• ML Werke auf archive.org
    https://web.archive.org/web/20250221161435/http://mlwerke.de/index.shtml

    L’archive le plus important et le plus ancien d’écrits marxistes en allemand mlwerke.de est hors ligne depuis le mois de mars 2025. La dernière version archivée date du 22.2.2025.

    Cette énorme collection de textes a été maintenue par une seule persomne qui a disparu.

    #seenthis est-ce qu tu sais comment récupérer un domaine internet dot-de avant que les spécialistes de revente de noms de domaine ne s’en.emparent ?

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    Wissenschaft : mlwerke Offline « Was Tun ? »
    https://www.porz-illu.de/content/wissen-mlwerke-offline-was-tun

    4.4.2025 - Beliebte Wissensdatenbank Marx Engels Lenin...Werke ist offline
    Der Marxismus-Leninismus galt in der DDR und nicht nur dort als Wissenschaft. In Westdeutschland und bis heute beim Verfassungsschutz gilt diese philosophische Schule als gefährlich, zumindest als verdächtig. Diese Tradition des deutschen Staates reicht bis in die Kaiserzeit zurück; er veranstaltete den „Kommunistenprozess zu Köln“ und verbot die Sozialdemokratie. Dennoch fanden in allen Jahrzehnten die Schriften von Marx, Engels, Bebel, Liebknecht, Luxemburg, Lenin, Stalin, aber auch von libertären Kommunisten wie Kropotkin und unzähligen weiteren Autoren bis heute ihre Leserinnen und Leser.

    Wissenschaftlich ist vor allem die Denke in Bezug auf Arbeitskraft, Arbeit, Kapital, Akkumulation, Konzentration auf Entwicklung, Struktur und Organisation sehr interessant. Die Zeit zeigt, dass die Analyse treffend ist. In der Geschlechterfrage und in der Frage der Gleichheit der Menschen war diese Denkschule weit vorne und wegweisend. Viele Ansichten haben sich in der Welt durchgesetzt. Stichworte wie dialektischer Materialismus (materialistische Dialektik) und historischer Materialismus sind Werkzeuge zum Begreifen menschlicher Entwicklung, menschlicher Beziehungen und menschlicher Realität. Vieles hat sich längst unter anderen Begriffen durchgesetzt.

    Es gehört jedoch noch weit mehr dazu. Die gesamte Liste der von faschistischen Studierenden und NS-Bildungsbürgern verbrannten Werke umfasst zu einem Großteil sozialistische Literatur.

    Es gehört jedoch noch weit mehr dazu. Die gesamte Liste der von faschistischen Studierenden und NS-Bildungsbürgern verbrannten Werke umfasst zu einem Großteil sozialistische Literatur.
    Es wurde auch liberale bürgerliche Literatur verbrannt, aber vor allem alles, was links war, die gesamte Arbeiterkultur.
    Es war das politische Hauptziel Hitlers alles zu beseitigen was irgendwie mit Kommunismus zu tun hat. Er stellte sich seine Volksgemeinschaft als eine Gesellschaft der Führer und der Gefolgschaft vor. In Wirtschaft, Politik und Gesellschaft sollte es so sein. Da stört jede Idee aus der Arbeiter- und Arbeiterinnenbewegung.
    Das Vermächtnis ist bedeutender als das von religiösen Schriften, es ist immaterielles Weltkulturerbe, daher sollte man sich ernsthaft um deren Erhalt bemühen.
    Hier werden die Antworten geliefert die in diesen schwierigen Zeiten gefragt sind, wenn auch nicht fertig serviert so dach das Handwerkszeug einer hilfreichen Betrachung der Dinge.
    Hier geht es nur um die Werke der Sozialisten, Kommunisten und der Arbeiterliteratur. In der DDR kam sie dann zu allen Ehren, sofern sie in das Bild passte, in Westdeutschland wurde sie weiter unterdrückt und wurde auch in ihren Nischen zurückgedrängt (SPD, Gewerkschaften...)
    Die Onlinebibliothek hatte den großen Vorteil, dass sie eine Suchfunktion bietet.
    Wenn ein Zitat gesucht wird, werden die Ergebnisse im Zusammenhang angezeigt.In Buchform bedarf es einiger Suche, Nachlesens und Nachblättern. Dabei mag man über die eine oder andere Erkenntnis kommen, nur ist es müßig und wenig zielorientiert.

    Die beliebte und stark besuchte Webseite mlwerke ist offline. Hier wurden sehr viele Werke sozialistischer Autorinnen und Autoren online gestellt.
    Das Projekt startete 1999 und basiert auf einer großen Arbeitsleistung.
    Mit dem Wegfall von mlwerke verliert die sozialistische, kommunistische und proletarische Onlinekultur wahrscheinlich ihre wichtigste Quelle.
    mlwerke war eine Leistung die Parteien noch deren Stiftungen aufgebracht haben, obwohl diese über große Mittel verfügen.

    Es gibt natürlich Ersatz: Eine internationale Plattform bietet Schriften in vielen Sprachen an, die KI übersetzt inzwischen alles auf Wunsch in Echtzeit in die gewünschte Sprache.
    Es soll hier nun eine Übersicht der Onlinequellen geschaffen werden:

    Eine internationale Quelle:
    [https://www.marxists.org/admin/search/index.htm](https://www.marxists.org/admin/search/index.htm)
    (besser ist es, hier nach dem Autor zu suchen und sich das ggf. von der KI übersetzen zu lassen):
    (https://www.marxists.org/xlang/index.htm )

    Eine internationale Quelle: [https://www.marxists.org/admin/search/index.htm](https://www.marxists.org/admin/search/index.htm) (besser ist es, hier nach dem Autor zu suchen und sich das ggf. von der KI übersetzen zu lassen):
    [https://www.marxists.org/xlang/index.htm](https://www.marxists.org/xlang/index.htm)
    - Zum Download: [https://marx-wirklich-studieren.net/marx-engels-werke-als-pdf-zum-download ]
    - Übersicht Dietz Verlag MEW: [https://dietzberlin.de/was-steht-wo-in-der-mew
    Seit einem Jahr gibt es einen interessanten neuen Ansatz
    https://worldmarxistreview.org/index.php/wmr/issue/view/2

    Diese Liste wird vervollständigt werden.

    #marxisme #archive #internet

  • https://hmparis.org

    Conjurer la catastrophe
    L’appel
    🇬🇧 English version

    Le dernier « Congrès Marx International » a eu lieu à Paris en 2010. Depuis lors, dans l’espace francophone, aucune conférence internationale s’inscrivant explicitement dans le cadre du marxisme, durant laquelle les différents courants intellectuels et politiques puissent se rencontrer et discuter pendant plusieurs jours n’a été organisée. Faire connaître et mettre en débat les recherches marxistes les plus novatrices intellectuellement mais aussi les plus urgentes politiquement : voilà l’objectif que nous poursuivons à travers l’organisation de la première conférence « Historical Materialism Paris » du 26 au 28 juin 2025, qui s’inscrit dans la série de conférences organisées par la revue Historical Materialism d’abord à Londres, puis à Ankara, Athènes, Barcelone, Berlin, Beyrouth, Cluj, Istanbul, Melbourne, Montréal, New Delhi, New York, Rome, Sydney et Toronto, ainsi qu’une version en ligne pour l’Asie du Sud-Est.

    Entretemps, le monde n’a pas changé de base mais certaines des principales tendances déjà à l’œuvre se sont accentuées. Le processus de dé-démocratisation des États s’est radicalisé, soulignant l’intrication du néolibéralisme avec les formes autoritaires de domination politique. La montée en puissance de mouvements néofascistes ou de forces de la droite traditionnelle en voie de fascisation, s’est accélérée à l’échelle globale. Les tensions géopolitiques entre les grandes puissances se sont durcies, l’invasion de l’Ukraine à partir de 2022 laissant entrevoir la possibilité d’un conflit militaire généralisé. Le déchainement de la pandémie en 2020 a manifesté l’apparition de nouvelles menaces pour l’humanité entière ainsi que les effets de la dégradation des systèmes de santé publique. La guerre génocidaire menée depuis octobre 2023 par l’État d’Israël à Gaza, avec le soutien des impérialismes occidentaux, a mis en pleine lumière la persistance du colonialisme sous ses formes les plus criminelles. Enfin, l’approfondissement des crises écologiques, avec 2023 qui a été l’année la plus chaude depuis la période préindustrielle et 2024 qui devrait la surclasser sur ce point, contraste avec l’inaction des gouvernements bourgeois et nous entraîne vers l’abîme.

    La période récente, pourtant, n’a pas seulement été caractérisée par la montée des forces réactionnaires, des militarismes et des catastrophes ; elle a aussi donné lieu à des soulèvements populaires, à des expériences de contestation de masse et à des alliances nouvelles entre mouvements qui ont défié l’ordre dominant : des occupations des places en 2011 au soutien à la résistance palestinienne, en passant par le renouveau de la conflictualité de classe, l’aiguisement des luttes anti-racistes, le renouveau des pratiques féministes et la radicalisation des mouvements écologistes.

    Sur le plan intellectuel, le marxisme a indéniablement retrouvé une audience au sein des franges critiques du champ intellectuel et des mouvements d’émancipation, en se liant à leurs secteurs les plus dynamiques et ce, malgré l’absence d’organisations communistes de masse. Nous sommes ainsi sortis de la longue période de déclin du marxisme issue de l’offensive proprement contre-révolutionnaire qui a si fortement marqué le champ intellectuel en France dans les années 1980 et 1990, au point que Perry Anderson pouvait alors parler de Paris comme de la « capitale de la réaction intellectuelle en Europe » et que Bourdieu pouvait parler de cette période comme celle « où le dernier must de la mode [était] d’être revenu de tout, et d’abord du marxisme ».

  • L’essor du #Célibat : au-delà des paniques morales
    https://lvsl.fr/lessor-du-celibat-au-dela-des-paniques-morales

    Partout dans le monde, le #Couple décline depuis plusieurs décennies. Cette évolution inquiète d’un côté les pouvoirs publics car elle entraîne un déclin démographique et risque d’aggraver la stagnation d’économies occidentales déjà vieillissantes. De l’autre, les intellectuels médiatiques fustigent l’individualisme et le puritanisme supposé des nouvelles générations. Les causes de ce phénomène sont multiples, et […]

    #Société #féminisme #Féminisme_marxiste #Féminisme_matérialiste #marxisme #matérialisme #patriarcat

  • #Capitalisme et #racisme. L’apport fondamental du #marxisme_noir

    Les marxistes sont souvent accusés d’ignorer ou de minimiser le racisme, voire de le « réduire » à la classe sociale. Mais une telle critique occulte une riche tradition de théorisation marxiste de l’oppression raciale, connue sous le nom de « marxisme noir ».

    La tradition de la pensée marxiste noire – qui comprend W. E. B. Du Bois (1868-1963), C. L. R. James (1901-1989) et Frantz Fanon (1925-1961), entre autres – insiste à la fois sur l’importance historique du capitalisme dans l’oppression raciale et sur les conséquences destructrices de cette #oppression pour les travailleurs·ses noirs et l’ensemble de la classe travailleuse.

    Jonah Birch, collaborateur de Jacobin, s’est récemment entretenu avec #Jeff_Goodwin, professeur à l’Université de New York et spécialiste des révolutions et des mouvements sociaux, qui a écrit sur Du Bois et la tradition marxiste noire (voir notamment cet article), afin d’échanger sur l’apport durable des marxistes noirs à la pensée critique et révolutionnaire.

    Leur discussion a porté sur le rôle central du capitalisme dans l’#oppression_raciale, sur l’hétérogénéité de la pensée marxiste noire et sur la pérennité de cette tradition théorique aujourd’hui.

    Jonah Birch – Vous avez récemment fait l’éloge du marxisme noir dans Catalyst. Qu’entendez-vous exactement par « marxisme noir » ?

    Jeff Goodwin – Ce terme fait référence aux écrivains, organisateurs et révolutionnaires africains, afro-américains et afro-caribéens qui se sont appuyés sur la théorie marxiste pour comprendre – et mieux, détruire – à la fois l’oppression raciale et l’#exploitation_de_classe, y compris le #colonialisme. Il s’agit donc d’une tendance théorique et politique au sein du marxisme. Elle est analogue au féminisme marxiste, qui s’inspire lui aussi de la théorie marxiste pour analyser l’oppression des femmes.

    On entend parfois dire que le marxisme a un « problème de race », sous-entendant que les marxistes ne prennent pas la question raciale au sérieux. Mais honnêtement, je ne vois aucune autre tradition théorique ou politique — qu’il s’agisse du libéralisme, du nationalisme noir ou de la théorie critique de la race — qui offre plus d’éclairages sur l’oppression raciale que le marxisme. Et cela est largement dû à la tradition marxiste noire. Bien sûr, on trouve aussi une opposition à l’oppression raciale et au colonialisme dans les écrits de marxistes classiques comme Rosa Luxemburg et Vladimir Lénine, ainsi que chez Karl Marx lui-même. Pourtant, cette tradition marxiste noire reste méconnue, y compris au sein de la gauche.

    Jonah Birch – Quels sont, selon vous, les principes fondamentaux du marxisme noir ?

    Jeff Goodwin – Le marxisme noir n’est pas homogène, mais son idée centrale est que le capitalisme a été historiquement le principal pilier de l’oppression raciale à l’ère moderne. Par oppression raciale, j’entends la domination ou le contrôle politique, juridique et social des peuples africains et noirs.

    Que signifie dire que le capitalisme est le principal pilier ou fondement de l’oppression raciale ? Les marxistes noirs mettent en avant deux caractéristiques fondamentales du capitalisme :

    1/ La recherche incessante de main-d’œuvre et de ressources bon marché par les capitalistes

    2/ La concurrence entre les travailleurs pour l’obtention d’un emploi

    Ces deux dynamiques sont, selon eux, les causes profondes de l’oppression raciale.

    L’oppression raciale ne se confond pas avec l’exploitation de classe, mais elle la facilite : elle permet d’exploiter le travail des #Noirs et, par extension, de l’ensemble des travailleurs.

    Affirmer que le racisme, dans sa forme moderne, est un produit du capitalisme ne revient en aucun cas à minimiser ses conséquences horribles. Bien au contraire. Les marxistes noirs soulignent que les peuples noirs, à l’ère moderne, ont été confrontés à une domination politique et sociale ainsi qu’aux formes extrêmes d’exploitation économique que cette domination a rendues possibles. L’oppression politique des peuples noirs est une injustice en soi, mais elle permet également des formes d’exploitation du travail particulièrement brutales.

    Pour être plus précis, l’une des caractéristiques inhérentes au capitalisme est la recherche incessante, par les capitalistes, d’une main-d’œuvre et de ressources bon marché. Cette quête découle du fait que les capitalistes sont en concurrence les uns avec les autres et cherchent donc constamment à réduire leurs coûts de production. L’un des moyens de maintenir une main-d’œuvre bon marché et docile est de l’opprimer politiquement — c’est-à-dire de la dominer et de la contrôler afin de l’empêcher de s’organiser et de résister efficacement. Les capitalistes préféreraient oppresser l’ensemble des travailleurs, mais une alternative consiste à exercer une domination plus marquée sur une partie significative de la classe ouvrière — qu’il s’agisse des femmes, des immigrés ou des travailleurs noirs.

    Les marxistes noirs affirment que les Noirs ont été soumis à une oppression terrible de la part des capitalistes, de l’État et de la police, non pas comme une fin en soi ou par pure malveillance raciale. Là où existent des formes massives de domination et d’inégalité raciales, l’objectif est généralement de faciliter l’exploitation et le contrôle du travail noir – pensons à l’esclavage dans les plantations, au métayage ou encore aux emplois précaires et faiblement rémunérés aux États-Unis. Dans de nombreux cas, la domination raciale repose aussi sur la dépossession des terres et des ressources contrôlées par des groupes raciaux spécifiques. Le colonialisme, de toute évidence, s’inscrit dans cette logique : il implique une telle dépossession et est alimenté par la quête incessante des capitalistes de ressources et de main-d’œuvre bon marché.

    L’oppression raciale est également souvent soutenue et mise en œuvre par des travailleurs blancs. C’est là qu’intervient une autre caractéristique fondamentale du capitalisme : la concurrence entre les travailleurs pour l’emploi. Mais il est important de souligner que, pour les marxistes noirs, les systèmes d’oppression et d’inégalité raciales à grande échelle ont généralement été des projets portés par de puissantes classes dirigeantes — en lien avec les États qu’elles contrôlent ou influencent — et que ces classes ont un intérêt matériel à dévaloriser et exploiter le travail des peuples africains et noirs, ou à s’emparer de leurs ressources. L’oppression raciale est d’autant plus brutale et durable que ces classes dirigeantes et ces États y trouvent un intérêt économique direct.

    Bien sûr, les motivations derrière les actes individuels de racisme sont complexes et ne peuvent pas toujours être expliquées uniquement en ces termes. Mais le marxisme noir ne cherche pas à analyser les comportements individuels : son objectif est d’identifier les forces motrices des institutions de domination raciale à grande échelle. Et son postulat central est que l’exploitation du travail — l’exploitation de classe — constitue généralement cette force motrice. Il est donc essentiel de distinguer le racisme institutionnalisé du racisme interpersonnel.

    Jonah Birch – Je remarque que vous parlez des peuples noirs au pluriel. Je suppose que c’est pour souligner l’hétérogénéité des groupes culturels et ethniques d’Afrique qui ont été colonisés ou réduits en esclavage et amenés dans le Nouveau Monde.

    Jeff Goodwin – Oui, tout à fait, et cela vaut aussi pour l’ensemble des peuples colonisés. W. E. B. Du Bois écrit quelque part – dans Color and Democracy, je crois – que les peuples colonisés possèdent des histoires, des cultures et des caractéristiques physiques extrêmement variées. Ce qui les unit, ce n’est pas leur race ou leur couleur de peau, mais la pauvreté issue de l’exploitation capitaliste. Leur race, explique Du Bois, est la justification apparente de leur exploitation, mais la véritable raison est la recherche de profits à travers une main-d’œuvre bon marché, qu’elle soit noire ou blanche. Il insiste d’ailleurs sur le fait que l’oppression des travailleurs noirs a aussi eu pour effet d’abaisser le coût de la main-d’œuvre blanche.

    Jonah Birch – Comment l’idéologie raciste s’inscrit-elle dans ce contexte ?

    Jeff Goodwin – L’idéologie raciste, ou idéologie suprémaciste blanche — c’est-à-dire le racisme en tant que construction culturelle — est généralement élaborée, diffusée et institutionnalisée par les classes dirigeantes et les institutions étatiques afin de justifier et rationaliser l’oppression et les inégalités raciales. L’animosité ou la haine raciale en tant que telles ne sont pas la principale motivation de l’oppression raciale ; l’élément central est la richesse et les profits générés par l’exploitation du travail des Noirs. Mais le racisme légitime cette oppression et contribue à sa perpétuation.

    Cela ne signifie pas pour autant que certaines idées racistes et suprémacistes n’aient pas précédé le capitalisme. Cependant, leur portée et leur influence sont longtemps restées limitées, jusqu’à ce qu’elles soient associées aux intérêts matériels des capitalistes et des États puissants. À partir de ce moment, elles ont été systématisées, institutionnalisées et sont devenues une force matérielle à part entière.

    Ainsi, la race devient à la fois un critère social et une justification morale de l’oppression politique et sociale, rendant l’exploitation de la main-d’œuvre noire plus facile et plus intensive qu’elle ne pourrait l’être autrement. Mais il y a plus encore. Comme je l’ai mentionné, les travailleurs qui ne sont pas directement opprimés sur le plan racial voient néanmoins leur propre travail dévalorisé et leur pouvoir collectif amoindri par la fracture raciale créée par l’oppression des travailleurs noirs. Pour les marxistes noirs, le racisme est donc un enjeu fondamental, ce qui contredit l’idée que le marxisme aurait un « problème racial ». En aucun cas, les marxistes noirs ne sont des « réductionnistes de classe ».

    Lorsque la domination et l’inégalité raciales sont institutionnalisées à grande échelle, elles visent généralement à faciliter l’exploitation et le contrôle de la main-d’œuvre noire.

    L’oppression politique des Noirs est en elle-même une injustice, mais elle favorise aussi certaines des formes les plus brutales d’exploitation du travail. Historiquement, les travailleurs blancs ont été exploités, parfois de manière assez impitoyable, mais aux États-Unis, ils n’ont jamais été confrontés à une oppression politique, juridique et sociale comparable à celle des travailleurs noirs.

    Le grand socialiste américain Eugene V. Debs (1855-1926) a un jour déclaré que « nous n’avons rien de spécial à offrir aux Noirs », c’est-à-dire rien d’autre que la politique de classe que le Parti Socialiste proposait aux travailleurs blancs. Mais comme l’a démontré William Jones, cette phrase été sortie de son contexte. En réalité, Debs était un fervent adversaire du racisme et il critiquait les socialistes qui ignoraient le racisme ou qui pensaient que la lutte des classes « oblitérait » la nécessité d’affronter les lois et aux institutions racistes. Le racisme constituait un obstacle à la solidarité de classe, pensait Debs, et devait donc être combattu par tous les travailleurs.

    L’ouvrage Class Struggle and the Color Line, édité par Paul Heideman, rassemble les écrits de nombreux socialistes et communistes étatsuniens, noirs et blancs, y compris ceux de Debs, illustrant à quel point il était crucial de combattre et de démanteler le racisme au sein de la classe ouvrière et dans la société en général.

    Aujourd’hui, il est clair que la plupart des marxistes, en grande partie grâce aux travaux des marxistes noirs, reconnaissent que les diverses institutions, lois et normes d’oppression raciale ne se limitent pas à l’exploitation de la main-d’œuvre noire, mais sont tout aussi néfastes – tout en contribuant à renforcer cette exploitation. Les pratiques racistes sont profondément enracinées dans les lieux de travail, où elles se manifestent directement « au point de production », mais elles s’étendent également à l’ensemble de la société et influencent les relations entre les gouvernements et leurs citoyens. Ces institutions, lois et pratiques racistes doivent être combattues de concert avec la lutte contre l’exploitation de classe.

    Jonah Birch – Vous avez mentionné précédemment que les marxistes noirs considèrent que la concurrence entre les travailleurs pour les emplois dans les sociétés capitalistes est liée au racisme. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

    Jeff Goodwin – Certains marxistes noirs soulignent que les travailleurs blancs peuvent adopter un racisme violent, bien que celui-ci soit différent de celui des capitalistes. L’un des principes fondamentaux du marxisme noir est que le racisme n’est pas uniforme – il prend différentes formes selon les contextes économiques et politiques. Pour les travailleurs blancs, le racisme est souvent motivé par la crainte que les travailleurs noirs – ou certains groupes ethniques, ou encore les immigrés – ne prennent leurs emplois ou ne fassent baisser leurs revenus parce qu’ils sont prêts à travailler pour des salaires inférieurs soit par contrainte, soit par nécessité.

    Les capitalistes exploitent naturellement cette peur. Par conséquent, certains travailleurs blancs cherchent à exclure les Noirs (ainsi que certains groupes ethniques blancs) des emplois mieux rémunérés, des secteurs économiques entiers et même des syndicats, souvent par des moyens violents. Cela donne lieu à ce que l’on appelle un marché du travail divisé, où les travailleurs noirs sont relégués à des emplois précaires et moins bien rémunérés, voire totalement exclus du marché du travail.

    Là encore, les croyances racistes ou suprématistes deviennent des outils de justification de ces exclusions et ces violences. L’expression « marché du travail divisé » a été développée dans les années 1970 par une sociologue marxiste, Edna Bonacich, mais l’idée remonte au moins à Du Bois.

    Il est important de rappeler que les travailleurs n’ont pas le pouvoir d’embaucher ou de licencier – c’est le rôle des capitalistes. Ainsi, les marchés du travail divisés n’apparaissent que lorsque les capitalistes ont un intérêt à répondre aux demandes des travailleurs racistes. Toutefois, il arrive que les capitalistes s’opposent aux exigences des travailleurs visant à exclure les Noirs de certaines professions ou industries, notamment en période de pénurie de main-d’œuvre, qu’il s’agisse de travailleurs qualifiés ou de postes vacants à la suite de grèves. Aux États-Unis, les capitalistes ont souvent eu recours à des travailleurs noirs comme briseurs de grève pour remplacer les travailleurs blancs en grève, ce qui avait pour effet d’affaiblir les grèves et d’attiser les animosités raciales des travailleurs blancs, renforçant ainsi la fracture raciale au sein de la classe ouvrière.

    Les marxistes ne considèrent évidemment pas le racisme de la classe ouvrière comme inévitable. À travers l’organisation et les luttes de classe contre les capitalistes, ils estiment que les travailleurs blancs peuvent prendre conscience de la nécessité d’une solidarité de classe large et multiraciale. Ils soulignent que la véritable cause de la pénurie d’emplois bien rémunérés n’est pas la concurrence des travailleurs issus de groupes raciaux différents, mais bien le capitalisme lui-même.

    L’implication politique de cette perspective est que les luttes de classe seront – et devront être – une composante essentielle de toute stratégie de libération des Noirs ou de décolonisation, à la fois sur le lieu de travail et dans la société civile. Si, comme le soutiennent les marxistes noirs, l’exploitation du travail des Noirs et leur exclusion des emplois mieux rémunérés constituent le fondement économique de l’oppression raciale, alors il est impératif de saper, voire d’éliminer, ce système. Pour que leur lutte contre l’oppression raciale et l’exploitation de classe soit victorieuse, les travailleurs noirs auront besoin du soutien le plus large possible des travailleurs d’autres groupes raciaux, même si le racisme tend à entraver cette solidarité. D’où la nécessité de combattre ce racisme à chaque instant. La solidarité de classe est d’autant plus cruciale lorsque les travailleurs racialisés opprimés constituent une minorité, comme c’est le cas aux États-Unis.

    Jonah Birch – Vous avez mentionné Du Bois, mais qui sont les autres figures clés de la tradition marxiste noire ? Qui sont les principaux penseurs de ce courant ?

    Jeff Goodwin – Cette tradition regroupe des intellectuels et militants d’une envergure impressionnante. Une liste non exhaustive de marxistes noirs comprend, outre Du Bois, C. L. R. James (1901-1989), Harry Haywood (1898-1985), Claudia Jones (1915-1964), Oliver Cromwell Cox (1901-1974), Aimé Césaire (1913-2008), Frantz Fanon (1925-1961), Walter Rodney (1942-1980), Claude Ake (1939-1996), Neville Alexander (1936-2012), Manning Marable (1950 -2011) et Stuart Hall (1932-2014). Paul Robeson (1898-1976) était également très proche de ce courant et de Du Bois en particulier. Malcolm X (1925-1965) semblait s’en approcher l’année précédant son assassinat.

    Elle inclut également des révolutionnaires africains tels que Kwame Nkrumah (1909-1972), Amílcar Cabral (1924-1973), Agostinho Neto (1922-1979) et Eduardo Mondlane (1920-1969). Des figures majeures des Black Panthers et du mouvement Black Power, dont Huey Newton (1942-1989), Fred Hampton (1948-1969) et Stokely Carmichael (Kwame Ture) (1941-1998), en font aussi partie.

    Par ailleurs, James Baldwin (1924-1987), à la fois ami de Martin Luther King Jr (1929-1968) et admirateur des Panthères noires, s’en était rapproché au début des années 1970 – il suffit de lire son livre No Name in the Street. Aucune autre tradition théorique ou politique ayant abordé la question de la domination raciale ne peut s’enorgueillir d’une aussi brillante constellation d’écrivains, d’intellectuels et de révolutionnaires.

    Jonah Birch – La question de savoir si W. E. B. Du Bois était marxiste fait débat, non ?

    ­ Jeff Goodwin – Jusqu’à récemment, en réalité, il n’y avait en réalité aucune controverse sur ce point. Tout le monde – du moins à gauche – reconnaissait que Du Bois était devenu un socialiste marxien bien avant d’écrire, à l’âge de soixante-cinq ans, son ouvrage majeur, Black Reconstruction in America, ainsi que les nombreux écrits radicaux qui ont suivi. On peut même déceler des influences marxistes et socialistes dans ses travaux antérieurs.

    Le marxisme de Du Bois est évident dans son autobiographie publiée à titre posthume. Avec le temps, il s’est rapproché du mouvement communiste – jusqu’à devenir un fervent stalinien – et a officiellement rejoint le Parti Communiste en 1961, à l’âge de quatre-vingt-treize ans, bien que ce dernier ait été considérablement affaibli par le maccarthysme.

    Récemment, un groupe de sociologues libéraux a vigoureusement nié ou minimisé cette réalité. Ils ont élaboré ce qu’ils appellent la « sociologie Du Boisienne », une relecture qui expurge toute trace de marxisme – un véritable blanchiment idéologique, pour ainsi dire. Il n’est pas surprenant que ce groupe assimile le marxisme à un « réductionnisme de classe ». Ceux et celles qui s’intéressent à ce débat peuvent consulter un échange entre moi-même et l’un de ces faux « Du Boisiens » dans Catalyst. J’ai écrit ma défense du marxisme noir en réponse à ce négationnisme, qui repose sur une profonde ignorance de Du Bois et de la tradition marxiste noire.

    Jonah Birch – Les questions de race et d’ethnicité n’ont-elles pas été abordées par un large éventail de marxistes issus de différentes races et nationalités ?

    Jeff Goodwin – Bien sûr. Le marxisme noir n’est qu’une partie – même si je pense que c’est la plus fascinante – d’une tradition marxiste plus large, multiraciale et multinationale, qui cherche à analyser la domination raciale ainsi que l’oppression ethnique et nationale, y compris le colonialisme.

    Cette tradition inclut des marxistes classiques comme Rosa Luxemburg (1871-1919) et Vladimir Lénine (1870-1924), mais aussi des penseurs tels que José Carlos Mariátegui (1894-1930), marxiste péruvien qui a écrit sur la « question indienne » en Amérique latine, et Kamekichi Takahashi (1891-1970), un économiste japonais. Elle englobe également des intellectuels sud-asiatiques, comme M. N. Roy (1887-1954) et A. Sivanandan (1923-2018), parmi bien d’autres.

    Elle inclut aussi Ho Chi Minh (1890-1969), qui avait des choses très intéressantes à dire sur le racisme européen, comme vous pouvez l’imaginer.

    Cette tradition marxiste s’est également développée parmi des intellectuels blancs européens et nord-américains, tels que Otto Bauer (1881-1938), Max Shachtman (1904-1972), qui a écrit sur la race aux États-Unis, et Herbert Aptheker (1915-2003), ami et exécuteur littéraire de W. E. B. Du Bois (1868-1963), qui a écrit un ouvrage majeur sur les révoltes d’esclaves aux Etats-Unis, American Negro Slave Revolts (1943).

    Elle s’étend également à des figures plus récentes comme Éric Hobsbawm (1917-2012), Theodore Allen (1919-2005) et Benedict Anderson (1936-2015), célèbre pour son concept de la nation en tant que « communauté imaginée », une idée que l’on peut aussi appliquer à la race et à l’ethnicité.

    Enfin, cette tradition comprend des intellectuels sud-africains blancs qui ont participé à la lutte contre l’apartheid, notamment Martin Legassick (1940-2016) et Harold Wolpe (1926-1996).

    Jonah Birch – La tradition marxiste noire est-elle toujours vivante ?

    Jeff Goodwin – Absolument ! De nombreux intellectuels contemporains continuent d’enrichir cette tradition. Parmi eux, on peut citer l’historienne Barbara Fields (née en 1947), ainsi que Adolph Reed (né en 1947) et son fils Touré Reed (né en 1971). D’autres figures notables incluent Kenneth Warren, Zine Magubane, Cedric Johnson, August Nimtz, Preston Smith, ainsi que le philosophe de Harvard Tommie Shelby (né en 1967), qui se définit lui-même comme un « marxiste afro-analytique ». Et ce ne sont là que quelques intellectuels basés aux États-Unis.

    Jonah Birch – Qu’en est-il de Cedric Robinson (1940-2016), auteur du célèbre ouvrage intitulé Marxisme Noir en 1983 ? N’est-ce pas lui qui a popularisé le terme « marxisme noir » ?

    Jeff Goodwin – Oui, ironiquement, mais il n’était pas le seul. Je dis « ironiquement » parce que Robinson était un farouche opposant au marxisme. Cedric Robinson (1940-2016), auteur de Marxisme Noir : La formation de la tradition radicale noire (Éditions Entremonde, 2023), a contribué à populariser le terme, sans pour autant l’adopter dans une perspective marxiste. Il considérait que le marxisme, à l’image de la culture « occidentale » dans son ensemble, était fondamentalement aveugle au racisme, voire intrinsèquement raciste, et que ses catégories d’analyse ne pouvaient s’appliquer aux sociétés non européennes. Pour Robinson, comme pour les sociologues « Du Boisiens » que j’ai mentionnés, il n’existait qu’une seule forme de marxisme : un marxisme réductionniste, centré exclusivement sur la classe au détriment des autres formes d’oppression.

    Mais parce que Robinson a écrit un livre intitulé Black Marxism, je pense que beaucoup de gens supposent qu’il est lui-même marxiste ou pro-marxiste. Or, rien n’est plus faux. Apparemment, Robinson ne voulait même pas appeler son livre Black Marxism, mais je crois que son éditeur a pensé qu’il se vendrait mieux avec ce titre.

    Marxisme noir présente de nombreux défauts, notamment une mauvaise interprétation de la pensée des marxistes noirs actuels, en particulier des idées de Du Bois (1868-1963) et de C. L. R. James (1901-1989). Le point de vue de Robinson sur Du Bois en tant que prétendu critique du marxisme est basé sur une lecture tronquée de l’œuvre de Du Bois et sur une interprétation profondément erronée de Black Reconstruction in America. Son point de vue sur Du Bois est similaire à celui des sociologues « Du Boisiens ». Robinson prétend, sans aucune preuve, que Du Bois et James ont abandonné le marxisme, ce qui leur a permis de découvrir ce qu’il appelle la « tradition radicale noire ». Mais il s’agit là d’une pure fiction : ni Du Bois ni James n’ont abandonné le marxisme.

    L’engagement de Du Bois au sein du marxisme et du mouvement communiste n’a fait que s’approfondir au fil du temps, même après le célèbre discours de Nikita Khrouchtchev (1894-1971) en 1956 dénonçant les crimes de Joseph Staline (1878-1953) et l’invasion soviétique de la Hongrie la même année. Comme je l’ai mentionné, il a rejoint le Parti Communiste très tard dans sa vie, quelques années seulement avant sa mort. C’est assez étrange, si l’on y réfléchit, pour quelqu’un qui aurait renoncé au marxisme.

    Jonah Birch – On entend souvent parler aujourd’hui de la « tradition radicale noire ». De quoi s’agit-il exactement et quel est son lien avec le marxisme noir ?

    Jeff Gookdwin – Cela dépend de la personne à qui l’on pose la question ! Le sous-titre du livre de Cedric Robinson (1940-2016), Marxisme Noir, est La formation de la tradition radicale noire. Lorsque j’ai découvert ce titre, j’ai d’abord pensé que Robinson établissait un lien direct entre marxisme noir et tradition radicale noire, voire qu’il considérait que les marxistes noirs faisaient partie intégrante de cette tradition. Et cela aurait été logique.

    Mais pour Robinson, il n’y a aucun lien entre les deux. Le marxisme est essentiellement et à jamais européen et raciste, tandis que la tradition radicale noire est essentiellement et à jamais panafricaine et antiraciste. Robinson insiste donc sur le fait que le marxisme n’a rien à offrir aux antiracistes. Comment le pourrait-il, si le marxisme fait partie de la culture occidentale, qui est irrémédiablement raciste ?

    Dans la réalité, les penseurs noirs et les militants révolutionnaires ont largement puisé dans le marxisme pour analyser et combattre le racisme, l’impérialisme et le colonialisme. W. E. B. Du Bois (1868-1963) et C. L. R. James (1901-1989) en sont d’excellents exemples. Ils sont au cœur de la tradition radicale noire, au sens où l’on entend ce terme, tout comme les autres marxistes noirs que j’ai mentionnés.

    J’inclurais également dans cette tradition les non-marxistes qui voient et soulignent néanmoins la manière dont le capitalisme est impliqué dans l’oppression et l’inégalité raciales, et qui sont donc anticapitalistes, sans être nécessairement révolutionnaires. Je pense à diverses personnalités sociales-démocrates et chrétiennes-sociales comme A. Philip Randolph (1889-1979), Chandler Owen (1889-1967), Eric Williams (1911-1981) – un élève de C. L. R. James –, Bayard Rustin (1912-1987), Ella Baker (1903-1986) et, bien sûr, Martin Luther King Jr. (1929-1968). Baker, qui a participé à la fondation du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) en 1960, était d’ailleurs proche des marxistes. Toutes ces personnalités méritent assurément une place dans la tradition radicale noire.

    Jonah Birch – Vous suggérez donc que ce qui distingue les radicaux noirs des autres antiracistes – les antiracistes libéraux et les nationalistes noirs – c’est leur anticapitalisme ?

    Jeff Goodwin – Oui, le principal critère de distinction est l’anticapitalisme. Nous devons comprendre la tradition radicale noire comme étant à la fois antiraciste et anticapitaliste. Les radicaux pensent que les deux doivent aller de pair. Je ne vois pas comment on peut se dire radical dans ce monde si on ne s’oppose pas par principe au capitalisme.

    Pour cette raison, je placerais également certains nationalistes et anticolonialistes noirs, mais certainement pas tous, dans la tradition radicale noire. Les nationalistes qui soutiennent le capitalisme – y compris le « capitalisme noir » – cautionnent par essence l’exploitation et l’inégalité. Il n’y a rien de radical dans cela. C’est la thèse centrale de Frantz Fanon dans Les damnés de la terre. Il mettait en garde contre la bourgeoisie noire – ou la bourgeoisie nationale, comme il l’appelait. Contrairement à Robinson, je ne pense pas que l’antiracisme et l’anticolonialisme fassent à eux seuls de vous un radical. Il y a évidemment beaucoup d’antiracistes et de nationalistes anticoloniaux élitistes et autoritaires.

    Jonah Birch – Vous placeriez Martin Luther King Jr dans la tradition radicale noire également ?

    Jeff Goodwin – Absolument. Dans les dernières années de sa vie, King a exprimé de plus en plus ouvertement son rejet du capitalisme et son adhésion au socialisme démocratique. Son parcours intellectuel l’avait mis en contact avec de nombreux penseurs socialistes chrétiens et leurs écrits. La thèse de doctorat de King traite de deux théologiens de gauche, Paul Tillich (1886-1965) et Henry Nelson Wieman (1884-1975).

    Le chercheur Matt Nichter a récemment mis en lumière le rôle joué par de nombreux socialistes, communistes et ex-communistes dans la Southern Christian Leadership Conference de King. Celui-ci soutenait également fortement le mouvement ouvrier, et les syndicats les plus radicaux du pays l’ont soutenu. Lorsqu’il a été assassiné, il était aux côtés des travailleurs de l’assainissement en grève à Memphis.

    King n’a jamais cédé à l’anticommunisme primaire (red-baiting) et se méfiait des libéraux anticommunistes. Il appréciait le soutien des communistes au mouvement des droits civiques. L’un de ses derniers grands discours fut un hommage à Du Bois, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Il y dénonçait ceux qui minimisaient ou occultaient l’engagement communiste de Du Bois, estimant que cela ne faisait que renforcer les stéréotypes négatifs sur le socialisme et le communisme.

    En fait, je pense que King doit être considéré comme l’un des plus grands socialistes de l’histoire des Etats-Unis. Dans sa lutte contre la pauvreté, King en est venu à défendre un revenu garanti pour tous, non pas au niveau du seuil de pauvreté, mais au niveau du revenu médian du pays. Une telle proposition soulève évidemment des questions pratiques : les travailleurs gagnant moins que ce revenu garanti pourraient être incités à quitter leur emploi pour en bénéficier ! Mais cette proposition illustre clairement la haine de King non seulement pour la pauvreté, mais aussi pour tout système économique qui prive les gens des ressources matérielles dont ils ont besoin pour s’épanouir et pas seulement pour survivre.

    Jonah Birch – Les marxistes noirs contemporains semblent particulièrement critiques à l’égard de ce qu’ils appellent le « réductionnisme racial ». Qu’est-ce que le réductionnisme racial ?

    Jeff Goodwin – Le terme est surtout connu grâce au livre de Touré Reed paru en 2020, Toward Freedom : The Case Against Race Reductionism, bien que d’autres l’aient également utilisée. Elle est basée sur la tendance libérale à séparer la classe du racisme, à considérer le racisme comme déconnecté de l’exploitation du travail en particulier. Cela contraste fortement avec un principe majeur du marxisme noir, qui considère que l’exploitation du travail et l’exclusion systémique des emplois mieux rémunérés sont au cœur de l’oppression raciale.

    Les libéraux séparent souvent le racisme de la classe et utilisent ensuite le racisme dans un sens général et abstrait – en tant que préjugé irrationnel – pour expliquer l’oppression raciale. C’est encore une fois un argument idéaliste : le racisme en tant qu’idée est à l’origine de l’oppression des Noirs. Si le réductionnisme de classe – que, comme nous l’avons vu, les marxistes noirs rejettent catégoriquement – nous conseille d’oublier la domination raciale, les réductionnistes de race nous conseillent d’oublier les divisions de classe et l’exploitation de classe. Il est donc évident que les marxistes noirs et les radicaux noirs s’opposent à cette évolution théorique.

    En d’autres termes, le concept de race devient réductionniste et idéologique lorsqu’il occulte les divisions de classe et l’exploitation au sein d’un groupe racial, ainsi que les intérêts de classe communs qui transcendent les groupes raciaux et constituent une base potentielle pour la solidarité de classe. De même, l’utilisation du racisme ou des idées racistes comme explication devient réductrice si le racisme est déconnecté des intérêts de classe.

    Oliver Cromwell Cox (1901-1974), un important sociologue marxiste noir, disait que si les croyances seules suffisaient à opprimer une race, les croyances des Noirs à l’égard des Blancs devraient être aussi puissantes que les croyances des Blancs à l’égard des Noirs. Mais cela n’est vrai que si l’on oublie la classe et le pouvoir de l’État. Dans le même ordre d’idées, Stokely Carmichael (Kwame Ture) (1941-1998) résumait cette idée ainsi : « si un Blanc veut me lyncher, c’est son problème. Mais si l’homme blanc a le pouvoir de me lyncher, alors et seulement alors, c’est mon problème ».

    Cox et Carmichael ne font que constater l’évidence : les idées déconnectées du pouvoir sont impuissantes. Tout cela ne veut pas dire que la race et le racisme n’ont jamais d’importance. Ce n’est évidemment pas le cas. Le racisme peut être très important et persistant précisément lorsqu’il est lié aux intérêts matériels de classes et d’États puissants. Il s’agit là d’un principe central du marxisme noir.

    Jonah Birch – Je souhaite vous interroger, pour finir, sur le concept de « capitalisme racial ». C’est une autre expression que l’on entend beaucoup ces jours-ci à gauche. S’agit-il d’un concept développé par les marxistes noirs ? Et qu’est-ce que cela signifie exactement ?

    Jeff Goodwin – Les marxistes ont effectivement développé ce terme, mais permettez-moi de commencer par dire que beaucoup d’encre a été gaspillée pour tenter de définir cette expression. Aucun des grands marxistes noirs dont nous avons tant appris n’a jamais utilisé cette expression – ni Du Bois, ni James, ni Cox, ni Fanon, ni Rodney, ni Hall, ni Nkrumah, ni Cabral. Il est donc manifestement possible de parler, et de parler avec perspicacité, de race, de classe, de capitalisme et d’oppression sans utiliser ce terme. Le simple fait d’associer les mots « racial » et « capitalisme » ne garantit pas, comme par magie, que vous comprenez la relation entre le capitalisme et le racisme. Bien sûr, je ne suis pas le premier à le souligner.

    Le terme a été forgé par des marxistes sud-africains pendant l’apartheid. Marcel Paret et Zach Levenson ont montré qu’un professeur de Berkeley, Bob Blauner (1929-2016), l’avait utilisé dès 1972, mais c’est avec des figures comme Neville Alexander (1936-2012), Martin Legassick (1940-2016) et Bernard Magubane (1930-2013) que le concept s’est véritablement diffusé dans les années 1970-1980. Leur point de vue était que le capitalisme étant le fondement de l’oppression raciale en Afrique du Sud, la lutte contre l’apartheid devait être anticapitaliste tout en étant une lutte pour les droits démocratiques.

    Cette approche s’opposait à celui du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela (1918-2013) et du Parti Communiste sud-africain. Ceux-ci soutenaient que la lutte pour le socialisme devait être reportée jusqu’à ce qu’une révolution démocratique – une « révolution démocratique nationale », comme ils l’appelaient – ait renversé l’apartheid. Mais cela implique, de manière peu plausible, que l’apartheid n’avait que peu ou pas de rapport avec le capitalisme et l’exploitation des travailleurs noirs. En réalité, l’ANC a fini par abandonner toute perspective socialiste, laissant perdurer les inégalités économiques après la fin du régime ségrégationniste. Quoi qu’il en soit, pour les marxistes noirs, l’expression « capitalisme racial » fait référence au fait que le capitalisme a été le fondement de divers types d’oppression raciale dans les sociétés du monde entier.

    Pourtant, de nombreuses personnes croient à tort que le « capitalisme racial » est une idée de Cedric Robinson. S’ils se donnaient la peine de lire son livre, ils verraient qu’il n’utilise pratiquement pas ce terme. Et Robinson – qui, encore une fois, était hostile au marxisme – utilisait le terme très différemment des marxistes noirs. En fait, il comprend le terme d’une manière réductionniste sur le plan racial. Pour Robinson, le capitalisme n’est qu’une autre manifestation de la culture occidentale séculaire, et il est donc intrinsèquement raciste. Pour lui, le capitalisme ne génère pas de systèmes d’oppression raciale, comme l’affirment les marxistes noirs.

    Au contraire, le caractère raciste de la culture occidentale, qui remonte à plusieurs siècles, garantit en quelque sorte que tout ordre économique qui lui est associé – féodalisme, capitalisme, socialisme – sera également raciste.

    Il s’agit là encore d’un argument idéaliste. Les idées, en l’occurrence celles de la culture occidentale, reproduisent constamment l’oppression raciale à partir d’un pouvoir qui leur est propre, d’abord en Europe, puis dans le monde entier. Mais comment ces idées sont-elles si puissantes ? Cela pourrait-il être lié aux intérêts matériels des classes et des États puissants, comme l’affirment les marxistes noirs ? Robinson fait parfois des gestes dans ce sens, mais la plupart du temps, il ne le dit pas. Pour lui, les idées elles-mêmes sont toutes puissantes. Ce n’est tout simplement pas une explication sérieuse du racisme.

    Je dois souligner que de nombreux libéraux semblent apprécier l’expression « capitalisme racial ». Plus que quiconque, ils ont largement contribué à sa diffusion ces dernières années, notamment dans les universités. Les libéraux utilisent cette expression pour désigner une économie dans laquelle les employeurs pratiquent la discrimination à l’encontre des Noirs et des autres minorités. Leur monde idéal est celui d’un capitalisme non racial – l’exploitation du travail sans discrimination. Cet idéal est très éloigné de la vision marxiste noire du socialisme.

    Mais au-delà des termes employés, l’enjeu central reste notre compréhension du capitalisme, de la domination raciale et des liens entre les deux. Que l’on utilise ou non l’expression « capitalisme racial » importe peu. La tradition marxiste noire montre qu’il est possible d’analyser ces dynamiques sans recourir à ce concept. Cette expression n’apporte aucune clarté supplémentaire et, selon son usage, elle peut même induire en erreur, en particulier lorsqu’elle est vidée de sa dimension anticapitaliste.

    Il est donc essentiel de comprendre précisément en quoi le capitalisme a été, et demeure, le principal moteur de la #domination_raciale. Autrement dit, on ne peut éradiquer le racisme sans s’attaquer à la structure même du capitalisme, en le démantelant ou, à tout le moins, en le régulant fortement. Tel est le message central de la tradition marxiste noire.

    https://www.contretemps.eu/capitalisme-racisme-marxisme-noire-jeff-goodwin
    #racisme #Black_Marxism #travail #exploitation

    ping @reka @karine4

  • L’attachement au #travail
    https://laviedesidees.fr/L-attachement-au-travail

    En s’appuyant sur #Marx et #Spinoza, J. Read montre comment l’idéologie capitaliste contemporaine restructure notre vie affective autour d’une mythologie du travail, où la souffrance au travail devient paradoxalement une vertu, opposant les « vrais travailleurs » aux prétendus « assistés ».

    #Philosophie #idéologie

  • Wissenschaft : mlwerke Offline « Was Tun ? »
    https://www.porz-illu.de/content/wissen-mlwerke-offline-was-tun

    Le site de référence des oeuvres de Marx et Engels vient de disparaître. L’adresse https://mlwerke.de affiche un message du DENIC qui fait penser que la personne qui a réservé le domaine a simplement cessé de s’en occuper. Heureusement il y a https://marxists.org et la version sur archive.org .

    4.4.2025 - Beliebte Wissensdatenbank Marx Engels Lenin...Werke ist offline
    Der Marxismus-Leninismus galt in der DDR und nicht nur dort als Wissenschaft. In Westdeutschland und bis heute beim Verfassungsschutz gilt diese philosophische Schule als gefährlich, zumindest als verdächtig. Diese Tradition des deutschen Staates reicht bis in die Kaiserzeit zurück; er veranstaltete den „Kommunistenprozess zu Köln“ und verbot die Sozialdemokratie. Dennoch fanden in allen Jahrzehnten die Schriften von Marx, Engels, Bebel, Liebknecht, Luxemburg, Lenin, Stalin, aber auch von libertären Kommunisten wie Kropotkin und unzähligen weiteren Autoren bis heute ihre Leserinnen und Leser.

    Wissenschaftlich ist vor allem die Denke in Bezug auf Arbeitskraft, Arbeit, Kapital, Akkumulation, Konzentration auf Entwicklung, Struktur und Organisation sehr interessant. Die Zeit zeigt, dass die Analyse treffend ist. In der Geschlechterfrage und in der Frage der Gleichheit der Menschen war diese Denkschule weit vorne und wegweisend. Viele Ansichten haben sich in der Welt durchgesetzt. Stichworte wie dialektischer Materialismus (materialistische Dialektik) und historischer Materialismus sind Werkzeuge zum Begreifen menschlicher Entwicklung, menschlicher Beziehungen und menschlicher Realität. Vieles hat sich längst unter anderen Begriffen durchgesetzt.

    Es gehört jedoch noch weit mehr dazu. Die gesamte Liste der von faschistischen Studierenden und NS-Bildungsbürgern verbrannten Werke umfasst zu einem Großteil sozialistische Literatur.

    Es gehört jedoch noch weit mehr dazu. Die gesamte Liste der von faschistischen Studierenden und NS-Bildungsbürgern verbrannten Werke umfasst zu einem Großteil sozialistische Literatur.
    Es wurde auch liberale bürgerliche Literatur verbrannt, aber vor allem alles, was links war, die gesamte Arbeiterkultur.
    Es war das politische Hauptziel Hitlers alles zu beseitigen was irgendwie mit Kommunismus zu tun hat. Er stellte sich seine Volksgemeinschaft als eine Gesellschaft der Führer und der Gefolgschaft vor. In Wirtschaft, Politik und Gesellschaft sollte es so sein. Da stört jede Idee aus der Arbeiter- und Arbeiterinnenbewegung.
    Das Vermächtnis ist bedeutender als das von religiösen Schriften, es ist immaterielles Weltkulturerbe, daher sollte man sich ernsthaft um deren Erhalt bemühen.
    Hier werden die Antworten geliefert die in diesen schwierigen Zeiten gefragt sind, wenn auch nicht fertig serviert so dach das Handwerkszeug einer hilfreichen Betrachung der Dinge.
    Hier geht es nur um die Werke der Sozialisten, Kommunisten und der Arbeiterliteratur. In der DDR kam sie dann zu allen Ehren, sofern sie in das Bild passte, in Westdeutschland wurde sie weiter unterdrückt und wurde auch in ihren Nischen zurückgedrängt (SPD, Gewerkschaften...)
    Die Onlinebibliothek hatte den großen Vorteil, dass sie eine Suchfunktion bietet.
    Wenn ein Zitat gesucht wird, werden die Ergebnisse im Zusammenhang angezeigt.In Buchform bedarf es einiger Suche, Nachlesens und Nachblättern. Dabei mag man über die eine oder andere Erkenntnis kommen, nur ist es müßig und wenig zielorientiert.

    Die beliebte und stark besuchte Webseite mlwerke ist offline. Hier wurden sehr viele Werke sozialistischer Autorinnen und Autoren online gestellt.
    Das Projekt startete 1999 und basiert auf einer großen Arbeitsleistung.
    Mit dem Wegfall von mlwerke verliert die sozialistische, kommunistische und proletarische Onlinekultur wahrscheinlich ihre wichtigste Quelle.
    mlwerke war eine Leistung die Parteien noch deren Stiftungen aufgebracht haben, obwohl diese über große Mittel verfügen.

    Es gibt natürlich Ersatz: Eine internationale Plattform bietet Schriften in vielen Sprachen an, die KI übersetzt inzwischen alles auf Wunsch in Echtzeit in die gewünschte Sprache.
    Es soll hier nun eine Übersicht der Onlinequellen geschaffen werden:

    Eine internationale Quelle:
    [https://www.marxists.org/admin/search/index.htm](https://www.marxists.org/admin/search/index.htm)
    (besser ist es, hier nach dem Autor zu suchen und sich das ggf. von der KI übersetzen zu lassen):
    (https://www.marxists.org/xlang/index.htm )

    Eine internationale Quelle: [https://www.marxists.org/admin/search/index.htm](https://www.marxists.org/admin/search/index.htm) (besser ist es, hier nach dem Autor zu suchen und sich das ggf. von der KI übersetzen zu lassen):
    [https://www.marxists.org/xlang/index.htm](https://www.marxists.org/xlang/index.htm)
    - Zum Download: [https://marx-wirklich-studieren.net/marx-engels-werke-als-pdf-zum-download ]
    - Übersicht Dietz Verlag MEW: [https://dietzberlin.de/was-steht-wo-in-der-mew
    Seit einem Jahr gibt es einen interessanten neuen Ansatz
    https://worldmarxistreview.org/index.php/wmr/issue/view/2

    Diese Liste wird vervollständigt werden.

    Dernière modification

    mlwerke.de/index.shtml zuletzt geändert am Fri, 08.03.2019 00:02 (+0100) aufgerufen Fri, 21.02.2025 17:14 (+0100)
    © Alle Rechte vorbehalten. Wegen Verwertung für Drucksachen, andere Angebote im Netz oder auf elektronischen Datenträgern bitte den Webmaster kontaktieren (siehe oben „Kontakt, Impressum, Copyright“)

    Puis il y a un site qui contient vraisemblablement un miroir.

    https://mlwerke.dafty.de

    #archive #internet #marxisme #socialisme #communisme #anarchisme

  • Roman Rosdolsky Breathed New Life Into Marx’s Capital
    https://jacobin.com/2025/03/roman-rosdolsky-marxist-theory

    31.3.2025 by Pablo Hörtner - The Ukrainian Marxist Roman Rosdolsky was one of the pioneering scholars of Marxology. He was engaged as a Marxist activist and social scientist in spaces ranging from European cities like Lviv, Krakow, Prague, and Vienna during the interwar period all the way to New York and Detroit after the war.

    Rosdolsky’s life is intricately interconnected with his scholarly work. Born in 1898, he became an active socialist before World War I. During the October Revolution, he supported the Bolsheviks and became a leading figure of the newly established Communist Party of Western Ukraine.

    With his lifelong partner and comrade, Emily, he shared the experience of exile and political isolation while retaining a firm belief in the possibility of a better world. Rosdolsky narrowly escaped the attention of the Soviet secret police and survived imprisonment in three Nazi concentration camps.

    After moving to the US, he remained a committed Marxist in a bitterly hostile environment and produced important studies that helped transform our understanding of Karl Marx’s theory. Rosdolsky left behind a remarkable body of work, much of which has yet to appear in English translation more than half a century after his death in 1967.

    Ukrainian Perspectives

    Rosdolsky’s interest in Ukrainian history and sociology dated back to a time when Ukraine lacked statehood and an official language. Hailing from a liberal bourgeois background deeply connected to the Ukrainian independence movement, the Rosdolsky family had close associations with figures like Ivan Franko, a prominent poet in the pre-Marxian socialist movement.

    The Ukrainian bourgeoisie in Lviv consisted merely of a small community of intellectuals, as Rosdolsky tells us in his writings. Franko, renowned as a poet and translator of world literature into Ukrainian, commenced his studies in philosophy, the Ukrainian language, and literature at the University of Lviv in 1875. During his time there, he became acquainted with the famous Ukrainian anarchist Mykhailo Drahomanov and embraced his socialist ideas.

    Rosdolsky’s passion for teaching and research was instilled by his father, Ossyp, a distinguished linguist and ethnologist in Lviv, the capital of Eastern Galicia under the Austrian Habsburg Empire. His first exposure to social history and sociology came during his childhood when he accompanied his father to Galician villages. They recorded Ukrainian folk songs on wax discs in pubs and other public places using a primitive Edison phonograph — records that were later donated to Ukraine’s National Academy of Sciences in Kyiv.

    Among historians, Rosdolsky was highly esteemed for his research on taxation and agrarian reforms under Joseph II during the Enlightenment era. As a critical scholar, Rosdolsky not only confronted Russian chauvinism — both before and after the October Revolution — but also dispelled prominent myths propagated by Ukrainian nationalists.

    One such myth pertained to communal practices in Galicia. It was widely believed that Russians inherently embraced collectivism through forms of communal land redistribution, known as Mir or Obshchina. In contrast, Ukrainians were stereotyped as individualistic, avoiding communal farmland sharing.

    Rosdolsky debunked this misconception by meticulously examining land registers. His findings established that southern Galician Ukrainians upheld communal traditions in village communities well into the late eighteenth century.

    These experiences — especially the interactions with the impoverished peasantry in Galician villages — had a significant impact on Rosdolsky’s thinking, influencing many of his later works as well as his political outlook. His profound sympathy for the downtrodden, particularly the poor peasants in Western Ukraine, stemmed from these early encounters.

    For Rosdolsky, the agrarian question was not just connected to his own history but to the so-called national question as such. He believed that many misconceptions concerning the “nationality problem” among renowned Marxists of his time arose from the neglect of the peasantry in their thinking.

    Revolutionary Crucible

    Rosdolsky experienced a turbulent life shaped by war, revolution, and counterrevolution. He embraced socialist ideals at the age of fourteen, joining the clandestine Ukrainian socialist movement in 1912 and entering the cadre of the Drahomanov Organization, which took its name from the figure who had inspired Ivan Franko. Serving in the Austrian army from 1915, he led an illegal Marxist cadre group opposing the imperialist war as well as the liberal-nationalist parties in Ukraine.

    The Russian revolution of 1917 profoundly sharpened Rosdolsky’s political thinking, leaving a lasting impact on his personal, political, and scholarly endeavors until his death. As a historian, he participated in several debates concerning the analysis of the October Revolution and Bolshevik politics of the time. His final, unfinished book project, focusing on the Brest-Litovsk peace negotiations of 1918, aimed to challenge the Soviet Union’s policy of “peaceful coexistence” under Nikita Khrushchev.

    Looking back on this period from the vantage point of the 1960s in correspondence with the Austrian social democrat Julius Braunthal, Rosdolsky reflected on the inevitability of the collapse of the Habsburg Empire. The illegal organization that he led during the war in Galicia, the International Revolutionary Social Democratic Youth, stressed this point in its clandestine newspaper, talking about the need to prepare for the socialist revolution in Europe.

    Rosdolsky and his comrades translated and printed Otto Bauer’s essay about the Russian Revolution into Ukrainian, publishing it as a brochure for distribution among soldiers of the Austrian and Russian armies. At this point, Rosdolsky still had sympathies, on the one hand, for the left wing of Austrian Social Democracy as represented by Bauer and, on the other, for the left wing of the Bolsheviks, known as Left Communists and associated with figures such as Nikolai Bukharin. He later distanced himself from positions inspired by Austro-Marxism.

    In early 1918, Rosdolsky risked his life by crossing the Austrian-Russian border with forged military papers to deliver two hundred copies of Bauer’s pamphlet opposing the war and welcoming the revolution in eastern Ukraine. In the same year, disagreements arose within his young organization because of the Red Army’s march toward Kyiv. Rosdolsky and the newspaper of his group sided with Ukraine’s Central Rada, viewing the Red Army as an occupying force, not a liberating one.

    Rosdolsky appears to have played a crucial role in establishing the International Revolutionary Social Democratic Youth, a precursor to the Communist Party of Western Ukraine. The organization promoted antiwar ideas and aligned itself with the left wing of German and Austrian Social Democracy.

    After the war ended, Rosdolsky and his associates engaged in guerrilla warfare against the newly formed Polish state, defending the short-lived People’s Republic of Western Ukraine. Subsequently, his group relocated to Prague, where he began his studies in law and political sciences, before moving to Vienna and ultimately earning his PhD with a dissertation on Marxism and the national question in 1929.
    The National Question

    It was in Prague and Vienna that Rosdolsky began his studies of the national question. He critically examined the prevailing ideology that spoke of a clash between culturally progressive nations and supposedly less civilized ones. In the Habsburg Empire, it was customary to label Ukraine and other peasant nations suppressed by the Austrian crown as nations without history.

    It might seem perplexing that Karl Marx and Friedrich Engels uncritically reproduced this expression during and after the European revolutions of 1848–49, with all its pejorative and insulting connotations. Rosdolsky’s friend Ernest Mandel dedicated his work Late Capitalism to him and praised his 1929 doctoral thesis, “Friedrich Engels and the Problem of the ‘Peoples without History,’” as a groundbreaking Marxist critique of Marx and Engels themselves and the first successful application of the method of historical materialism to its own foundations.

    While most Marxists today tend to focus on the process of nation-building and developments in the cultural superstructure, following the tradition of Karl Kautsky and Otto Bauer, Rosdolsky delved deeply into the question of state-building — the development of independent state institutions based on the emerging national economy. There was a clear connection between his writings on the history of Ukraine and the national question on the one hand and his economic works on the other.

    In his work The Making of Marx’s Capital, Rosdolsky addressed the social differences between the working class in so-called developed nations with a relatively high standard of living and those in underdeveloped nations with often “inhumanly low wages”: “How is it that a North American worker often earns ten times as much as, for example, someone of the same class in Guatemala?”

    Rosdolsky explained why he wanted to subject the theory of “non-historic” nations that Engels and Marx both relied upon to critical scrutiny:

    The theory of “historical” and “historyless” peoples has long been dead, and no one (especially no Marxist) would think of reviving it. What matters today is solely to explain how a materialist thinker of Engels’ stature could advocate for this theory. Here, we must first point out the striking similarity with Hegel’s theory of history.

    He went on to explain how the stance of Marx and Engels on the national question was related to their economic and state theory. According to Rosdolsky, Marx and Engels primarily favored a unified, centralized state because they believed that economic development inevitably leads in that direction.

    In addition, they argued that such a nation-state would foster the unity of the working class, thus creating conditions for a socialist revolution. While Marx and Engels later developed anti-colonial positions in relation to India, Ireland, and other national liberation movements, they never reassessed their previous positions concerning supposedly non-historic nations like Ukraine.
    Questioning the Classics

    Rosdolsky’s engagement with Ukrainian history and his early exposure to the evolving identity of Ukraine is notable. The concept of Ukraine as a nation without a state was initially held by a few intellectuals, mainly anarchist or socialist. However, during Rosdolsky’s youth, the People’s Republic of Western Ukraine transformed this idea into tangible reality. Throughout his life, Rosdolsky sought to understand the history of Ukraine, delving into the shadows of forgotten ancestors.

    While studying in Austria for his doctorate, he also served as the Vienna correspondent for the ongoing Marx-Engels Complete Works (MEGA) project led by David Riazanov from the Marx-Engels Institute in the USSR. In the course of his research, Rosdolsky encountered derogatory passages about Ukrainians and other Slavic ethnicities in articles by Marx and Engels during the 1848–49 revolutions.
    Between Nazism and Stalinism

    In 1934, the Austrian fascist regime expelled Rosdolsky, and he had to move to Lviv, now part of the Polish Republic, where he led a group of anti-Stalinist Marxists. Until 1939, he worked at the Institute of Economic History at the University of Lviv, continuing the research on serfdom in the Habsburg Monarchy that he had started in Vienna. With the support of Professor Franciszek Bujak, Rosdolsky also carried on with his studies on the national question in Austria-Hungary.

    But Rosdolsky and his wife had to move once again, in September 1939, after the Adolf Hitler–Joseph Stalin pact and the invasion of Poland. They left Lviv the day before it was occupied by Soviet troops, moving to Krakow. Rosdolsky was considered a Trotskyist by the Soviet authorities, although he had not joined the Fourth International when Leon Trotsky launched it on the eve of the war. His old friend and comrade Stepan Rudyk, a cofounder of the Communist Party of Western Ukraine, did not make it out of the city in time and became a victim of the NKVD, Stalin’s secret police.

    Actively engaged in resisting Nazism and antisemitism, Rosdolsky was arrested by the Gestapo in September 1942 for assisting Jews and deported from Krakow to Auschwitz-Birkenau in April 1943. During the course of three years in the Auschwitz, Ravensbrück, and Sachsenhausen concentration camps, Rosdolsky engaged in political discussions with fellow inmates about the national question and other controversial aspects in Marxist theory. He remained in captivity until the fall of the Nazi regime.

    His interlocutors during this period included Alfred Klahr, a political scientist who had been active in the Communist Party of Austria and developed a theoretical argument that there was a distinct Austrian nation, separate from the German nation. Klahr escaped from Auschwitz but was later shot by the Nazis in occupied Poland.

    After the war, Rosdolsky emigrated to the United States, where he worked as a private scholar until his death. He was isolated from the academic environment there during the era of McCarthyism. Lacking a university position, he dedicated himself to various studies and maintained a lively correspondence with intellectuals and politicians worldwide.

    He began to delve more deeply into Marx’s critique of political economy and the method of Capital, drawing upon one of the few copies of Marx’s Grundrisse available in the US at the time, which he found in a library set up in New York by his friends Joseph Buttinger and Muriel Gardiner. The Grundrisse was an unpublished manuscript from the period when Marx was preparing to write Capital. The first German-language edition of the text was produced in Moscow under the auspices of the Marx-Engels Institute during the war, and a full English translation did not appear until the 1970s.

    Upon reading this hitherto unknown work, Rosdolsky realized the need to counter the ignorance and vulgarity of the version of Marxism peddled by Stalin and his supporters. He aimed to rescue Marxism as a social and political science. This prompted him to begin writing The Making of Marx’s Capital, which was to become his most celebrated work.
    Posthumous Influence

    Unfortunately, Rosdolsky did not have the opportunity to witness the broad reception of his study. It was published posthumously in 1968, one year after his death. While some of his insights may be in need of revision with the emergence of additional Marx manuscripts and other research, it remains Rosdolsky’s merit to have redirected the focus of the debate in a new direction.

    His letters and writings serve as instructive testimonies to the shift in discourse toward neo-Marxist and post-Marxist thinking. Despite experiencing the Holocaust and the Stalinist terror, Rosdolsky retained a strong emotional affinity and political connection to the labor movement and its rich traditions.

    He could engage in rigorous debates, and political differences put a strain on some of his friendships. Yet the openness and elegance of his discussions with a range of prominent Marxists, from Julius Braunthal and Natalie Moszkowska to Paul Mattick and Isaac Deutscher, is inspiring and impressive.

    Rosdolsky’s seminal work on Marx’s Grundrisse and Capital, having been conceived in the 1950s, significantly influenced the neo-Marxist discourse of the 1970s. His critique of the Marxist classics in his book On the National Question also garnered worldwide recognition after Rosdolsky’s death, and it remains a key reference point for discussion of Marxist theories of nationalism.

    Roman Rosdolsky at marxists.org
    https://www.marxists.org/archive/rosdolsky/index.htm

    Works*:

    The Distribution of the Agrarian Product in Feudalism, 1951.

    A Revolutionary Parable on the Equality of Men, 1963.

    The Workers and the Fatherland: A Note on a Passage in the “Communist Manifesto,” 1965. https://www.marxists.org/archive/rosdolsky/1965/workers.htm

    Method of Marx’s Capital, 1974.

    The Making of Marx’s Capital, 1977.

    Imperialist War and the Question of Peace, 1978 https://www.marxists.org/archive/rosdolsky/1978/impwarqpeace/index.htm

    Engels and the ‘Nonhistoric’ Peoples: the National Question in the Revolution of 1848, 1987.

    A Memoir of Auschwitz and Birkenau, 1988

    A contribution to the history of the Ukrainian left-wing socialist movement in Galicia, 2005.

    * Works published in English. Dates are of English language version, not the origial

    The Making of Marx’s Capital

    Author(s): Roman Rosdolsky

    Publisher: Pluto Press, Year: 1980

    ISBN: 0861043057,9780861043057,9780585339276

    Description:
    Rosdolsky’s Making of Marx’s ’Capital’ is a major work of interpretation and criticism, written over fifteen years by one of the foremost representatives of the European marxist tradition. Rosdolsky investigates the relationship between various versions of Capital and explains the reasons for Marx’s sucessive reworkings; he provides a textual exegesis of Marx’s Grundrisse, now widely available, and reveals its methodological riches. He presents a critique of later work in the marxist tradition on the basis of Marx’s fundamental distinction between ’capital in general’ and ’capital in conrete reality.’ The Making of Marx’s Capital’ was first published in 1968 as Zur Enstehungsgeschichte des Marx’schen ’Kapital’. ’The single best exegesis on Marx’s Capital that I have ever read ...the tone is firm, completely undogmatic and wonderfully lucid.’ Robert Heilbroner, New York Review of Books

    Anselm Jappe -Wegbereiter der Wertkritik: Roman Rosdolsky
    https://licra.contextxxi.org/wegbereiter-der-wertkritik-roman.html

    #Ukrsane #marxisme

  • Déshériter de l’héritage
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-suite-dans-les-idees/desheriter-de-l-heritage-8541239

    Si la révolution française, en commençant par abolir les privilèges le 4 août 1789 et jusqu’au Code Civil, a profondément transformé l’héritage, elle n’a pas, par là même, pour autant contribué à la réductions d’inégalités de richesses qui n’ont eu de cesse de s’accentuer au cours du siècle suivant avant de marquer le pas au tournant du XXe siècle du fait de nouvelles mesures fiscales. Cela fait pourtant désormais plus de 50 ans que ces inégalités de revenu comme de patrimoine progressent, au point d’être plus flagrantes encore qu’au XIXe siècle. Comment l’expliquer ? Pourquoi est-il si difficile d’inscrire durablement la question des successions, de leur fiscalité, et bien au-delà, de leur nature politique dans le débat public ? Mélanie Plouviez a mené l’enquête, historique et philosophique. (...)

    L’injustice en héritage : repenser la transmission du patrimoine, un livre de Mélanie Plouviez aux éditions La Découverte, 2025

    Allez, il reste du centrisme qui n’est pas d’extrême centre, ce qui donne des émissions moins débiles que d’autres, comme celle-ci, qui vaut pour les passages sur la Révolution française et ses débats aiguisés contre l’héritage qui contrairement à aujourd’hui n’est pas vu comme un enjeu fiscal, mais en tant que manifestation du despotisme paternel (on supprime le droit d’ainesse, fait des filles des héritières au même titre que les fils, envisage même d’imposer aux familles à patrimoine d’adopter des enfants afin que ceux-ci soient sauvés du dénuement et contribuent à morceler la propriété ; la réaction bourgeoise tendra pour partie à l’enfant unique pour préserver ses biens !), enjeu politique, et aussi pour le débat Marx/Bakounine ou s’oppose abolition de la propriété privé des moyens de production et extinction progressive, au fil des décès, de la propriété par la suppression de l’héritage.

    edit Aussi pour un mise à jour de ce qu’est aujourd’hui l’héritage, de plus en plus tardif avec l’allongement de la durée de vie (le XIXème siècle n’est plus ce qu’il était).

    #histoire #héritage

    • « L’essor de la fortune héritée génère une classe de non-privilégiés qui, désemparés, finissent par se tourner vers les partis contestataires »
      https://archive.ph/8qP1L

      Dans un brillant ouvrage sur le sujet (L’Injustice en héritage, La Découverte, 368 pages, 23 euros), la philosophe Mélanie Plouviez soulève une série de paradoxes. Ainsi, « la fiscalité successorale est détestée par les franges les moins favorisées », détaille l’autrice. Pourtant, la moitié des Français les plus pauvres – qui possèdent moins de 70 000 euros à transmettre – ne paient pas d’impôt sur la succession, puisqu’un abattement exonère les 100 000 premiers euros transmis.

      Surtout, « la question de l’héritage est, aujourd’hui, réduite à sa fiscalité ». A droite comme à gauche, le débat est cantonné au seuil des transmissions à imposer et tourne souvent court. Pourtant, au XIXe siècle, la grande époque des inégalités, les discussions sur l’héritage étaient foisonnantes de créativité, et indissociables d’une réflexion sur la justice sociale, explique Mélanie Plouviez.

      Certaines idées étaient radicales. Des auteurs oubliés suggéraient qu’à la mort de leurs possédants la propriété des biens privés soit transmise à des institutions publiques. Le théoricien social italien Eugenio Rignano (1870-1930), lui, proposait que le taux d’imposition varie selon que le patrimoine est issu du travail direct des parents ou du legs d’aïeux plus anciens. Plus surprenant encore, Emile Durkheim, père de la sociologie moderne, estimait pertinent de transférer l’héritage familial aux organisations de travailleurs, afin de financer les protections maladie, vieillesse et accident. Une forme de cotisation sociale prélevée non pas du vivant, mais post mortem .

      A l’heure où l’Etat peine à financer l’école et le vieillissement de la population, _« cette voie-là n’a-t-elle pas à nous faire réfléchir aujourd’hui ? »°, interroge Mélanie Plouviez. On referme son ouvrage en souhaitant que la France n’attende pas une nouvelle guerre [civile ?, ndc] pour mieux répartir son #patrimoine.

    • Mélanie Plouviez, philosophe : « La France du XXIᵉ siècle est redevenue une société d’héritiers »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/31/melanie-plouviez-philosophe-la-france-du-xxi-siecle-est-redevenue-une-societ

      Autrice d’un ouvrage passionnant, cette spécialiste de philosophie sociale et politique, explore, dans un entretien au « Monde », la diversité et la radicalité des pensées du XIXᵉ siècle qui remettent en cause le principe de la transmission familiale.

      Mélanie Plouviez, maîtresse de conférences en philosophie sociale et politique à l’université de Côte d’Azur, ressuscite, dans L’Injustice en héritage. Repenser la transmission du patrimoine (La Découverte, 368 pages, 23 euros), les réflexions oubliées et souvent surprenantes des penseurs de la fin du XVIIIe et du XIXe siècles sur la transmission héréditaire des biens.

      Vous estimez dans votre ouvrage que nous vivons dans une « société d’héritiers ». Pourquoi ces termes s’appliquent-ils, selon vous, à la fois à la France du XIXe siècle et à celle du XXIe siècle ?

      Une société d’héritiers, c’est une société dans laquelle l’héritage pèse plus que le travail dans la constitution du patrimoine. Cette mécanique de l’hérédité façonne un ordre social dans lequel les plus grandes fortunes sont réservées aux individus issus de familles riches. Les autres peuvent, grâce à leurs efforts, leurs mérites ou leurs diplômes, obtenir de fortes rémunérations, mais il leur est impossible d’atteindre les positions patrimoniales les plus élevées.

      C’était le cas de la société française du XIXe siècle mais c’est aussi le cas de celle du XXIe siècle. Dans Le Capital au XXIe siècle (Seuil, 2013), Thomas Piketty montre en effet que la part du patrimoine hérité dans les ressources des générations nées depuis les années 1970 a retrouvé le niveau qu’elle atteignait pour les générations nées au XIXe siècle. La destruction des capitaux privés lors des deux guerres mondiales et l’instauration d’une fiscalité successorale fortement progressive avaient fait du XXe un siècle moins inégalitaire, mais aujourd’hui, la France est redevenue une société d’héritiers.

      Lorsque l’on évoque les sociétés d’héritiers, on cite souvent le « discours de Vautrin » dans « Le Père Goriot » (1835), de Balzac. En quoi est-ce pertinent ?
      Dans ce discours édifiant, le personnage de Vautrin, un ancien forçat, expose crûment les réalités sociales des années 1820 à Rastignac, un jeune ambitieux issu d’une famille désargentée qui est venu « faire son droit » à Paris. Il aura beau réussir brillamment ses études et accéder aux plus hautes professions juridiques, il n’atteindra jamais, grâce à ses seuls efforts, des positions patrimoniales équivalentes à celles que pourrait lui apporter un beau mariage.

      L’héritage, explique Vautrin, est la seule manière d’accéder aux plus hautes sphères de la société. Il lui conseille donc d’épouser une riche héritière, Victorine Taillefer, et ce bien qu’il faille en passer par un meurtre. Rastignac refusera ce pacte faustien, mais ce passage en dit long sur ce qu’est une société d’héritiers.

      Aujourd’hui, les controverses sur l’héritage concernent le taux d’imposition de la transmission et non son principe. Jugez-vous le débat tronqué ?

      La question de l’héritage a resurgi dans le débat public à la faveur de la campagne présidentielle de 2022, mais elle s’est effectivement trouvée cantonnée à la question du « plus ou moins d’impôt » : il n’y a pas eu de réflexion sur la légitimité de la transmission familiale du patrimoine.

      Au XIXe siècle, la question de l’héritage était au contraire sur toutes les lèvres. Sur la plateforme en ligne Gallica, j’ai recensé presque 50 000 ouvrages du XIXe siècle sur ce thème : une vie ne suffirait pas à les lire… De Gracchus Babeuf à Jeremy Bentham, de John Stuart Mill à Jean Jaurès, d’Alexis de Tocqueville à Pierre-Joseph Proudhon, cette institution était étudiée, questionnée, contestée… Ce foisonnement contraste avec la pauvreté de notre imaginaire social et politique. D’où l’utilité de revenir aux pensées de l’héritage qui émergent lors de la Révolution française et au XIXe siècle.

      La #Révolution_française, qui met fin à la transmission héréditaire du pouvoir politique, débat-elle également de la transmission héréditaire des biens ?

      Elle ne remet pas en cause le principe de l’héritage familial, mais elle arrête les trois principes qui fondent, aujourd’hui encore, l’architecture du système successoral français.

      La première contribution majeure de la Révolution, c’est le principe du partage égal entre tous les enfants ; en 1790, la Constituante abolit les droits d’aînesse et de masculinité qui permettaient, sous l’Ancien Régime, d’orienter l’essentiel du patrimoine familial vers le premier enfant mâle. Désormais, l’héritage bénéficie autant à l’aîné qu’au cadet, autant à la sœur qu’au frère.

      Le deuxième principe hérité de la Révolution, c’est l’unification du droit sur l’ensemble du territoire. Sous l’Ancien Régime, les règles successorales variaient en fonction des localités, des types de biens et des statuts sociaux, mais la Constituante pose en 1790 un principe d’unité : les règles seront désormais les mêmes pour tous.

      Le troisième principe, c’est l’instauration, sur tout le territoire, d’une #fiscalité unique sur les successions fondée sur l’obligation de déclaration : les droits d’enregistrement. Chacun doit déclarer à l’administration fiscale toute transmission de patrimoine, qu’il s’agisse d’un héritage, d’un legs ou d’une donation entre vivants, et ce quel que soit le bien transmis et quelle qu’en soit la valeur.

      Le XIXe siècle est, écrivez-vous, le « siècle des pensées de l’héritage ». Comment les philosophes de l’époque abordent-ils la question ?

      Cet immense corpus est traversé par une idée qui nous est devenue étrangère : aux yeux de #Robespierre, des saint-simoniens ou de #Durkheim, la propriété individuelle doit s’éteindre avec la mort du propriétaire. Ces auteurs ne nient pas tout droit de propriété individuelle mais ils le restreignent à la durée de vie de son détenteur. Ce faisant, ils inventent une théorie de la propriété hybride : individuelle durant la vie, sociale après la mort.

      Cette conception n’est pas sans intérêt pour aujourd’hui : elle permet en effet de concilier notre attachement moderne à la propriété individuelle avec une destination plus élevée que le seul intérêt individuel ou familial. Si ce que je possède de manière privée, je le possède par concession sociale pour mon seul temps de vie, je ne peux pas en user de manière absolue.

      Dans un monde frappé par le dérèglement climatique et la destruction de la biodiversité, ce bouleversement théorique pourrait en particulier conduire à remettre en question les usages privatifs qui engendrent des dégradations pour tous.

      A quoi ressemble le système imaginé par les disciples de Saint-Simon (1760-1825), qui souhaitent abolir l’héritage familial ?

      Dans les années 1830, les #saint-simoniens estiment en effet que la Révolution française s’est arrêtée en chemin : elle a aboli la transmission héréditaire du pouvoir politique mais, en conservant l’héritage familial, elle a maintenu celle du pouvoir économique. Ils proposent donc de substituer au principe d’hérédité le principe méritocratique de « capacité » : les biens d’un individu, et en particulier les moyens de production, ne doivent pas aller à ses enfants, mais aux travailleurs qui seront le plus capables de les administrer.

      Pour le philosophe positiviste Auguste Comte [1798-1857], cette gestion de l’outil de production doit s’incarner dans un rituel. Sept ans avant sa retraite, le chef d’industrie forme son successeur et, au terme de cette période, lors d’une cérémonie publique, il fait le bilan de sa vie de travail et expose les raisons pour lesquelles il transmet sa charge, non à ses enfants, mais à ce compagnon de travail. Ce rituel donne à l’acte de transmission une profondeur que nous avons perdue.

      Le fondateur de la sociologie moderne, Emile Durkheim (1858-1917), propose, lui aussi, d’abolir la propriété individuelle mais sous une forme différente. Laquelle ?

      Durkheim, qui est socialiste mais qui n’est pas un révolutionnaire, estime que la #famille moderne est devenue un groupe social trop restreint pour continuer à être le support légitime de l’activité économique. Il propose donc que les moyens de production soient transférés, à la mort de leur propriétaire, à son organisation professionnelle d’appartenance – une « corporation » rénovée, structurée démocratiquement et cogérée par les travailleurs.

      Ce mécanisme permettrait, selon lui, de financer de nouveaux #droits_sociaux. Dans une société comme la nôtre, où l’Etat social est affaibli, cette pensée pourrait utilement nourrir notre imaginaire !

      Les socialistes Karl #Marx (1818-1883) et Mikhaïl #Bakounine (1814-1876) s’opposent, eux, sur la question de l’héritage. Sur quoi leur différend porte-t-il ?

      Lors du congrès de la Première Internationale, à Bâle (Suisse), en 1869, les divergences entre Marx et Bakounine se cristallisent sur la question de l’héritage. Pour Marx, l’abolition de l’héritage découlera mécaniquement de la socialisation des moyens de production : dans un monde où la #propriété est collective, la transmission familiale du patrimoine privé disparaîtra d’elle-même. Bakounine adopte, lui, une perspective inverse : à ses yeux, c’est l’abolition de l’héritage qui permettra de parvenir peu à peu à la socialisation des biens ; et ce, sans expropriation puisque le transfert se fera progressivement, au fil des successions.

      Toutes ces pensées du XIXe siècle peuvent-elles encore, selon vous, nous inspirer ?

      Ce détour par le XIXᵉ siècle bouscule profondément l’évidence que revêt pour nous l’héritage familial : il nous aide à questionner cette institution qui, pour nous, va de soi.

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      « L’injustice en héritage » : réinventer la succession grâce aux penseurs du XIXᵉ siècle

      C’est un livre qui élargit l’horizon politique et stimule l’imagination sociale. Au premier abord, son sujet peut paraître quelque peu aride, mais le voyage se révèle vite surprenant et fécond : dans L’Injustice en héritage. Repenser la transmission du patrimoine (La Découverte, 368 pages, 23 euros), Mélanie Plouviez, maîtresse de conférences en philosophie sociale et politique à l’université Côte d’Azur, explore avec beaucoup de rigueur et de clarté les réflexions théoriques consacrées à la transmission depuis la Révolution française.
      La philosophe part d’un constat : si la France contemporaine, comme l’a montré Thomas Piketty dans Le Capital au XXIe siècle (Seuil, 2013), est (re)devenue une « #société_d’héritiers », rares sont les Français qui remettent en cause la légitimité de la transmission familiale. Face à cette « pauvreté de notre imaginaire social et politique », Mélanie Plouviez entreprend de nous faire découvrir la radicalité des pensées du long XIXe siècle : à l’époque, nombreux sont les intellectuels qui questionnaient le droit des individus à conserver, à leur mort, un droit sur les choses qu’ils possédaient de leur vivant.
      La philosophe analyse ainsi en détail les discours de Mirabeau et de Robespierre, mais aussi les écrits de Prosper Enfantin, chef de file des saint-simoniens, du philosophe allemand Johann Fichte, du révolutionnaire Mikhaïl Bakounine ou du fondateur de la sociologie moderne, Emile Durkheim. Ce passionnant détour par le passé a le mérite de ressusciter un questionnement oublié sur le rôle du hasard dans les inégalités sociales, et de remettre en question nos certitudes contemporaines sur le fait que l’héritage « va de soi ».

      #philosophie_politique #imaginaire_social

  • Éloge de l’impropriétaire
    https://laviedesidees.fr/Catherine-Malabou-Il-n-y-a-pas-eu-de-Revolution

    Marx a mal lu #Proudhon : il lui reproche d’avoir négligé les rapports de production, alors que l’anarchiste français s’intéresse à l’assujettissement politique qu’amène selon lui nécessairement la propriété privée.

    #Philosophie #propriété #anarchisme #Marx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250312_malabou.pdf

  • Karl Marx, Trade or Opium?
    https://www.marxists.org/archive/marx/works/1858/09/20.htm

    Uber ist das Opium des Volks könnte man angesichts der Schilderung der britischen Handelspolitik und ihrer Folgen für das kaiserliche China durch Karl Marx sagen.

    Die Kombination von staatlicher und privater Macht, Einsetzung örtlicher Kompradoren und die vollständige Mißachtung der Gesetze der unterlegenen Nation kennzeichnen das britische Vorgehen bis hin zu den Opiumkriegen in vergleichbarer Weise wie die vom Uber-Konzerns erzwungenen Dumpingpreise und Gesetzesverstöße im Kampf gegen Taxigewerbe und Staatlichkeit Deutschlands.

    Der Text auf Deutsch: Die Geschichte des Opiumhandels
    http://www.mlwerke.de/me/me12/me12_549.htm

    Written: September 20, 1858, in New York Daily Tribune, Articles On China, 1853-1860

    THE NEWS of the new treaty wrung from China by the allied Plenipotentiaries has, it would appear, conjured up the same wild vistas of an immense extension of trade which danced before the eyes of the commercial mind in 1845, after the conclusion of the first Chinese war. Supposing the Petersburg wires to have spoken truth, is it quite certain that an increase of the Chinese trade must follow upon the multiplication of its emporiums? Is there any probability that the war Of 1857-8 will lead to more splendid results than the war of 1839-42? So much is certain that the Treaty Of 1842, instead of increasing American and English exports to China, proved instrumental only in precipitating and aggravating the commercial crisis of 1847. In a similar way, by raising dreams of an inexhaustible market and by fostering false speculations, the present treaty may help preparing a new crisis at the very moment when the market of the world is but slowly recovering from the recent universal shock. Besides its negative result, the first opium-war succeeded in stimulating the opium trade at the expense of legitimate commerce, and so will this second opium-war do if England be not forced by the general pressure of the civilized world to abandon the compulsory opium cultivation in India and the armed opium propaganda to China. We forbear dwelling on the morality of that trade, described by Montgomery Martin, himself an Englishman, in the following terms:

    “Why, the ’slave trade’ was merciful compared with the ’opium trade’. We did not destroy the bodies of the Africans, for it was our immediate interest to keep them alive; we did not debase their natures, corrupt their minds, nor destroy their souls. But the opium seller slays the body after he has corrupted, degraded and annihilated the moral being of unhappy sinners, while, every hour is bringing new victims to a Moloch which knows no satiety, and where the English murderer and Chinese suicide vie with each other in offerings at his shrine.”

    The Chinese cannot take both goods and drug; under actual circumstances, extension of the Chinese trade resolves into extension of the opium trade; the growth of the latter is incompatible with the development of legitimate commerce these propositions were pretty generally admitted two years ago. A Committee of the House of Commons, appointed in 1847 to take into consideration the state of British commercial intercourse with China, reported thus:

    We regret “that the trade with that country has been for some time in a very unsatisfactory condition, and that the result of our extended intercourse has by no means realized the just expectations which had naturally been founded on a freer access to so magnificent a market.... We find that the difficulties of the trade do not arise from any want of demand in China for articles of British manufacture or from the increasing competition of other nations.... The payment for opium ... absorbs the silver to the great inconvenience of the general traffic of the Chinese; and tea and silk must in fact absorb the rest.”

    The Friend of China, Of July 28, I 849, generalizing the same proposition, says in set terms:

    “The opium trade progresses steadily. The increased consumption of teas and silk in Great Britain and the United States would merely result in the increase of the opium trade; the case of the manufacturers is hopeless.”

    One of the leading American merchants in China reduced, in an article inserted in Hunt’s Merchants’ Magazine, for January, 1850, the whole question of the trade with China to this point: “Which branch of commerce is to be suppressed, the opium trade or the export trade of American or English produce?” The Chinese themselves took exactly the same view of the case. Montgomery Martin narrates: “I inquired of the Taoutai at Shanghai which would be the best means of increasing our commerce with China, and his first answer to me, in the presence of Capt. Balfour, Her Majesty’s Consul, was: ’Cease to send us so much opium, and we will be able to take your manufactures.’”

    The history of general commerce during the last eight years has, in a new and striking manner, illustrated these positions; but, before analysing the deleterious effects on legitimate commerce of the opium trade, we propose giving a short review of the rise and progress of that stupendous traffic which, whether we regard the tragical collisions forming, so to say, the axis round which it turns, or the effects produced by it on the general relations of the Eastern and Western worlds, stands solitary on record in the annals of mankind. Previous to 1767 the quantity of opium exported from India did not exceed 200 chests, the chest weighing about 133lbs. Opium was legally admitted in China on the payment of a duty of about $3 per chest, as a medicine; the Portuguese, who brought it from Turkey, being its almost exclusive importers into the Celestial Empire. In I773, Colonel Watson and Vice-President Wheeler — persons deserving to take a place among the Hermentiers, Palmers and other poisoners of world-wide fame — suggested to the East India Company the idea of entering upon the opium traffic with China. Consequently, there was established a depot for opium in vessels anchored in a bay to the southwest of Macao. The speculation proved a failure. In 1781 the Bengal Government sent an armed vessel, laden with opium, to China; and, in I794, the Company stationed a large opium vessel at Whampoa, the anchorage for the port of Canton. It seems that Whampoa proved a more convenient depot than Macao, because, only two years after its selection, the Chinese Government found it necessary to pass a law which threatened Chinese smugglers of opium to be beaten with a bamboo and exposed in the streets with wooden collars around their necks. About 1798, the East India Company ceased to be direct exporters of opium, but they became its producers. The opium monopoly was established in India; while the Company’s own ships were hypocritically forbidden from trafficking in the drug, the licences it granted for private ships trading to China containing a provision which attached a penalty to them if freighted with opium of other than the Company’s own make. In 1800, the import into China had reached the number of 2,000 chests. Having, during the eighteenth century, borne the aspect common to all feuds between the foreign merchant and the national custom-house, the struggle between the East India Company and the Celestial Empire assumed, since the beginning of the nineteenth century, features quite distinct and exceptional; while the Chinese Emperor, in order to check the suicide of his people, prohibited at once the import of the poison by the foreigner, and its consumption by the natives, the East India Company was rapidly converting the cultivation of opium in India, and its contraband sale to China, into internal parts of its own financial system.

    While the semi-barbarian stood on the principle of morality, the civilized opposed to him the principle of self. That a giant empire, containing almost one-third of the human race, vegetating in the teeth of time, insulated by the forced exclusion of general intercourse, and thus contriving to dupe itself with delusions of Celestial perfection-that such an empire should at last be overtaken by fate on [the] occasion of a deadly duel, in which the representative of the antiquated world appears prompted by ethical motives, while the representative of overwhelming modern society fights for the privilege of buying in the cheapest and selling in the dearest markets-this, indeed, is a sort of tragical couplet stranger than any poet would ever have dared to fancy.

    Karl Marx, Zur Kritik der Hegelschen Rechtsphilosophie. Einleitung, 1843/1844
    http://www.mlwerke.de/me/me01/me01_378.htm

    Das religiöse Elend ist in einem der Ausdruck des wirklichen Elendes und in einem die Protestation gegen das wirkliche Elend. Die Religion ist der Seufzer der bedrängten Kreatur, das Gemüt einer herzlosen Welt, wie sie der Geist geistloser Zustände ist. Sie ist das Opium des Volkes.

    Die Aufhebung der Religion als des illusorischen Glücks des Volkes ist die Forderung seines wirklichen Glücks. Die Forderung, die Illusionen über seinen Zustand aufzugeben, ist die Forderung, einen Zustand aufzugeben, der der Illusionen bedarf. Die Kritik der Religion ist also im Keim die Kritik des Jammertales, dessen Heiligenschein die Religion ist.

    #Geschicht #China #Großbritannien #Freihandel #Rauschgift #Kolonialismus #Krieg #Disruption #Uber #Marxusmus #Opium

  • Historical Materialism Paris 2025 : Conjurer la catastrophe

    Le dernier « Congrès Marx International » a eu lieu à Paris en 2010. Depuis lors, dans l’espace francophone, aucune conférence internationale s’inscrivant explicitement dans le cadre du marxisme, durant laquelle les différents courants intellectuels et politiques puissent se rencontrer et discuter pendant plusieurs jours n’a été organisée. Faire connaître et mettre en débat les recherches marxistes les plus novatrices intellectuellement mais aussi les plus urgentes politiquement : voilà l’objectif que nous poursuivons à travers l’organisation de la première conférence « Historical Materialism Paris » du 26 au 28 juin 2025, qui s’inscrit dans la série de conférences organisées par la revue Historical Materialism d’abord à Londres, puis à Ankara, Athènes, Barcelone, Berlin, Beyrouth, Cluj, Istanbul, Melbourne, Montréal, New Delhi, New York, Rome, Sydney et Toronto, ainsi qu’une version en ligne pour l’Asie du Sud-Est.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2018/01/19/marxisme-et-liberte-60-ans-apres-pour-hier-et-aujourdhui/#comment-64819

    #marxisme

  • Marx, prophète de la décroissance ? · Michael Löwy
    https://www.terrestres.org/2024/12/21/marx-prophete-de-la-decroissance

    Cela m’amène à mon principal désaccord avec Saito : dans plusieurs passages du livre, il affirme que pour #Marx « la non-durabilité environnementale du capitalisme est la contradiction du système » (p.142, souligné par Saito) ; ou qu’à la fin de sa vie, il en est venu à considérer la rupture métabolique comme « le problème le plus grave du capitalisme » ; ou que le conflit avec les limites naturelles est, pour Marx, « la principale contradiction du mode de production capitaliste ».

    Je me demande où Saito a trouvé, dans les écrits de Marx, les livres publiés, les manuscrits ou les carnets, de telles déclarations… Elles sont introuvables, et pour une bonne raison : l’insoutenabilité écologique du système capitaliste n’était pas une question décisive au 19e siècle, comme elle l’est devenue aujourd’hui, avec l’entrée de la planète dans une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène, depuis 1945.

    De plus, je crois que la rupture métabolique, ou le conflit avec les limites naturelles, n’est pas « un problème du capitalisme » ou une « contradiction du système » : c’est bien plus que cela ! C’est une contradiction entre le système et « les conditions naturelles éternelles » (Marx), et donc avec les conditions naturelles de la vie humaine sur la planète. En fait, comme l’affirme Paul Burkett (cité par Saito), le #capital peut continuer à s’accumuler dans n’importe quelles conditions naturelles, même dégradées, tant qu’il n’y a pas d’extinction complète de la vie humaine : la civilisation humaine peut disparaître avant que l’accumulation du capital ne devienne impossible.

    #rupture_métabolique #écosocialisme

  • Le tournant hantologique de l’anthropologie, Frédéric Keck
    https://lestempsquirestent.org/fr/numeros/numero-3/le-tournant-hantologique-de-l-anthropologie-a-propos-de-gregory-

    « Quelqu’un, vous ou moi, s’avance et dit : je voudrais apprendre à vivre enfin. »

    De telles objections au «  tournant ontologique en anthropologie » manquent cependant la façon dont il s’est prolongé et ramifié en un « tournant hantologique » pour mieux saisir l’expérience humaine dans ses détours et ses bifurcations. Si l’anthropologie donne une présence aux non-humains, c’est la présence absente des esprits, des spectres et des fantômes, qui fait dérailler le projet totalisateur des sciences sociales, car elle ouvre la figure du peuple à ce qui le déborde. Or une telle présence spectrale était au cœur du «  tournant ontologique en anthropologie » si on le prend depuis des figures moins médiatiques et masculines. À la fraternité entre Bruno Latour, Philippe Descola et Eduardo Kohn (fraternité réelle et quasi monastique, puisqu’on peut rattacher ces anthropologues aux convictions religieuses par ailleurs très différentes à la figure de saint François d’Assise communiquant avec les animaux), il faut ajouter la sororité entre Anne-Christine Taylor (qui étudie les pratiques funéraires des Achuar pendant que Philippe Descola étudie leurs pratiques de chasse), Vinciane Despret et Isabelle Stengers (qui analysent les sorcières et les fantômes encore actives dans notre modernité en dialogue permanent avec Bruno Latour) ou encore Donna Haraway et Anna Tsing (qui participent avec Eduardo Kohn à ce qui a été conçu aux États-Unis comme une « ethnographie multi-espèces » car elles décrivent les vivants qui résistent à la standardisation globalisée). Alors que cette fraternité annonce la bonne nouvelle d’un nouveau peuple plus large pour les temps qui viennent, cette sororité montre qu’il est composé de spectres apparaissant dans les failles de la modernité pour les temps qui restent.

    En publiant presque en même temps les livres de Grégory Delaplace, La voix des fantômes, et de Jacques Derrida, Spectres de Marx, les éditions du Seuil permettent aux lecteurs de prendre la mesure de ce que le « tournant hantologique  » a fait à la pensée des sciences sociales. Si le livre de Grégory Delaplace prolonge les enquêtes qu’il mène depuis vingt ans en Mongolie et si celui de Jacques Derrida est réédité pour le vingtième anniversaire de sa mort, ils s’inscrivent en vérité dans une période plus longue : celle qui s’est ouverte avec la chute du mur de Berlin en 1989, l’écroulement soudain du bloc soviétique, l’effondrement de l’espérance communiste et la disparition du marxisme, que Jean-Paul Sartre décrivait dans la préface de la Critique de la raison dialectique en 1961 comme « l’horizon indépassable de notre temps. » Le livre de Jacques Derrida est en effet issu d’un colloque organisé en 1993 à l’Université de Californie intitulé « Wither Marxism ? » (Où va le marxisme ?) pour analyser les figures de l’esprit chez Marx, et celui de Grégory Delaplace se situe dans une Mongolie post-soviétique où les fantômes prolifèrent sur les ruines de la collectivisation.

    Grégory Delaplace ouvre son livre sur la première phrase du livre de Jacques Derrida : « Quelqu’un, vous ou moi, s’avance et dit : je voudrais apprendre à vivre enfin. ». Alors que Spectres de Marx abonde en formules qui sont devenues centrales dans la deuxième partie de son œuvre ouverte par ce livre crucial (« la justice comme indéconstructible », « le messianique sans messianisme »…), cette formule a été rarement commentée par les lecteurs et disciples du fondateur de « l’école de la déconstruction ». Dans la postface qu’il a écrite pour la réédition de ce livre, et qui ouvre le dialogue qu’il eut avec Jacques Derrida au Collège International de philosophie en 1994, Etienne Balibar rappelle que Spectres de Marx arrivait au moment du débat sur « la fin de l’histoire » lancé par le livre à succès de Francis Fukuyama. « Apprendre à vivre enfin », dans ce contexte, c’est apprendre à vivre dans le temps de la fin de l’histoire, à condition de ne pas concevoir ce temps, à la manière de Kojève repris par Fukuyama, comme une réconciliation de l’humanité avec elle-même (et avec son animalité, ajoutait Kojève) mais comme un temps « out of joints », expression de Shakespeare dans Hamlet que l’on traduit ordinairement par « hors de ses gonds » mais que Derrida préfère traduire par « usé dans ses jointures », pour interpréter son usage par Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste. Ainsi Spectres de Marx se présente-t-il comme une exégèse brillante de la figure du spectre dans l’œuvre de #Marx en vue de dégager l’esprit de la critique marxiste des décombres d’une ontologie matérialiste et dialectique qui apparaissait alors usée.

    #anthropologie #métaphysique #Heidegger #tournant_ontologique #spectres #fantômes #hantologie

  • #Pierre_Gaussens, sociologue : « Les #études_décoloniales réduisent l’Occident à un ectoplasme destructeur »

    Le chercheur détaille, dans un entretien au « Monde », les raisons qui l’ont conduit à réunir, dans un livre collectif, des auteurs latino-américains de gauche qui critiquent les #fondements_théoriques des études décoloniales.

    S’il passe son année en France comme résident à l’Institut d’études avancées de Paris, Pierre Gaussens évolue comme sociologue au Collège du Mexique, à Mexico, établissement d’enseignement supérieur et de recherche en sciences humaines. C’est d’Amérique latine qu’il a piloté, avec sa collègue #Gaya_Makaran, l’ouvrage Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle (L’Echappée, 256 pages, 19 euros), regroupant des auteurs anticoloniaux mais critiques des études décoloniales et de leur « #stratégie_de_rupture ».

    Que désignent exactement les études décoloniales, devenues un courant très controversé ?

    Les études décoloniales ont été impulsées par le groupe Modernité/Colonialité, un réseau interdisciplinaire constitué au début des années 2000 par des intellectuels latino-américains, essentiellement basés aux Etats-Unis. Il comptait, parmi ses animateurs les plus connus, le sociologue péruvien #Anibal_Quijano (1928-2018), le sémiologue argentin #Walter_Mignolo, l’anthropologue américano-colombien #Arturo_Escobar, ou encore le philosophe mexicain d’origine argentine #Enrique_Dussel (1934-2023). Les études décoloniales sont plurielles, mais s’articulent autour d’un dénominateur commun faisant de 1492 une date charnière de l’histoire. L’arrivée en Amérique de Christophe Colomb, inaugurant la #colonisation_européenne, aurait marqué l’entrée dans un schéma de #pouvoir perdurant jusqu’à aujourd’hui. Ce schéma est saisi par le concept central de « #colonialité », axe de #domination d’ordre racial qui aurait imprégné toutes les sphères – le pouvoir, le #savoir, le #genre, la #culture.

    Sa substance est définie par l’autre concept phare des études décoloniales, l’#eurocentrisme, désignant l’hégémonie destructrice qu’aurait exercée la pensée occidentale, annihilant le savoir, la culture et la mythologie des peuples dominés. Le courant décolonial se fonde sur ce diagnostic d’ordre intellectuel, mais en revendiquant dès le début une ambition politique : ce groupe cherchait à se positionner comme une avant-garde en vue d’influencer les mouvements sociaux et les gouvernements de gauche latino-américains. Il est ainsi né en critiquant les #études_postcoloniales, fondées dans les années 1980 en Inde avant d’essaimer aux Etats-Unis. Les décoloniaux vont leur reprocher de se cantonner à une critique « scolastique », centrée sur des études littéraires et philosophiques, et dépourvue de visée politique.

    Pourquoi avoir élaboré cet ouvrage collectif visant à critiquer la « #raison_décoloniale » ?

    Ce projet venait d’un double ras-le-bol, partagé avec ma collègue Gaya Makaran, de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Nous étions d’abord agacés par les faiblesses théoriques des études décoloniales, dont les travaux sont entachés de #simplisme et de #concepts_bancals enrobés dans un #jargon pompeux et se caractérisant par l’#ignorance, feinte ou volontaire, de tous les travaux antérieurs en vue d’alimenter une stratégie de #rupture. Celle-ci a fonctionné, car la multiplication des publications, des revues et des séminaires a permis au mouvement de gagner en succès dans le champ universitaire. Ce mouvement anti-impérialiste a paradoxalement profité du fait d’être basé dans des universités américaines pour acquérir une position de force dans le champ académique.

    La seconde raison tenait à notre malaise face aux effets des théories décoloniales. Que ce soient nos étudiants, les organisations sociales comme les personnes indigènes rencontrées sur nos terrains d’enquête, nous constations que l’appropriation de ces pensées menait à la montée d’un #essentialisme fondé sur une approche mystifiée de l’#identité, ainsi qu’à des #dérives_racistes. Il nous semblait donc crucial de proposer une critique d’ordre théorique, latino-américaine et formulée depuis une perspective anticolonialiste. Car nous partageons avec les décoloniaux le diagnostic d’une continuité du fait colonial par-delà les #décolonisations, et le constat que cette grille de lecture demeure pertinente pour saisir la reproduction des #dominations actuelles. Notre ouvrage, paru initialement au Mexique en 2020 [Piel Blanca, Mascaras Negras. Critica de la Razon Decolonial, UNAM], présente donc un débat interne à la gauche intellectuelle latino-américaine, qui contraste avec le manichéisme du débat français, où la critique est monopolisée par une droite « #antiwoke ».

    Le cœur de votre critique se déploie justement autour de l’accusation d’« essentialisme ». Pourquoi ce trait vous pose-t-il problème ?

    En fétichisant la date de #1492, les études décoloniales procèdent à une rupture fondamentale qui conduit à un manichéisme et une réification d’ordre ethnique. L’Occident, porteur d’une modernité intrinsèquement toxique, devient un ectoplasme destructeur. Cette #satanisation produit, en miroir, une #idéalisation des #peuples_indigènes, des #cosmologies_traditionnelles et des temps préhispaniques. Une telle lecture crée un « #orientalisme_à_rebours », pour reprendre la formule de l’historien #Michel_Cahen [qui vient de publier Colonialité. Plaidoyer pour la précision d’un concept, Karthala, 232 pages, 24 euros], avec un #mythe stérile et mensonger du #paradis_perdu.

    Or, il s’agit à nos yeux de penser l’#hybridation et le #métissage possibles, en réfléchissant de façon #dialectique. Car la #modernité a aussi produit des pensées critiques et émancipatrices, comme le #marxisme, tandis que les coutumes indigènes comportent également des #oppressions, notamment patriarcales. Cette #focalisation_ethnique empêche de penser des #rapports_de_domination pluriels : il existe une #bourgeoisie_indigène comme un #prolétariat_blanc. Cette essentialisation suscite, en outre, un danger d’ordre politique, le « #campisme », faisant de toute puissance s’opposant à l’Occident une force par #essence_décoloniale. La guerre menée par la Russie en Ukraine montre à elle seule les limites d’une telle position.

    En quoi le positionnement théorique décolonial vous semble-t-il gênant ?

    La stratégie de rupture du mouvement conduit à plusieurs écueils problématiques, dont le principal tient au rapport avec sa tradition théorique. Il procède à des récupérations malhonnêtes, comme celle de #Frantz_Fanon (1925-1961). Les décoloniaux plaquent leur grille de lecture sur ce dernier, gommant la portée universaliste de sa pensée, qui l’oppose clairement à leur geste critique. Certains se sont rebellés contre cette appropriation, telle la sociologue bolivienne #Silvia_Rivera_Cusicanqui, qui a accusé Walter Mignolo d’avoir détourné sa pensée.

    Sur le plan conceptuel, nous critiquons le galimatias linguistique destiné à camoufler l’absence de nouveauté de certains concepts – comme la « colonialité », qui recoupe largement le « #colonialisme_interne » développé à la fin du XXe siècle – et, surtout, leur faiblesse. Au prétexte de fonder un cadre théorique non eurocentrique, les décoloniaux ont créé un #jargon en multipliant les notions obscures, comme « #pluriversalisme_transmoderne » ou « #différence_transontologique », qui sont d’abord là pour simuler une #rupture_épistémique.

    Votre critique s’en prend d’ailleurs à la méthode des études décoloniales…

    Les études décoloniales ne reposent sur aucune méthode : il n’y a pas de travail de terrain, hormis chez Arturo Escobar, et très peu de travail d’archives. Elles se contentent de synthèses critiques de textes littéraires et théoriques, discutant en particulier des philosophes comme Marx et Descartes, en s’enfermant dans un commentaire déconnecté du réel. Il est d’ailleurs significatif qu’aucune grande figure du mouvement ne parle de langue indigène. Alors qu’il est fondé sur la promotion de l’#altérité, ce courant ne juge pas nécessaire de connaître ceux qu’il défend.

    En réalité, les décoloniaux exploitent surtout un #misérabilisme en prétendant « penser depuis les frontières », selon le concept de Walter Mignolo. Ce credo justifie un rejet des bases méthodologiques, qui seraient l’apanage de la colonialité, tout en évacuant les critiques à son égard, puisqu’elles seraient formulées depuis l’eurocentrisme qu’ils pourfendent. Ce procédé conduit à un eurocentrisme tordu, puisque ces auteurs recréent, en l’inversant, le « #privilège_épistémique » dont ils ont fait l’objet de leur critique. Ils ont ainsi construit une bulle destinée à les protéger.

    Sur quelle base appelez-vous à fonder une critique de gauche du colonialisme ?

    En opposition aux penchants identitaires des décoloniaux, nous soutenons le retour à une approche matérialiste et #dialectique. Il s’agit de faire dialoguer la pensée anticoloniale, comme celle de Frantz Fanon, avec l’analyse du #capitalisme pour renouer avec une critique qui imbrique le social, l’économie et le politique, et pas seulement le prisme culturel fétichisé par les décoloniaux. Cette #intersectionnalité permet de saisir comment les pouvoirs néocoloniaux et le capitalisme contemporain reproduisent des phénomènes de #subalternisation des pays du Sud. Dans cette perspective, le #racisme n’est pas un moteur en soi, mais s’insère dans un processus social et économique plus large. Et il s’agit d’un processus historique dynamique, qui s’oppose donc aux essentialismes identitaires par nature figés.

    « Critique de la raison décoloniale » : la dénonciation d’une « #imposture »

    Les études décoloniales constitueraient une « #contre-révolution_intellectuelle ». L’expression, d’ordinaire réservée aux pensées réactionnaires, signale la frontalité de la critique, mais aussi son originalité. Dans un débat français où le label « décolonial » est réduit à un fourre-tout infamant, cet ouvrage collectif venu d’Amérique latine apporte un bol d’air frais. Copiloté par Pierre Gaussens et Gaya Makaran, chercheurs basés au Mexique, Critique de la raison décoloniale (L’Echappée, 256 pages, 19 euros) élève le débat en formulant une critique d’ordre théorique.

    Six textes exigeants, signés par des chercheurs eux-mêmes anticoloniaux, s’attachent à démolir ce courant, qualifié d’« imposture intellectuelle ». Les deux initiateurs du projet ouvrent l’ensemble en ramassant leurs griefs : l’essentialisation des peuples à travers un prisme culturel par des auteurs qui « partagent inconsciemment les prémisses de la théorie du choc des civilisations ». Les quatre contributions suivantes zooment sur des facettes des études décoloniales, en s’attaquant notamment à la philosophie de l’histoire qui sous-tend sa lecture de la modernité, à quelques-uns de ses concepts fondamentaux (« pensée frontalière », « colonialité du pouvoir »…) et à son « #ontologie de l’origine et de la #pureté ». Un dernier texte plus personnel de la chercheuse et activiste Andrea Barriga, ancienne décoloniale fervente, relate sa désillusion croissante à mesure de son approfondissement de la pensée d’Anibal Quijano, qui lui est finalement apparue comme « sans consistance ».

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/24/pierre-gaussens-sociologue-les-etudes-decoloniales-reduisent-l-occident-a-un
    #décolonial

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    • En complément :
      https://lvsl.fr/pourquoi-lextreme-droite-sinteresse-aux-theories-decoloniales

      L’extrême droite veut décoloniser. En France, les intellectuels d’extrême droite ont pris l’habitude de désigner l’Europe comme la victime autochtone d’une « colonisation par les immigrés » orchestrée par les élites « mondialistes ». Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement », a même fait l’éloge des grands noms de la littérature anticoloniale – « tous les textes majeurs de la lutte contre la colonisation s’appliquent remarquablement à la France, en particulier ceux de Frantz Fanon » – en affirmant que l’Europe a besoin de son FLN (le Front de Libération Nationale a libéré l’Algérie de l’occupation française, ndlr). Le cas de Renaud Camus n’a rien d’isolé : d’Alain de Benoist à Alexandre Douguine, les figures de l’ethno-nationalisme lisent avec attention les théoriciens décoloniaux. Et ils incorporent leurs thèses, non pour contester le système dominant, mais pour opposer un capitalisme « mondialiste », sans racines et parasitaire, à un capitalisme national, « enraciné » et industriel.

      Article originellement publié dans la New Left Review sous le titre « Sea and Earth », traduit par Alexandra Knez pour LVSL.

    • Les pensées décoloniales d’Amérique latine violemment prises à partie depuis la gauche

      Dans un livre collectif, des universitaires marxistes dénoncent l’« imposture » des études décoloniales, ces théories qui tentent de déconstruire les rapports de domination en Amérique latine. Au risque de la simplification, répondent d’autres spécialistes.

      PourPour une fois, la critique ne vient pas de la droite ou de l’extrême droite, mais de courants d’une gauche marxiste que l’on n’attendait pas forcément à cet endroit. Dans un livre collectif publié en cette fin d’année, Critique de la raison décoloniale (L’échappée), une petite dizaine d’auteur·es livrent une charge virulente à l’égard des études décoloniales, tout à la fois, selon eux, « imposture », « pensée ventriloque », « populisme » et « contre-révolution intellectuelle ».

      Le champ décolonial, surgi dans les années 1990 sur le continent américain autour de penseurs comme Aníbal Quijano (1928-2018), reste confidentiel en France. Ce sociologue péruvien a forgé le concept de « colonialité du pouvoir », qui renvoie aux rapports de domination construits à partir de 1492 et le début des « conquêtes » des Européens aux Amériques. Pour ces intellectuel·les, les vagues d’indépendances et de décolonisations, à partir du XIXe siècle, n’ont pas changé en profondeur ces rapports de domination.

      La première génération des « décoloniaux » sud-américains, autour de Quijano, de l’historien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023) et du sémiologue argentin Walter Mignolo (né en 1941), a développé à la fin des années 1990 un programme de recherche intitulé « Modernité/Colonialité/Décolonialité » (M/C/D). Ils ont analysé, souvent depuis des campus états-uniens, la « colonialité », non seulement du « pouvoir », mais aussi des « savoirs » et de « l’être ».

      Pour eux, 1492 est un moment de bascule, qui marque le début de la « modernité » (le système capitaliste, pour le dire vite) et de son revers, la « colonialité » : le système capitaliste et le racisme sont indissociables. Selon ces auteurs, « le socle fondamental de la modernité est le “doute méthodique” jeté sur la pleine humanité des Indiens », doute qui deviendra un « scepticisme misanthrope systématique et durable » jusqu’à aujourd’hui, expliquent Philippe Colin et Lissell Quiroz dans leur ouvrage de synthèse sur les Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, publié en 2023 (éditions de La Découverte).

      « Au-delà des indéniables effets de mode, la critique décoloniale est devenue l’un des paradigmes théoriques incontournables de notre temps », écrivent encore Colin et Quiroz. Depuis la fin des années 1990, cette manière de critiquer le capitalisme, sans en passer par le marxisme, s’est densifiée et complexifiée. Elle a été reprise dans la grammaire de certains mouvements sociaux, et récupérée aussi de manière rudimentaire par certains gouvernements étiquetés à gauche.

      C’est dans ce contexte qu’intervient la charge des éditions L’échappée, qui consiste dans la traduction de six textes déjà publiés en espagnol (cinq au Mexique en 2020, un autre en Argentine en 2021). Parmi eux, Pierre Gaussens et Gaya Makaran, deux universitaires basé·es à Mexico, l’un Français, l’autre Polonaise, s’en prennent à ces « discours académiques qui veulent parler à la place des subalternes » et dénoncent une « représentation ventriloque des altérités ».

      Préoccupé·es par l’influence grandissante des théories décoloniales dans leur milieu universitaire, Gaussens et Makaran veulent exposer leurs « dangers potentiels ». Dont celui de contribuer à « justifier des pratiques discriminatoires et excluantes, parfois même ouvertement racistes et xénophobes, dans les espaces où celles-ci parviennent à rencontrer un certain écho, surtout à l’intérieur du monde étudiant ».

      Les critiques formulées par ces penseurs d’obédience marxiste sont légion. Ils et elles reprochent une manière de penser l’Europe de manière monolithique, comme un seul bloc coupable de tous les maux – au risque d’invisibiliser des luttes internes au continent européen. Ils contestent la focalisation sur 1492 et jugent anachronique la référence à une pensée raciale dès le XVe siècle.

      De manière plus globale, ils dénoncent un « biais culturaliste », qui accorderait trop de place aux discours et aux imaginaires, et pas assez à l’observation de terrain des inégalités économiques et sociales ou encore à la pensée de la forme de l’État au fil des siècles. « L’attention qu’ils portent aux identités, aux spécificités culturelles et aux “cosmovisions” les conduit à essentialiser et à idéaliser les cultures indigènes et les peuples “non blancs”, dans ce qui en vient à ressembler à une simple inversion de l’ethnocentrisme d’origine européenne », écrit le journaliste Mikaël Faujour dans la préface de l’ouvrage.

      Ils critiquent encore le soutien de certains auteurs, dont Walter Mignolo, à Hugo Chávez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie – ce que certains avaient désigné comme une « alliance bolivarienne-décoloniale », au nom de laquelle ils ont pu soutenir des projets néo-extractivistes sur le sol des Amériques pourtant contraires aux intérêts des populations autochtones.

      Dans une recension enthousiaste qu’il vient de publier dans la revue Esprit, l’anthropologue Jean-Loup Amselle parle d’un livre qui « arrive à point nommé ». Il critique le fait que les décoloniaux ont « figé », à partir de 1492, l’Europe et l’Amérique en deux entités « hypostasiées dans leurs identités respectives ». « Pour les décoloniaux, insiste Amselle, c’est le racisme qui est au fondement de la conquête de l’Amérique, bien davantage que les richesses qu’elle recèle, et c’est le racisme qui façonne depuis la fin du XVe siècle le monde dans lequel on vit. »

      La parole d’Amselle importe d’autant plus ici qu’il est l’un des tout premiers, depuis la France, à avoir critiqué les fondements de la pensée décoloniale. Dans L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes (Seuil, 2008), il consacrait déjà plusieurs pages critiques en particulier de la pensée « culturaliste », essentialiste, de Walter Mignolo lorsque ce dernier pense le « post-occidentalisme ».

      À la lecture de Critique de la raison décoloniale, si les critiques sur les partis pris téléologiques dans certains travaux de Walter Mignolo et Enrique Dussel visent juste, la virulence de la charge interroge tout de même. D’autant qu’elle passe presque totalement sous silence l’existence de critiques plus anciennes, par exemple sur le concept de « colonialité du pouvoir », en Amérique latine.

      Dans une recension publiée dans le journal en ligne En attendant Nadeau, l’universitaire David Castañer résume la faille principale du livre, qui « réside dans l’écart entre ce qu’il annonce – une critique radicale de la théorie décoloniale dans son ensemble – et ce qu’il fait réellement – une lecture du tétramorphe Mignolo, Grosfoguel [sociologue d’origine portoricaine – ndlr], Quijano, Dussel ». Et de préciser : « Or, il y a un grand pas entre critiquer des points précis des pensées de ces quatre auteurs et déboulonner cette entité omniprésente que serait le décolonial. »

      Tout se passe comme si les auteurs de cette Critique passaient sous silence la manière dont ce champ s’est complexifié, et avait intégré ses critiques au fil des décennies. C’est ce que montre l’ouvrage de Colin et Quiroz dont le dernier chapitre est consacré, après les figures tutélaires des années 1990 – les seules qui retiennent l’attention de Gaussens et de ses collègues –, aux « élargissements théoriques et militants ».
      Méta-histoire

      L’exemple le plus saillant est la manière dont des féministes, à commencer par la philosophe argentine María Lugones (1944-2020), vont critiquer les travaux de Quijano, muets sur la question du genre, et proposer le concept de « colonialité du genre », à distance du « féminisme blanc », sans rejeter pour autant ce fameux « tournant décolonial ».

      Idem pour une pensée décoloniale de l’écologie, à travers des chercheurs et chercheuses d’autres générations que celles des fondateurs, comme l’anthropologue colombien Arturo Escobar (qui a critiqué le concept de développement comme une invention culturelle d’origine occidentale, et théorisé le « post-développement ») ou l’Argentine Maristella Svampa, devenue une référence incontournable sur l’économie extractiviste dans le Cône Sud.

      La critique formulée sur la fixation problématique sur 1492 chez les décoloniaux ne convainc pas non plus Capucine Boidin, anthropologue à l’université Sorbonne-Nouvelle, jointe par Mediapart : « Les auteurs décoloniaux font une philosophie de l’histoire. Ils proposent ce que j’appelle un méta-récit. Ce n’est pas de l’histoire. Il n’y a d’ailleurs aucun historien dans le groupe des études décoloniales. Cela n’a pas de sens de confronter une philosophie de l’histoire à des sources historiques : on ne peut qu’en conclure que c’est faux, incomplet ou imprécis. »

      Cette universitaire fut l’une des premières à présenter en France la pensée décoloniale, en invitant Ramón Grosfoguel alors à l’université californienne de Berkeley, dans un séminaire à Paris dès 2007, puis à coordonner un ensemble de textes – restés sans grand écho à l’époque – sur le « tournant décolonial » dès 2009.

      Elle tique aussi sur certaines des objections formulées à l’égard d’universitaires décoloniaux très dépendants des universités états-uniennes, et accusés d’être coupés des cultures autochtones dont ils parlent. À ce sujet, Silvia Rivera Cusicanqui, une sociologue bolivienne de premier plan, connue notamment pour avoir animé un atelier d’histoire orale andine, avait déjà accusé dès 2010 le décolonial Walter Mignolo, alors à l’université états-unienne Duke, d’« extractivisme académique » vis-à-vis de son propre travail mené depuis La Paz.

      « Contrairement à ce que dit Pierre Gaussens, nuance Capucine Boidin, Aníbal Quijano parlait très bien, et chantait même, en quechua. C’était un sociologue totalement en prise avec sa société. Il a d’ailleurs fait toute sa carrière au Pérou, à l’exception de voyages brefs aux États-Unis durant lesquels il a échangé avec [le sociologue états-unien] Immanuel Wallerstein. Pour moi, c’est donc un procès d’intention qui fait fi d’une lecture approfondie et nuancée. »
      L’héritage de Fanon

      Au-delà de ces débats de spécialistes, les auteur·es de Critique de la raison décoloniale s’emparent avec justesse de nombreux penseurs chers à la gauche, de Walter Benjamin à Frantz Fanon, pour mener leur démonstration. Le premier chapitre s’intitule « Peau blanche, masque noire », dans une référence au Peau noire, masques blancs (1952) de l’intellectuel martiniquais. Le coup est rude : il s’agit d’accuser sans détour les décoloniaux d’être des « blancs » qui se disent du côté des peuples autochtones sans l’être.

      Pierre Gaussens et Gaya Makaran insistent sur les critiques formulées par Fanon à l’égard du « courant culturaliste de la négritude », qu’ils reprennent pour en faire la clé de voûte du livre. « Si le colonisé se révolte, ce n’est donc pas pour découvrir une culture propre ou un passé glorieux, ni pour prendre conscience de sa “race”, mais parce que l’oppression socio-économique qu’il subit ne lui permet pas de mener une existence pleine et entière », écrivent-ils.

      Dans l’épilogue de sa biographie intellectuelle de Fanon (La Découverte, 2024), Adam Shatz constate que des critiques de l’antiracisme contemporain, depuis le marxisme notamment, se réclament parfois du Martiniquais. « Ce qui intéressait Fanon n’était pas la libération des Noirs, mais celle des damnés de la Terre », confirme-t-il. Mais Shatz se montre aussi plus prudent, alors que « l’horizon de la société post-raciale [que Fanon appelait de ses vœux – ndlr] s’est considérablement éloigné » par rapport à 1961, année de sa mort à 36 ans à peine.

      À lire Shatz, Fanon menait une critique des pensées binaires telles que certains universalistes et d’autres identitaires la pratiquent. La nature de son œuvre la rend rétive aux récupérations. Il juge aussi que les décoloniaux, et des mouvements comme Black Lives Matter, qui se revendiquent tout autant de Fanon que les marxistes critiques de l’antiracisme, « sont plus fidèles à la colère » du psychiatre martiniquais, avec « leur style d’activisme imprégné d’urgence existentielle ».

      Aussi stimulante soit-elle, la publication de Critique de la raison décoloniale témoigne surtout, en creux, de la trop faible circulation des textes originaux des théories décoloniales en France, et du trop petit nombre de traductions disponibles en français (parmi les exceptions notables, la publication aux PUF en 2023 de Philosophie de la libération, de Dussel, classique de 1977). Le livre des éditions de L’échappée est une entreprise de démontage d’un champ encore peu documenté en France, ce qui donne à sa lecture un abord inconfortable.

      Et ce, même si Mikaël Faujour, collaborateur au Monde diplomatique, qui a traduit une partie des textes du recueil en français, avec l’essayiste partisan de la décroissance Pierre Madelin, insiste, dans une préface périlleuse, sur une clé de lecture française, qui complique encore la réception de l’ouvrage. Le journaliste s’inquiète des « cheminements » de la pensée décoloniale dans l’espace francophone, d’abord via les revues Multitudes et Mouvements, puis à travers le parti des Indigènes de la République (PIR) autour notamment de Houria Bouteldja, jusqu’à déplorer « le rapprochement, à partir de 2019, entre les décoloniaux autour du PIR et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ».

      La charge n’est pas sans rappeler le débat suscité en 2021 par le texte du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel, sur le « tournant identitaire » dans les sciences sociales françaises. Au risque d’ouvrir ici une vaste discussion plus stratégique sur les gauches françaises, qui n’a que peu à voir avec les discussions théoriques posées par les limites des premières vagues de la théorie décoloniale en Amérique latine ?

      Joint par Mediapart, Faujour assure le contraire : « Il n’y a pas d’étanchéité entre les deux espaces [français et latino-américain]. D’ailleurs, le livre [original publié en 2020 au Mexique] contenait un texte critique de Philippe Corcuff sur les Indigènes de la République. Par ailleurs, Bouteldja salue Grosfoguel comme un “frère”. Dussel et Grosfoguel sont venus en France à l’invitation du PIR. Tout l’appareillage lexical et conceptuel, la lecture historiographique d’une modernité débutée en 1492 unissant dans la “colonialité”, modernité, colonialisme et capitalisme, mais aussi la critique de la “blanchité”, entre autres choses, constituent bel et bien un fonds commun. »

      Mais certain·es redoutent bien une confusion dans la réception du texte, dans le débat français. « Pierre Gaussens et Gaya Makaran travaillent depuis le Mexique, avance Capucine Boidin. Je comprends une partie de leur agacement, lorsqu’ils sont face à des étudiants latino-américains, de gauche, qui peuvent faire une lecture simplifiée et idéologique de certains textes décoloniaux. D’autant qu’il peut y avoir une vision essentialiste, romantique et orientaliste des cultures autochtones, dans certains de ces écrits. »

      « Mais en France, poursuit-elle, nous sommes dans une situation très différente, où les études décoloniales sont surtout attaquées sur leur droite. Manifestement, Pierre Gaussens est peu informé des débats français. Ce livre arrive comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec le risque de donner à la droite des arguments de gauche pour critiquer les études décoloniales. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/271224/les-pensees-decoloniales-d-amerique-latine-violemment-prises-partie-depuis

  • Marxisme et racisme

    Quel est le rapport entre la lutte contre le racisme et la théorie et la pratique socialistes aux États-Unis ? Pourquoi les gens de couleur, actifs dans les mouvements antiracistes, devraient prendre au sérieux le socialisme démocratique ? Et qu’est-ce que les socialistes américains d’aujourd’hui peuvent penser des tentatives inadéquates des socialistes d’hier de comprendre la complexité du racisme ? Dans cette contribution, j’essaie de répondre à ces questions cruciales pour le mouvement démocratique socialiste. D’abord, j’examine les efforts passés des marxistes pour comprendre ce qu’est le racisme et comment il opère dans des contextes différents. Ensuite, j’entreprends de développer une nouvelle conception du racisme qui par ses constructions va au-delà de la tradition marxiste. Enfin, j’examine comment ces nouvelles conceptions éclairent les rôles du racisme dans le passé et le présent. J’essaie, pour conclure, de montrer que la lutte contre le racisme est à la fois moralement et politiquement nécessaire pour les socialistes démocratiques.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/10/20/marxisme-et-racisme

    #politique

    • Merci pour ce lien. C’est une synthèse intéressante de quelques approches du passé.
      Pourtant il faudrait regarder plus loin, d’abord en ne plus acceptant comme « marxistes » les définitions du socialisme vulgaire de la social-démocratie institutionnalisée des années autour de l’an 1900 . Il est de même en ce qui concerne les limites imposées par la nomenklatura stalinienne, qui ont la vie dure et continuent à nuire au développement de méthodes analytiques incluant les découvertes des auteurs classiques dans un socialisme scientifique digne de cette appellation.
      Ensuite il faudrait regarder les fomes de racisme dans le monde entier.
      Est-ce qu’il y a un racisme han (汉) ? Les idées de suprématie raciale nippone ? Que faut-il dire sur le racisme des esclavagistes arabes ?
      Il y a la question de l’histoire du racisme. Existe-t-il une lignée raciste à partir du moyen age en passant par les conquistadores, les antisemites d’Europe au dix neuvième siècle, les génocides coloniaux, le nazisme jusqu’au formes d’exclusions sociales actuelles ? Le traitement des « Asoziale et Berufsverbrecher » et sa justification furent-ils identiques avec le racisme du type antisemite nazi ?
      Hermann Göring est connu pour sa défintion simple : C’est moi qui décide qui est juif. Cette expression montre le problème essentiel de toute analyse critique du racisme : ses définitions sont tellement absurdes qu’on doit les exclure d’une analyse des relations sociales et politiques si on veut produire des résultats pertinents. Ceci ne signifie pas qu’il faille les ignorer mais leur déscription ne peut servir à l’identification et classification des éléments essentiels qui constituent la base du problème.
      A mon avis il faudrait dépasser et les idées sur le « classisme » comme sous-catégorie du racisme et les notions sclérosées du marxisme institutionnalisé.

      #racisme #USA #marxisme