• Certificat d’immunité /
    Anne Hidalgo propose à Matignon un plan pour sortir Paris du confinement
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/08/anne-hidalgo-propose-a-matignon-un-plan-pour-sortir-paris-du-confinement_603

    Dans un courrier à Edouard Philippe, la maire de Paris préconise un dépistage massif, et la mise en quarantaine des personnes infectées, notamment dans des hébergements adaptés.

    Comment, demain, mettre un terme au confinement des Parisiens ? Comment laisser les habitants se déplacer à nouveau sans provoquer immédiatement une deuxième vague épidémique dans une ville hyperdense, l’une des métropoles les plus touchées par le #Covid-19 ? C’est une des questions majeures du moment dans la capitale. Après avoir consulté experts et élus, Anne Hidalgo vient d’élaborer les grandes lignes d’un plan pour répondre à ce défi. La maire socialiste de Paris a envoyé, lundi 6 avril, un long courrier au premier ministre, Edouard Philippe, pour lui soumettre ces propositions.

    Dans sa lettre, dont Le Monde a eu copie, Anne Hidalgo constate en premier lieu les défaillances du #confinement tel qu’il est pratiqué depuis le 17 mars.

    « Faute de matériel de protection en quantité suffisante, les contaminations se sont poursuivies dans les structures économiques qui sont restées actives, souligne-t-elle. De nombreuses personnes positives sont rentrées chez elles, contaminant sans le savoir leur entourage, ce qui a conduit à maintenir un niveau élevé de virus dans la population, y compris durant le confinement. » A ses yeux, « réussir le déconfinement » passe donc par « une meilleure gestion du confinement ».

    Pour améliorer la situation, la première des dix propositions avancées par la maire de Paris consiste à lancer une enquête épidémiologique approfondie. « Les pouvoirs publics sont aujourd’hui dans l’inconnu sur la diffusion de l’épidémie », regrette-t-elle. Difficile d’avancer dans le brouillard.

    Dès que des #tests_sérologiques seront disponibles et fiables, la Mairie de Paris juge donc « indispensable » une enquête associant des tests sur des échantillons non biaisés, aléatoires et représentatifs de la population, afin, en particulier, d’évaluer l’impact des mesures de confinement et des modifications qui pourraient y être apportées.

    « Dépistage massif »

    Au-delà de ce sondage, Anne Hidalgo et son équipe préconisent surtout un « dépistage massif ». Pas forcément de tous les Parisiens. Mais au moins des « #publics_prioritaires », qui restent à définir. La Ville a commencé lundi à organiser le dépistage généralisé dans les maisons de retraite, et elle compte faire de même dans les autres établissements collectifs dont elle a la charge. Un dépistage de personnes à risque, comme les sans-abri et les toxicomanes, est également en projet.

    Au-delà, la Mairie s’imagine volontiers tester les agents du service public parisien, leur familles, mais aussi « les jeunes Parisiens, de la crèche au lycée », pour préparer la sortie du confinement.

    Autre grande proposition : la mise en #quarantaine des personnes infectées, notamment dans des lieux adaptés. « Il s’agit d’appliquer le principe de séparation physique entre les personnes saines, les personnes potentiellement contaminées, en attente de dépistage, et les personnes positives au virus », indique le document transmis à Matignon. La Mairie se déclare décidée à « faciliter la mobilisation de sites dédiés et d’hôtels » pour héberger les Parisiens touchés par le virus, et qui, sans avoir besoin d’être hospitalisés, « ne peuvent être confinés chez eux dans des conditions satisfaisantes pour protéger leur entourage d’une contamination ».

    Des « #certificats_d’immunité »

    Le plan élaboré par Anne Hidalgo concerne aussi les personnes qui ont été au contact du virus, et ont été immunisées. Une fois qu’elles auront été identifiées grâce au dépistage, la Ville propose d’expérimenter « au plus vite » la mise en œuvre de « certificats d’immunité », dont elles pourraient bénéficier. Délivré par un médecin, un tel document « pourra permettre à toute personne immunisée de s’abstraire de certaines obligations de confinement ou de mesure barrière » . Les agents de la Ville pourraient être les premiers à participer à l’expérimentation.

    Parmi les autres propositions figure l’idée de « préparer la ville à vivre durablement avec masque, gel hydroalcoolique et gestes barrières ». Il s’agit notamment d’installer des distributeurs de gel dans les lieux fréquentés, certains quais de métro par exemple.

    La maire demande aussi à l’Etat de formuler « des consignes nationales extrêmement claires sur l’importance du port du #masque dans l’espace public ». Elle entend aussi répondre aux pénuries de masques, gel, etc., en mobilisant le réseau de fabricants locaux. Et constituer des stocks, pour que la capitale soit mieux armée face à une nouvelle épidémie.

    #immunité

  • Tous(se) aux machines (à coudre)

    Natalie

    https://lavoiedujaguar.net/Tous-se-aux-machines-a-coudre

    Paris, le 7 avril 2020
    Amis,

    En ces heures fort particulières vous voudrez bien, avant tout, me pardonner quelques élucubrations pour certaines par trop évidentes. Il se trouve qu’en lisant des écrits récents publiés sur “la voie du jaguar”, j’y ai perçu une sorte de dialogue entre textes et, pour rompre la monotonie de la solitude peut-être, j’ai eu envie d’y adjoindre le mien tricotage (la raison objective en est que, devenue ici familière de la compagnie des vaches et, le bétail étant régulièrement cité comme source possible de pandémie ces derniers temps, je n’ai pu résister à l’envie de meugler quelques vues).

    Or donc, chacun y va de ses vues, de ses analyses, de ses vérités, chacune prise dans une subjectivité, une vie. Chacun y va donc allègrement de la poursuite infinie du récit… mais pourquoi donc écrire à l’heure qu’il est ? (les éditeurs déconfinés vont crouler sous les manuscrits !). Eh bien car actuellement le salut passe, d’après ce que l’on nous explique à l’envi, soit par le fait de faire quelque chose d’utile pour les autres, soit quelque chose qui soit solidement ancré au cœur des aspirations profondes de chacun. (...)

    #correspondance #confinement #inquiétudes #migrants #mort #mutation #gouvernement #municipales #Pénélope #masques

  • Et voilà le travail : le titre original de l’article (voir l’URL, mais c’est encore dans le cache des référencements Twitter) était The US Department of Defense delivers one million surgical masks to be used by the IDF. Désormais c’est : Israel brings 1 million masks from China for IDF soldiers, et la mention du rôle du DoD américain a disparu de l’article (il ne subsiste que dans la légende de la photo) :
    https://www.jpost.com/israel-news/us-department-of-defense-give-1-million-masks-to-idf-for-coronavirus-use-6239
    https://images.jpost.com/image/upload/f_auto,fl_lossy/t_JD_ArticleMainImageFaceDetect/456229

    Dis Seenthis, il me semble avoir vu passer, il y a bien longtemps, un outil permettant de retrouver les différentes versions des articles des grands médias. Quelqu’un serait capable de le retrouver ?

  • La Poste aurait caché l’existence de 24 millions de masques | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/la-poste-aurait-cache-lexistence-de-24-millions-de-masques-687455

    Une révélation de Sud-PTT qui passe d’autant plus mal que tous les facteurs et guichetiers n’en sont pas encore équipés. Selon Yann Le Merrer, représentant du syndicat : « La direction des ressources humaines a évoqué, elle, un chiffre d’au moins 15 millions lors de sa réunion avec les organisations syndicales ce lundi matin et nous a dit qu’il fallait être responsable, qu’ils ne voulaient pas communiquer là-dessus de peur de se faire réquisitionner par l’État ! Il y a une omerta dans la gestion de cette crise. 300 000 masques ont pourtant été distribués au ministère de l’Intérieur alors qu’on aurait pu en donner aux agents depuis trois semaines et en envoyer au personnel hospitalier ! »

    #coronavirus #masque #la_poste

  • Coronavirus COVID 19. A #Grenoble, des bénévoles fabriquent des #visières_de_protection avec des #imprimantes_3D

    Les actions solidaires se multiplient pour fournir des équipements de protection aux soignants et aux professionnels qui travaillent au contact du public. En Isère, des bénévoles se sont lancés dans la fabrication de visières de protection à l’aide d’imprimantes 3D.

    https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/grenoble/coronavirus-covid-19-grenoble-benevoles-fabriquent-visi
    #impression_3D #3D #coronavirus #covid-19
    #solidarité
    Et comme dirait @fil : #pénurie de #masques

  • Transmission de COVID-19 par aérosol, les implications pour la santé publique
    https://www.lejournaldumedecin.com/actualite/transmission-de-covid-19-par-aerosol-les-implications-pour-la-sante-publique/article-opinion-47087.html?cookie_check=1586247788

    Nous sommes un groupe pluridisciplinaire et international d’experts qui concluent que la négligence de la transmission du COVID 19 par aérosol est à l’origine de la différence entre les pays qui contrôlent ou ne contrôlent pas la propagation du nouveau coronavirus. La distanciation sociale de 1 m est largement insuffisante. Soyons adultes et acceptons la réalité du risque de transmission par aérosol, limitons toutes activités non essentielles, utilisons tous les moyens de protection de nos voies respiratoires, du FFP2 à l’humble châle, en attendant de développer les outils pour retourner à la pleine activité, à savoir une capacité de dépistage nucléique et sérologique massive de ce virus associé a un confinement des personnes infectées, et une capacité de production locale de masques de FFP2 pour toute (...)

    • ... pour toute la population.

      Quand une personne est infectée, sa toux, ses éternuements, mais aussi sa conversation ou ses chants vont produire un nuage de gouttelettes depuis sa bouche ou son nez.

      Les modes de contamination des maladies virales respiratoires peuvent alors être classés en trois catégories suivant la taille de ces gouttelettes :

      – Pour les grosses gouttelettes si vous êtes à faible distance (inférieure au fameux 1 m) elles peuvent être directement projetées sur vous (la personne saine).

      – Ces mêmes gouttes peuvent tomber sur une surface et la contaminer. Si vous la touchez et portez les mains à votre visage le risque est fort d’être contaminé.

      – Mais pour les gouttelettes de très petites tailles, elles sont susceptibles d’être aéroportées et de se propager sur des distances bien supérieures à 1 m et de produire ainsi un aérosol contaminant pour celui qui le respire.

      Les recommandations données actuellement à la population pour ralentir l’épidémie sont exclusivement basée sur les deux premiers modes transmission du COVID-19 décrite ci-dessus et excluent la troisième possibilité.

      Qu’est-ce qu’un aérosol

      Un aérosol consiste en microgouttelettes qui restent en suspension dans l’air. En effet plus la goutte est petite plus la force de résistance de l’air est grande par rapport à son poids et plus la goutte tombe doucement, éventuellement à vitesse quasi nulle. De plus ces microparticules peuvent par évaporation d’eau diminuer en taille, ce qui leur permet de se maintenir presque indéfiniment en suspension.

      Le mouvement de gouttelettes de différentes tailles produites lors d’une conversation normale, ou d’une toux ou d’un éternuement, peuvent être visualisés par illumination laser comme montré dans la figure ci-dessous, adaptée d’un article publié par un des auteurs de cette tribune dans le Journal of Fluid mechanics en 2014. Dans cet article il est montré que le nuage d’aérosols peut se propager beaucoup plus loin que des gouttelettes isolées grâce aux interactions entre les gouttelettes et la phase gazeuse du nuage. Ainsi un éternuement peut envoyer des gouttelettes jusqu’à 6 mètres de distances.

      Une vidéo récente réalisée par des scientifiques japonais montre aussi très bien comment ces microgouttelettes peuvent rester en suspension dans l’air et voyager très loin, voir ▻https://www.ccn.com/japan-scientists-find-new-transmission-route-of-coronavirus-in-breakthrough-stu

      Quand une personne est infectée, qu’elle soit symptomatique ou non, les microgouttelettes peuvent contenir du virus qui reste infectieux pendant longtemps (la stabilité du virus se mesure en heures), et elles sont donc capables d’infecter les personnes qui les respirent.

      #Masques #aérosol

    • #travail #entreprises

      Les espaces confinés favorisent la transmission par aérosol et peuvent être le lieu d’épisodes de super-contagion, comme ce fut le cas dans des rassemblements évangéliques en France (Mulhouse) et en Corée du Sud (Daegu). En effet, le phénomène peut être exacerbé par un système de chauffage aérotherme ou de la climatisation, où l’air est remis en circulation à l’intérieur des locaux par souci d’économie de chauffage (ou de froid). Il est donc recommandé d’arrêter tout dispositif de ce type, qui contribue à faire circuler l’air ambiant. Par contre, l’aération massive et fréquente par l’air extérieur dans les locaux encore fréquentés par le public, les pharmacies, la poste, les petits magasins d’alimentation et les supermarchés, contribue par dilution à une réduction du nombre de particules infectieuses auxquelles le public est exposé.

      Les systèmes de chauffage aérotherme de nombreux bâtiments comprennent bien évidemment une admission d’air frais pour maintenir la qualité de l’air intérieur, mais ils n’ont été prévus que pour des polluants ordinaires et maintenir un taux d’humidité acceptable. Encore beaucoup plus grave, des systèmes aérothermes autonomes, essentiellement constitués d’un simple échangeur de chaleur muni d’un ventilateur sont largement utilisés pour le chauffage d’ateliers, garages, magasins alimentaires etc. Leurs utilisateurs (artisans, petits industriels, commerçants etc.) doivent prendre conscience du danger qu’ils présentent et de la nécessité d’une mise à l’arrêt immédiate.

      Tu le vois le gros #rebond pour dans une semaine ???

    • Bah... L’armée de réserve montera au front vague après vague. C’est pour une bonne cause. Un petit coup de clairon, un peu de pornhub en direct streaming et quelques jeux du cirque plus tard, et hop ! On n’en entendra même plus parler. Sinon, on pourra toujours compter sur quelques balances providentielles qui nous dévoileront mensuellement deux ou trois vidéos salaces ciblant quelque politi-tocard bien en cour sur les rézosocios. Et si la troupe regimbe, il y aura triple ration de gnôle. Ou des fusillés pour l’exemple.
      Georges Clémenceau ! Sors de ce corps !

  • Le dénigrement du masque en Europe suscite la consternation en Asie
    https://www.les-crises.fr/le-denigrement-du-masque-en-europe-suscite-la-consternation-en-asie

    Source : Brice Pedroletti, pour Le Monde, le 21/03/2020.

    Le port préventif du masque a contribué à juguler les contaminations dans les pays développés d’Extrême-Orient, où l’appel à ne pas en porter en France si l’on n’est pas malade est vu comme une grave erreur Le confinement généralisé de la population en France, après l’Italie et l’Espagne, rend perplexes les pays développés d’Asie. Ceux-ci voient tout à coup des sociétés aux économies sophistiquées n’avoir comme seule solution pour contrer l’explosion des contaminations que de recourir à une méthode primitive, au coût économique immense, que seule la Chine autoritaire, la première touchée par l’épidémie, a dû mettre en œuvre. En serions-nous arrivés là si nous n’avions pas regardé de haut les mesures prophylactiques mises en place par les tigres asiatiques ? (...)

    #Santé #Coronavirus #Masques #Santé,_Coronavirus,_Masques

  • #Masques : les preuves d’un mensonge d’État
    https://www.les-crises.fr/masques-les-preuves-dun-mensonge-detat

    Source : Yvan Philippin, Antton Rouget et Marine Turchi, pour Mediapart Pénurie cachée, consignes sanitaires fantaisistes, propositions d’importations négligées, stocks toujours insuffisants, entreprises privilégiées : basée sur de nombreux témoignages et documents confidentiels, une enquête de Mediapart révèle la gestion chaotique au sommet de l’État, entre janvier et aujourd’hui, sur la question cruciale des masques. Et les mensonges qui l’ont accompagnée. Les soignants, eux, sont contaminés par centaines. En déplacement, mardi 31 mars, dans une usine de fabrication de masques chirurgicaux, le président de la République Emmanuel Macron a cité beaucoup de chiffres sur les approvisionnements en cours, afin de rassurer les Français qui s’inquiètent de la pénurie de ce matériel médical essentiel pour la (...)

    #Politique #Coronavirus #France #Scandale_Sanitaire #Politique,_Coronavirus,_France,_Masques,_Scandale_Sanitaire

  • Coronavirus, confinement et résistances : suivi en continu – ACTA
    https://acta.zone/coronavirus-confinement-et-resistances-suivi-en-continu

    10h : Des associations de travailleuses du sexe réclament un fond d’urgence. En effet, cette activité professionnelle relève de l’économie informelle. Une travailleuse témoigne : « Je ne dispose pas du statut légal me permettant de prétendre aux aides proposées par l’État. C’est comme si je n’existais plus ». (Source : Huffingtonpost)

    9h30 : On apprend que les masques commandés en Chine ne seront livrés que d’ici la fin juin [c’était précisé dès le premier article faisant la promo du pseudo "pont aérien" dans le Monde, ndc]. Encore un bel exemple de la gestion gouvernementale de la crise sanitaire. (Source : Ouest France)

    9h : Le gouvernement espagnol travaille sur la mise en place d’un revenu universel face au Covid-19, en mettant l’accent sur « l’aide aux familles », tout en esquissant le projet de le faire perdurer après la crise. (Source : C News)

    8h30 : Un employé est décédé au Carrefour Bercy-2 de Charenton. Le Covid-19 et l’absence de protection sont mis en cause. La CGT Commerces lance un appel nationale à la grève, qui débutera mercredi 8 avril. (Source : Le Parisien)

    8h : Le réseau des anciens élèves d’HEC a réuni 7 millions de masques en 48h et plus de 100 millions en 2 semaines. Cela en dit long sur ce fameux réseau, qui réussit à rassembler des masques plus rapidement que le gouvernement. (Source : France TV Info)

    Lundi 6 avril

    19h : Un pot commun a été lancé par les brigades de #solidarité populaire d’Île-de-France, afin de financer l’auto-organisation de l’autodéfense sanitaire.

    18h : La direction de la poste a été attaquée en justice par SUD PTT pour ne pas avoir fourni le matériel minimum de protection à ses employés. Pour sa défense, l’avocat de la direction a fourni un document prouvant que le groupe dispose bien d’un stock de #masque (environ 24 millions), qui n’a jamais été distribué. La direction évite de se faire réquisitionner une partie du matériel par l’Etat, laissant ainsi les hospitaliers et ses employés les plus exposés en difficulté. Dirigeants, vous rendrez des comptes ! (Source : Sud PTT)

    17h : Jeudi dans l’Aude, à Carcassonne, une femme a pris 8 mois de #prison, dont 6 ferme, 2 ans d’interdiction de présence sur la commune de Bram, 120h de travaux d’interêt general et un suivi psychologique. Sa condamnation fait suite à de nombreuses infractions des règles de #confinement, un pv pour être entrée de force dans le véhicule d’une infirmière sans protection, ni respect des gestes barrières et pour avoir outragé un policier. (Source : 20 minutes)

    16h : Si aucune date n’est encore actée, l’accord de reprise du travail chez Renault au Mans prévoit la possibilité d’imposer le travail de 6 jours par semaine, et de modifier la durée et le positionnement des congés payés d’été en pouvant les réduire à 12 jours consécutifs. la CGT dénonce une volonté de rattraper le retard pris par l’arrête de l’activité : « après le confinement à domicile, c’est le confinement à l’#usine et dans les bureaux » (Source : Ouest France)

  • Masques de protection : la piste prometteuse du recyclage

    Aujourd’hui, les #masques_chirurgicaux et #FFP2 doivent être jetés après quelques heures d’utilisation… Des scientifiques, des médecins et des industriels se sont donc réunis pour explorer les pistes permettant de les réutiliser sans risque. Entretien avec le professeur #Philippe_Cinquin qui nous dresse l’inventaire des méthodes expérimentées par ce consortium.

    L’épidémie de Covid-19 met en lumière la tension sur les masques de protection. Dans ce contexte, vous avez mis sur pied une task force pour étudier la question de leur réemploi. De quoi s’agit-il ?
    Philippe Cinquin1 : Les masques dits chirurgicaux, qui visent à éviter la projection de sécrétions des voies aériennes par celui qui le porte, tout comme les masques FFP2 qui protègent le porteur contre les risques d’inhalation d’agents infectieux transmissibles par voie aérienne, sont jetés après seulement quelques heures d’utilisation.

    Dans la situation actuelle, pour permettre à chacun d’entre nous de porter un masque chirurgical dans ses interactions sociales afin de protéger notre entourage, ou bien dans l’hypothèse, qui heureusement n’est pas d’actualité, où ces masques viendraient à manquer en milieu hospitalier, nous nous sommes demandé s’il serait possible d’imaginer un protocole permettant de les recycler. Précisément d’en éliminer la charge virale après une première utilisation tout en garantissant le maintien de leur niveau de performance.

    Concrètement, que proposez-vous ?
    P. C. : Plusieurs pistes sont à l’étude. Dans le cadre d’un consortium interdisciplinaire mis en place par le CNRS et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui rassemble des médecins, des scientifiques et des industriels, nous explorons ainsi actuellement les avantages comparés d’un lavage avec un détergent à 60 ou 95 °C, d’un passage en autoclave à 121 °C pendant 50 minutes, d’une irradiation par des rayonnements gamma ou bêta, d’une exposition à l’oxyde d’éthylène et d’un chauffage à 70 °C en chaleur sèche ou dans l’eau.

    En plein confinement, la mise en place d’un tel programme n’a pas dû être simple !
    P. C. : En effet ! Pour autant, tout s’est mis en place extrêmement rapidement par prises de contact successives entre les différents membres du consortium. Tout a débuté le 4 mars lorsque ma collègue hygiéniste au CHU de Grenoble-Alpes Caroline Landelle m’a demandé s’il existait un moyen de diminuer la charge virale contenue dans un masque.

    Dans un premier temps, j’ai tout de suite pensé à l’irradiation par des rayons gamma, un procédé utilisant des photons de très haute énergie, que nous avions utilisé dans le cadre d’un projet sur les biopiles à glucose pour l’alimentation en énergie de dispositifs médicaux implantables. J’ai ainsi contacté mon collègue Laurent Cortella au CEA de Grenoble, spécialiste des rayonnements ionisants, qui avait mis au point le protocole de stérilisation de notre biopile : le projet était parti !

    Concrètement, au sein du CHU Grenoble-Alpes, le service d’hygiène, avec l’aide méthodologique du Centre d’investigation clinique – Innovation technologique, a commencé par mettre en place un protocole de collecte des masques usagés que nous avons ensuite compactés sous vide au sein du laboratoire P3 du service de virologie de l’hôpital. Le 19 mars, un premier « colis » était prêt et les essais d’irradiation ont débuté dès le lendemain. En parallèle, nous avons obtenu des informations sur la composition des masques, ce qui a permis aux collègues du CEA-Saclay et du Centre de recherches sur les macromolécules végétales du CNRS, de commencer à travailler sur les conséquences d’une irradiation de leur matériau constitutif, en l’occurrence du polypropylène.

    Grâce aux conseils de Sandrine Chazelet, de l’Institut national de recherche et de sécurité de Nancy, Laurence Le Coq, du laboratoire de Génie des procédés-Environnement-Agro-alimentaire2 a également mis en place un premier banc de test très proche des conditions de la norme s’appliquant aux masques chirurgicaux pour tester leur performance après traitement. Enfin, avec le service de bactériologie du CHU Grenoble-Alpes, nous avons mis en place un protocole de test de l’efficacité de nos protocoles de désinfection sur les bactéries présentes dans le masque.

    Dans le même temps, d’autres pistes pour le traitement des masques sont apparues ?
    P. C. : Dès les premiers essais d’irradiation, la question d’un éventuel passage à une échelle compatible avec les exigences de santé publique nous a fait prendre contact avec Ionisos, un industriel spécialiste de la stérilisation gamma, mais également bêta, c’est-à-dire avec des faisceaux d’électrons, et du traitement à l’oxyde d’éthylène. Nous leur avons envoyé des masques pour des tests de ces trois voies de décontamination reconnues pour leur action aussi bien virucide que bactéricide.

    De même, d’autres discussions nous ont mis sur la piste de l’autoclave, un procédé connu de stérilisation qui permet d’exposer les masques à 121 °C, et du chauffage sec ou humide à 70 °C, dont la littérature nous incitait à penser qu’il pourrait être suffisant pour détruire les virus. Il était enfin très important de tester l’impact du lavage sur les performances des masques qui, au-delà de l’action virucide des autres procédés, vise notamment à éliminer les résidus organiques pouvant former des couches protectrices autour des pathogènes et ainsi réduire l’efficacité des protocoles de décontamination.

    À ce stade, avez-vous déjà des premiers éléments de conclusion ?
    P. C. : Concernant les masques chirurgicaux, nous avons montré qu’ils conservent leurs performances après un lavage jusqu’à 95 °C. Nous avons également de très bons résultats avec l’autoclave et les rayons gamma. Précisément, nous observons une perte d’efficacité de filtration inférieure à 2 %, ce qui conduit les meilleurs masques usagés et traités testés à de meilleures performances que celles de masques neufs moins bons.

    Sur les masques FFP2, les premiers résultats obtenus par l’agence Apave de Grenoble montrent que le traitement à l’oxyde d’éthylène en conserve les performances. En revanche, il apparaît que les rayons gamma ne les conservent pas. Enfin, Olivier Terrier, du Centre international de recherche en infectiologie3, vient de réussir à démontrer que la chaleur sèche à 70 °C détruit très efficacement une charge virale calibrée déposée sur des masques chirurgicaux et FFP2.

    Quelle suite allez-vous donner à vos travaux ?
    P. C. : Dès les prochains jours, nous testerons la combinaison du lavage et d’autres méthodes de désinfection. Deux nouveaux bancs, au Laboratoire réactions et génie des procédés4 à Nancy et au CEA-Grenoble, permettront par ailleurs de tester le niveau de performance des masques chirurgicaux. Et nos collègues du Centre d’investigation Clinique – Innovation Technologique du CHU de Nancy explorent la possibilité de renforcer nos capacités de collecte des masques usagés. De plus, nous venons tout juste de rejoindre la task force internationale « ReUse » qui travaille exactement sur les mêmes sujets que nous et avec laquelle nous allons partager tous nos résultats.

    Par ailleurs, l’enjeu de la semaine qui s’ouvre sera de définir pour les deux types de masque la meilleure méthode de traitement. D’une part la plus efficace en tant que telle, mais aussi d’autre part, la plus adaptée pour une mise en œuvre à grande échelle, d’abord pour la population générale, mais aussi pour les professions exposées, voire en cas de pénurie extrême pour les professionnels de santé. De fait, si on peut imaginer un traitement par autoclave au sein des CHU, une irradiation ou une exposition à l’oxyde d’éthylène nécessitera un processus plus centralisé.

    Concrètement, il s’agit de définir, avec l’aide des spécialistes de l’hygiène et des maladies infectieuses, un circuit complet adapté aux besoins dans des conditions qui garantissent la sécurité de l’ensemble de la chaine, de la collecte au traitement et à la remise en service des masques. Sur ces problématiques, nous avons rejoint un groupe de travail interministériel tout juste créé et piloté par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Cela nous a en outre permis d’identifier la vapeur de peroxyde d’hydrogène et le plasma d’oxygène comme autres sources possibles de désinfection. Nous allons donc les tester avec la méthodologie et les outils que nous avons mis en place.

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/masques-de-protection-la-piste-prometteuse-du-recyclage

    #masques #recyclage

  • Le #remède sera-t-il finalement pire que le #coronavirus ?

    Je ne suis pas une grande admiratrice de Donald Trump. Et son tweet du 23 mars où il affirmait « Nous ne pouvons pas laisser le remède être pire que le problème lui-même », m’a consternée. On ne peut pas comparer la perte de vies humaines à celle de points de croissance. Quelques jours avant, le 19 mars, la présidente du Conseil d’Etat vaudois Nuria Gorrite disait de son côté, à l’antenne de la RTS, le #choix terrible auquel les autorités étaient confrontées : « Ou on envoie mourir les gens ou on les envoie au #chômage. »

    Marquantes, ces deux déclarations face à l’#épidémie de coronavirus m’interpellent. Je me suis documentée, j’ai cherché des voix éclairantes dans le maelström de chiffres ascendants, de courbes alarmantes, de stratégies étatiques établies à la hâte. J’en ai trouvées très peu, au début du moins. Mais, depuis cette semaine, l’état de sidération dans lequel beaucoup d’entre nous ont été plongés se dissipe, légèrement. Les cerveaux semblent à nouveau et partiellement capables d’appréhender autre chose que le danger imminent : le coronavirus, les #morts qu’il entraîne dans son sillage, l’impact sur la chaîne de #soins_hospitaliers. Des questions sur les #externalités_négatives des choix effectués à mi-mars émergent, timidement.

    Parce que oui, se focaliser sur le #danger_imminent est normal et naturel, mais cela peut conduire à la #catastrophe. En sommes-nous là ? Nous dirigeons-nous vers une catastrophe commune, nationale, incontrôlable et inquantifiable ? « Ruiner » le pays, et la population qui va avec, est-il le bon remède pour lutter contre #Covid-19 ? Quels sont les indicateurs sur lesquels s’appuie le Conseil fédéral pour décider de l’échec ou de la réussite de sa #stratégie de lutte contre le Covid-19 ?

    Poser ces questions, c’est passer pour une personne amorale. Pourtant, elles sont nécessaires, vitales même ! Pour une simple et bonne raison : il ne s’agit pas de choisir entre morts et chômeurs ou entre vies humaines et points de #croissance. Mais aussi d’évaluer l’impact de la #déscolarisation généralisée, de l’augmentation des #violences_conjugales, de l’accentuation des #précarités_sociales et de l’impact sur la #santé en général créé par la rupture de chaîne de soins pour les patients souffrant d’autres maladies comme le soulignait le président de la Société médicale de la Suisse romande, Philippe Eggimann, dans une tribune publiée sur Heidi.news le 31 mars.

    Le #choix_moral qui nous est imposé par la situation actuelle est le suivant : combien de décès dus à Covid-19 pensent pouvoir éviter nos autorités avec les mesures prises et combien de décès sont-elles prêtes à accepter à cause desdites mesures ? Le véritable et fondamental enjeu est là.

    Et loin de moi l’envie de préférer certains morts à d’autres, mais le choix fait par le Conseil fédéral nous confronte tous à cette équation-là. Le Centre for Evidence-Based Medicine résumait bien ce point de bascule le 30 mars : « Le #confinement va nous mettre tous en #faillite, nous et nos descendants, et il est peu probable à ce stade de ralentir ou d’arrêter la circulation du virus. La situation actuelle se résume à ceci : l’#effondrement_économique est-il un prix à payer pour arrêter ou retarder ce qui est déjà parmi nous ? »

    Sortir du tunnel aveuglant

    Pour être capable de restaurer cette pensée globale nécessaire, il est urgent de combattre l’#effet_tunnel généré par la #panique. Les neurosciences étudient ce phénomène sur des personnes soumises à un #stress intense : pilotes d’avion, militaires, pompiers, etc. Confrontés à des dangers immédiats, leur cerveau « tunnelise » leur attention. Cette #tunnelisation de l’attention peut être résumée ainsi : à trop se focaliser sur un danger imminent, on n’est plus capable d’appréhender des #risques_périphériques plus dangereux.

    Dans un article paru le 17 juin 2015, le magazine français Sciences et Avenir expliquait comment « la concentration dont font preuve les pilotes de ligne lors de situation de stress intense peut se retourner contre eux », parce qu’ils ne sont alors pas capables de tenir compte d’informations périphériques cruciales pouvant mener au crash de leur appareil. Le professeur Frédéric Dehais, de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE) à Toulouse, travaille depuis de nombreuses années sur ce sujet et développe des « prothèses cognitives » pour l’aviation.

    Le 31 mars, Daniel Schreiber, entrepreneur américain actif dans les fintechs et directeur de Lemonade, signait une tribune sur ce même sujet perturbant : « Les décès dus à des conséquences involontaires sont difficiles à compter, mais ils doivent quand même compter ». Son propos : « Il ne suffit pas d’examiner l’impact de nos politiques sur l’#aplatissement_de_la_courbe du coronavirus ; nous devons également essayer de prendre en compte les #conséquences_cachées et involontaires de nos politiques. The Lancet, par exemple, a calculé que la grande récession de 2008 a entraîné à elle seule 500’000 décès supplémentaires dus au cancer, avec ‘des patients exclus des traitements en raison du chômage et des réductions des #soins_de_santé’. Une autre étude publiée dans le BMJ a estimé que la récession a causé 5’000 décès par suicide rien qu’en 2009. »

    Où est l’outil de pilotage ?

    A ce stade, les autorités ne semblent pas encore capables de sortir de cet abrutissant effort contre l’ennemi invisible, le seul objectif qui compte, comme l’a confirmé Grégoire Gogniat, porte-parole de l’OFSP est : « La priorité absolue pour le Conseil fédéral est la #santé de la population ».

    Des fissures dans l’édifice monolithique se font néanmoins sentir, comme la création de la Task Force scientifique Covid-19, le 31 mars. Ce qui n’empêche pas l’OFSP de camper sur ses positions accentuant encore le phénomène de persévération : tout le monde doit rester à la maison, ne doivent porter des #masques que les malades, ne doivent être testés que les personnes à risque, etc. Alors même que le groupe de neuf experts présenté jeudi 2 avril à Berne étudie le port du masque pour tous et des #tests_massifs pour l’ensemble de la population.

    Face à ces #injonctions_contradictoires, l’observatrice que je suis se pose légitimement la question : mais où est l’outil de pilotage de la #crise ? Sur quelles bases, scientifiques ou empiriques, ont été prises ces décisions ? Les nombreux observateurs et acteurs contactés depuis une dizaine de jours arrivent à la conclusion qu’une bonne partie des décisions prises mi-mars l’ont été par un petit groupe restreint au sein de l’OFSP de manière empirique, sur la base de données scientifiques lacunaires.

    Comme pour confirmer ces craintes, l’économiste du comportement et neuroéconomiste zurichois Ernst Fehr, professeur de microéconomie et de recherche économique expérimentale, ainsi que vice-président du département d’économie de l’Université de Zurich, accusait les politiciens de prendre des décisions basées sur des données insuffisantes dans une vidéo en allemand publiée sur le site de la NZZ, le 25 mars : « La base la plus importante pour la prise de décision est le nombre de nouvelles infections chaque jour. Et c’est une base de décision très imparfaite ».

    Contacté, l’office fédéral s’explique : « Ces données seront publiées. L’OFSP cite généralement les références scientifiques sur lesquelles il fonde ses décisions dans ses publications. Et les données scientifiques utilisées sont accessibles dans les sources habituelles d’informations scientifiques (Pub Med, sites de l’OMS, du Centers for Disease Control, de l’ECDC). » Sans préciser quelles études, ni avec quels experts, internes et externes.

    Le rôle du #Parlement

    La tension existant entre réponses politiques et réponses scientifiques est palpable. Pour y voir plus clair et surtout obtenir des réponses, le Parlement a un rôle crucial à jouer. C’est l’organe de contrôle du Conseil fédéral. Mais il s’est « auto-suspendu », avant de convenir de la tenue d’une session extraordinaire début mai. Les membres des Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) se réunissent le 16 avril pour évoquer la crise actuelle.

    Contactés, plusieurs conseillers nationaux membres de la CSSS sont impatients de pouvoir discuter de tout cela. A l’instar de Pierre-Yves Maillard, conseiller national vaudois (PS) :

    « Le coronavirus est à l’évidence plus dangereux que la grippe, mais quels moyens se donne-t-on pour savoir à quel point et où on en est dans la diffusion de cette maladie ? Ne faudrait-il pas créer des groupes représentatifs de la population et estimer avec eux régulièrement, au moyen de #tests_sérologiques, le nombre de ceux qui ont été atteints, parfois sans le savoir ? Cela permettrait d’estimer un peu mieux les #taux_de_mortalité et de savoir à quel stade de l’épidémie nous sommes. Pour estimer mieux la gravité de cette crise, on pourrait aussi essayer de savoir où en est-on dans l’évolution globale de la #mortalité, toutes causes confondues. Ces données paraissent indispensables à un bon pilotage du Conseil fédéral. Il sera utile d’échanger avec l’OFSP sur ces questions. »

    Pour Philippe Nantermod, conseiller national valaisan (PLR), « ils s’appuient sur les mêmes indices que nous, soit ceux que les cantons leur envoient, mais on en saura davantage après le 16 avril ».

    Pour Céline Amaudruz, conseillère nationale genevoise (UDC), « le Conseil fédéral et ses services doivent jouer la transparence quant aux données dont ils disposent, ceci notamment afin d’étayer l’action qu’ils mènent. Par contre, je ne juge pas utile de distraire des forces pour fournir des données qui ne seraient pas essentielles pour lutter contre le virus. La priorité doit être la santé, le reste peut se traiter plus tard. »

    Et, enfin, pour Léonore Porchet, conseillère nationale vaudoise (Les Verts), « il est indispensable que les décisions du Conseil fédéral, en tout temps, soient prises sur la base de données et informations à disposition du Parlement. C’est pour cela que je regrette fortement que le Parlement n’ait pas pu suivre la gestion de crise et n’arrive qu’en aval de ces décisions. »

    Ma question centrale de savoir si le remède sera pire que le mal a perturbé plusieurs de mes interlocuteurs ces derniers jours. Peut-être est-ce trop « morbide », pas encore le bon moment ou simplement que la déflagration sociale va permettre aux politiciens de jouer leurs cartes partisanes pour obtenir les avancées qu’ils estiment nécessaires.

    De mon côté, je pense qu’il existe un risque (identifié par les autorités ?) de tester à large échelle parce que l’on pourrait trouver que le coronavirus est moins mortel que les données sur lesquelles les autorités se sont appuyées pour justifier le confinement.

    https://www.heidi.news/sante/le-remede-sera-t-il-finalement-pire-que-le-coronavirus
    #crise_économique #économie #éthique #démocratie #Suisse #politique #science

  • • Un tuto parmi d’autres pour faire un masque : ragmask
    https://ragmask.com

    – Le PDF pour le patron :
    https://ragmask.com/ragmask.pdf

    – Les explications :
    https://ragmask.com/pro

    – Le choix des matières pour la réalisation :
    https://smartairfilters.com/en/blog/best-materials-make-diy-face-mask-virus

    Et pour finir l’article de Mediapart du 2 avril 2020 par Yann Philippin, Antton Rouget et Marine Turchi :

    Masques : les preuves d’un mensonge d’Etat

    Pénurie cachée, consignes sanitaires fantaisistes, propositions d’importations négligées, stocks toujours insuffisants, entreprises privilégiées : basée sur de nombreux témoignages et documents confidentiels, une enquête de Mediapart révèle la gestion chaotique au sommet de l’État, entre janvier et aujourd’hui, sur la question cruciale des masques. Et les mensonges qui l’ont accompagnée. Les soignants, eux, sont contaminés par centaines.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/020420/masques-les-preuves-d-un-mensonge-d-etat

    #masque #covid19 #Mediapart #scandale #panique #incompétence

  • Positive Outlook—In Taiwan, Singapore And South Korea Life Is Continuing With Relative Normality
    https://www.forbes.com/sites/jamesasquith/2020/04/01/positive-outlook-in-taiwan-singapore-and-south-korea-life-is-continuing-with-relative-normality/#193833f07335

    Life is certainly not as it was before, however, South Korea and Singapore have stopped short of full lockdowns.

    The early adoption of face masks, social distancing and rationing of important supplies including hand sanitizer has meant that many restaurants have remained open in Singapore and #Taiwan. However, venues that are subject to mass gatherings such as concert halls and nightclubs have been strictly encouraged to close.

    #Singapour #Corée_du_Sud #masques #planification #pandémie
    Petit article sur comment ces trois États ont géré la crise et pourquoi ça leur permet aujourd’hui d’avoir des mesures de #confinement réduites au minimum. (Je bave devant les nouvelles de ma pote de Singapour qui est encore sortie boire un pot hier et qui ce matin a reçu par sms gouvernemental les nouvelles d’un 4e mort seulement, alors que le pays a plein de connexions avec la Chine et que les paniques d’achat de PQ là-bas ont eu lieu fin janvier.)

  • « Mentir systématiquement.
    Prendre les citoyens pour des idiots.
    Confisquer le pouvoir pour une clique.
    Organiser son irresponsabilité entre amis.

    Ce gouvernement est disqualifié ! »

    Masques : les preuves d’un mensonge d’Etat.
    https://www.mediapart.fr/journal/france/020420/masques-les-preuves-d-un-mensonge-d-etat

    Pénurie cachée, consignes sanitaires fantaisistes, propositions d’importations négligées, stocks toujours insuffisants, entreprises privilégiées : basée sur de nombreux témoignages et documents confidentiels, une enquête de Mediapart révèle la gestion chaotique au sommet de l’État, entre janvier et aujourd’hui, sur la question cruciale des masques. Et les mensonges qui l’ont accompagnée. Les soignants, eux, sont contaminés par centaines.

    Les cinq principales révélations de cette enquête explosive.
    https://twitter.com/fabricearfi/status/1245508058748522496

    Article en entier : [ merci à lui ]
    https://seenthis.net/messages/837554

  • Masques : les preuves d’un mensonge d’Etat | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/020420/masques-les-preuves-d-un-mensonge-d-etat

    Fin janvier et début février, le ministère de la santé, conscient de la faiblesse des stocks d’État, n’a décidé de commander qu’une très faible quantité de masques, malgré des alertes internes. Le matériel a de surcroît mis plusieurs semaines à arriver.

    Après ce premier fiasco, l’État a créé, début mars, une cellule interministérielle dédiée à l’achat de masques. Mais là encore, le bilan s’est avéré catastrophique : lors des trois premières semaines de mars, la cellule n’a pu obtenir que 40 millions de masques, soit l’équivalent d’une semaine de consommation au rythme contraint actuel. La cellule a notamment raté plusieurs possibilités de livraisons rapides.

    Le gouvernement a caché cette pénurie pendant près de deux mois et, en fonction des stocks, a adapté ses consignes sanitaires sur le port du masque. Fin février, le directeur général de la santé préconisait un masque pour toute personne en contact avec un porteur du Covid. Un mois plus tard, la porte-parole de l’exécutif déclarait que c’était inutile…

    Des entreprises dans des secteurs « non essentiels » de l’économie ont continué à consommer des masques, pour des raisons économiques. Exemple : l’avionneur Airbus, qui semble avoir bénéficié d’un traitement de faveur. Dans le même temps, des personnels soignants continuent à travailler sans ces masques protecteurs, faute de stocks suffisants.

    Le gouvernement tente désormais de renflouer les stocks, avec une stratégie à 180° : il faut préparer la sortie de confinement, « où on sait qu’il faudra massivement équiper » la population, ainsi que l’a admis la secrétaire d’État à l’économie, Agnès Pannier-Runacher, dans une réunion dont Mediapart a obtenu l’enregistrement.

    L’article fait 5 pages. Je ne mets pas tout. Je passe l’intro au dessus de la partie citée ci-dessus, et je colle la suite par bouts dans des réponses

    ACTE I (fin janvier 2020). Mensonge sur une pénurie

    « La grande erreur aux États-Unis et en Europe est, à mon avis, que la population ne porte pas de masque. » Dans le très sérieux magazine américain Science, un haut scientifique chinois a rappelé, le 27 mars, une évidence face au coronavirus, qui « se transmet par les gouttelettes respiratoires » : « Il faut porter un masque. »

    « Le simple fait de parler peut transmettre le virus, a souligné George Gao, directeur général du Centre chinois de contrôle et de préventions des maladies, qui fut en première ligne dans la lutte contre le Covid-19. De nombreux individus atteints sont asymptomatiques, ou ne présentent pas encore de symptômes : avec un masque, on peut empêcher les gouttelettes porteuses du virus de s’échapper et d’infecter les autres. »

    Le problème : mi-janvier, au début de l’épidémie en Chine, les stocks de masques sont quasi inexistants en France.

    Selon nos informations, on dénombre alors moins de 80 millions de masques dits « chirurgicaux » – plus 80 millions supplémentaires commandés avant l’épidémie, mais pas encore livrés – et zéro en stock de masques dits « FFP2 ». Les premiers sont des masques anti-projection de base, destinés à la population, avec une durée de vie limitée à quatre heures. Ils ne protègent pas ceux qui les portent, mais empêchent ces derniers de contaminer d’autres personnes par leurs postillons.

    Les seconds – ainsi que leur version haut de gamme, les FFP3 – sont, eux, des masques de protection respiratoires à destination du personnel soignant. Seuls les FFP2 et FFP3 protègent leurs porteurs. En cas de pandémie, il faut pouvoir en distribuer, au minimum, à tous les personnels de santé les plus exposés : soignants hospitaliers, médecins de ville, pompiers, ambulanciers… Et pourtant, la France n’en a aucun en stock.

    Ce choix n’est pas celui du gouvernement actuel mais de son prédécesseur. En 2013, la ministre de la santé, Marisol Touraine, avait en effet décidé de supprimer les stocks stratégiques de l’État et de transférer cette compétence aux employeurs, qu’ils soient privés ou publics, désormais chargés « de constituer des stocks de masques pour protéger [leur] personnel ».

    Au lieu de jouer la transparence sur cette pénurie – qui n’est pas de son fait –, et d’expliquer que le peu de stock disponible sera réservé en priorité aux soignants, le gouvernement d’Édouard Philippe choisit de ne pas informer les Français. Et d’utiliser de faux arguments sanitaires pour masquer des stocks insuffisants. Il expliquera ainsi tour à tour que les masques sont inutiles pour la population générale, puis qu’ils ne sont pas efficaces car les Français ne savent pas les porter, pour désormais, sur le tard, tenter d’équiper « massivement » la population afin de sortir du confinement.

    #corinavirus #scandale_d_état #masques #matériel_médical

    • ACTE II (fin janvier – début février). Une réaction lente et insuffisante

      Nous sommes en janvier. Dans l’entourage du professeur Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, on s’inquiète déjà, selon les informations recoupées de Mediapart : les responsables politiques n’osent pas avouer à la population que les masques risquaient de manquer, et préfèrent dire dans un premier temps que les masques sont inutiles, jusqu’à ce que les commandes arrivent.

      Le 24 janvier, quelques heures avant la confirmation de trois cas européens (et français) de coronavirus, la ministre de la santé Agnès Buzyn se veut rassurante à la sortie du Conseil des ministres : « Les risques de propagation du virus dans la population [française – ndlr] sont très faibles.

      Le 13 février, trois jours avant sa démission pour mener la campagne des municipales à Paris, Agnès Buzyn annonce lors d’un point presse sur le Covid-19 un grand « marché public européen » pour un approvisionnement massif de masques, plutôt que chaque pays s’équipe séparément. Un mois et demi plus tard, plus personne n’en parle.

      La Commission européenne commence simplement à examiner les offres, pour une mise à disposition des équipements prévue deux semaines après la signature du contrat… « Nous faisons de notre mieux pour accélérer considérablement le processus administratif de la passation conjointe de marchés », a répondu, le 30 mars, le service de presse de la Commission, sans nous donner la moindre indication de date, volume ou répartition par pays de la commande.

      « Peut-être qu’il y a eu des erreurs, concède à Mediapart un membre de la cellule de crise. Sans doute l’État n’a pas été assez réactif, et trop sage dans les demandes. Les procédures de marchés publics sont très bien par temps calme, mais totalement inadaptées par tempête où il faut prendre des décisions rapides, alors que la mise en concurrence est de trois mois… ».

      Pour lui, le problème initial vient surtout « du choix de ne pas avoir de stocks stratégiques de masques ».

      Mi-janvier, « en l’état des connaissances scientifiques, et avec les contraintes budgétaires imposées, la prise de décision était compliquée », plaide-t-il, et « la personne qui aurait alors, dans l’état actuel des finances de la France, dit “on va dépenser des centaines de millions d’euros pour une crise hypothétique”, on lui aurait ri au nez. Dès le départ, on savait que ce serait une gestion de crise liée à la pénurie – de masques, de tests, de respirateurs, de lits de réanimation. À partir de là, vous pouvez anticiper, faire un tas de choses bien – et on en a fait – vous avez perdu la guerre d’entrée. »

      Le gouvernement a aussi clairement sous-estimé la rapidité et la virulence de l’épidémie. « On était conscient dès le départ qu’une vague allait nous arriver, poursuit la même source, mais on ne pensait pas qu’elle serait de cette force-là, que le virus serait aussi violent, avec des patients qui peuvent se dégrader d’un seul coup et qu’il faut intuber d’urgence. »

      Mi-février, le ministère sonne l’alerte auprès de Santé publique France, notamment à l’occasion d’une réunion technique destinée à la mise en place du schéma directeur de stockage et de distribution. Il faut passer à la vitesse supérieure, arrêter de passer par ses traditionnels marchés publics longs, prospecter partout, « en mode guerrier », leur dit-on.

      L’agence ne semble pas prendre pleinement conscience de l’urgence de la situation. Sa léthargie est, plus largement, due à son fonctionnement : elle est née en 2016 de la fusion de trois instituts sanitaires et « armée comme un plan quinquennal au temps de l’Union soviétique », estiment certaines sources.

      Censée être plus réactive et moins soumise aux contraintes administratives que le ministère, la machine SPF souffre en fait de la même lourdeur alors qu’elle doit mener des opérations urgentes. D’autant que, depuis la fusion, son volet « intervention », géré par l’ancien Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), a été négligé. Questionnée par Mediapart, la direction de SPF n’a pas souhaité répondre, nous renvoyant vers le ministère de la santé.

      Dans la foulée de cette alerte, mi-février, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), un organisme dépendant de Matignon chargé d’organiser la réponse de l’État aux crises les plus graves, qu’elles soient terroristes ou sanitaires, se réunit avec différents ministères. Il demande de s’appuyer sur les quatre industriels français producteurs de FFP2. Puis le cabinet du ministre de la santé convoque ces quatre industriels, et regroupe toutes les commandes d’État via un acheteur unique, SPF. L’objectif : peser davantage dans les négociations avec les fournisseurs.

      En cette fin février, l’épidémie atteint l’Italie de manière inquiétante et l’exécutif commence à s’affoler. Le 25 février, une réunion interministérielle de crise est organisée autour du premier ministre Édouard Philippe. Selon la réponse du ministère de la santé à Mediapart, un « besoin » supplémentaire de 175 millions de masques FFP2 est identifié « sur la base d’une épidémie de 3 mois ». Toujours selon le ministère, Olivier Véran mandate le même jour Santé publique France afin que ces masques soient commandés.

      Publiquement, le ministère de la santé se veut rassurant lors de ses points presse. « Pour ces masques à haut niveau de technicité [les FFP2 – ndlr] », « la commande publique a été passée », afin de « constituer un stock de plusieurs dizaines de millions », déclare Olivier Véran le 26 février, promettant, le lendemain, ne pas être « en réaction » mais « depuis des semaines dans l’anticipation ».

      « Nous avons et nous garderons un temps d’avance », jure-t-il.

      « Il n’y a pas de sujet de pénurie », insiste de son côté Jérôme Salomon, le DGS.

      Deux jours plus tard, tandis que l’agence européenne de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) requalifie à la hausse le risque d’importation en Union européenne, la ministre dissuade, sur RTL, de porter le masque chirurgical, qui n’est utile, dit-elle, que « quand on est malade ». Elle relativise : « Quand vous croisez quelqu’un dans la rue, le risque d’attraper le virus est faible. » Elle affirme aussi que « des dizaines de millions de masques [sont] en stock, en cas d’urgence », que « tout cela est parfaitement géré par les autorités ». « Et si un jour il fallait porter un masque, nous distribuerions le masque, il n’y a absolument aucune raison d’aller en acheter », ajoute-t-elle.

      Les Français font tout l’inverse. Dès la mi-janvier, « beaucoup de gens se sont rués dans les pharmacies pour acheter des masques, dans les magasins de bricolage, en ligne, partout. Ça a beaucoup vidé les stocks », a indiqué, lors d’une réunion interne confidentielle, le directeur commercial pour la zone Ouest Méditerranée du fabricant américain 3M, l’un des leaders mondiaux des masques. D’autant plus que « beaucoup de masques qui étaient stockés en France sont partis en Chine ou ailleurs ». La pénurie dans le circuit commercial a été si violente que 3M « a arrêté dès la fin janvier de fournir les pharmacies » françaises et « priorisé vers les hôpitaux », poursuit le directeur commercial.

      Les propos d’Agnès Buzyn sont aussi en décalage complet avec la réalité vécue au même moment par la cellule de crise du ministère de la santé, qui planche sur un plan d’action pour les différents stades de l’épidémie. Composée de 25 personnes, issues du CORRUSS (le centre de veille du ministère) et de la sous-direction « veille et sécurité sanitaire », cette cellule s’alarme des maigres stocks de masques. « On a commencé à s’inquiéter et on s’est mis en ordre de bataille pour acheter massivement fin janvier », confie à Mediapart, sous le couvert de l’anonymat en raison de sa fonction, un membre de la cellule de crise.

      Le 24 janvier, la Direction de générale de la santé (DGS) saisit l’agence Santé publique France (SPF), sous la tutelle du ministère, pour faire un inventaire des stocks de matériel médical. Le 30 janvier, elle lui demande d’acquérir « dès que possible » 1,1 million de masques FFP2 seulement, selon un document obtenu par Mediapart :

      S’agissant des masques chirurgicaux, la DGS ne préconise pas de nouvel approvisionnement autre que la commande de 80 millions de masques, déjà passée avant l’arrivée de l’épidémie et destinée à atteindre un stock national d’environ 160 millions. Cela semble alors suffisant aux yeux des autorités sanitaires.

      Le 7 février, nouvelle demande de la DGS à SPF. Il s’agit cette fois d’acquérir 28,4 millions de FFP2, à travers « une procédure accélérée d’achat », en contactant seulement les trois gros producteurs français. Du côté des masques chirurgicaux, aucune commande supplémentaire n’est passée. Pire : la DGS ordonne de sortir des stocks 810 000 chirurgicaux ayant une date de péremption courte (31 mars, 31 août 2020), à destination de la Chine…

      Deux semaines après la première saisine, les résultats sont catastrophiques. Au 12 février, sur les 28,4 millions de FFP2 demandés, SPF n’en a reçu que 500 000 et en a commandé 250 000 autres, pas encore livrés. Et sur les 160 millions de chirurgicaux espérés, 30 millions manquent encore, commandés mais toujours pas livrés.

      L’inquiétude monte inévitablement au sein du ministère de la santé, qui s’alarme des difficultés d’approvisionnement, et de la lenteur de Santé publique France. Lors d’une réunion interne sur le sujet, le 11 février, il est acté qu’atteindre l’objectif de 28,4 millions de masques FFP2 est compromis. Ce qui n’empêche pas le nouveau ministre de la santé, Olivier Véran, de claironner, à plusieurs reprises, le 18 février, au micro de France Inter, que la « France est prête » face au « risque pandémique ».

      Comment expliquer ce fiasco ? Le ministère fait valoir qu’il s’est heurté à un marché très concurrentiel – offre limitée, demande accrue à travers le monde, prix en hausse –, notamment face aux Asiatiques, qui possèdent déjà leurs canaux d’approvisionnement habituels.

      Mais le gouvernement a objectivement commis plusieurs erreurs : des commandes en très faibles volumes, trop tardives, dispersées – chaque ministère commande de son côté, pesant moins dans les négociations – et, enfin, l’usage de procédures de marchés publics inadaptées à l’urgence. Y compris au niveau européen.

    • ACTE III (fin février – début mars). Les failles de la cellule commando

      Mais en coulisses, le gouvernement décide de changer de braquet. Santé publique France apparaît clairement sous-dimensionnée pour piloter les commandes, collectes et distributions de masques. Une stratégie agressive est mise en place. L’exécutif crée une cellule de crise interministérielle Covid-19, la CCIL (pour « cellule de coordination interministérielle de logistique »), qui est officiellement « activée » le 4 mars. Avec, en son sein, un service dédié aux achats de masques, chargé de faire remonter les stocks par tous les moyens possibles.

      Cette « sous-cellule masques » rassemble notamment des agents du ministère de la santé et du SGDSN. Sa direction est confiée à Martial Mettendorff, l’ex-directeur général adjoint de Santé publique France, celui-là même qui avait reçu la demande d’accélérer du ministère à la mi-février… Il sera remplacé à la tête de cette « cellule masques » moins d’un mois plus tard, par un commissaire général des armées.

      Le bilan de ce commando inter-ministériel est très maigre. Entre sa création et le 21 mars, soit un peu plus de trois semaines, la cellule n’a pu obtenir que 40 millions de masques tout compris (production française, réquisitions, dons et importations), selon le ministre de la santé. Soit seulement une semaine de consommation du stock stratégique au rythme actuel.

      Sur le papier, l’exécutif a pourtant frappé fort. Le 3 mars, l’État a décidé, par décret du premier ministre, de réquisitionner à la fois tous les stocks de masques sur le territoire, et ceux qui sortent des usines.

      Côté production, ce décret a réglé d’un seul coup les laborieuses négociations engagées en février avec les quatre fabricants dotés d’une usine en France. Ils sont désormais obligés de livrer exclusivement l’État et parviennent à doubler leur production, qui a atteint aujourd’hui 6 millions de masques par semaine. Soit une vingtaine de millions livrés au 21 mars.

      La réquisition des stocks détenus par l’ensemble des institutions et des entreprises françaises a pour sa part connu des ratés. Le 25 mars, la fédération CGT des services publics alerte le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner : des « dizaines de milliers de masques attendent toujours que l’on vienne les chercher ». Pour faire face à la pénurie en Haute-Savoie, le coordinateur CGT des pompiers, Sébastien Delavoux, a en effet appelé des syndicalistes dans plusieurs entreprises publiques de l’énergie. « On a trouvé des dizaines de milliers de masques en passant quelques coups de fil. Dans plusieurs endroits, les masques ont été rassemblés mais personne n’est venu les prendre », raconte-t-il.

      Le décret de réquisition a aussi eu des effets pervers. « On a navigué à vue », estime le membre de la cellule de crise déjà cité, pour qui « le remède a sans doute été pire que le mal ». Selon lui, « la réquisition n’a pas été préparée. Après le tweet d’Emmanuel Macron l’annonçant, il a fallu rapidement faire le décret ».

      Un élément clé en particulier n’a pas été « anticipé » : le fait que la réquisition allait « assécher les circuits traditionnels d’approvisionnement pendant deux semaines, parce que les professionnels qui livraient notamment aux établissements de santé et aux pharmacies ont arrêté, ne sachant pas ce qu’ils avaient le droit de faire ou s’ils allaient être payés ». « On s’est retrouvé en difficulté, et cela a clairement retardé l’approvisionnement en masques, raconte-t-il. Les Allemands, eux, ont par exemple interdit les exportations, au lieu de réquisitionner. »

      Le 20 mars, soit trois semaines après la réquisition, le gouvernement fait volte-face et autorise de nouveau les entités publiques et privées à importer librement des masques.

      Mais le résultat le plus décevant vient des achats à l’étranger. Selon une estimation de Mediapart, que le ministère de la santé nous a confirmé, la « cellule masques » a réussi à importer moins de 20 millions d’unités entre début mars et le 21 mars. Le ministre de la santé a indiqué publiquement que ces « difficultés » viennent de la « course mondiale aux masques » provoquée par la pandémie, qui fait qu’« aucun pays au monde ne fait face à sa demande ».

      Des erreurs ont cependant été commises. Selon nos informations, des propositions sérieuses ont, de fait, été ignorées. Comme celle de Julien, un expert en sourcing industriel en Chine, qui a souhaité rester anonyme (voir notre « Boîte noire »). Il a vécu dix ans sur place, connu plusieurs pandémies virales, et suit la crise de près par le truchement de ses amis confinés à Wuhan.

      Choqué par la politique française qui déconseille le port du masque, il s’est adressé le 13 mars au directeur général de la santé, Jérôme Salomon. « Porter un masque n’est pas un acte folklorique. C’est ce qui a permis et permet de contrôler la propagation du virus en Asie, lui écrit Julien via la plateforme LinkedIn. Le port du masque est obligatoire dans beaucoup de pays asiatiques. […] Les résultats sont probants. […] En Europe, surtout en France, le discours vis-à-vis du port du masque est irrationnel. Les mentalités aussi. Changeons-les. »

      « Il faut en priorité équiper les soignants, les stocks sont limités », lui répond le jour même le directeur général de la santé, confirmant en creux que la politique sanitaire française est en réalité dictée par la pénurie. Julien lui indique que la Chine a dopé ses cadences de production, qui atteignent 110 millions de masques par jour. « Pas si simple, je vous garantis que nous cherchons tous azimuts », lui répond Jérôme Salomon.

      Julien propose alors du tac au tac d’aider l’État en mobilisant son réseau en Chine. Jérôme Salomon l’aiguille vers Antoine Tesnière, le conseiller Covid du ministre de la santé. Deux jours plus tard, le 15 mars, il envoie une proposition détaillée et indique avoir trouvé des usines capables de fournir 6 à 10 millions de masques chirurgicaux par semaine dont 1 million de masques FFP2, une denrée rare. Son courriel est transmis au chef de la « cellule masques », Martial Mettendorff, et à la patronne du SGDN, Claire Landais.

      Le 16 mars, Julien s’entretient au téléphone avec l’adjointe d’Antoine Tesnière. Selon lui, elle lui répond que la cellule n’a pas besoin d’aide car elle a son propre réseau en Chine. Dans des échanges de SMS que Mediapart a pu consulter, les fournisseurs chinois de Julien écrivent qu’ils n’ont pas été contactés par l’État français.

      « J’ai été choqué, car je leur ai trouvé en trois jours des usines fiables, qui avaient des capacités, des certificats et des autorisations d’exporter, mais ils s’en fichaient, indique Julien. Le 16 mars, l’un des fournisseurs que j’avais contacté m’a dit avoir livré 70 millions de masques pour le Kazakhstan, en m’envoyant une vidéo de l’opération. »

      Le ministère de la santé nous a répondu que l’offre de Julien a été rejetée car elle manquait de « fiabilité ».

      Un membre de la cellule de crise reconnaît que l’examen des offres des importateurs a été mal géré, par manque de moyens humains et à cause de problèmes d’organisation qui ont ralenti le fonctionnement de la cellule pendant les deux premières semaines. « Ce flux de mails, on n’a pas été capables de le gérer, on a manqué d’organisation. Des gens n’ont pas eu de réponse, alors que c’était des offres sérieuses. »

      L’offre d’un de ces importateurs, Jérôme* qui a fourni à Mediapart l’intégralité de ses correspondances avec la cellule, a en effet été jugée sérieuse. L’État lui a en effet demandé de faire une proposition détaillée pour une première commande d’un million de masques produits en Chine, selon des courriels obtenus par Mediapart. Mais Jérôme a attendu une semaine avant de recevoir une réponse, finalement négative pour cause de prix jugés trop élevés…

      Certes, Jérôme a fait son offre au moment des méga-commandes annoncées par l’État, le 21 mars (voir plus bas). Mais ce délai d’examen interpelle au vu de l’urgence sanitaire et de la concurrence féroce sur l’approvisionnement. « La demande est telle qu’à chaque jour qui passait, la capacité disponible de mes fournisseurs baissait. L’un d’entre eux a pris une commande de 10 millions de pièces pour un autre pays », indique-t-il à Mediapart.

      À sa décharge, la cellule devait à la fois aller vite et vérifier le sérieux des offres pour éviter les escrocs. « La difficulté, c’est qu’il y avait aussi un flot de propositions étrangères de sociétés qui n’existaient pas, des masques FFP2 proposés à des prix délirants par rapport aux prix habituels, etc. », raconte une source interne. « Les propositions frauduleuses ont pullulé », a confirmé le ministère de la santé à Mediapart.

      Le cabinet d’Olivier Véran nous a répondu que la cellule interministérielle, composée de « professionnels » aguerris, « a reçu de nombreuses offres d’achat ou de don qui ont été examinées par ordre de priorité », et a « suivi l’ensemble des précautions nécessaires pour pouvoir s’approvisionner avec du matériel à la qualité reconnue, issu de sources fiables ». Le ministère ne souhaite pas commenter « l’ensemble des propositions d’offres » que nous lui avons soumises, car il n’y aurait pas de « preuve » que les entrepreneurs nous ayant dit être sérieux le soient vraiment.

      Il semble également y avoir eu des problèmes de communication entre les services de l’État en régions et la cellule nationale. L’histoire la plus emblématique est celle l’entreprise Prolaser, révélée par le quotidien Ouest-France. Lors de la semaine du 16 mars, cette PME, spécialiste des cartouches d’encre recyclées, identifie des fournisseurs chinois capables de livrer rapidement 500 000 masques par jour, grâce à son réseau sur place. L’entreprise s’adresse aux services locaux de l’État, sans succès. Le ministère de la Santé nous a indiqué ne pas avoir eu connaissance de cette proposition.

      Résultat : juste après la parution du décret du 20 mars autorisant de nouveau les institutions et les entreprises à s’approvisionner, les conseils départementaux de Vendée et du Maine-et-Loire en profitent pour passer des commandes pour 1,2 million de masques, pour leur compte et celui des communautés de communes de leur territoire. Ils seront notamment livrés aux Ehpad et aux personnels qui aident les personnes âgées à domicile.

      Prolaser a indiqué à Mediapart avoir sécurisé 500 000 livraisons par jour, avec un premier avion qui a atterri ce lundi 30 mars. Le conseil départemental de Vendée confirme avoir reçu le même jour un premier lot de 30 000 masques, qui permettra de pallier la pénurie en attendant « les livraisons de l’État ».

      Il existe enfin des stocks de masques qui n’ont pas le certificat européen CE, mais respectent des normes étrangères dont les caractéristiques sont très proches. Le 16 mars, Henri(1), patron d’une société d’importation d’objets publicitaires, repère un stock chinois de 500 000 masques chirurgicaux chinois à la norme non-européenne EFB95, destinée à l’origine au marché brésilien. Il a l’idée de les importer en France pour les proposer « à prix coûtant ». « Ces masques étaient conformes et de bonne qualité. Ma réflexion était qu’il vallait mieux avoir des masques, même sans marquage CE, que pas de masque du tout », raconte-t-il.

      Henri contacte les douanes pour leur demander si une importation est possible. « Il leur fallait juste l’accord des services de santé, ce qui est compréhensible. Mais malgré plusieurs relances, nous n’avons pas eu de retour de leur part. Nous avons dû libérer le stock, qui est parti dans d’autres pays. »

      Vu la pénurie, l’Espagne a décidé le 20 mars d’autoriser temporairement l’importation de ces masques aux normes étrangères. La France a choisi pour sa part de réquisitionner à partir du 13 mars les masques dépourvus de marquage CE stockés sur son territoire, mais a attendu le 27 mars pour autoriser les importations.

      Le gouvernement semble donc avoir raté, au mois de mars, plusieurs opportunités de livraisons, dans un contexte de pénurie où les acheteurs publics comme privés se livrent une concurrence féroce auprès des fabricants chinois. « C’est la guerre entre les pays pour être servi, relate un acheteur d’un groupe français. Les ambassadeurs en Chine en sont quasiment à dormir sur les palettes pour sécuriser les lots. Et à ce jeu-là, la France s’est réveillée tard. »

      Ce n’est pas Renaud Muselier qui dira le contraire. Ce mardi 31 mars, le président de la Région Sud (ex-Provence-Alpes-Côte d’Azur) a annoncé, sur la chaîne russe RT, qu’une partie d’une commande française de 4 millions de masques en provenance Chine a été tout simplement détournée vers les États-Unis à la dernière minute. « Sur le tarmac [de l’aéroport], en Chine, une commande française a été achetée par les Américains cash, et l’avion qui devait venir en France est parti directement aux États-Unis », a dénoncé le président de Région.

      Plusieurs entrepreneurs en contact avec l’État ont indiqué à Mediapart avoir prévenu la « cellule masques » que le retard pris dans les commandes se paierait cher. Car dès la mi-mars, le marché chinois est devenu une « jungle », le « far west », selon ces sources.

      Les industriels chinois se sont rués sur le marché du masque, devenu le nouvel « or blanc », ouvrant des usines à tour de bras. Avec pour conséquence une baisse de la qualité et une difficulté croissante pour trouver des stocks fiables. Les Pays-Bas ont ainsi découvert qu’un lot de 1,3 million de masques chinois livrés le 21 mars était défectueux.

      En France, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a expliqué, dans une note confidentielle, avoir reçu, le 26 mars, 700 000 masques « sans marquage CE ». Ces masques « sont conformes », insistent la Région Île-de-France, à l’origine de la commande, et l’ARS, qui l’a contrôlée.

      Le ministère nous a indiqué avoir passé, dès le 11 mars, une commande 175 millions de masques, sans préciser si elle incluait les volumes achetés aux producteurs français.

      Quel que soit le volume commandé à l’import, il a tardé à arriver : entre la fin février et le 21 mars, la cellule interministérielle n’a réussi à se faire livrer que moins de 20 millions de masques achetés à l’étranger.

      Le ministère nous indique que sa « performance » doit être évaluée en tenant compte du « contexte inédit » auquel tous les pays acheteurs ont été confrontés, c’est-à-dire la difficulté à se fournir dans un contexte d’offre mondiale insuffisante et de concurrence exacerbée.

    • ACTE IV (mars). La cellule de Bercy et le scandale Airbus

      C’est le credo du gouvernement depuis le début de la crise : « La distribution des masques privilégie toujours les soignants et les personnes les plus fragiles », répétait, samedi 28 mars, le ministre Olivier Véran. C’est exact, mais « privilégier » ne signifie pas « réserver ». S’il a été fortement réduit, le gouvernement n’a jamais coupé l’approvisionnement des entreprises, au nom de sa politique consistant à préserver autant que possible l’activité économique (lire nos enquêtes ici, là, là et là).

      Lorsque le gouvernement a réquisitionné, le 3 mars, par décret, tous les masques présents sur le territoire, il n’a pas ordonné la saisie de l’intégralité des stocks des entreprises. Selon Marianne, le ministère de la santé avait souhaité récupérer, une semaine plus tard, les masques de l’industrie agroalimentaire, qui en consomme plus de 1,5 million par semaine. Avant d’y renoncer sous la pression des industriels et du ministre de l’agriculture.

      Après une période de flottement, le gouvernement a précisé les règles : les entreprises qui avaient l’obligation légale de fournir des masques à leurs salariés avant la crise, pour des raisons de sécurité au travail, peuvent continuer à le faire, a indiqué le 30 mars la secrétaire d’État à l’économie, Agnès Pannier-Runacher, lors d’un point presse téléphonique.

      Le 20 mars, en libéralisant les importations – seules les commandes supérieures à 5 millions de masques doivent être déclarées et sont susceptibles d’être réquisitionnées –, les autorités ont aussi permis aux entreprises françaises de se fournir en masques, alimentant ainsi la concurrence sur un marché déjà sous forte tension.

      Plus surprenant encore : Bercy a créé, au sein de sa Direction générale des entreprises (DGE), une cellule chargée d’aider les entreprises à importer des masques. Distincte de la cellule interministérielle chargée d’approvisionner l’État pour le personnel soignant, elle coordonne un réseau de 150 acheteurs privés disséminés dans les grands groupes français. La secrétaire d’État a précisé que la « cellule entreprises » se fournit auprès de fabricants chinois « de plus petite taille », les « volumes les plus importants » étant « fléchés » en priorité vers la cellule qui fournit l’État.

      Dès lors que l’État a « verrouillé » ses approvisionnements en passant des commandes géantes annoncées le 21 mars (lire ci-dessous), Agnès Pannier-Runacher trouve « normal » que Bercy s’emploie à « aider les entreprises, puisqu’elles permettent de donner une résilience supplémentaire à la France ».

      Interrogée lundi 30 mars par Mediapart lors de son point presse, elle s’est montrée plus embarrassée sur le nombre de masques consommés par les entreprises. « Moins de quelques millions par semaine », a-t-elle répondu. Questionné par la suite sur les volumes exacts, son cabinet a refusé de répondre.

      La secrétaire d’État a assuré que le privé « ne vient pas en concurrence avec la santé », et qu’il serait « erroné d’opposer l’un à l’autre ». Elle affirme que l’État « déstocke » suffisamment de masques chaque semaine pour les hôpitaux, que l’unique « question » qui se poserait serait la « logistique » de leur distribution aux soignants.

      Cette affirmation est fortement contestable, vu la pénurie qui sévit chez les soignants (lire plus bas). D’autant plus que la libéralisation d’achat des masques datant d’il y a seulement dix jours, la consommation de masques par les entreprises est amenée à augmenter. Et que ces masques sont loin d’être utilisés par les seuls secteurs essentiels ou exposés, comme l’alimentaire et les caissières de supermarché.

      Le cas le plus emblématique est celui du géant Airbus.

      Alors que la crise du Covid-19 a cloué au sol 80 % de la flotte aérienne mondiale, il n’y a aucune urgence à assembler des avions. Airbus a pourtant rouvert ses usines françaises le 21 mars, au prix d’une consommation de masques très importante, selon nos informations.

      Et l’avionneur semble avoir bénéficié d’un passe-droit. Le 20 mars, le directeur commercial de la zone Ouest-Méditerranée du fabricant de masques 3M distribue à ses troupes un document confidentiel intitulé « communication covid » décrivant les secteurs à livrer en priorité. Il s’agit, explique-t-il lors d’une conférence téléphonique, des consignes données par le gouvernement.

      Tout est à première vue logique. La « priorité 1 » concerne les commandes des établissements de santé, de l’industrie pharmaceutique du « gouvernement ». Les secteurs essentiels (alimentaire, énergie) sont en « priorité 2 », tandis que toutes les autres entreprises sont en « priorité 3 », c’est-à-dire « non prioritaires ».

      Toutes les autres, sauf Airbus, classé dans le document en « priorité 2 ». Pourquoi ? « C’est basé sur des priorités qui sont définies par le gouvernement. […] Ce n’est pas nous qui décidons de ces priorités », répond le directeur commercial de 3M, le fabricant de masques, lors d’une conférence téléphonique interne du 20 mars. « Je ne vais pas juger, on n’est pas là du tout pour juger, mais jusqu’à présent, ça faisait partie des priorités », ajoute-t-il. Selon un autre document confidentiel de 3M, Airbus n’a été retiré de la « priorité 2 » que le 25 mars, et reclassé de facto en « priorité 3 », au même titre que l’ensemble des entreprises aéronautiques (ci-dessous).

      Le gouvernement a-t-il vraiment donné instruction à 3M de favoriser Airbus ? Le fabricant de masques n’a pas démenti, se bornant à affirmer qu’il tient « parfaitement compte des recommandations du gouvernement, s’agissant notamment de donner la priorité aux professionnels de santé ». Airbus indique qu’il n’a « pas connaissance de ce classement en priorités 1, 2 ou 3 ». Bercy et le ministère de la santé ne nous ont pas répondu sur ce point.

      Quoi qu’il en soit, après cinq jours d’arrêt pour cause de mise en place du confinement, les usines françaises d’Airbus ont rouvert le 21 mars. Le lendemain, le PDG de l’avionneur, Guillaume Faury, annonçait sur Twitter qu’un de ses A330 s’était posé à Toulouse avec 2 millions de masques chinois, dont « la majorité sera donnée aux gouvernements ». « Nous travaillons pour soutenir les équipes médicales qui sauvent des vies sur le terrain », se félicite-t-il.

      Mais Guillaume Faury a oublié de dire que la cargaison était aussi destinée à ses usines. « Une petite partie a été conservée par Airbus afin d’assurer la sécurité des personnels qui travaillent sur nos sites », reconnaît aujourd’hui l’entreprise. L’avionneur s’est donc bien servi d’un convoi humanitaire pour se fournir discrètement.

      Mediapart s’est procuré les consignes distribuées aux ouvriers à l’entrée des usines : le port du masque chirurgical est obligatoire « lorsque l’activité ne permet pas le respect de la distance de 1 m », avec « changements des masques toutes les 4 heures ». Selon nos informations, la majorité des ouvriers portent des masques. Vu les effectifs d’Airbus, cela représente plusieurs milliers de masques par jour. L’entreprise n’a pas démenti ce chiffre.

      Il y a plus choquant encore : les mêmes consignes indiquent que le « port d’un masque FFP3 » est obligatoire « si exposition aux poussières / brouillard d’huile ». Les masques FFP3, encore plus performants et chers que les FFP2, sont en effet indispensables pour protéger les ouvriers à certains postes. Mais leur utilisation en pleine crise du Covid interroge. Les masques FFP2 et 3 sont les seuls qui protègent leur porteur contre le Covid, et même les soignants en première ligne dans la lutte contre le virus ont du mal à s’en procurer. « Je suis écœuré qu’on utilise des FFP3 alors que ça ne sert à rien d’assembler des avions en ce moment, confie un salarié d’Airbus. Ces masques devraient être donnés aux hôpitaux. »

      Interrogé, Airbus assure qu’il « limite sa consommation en masques chirurgicaux et FFP3 au strict nécessaire afin d’assurer la sécurité de ses employés ». Le groupe justifie la poursuite de ses activités malgré la crise du Covid par la nécessité de « garantir la survie à long terme » de la filière aéronautique, « un secteur primordial et stratégique pour la France ». Airbus indique enfin avoir « rapatrié environ 6 millions de masques, destinés en grande majorité aux services de santé européens » (lire la réponse intégrale dans l’onglet Prolonger).

      Le cas d’Airbus ne pose aucune problème au gouvernement : le ministère de la santé nous a répondu que depuis la libéralisation des importations décidée le 20 mars, toutes les entreprises « dont l’activité nécessite le port d’un masque chirurgical ou de type FFP2/FFP3 », même les non essentielles, ont le droit d’en acheter.

    • ACTE V [mars]. La pénurie actuelle de masques

      Hôpital Bichat, à Paris. Pour affronter la « vague » de patients qui submerge l’Île-de-France, l’établissement a poussé les murs pour augmenter ses capacités d’accueil. Son service de réanimation est passé de 28 lits à 45 lits en quelques jours seulement, la semaine dernière. Cet effort est déjà insuffisant : la jauge est pleine, à 100 %, selon nos informations.

      Dans les autres services aussi, le personnel soignant est en première ligne pour prendre en charge un flot de patients « plus ou moins dégradés ». Mais la pénurie de masques se fait lourdement sentir.

      « Le week-end dernier, on m’a donné trois masques, pas des FFP2 qui nous protègent mais des simples chirurgicaux, pour toute une nuit », dénonce Sarah*, qui était mobilisée auprès de 24 patients Covid, porteurs avérés du virus, la « plupart dans un état critique ». Cette infirmière de 28 ans, qui travaille habituellement en milieu associatif, s’était portée volontaire pour renforcer les équipes hospitalières. « On m’a dit que j’allais être protégée. On m’avait montré des vidéos pour bien m’habiller en cellule Covid, etc. ». En réalité, l’infirmière a l’impression « d’avoir été envoyée au casse-pipe sans protection ». « C’est très traumatisant, je suis sûre d’être désormais contaminée », dit-elle.

      Au lendemain de sa nuit, Sarah a appelé l’astreinte pour annoncer qu’elle ne reviendrait plus à Bichat. En guise de dernier mot, l’hôpital lui a donné le numéro de la ligne directe d’un infectiologue.

      Si le personnel est ainsi rationné, c’est parce que les réserves de masques ont atteint un niveau critique. L’AP-HP, qui emploie 100 000 professionnels sur 39 hôpitaux comptait moins de 2,4 millions de masques en stock au 31 mars, selon les synthèses de sa « cellule masques ».

      Le stock est largement dominé par une réserve de 2 millions de FFP2, dont le réapprovisionnement est à ce jour très incertain. L’AP-HP a donc serré les vis dans tous les établissements de santé, en priorisant le personnel des services de réanimation. Sur les trois derniers jours, du 29 au 31 mars, seulement 20 000 FFP2 ont été distribués en moyenne tous les jours. Et ce, alors que les hôpitaux d’Île-de-France font face à un afflux record de patients (lire ici).

      Conséquence : les consignes édictées, au début de la crise, par les autorités de santé sont tombées à l’eau. Le 20 février, dans une note adressée aux établissements de santé, le ministère exigeait que tout soignant au contact d’un cas « possible » de Covid-19 porte un FFP2. Mais la doctrine officielle d’utilisation de masques a ensuite évolué, rappelle le ministère de la santé.

      Pour restreindre le port du FFP2, les autorités se sont appuyées sur un avis, rendu le 4 mars, par la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), qui a considéré que ces masques pouvaient être réservés « aux personnels soignants qui réalisent des gestes médicaux invasifs ou des manœuvres au niveau de la sphère respiratoire » sur les patients Covid-19. La SF2H s’est elle-même appuyée sur une recommandation de l’Organisation mondiale de la santé ayant pour but de « rationaliser » l’utilisation de matériel médical face au risque de pénurie mondial.

      Pour les masques chirurgicaux aussi, la distribution est désormais très contrôlée. Et pour cause, il ne restait plus que 294 000 masques en stock ce mardi 31 mars. Le ratio des entrées et sorties sur les derniers jours montre la gravité de la situation : en trois jours, l’APHP a distribué 829 750 masques… et n’en a reçu dans le même temps que 7 500.

      L’urgence est telle que l’AP-HP se mobilise avec l’université Paris-Saclay, et le géant du luxe Kering, pour fabriquer quelques centaines de masques supplémentaires par jour à l’aide de quelque 60 imprimantes 3D…

      Dans le même temps, selon les chiffres officiels communiqués par sa direction générale, le nombre de professionnels de l’AP-HP contaminés depuis le début de l’épidémie a grimpé à 1 200 personnes « avec une proportion importante de médecins, proche de 40 % ».

      Le problème ne concerne pas seulement l’Île-de-France. Dans de nombreux territoires et depuis plusieurs semaines, des personnels soignants estiment ne plus avoir les moyens de travailler en sécurité.

      Dès le 19 mars, un infirmier en réanimation au centre hospitalier de Perpignan, où du personnel médical a depuis été contaminé, expliquait à Mediapart les conséquences du manque de masques : « Habituellement, hors Covid, pour les patients en isolement, on doit porter une surblouse étanche, des gants, une charlotte, un masque FFP2, et en sortant de la chambre on jette tout. Aujourd’hui, on nous demande de garder nos masques FFP2 le temps de validité (trois à quatre heures). Sauf que quand on s’occupe d’un patient, on prend des gouttelettes sur le masque, qu’ensuite on va aller téléphoner avec, aller et venir dans le service. Là, on se met vraiment en danger, par souci d’économie. On nous dit : “Il n’y a pas de masque.” »

      La pénurie frappe toute la chaîne hospitalière. Comme dans cet hôpital psychiatrique de Lorraine qui a dû donner 25 % de son stock (10 000 masques chirurgicaux sur 40 000) au CHU de Nancy. La raison ? Même « après les réquisitions du gouvernement », la dotation accordée à l’antenne départementale de l’ARS « permet très difficilement de faire face aux besoins exprimés », explique par mail la direction de l’hôpital, le 18 mars.

      Interrogée par Mediapart, l’ARS Grand Est déclare qu’il s’agissait d’une « demande » et aucun cas d’une « réquisition » : « Cela s’est fait avec l’accord de ces derniers, et appuyé par de la solidarité entre établissements dans une période de crise. Personne n’a été lésé », ajoute-t-on, au service de presse.

      Les conséquences n’ont pourtant pas été neutres : pour libérer du matériel, le personnel soignant de l’hôpital psychiatrique – dont plusieurs patients sont atteints du Covid-19, selon une note interne – a été invité par sa direction à ne plus porter de masque du tout pour la prise en charge de ceux ne présentant pas de symptômes. « Nous sommes exposés depuis près de 15 jours », fulmine une infirmière, qui redoute que le virus prospère entre patients et professionnels asymptomatiques.

      « On nous annonce depuis le début des livraisons de masque en pharmacie, mais où sont-ils ? On ne comprend pas ! », s’alarme, dans la Sarthe, la docteur Audrey Bidault. Depuis plusieurs semaines, cette gériatre compte ses masques, qu’elle distribue au « compte-gouttes » autour d’elle.

      Pour sa consommation personnelle, la médecin « réutilise les masques chirurgicaux sur quelques jours, ce qui n’est pas idéal, bien évidemment ». Mais les réserves fondent. Alors elle réfléchit à la possibilité de recycler ses « derniers FFP2 en les décontaminant à une température de 70 °C pendant une durée de trente minutes ».

      Malgré tout, Audrey Bidault se sait aujourd’hui privilégiée : elle est l’une des rares professionnelles à avoir constitué son propre stock en achetant du matériel sur internet début mars. La raison ? Un voyage en famille au Japon – où la quasi-totalité de la population est équipée d’un masque – dont elle est rentrée, fin février, avec la certitude que la France devait se préparer à la propagation du virus.

      En atterrissant sur le sol français, la docteur Bidault avait alerté les plus hautes autorités, à commencer par le directeur général de la santé, le professeur Jérôme Salomon. « Serait-il possible d’avoir des distributions de masques chirurgicaux à la population sur de multiples lieux ? », lui demande-t-elle, le 24 février, sur LinkedIn. Le professeur Salomon rétorque : « Les masques chirurgicaux sont utiles en cas d’épidémie et ils sont distribués aux personnes de retour de Chine et aux personnes au contact de malades. » Audrey Bidault relance : « Selon moi, cela s’avérera insuffisant. Nous ne sommes pas assez dans la prévention. » « Nous sommes bien d’accord et soutenons toutes les actions de prévention », répond Jérôme Salomon.

      Quatre jours plus tard, la France passe au « stade 2 » de l’épidémie.

    • ACTE VI (seconde quinzaine de mars). Méga-commandes et méga com’

      La France est toujours en « stade 2 » quand le gouvernement maintient le premier tour des municipales du 15 mars. Aucun masque n’est fourni par l’État aux présidents et assesseurs des bureaux de vote. Le lendemain soir, Emmanuel Macron annonce le confinement de la population pour deux semaines.

      Le Covid-19 a alors déjà fait 148 morts.

      Dans les jours qui suivent, l’exécutif martèle ses éléments de langage sur l’inutilité du port du masque. « Les Français ne pourront pas acheter de masque dans les pharmacies parce que ce n’est pas nécessaire quand on n’est pas malade », déclare la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, le 19 mars. « Je ne sais pas utiliser un masque […] ce sont des gestes techniques », ajoute-t-elle le lendemain.

      Le message est diffusé sur tous les tons, sur toutes les chaînes. « Il faut sortir de ce fantasme autour des masques, abonde Agnès Pannier-Runacher le même jour sur BFM Business. Respecter une distance de plus d’un mètre, c’est beaucoup plus efficace qu’un masque. Et surtout on a des cas de contaminations de gens qui portent des masques et le tripotent tout la journée. »

      Le summum est atteint le 25 mars lorsque Sibeth Ndiaye déclare que « le président de la République n’est pas muni d’un masque, tout simplement parce qu’il n’y a pas besoin d’un masque quand on respecte la distance de protection vis-à-vis des autres ». Le soir même, Emmanuel Macron visite l’hôpital de campagne de Mulhouse, dressé par l’armée, avec le précieux masque FFP2 sur le visage.

      En parallèle, Olivier Véran reconnaît enfin la pénurie, le 19 mars, au Sénat, puis lors d’un discours télévisé deux jours plus tard. Il explique, avec près de deux mois de retard, que l’État n’avait que « 150 millions » de masques chirurgicaux et aucun FFP2 en stock fin janvier.

      Olivier Véran livre aussi un bilan très noir. Il admet que, depuis la fin février, l’État n’a réussi à se procurer que 40 millions de masques, tous circuits confondus (production française, dons, réquisitions et import). Il n’y a plus qu’un petit million de FFP2 en stock, et 80 millions de masques chirurgicaux. De quoi tenir seulement deux semaines. Alors même que tous les soignants ne peuvent être servis, la France consomme désormais 40 millions de masques par semaine.

      Mais ces chiffres sont éclipsés par une autre annonce du ministre, ce même 21 mars : près d’un mois après la création de la cellule interministérielle, il indique que l’État est enfin parvenu à commander « plus de 250 millions de masques » à des fournisseurs chinois. La commande ne cesse d’enfler la semaine suivante par voie de presse : 600 millions de masques le 27 mars selon Le Monde, et 1 milliard le lendemain, le samedi 28 mars, selon France Info.

      Ce dernier chiffre est officiellement confirmé le même jour par Olivier Véran lors d’une conférence de presse avec le premier ministre Édouard Philippe. Mais avec une nuance de taille : « Plus d’un milliard de masques » sont commandés en Chine « pour la France et l’étranger, depuis la France et l’étranger, pour les semaines, les mois à venir ».

      Le ministère de la santé nous a précisé qu’il s’agit de commandes faites par la France, mais s’est contredit lui-même sur leur origine. Le cabinet d’Olivier Véran nous a en effet répondu que ce milliard de masques allait « être importé », pour ajouter juste après que ce chiffre « comprend [aussi] la production nationale ». Si cette seconde version est la bonne, ça veut dire que la commande chinoise est donc bien inférieure au milliard.

      Qu’importe, le jour de l’annonce, le chiffre d’un milliard de masques commandés en Chine a tourné en boucle dans les médias. L’opération de communication a fonctionné.

      Car le vrai sujet n’est pas le nombre de masques commandés, mais la date à laquelle ils vont arriver de Chine. Et cela inquiète le gouvernement. Il y a « des incertitudes sur la possibilité de valider les commandes faites, l’incertitude sur la réalité de leur livraison », confiait la secrétaire d’État à l’économie, Agnès Pannier-Runacher, le 27 mars, lors d’une conférence téléphonique avec la filière textile, dont Mediapart s’est procuré l’enregistrement.

      « Je n’ai la certitude que les importations sont effectivement sur notre territoire […] qu’à la minute où l’avion qui doit amener les masques atterrit sur le tarmac des aéroports français », a ajouté Olivier Véran le lendemain.

      Vu la concurrence sur les achats de masques chinois, il faut d’abord s’assurer que les masques soient bel et bien fabriqués, ensuite qu’ils soient de bonne qualité, et surtout trouver des avions pour les livrer. Avec 80 % de la flotte mondiale clouée au sol, les prix du fret aérien ont explosé, et il est devenu très difficile de trouver des avions cargo disponibles.

      Comme l’a raconté Le Monde, le « pont aérien » vanté par l’exécutif a été organisé dans la plus grande précipitation. Un appel d’offres a été lancé dans le week-end des 21-22 mars, juste après l’annonce de la première commande de 250 millions de masques par Olivier Véran. Le marché a été remporté par Geodis, filiale privée de la SNCF, qui est parvenue à affréter deux Antonov 124, dont le premier s’est posé lundi à l’aéroport de Paris-Vatry (Marne), avec 8,5 millions de masques à bord.

      Le gouvernement et Geodis n’ont communiqué aucun chiffre précis sur le volume et le planning des livraisons. Le ministère de la santé a refusé de nous les donner.

      Geodis annonce 16 vols supplémentaires « dans les prochaines semaines », mais aucun volume de masques. Les vols sont programmés au mois d’avril, selon la direction de l’aéroport citée par l’Agence France-Presse (AFP). À raison d’une dizaine de millions de masques par vol, cela pourrait correspondre, si tout se passe comme prévu, à une quarantaine de millions de masques par semaine. Juste assez pour assurer le rythme de consommation actuel, qui comprend donc des restrictions pour le personnel soignant.

      L’État va toutefois pouvoir compter sur un filet de sécurité supplémentaire, grâce aux dons d’entreprises comme le Crédit agricole et surtout LVMH. Le numéro 1 mondial du luxe indique à Mediapart avoir passé le 20 mars une commande de 40 millions de masques made in China offerts à la France, dont 12 millions des précieux FFP2, la livraison étant prévue à raison de 10 millions par semaine au mois d’avril.

      « La grande difficulté, c’est de trouver des avions », indique-t-on au siège du groupe. Le premier lot de 2,5 millions de masques est arrivé en France dimanche à bord d’un appareil d’Air France affrété par le groupe Bolloré. L’avion transportait aussi 3 millions de masques supplémentaires commandés par des entreprises françaises, dont 1 million pour le groupe Casino, destinés à équiper ses caissiers et caissières.

    • ACTE VII (fin mars). Changement de doctrine

      Pour tenter de faire oublier la pénurie et la lenteur de sa réaction depuis la fin janvier, l’exécutif multiplie les opérations de communication. Mardi 31 mars, Emmanuel Macron a visité l’usine de masques Kolmi-Hopen, près d’Angers, pour affirmer son nouvel objectif : la France doit atteindre « une indépendance pleine et entière » en matière de production de masques « d’ici la fin de l’année ».

      Le chef de l’État a vanté la mobilisation des quatre usines françaises, dont la production est passée de 3,5 à 8 millions de masques par semaine, avec l’objectif de grimper à 10 millions « fin avril », et même 15 millions grâce à l’aide de « nouveaux acteurs ».

      Soit un tiers seulement de la consommation actuelle, elle-même insuffisante.

      La veille, la secrétaire d’État à l’économie Agnès Pannier-Runacher avait communiqué sur l’« initiative » gouvernementale pour produire des masques en tissu grâce aux professionnels de l’industrie textile. Alors que le projet a aussi été initié par les entreprises du secteur.

      Certes, le 6 mars, Bercy avait en effet écrit à une représentante de la filière textile pour lui demander d’envisager de produire des masques. Mais plusieurs autres entreprises se sont mises spontanément à produire des masques pour répondre aux appels à l’aide lancés sur les réseaux sociaux par des soignants frappés de plein fouet par la pénurie. La scène, surréaliste, s’est répétée ces derniers jours encore, malgré les annonces tonitruantes du gouvernement de commandes de centaines de millions de masques en Chine.

      De véritables filières de distribution se sont mises en place de manière informelle pour pallier les carences de l’État. En Isère, le personnel médical a trouvé le soutien de la marque de jeans 1083, basée à Romans (Drôme). « Nous avons été appelés le 16 mars par plusieurs médecins qui nous connaissent dans le secteur. Ils nous ont dit qu’ils étaient en rupture de masques et que le CHU de Grenoble leur avait envoyé un tutoriel pour en fabriquer eux-mêmes », raconte le fondateur de l’entreprise, Thomas Huriez.

      « Il n’avait pas le temps pour fabriquer les masques, ni forcément la compétence et les machines à coudre. Ils nous ont donc sollicités pour le faire, ajoute-t-il. On s’y est mis le lundi soir, et on commençait à distribuer le mardi midi. » Depuis la marque a distribué gratuitement des « milliers de masques » à des médecins, dans des Ehpad. D’autres fabricants français ont fait de même.

      Ce n’est que le 18 mars que Bercy a demandé au Comité stratégique de filière mode et luxe de structurer le projet et d’encadrer la mobilisation de la filière. L’objectif : fabriquer deux types des produits aux caractéristiques proches des masques chirurgicaux et FFP2, en version légèrement dégradée. L’État a défini des normes et mobilisé un laboratoire de l’armée pour tester les prototypes. 179 entreprises ont répondu à l’appel ; 81 prototypes ont été validés.

      L’exécutif espère que le filière pourra produire 500 000 masques par jour « dans les prochains jours », et 1 million d’ici la fin du mois. L’objectif n’est pas d’équiper les personnels soignants, mais les salariés du privé et les fonctionnaires que l’État est aujourd’hui incapable de protéger. « Celles et ceux qui sont exposés aux services à domicile, à nos transporteurs, à nos pompiers, à nos forces de l’ordre, à nos caissiers et caissières, aux guichets, à toutes les professions qui sont aujourd’hui exposées qui, je le sais, ont souvent une angoisse et attendent, des masques », a déclaré Emmanuel Macron.

      Conférence téléphonique d’Agnès Pannier-Runacher avec les entreprises du textile membres du projet de fabrication de masques, le 27 mars 2020.

      Derrière ce forcing pour doper la production nationale se cache un changement de doctrine sur le port du masque, à l’opposé du discours officiel sur sa prétendue inutilité. C’est ce qu’a exposé la secrétaire d’État à l’économie Agnès Pannier-Runacher, vendredi 27 mars, lors d’une conférence téléphonique sur les masques avec la filière de l’industrie textile, dont Mediapart s’est procuré l’enregistrement.

      Il faut « augmenter massivement, massivement, notre autonomie en matière de masques », a indiqué la secrétaire d’État. « L’enjeu pour nous, c’est finalement de préparer la sortie de confinement, où on sait qu’il faudra massivement équiper » la population, a-t-elle ajouté. Interrogé par Mediapart, son cabinet a refusé de commenter, au motif que « la doctrine d’usage des masques » est « exclusivement du ressort du ministère de la santé ». Le ministère n’a pas répondu sur ce point.

      Les propos de la secrétaire d’État montrent pourtant que le gouvernement ne croit pas à son discours officiel sur la primauté exclusive des « gestes barrières ». Une fois le confinement terminé, la population sera en effet de nouveau exposée au virus, avec le risque d’une reprise de l’épidémie.

      Dans ce contexte, le masque est un moyen de protection efficace. Quatre pays d’Europe centrale (République tchèque, Slovaquie, Autriche et Slovénie) ont d’ailleurs rendu, ces derniers jours, son port obligatoire dans l’espace public.

      Au moins six plaintes pénales ont déjà été déposées devant la Cour de justice de la République (CJR) contre le premier ministre Édouard Philippe, l’ex-ministre de la santé Agnès Buzyn et son successeur Olivier Véran, accusés d’avoir mal géré la crise, notamment au sujet des masques (lire ici).

      Lors de sa visite de l’usine de masques Kolmi-Hopen, Emmanuel Macron a dénoncé les « irresponsables » qui en sont « déjà à faire des procès alors que nous n’avons pas gagné la guerre ». « Ensuite viendra le temps des responsabilités. Et on regardera tous et toutes ce qu’on pouvait mieux faire, ce qu’on aurait pu mieux faire », a-t-il promis.

      Le chef de l’État a réclamé que cet examen soit réalisé « avec un principe de justice, à l’égard de tous les choix passés, quels que soient d’ailleurs les responsables politiques ». Il a estimé que ceux qui ont « pris des décisions il y a cinq ou dix ans » ne « pouvaient pas anticiper ce qu’on vient de vivre ».

      « Quand on vit quelque chose qui est inédit, on ne peut pas demander aux gens de l’avoir prévu il y a dix ans », a-t-il ajouté, précisant qu’il souhaite que ce « principe de justice » soit appliqué « à l’égard de tous et toutes ».

    • « Le langage politique est conçu pour que les mensonges paraissent vrais et les meurtres respectables, et pour donner à du vent l’apparence de la solidité » - Orwell

      Chez LREM, on le maîtrise mal...

      Merci Mediapart.

    • Au lieu de jouer la transparence sur cette pénurie – qui n’est pas de son fait –, et d’expliquer que le peu de stock disponible sera réservé en priorité aux soignants, le gouvernement d’Édouard Philippe choisit de ne pas informer les Français.

      Et si on ne sait pas les porter (c’est vrai !), qu’on nous apprenne !

  • #Coronavirus. La saisie de 4 millions de #masques à #Lyon par la #France énerve la #Suède

    La société #Mölnlycke a fait transiter par la France des masques qu’elle comptait rediriger en partie vers l’#Espagne et l’#Italie. Mais au nom de la #réquisition des #stocks de #matériels_médicaux en France pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, ces masques ont été saisis le 5 mars dernier.

    L’affaire tombe mal en pleine épidémie du Covid-19 en Europe. La France a réquisitionné le 5 mars un stock de quatre millions de masques appartenant à une entreprise suédoise, révèle L’Express mercredi 1er avril 2020.

    Or, la moitié de ces masques devait être redirigée ensuite vers l’Espagne et l’Italie, pays durement touchés par la propagation du coronavirus.

    Réquisition d’office

    Les masques appartiennent à la société Mölnlycke, spécialisée dans les produits médicaux jetables, qui venaient de se les faire livrer de Chine, rapporte L’Express. Arrivés en Europe par cargo à Marseille, ces masques avaient rejoint la plateforme basée à Lyon de cette entreprise avant d’être redistribués ensuite.

    Sauf que le gouvernement avait décidé le 3 mars de réquisitionner tous les stocks de matériels sur le sol français. Les millions de masques ont donc été saisis d’office.

    Branle-bas de combat pour l’entreprise suédoise qui demande de l’aide au gouvernement de son pays. Mais cela n’aura aucun effet pendant deux semaines. Le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) acceptera alors de laisser partir la moitié de ces masques « à titre dérogatoire » vers l’Italie et l’Espagne.

    D’autres saisies avaient créé la polémique en Europe

    Cette affaire rappelle celle qui avait opposé Prague à Rome récemment. La police tchèque avait récupéré le 23 mars une cargaison de centaines de milliers de masques et des appareils respiratoires lors d’une opération de police. Mais cette cargaison était en réalité destinée à l’Italie, pays le plus durement touché par le coronavirus actuellement en Europe.

    Cette saisie avait suscité la colère dans la Botte, tandis que les autorités tchèques plaidaient la bonne foi. Au final, ces dernières ont envoyé une centaine de milliers de masques vers l’Italie pour calmer la polémique.

    https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-la-saisie-de-4-millions-de-masques-lyon-par-la-france-enerv

    #what_the_fuck !
    ... et que vive la #solidarité européenne !

    #Union_européenne #désunion_européenne #Europe #honte

    ping @reka @fil @simplicissimus

    •  » Un chef du Mossad raconte les coulisses de la « Mission respirateurs » impossible
      https://fr.timesofisrael.com/un-chef-du-mossad-raconte-les-coulisses-de-la-mission-respirateurs

      le gouvernement a chargé le Mossad d’obtenir plus de 130 000 articles nécessaires à la lutte contre l’épidémie du virus respiratoire, notamment des masques à gaz, des kits de dépistage du virus, des médicaments, des équipements de protection et, surtout, des respirateurs, qui sont devenus l’une des marchandises les plus recherchées au monde.

      « Le monde vend [des respirateurs] au compte gouttes. Nous devons trouver les failles », a déclaré M. Het. « Nous sommes les champions du monde des interventions, et nous savons comment gérer des opérations complexes. »

    • Sauf que le gouvernement avait décidé le 3 mars de réquisitionner tous les stocks de matériels sur le sol français. Les millions de masques ont donc été saisis d’office.

      Donc, le 3 mars, #Ils_savaient.

      Pourtant, le 11 mars, au conseil des ministres : « Une définition de la doctrine d’utilisation des masques est en cours de finalisation permettant d’assurer une mobilisation des différents professionnels de santé de concernés en leur assurant une protection adéquate. »
      On conseil juste aux gens de ne pas se serrer la main.

      Et où sont passés les stocks saisis ? (le stock des ARS a été saisi par les préfectures, puis… plus rien…)
      En tout cas pas vers ceux qui en avaient le + besoin pour juguler l’épidémie, à savoir les soignants, en train de tomber comme des mouches.

      #crime_d’État

    • Le 12 mars, discours du PR :

      C’est pourquoi je demande ce soir à toutes les personnes âgées de plus de 70 ans, à celles et ceux qui souffrent de maladies chroniques ou de troubles respiratoires, aux personnes en situation de handicap, de rester autant que possible à leur domicile. Elles pourront, bien sûr, sortir de chez elles pour faire leurs courses, pour s’aérer, mais elles doivent limiter leurs contacts au maximum. Dans ce contexte, j’ai interrogé les scientifiques sur nos élections municipales, dont le premier tour se tiendra dans quelques jours. Ils considèrent que rien ne s’oppose à ce que les Français, même les plus vulnérables, se rendent aux urnes.

  • dans ma culotte - masque anti-projections
    https://dansmaculotte.com/fr/contenu/masque-anti-projections

    En 4 jours, 20 prototypes ont été réalisés, un protocole de tests de filtration, de respirabilité et d’imperméabilité rédigés et un banc de test monté pour tester les qualités des prototypes dans leur laboratoire de R&D, spécialisé en inhalation et asthme.

    Depuis, nous [dans ma culotte] avons rejoint le groupement CSF Mode et Luxe aux côtés de la filière textile française qui se mobilise solidairement pour répondre à l’urgence sanitaire. Nous sommes désormais plus de 400 acteurs, confectionneurs et fournisseurs de matières premières, à échanger pour trouver des solutions rapidement.

    Aujourd’hui, nous lançons la mise sur le marché de nos masques lavables testés en laboratoire et sommes en attente des tests complémentaires de la Direction Générale de l’Armement.

  • A l’Ehpad des Quatre-Saisons, la vie et la mort au jour le jour
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/31/coronavirus-a-l-ehpad-des-quatre-saisons-la-vie-et-la-mort-au-jour-le-jour_6

    Les Quatre-Saisons, où vivent 65 résidents, fait partie des quelque 7 000 Ehpad que compte la France. Dans cette maison de retraite de Bagnolet, en banlieue proche de Paris, le quotidien a été totalement bouleversé, à partir de la mi-mars, par les mesures de protection contre le virus. Les visites étant interdites, récit de la vie confinée.

    Florence Aubenas, grande reporter au « Monde », a passé les onze premiers jours de confinement avec des personnes âgées à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Face à la progression du coronavirus, le personnel tente de faire face.

    « Vous seriez en droit de m’engueuler »

    Mardi 17 mars, 1er jour de confinement. Le couple s’est planté sur le trottoir, juste devant la façade. Ils doivent avoir la cinquantaine, et c’est elle qui se met à crier la première, mains en porte-voix : « Maman, montre-toi, on est là ! » Aux fenêtres, rien ne bouge. Alors le mari vient en renfort, mimant une sérénade d’une belle voix fausse de baryton : « Je vous aime, je suis sous votre balcon ! » Un volet bouge. « Maman » apparaît derrière la vitre ; ses lèvres remuent, mais elle parle trop doucement pour qu’ils l’entendent. « Tu as vu ? Elle a mis sa robe de chambre bleue », constate madame. Puis ils ne disent plus rien, se tenant juste par les yeux, eux en bas et elle en haut, qui agite délicatement la main, façon reine d’Angleterre. Quand le couple finit par s’en aller, elle fait pivoter son fauteuil roulant pour les apercevoir le plus longtemps possible.

    Cela fait près d’une semaine que les visites des proches sont interdites aux Quatre-Saisons, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) public situé à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Face à la pandémie, cette maison de retraite – un immeuble de trois étages construit dans les années 2000 – fonctionne désormais à huis clos, comme les 7 000 autres de France. Les animations extérieures – sophrologie, chorale, coiffeur ou pédicure – étaient déjà suspendues, mais le confinement général vient d’être déclaré de l’autre côté des portes aussi : plus de 60 millions de Français sont bouclés chez eux à travers le pays.

    Il est 11 heures aux Quatre-Saisons, la décision vient d’être prise de mettre maintenant les administratifs à distance. Même l’accueil sera fermé. « De toute façon, on n’accueille plus personne. » La gestionnaire remet son manteau, la responsable des ressources humaines aussi. Elles devraient déjà être parties, mais elles grappillent quelques instants encore. Sale impression d’abandonner le navire. Il faut presque les pousser dehors.

    Désert, le hall prend des sonorités de cathédrale. Réunion dans la salle à manger pour ceux qui vont se relayer auprès des 65 résidents : les soignants, la cuisine, l’entretien, la direction, soit une petite quarantaine de personnes par rotation. Au stade 3, le plus haut de la pandémie, un masque de protection est obligatoire en Ehpad. La raison est double : le coronavirus s’attaque aux voies respiratoires, et les personnes âgées sont les premières victimes.

    « Je ne vais pas vous mentir : je n’ai pas de quoi vous distribuer des masques. Il faudra se débrouiller sans », commence Laurent Garcia, cadre de santé et bras droit du directeur, Edouard Prono. Il lui en reste 200 en réserve, de quoi tenir trois jours s’il fallait appliquer les consignes. Lui-même n’en porte pas, le directeur non plus. Qui comprendrait que la hiérarchie soit seule à pouvoir s’équiper ? « Vous seriez en droit de m’engueuler. A votre place, je serais même tenté d’aller mettre le souk dans mon bureau », continue Laurent Garcia. On rit, tout paraît irréel. « Pas grave, M. Garcia », lâche l’une. Lui, désespéré : « Mais si c’est grave. »

    Tous ici se souviennent des gants, des masques ou du gel hydroalcoolique, royalement distribués à l’accueil il y a quinze jours à peine, comme par temps de grippe ou de gastro. C’était le début de la contagion sur le territoire français. Une ou deux soignantes s’étaient aventurées dans le bus avec leur masque. On les avait toisées comme des extraterrestres, elles l’avaient retiré avant la fin du trajet. « On nous expliquait que le risque était faible, on ne se rendait pas compte », explique Laurent Garcia. Lui venait de renouveler sa commande, 500 masques, histoire d’assurer. Début mars , coup de fil du fournisseur : l’Etat a préempté tout le stock , plus rien de disponible, priorité aux hôpitaux et à la région Grand-Est, la plus touchée. Pour les Ehpad, même réponse évasive à tous : « C’est en cours. » Une infirmière des Quatre-Saisons coupe net : « On voit bien ce qu’ils pensent. Là-bas, ce sont des vieux, ils ont déjà vécu. »

    Par la grande baie vitrée, les résidents regardent passer des familles à rollers, un monsieur qui porte un gâteau cérémonieusement. Les petits dealeurs du quartier font des slaloms en quad au bout de la rue. Plus loin, un match de foot commence au stade des Rigondes. Les premiers moments du confinement respirent l’insouciance candide d’un long dimanche ensoleillé.

    Dans les couloirs de l’Ehpad, Rosa, l’animatrice, tend par réflexe la main à tous ceux qu’elle rencontre. Le directeur sursaute : « Ne me touchez pas, Rosa. Pensez aux consignes, pas de contacts. » Elle : « Vous êtes sérieux, M. Prono ? » Rosa a du mal à se dire que c’est pour de vrai. La veille du confinement encore, elle faisait la queue dans un restaurant algérien bondé vers Ménilmontant et se noyait avec délice dans la cohue du marché de Romainville. « Nous sommes en guerre », a répété le président Emmanuel Macron, la veille, à la télévision. Dans la salle de pause, un agent d’entretien approuve : « C’est vrai, au Leclerc de Rosny-sous-Bois, les gens se battent ».

    « Le Désert des Tartares »

    Mercredi 18 mars, 2e jour de confinement. Pas un bruit ne sort du bureau d’Edouard Prono. Depuis le matin, il est en train d’essuyer un bombardement terrible, mais silencieux, venu de sa boîte mail. Un collègue fait savoir que 16 résidents sur 20 sont touchés par le virus dans son établissement. Près de Montpellier, ils sont 47 sur 86, 3 en sont morts. De leur côté, les pompes funèbres viennent d’envoyer une note détaillée sur les types de cercueil autorisés pendant la pandémie. Deux possibilités seulement : « l’hermétique, qui permet un enterrement classique, mais il n’y en aura pas forcément assez vu la demande ». Ou alors, « le modèle simple, destiné à la crémation ». Conseil aux Ehpad : commandez déjà vos housses mortuaires. « Vous en avez pris ? », se risque à demander Edouard Prono à la docteure Claire Bénichou, médecin-coordonnateur de l’établissement.

    Sur un forum professionnel, des vieux de la vieille échangent en boucle des messages, dans lesquels chacun assure n’avoir « jamais vu ça ». Edouard Prono traduit immédiatement : « On n’arrivera pas à accompagner tout le monde. » Lui, c’est un garçon timide et bien élevé, 34 ans, jeune comme beaucoup de directeurs d’Ehpad aujourd’hui. « Il y a une question de génération. Comment on fait quand on vient de sortir de l’école et qu’on se prend ça de plein fouet ? »

    La porte de son bureau s’entrouvre : Laurent Garcia, le cadre de santé, annonce que la pharmacie ne livrera pas les 15 litres de gel hydroalcoolique. La commande a été oubliée, et plus rien n’est disponible maintenant. Les gants ? Fini aussi, ou presque. D’heure en heure, les infos changent, ordres et contre-ordres se succèdent. Le ministère de la santé vient d’envoyer la troisième version de son guide méthodologique, très strict au départ, la doctrine officielle s’assouplit à mesure que les stocks fondent au niveau national. En Ehpad, les masques ne sont finalement plus obligatoires au stade 3 de la pandémie, sauf infection déclarée. « Bref, pas de masques, mais des housses mortuaires : vous voyez le message ? », s’étrangle Laurent Garcia.

    Assis à son bureau, très pâle et très droit, les mains sur le clavier de l’ordinateur, Edouard Prono se met à pleurer. « Excusez-moi, ça ne m’arrive jamais. » Les alertes de messages carillonnent l’une derrière l’autre sur son téléphone, mais il ne les entend plus. « On est dans Le Désert des Tartares, à attendre les mains nues que la catastrophe nous tombe dessus. »

    Au troisième étage, Mme X., 90 ans, vient de se mettre à tousser, un des symptômes les plus classiques du virus. L’accès à sa chambre est aussitôt limité. « On ne va pas se mentir : il faut se préparer à avoir des cas. Si ça vous stresse, je m’occuperai moi-même de Mme X. », annonce Laurent Garcia à l’équipe. Dans un coin, la télévision psalmodie le nombre de décès du jour, en France et à travers le monde. Zineb sent ses jambes se dérober. Elle doit s’asseoir : « Il faut déjà que je meure, moi qui n’ai jamais voyagé, jamais profité de la vie, même pas été à l’école. » Elle a 45 ans, elle est agent d’entretien. Mais déjà, elle se relève, son chariot cahote vers les chambres, dans un tintement de vaisselle. Par-dessus son épaule, elle lance à Stéphanie, son binôme : « Tu viens, ma bichette ? » Eternels oubliés d’un secteur médical lui-même en crise, les Ehpad ont toujours manqué de tout – personnel, salaires, budgets. « On est habitués à passer derrière, à prendre sur nous. »

    Dans la salle à manger, les résidents attaquent la paella. « Et mon verre de rouge ? Marre de cette baraque, marre de ce putain de virus », tonne Daniel, bretelles noires tendues sur le ventre. Un serpent tatoué ondoie sur son avant-bras gauche, Brigitte Bardot croise haut les jambes sur le mur de sa chambre, sous un drapeau tricolore souligné d’un « Vive la France ». Ça se met à chahuter. « M. Daniel est volontiers grossier, mais il faut reconnaître qu’il met de l’ambiance », commentent poliment deux dames très sages à la table d’à côté. Charlotte attaque le yaourt : « Un virus ? Ah bon ? Je l’ai pas vu passer. » Ici, elle mange à sa faim, et son mari, « un fêlé, du genre qui cognait », a enfin disparu du paysage. Maintenant, elle se sent tranquille. Un ange passe avant que Charlotte relance, faisant rouler son accent des faubourgs : « Trop tranquille, même. » Sa voisine hausse les épaules. « Moi, j’ai été privée de jeunesse avec la guerre. Alors, je vais pas me laisser piquer ma vieillesse par un virus. » Sous l’auvent de l’entrée, Laurent Garcia allume une cigarette. « Je crois que, ce soir, je vais prendre quelque chose pour dormir. Un whisky, peut être. »

    « Ni complotiste, ni franc-maçon »

    Jeudi 19 mars, 3e jour de confinement. « Bonjour, je ne suis ni complotiste, ni franc-maçon », annonce un petit bonhomme filmé en gros plan dans son salon. Sur une vidéo, il promet de prouver « par A plus B » que le coronavirus a été volontairement créé par des chercheurs français. Ça dure vingt-deux minutes, et l’infirmier de service aux Quatre-Saisons se repasse une nouvelle fois la démonstration sur son portable. Le monde scientifique l’a unanimement dénoncé comme la « fake news » en vogue du confinement. Mais l’infirmier ne croit plus les discours officiels. « On saura la vérité un jour, dans vingt ou trente ans. » Si ça se trouve, un antidote a déjà été mis au point. Il l’envisage. « Mais on ne nous le donne pas. » Pourquoi ? Sourire entendu, hochement de tête. « Faites fonctionner votre cerveau. » Il regarde sa montre. Bientôt la distribution de médicaments.

    Dans les couloirs, des rumeurs et des doutes ont commencé à s’insinuer doucement. Un chauffeur à la retraite feuillette le bulletin des anciens d’Algérie. « De toute façon, on ne nous dit pas la vérité. C’est le problème en France. » Son regard plonge dans la rue. En deux jours, elle s’est vidée. Une voiture passe au ralenti, un homme en costume seul au volant, mais affublé d’un masque et de gants comme pour se protéger de lui-même. Sur les trottoirs, personne, à l’exception des petits dealeurs, plus discrets sous les porches mais en panoplie intégrale de bloc opératoire. L’un s’est rajouté un flacon de gel hydroalcoolique à la ceinture. L’autre manie une béquille, « par solidarité avec les malades du corona », dit-il mystérieusement. Le troisième tient un chiot en laisse, en cas de contrôle de police. Un copain le lui a loué. La bête a été baptisée « #Attestation ».

    « En fait, il n’y a que nous à ne pas avoir de matériel », dit Laurent Garcia, le cadre de santé. Il doit passer chercher trois tubes d’aloe vera chez sa cousine pour fabriquer du gel dans la cave des Quatre-Saisons. Francis, le responsable maintenance, s’en chargera après la panne d’ascenseur et avant le coup de main en cuisine. Le commis aussi a arrêté de venir.

    « Vous avez combien de morts chez vous ? »

    Vendredi 20 mars, 4e jour de confinement. Dans une aile du bâtiment, Zineb et Stéphanie, agents de service, aménagent une zone fermée en cas de propagation, de grandes chambres où la lumière se déverse à flot. En nettoyant les tiroirs, un papier oublié leur tombe sous la main, au nom d’un résident, décédé l’été dernier. Soupir. « C’était avant, du temps où on mourait encore d’autre chose. »

    Plus la pandémie progresse, plus elle paraît mystérieuse. « On avance dans le brouillard », signalent les échanges entre médecins. La liste des premiers symptômes n’en finit pas de s’allonger : diarrhée, confusion, chutes inhabituelles ou rhinites sont désormais répertoriées comme des signes possibles avant que se déclenchent les problèmes respiratoires et la fièvre, caractéristiques d’une infection due au coronavirus. « Mais, dans un Ehpad, presque tous les résidents présentent au moins un de ces symptômes », s’alarme Karim, un infirmier.

    A faire le tour des chambres, le Covid-19 semble maintenant à chaque chevet. Des chiffres ont commencé à circuler en sous-main, d’autant plus alarmants qu’ils sont impossibles à vérifier : 170 Ehpad seraient touchés sur les 700 en région parisienne. « Vous avez combien de morts chez vous ? », demande un journaliste au téléphone.

    « Ça y est, la vague arrive : la semaine prochaine va être terrible », se dit Edouard Prono. Aux Quatre-Saisons, onze personnes sont préventivement placées à l’isolement, après avis de la docteure Bénichou. Une résidente regarde la feuille rose sur sa porte, qui décrète l’accès très restreint à sa chambre. « Le directeur est venu la coller en personne. Je ne me fais pas d’illusions. Je me suis condamnée moi-même. »

    Désormais, un seul soignant dans chaque équipe prendra en charge ces 11 résidents-là, afin de limiter les contacts. Qui s’en chargera parmi les soignants ? Passe un frisson. « Marie-Jeanne, j’ai pensé à vous », ose Laurent Garcia. Marie-Jeanne secoue la tête, lentement, et la mèche blonde de sa perruque balaie son visage en mesure. « Non, je le ferai pas », elle dit. Il y a quelques mois, des punaises de lit avaient envahi 25 chambres de l’Ehpad, notamment à l’étage dont elle s’occupe. Marie-Jeanne se revoit un dimanche à la messe, quand elle avait ouvert sa bible : des insectes s’étaient échappés d’entre les pages. Elle avait affronté la honte, les reproches de la famille – même ceux restés à Kinshasa –, la peur que l’école ou les voisins l’apprennent. « Non », répète Marie-Jeanne.

    La main d’Ephline se lève : « Moi je peux. » Ephline avait la vocation des chiffres, une formation de comptable pour travailler dans un cabinet juridique. Quand elle cherchait du travail dans son secteur, elle précisait toujours au téléphone : « Je suis noire. » Il y a vingt-cinq ans, « les gens refusaient carrément, on avait du mal à trouver des Noirs dans les bureaux. On me conseille souvent de ne pas le dire, mais c’est vrai ». Elle a fini par suivre Mylène, sa sœur, aide-soignante aux Quatre-Saisons.

    Dans l’autre équipe, c’est d’ailleurs Mylène qui s’est portée volontaire pour s’occuper des 11 « isolés ». Les deux sœurs se relaieront donc en tandem, affaire conclue sans une parole, ni entre elles, ni avec les autres. « Normal, ça ne pouvait être que nous », explique Mylène. Dans ce petit Ehpad familial, chacun sait tout des autres, les vies sont aussi transparentes que l’aquarium à l’entrée. Les deux sœurs ont des enfants déjà grands, elles sont les plus âgées du groupe, 47 et 49 ans. Or, une question obsède les salles de pause : les gamins. Les médecins ont beau se montrer rassurants sur la capacité des jeunes à résister au coronavirus, la méfiance domine. « Est-ce qu’on nous dit vraiment tout ? Qui s’occupera des petits au cas où ? »

    A la réunion, Taoufik, un aide-soignant, alpague une des deux sœurs. La gratitude le transporte : « Je te jure, si j’avais un masque, je te le donnerais. » Laurent Garcia s’est assis. Il y a des histoires qui le cassent en deux, celle des masques en est une. Il ne cherche pas à s’en cacher. Gorge étranglée, il lance : « Pardon, pardon. Et merci d’être là, je vous aime. Vous avez des questions ? » Une voix féminine se risque : « Est-ce qu’on va augmenter les salaires, surtout pour celles qui vont faire ça ? On est courageuses, tout de même. » Laurent Garcia ne répond pas. La tête dans la main, il s’est endormi sur sa chaise.

    Il est 15 h 30. Dans la salle à manger, Rosa commence l’animation de l’après-midi pour les résidents. C’est la dernière avant un nouveau confinement dans le confinement. Comme beaucoup d’Ehpad, les Quatre-Saisons ont dû s’y résoudre : les regroupements de résidents aussi vont être suspendus, y compris pour les repas, que chacun prendra désormais dans sa chambre. Pour combien de temps ? On ne sait pas. L’infirmier-stagiaire lance la musique, un vieux succès de La Compagnie créole, tandis que Rosa, en blouse rouge éclatante, un minuscule chignon piqué sur la nuque, se met à danser en saisissant le micro : « On y va, tout le monde chante avec moi. » Alors, d’un parterre de fauteuils roulants et de déambulateurs s’élève un chœur de voix frêles, certaines ne tenant que par un fil, mais toutes reprenant comme un cantique : « C’est bon pour le moral, c’est bon pour le moral… »

    « Au revoir, madame »

    Samedi 21 mars, 5e jour de confinement. Dans le hall de l’Ehpad, deux employés des Pompes funèbres ont étalé leur tenue : combinaison, trois paires de gants, charlotte, protège-pieds, lunettes. « T’es sûr qu’on n’oublie rien ? » Ils commencent à se harnacher, minutieusement, quand l’un s’arrête soudain, doigt pointé vers un personnel de l’Ehpad : « Vous ne portez pas de masque ?

    – On n’en a pas. »

    Sous sa charlotte, l’employé n’en croit pas ses oreilles : « Mais vous êtes un secteur à risque, avec des personnes âgées.

    – On n’en a pas », répète l’autre.

    L’employé insiste : « Moi, si j’ai pas au moins un masque, je le fais pas. Et c’est tout le monde pareil chez nous. »

    Aux Quatre-Saisons, une résidente est morte dans la nuit.

    Son état avait commencé à inquiéter une semaine plus tôt, mais les urgences avaient refusé de l’accueillir : elle n’entrait pas dans les critères instaurés avec la crise. Le médecin avait promis de passer vers minuit. Sur le coup de 4 heures du matin, toujours personne. Panique à l’Ehpad. La résidente est finalement transférée au petit jour. Un test de dépistage du Covid-19 est demandé par l’équipe des Quatre-Saisons. Réponse : « Ici, on ne teste pas, on applique la politique de l’autruche. » Qui leur en voudrait ? L’hôpital craque, qui ne le sait pas, services à bout, des lits rajoutés partout, y compris dans les couloirs, visites interdites, sauf quinze minutes parfois chez les malades en fin de vie. On espère qu’une clinique privée pourra accueillir certains convalescents pour éviter l’explosion. Finalement, le test est accordé : négatif. Selon le vœu de ses enfants, la résidente est rapatriée à l’Ehpad, où une disposition spéciale les autorise à passer du temps avec elle.

    Il est 10 heures quand le cercueil sort des Quatre-Saisons. A la fenêtre du premier étage, deux femmes regardent la scène.

    « Vous avez vu la tenue des employés ? On dirait des cosmonautes.

    – J’ai l’impression de ne rien reconnaître, comme si on était maintenant dans un pays étranger. »

    Le cercueil est chargé sur le corbillard.

    « Moi, j’ai 87 ans. Je m’en fiche de mourir du corona ou d’autre chose. Et vous ?

    – Je voudrais être enterrée dans le Jura, mais est-ce que j’aurais le droit avec cette histoire-là ? Dans le doute, je préfère attendre un peu. »

    Le convoi démarre.

    « Regardez, elle s’en va. Ça me fait quelque chose quand même.

    – Au revoir, madame. »

    « Tu l’as eu où, ton masque ? »

    Dimanche 22 mars, 6e jour de confinement. Ça y est, Myriam aura été la première à l’avoir. Elle vient d’arriver au boulot le visage barré d’un masque, un FFP2, plus protecteur encore que le modèle classique, généralement utilisé dans les Ehpad. Son mari lui a acheté au pied de l’immeuble, dans leur cité à Bagnolet, 50 euros la boîte de 20. L’infirmier de permanence esquisse une moue d’expert : « Pas excessif, le prix. » Il valait 1 euro pièce en pharmacie avant le coronavirus. D’un même mouvement, les collègues se penchent vers Myriam pour scruter la merveille de plus près. Ses yeux roulent comme des billes par-dessus le FFP2. Ici, le masque est devenu le symbole de la crise sanitaire : en avoir ou pas. « Aujourd’hui, si tu poses ton portable et ton masque, on te vole ton masque », lance quelqu’un.

    Myriam l’admet : « Je suis une meuf qui fait beaucoup d’arrêts maladie. » Quatre gamins pas bien grands, la maison à faire tourner, la vie, tout simplement. Mais, en ce moment, elle se découvre une énergie inépuisable pour partir au boulot. Il y a cette envie d’être là, tout le temps, l’adrénaline qui monte en traversant la ville déserte, l’impression que son boulot d’agent d’entretien a pris une autre dimension. Chez elle, les rôles se sont inversés avec le confinement : son mari reste à la maison et elle file travailler. L’autre jour, il s’est retrouvé à baigner les enfants, pour la première fois de sa vie. En douce, il pousse les petits à la supplier : « Maman, reste avec nous ! »

    Son portable sonne. C’est lui, le premier coup de fil de l’interminable série qu’ils échangent pendant la journée. « Tu ne lâches pas l’affaire ? », demande le mari. Elle se marre. « Arrête de psychoter. Comment les autres vont faire si je ne viens pas ? » Lui : « T’as mis ton masque au moins ? »

    Dans les étages, c’est l’heure du café au lait, des tartines beurrées et du jus d’orange. Non, pas de jus d’orange, la livraison n’a pas eu lieu. Manque aussi la charcuterie, dont M. Daniel raffole au petit-déjeuner. Il jaillit de sa chambre, en marcel et bretelles. « Qu’est-ce qui nous reste comme plaisir ? Donnez-moi un flingue directement, j’ai hâte de crever pour ne plus vous voir ! » Une résidente arpente le couloir en chemise de nuit, répétant toujours, sur la même note : « Maman, j’ai peur, il va me battre. » Derrière son FFP2, Myriam l’attrape par le bras, s’époumonant pour se faire entendre. « Qui va vous battre, ma chérie ? Montrez-le-moi et je le défonce. » Elle tombe nez à nez avec une collègue portant un masque, elle aussi. Moment de saisissement. Toutes les deux s’exclament en même temps : « Tu l’as eu où ? » La collègue fait des manières pour donner le prix. « Je ne peux pas le dire, c’est un cadeau de mon fils. Je le mets pour lui. » M. Prono, le directeur, s’en mêle. « Je vois des masques, mesdames ? Si vous avez un filon, n’hésitez pas à me le dire. »

    Rosa, qui n’est pas de service, est venue quand même après le marché de Romainville. Poches pleines de mandarines qu’elle distribue dans les chambres : les prix ont doublé après une semaine de confinement. Seuls trois vendeurs avaient dressé leur étal. « Ça dure toujours, cette histoire de virus ? », demande un homme, allongé sur son lit.

    Depuis le passage des Pompes funèbres, la rumeur s’est répandue d’un décès aux Quatre-Saisons. Les familles appellent, l’une derrière l’autre. « Le corona est là ? » Rosa, à pleine voix dans le combiné : « Non, non, on n’a pas de cas chez nous. »

    Un fils insiste : « Y a un problème ? Ma mère va bien ? Pourquoi vous criez ?

    – C’est l’habitude de parler fort aux résidents, monsieur. Maintenant, je parle comme ça même chez moi. »

    Dans le petit jardin de l’établissement – quelques massifs que surplombent les HLM voisins –, des filles fument, d’autres discutent. Myriam attend le moment pour appeler son mari. Elle lui dira : « Prépare-toi, j’arrive. » Et ce sera la même scène que tous les autres soirs. Elle ouvrira la porte et lancera aux enfants : « Mettez les mains devant vos yeux. » Puis, dès l’entrée, elle enlèvera ses habits, très vite, pour ne contaminer personne et courra toute nue vers la douche. Le portable sonne. C’est lui.

    « T’as entendu ?, demande le mari.

    – Quoi ? »

    Un urgentiste de Compiègne vient de mourir, le premier hospitalier à succomber. Grace écrase sa cigarette. Voix glacée. « Hier, ça touchait la Chine, aujourd’hui, nos collègues. Ça y est, le virus vient sur nous. »

    « Si elle l’a, je l’ai »

    Lundi 23 mars, 7e jour de confinement. Accroupie près de l’ascenseur, Sihem répare le déambulateur de Mme Dupont. Une toux secoue la vieille dame, et Sihem sent quelques postillons lui tomber sur le visage. « Cette fois, c’est fait, elle pense. Si elle l’a, je l’ai. » Sihem se relève. Se ressaisir. Empêcher le film catastrophe de lui envahir la tête. Continuer la tournée du matin en se disant : « On est l’armée, il y a une guerre, il faut être courageuse. »

    A l’étage, elle croise Tiana. L’infirmière regarde son thermomètre. « Attention, Mme Dupont est en train de faire un pic de fièvre à 39, 1 °C. » Sihem se sent vaciller. Même quand elle dort, sa tête reste ici, à l’Ehpad, depuis le confinement. Elle se demande : « Qui est malade ? Qui ne l’est pas ? Comment le savoir quand on entre dans une chambre ? » Les Ehpad n’ont droit qu’à trois dépistages pour les résidents, et aucun n’a été réalisé aux Qautres-Saisons, après avis de la docteure Claire Benichou et d’un infectiologue.

    Dans le hall, Arnaud Dubédat, le médecin de Mme Dupont, arrête Sihem.

    « Vous savez qui s’est occupé d’elle aujourd’hui ?

    – Moi.

    – Vous avez quel âge ?

    – 37 ans.

    – Des enfants ?

    – Une fille de 12 ans. »

    A la pensée de la petite merveille, quelque chose se gonfle dans la poitrine de Sihem. Elle la revoit la veille, quand elle lui avait proposé de descendre la poubelle. L’enfant avait voulu se coiffer, s’habiller, tout excitée à la simple idée de mettre le nez dehors. C’était sa première sortie en une semaine. Sihem ne veut prendre aucun risque. Sa propre mère est morte quand elle était petite. Sa hantise serait que sa fille vive la même situation.

    Le médecin la regarde. « Je vais vous dire la vérité : Mme Dupont a peut-être des symptômes du Covid-19. »

    Il est 14 heures quand deux soignantes sont envoyées pour se faire dépister. Toux, fièvres, fatigue intense. Le test a lieu dans un labo à côté, un fauteuil planté sur un coin de parking derrière des draps tendus. Un infirmier des Quatre-Saisons vient déjà d’y passer. Pas de réponse avant trois jours, le circuit est engorgé. Sihem demande à passer le test aussi, mais, là encore, le matériel manque. Il faut déjà présenter des symptômes pour avoir droit au dépistage. Pourtant indispensable auprès des résidents, le personnel d’entretien en a d’abord été exclu : il a fallu la protestation de plusieurs médecins, dont la docteure Bénichou, pour qu’il finisse par en bénéficier.

    Au bout de la rue, les petits dealeurs ont disparu. Rupture de stock, la marchandise n’arrive plus.

    « Vous voulez qu’on appelle votre fils ? »

    Mardi 24 mars, 8e jour de confinement. Il faut un certain temps pour comprendre à quoi tient le silence qui règne dans les étages. En fait, les télés sont éteintes, toutes ou presque. Il n’y a plus que M. Daniel encore planté devant Premier Baisers, sa série préférée, les tribulations amoureuses d’une bande de lycéens. « Pourquoi pas ? Voir des petits jeunes, ça fait du bien dans ce mouroir. » Les autres résidents ont coupé l’image et le son, malgré les mesures d’isolement. « Ça ne parle que de morts, j’en peux plus du virus », dit une infirmière à la retraite.

    Dans sa chambre, Mme X. regarde son plateau-repas sans comprendre. C’est la première à avoir été isolée. « Qu’est-ce que je dois faire ? », elle demande. Elle prend la fourchette, la repose, perdue, repères qui semblent s’effacer un à un à force de solitude. Selon Hervé, le cuistot, les résidents mangent moitié moins depuis le confinement. « Si ça continue, il faudra peut-être permettre à certains proches de venir », suggère Lorette, la psychologue.

    Elle passe de chambre en chambre.

    « Vous voulez qu’on appelle votre fils ?

    – Je ne sais pas si je vais trouver quelque chose à lui dire, c’est flou. Dites-lui que je ne suis pas maltraitée. »

    Une soignante commence les toilettes. Quel jour on est ? Elle n’arrive pas à le dire. Même pour l’équipe, le calendrier commence à se mélanger, temps en apesanteur que ne rythment plus l’école ou les activités. Les magasins autorisés ouvrent et ferment à leur guise. « Chaque minute est devenue un combat, dit la soignante. J’ai du mal à voir plus loin. »

    A la réunion du matin, Tiana l’infirmière ouvre le bal : « Je ne vous le cache pas, j’ai pleuré avant de venir. » Sara vient d’arriver, déposée en voiture par son fils. « Il ne veut pas que je me mette à côté de lui. Il me fait monter derrière comme une chienne. J’ai honte. » Elle est agent d’entretien, 56 ans. Pour la première fois depuis son mariage, son mari a appelé sa mère : « Votre fille préfère son travail à moi. » Lui est vigile, il devient fou à force de rester à la maison. Tous les soirs, il répète : « Tu vas me ramener le virus et on est dans le même lit. » Lui, le confiné, se réveille la nuit, secoué de toux. C’est nerveux, assure le médecin. Une autre dort sur le canapé. Chez une vacataire, un traversin sépare en deux le matelas conjugal. « Chez moi, on me traite comme une pestiférée. » Sa mère l’appelle tous les soirs pour la supplier de se mettre en arrêt maladie. Elle n’est pas sûre de pouvoir continuer à venir. « Je vous en demande beaucoup, vous pouvez me détester, explique Laurent Garcia. Personne ne vous en voudra si vous restez chez vous. Mais je vous en supplie, pour les résidents et les collègues, ne me prévenez pas au dernier moment. » Dans le hall, une banderole a été tendue et l’équipe pose derrière : « Merci à nos familles de nous laisser sortir. »

    « Tu crois que c’est vrai ? On m’applaudit aussi ? »

    Mercredi 25 mars, 9e jour de confinement. Pour rien au monde, Martine ne raterait le rendez-vous de 20 heures, quand les Français se mettent aux balcons pour applaudir ensemble le personnel de santé. Elle en a fait une fête avec ses filles, chacune se remaquille pour apparaître au mieux devant les voisins. Cette fois, un type l’a alpaguée à travers la chaussée, celui qui habite le pavillon en face et conduit une Volvo. « Dites-moi, vous ne seriez pas infirmière ou quelque chose comme ça ? » Martine a rougi. « Je suis aide-soignante. » Elle a encore baissé d’un ton pour préciser qu’elle travaille en Ehpad, aux Quatre-saisons, à Bagnolet. Quand le type a applaudi plus fort, en la regardant droit dans les yeux et en criant « Bravo ! », Martine a cru qu’il se moquait d’elle. Pas du tout. « C’est vous aussi qu’on remercie tous les soirs », a précisé le voisin. Elle n’y avait jamais pensé. Elle n’aurait pas osé. En général, ceux des Ehpad se trimballent une image de sous-soignants par rapport aux hôpitaux, où se ferait la « vraie » médecine. « Toi, tu torches le cul des vieux », a rigolé un jour une copine. Martine a l’habitude, à force. Elle dit même qu’elle s’en fout. A 20 h 5, en refermant la fenêtre, elle a demandé à sa grande fille : « Tu crois que c’est vrai ? On m’applaudit aussi ? »

    « Le virus, on l’a tous eu au moins cinq minutes »

    Jeudi 26 mars, 10e jour de confinement. Le gel hydroalcoolique vient d’être livré, les 15 litres à 130 euros au lieu de 75, de quoi tenir une semaine. En revanche, plus un thermomètre sur le marché. Mais la grande nouvelle est venue de M. Prono, le directeur. « A 14 heures, je vais récupérer une dotation de 350 masques. Désormais, on en aura toutes les semaines. » Il a lâché l’info à sa manière, voix contenue, l’air de ne pas y toucher, comme si c’était tout à fait normal. La docteure Bénichou et Laurent Garcia ont attendu de voir la caisse sur la table pour le croire.

    A 16 h 30 commence la première réunion où toute l’équipe porte un masque. Il y en aura deux par jour pour le personnel d’entretien et trois pour les soignants. Dommage que les embrassades soient interdites.

    Et puis, d’un coup, l’ambiance vire au tragique. Les résultats des dépistages viennent d’arriver : deux des collègues sur trois ont été testés positifs, les premiers aux Quatre-Saisons. Les yeux bougent par-dessus les masques, à toute vitesse, chacun se cherche du regard. On discute entre soi, à voix basse.

    « Tu vas le dire à ton mari ?

    – Je suis pas sûre.

    – Tu crois qu’on est obligée ?

    – En tout cas, on a franchi une étape. Qu’est-ce qui va se passer ? »

    Rosa, l’animatrice, se lève : « Je n’avais pas peur, mais oui, je vais le dire : maintenant, j’ai peur. » D’ailleurs, elle ne se sent pas très bien. « Vous me voyez ? Je pèse 90 kilos, mais j’ai une petite santé, en fait. » A bien y réfléchir, elle cumule même tous les signes du virus. La voilà qui se palpe le ventre, la tête, la gorge. « Arrêtez, Rosa : ce n’est pas la première fois que vous nous annoncez votre mort », plaisante Laurent Garcia, alias l’ambianceur – c’est son surnom depuis qu’il a abandonné sa blouse d’infirmier pour devenir cadre de santé, il y a douze ans. Lui aussi, comme tout le monde, a eu son petit coup de fatigue, un peu plus tôt dans la journée. D’une voix mourante, il a demandé à l’infirmière : « Vous pouvez me prendre ma température, s’il vous plaît ? » 36,4 °C. Retour du sourire. « Le virus, on l’a tous eu au moins cinq minutes. » Une aide-soignante le coupe. « Jurez-nous quelque chose, M. Garcia : chaque fois que quelqu’un sera touché, vous nous le direz ? »

    « Dommage, ma famille ne pourra pas venir »

    Vendredi 27 mars, 11e jour de confinement. Dans sa chambre, une résidente a mis ses photos sur ses genoux et, un à un, elle caresse les visages. Les moments lui reviennent, les mariages et les drames, la guerre aussi. Et alors ? Ils vivaient les uns avec les autres, tous ensemble. « Ne quittez pas votre chambre, vous êtes à l’isolement », lui a recommandé la soignante chargée de son étage. La résidente a pris un air penaud : « Dommage, ma famille ne pourra pas venir. » La soignante n’a rien dit. Toutes les deux savent très bien qu’elle n’a jamais aucune visite. La résidente se lève de son fauteuil. Elle monte dans l’ascenseur. Personne dans le hall en bas. Quelques pas seulement la séparent de la porte vitrée qui ouvre sur la rue. Si elle sortait ? Coups d’œil sur le trottoir. Désert aussi. C’est vrai, elle s’en souvient maintenant, la France entière est confinée. Elle l’a vu aux infos. De l’autre coté de la fenêtre, elle aperçoit une femme qui se hâte de rentrer. Une pensée lui traverse l’esprit. Et si tout le pays était devenu un gigantesque Ehpad, chacun chez soi, interdiction de sortir, rien à faire sauf manger ? Et elle se met à rire, comme elle n’avait pas ri depuis une éternité.

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    #vieux #Ehpad #société_d'abandon #le_travail_tue #masque_de_protection #gants #isolement #housses_mortuaires #soignantes #soignants #agents_d'entretien #premiers_de_corvée #Noirs #Arabes #soin #Soins_palliatifs #courage #torcher_le cul_des_vieux #in_retrospect

  • German Ventilator Manufacturer: «Absolutely Mission Impossible» - DER SPIEGEL
    https://www.spiegel.de/international/germany/german-ventilator-manufacturer-absolutely-mission-impossible-a-549d1e18-8c21

    DER SPIEGEL: Why aren’t there enough masks out there?

    Dräger: When the crisis started, speculators quickly stepped in. They bought masks by the container, and are now selling them at extortionate prices. [...]

    #spéculation #masques #covid-19 #coronavirus #sars-cov2

  • Coronavirus : derrière la pénurie de masques, une répartition opaque sur le territoire

    Alors que la polémique persiste sur le manque de #masques pour les personnels médicaux confrontés au #Covid-19, Mediacités dévoile un document interne au ministère de la Santé qui pose question : les équipements de protection sont répartis en toute opacité sur le territoire français.

    https://www.mediacites.fr/enquete/national/2020/03/30/coronavirus-derriere-la-penurie-de-masques-une-repartition-opaque-sur-le-
    #paywall
    #inégalités #opacité #distribution #répartition #France