peut rendre les travailleurs égaux, c’est-à-dire des sujets bourgeois. Permettez-moi d’élaborer cette idée : le contrat de travail dans le capitalisme est un contrat entre propriétaires de marchandises, entre égaux (Marx, 1996 : 242). Pourtant, comme le note Marx, une fois que le travailleur entre dans la sphère de la production, la relation devient inégale (Marx, 1996 : 177-186). Nombreux sont ceux qui ont interprété l’analyse de Marx comme indiquant que la vérité sous l’apparence de l’égalité est l’inégalité, que l’égalité n’est qu’un simulacre. Cette compréhension est toutefois unilatérale et occulte une dimension historique importante des contrats de travail, à savoir qu’ils sont des contrats entre propriétaires de marchandises. Dans ce cadre, les travailleurs commencent également à se considérer comme des sujets porteurs de droits. Cependant, la seule façon pour les travailleurs de réaliser leur statut de propriétaires de marchandises est l’action collective, qui leur permet de négocier les conditions de vente de leur force de travail, leur marchandise (Marx, 1996 : 239-306). En d’autres termes, grâce à l’action collective, les travailleurs deviennent manifestement ce qu’ils n’avaient été que de manière latente : égaux aux autres, c’est-à-dire des sujets bourgeois (collectifs), détenteurs de droits.

    #Moishe_Postone #critique_de_la_valeur #wertkritik #capitalisme #égalité #droit_du_travail #droit_du_capital #Marx #marchandise #travail #critique_du_travail

  • Ukraine : la France a livré des armes à la Russie jusqu’en 2020
    https://disclose.ngo/fr/article/ukraine-france-a-livre-armes-russie

    Entre 2015 et 2020, la France a livré des équipements militaires dernier cri à la Russie. Un armement qui a permis à Vladimir Poutine de moderniser sa flotte de tanks, d’avions de chasse et d’hélicoptères de combat, et qui pourrait être utilisé dans la guerre en Ukraine. Lire l’article

    • Livraisons d’armes à la Russie : pas de question à Macron
      https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/livraisons-darmes-a-la-russie-pas-de-question-a-macron

      Ouf ! La question n’a pas été posée à Emmanuel Macron sur TF1, dans l’émission « Face à la guerre ». Ni par un contradicteur (il n’y en avait pas), ni par Gilles Bouleau, ni par Anne-Claire Coudray. On l’a échappé belle. À La lecture du site indépendant « Disclose », on avait appris dans la journée que la France a continué à vendre des armes à la Russie, en dépit de l’embargo de 2014, jusqu’à l’an dernier. De manière parfaitement légale.

      Je ne vais pas dresser la liste des armes vendues. Elle figure sur le site. Qu’il suffise de savoir que l a France a délivré au moins 76 licences d’exportation de matériel de guerre à la Russie depuis 2015. Montant total de ces contrats : 152 millions d’euros, comme l’indique le dernier rapport au Parlement sur les exportations d’armement, sans toutefois préciser le type de matériel livré . Dans ce catalogue, ne nous attardons que sur un gadget : Depuis un contrat signé en 2014, avec des livraisons qui se sont étalées jusqu’en 2018, le groupe Thales a doté 60 avions de chasse Soukhoï SU-30 de son système de navigation TACAN , son écran vidéo SMD55S et son viseur dernier cri HUD. Ces avions de combat , poursuit Disclose, qui ont déjà tué des dizaines de milliers de civils en Syrie, bombardent l’Ukraine nuit et jour depuis février. Détail charmant, les Mig-29 et les SU-30 sont également munis d’un système de navigation livré par Safran à partir de 2014 : le Sigma 95N. Cette technologie permet aux pilotes de l’armée de l’air russe de se localiser sans avoir recours aux satellites américains ou européens.

      Si le ministère des Armées assure que les ventes sont légales, c’est en vertu de la clause du grand-père : si le contrat est passé avant l’embargo, alors il peut être honoré. Parfait. Sauf si les livraisons peuvent provoquer ou prolonger un conflit armé . Était-ce le cas de 2014 à 2020 ? Le débat n’a pas eu lieu, l’émission ayant pris la forme d’une succession d’interviews.

      Pour sa défense, le ministère des Armées fait valoir plusieurs arguments, que résume Le Monde . D’abord, ces exportations ont considérablement baissé depuis 2014. Les livraisons, qui représentaient encore un montant de 80 millions d’euros en 2014, sont passées (...) à seulement 300 000 euros en 2020 . Et Emmanuel Macron, fait-on valoir, a toujours tenté de maintenir un dialogue avec Vladimir Poutine, mais a, en même temps, poussé les exportations à destination de l’Ukraine, dont le montant des commandes acceptées est passé de zéro en 2015 à plus de 97 millions d’euros en 2020 . Hosannah ! On a vendu aux deux. Du coup, on comprend mieux le camouflage de campagne du président à la Zelenski, ce sweat du commando parachutiste de l’Air CPA10. C’est une tenue commerciale, c’est ça ?

      Tous ces coups de fil à Poutine et Zelenski, c’était donc pour le service après-vente ? plaisante un twittos facétieux. Heureusement, toutes les précautions avaient été prises, pour soustraire le président-candidat à ces curiosités malsaines. Imaginons qu’un Poutou ait eu le mauvais goût de risquer une allusion aux livraisons d’armes françaises à la Russie. On frémit. Mais il avait été exclu. De manière parfaitement légale, là aussi.

    • Armes suisses, la guerre made in Switzerland
      http://www.tv5monde.com/programmes/fr/programme-tv-temps-present-armes-suisses-la-guerre-made-in-switzerland/137007

      Où finissent les armes fabriquées en Suisse ? Notre enquête exclusive remonte la piste des fusils d’assaut, des avions et des chars blindés suisses, depuis leur sortie d’usine jusqu’aux territoires en conflit armé : guerre ou répression civile. En utilisant des techniques d’investigation inédites, nous avons pu retrouver avec précision plusieurs de ces armes et recueillir les témoignages chocs de victimes.

      https://www.rts.ch/play/tv/temps-present/video/armes-suisses-la-guerre-made-in-switzerland?urn=urn:rts:video:12892914
      https://www.youtube.com/watch?v=t7ftfbQkZek


      De la Suisse, le pays de la Croix Rouge à la France, pays des droits de l’homme.
      #marchands_de_canons

  • La #gentrification, mieux la comprendre pour mieux la combattre ?
    https://metropolitiques.eu/La-gentrification-mieux-la-comprendre-pour-mieux-la-combattre.html

    Dans Contre la gentrification, Mathieu Van Criekingen met en lumière les processus de #marchandisation de la ville, les résistances habitantes ou encore le rôle des pouvoirs publics dont l’ambiguïté gagnerait à être encore davantage explorée. Ouvrage résolument critique, Contre la gentrification apporte de précieux éléments de compréhension des rouages de ce processus de transformation urbaine et sociale qui affecte un nombre toujours grandissant de villes. Mobilisant une grammaire marxiste d’analyse des #Commentaires

    / gentrification, #domination, #capitalisme, #résistance, #Bruxelles, #inégalités, marchandisation

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_gruyer.pdf

  • Services publics : quand dématérialisation rime avec marchandisation La gazette des communes
    https://www.lagazettedescommunes.com/787485/services-publics-quand-dematerialisation-rime-avec-marchandisa

    La dématérialisation des services publics ne pose pas seulement la question de l’exclusion numérique. Elle fait aussi émerger de nouveaux acteurs, privés, qui se posent en intermédiaires entre les usagers et les administrations. « La Gazette » vous propose une enquête en plusieurs volets pour décortiquer l’émergence de ces acteurs qui proposent aux usagers des services payants afin d’accéder aux aides sociales auxquelles ils sont éligibles. Ces pratiques, dont la légalité pourrait être discutée, questionnent la capacité des services publics à se rendre accessibles aux publics qui en ont le plus besoin.

    C’est une rente sur le dos des usagers ! » : l’alarme a été donnée via une volée de courriers envoyés le 9 janvier dernier. L’expéditeur, Joran Le Gall, président de l’Association nationale des assistants de service social (Anas), alerte sur une situation qu’il juge critique : un acteur privé qui propose des services payants pour permettre aux usagers d’accéder aux aides sociales auxquelles ils sont éligibles. Destinataires une ribambelle d’administrations, telles que la Cnaf, la Cnam, la Cnav mais aussi le ministre de la Santé, Olivier Véran, ainsi que Claire Hédon, la Défenseure des droits.

    « La Gazette » a enquêté sur l’apparition de ces intermédiaires d’un nouveau genre, qui s’immiscent au cœur du service public : parmi eux, on retrouve notamment le site « Mes-allocs », « Wizbii », « Toutes mes aides », ou encore l’application Fastoche développée par Payboost, filiale de Veolia, qui ne semble, toutefois, plus en activité.

    Leurs slogans se veulent très engageants et aidants :
    Comme la plupart des gens, vous ne connaissez peut-être pas toutes les aides auxquelles vous avez droit, et les démarches administratives vous découragent. Vous hésitez avant de vous lancer ? » (…)
    Découvrez vite les aides auxquelles vous pouvez prétendre !
    Fini de se perdre dans la jungle administrative, on s’occupe de trouver les aides auxquelles vous êtes éligible.

    « On ne devrait pas pouvoir faire de l’argent sur le dos des personnes pauvres et de la Sécurité sociale », se désole Joran Le Gall, selon qui ces pratiques « viennent pointer l’accès aux services publics et les difficultés que rencontrent les personnes dans l’accès aux droits ».
Un point qui avait aussi été dénoncé par plusieurs chercheurs à l’occasion d’un colloque sur les impacts de la dématérialisation sur les droits des usagers https://www.lagazettedescommunes.com/748478/quels-impacts-de-la-dematerialisation-sur-les-droits-des-usage , organisé par l’université de Lorraine en juin dernier. A ce stade, difficile de connaître le nombre d’usagers utilisant ces intermédiaires, et donc la largeur du trou dans la raquette des services publics.

    Simulateur gratuit, démarches payantes
    Concrètement, le mode opératoire de ces acteurs privés est sensiblement le même et se décline en deux temps : d’abord mettre à disposition un simulateur agrégeant des aides sociales, à l’utilisation gratuite, basé sur le logiciel « Open Fisca », une API mise à disposition par l’Etat depuis 2014 dans une logique d’ouverture des données et des codes sources publics. Elle permet de simuler des prestations sociales, afin de montrer à l’usager qu’il est potentiellement éligible à des aides.
Ensuite, deuxième étape, proposer de réaliser les démarches administratives à la place de l’usager afin de les lui faire percevoir, moyennant rétribution.
    Cette logique en deux temps est celle qu’applique le site « Mes-Allocs », qui s’est lancé en 2018 et propose un simulateur agrégeant 1 200 aides tant nationales, régionales, que locales.
L’utilisation du simulateur est gratuite, mais pour obtenir les aides en passant par l’accompagnement de Mes-Allocs, il en coûtera 29,90 euros de frais d’inscription, auxquels s’ajoute également un forfait de 29,90 euros par trimestre à compter du mois suivant (un forfait résiliable).
L’entreprise apparaît labellisée dans les start-up à impact dans la catégorie « inclusion et lien social », selon le classement de la BPI et France Digitale, lui-même présenté comme rassemblant les « Porte-étendards de la Tech for Good ».
    « Plus d’un million de personnes se renseignent sur notre site chaque mois, et 22 000 personnes sont passées par nos services d’accompagnement », détaille Joseph Terzikhan, fondateur du site, qui assure lutter contre le non-recours puisqu’en moyenne, un utilisateur de Mes-Allocs récupère 3 200 euros d’aides par an. Il précise également que si Mes-Allocs a démarré avec Open Fisca, désormais « au moins 99,5 % des aides sont calculées en interne sur nos serveurs ».
    Viser de nouveaux publics ?
    « L’accès à l’information sur les aides est gratuit. Je comprends que certains puissent avoir du mal à concevoir notre concept, qui est nouveau, mais il est possible de faire payer un service tout en ayant un impact concret sur la vie des utilisateurs. Sans nous, ils ne feraient rien. Ces publics ont des revenus, ils sont en situation intermédiaire et oubliés des aides sociales. Ce ne sont pas les mêmes que ceux qui viennent voir des assistantes sociales et qui sont en situation de grande précarité », assure-t-il, considérant que l’initiative est « complémentaire » des services publics. Ainsi, il indique à « La Gazette » que les aides les plus demandées par son intermédiaire sont celles liées au logement, au soutien familial, à la prime d’activité, et pas forcément le RSA.

    Un autre acteur privé fait lui aussi appel à cette stratégie en deux temps, mais a décidé de se spécialiser sur un segment bien spécifique : la jeunesse. Il s’agit de #Wizbii, entreprise grenobloise qui offre plusieurs services à destination des jeunes, dont Wizbii Money, lancé fin 2019, qui accompagne les jeunes dans leurs recherches d’aides financières.

    Depuis le lancement, 2 millions de jeunes ont utilisé le simulateur, qui se base lui aussi sur Open Fisca et recense près de 500 aides nationales, régionales et locales. 3 000 jeunes ont décidé de confier à Wizbii le soin de réaliser les démarches pour obtenir leurs aides, nous indique Roman Gentil, cofondateur de la société. Dans ce cas, ils doivent débourser un pourcentage fixe : 4 % des aides sociales perçues sont prélevées par Wizbii tous les mois, durant toute la durée de l’octroi de l’aide, « avec un plafonnement à 9 euros par mois maximum », précise Romain Gentil.

    « Dans 90 % des cas, on est en capacité de proposer au moins une aide. Et la moyenne des simulations s’établit entre 2 400 à 2 600 euros d’aides par an », détaille-t-il. « Les aides du #Crous, la prime d’activité, les #APL, ainsi que beaucoup d’aides régionales, départementales ou locales », sont celles qui reviennent le plus.

    « Je peux comprendre que cela questionne, mais le sujet devrait être pris dans l’autre sens : nous apportons une expertise pour toucher un maximum de jeunes sur le territoire, et notre job est de leur faciliter le recours à ces aides. Ils ont le choix de faire appel à nous pour un accompagnement poussé, comme ils peuvent les réaliser eux-mêmes. Il doit y avoir de la place pour tout le monde, on devrait tous avoir une logique collaborative », estime Romain Gentil.

    Des contrats en cours avec l’Etat et les collectivités
    L’entreprise mise déjà sur le #collaboratif puisqu’elle travaille pour le compte d’acteurs publics : elle a ainsi remporté à l’automne 2020 l’appel d’offres du gouvernement pour créer la plateforme vitrine du programme « 1 jeune, 1 solution ».
    
Elle souhaite également multiplier les partenariats auprès des collectivités, pour lesquelles elle propose, sous marque blanche, des plateformes recensant les services proposés à destination des jeunes. C’est chose faite avec Pau depuis mi-2021, ainsi que pour Garges-lès-Gonnesses depuis fin2021. « Dans ce cas, c’est la collectivité qui prend en charge toutes les dépenses d’accès aux services, et les usagers ont y accès gratuitement », indique Romain Gentil, qui espère multiplier ce type de partenariats.

    Autre acteur privé qui voulait également se rapprocher des collectivités : Fastoche, initiative lancée par la filiale de #Veolia, #Payboost. Cette initiative consistait en un « #coach budgétaire et social » qui indiquait notamment les aides sociales auxquelles l’utilisateur pouvait prétendre, pour un coût mensuel de 0,99 euro TTC/mois, à l’exception du premier mois gratuit. Malgré nos multiples sollicitations, il a été impossible d’obtenir un échange. L’application n’est aujourd’hui plus disponible sur les stores, et le site web n’est plus fonctionnel.

    Une « complémentarité » avec les services publics ?
    Mais l’histoire reste éclairante : eux aussi vantaient la collaboration et la complémentarité avec les services publics, et notamment avec les missions des travailleurs sociaux, comme l’indiquait Frédéric Dittmar, président de Payboost, dans un publicommuniqué de Fastoche https://www.unccas.org/fastoche-fr-une-appli-pour-gerer-son-budget-et-ses-droits paru sur le site de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (Unccas) en septembre 2018 : « Fastoche est un outil de prévention pour toucher des publics qui ne viennent pas voir le CCAS, ou bien qui viennent le voir quand il est déjà trop tard et que la situation s’est détériorée. Et #Fastoche permet aussi de démultiplier l’action du travailleur social. On peut déléguer au numérique l’accompagnement quotidien des bénéficiaires, en complément des rencontres humaines avec le travailleur social qui ont lieu sur des temps plus espacés », expliquait-il.
    
Contactée, l’#Unccas n’a pas donné suite à nos propositions d’interview.

    La trajectoire d’une autre initiative, baptisée « Toutes mes aides », est, elle, un peu particulière : projet phare de la première saison de 21, l’accélérateur d’innovation de la #Croix-Rouge française, elle est aussi née d’une volonté de lutter contre le non-recours, mais a fait pivoter son modèle économique, comme toute #start_up qui se respecte, « afin que le coût de l’application ne repose que sur les établissements et les professionnels, et non pas sur les bénéficiaires », comme le précisait https://21-croix-rouge.fr/l-ia-une-solution-pour-r-duire-le-non-recours-aux-aides-de-l-etat-75f le fondateur Cyprien Geze, en avril 2020.

    Aujourd’hui, le site internet s’adresse aux entreprises et mentionne être employé par 43 000 utilisateurs : « chaque employé découvre en moyenne 110 euros d’aides par mois qu’il ne réclamait pas », précise le site, qui vante un moyen de « booster leur pouvoir d’achat » et de leur offrir un « complément de revenus », le tout au prix de 2 euros par mois par collaborateur, avec des tarifs dégressifs pour les structures de plus de 200 collaborateurs.

    « Une taxe sur l’accès aux droits »
    « Comment on en arrive là ? A un système social si complexe, si illisible, avec de moins en moins d’accompagnement et d’accueil des usagers, au point que des usagers abdiquent volontairement une partie de leurs droits sociaux pour y avoir accès ? », interroge Arnaud Bontemps, fonctionnaire et l’un des porte-parole du collectif Nos Services Publics, qui avait publié en avril dernier un rapport sur l’externalisation des services publics. https://www.lagazettedescommunes.com/742967/services-publics-un-collectif-dagents-publics-sonne-lalarme « En faisant payer ces services aux usagers, ces acteurs privés font de l’optimisation fiscale à l’envers : il ne s’agit pas d’aider les gens à échapper à la solidarité nationale, mais de prélever une taxe sur leur accès aux droits », dénonce-t-il.

    Le sujet est brûlant, puisque l’Etat a adopté depuis plusieurs années une stratégie de dématérialisation massive, dénoncée régulièrement par le Défenseur des droits comme étant source d’inégalités dans l’accès aux services publics https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rapport-demat-num-21.12.18.pdf .

    Aujourd’hui, le gouvernement traduit cette volonté par la dématérialisation d’ici fin 2022 des 250 démarches administratives les plus utilisées par les Français, même s’il se défend d’une stratégie « tout numérique ». https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rapport-demat-num-21.12.18.pdf Face aux 13 millions de personnes considérées aujourd’hui éloignées du numérique et qui peuvent être perdues dans leurs démarches administratives numérisées, il consacre 250 millions d’euros du plan de relance à l’inclusion, déploie 4 000 conseillers https://www.lagazettedescommunes.com/775257/inclusion-numerique-les-elus-locaux-reclament-la-perennisation et développe le maillage territorial en « France Services », héritières des Maisons de services au public. https://www.lagazettedescommunes.com/779918/que-vont-devenir-les-maisons-de-services-au-public-non-labelli Sollicités, ni les ministères de la Transformation et de la fonction publiques, ni celui de la Cohésion des territoires, n’ont donné suite à nos demandes d’entretiens.

    #Service_Public #Dématérialisation #droits #marchandisation #Numérique #Administration #Aides #usagers #services_publics #Travailleurs sociaux #Action_Sociale #Revenus #accès_aux_Droits #Système_Social #solidarité #externalisation #privatisation #Solidarité confisquée

  • Comment les éditeurs scientifiques surveillent les chercheurs
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/01/17/comment-les-editeurs-scientifiques-surveillent-les-chercheurs_6109840_165068

    Ces dernières années, les grands éditeurs de publications scientifiques ont investi massivement dans la collecte de données. Les chercheurs craignent que la recherche s’enfonce dans une course à la performance.

    Jonny Saunders, neuroscientifique de l’université d’Oregon (Etats-Unis), a fait cet hiver une découverte surprenante. Depuis son poste de travail, il se rend un soir de décembre 2021 grâce au réseau de sa faculté sur le site de l’éditeur scientifique de renom #Elsevier. « J’avais entendu parler de ces éditeurs scientifiques qui collectaient des données sur leurs utilisateurs, raconte-t-il au Monde. Je me suis simplement demandé par quels moyens ils le faisaient et si ces traqueurs apparaissaient dans le code de leurs pages Web. » Depuis quelque temps, la communauté scientifique s’inquiète en effet d’une nouvelle pratique des grands éditeurs : la collecte de données de plus en plus fines sur les chercheurs et leurs travaux.

    Ce soir-là, Jonny Saunders ouvre alors un texte dans le logiciel en ligne d’Elsevier et, après quelques rapides manipulations, se rend compte qu’il est « observé » par trois outils différents qui envoient en temps réel des informations à des serveurs tiers.

    « L’un d’entre eux communiquait aux serveurs d’Elsevier des données identifiantes, notamment le proxy de l’université depuis laquelle j’étais connecté, ce qui leur permet de m’identifier précisément », se souvient-il. Plus loin, il remarque entre les lignes de code que des « événements » sont aussi décrits et récoltés par l’éditeur et renseignent ce dernier de façon très précise sur son comportement de lecture. Des informations différentes sont alors codées s’il place son curseur sur la partie haute du texte, s’il réduit la fenêtre du navigateur, s’il reste longtemps sur la page ou non, etc.

    Elsevier préfère esquiver la controverse
    Surpris par la précision des données collectées par Elsevier, Jonny Saunders envoie un tweet dans la foulée afin d’alerter ses pairs. Mais un mois plus tard, hormis une petite vague d’indignation restée cantonnée à la communauté scientifique anglophone, la nouvelle n’a pas fait grand bruit. Nous avons sollicité Elsevier pour y réagir.
    L’éditeur néerlandais refuse de « commenter spécifiquement » ce que Jonny Saunders a révélé mais reconnaît l’existence d’une collecte importante de données sur ses utilisateurs. Et ce à plusieurs fins, assure l’entreprise : « Nous utilisons des outils de suivi de données afin de fournir et d’améliorer nos services, (…) de nous aider à authentifier les utilisateurs, de sécuriser nos services, de détecter la fraude et les abus, (…) de faciliter l’efficacité et la productivité dans la recherche. » Elsevier mentionne aussi, sans y faire directement référence, les procédés très précis décelés par Jonny Saunders : « Les données que nous collectons pour tester, analyser et optimiser la taille et les positions des boutons de nos pages Web ne sont pas directement identifiables par les utilisateurs. »

    • Derrière ces quelques lignes de défense, Elsevier semble assumer le virage pris ces dernières années par les leaders du marché de la publication scientifique, lesquels se tournent massivement vers la collecte et l’utilisation de données

      En 2016, le groupe britannique RELX, maison-mère d’Elsevier, avait d’ailleurs annoncé, dans un rapport annuel, le « développement organique d’outils analytiques basés sur l’information de plus en plus sophistiqués (…) », passant d’un simple groupe d’édition à une société fondée sur la technologie, le contenu et les outils analytiques »

      « Datafication » de la publication scientifique

      Pour Jefferson Pooley, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Muhlenberg (Etats-Unis), la récente affaire impliquant Elsevier est la preuve irréfutable de cette « datafication » de la publication scientifique. « A ma connaissance, il n’y a eu aucune autre découverte de ce genre de surveillance des comportements dans le monde de la recherche qui soit aussi précise, aussi granulaire », explique-t-il.

      Dans un travail de recherche intitulé « Surveillance Publishing » et publié en novembre 2021, Jefferson Pooley date les prémices de cet appétit des éditeurs pour les données au début des années 2000. Alors que les modèles d’affaires des Gafam, à l’instar de celui de Google, se construisent autour de la « data » comme marchandise, les éditeurs scientifiques y voient aussi de potentiels profits.

      Ceux qui dominent aujourd’hui le marché ont acquis ces dernières années des sociétés capables d’amasser toute sorte de données, notamment pour mesurer l’impact et la performance d’un travail de recherche et de son auteur. Elsevier a ainsi racheté l’entreprise Pure, en 2012, lui permettant de collecter des données sur les performances des universitaires ou encore Plum Analytics, en 2017, pour quantifier l’impact des publications.

      Ces informations, ainsi que celles sur les comportements des chercheurs, se distinguent par leur précision de celles aspirées traditionnellement par les acteurs du numérique auprès de quiconque navigue sur Internet. D’autant que les scientifiques n’ont, en raison de la structure oligopolistique du marché de la publication, bien souvent pas d’autre choix que de passer par les éditeurs leaders et d’obéir à leurs règles. Nombre d’entre eux ignorent que certains navigateurs ou outils pourraient leur éviter d’être suivis, ou ignorent l’existence même de tels outils de collecte.

      Certaines de ces données sont parfois monétisées directement par les éditeurs à travers la vente de services, comme celui de Pure, aux universités. Mais il est difficile de déterminer l’usage qu’en ont les maisons d’édition. « Nous ne connaissons pas l’éventail complet des métriques que ces éditeurs collectent, indique d’ailleurs Jefferson Pooley, qui pointe du doigt un système particulièrement opaque. Nous savons qu’ils collectent les métriques traditionnelles (indicateurs de citation, nombre de téléchargements, de lectures…) et nous avons maintenant de bonnes raisons de penser que d’autres données sont surveillées, notamment la façon dont nous, chercheurs, lisons un article, le temps que nous y passons, les surlignages que nous utilisons, etc. »

      Vers une science qui marche à la performance

      Toujours dans le but de mieux mesurer la performance de la recherche, les maisons d’édition scientifique se tournent ainsi vers des outils de plus en plus précis.
      Depuis peu, la start-up américaine Scite, déjà partenaire de leaders de la publication comme Wiley ou Sage, propose un service inédit de collecte de données sur les citations scientifiques. Il permet à ses clients de déterminer si, quand un article est cité, il l’est parce qu’il est approuvé ou au contraire critiqué par l’auteur et, de cette façon, se soustrait aux problèmes de précision que rencontrent les métriques traditionnelles.

      Jaele Bechis, chercheuse au Bureau d’économie théorique et appliquée de l’université de Lorraine, a longuement étudié, dans le cadre de sa thèse et de ses recherches, le marché de la publication scientifique à l’ère du numérique. « Il faut garder en tête que ce sont des maisons d’édition commerciales dont l’objectif est de faire du profit, décrit-elle. Elles mettent aujourd’hui en place des stratégies que les grandes entreprises dans les autres domaines adoptent également. » Et si certaines de ces données « peuvent servir à la communauté scientifique », des universitaires réfractaires avancent qu’une marchandisation de la science, accélérée par ces stratégies de « datafication », est à craindre.

      Selon eux, affûter aussi précisément ces facteurs d’impact et aller jusqu’à inspecter les comportements des chercheurs reviendrait à motiver la production scientifique par la performance et non plus par la recherche de connaissances. Ainsi, les domaines les plus à la mode, les travaux les plus spectaculaires et les auteurs les plus lus auraient davantage de chance d’être financés et publiés tandis que d’autres, moins en vogue, seraient délaissés par ce système, avance le chercheur Jefferson Pooley.

      « Les agences nationales de recherche, en particulier dans le monde anglophone, ont déjà commencé à accentuer l’importance des facteurs d’impact, justifie-t-il. Il est probable que cette tendance s’intensifiera à mesure que les éditeurs investiront dans les données. »

      en v’là du brain drain qu’il est cool

      #sciences #data #datafication #marchandisation #productivité

  • Le transport routier : un symptôme du #libéralisme et des #privatisations. L’organisation des procès industriels à #flux_tendus a confié le #transport des #marchandises à des entreprises qui surexploitent leurs employé·es.
    Le transport par #camions génèrent aussi de nombreux « dégâts collatéraux » : pollutions, coût des infrastructures, accidents, etc.

    ¤ Reportage ¤ 》 Putains de camions. Les poids lourds en question (7/Arte) - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=VfxRTBjDCPw

    Pour quelle raison les camions sont-ils aussi nombreux – un tiers d’entre eux, selon les estimations – à rouler à vide ? Diesel bon marché, dumping sur les salaires des chauffeurs, explosion des commandes sur Internet, production et livraison à flux tendu : cette folie des poids lourds, qui résulte d’une série de décisions politiques, notamment un investissement massif dans les autoroutes, sert des intérêts économiques.

    .../...

    À l’échelle du continent, la Suisse offre pourtant un modèle plus vertueux : le pays a su s’affranchir du lobby automobile pour miser sur le transport ferroviaire.

    (Pas vu tout le reportage. La Suisse "vertueuse ? Mmmh ...)

  • Schengen : de nouvelles règles pour rendre l’espace sans contrôles aux #frontières_intérieures plus résilient

    La Commission propose aujourd’hui des règles actualisées pour renforcer la gouvernance de l’espace Schengen. Les modifications ciblées renforceront la coordination au niveau de l’UE et offriront aux États membres des outils améliorés pour faire face aux difficultés qui surviennent dans la gestion tant des frontières extérieures communes de l’UE que des frontières intérieures au sein de l’espace Schengen. L’actualisation des règles vise à faire en sorte que la réintroduction des #contrôles_aux_frontières_intérieures demeure une mesure de dernier recours. Les nouvelles règles créent également des outils communs pour gérer plus efficacement les frontières extérieures en cas de crise de santé publique, grâce aux enseignements tirés de la pandémie de COVID-19. L’#instrumentalisation des migrants est également prise en compte dans cette mise à jour des règles de Schengen, ainsi que dans une proposition parallèle portant sur les mesures que les États membres pourront prendre dans les domaines de l’asile et du retour dans une telle situation.

    Margaritis Schinas, vice-président chargé de la promotion de notre mode de vie européen, s’est exprimé en ces termes : « La crise des réfugiés de 2015, la vague d’attentats terroristes sur le sol européen et la pandémie de COVID-19 ont mis l’espace Schengen à rude épreuve. Il est de notre responsabilité de renforcer la gouvernance de Schengen et de faire en sorte que les États membres soient équipés pour offrir une réaction rapide, coordonnée et européenne en cas de crise, y compris lorsque des migrants sont instrumentalisés. Grâce aux propositions présentées aujourd’hui, nous fortifierons ce “joyau” si emblématique de notre mode de vie européen. »

    Ylva Johansson, commissaire aux affaires intérieures, a quant à elle déclaré : « La pandémie a montré très clairement que l’espace Schengen est essentiel pour nos économies et nos sociétés. Grâce aux propositions présentées aujourd’hui, nous ferons en sorte que les contrôles aux frontières ne soient rétablis qu’en dernier recours, sur la base d’une évaluation commune et uniquement pour la durée nécessaire. Nous dotons les États membres des outils leur permettant de relever les défis auxquels ils sont confrontés. Et nous veillons également à gérer ensemble les frontières extérieures de l’UE, y compris dans les situations où les migrants sont instrumentalisés à des fins politiques. »

    Réaction coordonnée aux menaces communes

    La proposition de modification du code frontières Schengen vise à tirer les leçons de la pandémie de COVID-19 et à garantir la mise en place de mécanismes de coordination solides pour faire face aux menaces sanitaires. Les règles actualisées permettront au Conseil d’adopter rapidement des règles contraignantes fixant des restrictions temporaires des déplacements aux frontières extérieures en cas de menace pour la santé publique. Des dérogations seront prévues, y compris pour les voyageurs essentiels ainsi que pour les citoyens et résidents de l’Union. L’application uniforme des restrictions en matière de déplacements sera ainsi garantie, en s’appuyant sur l’expérience acquise ces dernières années.

    Les règles comprennent également un nouveau mécanisme de sauvegarde de Schengen destiné à générer une réaction commune aux frontières intérieures en cas de menaces touchant la majorité des États membres, par exemple des menaces sanitaires ou d’autres menaces pour la sécurité intérieure et l’ordre public. Grâce à ce mécanisme, qui complète le mécanisme applicable en cas de manquements aux frontières extérieures, les vérifications aux frontières intérieures dans la majorité des États membres pourraient être autorisées par une décision du Conseil en cas de menace commune. Une telle décision devrait également définir des mesures atténuant les effets négatifs des contrôles.

    De nouvelles règles visant à promouvoir des alternatives effectives aux vérifications aux frontières intérieures

    La proposition vise à promouvoir le recours à d’autres mesures que les contrôles aux frontières intérieures et à faire en sorte que, lorsqu’ils sont nécessaires, les contrôles aux frontières intérieures restent une mesure de dernier recours. Ces mesures sont les suivantes :

    - Une procédure plus structurée pour toute réintroduction des contrôles aux frontières intérieures, comportant davantage de garanties : Actuellement, tout État membre qui décide de réintroduire des contrôles doit évaluer le caractère adéquat de cette réintroduction et son incidence probable sur la libre circulation des personnes. En application des nouvelles règles, il devra en outre évaluer l’impact sur les régions frontalières. Par ailleurs, tout État membre envisageant de prolonger les contrôles en réaction à des menaces prévisibles devrait d’abord évaluer si d’autres mesures, telles que des contrôles de police ciblés et une coopération policière renforcée, pourraient être plus adéquates. Une évaluation des risques devrait être fournie pour ce qui concerne les prolongations de plus de 6 mois. Lorsque des contrôles intérieurs auront été rétablis depuis 18 mois, la Commission devra émettre un avis sur leur caractère proportionné et sur leur nécessité. Dans tous les cas, les contrôles temporaires aux frontières ne devraient pas excéder une durée totale de 2 ans, sauf dans des circonstances très particulières. Il sera ainsi fait en sorte que les contrôles aux frontières intérieures restent une mesure de dernier recours et ne durent que le temps strictement nécessaire.
    – Promouvoir le recours à d’autres mesures : Conformément au nouveau code de coopération policière de l’UE, proposé par la Commission le 8 décembre 2021, les nouvelles règles de Schengen encouragent le recours à des alternatives effectives aux contrôles aux frontières intérieures, sous la forme de contrôles de police renforcés et plus opérationnels dans les régions frontalières, en précisant qu’elles ne sont pas équivalentes aux contrôles aux frontières.
    - Limiter les répercussions des contrôles aux frontières intérieures sur les régions frontalières : Eu égard aux enseignements tirés de la pandémie, qui a grippé les chaînes d’approvisionnement, les États membres rétablissant des contrôles devraient prendre des mesures pour limiter les répercussions négatives sur les régions frontalières et le marché intérieur. Il pourra s’agir notamment de faciliter le franchissement d’une frontière pour les travailleurs frontaliers et d’établir des voies réservées pour garantir un transit fluide des marchandises essentielles.
    - Lutter contre les déplacements non autorisés au sein de l’espace Schengen : Afin de lutter contre le phénomène de faible ampleur mais constant des déplacements non autorisés, les nouvelles règles créeront une nouvelle procédure pour contrer ce phénomène au moyen d’opérations de police conjointes et permettre aux États membres de réviser ou de conclure de nouveaux accords bilatéraux de réadmission entre eux. Ces mesures complètent celles proposées dans le cadre du nouveau pacte sur la migration et l’asile, en particulier le cadre de solidarité contraignant, et doivent être envisagées en liaison avec elles.

    Aider les États membres à gérer les situations d’instrumentalisation des flux migratoires

    Les règles de Schengen révisées reconnaissent l’importance du rôle que jouent les États membres aux frontières extérieures pour le compte de tous les États membres et de l’Union dans son ensemble. Elles prévoient de nouvelles mesures que les États membres pourront prendre pour gérer efficacement les frontières extérieures de l’UE en cas d’instrumentalisation de migrants à des fins politiques. Ces mesures consistent notamment à limiter le nombre de points de passage frontaliers et à intensifier la surveillance des frontières.

    La Commission propose en outre des mesures supplémentaires dans le cadre des règles de l’UE en matière d’asile et de retour afin de préciser les modalités de réaction des États membres en pareilles situations, dans le strict respect des droits fondamentaux. Ces mesures comprennent notamment la possibilité de prolonger le délai d’enregistrement des demandes d’asile jusqu’à 4 semaines et d’examiner toutes les demandes d’asile à la frontière, sauf en ce qui concerne les cas médicaux. Il convient de continuer à garantir un accès effectif à la procédure d’asile, et les États membres devraient permettre l’accès des organisations humanitaires qui fournissent une aide. Les États membres auront également la possibilité de mettre en place une procédure d’urgence pour la gestion des retours. Enfin, sur demande, les agences de l’UE (Agence de l’UE pour l’asile, Frontex, Europol) devraient apporter en priorité un soutien opérationnel à l’État membre concerné.

    Prochaines étapes

    Il appartient à présent au Parlement européen et au Conseil d’examiner et d’adopter les deux propositions.

    Contexte

    L’espace Schengen compte plus de 420 millions de personnes dans 26 pays. La suppression des contrôles aux frontières intérieures entre les États Schengen fait partie intégrante du mode de vie européen : près de 1,7 million de personnes résident dans un État Schengen et travaillent dans un autre. Les personnes ont bâti leur vie autour des libertés offertes par l’espace Schengen, et 3,5 millions d’entre elles se déplacent chaque jour entre des États Schengen.

    Afin de renforcer la résilience de l’espace Schengen face aux menaces graves et d’adapter les règles de Schengen aux défis en constante évolution, la Commission a annoncé, dans son nouveau pacte sur la migration et l’asile présenté en septembre 2020, ainsi que dans la stratégie de juin 2021 pour un espace Schengen pleinement opérationnel et résilient, qu’elle proposerait une révision du code frontières Schengen. Dans son discours sur l’état de l’Union de 2021, la présidente von der Leyen a également annoncé de nouvelles mesures pour contrer l’instrumentalisation des migrants à des fins politiques et pour assurer l’unité dans la gestion des frontières extérieures de l’UE.

    Les propositions présentées ce jour viennent s’ajouter aux travaux en cours visant à améliorer le fonctionnement global et la gouvernance de Schengen dans le cadre de la stratégie pour un espace Schengen plus fort et plus résilient. Afin de favoriser le dialogue politique visant à relever les défis communs, la Commission organise régulièrement des forums Schengen réunissant des membres du Parlement européen et les ministres de l’intérieur. À l’appui de ces discussions, la Commission présentera chaque année un rapport sur l’état de Schengen résumant la situation en ce qui concerne l’absence de contrôles aux frontières intérieures, les résultats des évaluations de Schengen et l’état d’avancement de la mise en œuvre des recommandations. Cela contribuera également à aider les États membres à relever tous les défis auxquels ils pourraient être confrontés. La proposition de révision du mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen, actuellement en cours d’examen au Parlement européen et au Conseil, contribuera à renforcer la confiance commune dans la mise en œuvre des règles de Schengen. Le 8 décembre, la Commission a également proposé un code de coopération policière de l’UE destiné à renforcer la coopération des services répressifs entre les États membres, qui constitue un moyen efficace de faire face aux menaces pesant sur la sécurité dans l’espace Schengen et contribuera à la préservation d’un espace sans contrôles aux frontières intérieures.

    La proposition de révision du code frontières Schengen qui est présentée ce jour fait suite à des consultations étroites auprès des membres du Parlement européen et des ministres de l’intérieur réunis au sein du forum Schengen.

    Pour en savoir plus

    Documents législatifs :

    – Proposition de règlement modifiant le régime de franchissement des frontières par les personnes : https://ec.europa.eu/home-affairs/proposal-regulation-rules-governing-movement-persons-across-borders-com-20

    – Proposition de règlement visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile : https://ec.europa.eu/home-affairs/proposal-regulation-situations-instrumentalisation-field-migration-and-asy

    – Questions-réponses : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/qanda_21_6822

    – Fiche d’information : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/fs_21_6838

    https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_6821

    #Schengen #Espace_Schengen #frontières #frontières_internes #résilience #contrôles_frontaliers #migrations #réfugiés #asile #crise #pandémie #covid-19 #coronavirus #crise_sanitaire #code_Schengen #code_frontières_Schengen #menace_sanitaire #frontières_extérieures #mobilité #restrictions #déplacements #ordre_public #sécurité #sécurité_intérieure #menace_commune #vérifications #coopération_policière #contrôles_temporaires #temporaire #dernier_recours #régions_frontalières #marchandises #voies_réservées #déplacements_non_autorisés #opérations_de_police_conjointes #pacte #surveillance #surveillance_frontalière #points_de_passage #Frontex #Europol #soutien_opérationnel

    –—

    Ajouté dans la métaliste sur les #patrouilles_mixtes ce paragraphe :

    « Lutter contre les déplacements non autorisés au sein de l’espace Schengen : Afin de lutter contre le phénomène de faible ampleur mais constant des déplacements non autorisés, les nouvelles règles créeront une nouvelle procédure pour contrer ce phénomène au moyen d’opérations de police conjointes et permettre aux États membres de réviser ou de conclure de nouveaux accords bilatéraux de réadmission entre eux. Ces mesures complètent celles proposées dans le cadre du nouveau pacte sur la migration et l’asile, en particulier le cadre de solidarité contraignant, et doivent être envisagées en liaison avec elles. »

    https://seenthis.net/messages/910352

    • La Commission européenne propose de réformer les règles de Schengen pour préserver la #libre_circulation

      Elle veut favoriser la coordination entre États membres et adapter le code Schengen aux nouveaux défis que sont les crise sanitaires et l’instrumentalisation de la migration par des pays tiers.

      Ces dernières années, les attaques terroristes, les mouvements migratoires et la pandémie de Covid-19 ont ébranlé le principe de libre circulation en vigueur au sein de l’espace Schengen. Pour faire face à ces événements et phénomènes, les pays Schengen (vingt-deux pays de l’Union européenne et la Suisse, le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande) ont réintroduit plus souvent qu’à leur tour des contrôles aux frontières internes de la zone, en ordre dispersé, souvent, et, dans le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, de la France, du Danemark, de la Norvège et de la Suède, de manière « provisoirement permanente ».
      Consciente des risques qui pèsent sur le principe de libre circulation, grâce à laquelle 3,5 millions de personnes passent quotidiennement d’un État membre à l’autre, sans contrôle, la Commission européenne a proposé mardi de revoir les règles du Code Schengen pour les adapter aux nouveaux défis. « Nous devons faire en sorte que la fermeture des frontières intérieures soit un ultime recours », a déclaré le vice-président de la Commission en charge de la Promotion du mode de vie européen, Margaritis Schinas.
      Plus de coordination entre États membres

      Pour éviter le chaos connu au début de la pandémie, la Commission propose de revoir la procédure en vertu de laquelle un État membre peut réintroduire des contrôles aux frontières internes de Schengen. Pour les événements « imprévisibles », les contrôles aux frontières pourraient être instaurés pour une période de trente jours, extensibles jusqu’à trois mois (contre dix jours et deux mois actuellement) ; pour les événements prévisibles, elle propose des périodes renouvelables de six mois jusqu’à un maximum de deux ans… ou plus si les circonstances l’exigent. Les États membres devraient évaluer l’impact de ces mesures sur les régions frontalières et tenter de le minimiser - pour les travailleurs frontaliers, au nombre de 1,7 million dans l’Union, et le transit de marchandises essentielle, par exemple - et et envisager des mesures alternatives, comme des contrôles de police ciblés ou une coopération policière transfrontalières.
      Au bout de dix-huit mois, la Commission émettrait un avis sur la nécessité et la proportionnalité de ces mesures.
      De nouvelles règles pour empêcher les migrations secondaires

      L’exécutif européen propose aussi d’établir un cadre légal, actuellement inexistant, pour lutter contre les « migrations secondaires ». L’objectif est de faire en sorte qu’une personne en situation irrégulière dans l’UE qui traverse une frontière interne puisse être renvoyée dans l’État d’où elle vient. Une mesure de nature à satisfaire les pays du Nord, dont la Belgique, qui se plaignent de voir arriver ou transiter sur leur territoire des migrants n’ayant pas déposé de demandes d’asile dans leur pays de « première entrée », souvent situé au sud de l’Europe. La procédure réclame des opérations de police conjointes et des accords de réadmission entre États membres. « Notre réponse la plus systémique serait un accord sur le paquet migratoire », proposé par la Commission en septembre 2020, a cependant insisté le vice-président Schengen. Mais les États membres ne sont pas en mesure de trouver de compromis, en raison de positions trop divergentes.
      L’Europe doit se préparer à de nouvelles instrumentalisations de la migration

      La Commission veut aussi apporter une réponse à l’instrumentalisation de la migration telle que celle pratiquée par la Biélorussie, qui a fait venir des migrants sur son sol pour les envoyer vers la Pologne et les États baltes afin de faire pression sur les Vingt-sept. La Commission veut définir la façon dont les États membres peuvent renforcer la surveillance de leur frontière, limiter les points d’accès à leur territoire, faire appel à la solidarité européenne, tout en respectant les droits fondamentaux des migrants.
      Actuellement, « la Commission peut seulement faire des recommandations qui, si elles sont adoptées par le Conseil, ne sont pas toujours suivies d’effet », constate la commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson.
      Pour faire face à l’afflux migratoire venu de Biélorussie, la Pologne avait notamment pratiqué le refoulement, contraire aux règles européennes en matière d’asile, sans que l’on donne l’impression de s’en émouvoir à Bruxelles et dans les autres capitales de l’Union. Pour éviter que cela se reproduise, la Commission propose des mesures garantissant la possibilité de demander l’asile, notamment en étendant à quatre semaines la période pour qu’une demande soit enregistrée et traitée. Les demandes pourront être examinée à la frontière, ce qui implique que l’État membre concerné devrait donner l’accès aux zones frontalières aux organisations humanitaires.

      La présidence française du Conseil, qui a fait de la réforme de Schengen une de ses priorités, va essayer de faire progresser le paquet législatif dans les six mois qui viennent. « Ces mesures constituent une ensemble nécessaire et robuste, qui devrait permettre de préserver Schengen intact », a assuré le vice-président Schinas. Non sans souligner que la solution systémique et permanente pour assurer un traitement harmonisé de l’asile et de la migration réside dans le pacte migratoire déposé en 2020 par la Commission et sur lequel les États membres sont actuellement incapables de trouver un compromis, en raison de leurs profondes divergences sur ces questions.

      https://www.lalibre.be/international/europe/2021/12/14/face-aux-risques-qui-pesent-sur-la-libre-circulation-la-commission-europeenn
      #réforme

  • Israël – Exportateur de mort et de répression en Afrique
    Susan Abulhawa, Publié le 22 novembre 2021 sur MRN Media Review Network
    Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
    https://charleroi-pourlapalestine.be/index.php/2021/11/30/israel-exportateur-de-mort-et-de-repression-en-afrique

    Alors que l’Union africaine se débat avec elle-même pour avoir octroyé récemment le statut d’observateur à Israël, il incombe au continent de chercher plus loin que des discussions politiques immédiates. Les critiques insistent, et à juste titre, en disant qu’il est contraire à la charte de l’UA d’admettre une nation coloniale dont l’existence est vouée au nettoyage historique et ethnique permanent des Palestiniens autochtones. Mais on ne dit pas grand-chose du rôle actuel et historique d’Israël dans toute l’Afrique. (...)

    #marchand_de-canons

  • La longue agonie du fret ferroviaire
    https://lvsl.fr/la-longue-agonie-du-fret-ferroviaire

    En 1827, la première ligne de chemin de fer ne transportait pas des voyageurs mais des marchandises. Avec seulement 18 kilomètres de voies, la ligne de Saint-Étienne à Andrézieux, tractée par des chevaux, servait à transporter de la houille depuis le port fluvial. Le transport de marchandises par train s’est ensuite développé de manière exponentielle au travers de compagnies privées. En 1882, la France possède alors la plus forte densité de chemin de fer au monde avec 26 000 km de voies. Les marchandises sont échangées dans des halles adjacentes aux gares, avant que le trafic ne soit peu à peu séparé des voyageurs. En 1938, la création de la SNCF unifie le réseau. Il y a alors 6 500 embranchements jusqu’aux entreprises (les ITE) et plus de 42 500 km de voies. Cette situation continue dans l’après-guerre : en 1950 les deux tiers des marchandises sont transportées par le rail et c’est le transport de marchandises qui fait vivre la SNCF. Alors que les frontières entre cheminots du service voyageur et du service fret ne sont pas établies, on estime que 200 000 d’entre eux travaillent directement ou indirectement dans le transport de marchandises. Pourtant, la concurrence avec la route a déjà commencé. Les camions se multiplient et, en 1984, le ferroviaire ne représente déjà plus que 30% du transport de marchandises1. La baisse est brutale : ce chiffre passe à 20% en 1990, puis 17% en 2000 et 9% en 2010. Aujourd’hui, il reste moins de 5 000 cheminots au service de SNCF Fret et seulement 32 milliards de tonnes-kilomètres2 sont transportées sur les voies ferroviaires contre 317,3 milliards de tonnes-kilomètres sur les routes.

    #voies_ferrées #transports #marchandises #fret