• La France 🇫🇷, la COVID et les écoles... Une triade que le monde regarde quelque peu interloqué !

    Long thread un peu beaucoup agacé ! 😤
    https://threadreaderapp.com/thread/1369386629392175113.html

    2/n
    Depuis 1 an, le discours officiel = "la pandémie de COVID ne concerne pas les enfants, peu contaminés et peu contaminants".
    Le binôme JMB et la Société Française de Pédiatrie étant restés solidaires et inébranlables dans ce déni que seul un autre pays maintient, la Suède 🇸🇪.
    3/n
    Pourtant, les données internationales montrent depuis le début de la pandémie que :
    1) l’infection est possible, et avec la même fréquence, à tous les âges (voire désormais plus fréquente chez les enfants avec le variant B.1.1.7 🇬🇧)...
    4/n
    2) charge virale similaire à tout âge ;
    3) enfants contaminés et au moins aussi contaminants que les adultes.
    Comme disait François BOURDILLON (ancien directeur de Santé Publique France), "il existe en France un déni du risque de l’épidémie à l’école"
    Covid-19 : « Il existe en France un déni du risque de l’épidémie à l’école »
    TRIBUNE. Malgré les données scientifiques démontrant le rôle des écoles dans la diffusion du virus, le gouvernement a choisi de les maintenir ouvertes. Or cette décision ne s’accompagne pas d’une stra…
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/24/en-france-il-existe-un-deni-du-risque-de-l-epidemie-a-l-ecole_6070995_3232.h
    5/n
    On sait également que les enfants ne sont pas à l’abri de COVID sévères et/ou de séquelles :
    – Syndromes inflammatoires multisystémiques pédiatriques (MIS-C ou PIMS) :

    https://twitter.com/itosettiMD_MBA/status/1357770377049604099?s=20

    – Séquelles cardiovasculaires au long cours : news.uthscsa.edu/post-covid-syn… ...
    Post-COVID syndrome severely damages children’s hearts ; ’immense inflammation’ causing cardiac blood vessel dilation - UT Health San Antonio
    Multisystem inflammatory syndrome in children (MIS-C), believed to be linked to COVID-19, damages the heart to such an extent that some children will need lifelong monitoring and interventions, said t…
    https://news.uthscsa.edu/post-covid-syndrome-severely-damages-childrens-hearts-immense-inflamma
    6/n
    – COVID longues pédiatriques :
    Unroll available on Thread Reader

    https://twitter.com/chrischirp/status/1363473889951637504?s=20

    – Diabète auto-immun induit par la COVID :

    https://twitter.com/yoncabulutmd/status/1359364725549785089?s=20

    7/n
    En limitant le recours aux tests de dépistage et en modifiant les définitions des cas contacts dans le cadre scolaire par rapport à la population générale, la France a ainsi pu masquer la circulation virale dans les établissements scolaires et chez les plus jeunes
    8/n
    Pourtant, à chaque vague, on a clairement pu noter l’impact épidémique favorable de la fermeture des établissements scolaires ; ce que les autorités mettent d’ailleurs à profit pour leur stratégie de Slow Burn avec un cycle de 6 à 8 semaines imposé par les vacances scolaires
    9/n
    Les données de l’ONS (institut national de statistiques 🇬🇧) rappellent encore l’ampleur de la diffusion virale dans les écoles à partir des taux de séroprévalence :
    – 15% des enseignants
    – 8% des enfants du primaire
    – 11% des enfants du secondaire
    ons.gov.uk/peoplepopulati…
    10/n
    Les enseignants sont également au 4ème rang des professions les plus exposées à un surrisque d’infection par SARS-CoV-2 ons.gov.uk/peoplepopulati…
    11/n
    La semaine dernière, le Pr. FONTANET a publié un éditorial dans le BMJ offrant une porte de sortie au gouvernement pour opérer un revirement sémantique digne du plus beau salto arrière de la patineuse Surya Bonaly !!!
    bmj.com/content/bmj/37…
    12/n
    Dans cet éditorial, on peut apprendre, sources à l’appui, que le virus circule dans les écoles exactement comme dans le reste de la population !!!
    Ainsi, le Pr. FONTANET réduit à néant le discours de la Société Française de Pédiatrie et de Jean-Michel BLANQUER...
    13/n
    Cependant, il offre un "sauf-conduit" de communication largement repris dans les médias : "les écoles ne jouent pas le rôle d’amplificateur de l’épidémie" 🤡😉
    Les écoles "ne jouent pas le rôle d’amplificateur" de l’épidémie, selon une étude française
    Si l’on ne peut nier la présence du virus dans les écoles, est-ce pour autant un lieu de super contamination ? Pas plus que dans le reste de la société, nous dit une étude française, qui se veut égale…
    https://www.franceinter.fr/les-ecoles-ne-jouent-pas-le-role-d-amplificateur-de-l-epidemie-selon-une
    14/n
    On passe donc d’un déni délirant ("la COVID ne concerne pas les écoles") à une rhétorique bien plus sibylline ("les écoles n’amplifient pas l’épidémie") 😅
    15/n
    Le Pr. FONTANET représente une ligne désormais décriée au sein du conseil scientifique, puisqu’il est partisan d’une stratégie de suppression virale et d’un contrôle strict des écoles à défaut de pouvoir les fermer...
    16/n
    La stratégie de suppression virale était clairement recommandée dans les avis du conseil scientifique (même si elle n’a jamais été instaurée par le gouvernement)...
    17/n
    Du moins, jusqu’à ce que l’équipe DELFRAISSY/LINA ne bascule du côté de la déclaration de Great Barrington et ne recommande l’isolement ciblé des plus âgés pour laisser le virus circuler dans le reste de la population.
    18/n
    Comme le disait le Pr. FONTANET lors d’une conférence internationale d’épidémiologistes, il faudrait fermer les écoles mais "notre Ministre de l’éducation a dit qu’il faudrait d’abord lui passer sur le corps".

    https://twitter.com/vincentglad/status/1355657246915616772?s=20

    19/n
    Dignes de la Pravda, les médias français reprennent donc uniquement 1 phrase de l’éditorial pour servir le discours politique : "les écoles ne jouent pas le rôle d’amplificateur de l’épidémie"...
    20/n
    Un peu comme la HAS qui recommande tjs à point ce dont le gouvernement a besoin pour mener sa politique ! 😉 :
    – décalage de la 2ème dose, au mépris des données immuno et recos internationales,
    – extension du vaccin AZ aux >65 ans pour combler l’angle-mort des 65-74 ans...
    21/n
    Pourtant, cet éditorial paru dans le BMJ insiste sur un point crucial : à défaut de fermer les écoles, il faut impérativement y implémenter des mesures sanitaires renforcées.
    Pourquoi ? L’éditorial répond :...
    22/n
    A) les écoles contribuent à la transmission communautaire du virus ;
    B) les enfants constituent une voie majeure d’importation du virus dans le foyer familial.
    23/n
    Pour rappel, les autorités sanitaires britanniques ont identifié depuis des mois les enfants comme étant la principale source d’importation du virus dans les foyers familiaux
    TFC : Children and transmission - update paper, 17 December 2020
    Update paper prepared by the Children’s Task and Finish Group (TFC) on children, schools and transmission.
    https://www.gov.uk/government/publications/tfc-children-and-transmission-update-paper-17-december-2020
    24/n
    Ces données montrent que la probabilité d’être le cas index du foyer (« relative external exposure ») est :
    – 7x plus élevée pour la tranche 12 – 16 ans
    – 3x plus élevée pour la tranche <12 ans
    (la comparaison est faite avec les adultes : >17 ans)... Image
    25/n
    ... La suite du thread arrive...
    26/n
    La capacité à transmettre le virus aux autres (« relative transmissability ») est aussi ↗️ chez les enfants (3x plus que chez l’adulte).
    Mais les enfants restent plus souvent asympto, ce qui complique la surveillance épidémio en l’absence de dépistage systématique à l’école
    27/n
    Une étude danoise montre le même surrisque d’infection par SARS-CoV-2 chez les adultes d’un foyer familial s’ils ont des enfants scolarisés
    Le surrisque varie de +13% à +54% selon le nombre et l’âge des enfants.
    SARS-CoV-2 infection in households with and without young children : Nationwide cohort study
    Background Infections with seasonally spreading human coronaviruses (HCoVs) are common among young children during winter months in the northern hemisphere, with immunological response lasting around …
    https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.02.28.21250921v1
    28/n
    Ce surrisque d’importation virale depuis les écoles pourrait pourtant être maîtrisé à condition d’appliquer des mesures sanitaires strictes dans les écoles...
    29/n
    Une étude épidémio 🇺🇸 montre que le surrisque d’importation virale dans le foyer familial, via les enfants scolarisés, peut-être ↘️ au niveau de la pop générale à partir de 7 à 9 mesures appliquées dans les écoles (incluant dépistage régulier, enseignement en extérieur...).
    30/n
    Les propositions de la communauté scientifique ne manquent pas, exemples :
    A)

    https://twitter.com/dgurdasani1/status/1368137796058284032?s=20

    B) ducotedelascience.org/ressources-pou…
    C)
    Covid data show sewage monitoring could be vital in infection control
    A pilot study’s analysis of schools’ wastewater shows it could be an early warning system for public health teams
    https://www.theguardian.com/world/2021/mar/07/covid-data-show-sewage-monitoring-could-be-vital-in-infection-control
    Ressources pour écoles, collèges, lycées - Du Côté de la Science
    Voici des propositions élaborées par le collectif Du Côté de la Science, pour aider les établissements scolaires à faire face aux défis posés par la pandémie de COVID-19. Cette page propose aussi des …
    https://ducotedelascience.org/ressources-pour-les-etablissements-scolaires
    31/n
    Le Pr. FONTANET fait preuve de bcp de finesse dans son édito, car tout en offrant une porte de sortie aux autorités ("pas de rôle amplificateur"), il réaffirme sa position et le consensus international sur le lien écoles/COVID = voie MAJEURE de propagation du virus
    32/n
    En effet, il rappelle clairement, sources à l’appui, que le virus circule activement dans les établissements scolaires, aussi bien entre enfants, qu’entre personnels éducatifs, ou qu’entre enfants et personnels...
    33/n
    Or, comme il le rappelle aussi, les mesures actuelles sont insuffisantes et nécessitent d’être largement renforcées (c’est d’ailleurs l’objet de cet éditorial co-signé par le Pr. Devi Sridhar qui milite activement depuis des mois pour une sécurisation des écoles 🇬🇧)...
    34/n
    Les mesures barrières ne sont pour l’instant pas assurées dans les écoles, tjs pas d’effectifs réduits en classe, tjs pas de contrôle de transmission par aérosols via gestion de l’aération des lieux clos, tjs pas de port du masque strict pour tous à tout âge...
    35/n
    JMB promettait le déploiement de tests salivaires dans les écoles. Outre une sous-dotation massive par rapport au nombre d’élèves en France, ne permettant pas un dépistage répété de tous les élèves, les 1ers objectifs sont déjà revus à la baisse ! 😅
    Tests salivaires : comment Jean-Michel Blanquer est passé de 50 000 à 3 000 tests en 24 heures
    Les tests salivaires dans les écoles, présentés comme l’ultime recours pour ne pas fermer les établissements scolaires, peinent à démarrer. Mardi, sur France Inter, le ministre de l’Education national…
    https://www.franceinter.fr/tests-salivaires-comment-jean-michel-blanquer-est-passe-de-50-000-a-3-00
    36/n
    Pour comparaison, l’Autriche a rouvert ses écoles malgré une épidémie très active, mais avec des tests salivaires obligatoires pour tous les élèves chaque lundi thelocal.at/20210112/coron…
    37/n
    Idem au Royaume-Uni, qui annonce la réouverture de ses écoles le 8 mars, mais là encore avec un dépistage obligatoire 2 fois par semaine dès le secondaire
    All households with children of school age to get 2 rapid COVID-19 tests per person per week
    Whole families and households with primary school, secondary school and college age children, including childcare and support bubbles, will be able to test themselves twice every week from home as sch…
    https://www.gov.uk/government/news/all-households-with-children-of-school-aged-to-get-rapid-covid-19-tests-per-pers
    38/n
    En France, on ne vise que quelques milliers de tests chaque semaine, en gros pour évaluer très partiellement la circulation virale dans des écoles sélectionnées dans un panel, sans aucun objectif de contrôle épidémique... Bref, encore un énième affichage sans intérêt.
    39/n
    Ainsi, on comprend comment l’épidémie se propage principalement via les écoles :
    chez les adultes, les mesures barrières sont imposées au quotidien, via les fermetures d’activités/commerces non-essentiels, télétravail, protocoles sanitaires dans les commerces avec jauges...
    40/n
    couvre-feux... Tout ceci est présenté comme efficace (au moins partiellement) pour freiner la propagation virale.
    Chez les enfants, ces mesures ne sont pas appliquées, l’enseignement reste présentiel sans mesures sanitaires renforcées ni surveillance virologique stricte...
    41/n
    Ainsi le virus diffuse facilement parmi les enfants et VIA les enfants vers les foyers familiaux.
    On comprend alors que les écoles constituent la voie MAJEURE de propagation du virus ENTRE foyers familiaux.
    42/n
    L’éditorial évoque l’argument de la souffrance psychologique, hausse des suicides. Ceci est présenté comme étant associé aux effets des confinements et des la fermeture des écoles...
    43/n
    Pourtant l’introduction du même éditorial rappelle que la France ou la Norvège comptent parmi les pays qui ont le moins recouru à la fermeture des écoles ; et la France a recouru moins fréquemment et moins strictement aux confinements que ses voisins européens !...
    44/n
    Les écoles sont restées fermées depuis des moins dans la très grande majorité des pays (cf. carte synthétique UNESCO), et dans les pays qui ont connu les confinements les plus stricts et les plus longs (Australie et Nouvelle-Zélande), les taux de suicide ont chuté !
    45/n
    On découvre donc une victime inattendue de cette pandémie : la crédibilité de la communauté médico-scientifique sortie du discours logique et scientifique, mais dans un discours auto-censuré, politique, incompatible avec l’objectivité nécessaire à l’exercice de la science...
    46/n
    Ce n’est pas au conseil scientifique de dire si les écoles doivent ouvrir/fermer. Il doit simplement présenter les données épidémio objectives afin que les autorités politiques fassent le choix de les ouvrir/fermer selon des considérations sanitaires, éco, sociologiques...
    47/n
    J’évoquais plus tôt un autre pays noyé dans le déni sur le rôle des écoles dans la propagation de l’épidémie = la Suède 🇸🇪.
    Récemment, le Pr. CASALINO (directeur médical à l’AP-HP) évoquait une étude épidémio 🇸🇪 à paraître début mars...
    48/n
    Cette étude était censée être une nouvelle preuve que les écoles n’interviennent pas dans l’épidémie de COVID !
    Outre la proximité idéologique toujours aussi forte entre modèle français et modèle suédois, il est important de souligner ce que cette étude a provoqué !!!...
    49/n
    Tout simplement un scandale international !!!
    Oscillant entre falsification de données, idéologie nauséabonde, interférence politique dans les travaux scientifiques...
    50/n
    La suite du thread arrive...
    51/n
    L’auteur principal, le Dr. Jonas Ludvigsson (pédiatre et épidémio), semble avoir caché des données liées aux COVID sévères et décès chez les enfants et enseignants, afin de construire cette étude visant à soutenir la politique d’immunité collective suivie par la 🇸🇪 :...
    52/n
    Unroll available on Thread Reader

    https://twitter.com/DrEricDing/status/1366879139341492226?s=20

    Critics slam letter in prestigious journal that downplayed COVID-19 risks to Swedish schoolchildren
    Researchers omitted data suggesting child mortality went up in the spring of 2020
    https://www.sciencemag.org/news/2021/03/critics-slam-letter-prestigious-journal-downplayed-covid-19-risks-swedis
    53/n
    Pourtant, en juillet 2020, des emails échangés entre ce même Dr. Ludvigsson et le Pr. Tegnell (épidémiologiste en chef suédois), soulignaient la surmortalité des enfants âgés de 7 à 16 ans et scolarisés
    Unroll available on Thread Reader

    https://twitter.com/DGBassani/status/1366918905411874817?s=20

    54/n
    On se rappelle également des emails impliquant le Pr. Tegnell et évoquant ouvertement la nécessité de maintenir à tout prix les écoles ouvertes afin d’entretenir la circulation active du virus dans la population pour favoriser l’immunité collective !
    thelocal.se/20200813/revea…
    55/n
    La falsification n’est pas inédite ! Exemple récent et marquant ave l’analyste américaine Rebekah Jones, licenciée après avoir alerté et refusé de falsifier les données de mortalité par COVID en la Floride. Elle est désormais emprisonnée.

    https://twitter.com/afao94/status/1368477950459383809?s=20

    56/n
    Pour mieux comprendre le scandale suédois, il faut souligner que le Dr. Ludvigsson est un des signataires de la déclaration de Great Barrington, tribune polémique soutenue par l’extrême-droite américaine, les milieux climatoseptiques...
    57/n
    Elle vise à inciter à l’isolement ciblé des plus vulnérables pour permettre une circulation active du virus dans le reste de la population, en s’appuyant sur la chimère de l’immunité collective...
    58/n
    Outre la polémique française autour des avis de la Société Française de Pédiatrie, on note les mêmes prises de positions proches de la déclaration de Great Barrington chez les pédiatres québécois !
    Des pédiatres mènent un combat d’arrière-garde contre les mesures de prévention sanitaire | Ricochet
    Depuis le début de la pandémie, des pédiatres québécois mènent une lutte d’arrière-garde contre les mesures sanitaires visant à endiguer le coronavirus. Certains d’entre eux flirtent avec la stratégie…
    https://ricochet.media/fr/3338/des-pediatres-menent-un-combat-darriere-garde-contre-les-mesures-de-prev
    59/n
    Que de telles idéologies s’observent en Suède, ce n’est pas surprenant. L’Histoire nous rappelle que ce pays déclaré "neutre" durant la seconde guerre mondiale, aurait vendu de l’acier au régime nazi...
    60/60
    La 🇸🇪 aurait aussi pratiqué des stérilisations forcées jusqu’en 1996 au nom d’un eugénisme inscrit dans sa constitution (fr.wikipedia.org/wiki/St%C3%A9r…).
    Par contre, voire un rapprochement avec le modèle suédois dans la francophonie est bien attristant !
    Stérilisation contrainte
    https://fr.wikipedia.org/wiki/St%C3%A9rilisation_contrainte

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    • Covid à l’école : « Il n’y a plus de protocole, il est à la fois insuffisant et inapplicable »

      Mara-Lisa a 35 ans. Elle est professeure de français depuis une dizaine d’années, tutrice pour les « apprentis » profs. A tort ou à raison, elle a longtemps considéré son métier comme un engagement, et a agi en petit soldat, tant qu’elle a eu l’impression que sa mission était noble.

      « Je suis une enseignante passionnée, j’adore mes élèves, j’aime enseigner, j’aime travailler en équipe avec mes collègues, me lever sans savoir exactement ce qu’il va se passer dans ma journée. Mais voilà, lundi, je crois que je n’irai pas. Nous sommes en guerre, disait Macron.

      « Résultats catastrophiques »

      « En septembre, j’ai bataillé pour le masque, expliqué sa nécessité auprès des élèves. Quand j’ai parlé à ma cheffe de la contamination par aérosol, elle m’a répondu qu’il fallait arrêter de regarder BFM, et ne pas rentrer dans des débats scientifiques.

      « En octobre, j’ai testé le taux de CO2 de beaucoup de salles de cours, la salle des profs, la cantine. Les résultats sont pour la plupart catastrophiques. Un collègue m’a demandé si mon appareil mesurait aussi le méthane émis par les pets des élèves.

      « En novembre, la moitié de mes collègues et moi-même nous sommes mobilisés : nous avons fait grève pour alerter la presse de la situation sanitaire de l’établissement, pour demander en vain des capteurs, des agents d’entretien et des surveillants supplémentaires, le changement des fenêtres.

      « En décembre, nos cours et nos évaluations ont été bousillés à la dernière minute : nous avons appris quatre jours avant les vacances que les deux dernières journées étaient facultatives pour les élèves afin de permettre aux familles un Noël plus en sécurité.

      « Conflit ouvert avec les élèves »

      « En janvier, je rentre pour la première fois de ma carrière en conflit ouvert avec une classe dont six ou sept élèves refusent sciemment de porter correctement le masque. Ils répètent que ce que je fais ne sert à rien, puisqu’ils se contamineront dans les autres cours. Ils font un scandale dès que j’ouvre une fenêtre. Ils s’insurgent car je suis « la seule à les chercher ». Ils murmurent que je serais complètement « flippée ».

      « Les surveillants sont à bout de souffle, et une AESH [Accompagnant des élèves en situation de handicap, ndlr] qui s’inquiétait de contaminer son mari à risque a disparu des radars. Mes collègues m’avouent qu’ils ont rendu les armes avec le masque : ils veulent pouvoir enseigner. Les uns avalent rapidement leur ration, seuls dans leur bagnole. D’autres mangent ensemble à la cantine ou en salle des profs. Fracture. On se déchire pour savoir si on revient à une salle par prof.

      « En ce début mars, dans ce banal collège de banlieue, avec un taux d’incidence local supérieur à 250 pour 100 000, 600 élèves se croiseront dans des tranchées couvertes de moins de deux mètres de large, à chaque heure de cours. La désinfection des tables est prévue à chaque cours, mais je ne sais pas si c’est à moi de la faire. Je suppose que oui. J’espère qu’on aura assez de lingettes désinfectantes car on nous a retiré le spray : après deux mois d’utilisation, la fiche technique nous a appris qu’il fallait pour le manipuler des gants et des lunettes de protection.

      « Et un bruit de fond qui s’installe, pourquoi s’embêter avec le masque puisque à la cantine il n’y en a pas ? Et pourquoi s’embêter avec la distanciation puisque dans la cour il n’y en a pas ? Et pourquoi pas de brassage, puisque tout le monde se croise dans les couloirs ? Il n’y a plus de protocole : sa seule performance est d’être à la fois insuffisant et inapplicable. Je ne sais pas qui il protège. Ma seule armure, c’est le masque FFP2 que mon employeur ne me fournit pas.

      « Leur mépris pour nous me déchire »

      « Mes collègues pour certains font les autruches. La tête dans le sable, ils s’adressent parfois de manière condescendante à ceux qui s’insurgent ou qui ont peur. D’autres courbent juste l’échine. D’autres encore pleurent, parfois à 8 h 24 en salle des profs. On essuie les larmes et on y va.

      « Moi, je sais que le virus est aéroporté, je sais que les Covid longs, y compris pédiatriques, existent. Je dois regarder mes élèves dans les yeux, et je pense à cette mère d’élève décédée au printemps dernier. Parce que ce sont les ordres, je participe à ce qui est au mieux une mascarade, au pire un crime. Et à chaque seconde où se déploie devant moi ce terrible spectacle de résignation collective ou de simple désinvolture, je pense à mes propres enfants que je ne protège pas non plus, eux aussi dans leur classe, eux aussi avec des enseignants broyés.

      « Alors, si je n’y vais pas lundi, n’y voyez pas un acte de résistance politique ; n’y voyez même pas l’envie de me dorer la pilule. Ce n’est qu’un effondrement personnel. J’aime mes élèves, j’aime mes enfants, je crois en mon métier, leur mépris pour nous me déchire chaque jour. Ce qu’on me demande d’accepter, c’est que ma santé, celle de mes élèves, celle de leur famille, celle de mes enfants, ne compte pas. Ce qu’on me demande, c’est de participer à un #mensonge_d’Etat.

      « Aujourd’hui, je suis le soldat sans arme qui pleure, prostré, quand sonne l’heure de l’assaut, car je ne peux plus. Je déserte, vous n’aurez qu’à me fusiller. Courage à ceux qui restent. »

      Journal d’épidémie, par Christian Lehmann

      Christian Lehmann est écrivain et médecin dans les Yvelines. Pour « Libération », il tient la chronique d’une société suspendue à l’évolution du coronavirus. Aujourd’hui, le témoignage d’une enseignante désespérée au point de déserter.

    • sur les enseignants à risques, l’étude mentionnée semble en fait être https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/healthandsocialcare/causesofdeath/bulletins/coronaviruscovid19relateddeathsbyoccupationenglandandwales/deathsregisteredbetween9marchand28december2020#deaths-involving-covid-19-in- mais ce qu’on y lit est assez différent This analysis did not find statistical evidence of a difference in the positivity rate between primary and secondary school teachers, other key workers and other professions.

    • Aussi transparent que le sont des masques revendus.

      Conférence de presse du ministre de la santé, Olivier Véran
      https://www.lemonde.fr/planete/live/2020/03/21/epidemie-due-au-coronavirus-le-premier-week-end-de-confinement-en-direct_603

      Je veux me livrer aujourd’hui a un exercice de transparence absolue et vous présenter la situation telle qu’elle est :

      Suite a de premières alertes serieuses (...) les pouvoirs publics ont décidé il y a une dizaine d’années d’équiper la France de nouveaux masques. Quels que soient les processus de décision qui ont conduit à ce que ces stocks ne soient pas renouvelés, ils se sont réduits année après année. Il ne restait notamment aucun stock d’Etat de masque FFP2.

    • Ces 50 masques par foyer qui nous manquent, ou l’affaire du rapport enterré

      Un rapport remis en mai 2019 à Santé publique France recommandait de fournir, en cas de pandémie, une boîte de 50 masques par foyer, soit un milliard d’unités au total. Dix mois plus tard et faute de stocks suffisants pour faire face au Covid-19, le gouvernement dissuade les citoyens de se couvrir le visage, y compris dans un magasin. En revanche, veuillez remettre vos exemplaires en pharmacie messieurs-dames !

      « On ne peut pas dire qu’il y a eu un défaut d’anticipation de cette crise, bien au contraire », défendait la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur CNews, lundi 23 mars. Pourtant, cette semaine encore, la pénurie de masques, de tests et de réactifs pèse sur la capacité de la France à lutter correctement contre l’épidémie de coronavirus Covid-19, dont le nombre de victimes dépassera probablement les 2.000 d’ici 24 ou 48 heures.

      Devant la représentation nationale, le ministre de la Santé concédait d’ailleurs mardi que des marchandises étaient encore attendues en provenance des Etats-Unis et de Chine.

      De l’aveu même d’Olivier Véran, interrogé le 17 mars sur France Inter, l’Etat ne dispose alors plus que de 110 millions de masques chirurgicaux dans ses stocks stratégiques, malgré les réquisitions annoncées quatre jours plus tôt par le premier ministre.

      Pis, aucun masque FFP2, plus performant, ne traîne dans ses greniers. Jusqu’en 2011, un milliard de masques chirurgicaux et 700 millions de FFP2 étaient entreposés en permanence à travers le pays.

      Des instructions ministérielles passées à partir de 2011, sous les mandats de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande, ont causé ce désarmement. L’après-H1N1 est marqué par de vives accusations de gabegie visant Roselyne Bachelot. Les gouvernements successifs mènent une politique de réduction des dépenses publiques, qui conduit l’Etat à transférer la charge des équipements de protection vers les employeurs.

      Les pouvoirs publics misent sur la capacité des usines chinoises à irriguer le marché en cas de crise. Sans anticiper l’effet qu’aurait une pandémie apparaissant précisément dans ce pays !

      Les responsabilités sont collectives, mais Emmanuel Macron ne peut toutefois pas se défausser sur ses prédécesseurs. Il était informé du problème. L’actuel directeur général de la santé, Jérôme Salomon, avait remis une note de cinq pages au futur candidat à la présidentielle le 5 septembre 2016.

      « Le risque doit être considéré comme important »

      Une alerte encore plus récente aurait pu, ou dû, amener le gouvernement à revoir sa doctrine.

      Un rapport commandé par la Direction générale de la Santé (DGS) [1] en 2016 et remis à l’agence nationale de santé publique en mai 2019 établi noir sur blanc la nécessité d’équiper la population en masques.

      Le groupe d’experts présidé par le Pr Jean-Paul Stahl formule plusieurs recommandations. Celles relatives aux masques sont exprimées en deuxième position, immédiatement après la question des antiviraux.

      « En cas de pandémie, le besoin en masques est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30 % de la population. » Cela équivaut donc à un milliard de masques. Le même nombre qu’il y a dix ans.

      « Le risque [de pandémie] doit être considéré comme important », soulignent les scientifiques, qui alertent dès la quatrième page de leur rapport sur la nécessité de faire primer les enjeux sanitaires sur les considérations d’ordre économiques.

      « Un stock peut arriver à péremption sans qu’il y ait eu besoin de l’utiliser. Cela ne remet pas en cause la nécessité d’une préparation au risque. La constitution d’un stock devrait être considérée comme le paiement d’une assurance, que l’on souhaite, malgré la dépense, ne jamais avoir besoin d’utiliser. Sa constitution ne saurait ainsi être assimilée à une dépense indue. »

      « Rapidité d’intervention »

      Ils ne précisent cependant pas la taille de ce stock, estimant qu’elle est « à considérer en fonction des capacités d’approvisionnement garanties par les fabricants ». Capacités qui, on l’a vu, se sont révélées pour le moins défaillantes, la production ayant été délocalisée en Asie. Ce rapport ne propose pas de modélisation médico-économique, en l’absence des données nécessaires, selon ses auteurs.

      Plus loin, les professionnels insistent sur la « rapidité d’intervention ». L’exemple de nos voisins helvètes guide leur préconisation.

      « La Suisse a recommandé à ses habitants de constituer un stock de 50 masques disponibles en préventif au domicile. Pour cela, la Suisse a dû créer le marché et nouer un accord avec l’industrie pour réduire les coûts d’achat (pour le fixer à environ 7 centimes). Cette recommandation a été relativement bien suivie par la population. »

      Loin d’écouter ce conseil, la France demeure en situation de pénurie plus de deux mois après la première alerte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant le Covid-19. Bien que le pic épidémique ne soit pas encore atteint et que le bilan officiel fasse déjà état, au 26 mars, de 1.696 morts dans l’hexagone, le gouvernement demande aux Français de remettre leur stock personnel en pharmacie afin d’équiper les soignants.

      Sur l’île de La Réunion, ce sont des matériels de protection périmés et parfois même moisis qui ont été livrés dans les officines par l’Agence régionale de santé.

      Autre écueil identifié par les rapporteurs, le manque de coordination entre pays voisins. Leur septième principe préalable concerne en effet « le besoin d’une collaboration européenne ». C’est pourtant tout le contraire qui s’est produit, la Commission en étant toujours à l’élaboration d’un « marché public conjoint » au 26 mars, bien après que le vieux continent est devenu l’épicentre mondial de la pandémie.

      Les pays asiatiques absents du rapport

      Ces recommandations auraient pu être encore plus strictes, mais le rapport n’est lui-même pas dépourvu de biais.

      Il s’appuie en effet sur une comparaison internationale des performances, un « benchmark », qui ne s’appuie que sur cinq pays occidentaux : le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suisse.

      Le tableau comparatif ne comporte aucun pays d’Asie, zone pourtant confrontée au premier chef par l’épidémie de Sras en 2003-2004. Aujourd’hui, les données montrent que la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, le Japon et même la Chine savent bien mieux répondre à la crise que les pays choisis par le sous-groupe d’experts.

      Le compte rendu de l’audition du Pr Fabrice Carrat est en cela révélatrice. S’il estime, au regard d’un faible corpus d’études, que « peu d’éléments factuels permettent d’affirmer que le masque est une protection très efficace dans la communauté » [l’ensemble de la population, NDR], il observe aussi que « le port du masque n’est pas culturellement admis en Europe, contrairement à ce qui est observé en Asie ».

      Notre #prophylaxie déficiente nous mène au confinement

      « L’adoption du masque diffère donc de façon très significative suivant les zones géographiques, contrairement à l’utilisation de la solution hydro-alcoolique qui est désormais mieux admise en communauté, poursuit-il. De ce fait, les recommandations devront être assorties de mesures sociales en vue d’inciter les personnes à rester à leur domicile. »

      En d’autres termes, notre prophylaxie déficiente et en particulier l’absence de campagne de prévention nous mène au confinement. Avec son cortège de défaillances économiques.

      Une étude portant sur ces différences culturelles rapidement balayées aurait-elle permis d’adapter nos méthodes ? Les experts insistent sur « l’impérieuse nécessité de communication et de pédagogie coordonnée, à destination du grand public ».

      L’intégration de spécialistes des sciences humaines et sociales dans le groupe d’experts aurait-elle corrigé cet angle mort ? On peut l’imaginer.

      Quoi qu’il en soit, il est surtout permis de douter des capacités du gouvernement à en tenir compte. Jean-Paul Stahl se demande lui-même dans Le Canard Enchaîné du 25 mars si son rapport « n’a pas servi à caler une table au ministère ». Le dogme libéral dominait toujours jusqu’au déclenchement de « la plus grave crise sanitaire qu’ait connu la France depuis un siècle ». Parole de président.

      https://ladeviation.com/agiter/rapport-masques-coronavirus-2019

  • #Violences_policières : « On est dans le #mensonge_d’Etat »

    Pour #David_Dufresne (@davduf), spécialiste de la question du #maintien_de_l’ordre, la #répression menée contre les « #gilets_jaunes » « laissera des traces dans toute une génération ».

    Hémorragie cérébrale d’un homme de 47 ans à Bordeaux, traumatisme facial d’un manifestant à Toulouse, fracture au front d’un lycéen à Orléans… L’écrivain et documentariste David Dufresne, auteur de l’enquête Maintien de l’ordre (Fayard, 2013), recense et signale les bavures policières observées lors des manifestations des « gilets jaunes ». Il dénonce le « déni politique et médiatique » de ces violences, selon lui profondément « antirépublicain ».

    Quelle est la particularité de la gestion du maintien de l’ordre en #France ?

    David Dufresne : Pendant longtemps, la France a été considérée comme la championne du maintien de l’ordre, pour une raison simple : face à des manifestations particulièrement nombreuses dans le pays, la police est entraînée. Sauf que c’est aujourd’hui un #mythe, qui s’est écroulé sous nos yeux. Le maintien de l’ordre est devenu depuis une dizaine d’années extrêmement offensif, brutal, avec des policiers qui vont au contact. Jusqu’ici, la clé était de montrer sa #force pour ne pas s’en servir.

    En Allemagne, en Angleterre, les forces de maintien de l’ordre ont mis en place tout un processus de dialogue avec les manifestants, et de #désescalade. La France a fait le choix inverse, dont découlent ces drames : environ 2 000 manifestants blessés depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », à la mi-novembre.

    La France utilise par exemple des #armes proscrites ailleurs en Europe pour ce type d’interventions, et considérées par certains fabricants comme des armes de guerre : les# lanceurs_de_balles_de_défense [les « #Flash-Ball » font partie de cette famille, mais ne sont plus utilisés que par certains policiers municipaux], les grenades #GLI-F4, qui contiennent une petite dose de #TNT et arrachent des mains. Celles-ci sont d’autant plus dangereuses qu’elles ne sont pas létales et donc utilisées de manière massive par des policiers qui pensent, de bonne foi, qu’ils ne vont pas tuer. Mais l’on assiste à des #mutilations en série, qui font le déshonneur du maintien de l’ordre à la française. Le mythe, sur lequel les politiques continuent de surfer, ne résiste pas aux faits.

    Vous effectuez un comptage des #blessés, quel est votre objectif ?

    Ce #recensement est parti d’un effet de sidération devant les violences policières exercées et devant le #silence politique et médiatique. C’est une démarche de documentariste, d’observateur de la police et de lanceur d’alerte. J’essaie de contextualiser au mieux les images que je repère. De plus en plus, les victimes ou leur famille m’envoient directement des informations. Je signale au ministère de l’intérieur les #violences, mais aussi les manquements à la #déontologie_policière. Tous ceux qui sont blessés au visage peuvent porter #plainte, car, comme l’expliquent les manuels de maintien de l’ordre, il est interdit de viser la tête.

    Sur les 300 signalements recensés [sur son compte Twitter], je compte au moins 100 #blessés_graves, dont une quinzaine de personnes éborgnées et plusieurs mains arrachées, mais aussi des #insultes et #menaces lancées par des policiers ou encore des destructions de téléphones portables. Les émeutes de 2005 se sont déroulées tous les jours, toutes les nuits, trois semaines durant, et elles ont engendré moins de débordements que lors des manifestations hebdomadaires des « gilets jaunes ».

    Que retenez-vous de ce silence autour des violences policières ?

    Aujourd’hui, ce n’est plus du silence, c’est du #déni. M. #Castaner lui-même [le ministre de l’intérieur], lundi soir, nous explique qu’il ne connaît « aucun policier qui ait attaqué un “gilet jaune” » : on est dans le mensonge d’Etat. Il y a bien des violences policières, elles sont gravissimes. Il faut remonter à octobre 1961 pour arriver à un tel déchaînement – sans comparer la situation actuelle avec les morts de la répression au métro Charonne et les Algériens jetés dans la Seine.

    La police républicaine ne peut pas tirer sur la foule sans avoir de comptes à rendre. Mais j’ai reçu quelques procès-verbaux d’audition à l’#IGPN [inspection générale de la police nationale] : elle va faire son travail d’étouffoir. Pourtant, 78 plaintes sont instruites, beaucoup plus que lors des manifestations contre la loi travail ou les émeutes de 2005, ce qui montre l’étendue des dégâts. Il y a une gêne de la police.

    Le silence médiatique fait aussi partie de la violence exercée, c’est ce qui remonte des témoignages que j’ai reçus. La police s’autorise aussi ces coups parce qu’il n’y a pas de répercussion médiatique. Ce déni politique et médiatique est antirépublicain.

    Quel est le lien entre politique et maintien de l’ordre ?

    Ce lien s’explique par l’histoire. La France est un pays de contestation. La fête nationale, c’est la prise de la Bastille, une émeute. Pour le maintien de l’ordre, la police agit sur ordre politique. Les préfets, donc l’Etat, et non pas les commissaires, décident du déploiement des forces. Ceux-ci prennent leurs ordres auprès du ministère de l’intérieur, qui les prend à l’Elysée.

    Répondre massivement aux manifestations des « gilets jaunes » est donc un #choix_politique. L’Etat fait appel à des policiers qui ne sont pas formés au maintien de l’ordre : de la #BAC [#brigade_anticriminalité], de la #BRI [#brigades_de_recherche_et_d’intervention], des #gardiens_de_la_paix… Ils ont l’habitude d’être face à des délinquants, pas des manifestants. Pour eux, la #foule est délinquante. C’est un point clé pour comprendre la centaine de blessés graves.

    Comment la doctrine a-t-elle évolué avec la crise des « gilets jaunes » ?

    J’observe que les forces de l’ordre visent de plus en plus les journalistes, empêchent les secouristes volontaires d’agir, et cassent volontiers des #téléphones_portables de personnes qui filment, comme dans une volonté d’empêcher toute #documentation des événements.

    C’est une doctrine qui va vers l’#affrontement, et donc extrêmement dangereuse. Elle laissera des traces dans toute une génération. Tous ceux qui manifestent aujourd’hui se souviendront de cette #répression_policière, qui est terrifiante.

    L’appel à des policiers non formés, le recours à des armes dangereuses, des crispations et une fatigue des forces de l’ordre, des discours martiaux du politique et un déni par Castaner de ce qui se passe – c’est un cocktail explosif. On a complètement changé d’échelle : le nombre d’interpellations, de gardes à vue, de tirs, de policiers mobilisés…

    La sortie se fera par le politique, pas par la répression, c’est évident. Tous les samedis, des gens partent manifester en sachant qu’ils peuvent perdre un œil. Tout est fait pour les dissuader de venir, ils viennent quand même.


    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/01/16/violences-policieres-on-est-dans-le-mensonge-d-etat_5409824_3224.html
    #bavures_policières #déni_politique #déni_médiatique

  • REMI FRAISSE - COMMENT LE POUVOIR A RÉÉCRIT SA MORT (site Alencontre) - Filpac CGT
    http://www.filpac.cgt.fr/spip.php?article8525

    L’article est de #Mediapart, mais je choisi cette version dont on est sûr qu’elle ne deviendra pas payante.

    Accusé d’avoir trop tardé à réagir après la mort de Rémi Fraisse, Bernard Cazeneuve se défend donc en expliquant ne pas avoir voulu interférer avec une enquête judiciaire en cours. C’est pourtant bien son ministère qui, selon nos informations, a validé le communiqué trompeur de la préfecture du Tarn, qui le dimanche 27 octobre à 9 h 55, fait croire à la France entière que « le corps d’un homme a été découvert dans la nuit de samedi à dimanche sur le site du barrage contesté de Sivens (Tarn) » , sans plus de détails.

    Alors que l’État sait déjà que le jeune #manifestant a très probablement été tué par l’explosion d’une #grenade offensive. Et que la dépouille du jeune homme, recueillie par les #gendarmes quelques instants après son décès, a déjà fait l’objet d’une première expertise médico-légale pendant la nuit.

    Cet élément de langage surréaliste, digne d’une série policière américaine, est repris en fin de journée, à 19 h 40, par un communiqué du ministère de l’intérieur : « Le corps d’un jeune homme a été découvert vers 2 h 00. Les secours ont malheureusement constaté son décès. » Pourquoi ne pas avoir écrit, tout simplement, qu’un homme avait perdu la vie lors d’affrontements avec les forces de l’ordre ?
    (...)
    Le ministère de l’intérieur prend langue avec celui de la justice, tôt dimanche 26, pour demander un communiqué du procureur d’Albi, qui n’arrive pas. La justice ne semble pas vouloir de la patate chaude. L’intérieur s’impatiente. « Par conséquent je demande au préfet, qui est sur place, en contact avec la gendarmerie de bien vouloir lui-même communiquer cette mort pour qu’on ne puisse pas nous reprocher de l’avoir cachée », explique Cazeneuve sur France Inter.

    C’est donc vers 7 h 30 du matin, selon l’entourage de Bernard Cazeneuve, que son ministère se résout à contacter la préfecture du Tarn pour lui demander de communiquer sur la mort de #Rémi_Fraisse. Comment la demande a-t-elle été formulée ? Qui a l’idée d’inventer la découverte fortuite d’un corps sur le site du barrage ? Ni la préfecture, ni le ministère ne s’en sont à ce jour expliqués. Aujourd’hui, place Beauvau, certains conviennent du bout des lèvres qu’avec le recul, ce communiqué était pour le moins incomplet et maladroit.

    Le ministre qui ne savait rien

    Bernard Cazeneuve et le général Favier, nommé au poste de DGGN par Manuel #Valls en 2013, affirment ne pas avoir eu accès aux PV d’enquête soumis au secret de l’instruction. « Les PV n’ont jamais été portés à ma connaissance », répète Bernard Cazeneuve en boucle sur France Inter. C’est possible, mais cela semble hors propos.

    Le ministre de l’intérieur est l’homme le mieux informé de la République. Lui-même et le DGGN, autorité hiérarchique des gendarmes, disposent d’autres sources d’information. Les gendarmes rendent directement compte à leur hiérarchie et au préfet, qui dirige le dispositif de maintien de l’ordre. La place Beauvau est l’un des ministères les plus centralisés et hiérarchisés, où le moindre incident remonte immédiatement, que ce soit par mail ou par téléphone.

    Dès 01 h 45, la nuit du drame, sur le journal de bord du Groupement tactique gendarmerie (GTG), les gendarmes mobiles ont ainsi indiqué : « Un opposant blessé par OF », c’est-à-dire une grenade offensive. Moins de quinze minutes plus tard, à 01 h 59, le journal du GTG indique ceci : « Opposant blessé serait décédé. Hémorragie externe au niveau du cou. » Le ministère de l’intérieur prétend ne pas avoir pris connaissance de ce document.

    Selon nos informations, le compte-rendu d’intervention de deux pages rédigé dès le lundi 27 par le lieutenant-colonel L., responsable du dispositif de Sivens, sur deux pages, est ainsi adressé à pas moins de sept destinataires en plus de la justice : à savoir la Direction générale de la gendarmerie nationale, (DGGN, Direction des opérations et de l’emploi), à la région de gendarmerie d’Aquitaine (RGAQ), au groupement du Tarn (GGD81) aux archives, ainsi qu’aux trois escadrons de gendarmes mobiles représentés à Sivens (28/2, 33/2 et 47/3).(...)

    Quant au journal de bord cité plus haut, il a dû, lui aussi, être transmis à la chaîne hiérarchique, donc au DGGN, avant d’être remis aux enquêteurs de la section des recherches de Toulouse.(...)

    La politique de l’autruche

    Sur France Inter, Bernard Cazeneuve reste dans le #déni : « La grenade offensive, qui vous dit qu’elle a été tirée sur un groupe de manifestants ? Ce n’est pas ce que disent les rapports qui m’ont été communiqués, qui disent que les règles d’usage de cette grenade ont été respectées et que la grenade a été tirée à côté du groupe. » Preuve que le ministre a bien reçu quelques rapports sur cette affaire.(...)
    Des « blessés » mis en avant

    « Il y a eu de nombreux blessés à Sivens dont on ne parle pas », insiste le ministre de l’intérieur sur France Inter, tout à son rôle de premier flic de France. Or selon nos informations, pour la nuit du 25 au 26 octobre, on ne comptera officiellement que six blessés chez les CRS (postés sur la zone jusqu’à 21 heures pour certains, et minuit pour d’autres), dont une ITT de 30 jours pour une blessure à la main, mais aucun chez les gendarmes mobiles, suréquipés et surentraînés, malgré la violence des assauts subis et le nombre de projectiles reçus entre minuit et trois heures du matin.

    Des consignes de prudence ou de fermeté ?

    Le lieutenant-colonel L., commandant du GTG, entendu comme témoin dès le 26 octobre à 4 h 30 du matin, affirme sur PV : « Je tiens à préciser que le préfet du Tarn, par l’intermédiaire du commandant de groupement, nous avait demandé de faire preuve d’une extrême fermeté vis-à-vis des opposants par rapport à toutes formes de violences envers les forces de l’ordre. »

    Depuis ces révélations, le préfet du Tarn, tout comme le ministre de l’intérieur et le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) nient avoir donné ces consignes. (...)
    Dès lors, les enquêtes judiciaire et administrative devront déterminer d’où venaient ces consignes d’extrême fermeté. Le patron de la gendarmerie, sur RTL, préfère dire que les gendarmes mobiles avaient « une mission à assurer (…) : rester sur ce secteur qu’ils doivent défendre et bien sûr être en mesure de se protéger s’ils font l’objet d’agression. Ils ont fait l’objet d’agression, ils se sont défendus. On est dans cette logique-là ». Les consignes d’apaisement, de prudence ou de modération semblent toutefois démenties par les faits. Selon nos informations, plus de 700 grenades ont été utilisées à Sivens dans la nuit où Rémi Fraisse a été tué, dont 42 offensives .(...)
    Pourquoi défendre cette « zone de vie » dans la nuit du 25 octobre ?

    Le 21 octobre, lors d’une réunion de préparation présidée par Yves Mathis, directeur de cabinet du préfet du Tarn, ce dernier avait promis que « les gendarmes ne ser(aie)nt pas placés au milieu des manifestants pour éviter les provocations » . Il n’y a plus rien à protéger sur le chantier : les engins ont été retirés. Mais après l’incendie, le vendredi soir, du seul Algeco et d’un groupe électrogène laissés sur place, et le caillassage des trois vigiles qui étaient sur place, la préfecture considère le pacte rompu, et les préoccupations matérielles reprennent le dessus. Il faut protéger la zone déboisée pour éviter que les zadistes ne s’y réinstallent et ne retardent à nouveau le début des travaux comme à Notre-Dame-Des-Landes.

    « J’ai décidé de laisser sur place les forces de l’ordre pour protéger le chantier », déclare le préfet le 9 novembre dans La Dépêche du Midi. « À ce moment-là c’était la meilleure solution, une voie médiane que j’assume. A posteriori, bien sûr que ce n’était pas une bonne décision, mais pouvait-on demander aux vigiles qui gardaient le chantier de revenir alors que le vendredi soir ils avaient été attaqués ? C’était l’assurance que le chantier ne pourrait pas reprendre le lundi ou le mardi. »

    C’est d’ailleurs avec cette mission que le préfet #Thierry_Gentilhomme a été nommé le 1er septembre 2014. Il arrive tout droit du ministère de l’intérieur où il a occupé, sous Guéant puis Valls et Cazeneuve, le poste de directeur de l’évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières et de haut fonctionnaire adjoint chargé du développement durable ( sic ).

    L’une de ses premières déclarations dans la presse du Tarn, dix jours après son arrivée, est d’ailleurs pour le projet de barrage au Testet : « Il n’y a pas d’ambiguïté, c’est un problème d’ordre public dans un État de droit qui demande le respect des procédures. Les violences sont inacceptables. Des décisions ont été rendues. Le dossier a fait l’objet de toutes les procédures nécessaires. Tout le monde a pu s’exprimer. Le chantier doit démarrer. » Fermez le ban.

    En deux mois, pourquoi aucune alerte n’a fonctionné au ministère de l’intérieur ?

    Plusieurs faits graves auraient pu alerter le ministère de l’intérieur avant la mort de Rémi Fraisse sur deux mois de tension et de harcèlement des gendarmes sur la Zad. Une vingtaine de #plaintes liées à des violences supposées des gendarmes ont été déposées par des opposants au barrage depuis début septembre auprès de la justice : expulsions sans décision de justice, mise en danger de la vie d’autrui et destruction de biens personnels, tirs de #Flashball, #tirs_tendus de grenades, interpellations violentes, etc. Ces faits sont documentés par de nombreuses vidéos mises en ligne par des militants.

    Dès le 3 septembre, un conseiller général divers gauche du Tarn, Jacques Pagès, est jeté dans un talus par des gendarmes mobiles. Le 7 octobre, lors de l’expulsion de Gazad, une jeune opposante Elsa Moulin est grièvement blessée à la main par une grenade lancée par un gendarme du Psig dans une caravane. Le 10, c’est un zadiste qui affirme avoir été blessé à la main par un tir de Flashball et fait l’objet selon son avocate de 45 jours d’ITT. Malgré les rapports que chaque policier ou gendarme doit rédiger après l’usage de ces armes, aucune enquête administrative n’est ouverte avant la mort de Rémi Fraisse.

    Et c’est une ex-ministre, Cécile Duflot, qui le 20 octobre, de retour du Testet, alerte le préfet du Tarn, puis le président de la République ainsi que le ministre de l’intérieur. Ce dernier affirme avoir ensuite donné des « consignes d’apaisement ». Mais il faudra attendre le drame de la mort de Rémi Fraisse le 26 octobre pour qu’une enquête administrative sur le maintien de l’ordre à Sivens, englobant tous ces faits, soit confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Elle doit être rendue au ministre de l’intérieur début décembre 2014.

    Pourquoi la gendarmerie répète-t-elle que la grenade offensive n’a jamais tué, malgré le précédent de 1977 ?

    Le 29 octobre, #Denis_Favier, patron de la gendarmerie nationale, affirme sur BFMTV que la grenade offensive « n’est pas une arme qui tue, c’est une arme qui déclenche un effet assourdissant ». Il souligne que la gendarmerie n’a « jamais eu de problème en maintien de l’ordre avec des grenades offensives », alors qu’il s’agit d’une « munition régulièrement engagée ».

    C’est passer sous silence la mort en 1977 de #Vital_Michalon lors d’une manifestation contre la centrale nucléaire Superphénix de Creys-Malville (Isère). Selon sa famille qui a pris la parole dans plusieurs médias, ce jeune professeur de physique de 31 ans avait été tué par une grenade offensive. « Il y a 37 ans, nous avions dit : « Plus jamais ça ! » », s’est indigné son frère Emmanuel Michalon dans Le Parisien. « Nous avions demandé, par un appel aux députés et une pétition, l’interdiction des grenades offensives contre les manifestations. Cet appel est resté lettre morte. »

    Pourtant, le général Denis Favier l’assure, 37 ans après les faits, il n’y a « pas de certitude » sur le lien entre la grenade offensive et la mort de Vital Michalon. Dans la nuit du 26 octobre, le patron de la gendarmerie indique à Bernard Cazeneuve « qu’une grenade offensive avait été lancée mais que la gendarmerie considérait qu’elle n’était pas à l’origine de la mort pour des raisons qui tiennent au fait qu’aucune grenade offensive n’a occasionné la mort de manifestants au cours des dernières années », selon le récit du ministre sur France Inter.

    Même après l’annonce par le procureur de Sivens de la piste de la grenade offensive le mardi 28 octobre, les gendarmes nient la réalité, persuadés, de bonne ou de mauvaise foi, que les grenades offensives seules ne peut tuer. « Les spécialistes se montrent catégoriques : elles ne peuvent tuer, sauf improbable concours de circonstances, écrit Le Monde le 29 octobre. Dans l’hypothèse où l’une de ces grenades aurait provoqué la mort de Rémi Fraisse, tous les experts évoquent une combinaison avec un autre élément comme un fumigène, une cartouche de gaz ou même peut-être un aérosol. »

    « Le ministère n’a d’abord rien dit, car ils cherchaient si l’autopsie et les analyses ne pourraient pas révéler la présence d’autres engins explosifs, auquel cas la grenade n’aurait été que le facteur déclencheur », décrypte aujourd’hui un haut responsable policier.

    Comment le pouvoir a organisé son irresponsabilité politique

    Fidèle à sa gestion de crise déjà entrevue dans d’autres dossiers, l’exécutif a pris soin de ne jamais trop communiquer pour ne surtout pas dégager de responsabilité politique, quitte à apparaître comme foncièrement inhumain et insensible à la mort d’un jeune homme de 21 ans. Après les développements de l’enquête judiciaire laissant entrevoir le #mensonge_d’État du pouvoir, c’est le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve qui a été laissé seul en première ligne, par #François_Hollande et Manuel Valls.

    De sources informées et recoupées, l’intervention du président de la République est survenue face au refus de son premier ministre de s’exprimer. Façon de lui forcer la main et de l’impliquer dans un dossier très délicat, où Valls aimerait ne pas apparaître du tout, lui qui a, à plusieurs reprises, affirmé qu’il ne céderait pas à Sivens comme son prédécesseur, Jean-Marc Ayrault, l’avait fait à Notre-Dame-des-Landes.

    Impossible d’imaginer pourtant, sauf à admettre une grave défaillance au sommet de l’État, que l’Élysée et Matignon n’aient pas été mis immédiatement au courant de la mort du militant écologiste. Surtout depuis que Bernard Cazeneuve a indiqué avoir été informé de ce décès dans la nuit.

    Impossible également que la mort d’un homme dans un contexte de manifestation, le premier depuis Malik Oussekine en 1986, sous un gouvernement de droite, n’ait pas immédiatement alerté les plus hautes autorités de l’État. À moins de considérer comme intelligent le fait de se draper dans l’inhumanité et le mépris. « Il est quand même étonnant de constater, avec le recul, que les réseaux écolos sont plus fiables que ceux des autorités en termes d’information », explique un dirigeant écolo.

    Difficile enfin d’imaginer que Manuel Valls, ancien ministre de l’intérieur qui connaît personnellement le patron de la gendarmerie, Denis Favier, pour l’avoir eu comme collaborateur place Beauvau (comme « conseiller gendarmerie »), ne se soit pas tenu personnellement au courant. Malgré tout, François Hollande et Manuel Valls n’ont réagi que deux jours après la mort de Rémi Fraisse, en promettant la vérité mais aussi en ciblant les écologistes et Cécile Duflot, accusés d’instrumentaliser l’affaire.

    Alors que les raisons de la cause du décès de Rémi Fraisse et le déroulé des faits ont été immédiatement connus des services de l’État, pourquoi avoir attendu si longtemps ? Comment expliquer dans ce contexte dramatique une communication si martiale notamment de la part de Manuel Valls ( « à la Clemenceau » , dit un ministre), qui a contribué à entretenir la confusion entre les militants, pour la plupart pacifiques, anti-barrage et les « casseurs » ? Comment ces deux jours ont-ils été gérés au sommet de l’État ?

    À toutes ces questions, l’exécutif oppose un lourd silence. L’Élysée, interrogée jeudi matin, s’en tient aux propos du chef de l’Etat sur TF1 le 6 novembre. « L’important est de respecter la mémoire de Rémi Fraisse et de faire toute la lumière, assure-t-on dans l’entourage de Hollande. La divulgation progressive des procès-verbaux dans la presse ne change pas notre vision des choses. » Au château, on estime que « Bernard Cazeneuve est précis, factuel » dans ses explications. Et on fait bloc derrière ce proche de François Hollande : « Le ministre de l’intérieur exprime la position de l’exécutif. »

    À Matignon, on refuse aussi de revenir sur le déroulé du week-end du drame, malgré une série de questions précises adressées aux services de Manuel Valls. « À moins qu’elles ne concernent que très directement Matignon, merci de les envoyer au ministère de l’intérieur, pleinement compétent », nous répond-on d’abord. Nos questions concernant « très directement » le rôle du premier ministre, elles ne recevront toutefois aucune réponse, autre que : « Le ministère de l’intérieur est pleinement compétent. »

    « C’est la “technique #Fouks ” dite du bathyscaphe, s’agace Cécile Duflot : on se terre en eau profonde et on attend que ça passe. » Une façon, aussi, de dresser un discret cordon de sécurité entre Matignon et la place Beauvau, alors que la défense du ministre de l’intérieur ne convainc pas, hormis ceux, très nombreux dans les rangs socialistes, qui ne veulent pas voir qu’il y a eu un dysfonctionnement. « Il ne désavoue pas Cazeneuve, mais sans plus », explique d’ailleurs un député ayant récemment rencontré Valls.

    Seul devant la presse, après les révélations de Mediapart et du Monde de mercredi, Bernard Cazeneuve organise sa défense, et se charge lui-même de convaincre les rares dirigeants PS dubitatifs, le plus souvent anciens leaders étudiants ou investis dans les réseaux de défense des droits de l’Homme. Jeudi midi, il a ainsi reçu à déjeuner les parlementaires David Assouline, Daniel Goldberg, Régis Juanico, Pascal Cherki, Fanélie Carré-Conte, ainsi que la secrétaire nationale du PS aux libertés publiques du PS, Marie-Pierre de La Gontrie, et Laura Slimani, la présidente du Mouvement des jeunes socialistes (#MJS).

    Visiblement « affecté » et voulant « rattraper le coup », aux dires d’un participant, le ministre leur annonce son intention d’interdire l’usage des grenades offensives (ce qu’il fera quelques heures plus tard), puis évoque, pour la fin de l’année, d’autres mesures sur le rapport police-citoyens, en se gardant bien de s’engager sur le #récépissé_de_contrôle_d’identité, une promesse de Hollande enterrée par Valls ministre de l’intérieur, malgré le soutien à la mesure de Jean-Marc Ayrault. Visiblement, Cazeneuve n’est pas en situation d’imposer, à l’inverse de son prédécesseur, sa vision de l’ordre républicain à son premier ministre.

    Au cours du déjeuner, Cazeneuve martèle un message clair à des convives incrédules mais acquis à sa cause : il n’est coupable d’aucune faute, car il a décidé de laisser faire la justice, c’est le préfet qui a décidé de renvoyer les gendarmes sur le site, sans qu’il en ait été informé, et c’est normal. Quand il lui est demandé comment il était possible qu’on ne lui communique pas les PV de l’expertise médico-légale, rapporte un autre présent, Cazeneuve aurait juste répondu : « Parce que nous ne sommes plus sous la droite, qu’un procureur est désigné et qu’on laisse faire la justice de façon indépendante. »

    À la sortie d’un repas ayant duré plus de deux heures, les avis de trois des participants oscillent entre « un mec sincère mais clairement pas au courant de tout, qui a trop fait confiance aux flics » et « un symbole du manque d’appréciation de ce gouvernement des dangers sur le terrain, à Sivens ». « Si tout semble avoir correctement fonctionné institutionnellement, il est évident qu’il restera une faute politique lourde, celle de ne pas avoir pris la mesure d’un manifestant mort », explique un parlementaire tentant de résumer l’opinion commune de ceux quittant la table de Beauvau.

    Avec les écologistes, l’épisode risque d’acter une rupture profonde, même si les parlementaires font encore officiellement partie de la majorité. La secrétaire nationale du mouvement, Emmanuelle Cosse, constate l’impuissance de leurs protestations, non sans amertume. « Trois semaines après la mort de Rémi Fraisse, la colère ne passe pas. Les demandes d’explications non plus, écrit-elle dans un communiqué ce vendredi. On a voulu mettre la réaction des écologistes sur le compte de la sensiblerie ou, pire, d’une envie de “récupération”. Il s’agit pourtant de demander la vérité et de répondre à de simples questions. »

    Ce jeudi, lors d’un petit déjeuner prévu de longue date avec les deux coprésidents du groupe EELV à l’assemblée, Barbara Pompilli et François de Rugy, l’intention de Manuel Valls n’était visiblement pas celle de s’attarder sur le sujet. « Il a surtout essayé de nous faire passer des messages, sur la transition écologique, la prochaine conférence de l’Onu sur le climat à Paris en 2015 ou la réforme territoriale, explique Rugy. Comme s’il fallait passer à autre chose. On lui a répondu qu’on ne pouvait traiter de sujets de travail en commun que les uns après les autres, ou au moins en parallèle avec le règlement de l’affaire de Sivens. »

    Aux yeux de Cécile Duflot, qui ne décolère pas elle non plus de la gestion du dossier par le gouvernement, l’affaire aura au moins le mérite de « montrer que s’il n’y avait pas eu d’écolos à l’Assemblée, il se serait passé la même chose qu’avec Vital Michalon à Creys-Malville il y a 37 ans : un militant écologiste pacifique meurt à cause d’une grenade policière dans l’indifférence générale, avant que l’affaire ne soit étouffée… ». (Pour information, article publié sur Mediapart, le 14 novembre 2014)

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    Mais rassurez vous, EELV votera la loi de finances qui est une loi de guerre sociale contre la population, Mediapart continuera à nous servir sa prose républicaine en prenant soin de distinguer « manifestants » et « casseurs ». La vie est ailleurs.