• La #catastrophe #écologique couvait déjà il y a 50 ans

    https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/la-catastrophe-ecologique-couvait-deja-il-y-a-50-ans_168334

    En 2022, deux limites planétaires ont été dépassées. Au total, six de ces seuils fatidiques qui déterminent l’habitabilité de la Terre sont désormais dans le rouge. Une surprise ? Pas vraiment. Car il y a cinquante ans, un rapport scientifique démontrait déjà que poursuivre une croissance illimitée dans un monde aux ressources finies provoquerait une déstabilisation des équilibres planétaires, faisant courir de graves risques à l’humanité.

    Publié en 1972, traduit en 36 langues et vendu à plus de dix millions d’exemplaires, l’ouvrage intitulé « Les Limites à la #croissance » provoqua une onde de choc au sein de la communauté internationale. Il fut rédigé par quatre chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis) - Dennis et Donella Meadows, Jorgen Randers et William Behrens - spécialistes de la dynamique des systèmes, une technique de modélisation mathématique qui permet d’analyser des problèmes complexes.

    Le rapport présente les travaux de recherche réalisés sous la direction de Dennis #Meadows par 17 scientifiques de six pays (États-Unis, Norvège, Allemagne, Inde, Iran et Turquie). Il fut commandé par le Club de Rome, un groupe de réflexion rassemblant des hommes d’affaires, des scientifiques et des économistes, dans un contexte où naissent les premières ONG environnementales comme Greenpeace et le WWF, et où l’opinion publique s’inquiète des dégradations écologiques en cours.
    Une conclusion sans appel

    Pendant deux ans, l’équipe Meadows met au point un modèle mathématique permettant de prévoir l’évolution de plusieurs grandes variables : la démographie, l’activité industrielle, la production agricole, la pollution, les ressources naturelles… La conclusion est sans appel : même en misant sur des progrès technologiques ambitieux, la poursuite de la croissance aboutit inévitablement à un #effondrement du système d’ici à la fin du siècle. Autrement dit, une diminution brutale des ressources disponibles, s’accompagnant d’une dégradation des conditions de vie et d’une chute de la population mondiale.

    Selon les scénarios, cet effondrement est causé soit par une #pénurie de #ressources non #renouvelables comme le pétrole, dont le coût d’extraction devient trop important ; soit par l’érosion des terres agricoles et un niveau de #pollution si élevé qu’il affecte gravement la production alimentaire. Parmi la dizaine de scénarios étudiés, un seul permettait d’éviter le crash : celui d’une stabilisation de la démographie et d’un arrêt de la croissance économique.

    « La plupart des économistes ont jeté ce rapport à la poubelle, raconte l’économiste Gaël Giraud. En effet, l’écrasante majorité d’entre eux ne prend pas en compte, ou très peu, la question des ressources naturelles. Or, le rapport Meadows nous rappelle que le monde réel existe et que si nous ne nous en occupons pas, le retour de bâton sera sévère. » Après de nouvelles éditions publiées en 1992 et en 2004, des études ont confirmé que jusqu’ici, les prévisions du rapport se sont révélées justes (lire l’encadré ci-dessous). « Il est compliqué d’imaginer qu’on puisse pérenniser la croissance économique pendant des décennies et résoudre en même temps les problèmes environnementaux. Car 2 % de croissance par an pendant un siècle revient par exemple à multiplier par six ou sept notre production et notre consommation », explique Aurélien Boutaud, chercheur CNRS associé au laboratoire Environnement, ville, société, à Lyon, et coauteur du livre « Les Limites planétaires » (éd. La Découverte).

    Un scénario d’effondrement qui se confirme.

    Jusqu’ici, les prévisions du rapport Meadows se sont révélées justes. Elles ont été confirmées par plusieurs chercheurs, dont l’Australien Graham Turner en 2012 (tendance observée ci-dessous). L’évolution des différentes variables (nourriture, pollution, production industrielle…) correspond au scénario menant à un effondrement du système.

    À la suite des travaux de l’équipe Meadows, les scientifiques ont tenté de mieux évaluer l’impact de l’humanité sur la planète. Élaborée dans les années 1990, l’empreinte écologique mesure la quantité de surface terrestre nécessaire pour produire les biens et services que nous consommons et absorber les déchets que nous produisons. Elle permet de calculer le jour du dépassement, à partir duquel nous avons pêché plus de poissons, abattu plus d’arbres, cultivé plus de terre que ce que la nature peut nous procurer en une année - et émis plus de gaz à effet de serre que nos océans et nos forêts ne peuvent en absorber.

    En 2022, le jour du dépassement a eu lieu le 28 juillet. « Nous sommes face à un fort déficit écologique qui ne peut pas durer », s’alarme Aurélien Boutaud. Pour compléter le tableau, une équipe de recherche du Stockholm Resilience Centre, en Suède, a défini neuf limites planétaires. Parmi elles, le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, mais aussi d’autres moins connues comme les cycles de l’azote et du phosphore, ou l’acidification des océans (lire l’encadré ci-dessous).

    Six limites planétaires dans le rouge

    Les scientifiques ont identifié neuf limites planétaires qui correspondent aux processus naturels conditionnant la vie sur Terre. Pour chacune d’entre elles, est déterminé un seuil au-delà duquel existe un risque de modification et d’emballement. Deux de ces seuils biophysiques ont été dépassés en 2022 : le cycle de l’eau douce, avec un déficit de l’eau verte contenue dans les sols et la biosphère, principalement dû au changement climatique et à la déforestation ; et l’introduction d’entités nouvelles (pollution chimique) qui reflète en particulier une surabondance des déchets plastiques dans l’ensemble des milieux terrestres. La prochaine sur la liste pourrait être l’acidification des océans, une modification chimique due au surplus de CO2 dans l’air qui affecte notamment le plancton, base de toute la chaîne alimentaire marine.

    Empreinte écologique et limites planétaires offrent une vision globale de notre impact sur la planète. Une nécessité lorsqu’on sait que les différents paramètres sont étroitement liés. Si bien qu’une solution ne prenant pas en compte l’ensemble de ces facteurs pourrait, au contraire, aggraver la situation.

    L’utilisation massive d’agrocarburants pour réduire les émissions de CO2 de nos voitures et de nos avions aurait par exemple un impact majeur sur la déforestation. « Il ne s’agit pas d’avoir sans arrêt recours à des solutions de substitution. Il faut juste consommer moins d’emballages, d’énergie, de produits alimentaires transformés, etc. », explique Sandra Lavorel, écologue, membre de l’Académie des sciences, et coauteure du rapport de l’IPBES (plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques).
    Énergies fossiles et agriculture intensive pointées du doigt

    Le pas à franchir est considérable : diviser par deux notre empreinte écologique au niveau mondial, et par trois en France. « Dire qu’on arrivera à résoudre le problème par des réponses purement technologiques paraît problématique », explique Aurélien Boutaud. Le chercheur souligne l’importance de l’effet rebond : lorsqu’une nouvelle technologie permet de réduire notre impact, cette réduction est compensée par l’augmentation de la consommation. « Il faut avant tout convoquer la sobriété. La meilleure énergie, c’est celle qu’on n’utilise pas, la meilleure ressource est celle qu’on n’a pas eu besoin d’extraire », confirme Philippe Bihouix, ingénieur et auteur de « L’Âge des low tech » (éd. du Seuil).

    Deux secteurs en particulier pèsent très lourd dans notre empreinte écologique : les énergies fossiles, fortement émettrices de CO2, mais aussi l’agriculture. « Notre agriculture intensive produit beaucoup, mais détruit aussi beaucoup », souligne l’agronome Marc Dufumier, évoquant le labour qui dégrade l’humus des sols, l’impact des pesticides et des engrais sur la biodiversité et la pollution des eaux. Sans compter qu’à eux seuls, l’agriculture et l’élevage pèsent 30 % des émissions de gaz à effet de serre.

    Selon une étude de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), réduire notre consommation de viande et passer à l’agroécologie permettrait de diminuer fortement notre empreinte écologique tout en nourrissant 10 milliards de personnes en 2050. "Vous pouvez réduire de moitié votre impact individuel, mais le reste ne peut être baissé que de manière collective ", insiste Aurélien Boutaud. Un changement des modes de consommation est donc nécessaire, mais pas suffisant.

    « Nous n’avons aucune chance de résoudre le problème en gardant le modèle économique et sociétal actuel, confirme Sandra Lavorel. La question n’est pas de savoir s’il faut changer de modèle, mais de déterminer ensemble comment y parvenir. Plus nous attendons, plus les changements seront difficiles. »

  • Dennis Meadows : « Il faut mettre fin à la croissance incontrôlée, le cancer de la société »

    Dans un entretien au « Monde », le physicien, coauteur il y a cinquante ans du rapport du Club de Rome « Les Limites à la croissance », estime que l’impératif est aujourd’hui de changer « les valeurs et les objectifs » des sociétés contemporaines, qui courent à leur perte.

    Propos recueillis par Audrey Garric
    Publié le 08 avril 2022

    C’est un texte qui a fait date. En 1972, répondant à une commande du Club de Rome, un think tank basé en Suisse, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) publiaient "The Limits to Growth", un rapport montrant que la croissance économique ne pouvait se poursuivre indéfiniment dans un monde aux ressources finies. Il prévoyait que la population et la production industrielle et de nourriture finiraient par ralentir puis reculer, contraintes par les limites de la planète – disparition des ressources naturelles et capacité limitée de la Terre à absorber les émissions.

    L’un de ses coauteurs, le physicien américain Dennis Meadows, 79 ans, a répondu aux questions du Monde, à l’occasion du cinquantième anniversaire du rapport, et de la publication d’une nouvelle version de ce best-seller, le 3 mars, "Les Limites à la croissance (dans un monde fini)", aux éditions Rue de l’Echiquier (488 pages, 14,90 euros).

    Quel bilan tirez-vous, cinquante ans après la publication du rapport de 1972 ?

    Notre empreinte écologique est trop élevée : nous consommons plus de ressources que la Terre ne peut en régénérer, qu’il s’agisse de combustibles fossiles, de sols fertiles, d’eau propre, etc. En 1972, nous avions encore une chance de ralentir ce processus, et de garder la démographie et la consommation à des niveaux soutenables. L’une de nos principales conclusions était que plus nous agissions tôt, meilleurs seraient les résultats. Mais pendant cinquante ans, nous n’avons pas agi. Nous sommes donc au-delà de la capacité de la Terre à nous soutenir, de sorte que le déclin de notre civilisation à forte intensité énergétique et matérielle est inévitable. Le niveau de vie moyen va baisser, la mortalité va augmenter ou la natalité être réduite et les ressources diminueront.

    La plupart des gens pensent que l’épuisement des ressources ne nous affecte que lorsqu’il n’y a plus rien dans le sol. C’est plus complexe que cela. Les limites à la croissance sont liées au fait que, progressivement, le coût des ressources devient si élevé que nous ne pouvons plus nous permettre de les utiliser en si grandes quantités. Nous sommes actuellement dans cette situation où, par exemple, le prix du pétrole devient trop cher pour les consommateurs.

    L’un de vos scénarios prévoyait que la croissance s’arrêterait autour de 2020. Est-ce vraiment ce que l’on observe maintenant ?

    Cette possibilité est en train de se réaliser : les ressources sont de plus en plus chères, la demande est de plus en plus importante, de même que la pollution. La question est désormais de savoir non pas si mais comment la croissance va s’arrêter. Ce que nous voyons, c’est que la population diminue maintenant dans certains pays, au Japon, en Russie et bientôt en Chine. Bien sûr, le PIB continue de croître, mais ce n’est pas un bon indicateur du bien-être humain, car il augmente avec les activités néfastes telles que la réparation des dégâts de la guerre en Ukraine.

    Le PIB augmente, mais ses composantes changent. Il s’agit de plus en plus de réparer les dommages environnementaux ou de remplacer les services gratuits que nous obtenions de la Terre, comme extraire l’eau du sol et la boire sans la dépolluer. Avant, les gens s’attendaient à avoir une vie meilleure que celle de leurs parents, maintenant ils pensent que leurs enfants seront moins bien lotis parce que la société ne produit plus de véritables richesses.

    Le dépassement des limites va-t-il forcément se traduire par un effondrement ?

    Imaginez une voiture qui roule vers un mur. Elle peut s’arrêter de deux façons, soit en freinant, soit en heurtant le mur. Lors de la réédition de notre ouvrage, en 2004, il était encore possible de ralentir par une action humaine. Maintenant, je pense que c’est trop tard. Il n’y a aucune possibilité de maintenir la consommation d’énergie aux niveaux actuels ni de ramener la planète dans ses limites. Cela signifie-t-il l’effondrement ? Si vous allez aujourd’hui en Haïti, au Soudan du Sud, au Yémen ou en Afghanistan, vous pourriez conclure qu’il a en fait déjà commencé. Il y a eu tellement de civilisations, les Phéniciens, les Romains, les Mongols et, plus récemment, les Américains. Elles se développent et puis c’est leur fin. C’est notre condition humaine.

    Faut-il donc abandonner l’objectif de développement durable ou de croissance verte ?

    Le développement durable n’est plus possible. Le terme de croissance verte est utilisé par les industriels pour continuer leurs activités à l’identique. Ils ne modifient pas leurs politiques mais changent de slogan. C’est un oxymore. Nous ne pouvons pas avoir de croissance physique sans entraîner des dégâts à la planète. Les pays pauvres en ont toujours un peu besoin, mais les riches doivent passer à un développement qualitatif – améliorer l’équité, la santé, l’éducation, l’environnement.

    Pourquoi les gouvernements et les populations ne réagissent-ils pas ?

    Il y a plusieurs raisons. D’abord, parce qu’en raison de l’évolution génétique depuis des centaines de milliers d’années nous ne sommes pas faits pour penser sur le long terme, mais sur le court terme : comment survivre face aux animaux sauvages. Ensuite, en raison de notre égoïsme. Beaucoup de gens tirent de l’argent et du pouvoir à court terme grâce à la croissance, donc résistent au fait de la ralentir. Enfin, notre système politique ne récompense pas les politiciens qui auraient le courage de faire des sacrifices maintenant pour obtenir des bénéfices plus tard. Ils risquent de ne pas être réélus.

    L’autre élément majeur, c’est que la promesse de croissance infinie est devenue la base du consensus politique. Quand tout le monde comprendra que la croissance ne peut pas continuer ainsi, les changements nécessaires seront impossibles car ceux qui s’attendent à obtenir moins y feront obstacle.

    Y a-t-il un système de gouvernance qui puisse réaliser les changements nécessaires ?

    Actuellement, tous les systèmes politiques – démocraties, dictatures, anarchies – échouent à résoudre les problèmes de long terme, comme le changement climatique, la hausse de la pollution ou des inégalités. Ils ne le peuvent pas, à moins qu’il y ait un changement dans les perceptions et valeurs personnelles. Si les gens se souciaient vraiment les uns des autres, des impacts sur le long terme et dans des endroits éloignés d’eux-mêmes, alors n’importe quelle forme de gouvernement pourrait créer un avenir meilleur.

    Dans votre nouvelle préface, vous écrivez anticiper des « changements politiques d’ampleur considérable ». Lesquels ?

    Le changement climatique, l’épuisement des combustibles fossiles ou encore la pollution de l’eau vont entraîner des désordres, des chocs, des désastres et catastrophes. Or si les gens doivent choisir entre l’ordre et la liberté, ils abandonnent la seconde pour le premier. Je pense que nous allons assister à une dérive vers des formes de gouvernement autoritaires ou dictatoriales. Actuellement déjà, l’influence ou la prévalence de la démocratie diminue et dans les pays dits démocratiques comme les Etats-Unis, la vraie liberté diminue.

    Les solutions technologiques peuvent-elles nous aider ?

    Même en étant un technologue, et en ayant été un professeur d’ingénierie pendant quarante ans, je suis sceptique. Le problème ne vient pas de la technologie, mais de nos objectifs et valeurs. Si les objectifs implicites d’une société sont d’exploiter la nature, d’enrichir les élites et de faire fi du long terme, alors elle développera des technologies dans ce sens. Nous n’avons pas besoin de nouvelles technologies agricoles pour réduire la faim dans le monde. Nous devons simplement mieux redistribuer la nourriture que nous produisons. Les technologies ont par ailleurs un coût (en énergie, argent, etc.) et viendra un moment où il sera trop élevé.

    Pour sortir des énergies fossiles, vous défendez l’efficacité énergétique et le développement des renouvelables, mais pas celui du nucléaire. Pourquoi ?

    Le nucléaire est une idée terrible. A court terme, car il y a un risque d’accident catastrophique : puisqu’on ne peut pas éviter à 100 % les erreurs humaines, on ne devrait pas prendre un tel pari. A long terme, car nous allons laisser les générations futures gérer le problème des déchets pendant des milliers d’années. L’énergie renouvelable est formidable, mais il n’y a aucune chance qu’elle nous procure autant d’énergie que ce que nous obtenons actuellement des fossiles. Il n’y a pas de solution sans une réduction drastique de nos besoins en énergie.

    Aujourd’hui, à la place du développement durable, vous défendez un objectif de résilience à l’échelle locale. De quoi s’agit-il ?

    C’est la capacité à absorber les chocs et continuer à vivre, sans cesser de pourvoir aux besoins essentiels en matière de nourriture, de logement, de santé ou de travail. C’est la capacité de récupération d’une ville après un tremblement de terre, d’une forêt après un incendie. On peut le faire par soi-même, contrairement à la durabilité : on ne peut pas adopter un mode de vie durable dans un monde non durable. A l’inverse, à chaque fois que quelqu’un est plus résilient, le système le devient davantage. Il faut maintenant l’appliquer à chaque niveau, mondial, régional, communautaire, familial et personnel.

    Comment éviter les caricatures d’un retour à la bougie ou à l’âge de pierre ?

    Je pense que les problèmes entraînés par l’absence de résilience le feront pour nous. Avec la guerre en Ukraine, de nombreux pays prennent soudainement conscience qu’il serait souhaitable d’être plus résilients dans l’utilisation de l’énergie ou de la production alimentaire. Nous devrions aussi éviter le terme de décroissance, car il est principalement négatif – il met l’accent sur tous les problèmes de la croissance. Or nous savons que, pour réussir politiquement, il faut être pour quelque chose. Il faut donc trouver une image positive d’une société sans croissance : par exemple, le fait d’accéder à plus de bonheur ou à une meilleure santé.

    –En 1972, votre rapport effleurait le changement climatique. Comment la connaissance actuelle a-t-elle fait évoluer vos travaux ?

    Le changement climatique, de même que l’extinction des espèces ou l’augmentation des déchets plastiques, que l’on qualifie de problèmes, sont en fait des symptômes. La limitation du changement climatique est utile, mais revient à donner une aspirine à quelqu’un atteint d’un cancer. Cela l’aidera seulement à se sentir mieux temporairement. Il faut mettre fin à la croissance incontrôlée, le cancer de la société.

    Gardez-vous de l’espoir ?

    Pas pour cette civilisation intensive en énergie et en matériaux. Elle va disparaître et devenir quelque chose de différent. Chacun d’entre nous peut encore espérer améliorer les choses pour lui-même, mais pas pour la société globale. Les jeunes peuvent manifester autant qu’ils le veulent pour le climat, cela ne fera pas baisser le CO2 et n’empêchera pas la mer de monter. Mais peut-être que cela aidera la société à mieux s’adapter aux changements.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/08/dennis-meadows-il-faut-mettre-fin-a-la-croissance-incontrolee-le-cancer-de-l

    #croissance #décroissance #énergie #meadows

    Audrey Garric

  • (14) En finir avec les malheurs de l’#écologie - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/02/02/en-finir-avec-les-malheurs-de-l-ecologie_1776814
    #edgar_morin

    De plus les forces de résistance sont énormes : pas seulement les habitudes de pensée, mais aussi les énormes intérêts économiques qui amènent même des dirigeants d’Etat à nier les périls. Les écologistes politiques sont eux-mêmes incapables de déterminer une voie pour le problème de la #croissance ; ils ne peuvent qu’opposer #décroissance à croissance alors qu’il faudrait les complémentariser : déterminer ce qui doit croître, l’économie des besoins vitaux, l’#économie des produits salubres, l’agroécologie et l’agriculture fermière, l’économie des produits de consommation et d’usages locaux, l’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire, l’économie artisanale et néoartisanale, les subsides aux services publics, notamment hôpitaux et écoles ; ce qui doit décroître : l’économie de l’agriculture industrialisée et de la conservation industrialisée, l’économie des produits à la qualité illusoire pour beauté, santé jeunesse, l’économie des produits à obsolescence programmée, l’économie du jetable, etc.

    Ce new deal dépasserait par son ampleur la dite « transition écologique » qui réduit le problème à celui du passage d’une société non écologisée à la même société écologisée : en fait, il s’agit de la métamorphose complexe d’un type de société à une autre.

    [...]

    Un demi-siècle s’est écoulé depuis le rapport #Meadows. Mais à part chez des #géographes et des #biologistes, la science écologique demeure inconnue y compris des #écologistes. Un demi-siècle s’est écoulé depuis que la croissance a été mise en question. Elle continue, impavide, à se présenter comme solution pour l’élite #politico-techno-économique, et les écolos n’ont pu formuler la nécessité de lier les termes antagonistes de #croissance-décroissance.

    Un demi-siècle s’est écoulé depuis que le tocsin a sonné. La pollution ravage les mégapoles, la stérilisation ravage les terres arables. La cupidité économique incendie les forêts d’Amazonie, tandis que celles d’Australie brûlent faute des précautions que connaît la culture millénaire des aborigènes.