• Panorama des #mesures régissant l’entrée et le séjour des étrangers en #France (1972-2023)

    A l’heure de l’adoption de la révoltante « #loi_Darmanin », le #collectif_Ruptures publie une #recension de toutes les #lois régissant l’entrée et le séjour des étrangers en France. Loi après loi, #décret après décret, dispositif après #dispositif, année après année, ce panorama de la « #gestion_des_flux_migratoires » sur la période 1972-2023 vient compléter la brochure Lois répressives et autres bagatelles (France, 1974-2022) que nous avons édité au printemps.

    Ce tome 2 de Bagatelles est intégralement téléchargeable ici, et son introduction est lisible ci-dessous :
    https://collectifruptures.files.wordpress.com/2024/01/brochure_bagatelles2.pdf?force_download=true

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    Introduction

    Le 27 décembre 2023, Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) s’exprime dans Le monde sur la dernière loi votée huit jours plus tôt.
    Selon lui, « les mesures adoptées en France demeurent plus ouvertes que dans les principaux pays de l’Union européenne », et « la prise en charge de la santé des sans-papiers bien meilleure comparée à l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, le Danemark, aux Pays-Bas ou à l’Espagne ».
    On veut bien le croire. Et le remercier de nous confirmer que la montée de la gestion comptable de l’humain et de son traitement comme un simple rouage qu’on peut utiliser ou jeter selon les besoins économiques n’est pas propre à la France. En effet tous les pays cités par le directeur de l’OFII sont gérés depuis des décennies par de « bons pères de familles », tout à fait démocratiques, libéraux et propres sur eux. Remercions donc Didier Leschi pour cet éclaircissement.
    Mais pour mieux comprendre quelles sont ces « mesures », nous proposons ici de prendre un peu de recul historique, à l’échelle des cinquante dernières années.

    C’est pourquoi cette brochure recense l’ensemble des lois migratoires régissant l’entrée et le séjour des étrangers en France mises en place de 1972 à 2023.
    Elle constitue le deuxième volet d’un travail destiné à comprendre la montée d’une société de #surveillance_généralisée, mais sans les oripeaux du #fascisme historique, de façon libérale-autoritaire (1). La première partie, publiée en mai 2023, était consacrée aux lois, #arrêtés et décrets régissants la créations de fichiers informatiques et le travail de la police. Une troisième partie suivra, qui sera une recension de l’inflation technologique qui s’articule avec l’inflation juridique.
    Si le sort des Français et des étrangers est intimement lié, ils subissent un traitement différencié de la part de l’Etat. Nous avons décidé de consacrer une partie spécifique au traitement des étrangers en France pour une raison très pragmatique : la quantité très importante de lois visant spécifiquement l’entrée et le séjour des étrangers en France (d’où l’épaisseur de cette brochure : 128 pages !).

    Pourquoi avons-nous mené un tel travail ? Rappelez-vous l’été 2021 et la mise en place du pass sanitaire. Cette mesure, qui a motivé la création de notre collectif, nous est apparue comme la « goutte de trop ». Il nous a alors paru logique de nous livrer au travail de recension de toutes les gouttes précédentes, afin d’offrir un panorama de l’évolution de la législation et de mettre en perspective historique les mesures sanitaires de 2020-2021. En effet, toute personne qui s’intéresse à la surveillance, au contrôle, à la répression et la limitation de circulation des individus ne peut que constater qu’il est difficile – quasi-impossible – de suivre l’inflation de l’arsenal juridique qui régit les pratiques policières, les fichiers de collecte de données et les lois sur le séjour des étrangers. Dans nos sociétés prétendues « libérales » et « démocratiques », en matière de restriction de libertés et de répression, une loi s’empile sur la précédente, ce qui est annoncé comme un « simple projet » devient souvent rapidement une proposition de loi, puis une réalité juridique… et en route pour la suivante ! Cette brochure se veut donc une mise en perspective historique pour mieux comprendre les lois du présent.
    Précisons que nous ne proposons pas ici d’analyse, ou très peu, mais une simple #chronologie qui permet à chacun et chacune d’avoir accès à ces informations dispersées (2).

    Ruptures
    décembre 2023

    (1) Lire Grégoire Chamayou, La société ingouvernable, La fabrique, 2018.
    (2) Nos analyses sont quant à elles développées dans le journal La nouvelle vague, que nous publions régulièrement depuis décembre 2021. Voir en particulier « Réflexions sur l’autoritarisme et l’extrême-droite » (dans La nouvelle vague n°4).

    https://collectifruptures.wordpress.com/2024/01/01/loi-darmanin-et-avant
    #histoire #lois #dispositions #migrations #asile #réfugiés #séjour #frontières #ressources_pédagogiques #répression #liste

    via @karine4

  • 21.09.2023 : #Pratiques_policières & préfectorales illégales en réponse à la demande de places d’hébergement d’urgence.

    La semaine dernière, la préfecture des #Hautes-Alpes a annoncé l’arrivée, dès le jeudi 21 septembre, de 84 effectifs supplémentaires dédiés au #renforcement des contrôles à la frontière franco-italienne. Depuis, des #interpellations se multiplient autour de la frontière, jusque dans la ville de #Briançon, et même au-delà, où la #police traque les personnes exilées pour les chasser de l’#espace_public. Or, si la préfecture se targue de respecter la loi, il n’en est rien et ces pratiques policières et préfectorales sont illégales et dangereuses.

    Les pratiques en matière de contrôles des personnes exilées dans la ville de Briançon ont changé depuis jeudi dernier : chaque jour, plus d’une dizaine de personnes ont été retenues au poste de police, parfois une nuit entière, suite à des contrôles d’identité dans la ville même, fait plutôt rare jusqu’ici. Les exilé.e.s sont poursuivi.e.s au-delà même de Briançon, dans le train, les bus, et jusqu’à Paris, où vendredi matin (29 septembre) une armada de policiers les attendaient à la descente du train de nuit à la gare d’Austerlitz. La présence policière est également renforcée à Marseille, Gap ou Grenoble.

    Ces contrôles ciblent les personnes racisées, et sont suivies par des retenues au commissariat pouvant aller jusqu’à 24 heures, qui se soldent par des #mesures_d’éloignement : des #OQTF (obligation de quitter le territoire français) sans délai, parfois suivies par des placements en #CRA (centre de rétention) dans des villes éloignées, comme Toulouse.

    Dans la ville frontalière de Briançon, ces vagues d’interpellations dissuadent les personnes exilées de circuler, elles ne sont donc à l’abri de ces contrôles que dans le seul lieu d’accueil actuellement ouvert, un bâtiment occupé en autogestion. La société publique locale Eau Service de la Haute Durance, dont le président n’est autre que le maire de Briançon, M. MURGIA, a coupé l’approvisionnement en eau courante de ce bâtiment le 17 août 2023. Aggravant la précarité des personnes accueillies, cette décision a de fortes répercussions pour la santé et le respect des droits fondamentaux des personnes. (Le lieu accueillant l’association Refuges solidaires a fermé fin août, ne pouvant assurer seul l’hébergement d’urgence à Briançon.)

    Des ordres ont été donné par le préfet pour augmenter la #présence_policière dans la ville de Briançon. L’augmentation des #contrôles_d’identité viserait à prévenir la recrudescence des « #incivilités » liées au contexte de pression migratoire. Les forces de l’ordre répètent que les contrôles qu’ils opèrent dans la ville de Briançon sont des contrôles dits « Schengen », possibles dans une bande de 20 km après la frontière, visant à rechercher et prévenir la #criminalité_transfrontalière.

    Or, le fait de franchir une frontière irrégulièrement, ou de se maintenir sur le territoire français irrégulièrement ne sont pas des infractions permettant de justifier un contrôle d’identité. En aucun cas, la police ne peut déduire que la personne est étrangère à cause d’un critère inhérent à la personne contrôlée (couleur de peau, d’yeux, de cheveux, vêtements, etc..). Ces contrôles sont restreints dans le temps : pas plus de douze heures consécutives. Or, ils sont permanents dans la zone frontalière briançonnaise. Dans les faits, ce sont bien des #contrôles_au_faciès qui sont menés, car ce sont bien les personnes racisées qui sont la cible de ces contrôles, qui ne semblent justifiés par aucun motif précis. A moins que le simple fait de dormir dans la rue soit considéré cyniquement comme une infraction par l’État, ou une « incivilité » alors même que celui-ci se place dans l’illégalité en n’ouvrant pas de places d’hébergement d’urgence dans le département ? Ces contrôles au faciès font plutôt penser à une réelle volonté du préfet de supprimer la présence des personnes exilées de l’espace public.

    Par ailleurs, la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) a bien rappelé dans sa décision du 21 septembre que la France met en place des pratiques illégales en termes de contrôles et d’enfermement aux frontières intérieures, et qu’elle est tenue de se conformer aux textes européens, ce qu’elle ne fait pas.

    Ces pratiques répondent à la même logique que celle dénoncée par nos associations depuis maintenant plusieurs années à la frontière : une volonté politique d’empêcher tout prix les personnes exilées de circuler, en faisant fi des textes de loi qui encadrent à la fois les contrôles d’identité et les procédures de non-admissions sur le territoire. Aussi, la réponse de l’Etat est une fois de plus de faire croire qu’il est possible « d’étanchéifier » la frontière, en déployant pour cela des moyens dispendieux.

    Or, Médecins du Monde et Tous migrants ont mené une enquête sur une semaine à la fin du mois d’août, et les résultats de nos observations confirment ce que nous documentons depuis plusieurs années : ce dispositif de contrôle de la frontière met en danger les personnes. Il n’empêche absolument pas les personnes exilées d’entrer en France, mais accroît par contre leur vulnérabilité en rendant le passage plus difficile, plus dangereux.

    Les récits des personnes qui traversent la frontière sont édifiants : contrôles par surprise, courses-poursuites par les forces de l’ordre, qui provoquent des chutes, avec des fractures, des entorses ou encore des pertes de connaissance. Marchant en moyenne 10 heures depuis l’Italie pour atteindre Briançon, les personnes font état de leur extrême #fatigue, de #déshydratation, et du #risque_de_se_perdre en #montagne. Certain.es ont passé plus de 48 heures en montagne, parfois sans boire ni manger. Cette énième traversée de frontières avec des tentatives de passage souvent multiples s’ajoute à un parcours migratoire extrêmement éprouvant et crée de plus des #reviviscences_traumatiques susceptibles ensuite de se traduire par des altérations de la #santé_mentale. Les #récits recueillis ces dernières semaines et les observations de Médecins du Monde lors des permanences médicales confirment ces pratiques.

    La plupart des personnes qui traversent la frontière sont originaires des pays d’Afrique sub-saharienne, et plus récemment du Soudan, et relèvent du droit d’asile ou de la protection subsidiaire. Les refouler en Italie de manière systématique et collective ignore le droit d’asile européen. De même, prendre à leur encontre des mesures d’éloignement (OQTF) vers leurs pays d’origine, où elles risquent la mort ou la torture, est contraire au principe de non-refoulement (article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés).

    https://www.medecinsdumonde.org/actualite/pratiques-policieres-prefectorales-illegales-en-reponse-a-la-demand

    #asile #migrations #réfugiés #frontières #France #Italie #frontière_sud-alpine #Alpes #contrôles_frontaliers #squat #refoulements #push-backs

  • Blinne Ní Ghrálaigh: Lawyer’s closing statement in ICJ case against Israel praised

    This was the powerful closing statement in South Africa’s genocide case against Israel.

    Senior advocate #Blinne_Ní_Ghrálaigh addressed the International Court of Justice on day one of the hearing.

    ICJ: Blinne Ní Ghrálaigh’s powerful closing statement in South Africa case against Israel
    https://www.youtube.com/watch?v=ttrJd2aWF-Y&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.thenational.sco

    https://www.thenational.scot/news/24042943.blinne-ni-ghralaigh-lawyers-closing-statement-icj-case-israel

    #Cour_internationale_de_justice (#CIJ) #Israël #Palestine #Afrique_du_Sud #justice #génocide

    • Israël commet-il un génocide à #Gaza ? Le compte rendu d’une #audience historique

      Alors que les massacres israéliens à Gaza se poursuivent, l’Afrique du Sud a tenté de démontrer, jeudi 11 et vendredi 12 janvier devant la justice onusienne, qu’un génocide est en train d’être commis par Israël à Gaza.

      « Une #calomnie », selon l’État hébreu.

      Devant le palais de la Paix de #La_Haye (Pays-Bas), la bataille des #mots a commencé avant même l’audience. Jeudi 11 janvier au matin, devant la #Cour_de_justice_internationale_des_Nations_unies, des manifestants propalestiniens ont exigé un « cessez-le-feu immédiat » et dénoncé « l’#apartheid » en cours au Proche-Orient. Face à eux, des familles d’otages israélien·nes ont montré les photos de leurs proches kidnappés le 7 octobre par le Hamas.

      Pendant deux jours, devant 17 juges internationaux, alors que les massacres israéliens à Gaza continuent de tuer, de déplacer et de mutiler des civils palestiniens (à 70 % des femmes et des enfants, selon les agences onusiennes), le principal organe judiciaire des Nations unies a examiné la requête, précise et argumentée, de l’Afrique du Sud, destinée à imposer au gouvernement israélien des « #mesures
      _conservatoires » pour prévenir un génocide de la population palestinienne de Gaza.

      La première et plus urgente de ces demandes est l’arrêt immédiat des #opérations_militaires israéliennes à Gaza. Les autres exigent des mesures urgentes pour cesser les tueries, les déplacements de population, faciliter l’accès à l’eau et à la nourriture, et prévenir tout génocide.

      La cour a aussi entendu les arguments d’Israël, qui nie toute #intention_génocidaire et a martelé son « #droit_à_se_défendre, reconnu par le droit international ».

      L’affaire ne sera pas jugée sur le fond avant longtemps. La décision sur les « mesures conservatoires », elle, sera rendue « dès que possible », a indiqué la présidente de la cour, l’États-Unienne #Joan_Donoghue.

      Rien ne dit que les 17 juges (dont un Sud-Africain et un Israélien, Aharon Barak, ancien juge de la Cour suprême israélienne, de réputation progressiste mais qui n’a jamais critiqué la colonisation israélienne) donneront raison aux arguments de l’Afrique du Sud, soutenue dans sa requête par de nombreux États du Sud global. Et tout indique qu’une décision sanctionnant Israël serait rejetée par un ou plusieurs #vétos au sein du #Conseil_de_sécurité des Nations unies.

      Cette #audience solennelle, retransmise sur le site de l’ONU (revoir les débats du jeudi 11 et ceux du vendredi 12), et relayée par de nombreux médias internationaux, a pourtant revêtu un caractère extrêmement symbolique, où se sont affrontées deux lectures radicalement opposées de la tragédie en cours à Gaza.

      « Israël a franchi une limite »

      Premier à prendre la parole, l’ambassadeur sud-africain aux Pays-Bas, #Vusi_Madonsela, a d’emblée replacé « les actes et omissions génocidaires commis par l’État d’Israël » dans une « suite continue d’#actes_illicites perpétrés contre le peuple palestinien depuis 1948 ».

      Face aux juges internationaux, il a rappelé « la Nakba du peuple palestinien, conséquence de la #colonisation_israélienne qui a [...] entraîné la #dépossession, le #déplacement et la #fragmentation systématique et forcée du peuple palestinien ». Mais aussi une « #occupation qui perdure depuis cinquante-six ans, et le siège de seize ans imposé [par Israël] à la bande de Gaza ».

      Il a décrit un « régime institutionnalisé de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires, mises en place [par Israël – ndlr] pour établir sa #domination et soumettre le peuple palestinien à un apartheid », dénonçant des « décennies de violations généralisées et systématiques des #droits_humains ».

      « En tendant la main aux Palestiniens, nous faisons partie d’une seule humanité », a renchéri le ministre de la justice sud-africain, #Ronald_Ozzy_Lamola, citant l’ancien président Nelson Mandela, figure de la lutte contre l’apartheid dans son pays.

      D’emblée, il a tenté de déminer le principal argument du gouvernement israélien, selon lequel la procédure devant la Cour internationale de justice est nulle et non avenue, car Israël mènerait une #guerre_défensive contre le #Hamas, au nom du #droit_à_la_légitime_défense garanti par l’article 51 de la charte des Nations unies – un droit qui, selon la Cour internationale de justice, ne s’applique pas aux #Territoires_occupés. « Gaza est occupée. Israël a gardé le contrôle de Gaza. [...] Ses actions renforcent son occupation : la légitime défense ne s’applique pas », insistera un peu plus tard l’avocat Vaughan Lowe.

      « L’Afrique du Sud, affirme le ministre sud-africain, condamne de manière catégorique la prise pour cibles de civils par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023. Cela étant dit, aucune attaque armée contre le territoire d’un État, aussi grave soit-elle, même marquée par la commission des #crimes atroces, ne saurait constituer la moindre justification ni le moindre prétexte, pour se rendre coupable d’une violation, ni sur le plan juridique ni sur le plan moral », de la #convention_des_Nations_unies_pour_la_prévention_et_la_répression_du_crime_de_génocide, dont est accusé l’État hébreu.

      « La réponse d’Israël à l’attaque du 7 octobre, a-t-il insisté, a franchi cette limite. »

      Un « génocide » au caractère « systématique »

      #Adila_Hassim, principale avocate de l’Afrique du Sud, s’est évertuée à démontrer méthodiquement comment Israël a « commis des actes relevant de la définition d’#actes_de_génocide », dont elle a martelé le caractère « systématique ».

      « Les Palestiniens sont tués, risquent la #famine, la #déshydratation, la #maladie, et ainsi la #mort, du fait du siège qu’Israël a organisé, de la #destruction des villes, d’une aide insuffisante autorisée à atteindre la population, et de l’impossibilité à distribuer cette maigre aide sous les #bombardements incessants, a-t-elle énuméré. Tout ceci rend impossible d’avoir accès aux éléments essentiels de la vie. »

      Adila Hassim s’est attelée à démontrer en quoi la #guerre israélienne cochait les cases du génocide, tel qu’il est défini à l’article 2 de la convention onusienne : « Des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. »

      Le « meurtre des membres du groupe », premier élément du génocide ? Adila Hassim évoque le « meurtre de masse des Palestiniens », les « 23 000 victimes dont 70 % sont des femmes ou des enfants », et « les 7 000 disparus, présumés ensevelis sous les décombres ». « Il n’y a pas de lieu sûr à Gaza », dit-elle, une phrase empruntée aux responsables de l’ONU, répétée de nombreuses fois par la partie sud-africaine.

      Hasssim dénonce « une des campagnes de bombardement les plus lourdes dans l’histoire de la guerre moderne » : « 6 000 bombes par semaine dans les trois premières semaines », avec des « #bombes de 900 kilos, les plus lourdes et les plus destructrices », campagne qui vise habitations, abris, écoles, mosquées et églises, dans le nord et le sud de la bande de Gaza, camps de réfugié·es inclus.

      « Les Palestiniens sont tués quand ils cherchent à évacuer, quand ils n’ont pas évacué, quand ils ont pris la #fuite, même quand ils prennent les itinéraires présentés par Israël comme sécurisés. (...) Des centaines de familles plurigénérationelles ont été décimées, personne n’ayant survécu (...) Personne n’est épargné, pas même les nouveau-nés (...) Ces massacres ne sont rien de moins que la #destruction_de_la_vie_palestinienne, infligée de manière délibérée. » Selon l’avocate, il existe bien une #intention_de_tuer. « Israël, dit-elle, sait fort bien combien de civils perdent leur vie avec chacune de ces bombes. »

      L’« atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », et la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », autres éléments constitutifs du génocide ? Adila Hassim évoque « la mort et la #mutilation de 60 000 Palestiniens », les « civils palestiniens arrêtés et emmenés dans une destination inconnue », et détaille le « #déplacement_forcé de 85 % des Palestiniens de Gaza » depuis le 13 octobre, sans retour possible pour la plupart, et qui « répète une longue #histoire de #déplacements_forcés de masse ».

      Elle accuse Israël de « vise[r] délibérément à provoquer la faim, la déshydratation et l’inanition à grande échelle » (93 % de la population souffrent d’un niveau critique de faim, selon l’Organisation mondiale de la santé), l’aide empêchée par les bombardements et qui « ne suffit tout simplement pas », l’absence « d’eau propre », le « taux d’épidémies et de maladies infectieuses qui s’envole », mais aussi « les attaques de l’armée israélienne prenant pour cible le système de santé », « déjà paralysé par des années de blocus, impuissant face au nombre de blessures ».

      Elle évoque de nombreuses « naissances entravées », un autre élément constitutif du génocide.

      « Les génocides ne sont jamais annoncés à l’avance, conclut-elle. Mais cette cour a devant elle 13 semaines de #preuves accumulées qui démontrent de manière irréfutable l’existence d’une #ligne_de_conduite, et d’#intentions qui s’y rapportent, justifiant une allégation plausible d’actes génocidaires. »

      Une « #déshumanisation_systématique » par les dirigeants israéliens

      Un autre avocat s’avance à la barre. Après avoir rappelé que « 1 % de la population palestinienne de Gaza a été systématiquement décimée, et qu’un Gazaoui sur 40 a été blessé depuis le 7 octobre », #Tembeka_Ngcukaitobi décortique les propos des autorités israéliennes.

      « Les dirigeants politiques, les commandants militaires et les représentants de l’État d’Israël ont systématiquement et explicitement exprimé cette intention génocidaire, accuse-t-il. Ces déclarations sont ensuite reprises par des soldats, sur place à Gaza, au moment où ils anéantissent la population palestinienne et l’infrastructure de Gaza. »

      « L’intention génocidaire spécifique d’Israël, résume-t-il, repose sur la conviction que l’ennemi n’est pas simplement le Hamas, mais qu’il est à rechercher au cœur même de la société palestinienne de Gaza. »

      L’avocat multiplie les exemples, encore plus détaillés dans les 84 pages de la requête sud-africaine, d’une « intention de détruire Gaza aux plus hauts rangs de l’État » : celle du premier ministre, #Benyamin_Nétanyahou, qui, à deux reprises, a fait une référence à #Amalek, ce peuple que, dans la Bible (I Samuel XV, 3), Dieu ordonne d’exterminer ; celle du ministre de la défense, qui a comparé les Palestiniens à des « #animaux_humains » ; le président israélien #Isaac_Herzog, qui a jugé « l’entièreté de la nation » palestinienne responsable ; celle du vice-président de la Knesset, qui a appelé à « l’anéantissement de la bande de Gaza » (des propos condamnés par #Nétanyahou) ; ou encore les propos de nombreux élus et députés de la Knesset appelant à la destruction de Gaza.

      Une « déshumanisation systématique », dans laquelle les « civils sont condamnés au même titre que le Hamas », selon Tembeka Ngcukaitobi.

      « L’intention génocidaire qui anime ces déclarations n’est nullement ambiguë pour les soldats israéliens sur le terrain : elle guide leurs actes et leurs objectifs », poursuit l’avocat, qui diffuse devant les juges des vidéos où des soldats font eux aussi référence à Amalek, « se filment en train de commettre des atrocités contre les civils à Gaza à la manière des snuff movies », ou écoutent un réserviste de 95 ans les exhorter à « tirer une balle » sur leur « voisin arabe » et les encourager à une « destruction totale ».

      L’avocat dénonce le « manquement délibéré de la part du gouvernement à son obligation de condamner, de prévenir et de réprimer une telle incitation au génocide ».

      Après une plaidoirie technique sur la capacité à agir de l’Afrique du Sud, #John_Dugard insiste : « Gaza est devenu un #camp_de_concentration où un génocide est en cours. »

      L’avocat sud-africain #Max_du_Plessis exhorte la cour à agir face à Israël, qui « depuis des années (...) s’estime au-delà et au-dessus de la loi », une négligence du droit rendue possible par l’#indifférence de la communauté internationale, qui a su, dans d’autres conflits (Gambie, Bosnie, Ukraine) décider qu’il était urgent d’agir.

      « Gaza est devenu inhabitable », poursuit l’avocate irlandaise #Blinne_Ni_Ghralaigh. Elle énumère d’autres chiffres : « Au rythme actuel », égrène-t-elle, « 247 Palestiniens tués en moyenne chaque jour », dont « 48 mères » et « plus de 117 enfants », et « 629 blessés ». Elle évoque ces enfants dont toute la famille a été décimée, les secouristes, les enseignants, les universitaires et les journalistes tués dans des proportions historiques.

      « Il s’agit, dit-elle, du premier génocide de l’Histoire dont les victimes diffusent leur propre destruction en temps réel, dans l’espoir vain que le monde fasse quelque chose. » L’avocate dévoile à l’écran les derniers mots du docteur #Mahmoud_Abu_Najela (Médecins sans frontières), tué le 23 novembre à l’hôpital Al-Awda, écrits au feutre sur un tableau blanc : « À ceux qui survivront. Nous avons fait ce que nous pouvons. Souvenez-vous de nous. »

      « Le monde, conclut Blinne Ni Ghralaigh, devrait avoir #honte. »

      La réponse d’Israël : une « calomnie »

      Vendredi 12 janvier, les représentants d’Israël se sont avancés à la barre. Leur argumentation a reposé sur deux éléments principaux : un, la Cour internationale de justice n’a pas à exiger de « mesures conservatoires » car son armée ne commet aucun génocide ; deux, si génocide il y a, il a été commis par le Hamas le 7 octobre 2023.

      Premier à prendre la parole, #Tal_Becker, conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, invoque l’Histoire, et le génocide infligé aux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, « le meurtre systématique de 6 millions de juifs dans le cadre d’une destruction totale ».

      « Israël, dit-il, a été un des premiers États à ratifier la convention contre le génocide. » « Pour Israël, insiste-t-il, “#jamais_plus” n’est pas un slogan, c’est une #obligation_morale suprême. »

      Dans « une époque où on fait bon marché des mots, à l’heure des politiques identitaires et des réseaux sociaux », il dénonce une « #instrumentalisation » de la notion de génocide contre Israël.

      Il attaque une présentation sud-africaine « totalement dénaturée des faits et du droit », « délibérément manipulée et décontextualisée du conflit actuel », qualifiée de « calomnie ».

      Alors que les avocats sud-africains avaient expliqué ne pas intégrer les massacres du Hamas dans leur requête devant la justice onusienne, car « le Hamas n’est pas un État », Tal Becker estime que l’Afrique du Sud « a pris le parti d’effacer l’histoire juive et tout acte ou responsabilité palestiniens », et que les arguments avancés « ne se distinguent guère de ceux opposés par le Hamas dans son rejet d’Israël ». « L’Afrique du Sud entretient des rapports étroits avec le Hamas » et le « soutient », accuse-t-il.

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », dit-il en revenant longuement, images et enregistrements à l’appui, sur les atrocités commises par le Hamas et d’autres groupes palestiniens le 7 octobre, « le plus important massacre de juifs en un jour depuis la #Shoah ».

      « S’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël », dit-il, évoquant le « #programme_d’annihilation » des juifs par le Hamas. « Israël ne veut pas détruire un peuple, poursuit-il. Mais protéger un peuple : le sien. »

      Becker salue les familles d’otages israéliens présentes dans la salle d’audience, et montre certains visages des 130 personnes kidnappées dont le pays est toujours sans nouvelle. « Y a-t-il une raison de penser que les personnes que vous voyez à l’écran ne méritent pas d’être protégées ? », interroge-t-il.

      Pour ce représentant de l’État israélien, la demande sud-africaine de mesures conservatoires revient à priver le pays de son droit à se défendre.

      « Israël, poursuit-il, se défend contre le Hamas, le Djihad palestinien et d’autres organisations terroristes dont la brutalité est sans limite. Les souffrances sont tragiques, sont déchirantes. Les conséquences sont parfaitement atroces pour les civils du fait du comportement du Hamas, qui cherche à maximiser les pertes de civils alors qu’Israël cherche à les minorer. »

      Becker s’attarde sur la « #stratégie_méprisable » du Hamas, une « méthode de guerre intégrée, planifiée, de grande ampleur et odieuse ». Le Hamas, accuse-t-il, « a, de manière systématique, fondu ses opérations militaires au sein de zones civiles densément peuplées », citant écoles, mosquées et hôpitaux, des « milliers de bâtiments piégés » et « utilisés à des fins militaires ».

      Le Hamas « a fait entrer une quantité innombrable d’armes, a détourné l’aide humanitaire ». Remettant en cause le chiffre « non vérifié » de 23 000 victimes (pourtant confirmé par les Nations unies), Tal Becker estime que de nombreuses victimes palestiniennes sont des « militants » qui ont pu prendre « une part directe aux hostilités ». « Israël respecte le droit », martèle-t-il. « Si le Hamas abandonne cette stratégie, libère les otages, hostilités et violences prendront fin. »

      Ponte britannique du droit, spécialiste des questions juridiques liées aux génocides, #Malcom_Shaw embraie, toujours en défense d’Israël. Son discours, technique, est parfois interrompu. Il se perd une première fois dans ses notes, puis soupçonne un membre de son équipe d’avoir « pris [sa] #plaidoirie pour un jeu de cartes ».

      Shaw insiste : « Un conflit armé coûte des vies. » Mais Israël, dit-il, « a le droit de se défendre dans le respect du #droit_humanitaire », citant à l’audience les propos de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 19 octobre 2023. Il poursuit : « L’#usage_de_la_force ne peut constituer en soi un acte génocidaire. » « Israël, jure-t-il, ne cible que les cibles militaires, et ceci de manière proportionnée dans chacun des cas. »

      « Peu d’éléments démontrent qu’Israël a eu, ou a, l’intention de détruire tout ou partie du peuple palestinien », plaide-t-il. Shaw estime que nombre de propos tenus par des politiciens israéliens ne doivent pas être pris en compte, car ils sont « pris au hasard et sont sortis de leur contexte », parce qu’ils témoignent d’une « #détresse » face aux massacres du 7 octobre, et que ceux qui les ont prononcés n’appartiennent pas aux « autorités pertinentes » qui prennent les décisions militaires, à savoir le « comité ministériel chargé de la sécurité nationale » et le « cabinet de guerre ».

      Pour étayer son argumentation, Shaw cite des directives (non publiques) de Benyamin Nétanyahou destinées, selon lui, à « éviter un désastre humanitaire », à proposer des « solutions pour l’approvisionnement en eau », « promouvoir la construction d’hôpitaux de campagne au sud de la bande de Gaza » ; les déclarations publiques de Benyamin Nétanyahou à la veille de l’audience (« Israël n’a pas l’intention d’occuper de façon permanente la bande de Gaza ou de déplacer sa population civile ») ; d’autres citations du ministre de la défense qui assure ne pas s’attaquer au peuple palestinien dans son ensemble.

      « La requête de l’Afrique du Sud brosse un tableau affreux, mais incomplet et profondément biaisé », renchérit #Galit_Rajuan, conseillère au ministère de la justice israélien, qui revient longuement sur les #responsabilités du Hamas, sa stratégie militaire au cœur de la population palestinienne. « Dans chacun des hôpitaux que les forces armées israéliennes ont fouillés à Gaza, elles ont trouvé des preuves d’utilisation militaire par le Hamas », avance-t-elle, des allégations contestées.

      « Certes, des dommages et dégâts ont été causés par les hostilités dans les hôpitaux, parfois par les forces armées israéliennes, parfois par le Hamas, reconnaît-elle, mais il s’agit des conséquences de l’utilisation odieuse de ces hôpitaux par le Hamas. »

      Rajuan martèle enfin qu’Israël cherche à « atténuer les dommages causés aux civils » et à « faciliter l’aide humanitaire ». Des arguments connus, que de très nombreuses ONG, agences des Nations unies et journalistes gazaouis présents sur place réfutent régulièrement, et que les journalistes étrangers ne peuvent pas vérifier, faute d’accès à la bande de Gaza.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/120124/israel-commet-il-un-genocide-gaza-le-compte-rendu-d-une-audience-historiqu

    • Gaza, l’accusa di genocidio a Israele e la credibilità del diritto internazionale

      Il Sudafrica ha chiesto l’intervento della Corte internazionale di giustizia dell’Aja per presunte violazioni di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948. Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, presente alla storica udienza, aiuta a comprendere il merito e le prospettive

      “Quello che sta succedendo all’Aja ha un significato che va oltre gli eventi in corso nella Striscia di Gaza. Viviamo un momento storico in cui la Corte internazionale di giustizia (Icj) ha anche la responsabilità di confermare se il diritto internazionale esiste ancora e se vale alla stessa maniera per tutti i Paesi, del Nord e del Sud del mondo”. A parlare è Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, già nel team legale delle vittime di Gaza di fronte alla Corte penale internazionale (Icc), che ha sede sempre all’Aja.

      Non vanno confuse: l’aula di tribunale ripresa dalle tv di tutto il mondo l’11 e il 12 gennaio scorsi, infatti, con il team legale sudafricano schierato contro quello israeliano, è quella della Corte internazionale di giustizia, il massimo organo giudiziario delle Nazioni Unite, che si esprime sulle controversie tra Stati. L’Icc, invece, è indipendente e legifera sulle responsabilità penali individuali.

      Il 29 dicembre scorso il Sudafrica ha chiesto l’intervento della prima per presunte violazioni da parte di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948, nei confronti dei palestinesi della Striscia di Gaza. Un’udienza storica a cui Mariniello era presente.

      Professore, qual era innanzi tutto l’atmosfera?
      TM A mia memoria mai uno strumento del diritto internazionale ha avuto tanto sostegno e popolarità. C’erano centinaia, probabilmente migliaia di persone all’esterno della Corte, emittenti di tutto il mondo e apparati di sicurezza, inclusi droni ed elicotteri. Sentire anche le tv più conservatrici, come quelle statunitensi, parlare di Palestina e genocidio faceva comprendere ancora di più l’importanza storica dell’evento.

      In estrema sintesi, quali sono gli elementi più importanti della tesi sudafricana?
      TM Il Sudafrica sostiene che Israele abbia commesso atti di genocidio contro la popolazione di Gaza, ciò significa una serie di azioni previste dall’articolo 2 della Convenzione sul genocidio, effettuate con l’intento di distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto, in questo caso i palestinesi di Gaza. Questi atti, per il Sudafrica, sono omicidi di massa, gravi lesioni fisiche o mentali e l’imposizione di condizioni di vita volte a distruggere i palestinesi, come l’evacuazione forzata di circa due milioni di loro, la distruzione di quasi tutto il sistema sanitario della Striscia, l’assedio totale all’inizio della guerra e la privazione di beni essenziali per la sopravvivenza. Ciò che caratterizza un genocidio rispetto ad altri crimini internazionali è il cosiddetto “intento speciale”, la volontà cioè di voler distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto. È l’elemento più difficile da provare, ma credo che il Sudafrica in questo sia riuscito in maniera solida e convincente. Sia in aula sia all’interno della memoria di 84 pagine presentata, vi sono, infatti, una serie di dichiarazioni dei leader politici e militari israeliani, che proverebbero tale intento. Come quella del premier Benjamin Netanyahu che, a inizio guerra, ha invocato la citazione biblica di Amalek, che sostanzialmente significa: “Uccidete tutti gli uomini, le donne, i bambini e gli animali”. O una dichiarazione del ministro della Difesa, Yoav Gallant, che ha detto che a Gaza sono tutti “animali umani”. Queste sono classiche dichiarazioni deumanizzanti e la deumanizzazione è un passaggio caratterizzante tutti i genocidi che abbiamo visto nella storia dell’umanità.

      Qual è stata invece la linea difensiva israeliana?
      TM Diciamo che l’impianto difensivo di Israele è basato su tre pilastri: il fatto che quello di cui lo si accusa è stato eseguito da Hamas il 7 ottobre; il concetto di autodifesa, cioè che quanto fatto a Gaza è avvenuto in risposta a tale attacco e, infine, che sono state adottate una serie di precauzioni per limitare l’impatto delle ostilità sulla popolazione civile. Israele, inoltre, ha sollevato il tema della giurisdizione della Corte, mettendola in discussione, in quanto non vi sarebbe una disputa in corso col Sudafrica. Su questo la Corte si dovrà pronunciare, ma a tal proposito è stato ricordato come Israele sia stato contattato dal Sudafrica in merito all’accusa di genocidio e non abbia risposto. Questo, per l’accusa, varrebbe come disputa in corso.

      Che cosa chiede il Sudafrica?
      TM In questo momento l’accusa non deve dimostrare che sia stato commesso un genocidio, ma che sia plausibile. Questa non è un’udienza nel merito, siamo in una fase d’urgenza, ma di richiesta di misure cautelari. Innanzitutto chiede il cessate fuoco, poi la rescissione di tutti gli ordini che possono costituire atti di genocidio. Si domanda alla Corte di imporre un ordine a Israele per preservare tutte le prove che potrebbero essere utili per indagini future e di porre fine a tutti gli atti di cui il Sudafrica lo ritiene responsabile.

      Come valuta le due memorie?
      TM La deposizione del Sudafrica è molto solida e convincente, sia in merito agli atti genocidi sia all’intento genocidiario. E credo che anche alla luce dei precedenti della Corte lasci veramente poco spazio di manovra. Uno dei punti di forza è che fornisce anche una serie di prove in merito a quello che è successo e che sta accadendo a Gaza: le dichiarazioni dei politici israeliani, cioè, hanno ricevuto un’implementazione sul campo. Sono stati mostrati dei video di militari, ad esempio, che invocavano Amalek, la citazione di Netanyahu.

      In realtà il Sudafrica non si limita allo scontro in atto, ma parla di una sorta Nakba (l’esodo forzato dei palestinesi) ininterrotto.
      TM Ogni giurista dovrebbe sempre analizzare qualsiasi ostilità all’interno di un contesto e per questo il Sudafrica fa riferimento a 75 anni di Nakba, a 56 di occupazione militare israeliana e a 16 anni di assedio della Striscia.

      Come valuta la difesa israeliana?
      TM Come detto, tutto viene ricondotto all’attacco di Hamas del 7 ottobre e a una risposta di autodifesa rispetto a tale attacco. Ma esiste sempre un contesto per il diritto penale internazionale e l’autodifesa -che per uno Stato occupante non può essere invocata- non può comunque giustificare un genocidio. L’altro elemento sottolineato dal team israeliano, delle misure messe in atto per ridurre l’impatto sui civili, è sembrato più retorico che altro: quanto avvenuto negli ultimi tre mesi smentisce tali dichiarazioni. Basti pensare alla privazione di beni essenziali e a tutte le informazioni raccolte dalle organizzazioni internazionali e dagli organismi delle Nazioni Unite. A Gaza non esistono zone sicure, ci sono stati casi in cui la popolazione evacuata, rifugiatasi nelle zone indicate da Israele, è stata comunque bombardata.

      Ora che cosa pensa succederà?
      TM La mia previsione è che la Corte si pronuncerà sulle misure cautelari entro la fine di gennaio e l’inizio di febbraio, quando alcuni giudici decadranno e saranno sostituiti. In alcuni casi ha impiegato anche solo otto giorni per pronunciarsi. Ora ci sono delle questioni procedurali, altri Stati stanno decidendo di costituirsi a sostegno di Israele o del Sudafrica.

      Che cosa implica tale sostegno?
      TM La possibilità di presentare delle memorie. La Germania sosterrà Israele, il Brasile, i Paesi della Lega Araba, molti Stati sudamericani, ma non solo, si stanno schierando con il Sudafrica.

      Il ministro degli Esteri italiano, Antonio Tajani, ha dichiarato che non si tratta di genocidio.
      TM L’Italia non appoggerà formalmente Israele dinnanzi all’Icj. La Francia sarà neutrale. I Paesi del Global South stanno costringendo quelli del Nord a verificare la credibilità del diritto internazionale: vale per tutti o è un diritto à la carte?

      Se la Corte decidesse per il cessate il fuoco, quali sarebbero le conseguenze, visto che non ha potere politico?
      TM Il parere della Corte è giuridicamente vincolante. Il problema è effettivamente di esecuzione: nel caso di un cessate il fuoco, se non fosse Israele ad attuarlo, dovrebbe intervenire il Consiglio di sicurezza.

      Con il rischio del veto statunitense.
      TM Siamo sul terreno delle speculazioni, ma se la Corte dovesse giungere alla conclusione che Israele è responsabile di un genocidio a Gaza, onestamente riterrei molto difficile un altro veto degli Stati Uniti. È difficile al momento prevedere gli effetti dirompenti di un’eventuale decisione positiva della Corte. Certo è che, quando si parla di Israele, la comunità internazionale, nel senso dei Paesi occidentali, ha creato uno stato di eccezione, che ha sempre posto Israele al di sopra del diritto internazionale, senza rendersi conto che le situazioni violente che viviamo in quel contesto sono il frutto di questo eccezionalismo anche a livello giuridico. Fino a quando si andrà avanti con questo contesto di impunità non finiranno le spirali di violenza.

      https://altreconomia.it/gaza-laccusa-di-genocidio-a-israele-e-la-credibilita-del-diritto-intern

    • La Cour internationale de justice ordonne à Israël d’empêcher un génocide à Gaza

      Selon la plus haute instance judiciaire internationale, « il existe un #risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé » aux Palestiniens de Gaza. La Cour demande à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission […] de tout acte » de génocide. Mais n’appelle pas au cessez-le-feu.

      Même si elle n’a aucune chance d’être appliquée sur le terrain, la #décision prise vendredi 26 janvier par la plus haute instance judiciaire des Nations unies marque incontestablement un tournant dans la guerre au Proche-Orient. Elle intervient après quatre mois de conflit déclenché par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, qui a fait plus de 1 200 morts et des milliers de blessés, conduit à la prise en otage de 240 personnes, et entraîné l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, dont le dernier bilan s’élève à plus de 25 000 morts.

      La Cour internationale de justice (CIJ), basée à La Haye (Pays-Bas), a expliqué, par la voix de sa présidente, la juge Joan Donoghue, « être pleinement consciente de l’ampleur de la #tragédie_humaine qui se joue dans la région et nourri[r] de fortes #inquiétudes quant aux victimes et aux #souffrances_humaines que l’on continue d’y déplorer ». Elle a ordonné à Israël de « prendre toutes les #mesures en son pouvoir pour prévenir la commission à l’encontre des Palestiniens de Gaza de tout acte » de génocide.

      « Israël doit veiller avec effet immédiat à ce que son armée ne commette aucun des actes » de génocide, affirme l’#ordonnance. Elle « considère également qu’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ».

      La cour de La Haye, saisie à la suite d’une plainte de l’Afrique du Sud, demande « en outre » à l’État hébreu de « prendre sans délai des #mesures_effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’#aide_humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ».

      Enfin, l’ordonnance de la CIJ ordonne aux autorités israéliennes de « prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des #éléments_de_preuve relatifs aux allégations d’actes » de génocide.

      La juge #Joan_Donoghue, qui a donné lecture de la décision, a insisté sur son caractère provisoire, qui ne préjuge en rien de son futur jugement sur le fond des accusations d’actes de génocide. Celles-ci ne seront tranchées que dans plusieurs années, après instruction.

      La cour « ne peut, à ce stade, conclure de façon définitive sur les faits » et sa décision sur les #mesures_conservatoires « laisse intact le droit de chacune des parties de faire valoir à cet égard ses moyens » en vue des audiences sur le fond, a-t-elle poursuivi.

      Elle considère cependant que « les faits et circonstances » rapportés par les observateurs « suffisent pour conclure qu’au moins certains des droits » des Palestiniens sont mis en danger et qu’il existe « un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé ».

      Environ 70 % de #victimes_civiles

      La CIJ avait été saisie le 29 décembre 2023 par l’Afrique du Sud qui, dans sa requête, accuse notamment Israël d’avoir violé l’article 2 de la Convention de 1948 sur le génocide, laquelle interdit, outre le meurtre, « l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe » visé par le génocide, l’imposition de « conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » ou encore les « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».

      Le recours décrit longuement une opération militaire israélienne qualifiée d’« exceptionnellement brutale », « tuant des Palestiniens à Gaza, incluant une large proportion de femmes et d’enfants – pour un décompte estimé à environ 70 % des plus de 21 110 morts [au moment de la rédaction du recours par l’Afrique du Sud – ndlr] –, certains d’entre eux apparaissant avoir été exécutés sommairement ».

      Il soulignait également les conséquences humanitaires du déplacement massif des populations et de la destruction massive de logements et d’équipements publics, dont des écoles et des hôpitaux.

      Lors des deux demi-journées d’audience, jeudi 11 et vendredi 12 janvier, le conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, Tal Becker, avait dénoncé une « instrumentalisation » de la notion de génocide et qualifié l’accusation sud-africaine de « calomnie ».

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », avait poursuivi le représentant israélien, affirmant que « s’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël ». « Israël ne veut pas détruire un peuple mais protéger un peuple : le sien. »
      Gaza, « lieu de mort et de désespoir »

      La CIJ, de son côté, a fondé sa décision sur les différents rapports et constatations fournis par des organisations internationales. Elle cite notamment la lettre du 5 janvier 2024 du secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, décrivant la bande de Gaza comme un « lieu de mort et de désespoir ».

      L’ordonnance rappelle qu’un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 21 décembre 2023 s’alarmait du fait que « 93 % de la population de Gaza, chiffre sans précédent, est confrontée à une situation de crise alimentaire ».

      Le 12 janvier 2024, c’est l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui lançait un cri d’alerte. « Cela fait maintenant 100 jours que cette guerre dévastatrice a commencé, que la population de Gaza est décimée et déplacée, suite aux horribles attaques perpétrées par le Hamas et d’autres groupes contre la population en Israël », s’alarmait-il.

      L’ordonnance souligne, en miroir, les multiples déclarations de responsables israéliens assumant une répression sans pitié dans la bande de Gaza, si nécessaire au prix de vies civiles. Elle souligne que des rapporteurs spéciaux des Nations unies ont même pu s’indigner de « la rhétorique manifestement génocidaire et déshumanisante de hauts responsables du gouvernement israélien ».

      La CIJ pointe par exemple les propos du ministre de la défense Yoav Gallant du 9 octobre 2023 annonçant « un siège complet de la ville de Gaza », avant d’affirmer : « Nous combattons des animaux humains. »

      Le 12 octobre, c’est le président israélien Isaac Herzog qui affirmait : « Tous ces beaux discours sur les civils qui ne savaient rien et qui n’étaient pas impliqués, ça n’existe pas. Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique qui a pris le contrôle de Gaza. »

      Et, à la vue des intentions affichées par les autorités israéliennes, les opérations militaires dans la bande de Gaza ne sont pas près de s’arrêter. « La Cour considère que la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza risque fort de se détériorer encore avant qu’elle rende son arrêt définitif », affirme l’ordonnance.

      « À la lumière de ce qui précède, poursuivent les juges, la Cour considère qu’il y a urgence en ce sens qu’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits qu’elle a jugés plausibles avant qu’elle ne rende sa décision définitive. »

      Si la décision de la CIJ est juridiquement contraignante, la Cour n’a pas la capacité de la faire appliquer. Cependant, elle est incontestablement une défaite diplomatique pour Israël.

      Présente à La Haye, la ministre des relations internationales et de la coopération d’Afrique du Sud, Naledi Pandor, a pris la parole à la sortie de l’audience. Si elle a regretté que les juges n’aient pas appelé à un cessez-le-feu, elle s’est dite « satisfaite que les mesures provisoires » réclamées par son pays aient « fait l’objet d’une prise en compte » par la Cour, et qu’Israël doive fournir un rapport d’ici un mois. Pour l’Afrique du Sud, lancer cette plainte, a-t-elle expliqué, « était une façon de s’assurer que les organismes internationaux exercent leur responsabilité de nous protéger tous, en tant que citoyens du monde global ».

      Comme l’on pouvait s’y attendre, les autorités israéliennes ont vivement critiqué les ordonnances d’urgence réclamées par les juges de La Haye. Si le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est réjoui de ce que ces derniers n’aient pas réclamé, comme le demandait l’Afrique du Sud, de cessez-le-feu – « Comme tout pays, Israël a le droit fondamental de se défendre. La CIJ de La Haye a rejeté à juste titre la demande scandaleuse visant à nous priver de ce droit », a-t-il dit –, il a eu des mots très durs envers l’instance : « La simple affirmation selon laquelle Israël commet un génocide contre les Palestiniens n’est pas seulement fausse, elle est scandaleuse, et la volonté de la Cour d’en discuter est une honte qui ne sera pas effacée pendant des générations. »

      Il a affirmé vouloir continuer « à défendre [ses] citoyens dans le respect du droit international ». « Nous poursuivrons cette guerre jusqu’à la victoire absolue, jusqu’à ce que tous les otages soient rendus et que Gaza ne soit plus une menace pour Israël », a ajouté Nétanyahou.

      Jeudi, à la veille de la décision de la CIJ, le New York Times avait révélé que les autorités israéliennes avaient fourni aux juges de La Haye une trentaine de documents déclassifiés, censés démonter l’accusation de génocide, parmi lesquels « des résumés de discussions ministérielles datant de la fin du mois d’octobre, au cours desquelles le premier ministre Benyamin Nétanyahou a ordonné l’envoi d’aide, de carburant et d’eau à Gaza ».

      Cependant, souligne le quotidien états-unien, les documents « ne comprennent pas les ordres des dix premiers jours de la guerre, lorsqu’Israël a bloqué l’aide à Gaza et coupé l’accès à l’électricité et à l’eau qu’il fournit normalement au territoire ».

      Nul doute que cette décision de la plus haute instance judiciaire des Nations unies va renforcer les appels en faveur d’un cessez-le-feu. Après plus de quatre mois de combats et un bilan lourd parmi la population civile gazaouie, Nétanyahou n’a pas atteint son objectif d’éradiquer le mouvement islamiste. Selon les Israéliens eux-mêmes, près de 70 % des forces militaires du Hamas sont intactes. De plus, les familles d’otages toujours aux mains du Hamas ou d’autres groupes islamistes de l’enclave maintiennent leurs pressions.

      Le ministre palestinien des affaires étrangères Riyad al-Maliki s’est réjoui d’une décision de la CIJ « en faveur de l’humanité et du droit international », ajoutant que la communauté international avait désormais « l’obligation juridique claire de mettre fin à la guerre génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien de Gaza et de s’assurer qu’elle n’en est pas complice ». Le ministre de la justice sud-africain Ronald Lamola, cité par l’agence Reuters, a salué, lui, « une victoire pour le droit international ». « Israël ne peut être exempté du respect de ses obligations internationales », a-t-il ajouté.

      De son côté, la Commission européenne a appelé Israël et le Hamas à se conformer à la décision de la CIJ. L’Union européenne « attend leur mise en œuvre intégrale, immédiate et effective », a-t-elle souligné dans un communiqué.

      La France avait fait entendre pourtant il y a quelques jours une voix discordante. Le ministre des affaires étrangères Stéphane Séjourné avait déclaré, à l’Assemblée nationale, qu’« accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral ». Dans un communiqué publié après la décision de la CIJ, le ministère a annoncé son intention de déposer des observations sur l’interprétation de la Convention de 1948, comme le lui permet la procédure. « [La France] indiquera notamment l’importance qu’elle attache à ce que la Cour tienne compte de la gravité exceptionnelle du crime de génocide, qui nécessite l’établissement d’une intention. Comme le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a eu l’occasion de le noter, les mots doivent conserver leur sens », indique le texte.

      Les États-Unis ont estimé que la décision était conforme à la position états-unienne, exprimée à plusieurs reprises par Joe Biden à son allié israélien, de réduire les souffrances des civils de Gaza et d’accroître l’aide humanitaire. Cependant, a expliqué un porte-parole du département d’État, les États-Unis continuent « de penser que les allégations de génocide sont infondées » et notent « que la Cour n’a pas fait de constat de génocide, ni appelé à un cessez-le-feu dans sa décision, et qu’elle a appelé à la libération inconditionnelle et immédiate de tous les otages détenus par le Hamas ».

      C’est dans ce contexte que se déroulent des discussions pour obtenir une trêve prolongée, la deuxième après celle de novembre, qui avait duré une semaine et permis la libération de plusieurs dizaines d’otages.

      Selon les médias états-uniens, Israël a proposé une trêve de 60 jours et la libération progressive des otages encore retenu·es. Selon ce projet, a affirmé CNN, les dirigeants du Hamas pourraient quitter l’enclave. Selon la chaîne d’informations américaine, « des responsables américains et internationaux au fait des négociations ont déclaré que l’engagement récent d’Israël et du Hamas dans des pourparlers était encourageant, mais qu’un accord n’était pas imminent ».

      Le Washington Post a révélé jeudi que le président américain Joe Biden allait envoyer dans les prochains jours en Europe le directeur de la CIA, William Burns, pour tenter d’obtenir un accord. Il devrait rencontrer les chefs des services de renseignement israélien et égyptien, David Barnea et Abbas Kamel, et le premier ministre qatari Mohammed ben Abdulrahman al-Thani. Vendredi soir, l’Agence France-Presse (AFP) a affirmé qu’ils se retrouveraient « dans les tout prochains jours à Paris », citant « une source sécuritaire d’un État impliqué dans les négociations ».

      https://www.mediapart.fr/journal/international/260124/la-cour-internationale-de-justice-ordonne-israel-d-empecher-un-genocide-ga

  • Les #Agences_de_l’eau en mode essorage

    Indépendantes de l’État, ces structures décisives dans la gestion de la ressource sont pourtant l’objet de multiples #pressions pour financer le #lobby agricole.

    Depuis quelques jours, les grands acteurs des guerres de l’eau en France jouent aux chaises musicales. On a ainsi vu mercredi dernier, le 6 décembre, #Arnaud_Rousseau, le président de la #FNSEA (#Fédération_nationale_des_syndicats_d’exploitants_agricoles), annoncer lui-même depuis le perron de Matignon que le gouvernement renonçait d’une part à taxer les agriculteurs qui polluent les sols et les eaux en utilisant des #pesticides et d’autre part à augmenter la #redevance de ceux qui irriguent tant et plus. La Première ministre, Élisabeth Borne, s’est contentée d’observer sagement la scène. Ce mardi, à Rennes, d’autres agriculteurs ont exprimé leur colère. Ils ont manifesté et même occupé des bâtiments de l’État pour demander, entre autres, l’arrêt du glyphosate et la taxation des pesticides. Évidemment, ils étaient pour la plupart affiliés à la Confédération paysanne. Ils revendiquaient surtout le paiement de plusieurs dizaines de millions d’euros de subventions qui leur ont été promis et qui doivent financer des mesures agro-écologiques dans leurs fermes. Le grand perdant de ce jeu de chaises musicales, où chacun semble prendre une place inattendue ? Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qui n’a visiblement aucune assise. Il laisse la parole à la FNSEA, et il laisse – vous le verrez, c’est un document que se sont procuré Les Jours – son homologue chargé de l’Agriculture, Marc Fesneau, lui remonter les bretelles sur un dossier qui concerne pourtant de très près l’environnement et des établissements publics dont il a la charge, les Agences de l’eau.

    Pour comprendre cette situation, il faut vous présenter un peu plus ces mastodontes aussi importants que méconnus. La France compte six Agences de l’eau, dont les territoires sont délimités en fonction de l’écoulement des eaux : chacune règne sur un grand bassin hydrographique. Les personnes qui connaissent bien ces assemblées – et elles sont plutôt rares – en sont fières et les surnomment les « parlements de l’eau ». Car, en théorie, ces agences dotées d’un budget conséquent – plus de 12 milliards d’euros sur la période 2019-2024 – sont indépendantes de l’État et gérées par des collèges représentants tous les utilisateurs de la ressource : consommateurs, collectivités, industriels, agriculteurs, pêcheurs… Chacun de ces acteurs finance le budget des Agences via des taxes appelées « redevances » et, ensemble, ils doivent parvenir à concilier trois objectifs de plus en plus difficiles à atteindre : que chacun dispose de suffisamment d’eau, que les cours d’eau et les êtres qui y vivent soient en bonne santé, mais aussi que l’eau soit suffisamment peu polluée pour pouvoir être bue par tous.

    Depuis au moins une décennie, ces belles intentions sont largement mises à mal. En 2015, un rapport de la Cour des comptes dénonçait déjà le noyautage des Agences de l’eau par ceux qui la polluent – les industriels, notamment –, ainsi que par ceux qui en usent tant qu’ils en sont les plus grands consommateurs du pays : les agriculteurs… qui parfois polluent aussi. Le rapport pointait notamment le poids de plus en plus important pris par la FNSEA dans les décisions concernant la ressource. La situation ne s’est pas améliorée depuis. Un autre rapport de la même Cour des comptes, publié en juillet dernier et consacré à la gestion de l’eau face au changement climatique, regrettait, lui, que les redevances soient réparties de façon extrêmement inégale. Les consommateurs paient plus de 70 % des taxes via leur facture d’eau, quand les agriculteurs irrigants ne payent que 6 % de ces redevances et les agriculteurs consommateurs de pesticides à peine 4 %. Une situation d’autant plus injuste que l’impact de l’agriculture sur le coût de l’eau est de plus en plus grand : peu à peu, on se rend compte que l’eau potable est ainsi très largement contaminée par les résidus de pesticides, et que la dépollution va coûter une fortune aux collectivités.

    En prime, beaucoup d’agents et responsables des Agences de l’eau ont l’impression qu’on tape dans leurs caisses. Car depuis les années 2010, l’État a régulièrement décidé de ponctionner leur budget pour financer des mesures censées être favorables à l’environnement. Avec des conséquences lourdes sur les moyens de ces établissement mais aussi sur la taille des couleuvres à avaler : en 2018 a par exemple été instaurée une « contribution financière des Agences de l’eau à l’Agence française pour la biodiversité et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage » d’un montant de 20 millions d’euros. Une somme qui permettait de compenser la perte de budget de ce dernier Office due à la promesse présidentielle – celle-là même qui avait poussé Nicolas Hulot à la démission – de diviser par deux le prix des permis de chasse. C’est ainsi que l’argent des parlements de l’eau a depuis été utilisé pour faciliter la pratique du fusil en milieu rural.

    En avril dernier, le même Emmanuel Macron a annoncé du côté du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes, son « plan eau », censé porter des objectifs de sobriété. Cette feuille de route, que Les Jours décrivaient comme très favorable aux agriculteurs (lire l’épisode 2, « Tu cherches un plan eau près de chez toi ? »), devait en partie être financée via les deux taxes auxquelles le gouvernement vient donc de renoncer. Une annulation vécue comme une injustice de trop pour le président du comité de bassin de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, Thierry Burlot (pourtant ex-candidat macroniste aux régionales). Il se dit « abasourdi » : « On a construit ce plan eau pendant des mois. On s’était mis d’accord sur le financement, de façon collective. On a imaginé une taxe sur les pesticides qui, au regard du coût de la pollution, est franchement minime. Et on découvre que la FNSEA est allée négocier seule à Paris, dans le dos de tout le monde. On découvre qu’ils ne veulent même pas payer pour financer un plan dont ils sont de très loin les plus grands bénéficiaires. C’est trop, cette décision va générer beaucoup de tension. »

    À Rennes, l’élu PS et vice-président d’Eau du bassin rennais Ludovic Brossard tance : « On n’est même plus face à du renoncement, on est face à un choix idéologique du gouvernement de soutenir le fonctionnement actuel de l’économie agricole plutôt que de donner une réponse aux enjeux environnementaux. » Du côté des agents de ces Agences, la déception est tout aussi grande. Élue au Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU), Delphine Jacono déplore qu’« une fois de plus, on constate un arbitrage au profit des intérêts agricoles et au détriment de l’intérêt général. Ces taxes sont prévues pour abonder des budgets, mais doivent aussi faire changer les pratiques. Y renoncer est dommageable pour tout le monde ».

    Et ce n’est pas le seul dossier financier chaud qui divise les Agences de l’eau et le monde agricole. Les agents rennais de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt l’ont découvert ce mardi en voyant débarquer une centaine d’agriculteurs en colère. L’objet de leur courroux est né de plusieurs échanges épistolaires entre membres de la majorité. Fin octobre, une flopée de parlementaires bretons écrivent au ministre l’Économie Bruno Le Maire et à Marc Fesneau. Ils alertent : des agriculteurs de la région se sont engagés à prendre dans leurs exploitations des « mesures agro-environnementales et climatiques » (Maec) en échange de subventions, et ils attendent leur dû. Victimes de leur succès, ces aides ont explosé les plafonds prévus. Près de 3 000 agriculteurs bretons attendraient aujourd’hui un montant global de 53 millions d’euros. Qui peut les payer ?

    Dans un courrier que « Les Jours » se sont procuré, Marc Fesneau exige de Christophe Béchu que les Agences de l’eau sortent le chéquier. Encore

    Cette missive a été bien reçue et entendue par Marc Fesneau. Selon un document que Les Jours se sont procuré, ce dernier a renvoyé quelques jours plus tard la patate chaude à Christophe Béchu. Son courrier évalue les besoins de financements à 143 millions d’euros à l’échelle nationale et se termine ainsi : « Cette insuffisance de financement provient des Agences de l’eau qui sont sous votre tutelle. » En clair, Marc Fesneau veut encore que lesdites agences sortent le chéquier. Il l’a fait savoir directement à leurs dirigeants, précise Thierry Burlot : « Marc Fesneau a invité les présidents de comité de bassin il y a un mois pour nous le dire. On n’était pas au courant de cet arbitrage, on ne savait pas que c’était à nous de le payer. Je vais être tout à fait clair sur ma position : je suis favorable au financement des Maec. Mais je ne peux pas les payer. On ne peut payer que si on a de l’argent dans la caisse. »

    Sur le terrain, on avance enfin un autre argument, de poids : il faudrait veiller à ne pas subventionner tout et n’importe quoi sous la pression du ministère de l’Agriculture. Un anonyme contrôleur de la Politique agricole commune (PAC), qui a évalué de très nombreux dossiers de Maec, détaille : « Les Maec sont censées inciter à un changement de pratiques et compenser une perte de rendement. Une partie sont très intéressantes, mais dans une majorité de dossiers, on finance des pratiques déjà existantes ou pas forcément pertinentes. » Delphine Jacono, du SNE-FSU, confirme qu’« il y a Maec et Maec, avec des ambitions environnementales très variables ». Elle alerte donc sur le fait que « faire du saupoudrage indifférencié serait une nouvelle atteinte aux objectifs environnementaux et climatiques ».

    Thierry Burlot, qui craint que l’affaire ne décourage les agriculteurs partisans d’un changement de modèle, se veut, lui, beaucoup plus conciliant avec les Maec. Quant à Ludovic Brossard, qui est allé à la rencontre des agriculteurs en colère ce mardi, il assure que la grande majorité de ces exploitants s’engagent dans des mesures vraiment intéressantes pour l’environnement. « Ces agriculteurs se disent qu’il leur manque des millions d’euros et que quelques jours plus tôt la FNSEA a été écoutée en déversant du lisier sur les préfectures. Forcément, ils se disent que les choses marchent comme ça. » Mais n’est pas la FNSEA qui veut : ce mardi soir, les agriculteurs de la Confédération paysanne ont été évacués avec force par la police.

    https://lesjours.fr/obsessions/eau-guerres/ep9-agences-eau-fnsea
    #eau #France #lobbying #agriculture #industrie_agro-alimentaire #indépendance #irrigation #pollution #taxe #glyphosate #Confédération_paysanne #subventions #agro-écologie #Marc_Fesneau #Christophe_Béchu #cour_des_comptes #eau_potable #prix #coût #contamination #dépollution #plan_eau #économie_agricole #mesures_agro-environnementales_et_climatiques (#Maec)

  • #Processus_de_Rabat : la Suisse organise à Genève une #rencontre consacrée aux personnes disparues sur les routes migratoires

    La Suisse s’engage dans le cadre du Processus de Rabat, le dialogue euro-africain sur la migration et le développement. En collaboration avec la Gambie, elle organise, les 20 et 21 septembre 2023 à Genève, une réunion thématique sur la question « Séparation des familles et personnes disparues dans le contexte de la migration : prévention, recherche et réunification ».

    La problématique des personnes disparues sur les routes migratoires constitue un défi majeur pour la communauté internationale. Depuis 2014, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a répertorié près de 60 00 migrants disparus ou décédés dans le monde, sachant que de nombreux cas ne sont probablement pas recensés. L’adoption, lors de la conférence ministérielle de Cádiz en décembre 2022, du plan d’action 2023-2027 a permis de créer un nouveau cadre stratégique pour le Processus de Rabat. À l’initiative de la Suisse, le nouveau #plan_d'action comporte pour la première fois des #mesures concernant les migrants disparus et les #familles_séparées.

    La rencontre qui se déroulera à Genève portera sur la #prévention, la #recherche et l’#identification des #migrants_disparus ainsi que sur la #réunification_des_familles. Elle aura pour objectif d’encourager l’échange de connaissances entre les quelque 70 représentants d’autorités nationales et d’organisations internationales, de déterminer les instruments utiles ainsi que les bonnes pratiques et de renforcer la collaboration internationale.

    Depuis plusieurs années déjà, la Suisse se penche sur le sujet des personnes disparues. Le 11 mai 2021, elle a lancé, avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), l’Alliance mondiale pour les personnes disparues. À ce jour, l’Alliance, dont la présidence est assurée par la Suisse et le Mexique, compte 12 États membres. La rencontre thématique s’inscrit dans le cadre de cet engagement. Elle est organisée par le Secrétariat d’État aux migrations et la Division Paix et droits de l’homme du Département fédéral des affaires étrangères, en collaboration avec le Centre international pour le développement des politiques migratoires, qui assure le secrétariat du Processus de Rabat. De nombreuses organisations, telles que le CICR, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l’OIM, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, l’Argentine Forensic Anthropology Team et des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, fournissent une contribution importante à cette réunion grâce à leur expertise.

    Depuis 2006, le Processus de Rabat sert de plateforme pour le dialogue migratoire entre une cinquantaine de pays d’Afrique du Nord, d’Afrique occidentale, d’Afrique centrale et d’Europe. L’Union européenne, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et diverses organisations internationales y prennent également part. La Suisse est un membre actif du Processus de Rabat depuis 2006 et est représentée au sein de son comité de pilotage depuis décembre 2022. Le Processus de Rabat lui permet de renforcer le dialogue migratoire avec les pays européens et africains. En tant que pays de référence en matière de protection et d’asile, la Suisse joue le rôle d’État hôte de conférences thématiques, contribuant ainsi au développement de cette composante stratégique du dialogue. Cette année, c’est le Maroc qui assure la présidence du Processus de Rabat.

    https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-97798.html
    #disparus #migrations #asile #réfugiés #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières

  • German Ministry on violence and expenses for “returns “: €120,000 for mini-deportation of one person

    Over 10,000 people were taken out of Germany by the end of June. The cost of each deportation flight runs into the tens of thousands and is covered by #Frontex. In the case of African destination countries, it often involves the use of coercive means.

    Although EU governments and the Commission in Brussels are introducing further tightening in the areas of asylum and migration, immigration numbers to Europe are not decreasing. That is why increased deportations are on the agenda: the EU border agency Frontex is setting up a new department under German leadership to carry out and finance mass “returns “, even under coercion. In Germany, Interior Minister Nancy Faeser (Social Democratic Party of Germany, SPD) is proposing to extend detention pending departure from the current maximum of ten days to up to 28 days in the future. Those affected should no longer be warned in advance when a date for pickup has been set.

    The number of deportation flights from Germany is also increasing. This emerges from the still unpublished answer of the Ministry of the Interior to a small question of the Left Party.

    According to the report, more than half of the 7861 people deported in the first half of 2023 were put on scheduled flights or so-called “collective return flights.” In these, they are escorted by police or private “security escorts.” In addition, there were also 2186 people pushed back, which almost always took place at the German land borders. According to the response, 1375 minors were affected by all these measures.

    A large proportion of the measures were so-called Dublin cases: applicants must have their asylum procedure carried out in the country where they first arrived in the EU. These Dublin returns involved 2473 people, an increase of more than one-third compared to 2022. The main destination countries for these transfers were Austria, France, Spain, Poland, Bulgaria and the Netherlands.

    Expenses run into the tens of thousands for each of the scheduled or charter flights. The most expensive was a flight from Frankfurt Airport to Nigeria on May 16, which cost almost €400,000 to provide the aircraft for 32 deportees. According to the report, so-called “small charter returns” with up to four affected persons are particularly expensive. Such a mini-deportation from Leipzig to Niger cost €120,450 for one person in February, with four police officers on board for escort. In total, 25 people were deported in nine separate operations. These are not financed by Frontex.

    The police use “means of physical force” on a considerable number of those affected. They are placed in handcuffs and ankle cuffs or steel shackles known as “body cuffs.” In the first half of the year, this affected 480 people. What is striking is the distribution of the use of force, which occurs primarily with African countries of destination. This list is headed by deportations to Algeria (72 percent), Gambia (37 percent) and Nigeria (32 percent).

    520 deportation attempts by air were aborted, according to the response. As in previous years, the most common reasons were the resistance of the people concerned and the refusal of the pilots to carry them. In 59 cases, the Federal Police refused to take the deportees over. In the case of charter deportations, this occurs much less frequently than in the case of deportations by scheduled flights. This could be due to the fact that “small charter returns” are used when resistance from affected persons or protests from fellow passengers are to be expected.

    The Ministry of Interior has classified as confidential the information on which airlines earn money from the deportations. The reason given is that this could expose the companies to “public criticism” and make deportations more difficult. However, the airports from which most of these coercive actions take place are known: This year, these were Frankfurt/Main, Düsseldorf, Berlin-Brandenburg and Munich.

    The airlines themselves are also subject to reprisals if they have brought people to Germany without the necessary passport or residence permit. This is a violation of the Residence Act, which can be punished with up to €5,000. In the first half of the year, the German authorities imposed such a fine on companies in 799 cases – a significant increase on the previous year. Per case, this cost an average of €2357.

    https://digit.site36.net/2023/08/22/german-ministry-on-violence-and-expenses-for-returns-e120000-for-mini-
    #coût #prix #renvoi #renvois #expulsions #migrations #asile #sans-papiers #déportation #réfugiés #mesures_coercitives #collective_return_flights #vols_de_retour_collectifs #Dublin #renvois_Dublin #small_charter_returns #charter

    ping @_kg_

    • Immer mehr Abschiebeflüge gehen aus Deutschland

      Innenministerium äußert sich zu Gewalt und Ausgaben bei »Rückführungen«

      Obwohl die Regierungen der EU-Staaten und die Kommission in Brüssel weitere Verschärfungen in den Bereichen Asyl und Migration einführen, gehen die Zuwanderungszahlen nach Europa nicht zurück. Deshalb stehen vermehrte Abschiebungen auf der Tagesordnung: Die Grenzagentur Frontex baut unter deutscher Leitung eine neue Abteilung auf, die massenhaft »Rückführungen« auch unter Zwang durchführen und finanzieren soll. In Deutschland schlägt die Innenministerin Nancy Faeser (SPD) vor, den Ausreisegewahrsam von derzeit bis zu zehn auf künftig bis zu 28 Tage auszuweiten. Betroffene sollen nicht mehr vorgewarnt werden, wenn ein Termin zur Abholung feststeht. Auch die Zahl von Abschiebeflügen aus Deutschland steigt an. Das geht aus der noch unveröffentlichten Antwort des Innenministeriums auf eine Kleine Anfrage der Linke-Abgeordneten Clara Bünger hervor.

      Über die Hälfte der im ersten Halbjahr 2023 abgeschobenen 7861 Personen wurden demnach in Linienflüge oder sogenannte »Sammelabschiebeflüge« gesetzt. Dabei werden sie durch die Polizei oder private »Sicherheitsbegleiter« eskortiert. Zusätzlich gab es außerdem 2186 sogenannte Zurückschiebungen, die fast immer an den deutschen Landgrenzen erfolgten. Von den Maßnahmen waren laut der Antwort 1375 Minderjährige betroffen.

      Bei einem großen Teil der als »Rückführungen« bezeichneten Maßnahmen handelte es sich um sogenannte Dublin-Fälle: Schutzsuchende müssen ihr Asylverfahren in dem Land durchführen lassen, in dem sie zuerst in der EU angekommen sind. Diese Dublin-Abschiebungen betrafen 2473 Personen, gegenüber 2022 ist dies ein Anstieg um über ein Drittel. Die hauptsächlichen Zielstaaten dieser Überstellungen waren Österreich, Frankreich, Spanien, Polen, Bulgarien und die Niederlande.

      »Es macht sprachlos, welche Ressourcen Bund und Länder bereit sind einzusetzen, um Menschen außer Landes zu schaffen«, sagt die Fragestellerin Bünger dazu dem »nd«. Abschiebeflüge, die horrende Kosten verursachen und bei denen die Zahl der Begleitbeamten die der abzuschiebenden Personen um ein Vielfaches übersteigt, seien keine Seltenheit.

      Diese Ausgaben gehen für jeden einzelnen der Linien- oder Charterflüge in die Zehntausende. Am teuersten war ein Flug vom Flughafen Frankfurt/Main nach Nigeria am 16. Mai, bei dem für 32 Abzuschiebende fast 400 000 Euro für die Bereitstellung des Flugzeugs anfielen. Die Kosten dafür übernimmt in den meisten Fällen Frontex. Die zusätzlichen Kosten für die »Sicherheitsbegleitung« gibt das Ministerium für das erste Halbjahr mit 3,9 Millionen Euro an.

      Besonders teuer sind demnach sogenannte »Kleincharterrückführungen« mit bis zu vier Betroffenen. Eine solche Mini-Abschiebung von Leipzig in den Niger kostete im Februar für eine betroffene Person 120 450 Euro, dabei waren vier Polizisten zur Eskorte an Bord. Insgesamt wurden auf diese Weise in neun Einzelmaßnahmen 25 Personen außer Landes geschafft. Diese Maßnahmen werden nicht durch Frontex finanziert.

      Bei einem beträchtlichen Teil der Betroffenen setzt die Polizei »Hilfsmittel der körperlichen Gewalt« ein. Ihnen werden dabei Hand- und Fußfesseln oder als »Bodycuffs« bezeichnete Stahlfesseln angelegt. Im ersten Halbjahr betraf dies 480 Personen. Auffällig ist die Verteilung der Gewaltanwendung, die vor allem bei afrikanischen Zielländern vorkommt. Angeführt wird diese Liste von Abschiebungen nach Algerien (72 Prozent), Gambia (37 Prozent) und Nigeria (32 Prozent).

      520 Abschiebungsversuche auf dem Luftweg seien abgebrochen worden, heißt es in der Antwort. Wie auch in den Vorjahren waren die häufigsten Gründe dafür der Widerstand der Betroffenen und die Weigerung der Piloten, diese zu befördern. In 59 Fällen hat die Bundespolizei die Übernahme verweigert. Bei Charterabschiebungen erfolgt dies deutlich seltener als bei Abschiebungen mit Linienflügen. Das könnte daran liegen, dass die »Kleincharterrückführungen« eingesetzt werden, wenn Widerstand von Betroffenen oder Proteste der Mitreisenden zu erwarten sind.

      Die Angabe, welche Fluggesellschaften an den Abschiebungen verdienen, hat das Ministerium als vertraulich eingestuft. Zur Begründung heißt es, dies könne die Firmen der »öffentlichen Kritik« aussetzen und Abschiebungen erschweren. Jedoch sind die Flughäfen bekannt, von denen die meisten dieser Zwangsmaßnahmen erfolgen: Dies waren dieses Jahr Frankfurt/Main, Düsseldorf, Berlin-Brandenburg und München.

      Die Fluglinien sind auch selbst von Repressalien betroffen, wenn sie Personen ohne den erforderlichen Pass oder Aufenthaltstitel nach Deutschland gebracht haben. Dabei handelt es sich um einen Verstoß gegen das Aufenthaltsgesetz, der mit bis zu 5000 Euro geahndet werden kann.

      »Damit werden staatliche Kontrollaufgaben auf private Unternehmen übertragen, was grundsätzlich problematisch ist«, kritisiert die Linke-Politikerin Bünger diese Regelung. Im ersten Halbjahr haben die deutschen Behörden in 799 Fällen ein solches Zwangsgeld gegen die Firmen verhängt – ein deutlicher Zuwachs gegenüber dem Vorjahr. Pro Fall kostete dies im Durchschnitt 2357 Euro.

      https://www.nd-aktuell.de/artikel/1175699.festung-europa-immer-mehr-abschiebefluege-gehen-aus-deutschland.h

  • Macron : Le grand « plan eau » qui fait flop

    Face à une sécheresse historique et à la pénurie qui s’annonce pire que celle de l’été dernier, avec des nappes phréatiques très en dessous de leur niveau habituel, Emmanuel Macron sort son « plan eau » : 50 mesures censées prendre le problème à bras le corps, présentées la semaine dernière dans les Alpes. Blast a suivi pendant des semaines sa préparation sous... influence. Enquête et décryptage sur un catalogue de mesures ineffectives dicté par les lobbies.

    Ménager l’attente... Dans le domaine du teasing et des effets d’annonce, Emmanuel Macron est passé maître. Annoncé depuis des semaines et retardé à plusieurs reprises, d’abord prévu début 2023 à l’occasion des « Carrefours de l’eau » organisés chaque année à Rennes, le plan sécheresse du gouvernement avait été remis à plus tard à la demande de l’Elysée. On l’attendait encore le 22 mars dernier lors de la journée mondiale de l’eau, qui offrait une fenêtre de tir idéale. Crise politique oblige, l’affaire avait dû être encore décalée. Et finalement le voilà, présenté jeudi dernier par le chef de l’Etat sur les rives du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes).

    En août 2022, la France a chaud. Le soleil (de plomb) cogne, les Français suent et les terres s’assèchent - un phénomène inquiétant, sans revenir jusqu’au cauchemar des incendies dans les Landes. En pleine canicule, les alertes remontées par les élus et les préfets se multipliant, Elisabeth Borne annonce la mise sur orbite d’une « planification écologique » plaçant l’eau au cœur de ses priorités. On sait aujourd’hui que près de 700 villages ou petites villes ont souffert de pénuries d’eau potable, chiffre qui à l’époque avait été minoré. Pendant plusieurs semaines, certaines populations avaient dû être alimentées par des citernes ou de l’eau en bouteille livrée par packs.

    Diagnostics clairement tracés

    Le coup de chaud de l’été 2022 passé, le chantier est lancé opérationnellement le 29 septembre par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et sa secrétaire d’Etat Bérangère Couillard, avec une phase de consultation. Début janvier 2023, les contributions de ces groupes de travail, comme celles des comités de bassin (des instances de concertation à l’échelle locale rassemblant opérateurs, Etat, collectivités, ONG, industriels, agriculteurs et consommateurs), sont présentées à la secrétaire d’Etat dans le cadre du Comité national de l’eau (un organe consultatif placé sous l’autorité du ministère de la Transition).

    De ces travaux et de leurs conclusions remises à Bérangère Couillard se dégagent « des diagnostics clairs et des propositions de solutions », « notamment autour de la REUT (réutilisation des eaux usées traitées) et du développement de la télérelève », se félicite la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) dans sa lettre publiée en mars dernier.

    La FP2E fédère 6 entreprises membres dont les multinationales Veolia, Suez et Saur. Ce lobby influent a participé activement à cinq des groupes de travail - sur la gestion des sécheresses, sur les usagers, la sobriété, le grand cycle de l’eau et les pollutions diffuses. L’occasion de pousser ses intérêts. A la sortie de la consultation, la FP2E pointe aussi « les blocages à lever », « relatifs notamment au financement, à la complexité des démarches administratives ou encore à la durée des autorisations ». Des freins « décourageants pour les porteurs de projet », note-t-elle.

    En réalité, cet investissement vient de loin. La FP2E, et avec elle les géants privés de l’eau, pousse ses pions depuis des mois : avant la présidentielle de 2022, ce syndical patronal avait présenté aux candidats son « programme ». Dès lors, tout était dit et la « feuille de route » tracée. Elle n’a pas changé depuis.
    Un gouvernement bien irrigué

    En France, la dernière grande loi sur l’eau date de 2006. Depuis, les effets du changement climatique sur le cycle hydrologique se font sentir, beaucoup plus puissamment et rapidement qu’on ne le pensait il y a encore quelques années. Résultat, l’édifice institutionnel de la gestion de l’eau à la française, qui a vu le jour à l’orée des années soixante, craque de toute part. Pourtant, personne ne veut ouvrir la boîte de Pandore que représenterait nécessairement l’élaboration d’une nouvelle loi. Celle-ci imposerait en effet de mettre au premier rang des discussions la question explosive de l’évolution du modèle agricole productiviste. Un sujet très actuel, le récent week-end de guerre civile dans un champ des Deux-Sèvres en étant une sidérante démonstration, autour de la question des méga-bassines. Et surtout un casus belli pour la FNSEA, très en cour à l’Elysée.

    Le plan présenté en grande pompe par Emmanuel Macron au lendemain de la pénible et interminable séquence sur les retraites a été bien irrigué. Pour parvenir aux 53 mesures qu’il exhibe, on a exhumé tout ce qui trainait au fond des placards depuis des lustres, afin de susciter un effet « waouh ». Ce catalogue ne fera pas illusion bien longtemps, comme on s’en apercevra rapidement, dès cet été. Il est le produit d’un véritable opéra-bouffe qui a vu tous les lobbies intéressés s’atteler dans l’urgence à la rédaction de rapports, de contributions et de propositions dont le contenu laisse dubitatif. Ils s’y sont mis, tous sans exception.

    Cet activisme n’est pas nouveau. C’est même un grand classique qui a débouché jusqu’à présent sur une série de grand-messes pour rien – des Assises en 2018-2019 au Varenne de l’eau du ministère de l’Agriculture en 2021-2022 (qui déroulait le tapis rouge à la FNSEA), avant que l’Académie des technologies ne s’y colle à son tour fin 2022. Une litanie sans rien changer qu’Emmanuel Macron n’a pourtant pas manqué de rappeler la semaine dernière, les énumérant pour s’en féliciter : « dès le mois de septembre, on a tiré les leçons, lancé les travaux, le ministre l’a rappelé, s’appuyant sur ce qui avait été fait dès il y a cinq ans ».
    Un plan « Copytop »

    Pour permettre au président de la République de sortir sa tête de l’eau et marcher sur le lac de Serre-Ponçon, une véritable usine à gaz s’est mise en branle à un train d’enfer. Depuis l’automne dernier, les contributions se sont ainsi empilées les unes sur les autres : mission d’information de la commission des affaires économiques du Sénat, copieux rapport du groupe prospective de la Chambre haute, propositions de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), du Comité national de l’eau - un organisme baroque, repaire de tous les lobbies, placé sous l’autorité du ministère chargé de la Transition écologique – ou encore, dernières en date, celles d’une autre commission sénatoriale. Sans oublier les 48 propositions du Comité de bassin Seine-Normandie le 3 février, avant l’audition organisée le 15 du même mois par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (encore) !

    Au final, cette bataille d’experts s’est dénouée dans des réunions interministérielles (les « RIM ») opposant classiquement l’écologie, l’agriculture, Bercy, la DGCL du ministère de l’Intérieur, le tout sous la férule de Matignon - dont l’occupante connaît le sujet. « Béchu et Couillard n’y connaissent rien, c’est Borne qui pilote tout depuis le début », confirme une source proche du dossier.

    L’analyse de cette production frénétique de nos collèges d’experts, qui se sont copiés sans vergogne sous l’air du « y’a qu’à-faut qu’on », est édifiante. S’ouvre alors sous nos yeux l’étendue affolante de tout ce qui aurait dû être fait, ne l’a pas été et reste donc à faire - avec les remises en cause drastiques que cela implique.

    Depuis une quinzaine d’années, tous les organismes de recherche impliqués dans la question de l’eau, comme les inspections des administrations centrales, ont publié des centaines de rapports parfaitement informés, qui détaillent par le menu la montée des périls comme les mesures qui devraient être prises pour y faire face. En pure perte. Rien ne change, business as usual.

    Pollutions multiformes, pesticides, irrigation à outrance, imperméabilisation des sols, inondations, sécheresses, recul du trait de côte, chute dramatique de la biodiversité... La réalité est un cauchemar. Et l’élaboration aux forceps de ce nouveau « plan eau » illustre une nouvelle fois, jusqu’à la caricature, la « méthodologie » qui voit rituellement la montagne accoucher d’une souris.

    Que s’est-il passé, au juste ? Ce qui se passe en réalité depuis des lustres. L’affaire se joue en deux temps : l’état des lieux d’abord, puis les propositions. L’état des lieux, la phase 1, s’alimente des centaines de rapports disponibles. Rédigés par des fonctionnaires (IGEDD, CGEEAR, IGF, IGA…) ou par des collaborateurs du Parlement, très généralement compétents, ils renvoient les décisions à prendre au politique. C’est à cette étape, celle des propositions, que les choses se grippent. Pour s’en convaincre, il suffit de confronter pour chacun des rapports, et d’un rapport l’autre, l’état des lieux initial aux « propositions » d’actions élaborées. Le constat est accablant : l’intervention du politique neutralise tout espoir d’améliorer quoi que ce soit.

    Le sénateur et l’éléphant

    Sur le constat tout le monde s’accorde, globalement. A quelques nuances près : la France demeure un pays bien doté, avec des précipitations suffisantes pour répondre à de multiples usages - 32 à 35 milliards de m3 sont prélevés chaque année pour le refroidissement des centrales nucléaires, l’eau potable, l’agriculture, l’alimentation des canaux, l’industrie, etc. Mais les impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau se font déjà sentir, y compris dans les bassins plus septentrionaux, provoquant l’eutrophisation des cours d’eau, l’évaporation à un rythme plus rapide et la diminution des pluies en été.

    Et puis, il y a « l’éléphant dans la pièce », selon l’expression du sénateur Renaissance Alain Richard... Co-rapporteur d’un rapport avec Christophe Jarretie (député Modem de Corrèze jusqu’en juin 2022), Alain Richard désigne ici la mobilisation de la ressource pour les besoins agricoles, qui explosent l’été quand il n’y a plus d’eau… D’où les conflits sur l’irrigation et les bassines, qui ont dépassé la côte d’alerte.

    Se prononçant en faveur de la multiplication des retenues, ce même rapport souligne pourtant « une autre limite aux stratégies d’économies d’eau pour l’irrigation agricole » : elle « réside dans la manière dont la marge de manœuvre permise par les économies se trouve redéployée. En améliorant le système d’irrigation, on peut mobiliser davantage d’eau pour les plantes à prélèvement égal. La tentation peut être alors de ne pas réduire les prélèvements mais d’augmenter la surface irriguée. Ce risque est d’autant plus fort qu’avec l’élévation des températures et la modification du régime des précipitations certaines cultures historiquement non irriguées qui n’avaient besoin que de l’eau de pluie, comme la vigne dans le Sud-Ouest, ne doivent désormais leur survie qu’à l’installation de dispositifs d’irrigation. »

    Le 5 février dernier, on a appris que la région Occitanie et six départements du Sud-ouest (Haute-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Tarn-et-Garonne, Lot et Landes) venaient de recapitaliser à hauteur de 24 millions d’euros la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG). Spécialisée dans les barrages et les bassines, cette société d’aménagement régional était en quasi faillite. L’an dernier, sa gestion désastreuse a été sévèrement étrillée par la chambre régionale des comptes. Objectif de cette opération de sauvetage de la CACG ? « S’armer face au manque d’eau », notamment en « augmentant la capacité des réserves existantes »…
    Les diktats de la FNSEA

    Dans les débats autour de la crise de l’eau, on parle aussi beaucoup des « solutions fondées sur la nature ». Ça fait écolo à tout crin. « Cela implique d’aller à l’encontre de la tendance à l’artificialisation des sols, de désimperméabiliser, en particulier en milieu urbain, pour favoriser l’infiltration de l’eau de pluie ou encore apporter de la fraîcheur dans les villes lors des pics de chaleur », édicte le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat. Problème, on oublie de dire que le principe du « zéro artificialisation nette » a suscité sur le terrain une véritable bronca des élus, de toute obédience, qui ont engagé un bras de fer avec le gouvernement sur le sujet.

    Notre éléphant, celui du sénateur Richard, est lui aussi au cœur des débats. « L’agriculture est le principal consommateur d’eau, indispensable à la pousse des plantes et à l’abreuvement du bétail, relève le Sénat. Mais l’adaptation des pratiques au changement climatique est encore trop lente et la transition vers l’agro-écologie doit être accélérée à travers tous les leviers possibles : formation, aides apportées par le premier ou le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), recherche appliquée et expérimentation des nouvelles pratiques ».

    Des mesures et solutions de bon sens ? Probablement, sauf que le courant majoritaire de la profession agricole, incarné par la FNSEA, continue à s’opposer avec succès à toute évolution structurelle du modèle productiviste dominant et impose ses diktats à tous les gouvernements. L’actuel ministre de l’Agriculture Marc Fesneau l’a lui-même reconnu à mi-mots dans un récent article de Libération.

    Un autre sujet est lui aussi systématiquement évacué des « solutions ». Il mériterait qu’on y réfléchisse, pour reconsidérer le sujet dans son ensemble : chaque année, pour « équilibrer les fonds publics », l’Etat prélève 300 millions d’euros depuis quinze ans dans les caisses des agences de l’eau. « Les consommations domestiques d’eau potable, sur laquelle les redevances sont assises, sont sollicitées pour financer des domaines de plus en plus variés touchant de plus en plus au grand cycle de l’eau, et de moins en moins à la modernisation des stations d’épuration ou à la modernisation des réseaux de distribution d’eau potable, pourtant vieillissants », pointent ainsi les deux co-présidents du groupe de travail « Redevances des agences de l’eau et atteintes à la biodiversité ».

    En 2022, le duo Richard-Jarretie envisageait de compenser ce manque à gagner par la création d’une nouvelle taxe (assise sur la taxe d’aménagement départementale). Leur proposition de loi, qui aurait dû être adoptée en loi de finance rectificative, sera finalement sèchement rejetée par Bercy.

    La fuite politique

    Autrefois, « l’eau était gérée directement par les maires dans des syndicats intercommunaux à échelle humaine », mais « les regroupements de structures conduisent à dépolitiser l’eau », constate le rapport des deux parlementaires sur la question de la gouvernance. Résultat de cette évolution, « l’eau n’est plus que rarement une question politique débattue lors des campagnes électorales locales ».

    Désormais, « le pouvoir est passé du côté des techniciens. » « La politique de l’eau est dépolitisée et renvoyée à la recherche des meilleurs choix techniques possibles, constatent Jarretie et Richard. Les maires des grandes villes, les présidents des grandes intercommunalités ne siègent plus que rarement dans les organismes chargés de (sa) gestion. Ils y délèguent des élus, certes compétents, mais dont le poids politique propre est minime et qui n’ont pas tellement d’autre choix que de suivre les orientations de la technostructure de l’eau. »

    Parallèlement, cette dépossession d’une question éminemment politique s’accompagne d’une surenchère. Elle concerne la recherche et l’innovation, a priori louables sauf quand elles deviennent le paravent et le prétexte à l’inaction. Depuis une quinzaine d’années, les multinationales Veolia, Suez et Saur mènent avec succès un lobbying opiniâtre pour promouvoir une fuite en avant technologique. Censée apporter des solutions miracles, par exemple pour la réutilisation des eaux usées ou la recharge artificielle des nappes phréatiques, elle contribue en réalité au statu quo, pour ne rien changer aux pratiques délétères qui sont pourtant à l’origine de la dégradation croissante de la qualité de la ressource.

    Face à la production de ce discours et à cette fibre du tout technologique, difficile de résister. Pour deux raisons. « La compréhension des mécanismes de la politique de l’eau, tant dans ses aspects techniques qu’organisationnels est particulièrement ardue », soulignent Alain Richard et Christophe. Certes, « les SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) et les SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) sont soumis à l’avis du public. Les dossiers d’autorisation au titre de la loi sur l’eau font l’objet d’enquêtes publiques dont les éléments sont mis à disposition de tous sur les sites Internet des préfectures. Mais seuls quelques « initiés » sont capables de maîtriser les nombreux paramètres en jeu ». Face à cette complexité et au jeu des lobbies, les administrés sont désarmés : « La transparence des procédures ne garantit pas la participation du public et l’appropriation des enjeux à une grande échelle. » Par ailleurs, en matière de gouvernance encore, l’équilibre et les relations national/local ne se soldent pas vraiment en faveur de l’implication des échelons au plus près des administrés.

    Doit-on réfléchir et envisager de décentraliser l’action publique, pour plus d’efficacité ? Un nouveau vœu pieu. La Macronie méprise les 570 000 élus locaux français. Dans la pratique, ce sont désormais les préfets, et surtout les préfets de région, qui ont la haute main sur des politiques publiques revues à l’aune du libéralisme le plus échevelé.

    Un déluge de com

    Le 23 février dernier, Christophe Béchu et Bérangère Couillard présidaient le premier comité d’anticipation et de suivi hydrologique (CASH) de l’année. Objectif affiché ? « Informer les représentants des usagers sur la situation hydrologique actuelle et projetée en anticipation de risques potentiellement significatifs de sécheresse »...

    Pareille langue de bois n’augurait rien de bon, ou plutôt admirablement ce qui allait suivre cet interlude comme quand les deux membres du gouvernement, 24 heures plus tard, expliqueront qu’ils vont décider avec les préfets de mesures de restrictions... « soft ». Le lendemain de cette pseudo-annonce, Le Monde consacre son éditorial aux périls qui menacent, appelant face à l’urgence à la sobriété des usages. Comme un coup de pied à l’âne.

    En ce début d’année 2023, le rouleau compresseur de la com gouvernementale s’emballe. A donner le tournis. La veille de la réunion du CASH, le 22 février sur France Info, le ministre Béchu déclare la France « en état d’alerte ». Le samedi 25 février, en visite au Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron en appelle à un « plan de sobriété sur l’eau » et invente les « rétentions collinaires » jusque-là... inconnues.

    Le lundi 27 février, Christophe Béchu, à nouveau, réunit les préfets coordonnateurs de bassin. La semaine suivante, il est en visio avec les 100 préfets de département. Dix jours plus tôt, la troisième mission d’information sénatoriale mobilisée auditionnait des directeurs d’agences de l’eau. En outre, pour tirer les enseignements pratiques de la sécheresse historique de 2022, une mission est confiée aux inspections générales, charge à elles d’établir un retour d’expérience auprès de l’ensemble des acteurs et usagers et de formuler des propositions d’amélioration. La mission, en cours, devrait rendre ses conclusions au 1er trimestre 2023.

    Des « solutions » ineptes

    Cette mise en scène à grand spectacle se distingue principalement... par son inanité : loin de répondre aux enjeux d’une crise systémique, il s’agit en s’appuyant sur des « évidences » (qui n’en sont pas) de « vendre » du vent en agitant des « solutions » (qui n’en sont pas) tout en promouvant une fuite en avant technologique qui elle va rapporter des milliards aux usual suspects du secteur...

    À Savines-le-Lac, dans ses mesures phare, Emmanuel Macron a notamment insisté jeudi dernier sur la nécessité de lutter contre les fuites pour atteindre les objectifs fixés - et « faire 10% d’économie d’eau ». En les réparant ?

    Édifié depuis la moitié du XIXème siècle, le linéaire du réseau français d’adduction d’eau atteint quelque 880 000 kilomètres. Estimé à 1 000 milliards d’euros, ce patrimoine national a été à l’origine largement financé sur fonds publics, avant l’invention de la facture d’eau. Propriété des collectivités locales, son taux de renouvellement est en deçà de ce qu’il devrait être idéalement (1% par an), calé logiquement sur la durée de vie des tuyaux.

    « Parce que tout ça, c’est le fruit de quoi ?, a fait mine de s’interroger Emmanuel Macron la semaine dernière. De sous-investissements historiques. Et pourquoi on se retrouve collectivement dans cette situation ? C’est que pendant très longtemps, on s’est habitué à ne plus investir dans nos réseaux d’eau ».

    Face à cette situation, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi « Grenelle II ») a introduit deux dispositions : l’obligation tant pour les services d’eau que d’assainissement d’établir pour fin 2013 un descriptif détaillé de leurs réseaux d’une part, et l’obligation pour les services de distribution de définir un plan d’actions dans les deux ans lorsque les pertes d’eau en réseaux sont supérieures au seuil fixé par décret (n° 2012-97 du 27 janvier 2012).

    En clair, si son réseau est excessivement percé, la collectivité sera pénalisée en se voyant imposer un doublement de la redevance « prélèvement » perçue par les agences de l’eau sur les factures des usagers. Par ailleurs, plus « incitatif », la Banque des territoires (Caisse des dépôts et consignations) a ouvert ces dernières années une ligne de crédit de 2 milliards d’euros « [d’]Aquaprêt ». Les collectivités sont donc invitées à s’endetter pour changer leurs tuyaux. Succès mitigé jusqu’à aujourd’hui.

    Pour donner la mesure du problème, il est utile de savoir que changer un kilomètre de tuyau coûte entre 50 000 et 200 000 euros. Depuis trois ans, regroupées sous la bannière « Canalisateurs de France », les entreprises du secteur ont augmenté leurs tarifs de 30 à 40%.

    Autrement dit, une fois ces éléments précisés, aucune progression sensible n’est à attendre sur la question des fuites. Il va donc falloir trouver ailleurs.

    D’autant que si Emmanuel Macron annonce des financements (180 millions d’euros par an « sur nos points noirs), il s’est bien gardé de préciser l’origine de ces fonds (en encadré).

    Les eaux usées, plan juteux des majors

    Devant les élus, face aux Alpes qui le toisaient, le chef de l’Etat a insisté sur une autre mesure forte : il faut « investir massivement dans la réutilisation des eaux usées », a-t-il asséné avec un air entendu.

    Réutiliser les eaux usées ? Encore une fausse bonne idée « frappée au coin du bon sens ». Pour le mesurer et se faire une idée de l’annonce présidentielle, il faut là aussi comprendre de quoi il s’agit. Cette idée est en réalité promue depuis une vingtaine d’années au fil d’un lobbying effréné de Veolia, Suez et de la Saur.

    Concrètement, il existe aujourd’hui à peine 80 unités de « réutilisation des eaux usées traitées » (REUT) dans l’hexagone, pour plus de 22 330 stations d’épuration, de la petite installation qui traite les rejets de quelques centaines d’usagers aux complexes géants implantés dans les métropoles.

    Le traitement des eaux usées n’a pas pour objectif de la rendre potable. Avant d’être traitée, cette eau usée reçoit un prétraitement afin d’éliminer le sable et les autres matières en suspension. Le process consiste ensuite à opérer des filtrations et traitements (mécanique, biologique, physico-chimique…) avant de la rejeter d’une qualité acceptable, fixée par la réglementation, dans le milieu naturel (les lacs, les rivières, la mer, etc).

    L’épuration classique, dite par boue activée, s’inspire du domaine naturel. Plus précisément des rivières, qui développent des boues au sol afin de supprimer la pollution - elle s’en nourrit. Dans une installation traditionnelle, on fournit de l’oxygène à la boue pour satisfaire ses besoins énergétiques et on la laisse se nourrir, avant de la séparer de l’eau traitée à l’aide d’un clarificateur. Les filières les plus modernes peuvent aujourd’hui compter jusqu’à 10 étapes de traitement successives, jusqu’aux ultra-violets (UV).

    Plus coûteux et bien moins répandu, le traitement membranaire repose sur le même principe, mais au lieu d’utiliser un clarificateur les membranes filtrent la liqueur mixte.

    Avec la REUT, il s’agit de mobiliser des traitements complémentaires pour améliorer la qualité de l’eau usée. L’objectif n’est plus de la rejeter dans le milieu naturel mais de l’utiliser pour l’irrigation, l’arrosage des espaces verts, des golfs ou la réalimentation des nappes phréatiques, des captages ou des réserves qui servent à produire de l’eau potable, comme Veolia l’expérimente à grande échelle en Vendée.

    Revers de la médaille, c’est... autant d’eau qui ne revient pas au milieu, qui en a pourtant besoin, les rivières comme les nappes phréatiques, pour le maintien du cycle naturel - sans négliger les inquiétudes suscitées par le contrôle sanitaire des eaux ainsi « réutilisées » par ses usagers. Sur ce terrain, les expérimentations citées en exemples par les défenseurs de l’usage de la REUT pour l’irrigation dans le sud de l’Espagne ou en Italie (jusqu’à 10% des eaux usées y sont retraitées) montrent plutôt le chemin à éviter : les systèmes hydrologiques concernés y ont été gravement dégradés par un recours intensif à la REUT…

    On retrouve ici encore les mêmes à la manœuvre. Car pour Veolia, Suez et Saur, nouveaux usages « non conventionnels » veut dire d’abord et surtout nouvelles filières, nouvelles technologies, donc nouveaux marchés… Ces lobbies ont déjà convaincu le gouvernement qu’il fallait « faire sauter les entraves règlementaires qui pénalisent le développement des projets ». Comme en atteste le décret publié le 11 mars 2022, censé encadrer cette pratique, réputée « incontournable » pour répondre aux tensions qui se font jour sur la disponibilité des ressources en eau.
    Construire des bassines ?

    La question de l’irrigation de l’agriculture est devenue sensible à l’aube des années 2000, dans plusieurs grandes régions françaises - la Charente, le Sud-Ouest, la Beauce, la Picardie, terres d’élection des grandes cultures irriguées. Alors que le changement climatique affecte déjà le cycle hydrologique, la fuite en avant d’un modèle agricole productiviste délétère va dès lors entrer en contradiction avec une gestion soutenable de la ressource en eau.

    L’impasse s’est faite jour dans le courant des années 80 quand l’Etat a considéré que tout prélèvement au-dessus d’un certain seuil devait faire l’objet d’une déclaration à ses services, après avoir délivré des autorisations au coup par coup, sans aucune limite, pendant des décennies. Une situation intenable.

    Chaque été, les préfets d’une vingtaine de départements prennent de manière récurrente des arrêtés sécheresse et 30% du territoire métropolitain est considéré en déficit structurel. « On a une quinzaine de départements, dont les Hautes-Alpes d’ailleurs, qui sont d’ores et déjà placés en vigilance », a rappelé le président de la République la semaine dernière. « On a ensuite une dizaine de départements qui sont d’ores et déjà en alerte ou alerte renforcée dans certaines zones », a-t-il encore ajouté.

    La récente actualité, avec le choc des images de Sainte-Soline, a définitivement popularisé le sujet des grandes bassines. Mais, au juste, qu’est-ce qu’une bassine ? Cet ouvrage de stockage d’eau pour l’irrigation est constitué de plusieurs hectares de bâches en plastique retenues par des remblais de 10 à 15 mètres. Mais il ne se remplit pas avec de l’eau de pluie en hiver : avec une pluviométrie moyenne de 800 mm par an, il faudrait... 15 ans pour la remplir. Elle n’est pas davantage alimentée par de l’eau de ruissellement, comme celle des crues - comme le sont les retenues collinaires. Les bassines sont donc remplies par l’eau des nappes phréatiques, ce à quoi s’opposent les militants mobilisés le 25 mars dernier dans les Deux-Sèvres. Il faut compter 2 mois pour remplir une bassine avec des pompes travaillant à 500m3/H.

    Une fois capturée, l’eau est exposée au soleil, à l’évaporation et à la prolifération bactérienne ou algale. Elle servira alors principalement à irriguer du maïs destiné à nourrir le bétail, dont une bonne partie sera exportée avant que nous réimportions le bétail qui s’en nourrit. On dénombre aujourd’hui une bonne quarantaine de sites avec des grandes bassines (ou des projets) sur le sol national.

    Depuis un demi-siècle, on se débarrassait au printemps de l’eau « excédentaire » pour pouvoir effectuer les semis. On a drainé prairies et zones humides, « rectifié » les rivières pour évacuer l’eau. Ces opérations ont eu pour résultat une diminution des prairies et une augmentation de l’assolement en céréales. Mais à force d’évacuer l’eau, on a commencé à subir les sécheresses et les irrigants ont commencé à pomper l’eau des nappes.

    La loi NOTRe à la poubelle ?

    Comme si ça ne suffisait pas, la loi NOTRe de 2015 - loi phare du mandat Hollande qui avait pour objectif de rationaliser l’organisation des 35 000 services d’eau et d’assainissement français jusqu’alors gérés par les communes, en transférant ces compétences aux intercommunalités - n’a cessé d’être détricotée par les élus locaux qui n’ont jamais accepté d’être privés de leurs prérogatives.

    Après trois premières lois rectificatives, une quatrième offensive est venue du Sénat : la chambre haute examinait le 15 mars une nouvelle proposition de loi qui prévoit que même si les compétences ont déjà été transférées il serait possible de revenir en arrière, même pour les interco ayant procédé à la prise de compétences ! « On ne pourrait rêver pire pour créer un bordel ingérable », soupire un haut responsable de la direction générale des collectivités locals du ministère de l’Intérieur.

    Dans son rapport annuel 2023, la Cour des comptes a posé le dernier clou au cercueil, dans le chapitre qu’elle consacre à la politique de l’eau en France. Conclusion d’une enquête d’ampleur menée avec les treize chambres régionales, le texte n’y va pas de main morte pour dénoncer cette mascarade : « Elle est incohérente [et ] inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de la ressource », fulmine-t-elle. Cette politique, telle qu’elle est menée, souffre de « la complexité et du manque de lisibilité de son organisation », constatent les sages.

    La Cour fustige, les lobbies dansent...

    Exemple ? Près de la moitié des sous-bassins hydrographiques ne sont pas couverts par un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), dont l’élaboration... conditionne pourtant la mise en œuvre concrète des orientations du Sdage.

    « Lorsqu’ils existent, le contenu de ces schémas n’est pas toujours satisfaisant en raison de leur durée moyenne d’élaboration, proche d’une dizaine d’années, de l’ancienneté des données sur lesquelles ils s’appuient et de l’absence d’objectifs de réduction des consommations d’eau », pointent les magistrats financiers. Face à ces constats d’une sévérité sans précédent, la Cour des comptes demande donc de la « clarifier » en suivant mieux la géographie de l’eau et recommande de la (re)structurer autour du périmètre des sous-bassins versants.

    Mais qu’importent ces sombres augures et leurs appels... Le 22 mars, on se réjouissait, c’est bien là l’essentiel : Canalisateurs de France - les marchands de tuyaux qui réclament de 3 à 4 milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année - organisaient un grand raout : une « matinée de l’eau » avec pour « grand témoin » l’incontournable Erik Orsenna, l’homme... qui se vantait de faire commerce de son entregent dans un portrait criant de vérité publié en 2016 par M le Monde. Le ton était donné.

    Dans ces conditions, après avoir observé pendant des mois ce qui se passait en coulisses, et constaté l’omniprésence de lobbies toujours plus offensifs, on ne pouvait s’attendre qu’au pire à l’annonce du fameux plan eau du gouvernement. A la lecture du document diffusé dans la foulée du discours d’Emmanuel Macron, on doit le dire, on n’a pas été déçu. Entre énièmes déclarations d’intention (jamais suivies d’effets), camouflage du réel, empilement de gadgets ineptes - le baromètre de ceci, le thermomètre de cela... -, le président de la République s’est fait le VRP d’un « plan waouh ». Présenté comme la « modernisation sans précédent de notre politique de l’eau », il tient en réalité du concours Lépine et du catalogue de la Redoute.

    À la sortie, une (seule) chose est acquise : l’été sera chaud. Et l’exercice d’esbroufe ne règlera rien.

    https://www.blast-info.fr/articles/2023/macron-le-grand-plan-eau-qui-fait-flop-lojNnq91RhyU46bCLV9S0w

    #eau #plan_eau #lobbies #Macron #plan #mesures #sécheresse #plan_sécheresse #REUT #réutilisation_des_eaux_usées_traitées #FP2E #télérelève #Veolia #Suez #Saur #lobby #FNCCR #Comité_national_de_l’eau #Comité_de_bassin_Seine-Normandie #RIM #irrigation #bassines #changement_climatique #irrigation_agricole #agriculture #Compagnie_d’aménagement_des_coteaux_de_Gascogne (#CACG) #zéro_artificialisation #dépolitisation #politique #politique_de_l'eau #technostructure #gouvernance #SDAGE #SAGE #schéma_d'aménagement_et_de_gestion_des_eaux #schéma_directeur_d'aménagement_et_de_gestion_des_eaux #politique_publique #libéralisme #comité_d’anticipation_et_de_suivi_hydrologique (#CASH) #inaction #réseau #investissements #sous-investissement #Aquaprêt #collectivités_locales #Canalisateurs_de_France #fuites #eaux_usées #épuration #bassines #nappes_phréatiques #industrie_agro-alimentaire #loi_NOTRe

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    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/997687

  • Le président tunisien prône des « #mesures_urgentes » contre l’immigration subsaharienne

    Lors d’une réunion, mardi, du Conseil de sécurité nationale, le président tunisien, #Kaïs_Saïed, a tenu un discours très dur au sujet de « #hordes des #migrants_clandestins » en provenance d’Afrique subsaharienne, dont la présence est selon lui source de « #violence, de #crimes et d’#actes_inacceptables », insistant sur « la nécessité de mettre rapidement fin » à cette immigration.

    Il a en outre soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».

    Il a appelé les autorités à agir « à tous les niveaux, diplomatiques sécuritaires et militaires » pour faire face à cette immigration et à « une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières ». « Ceux qui sont à l’origine de ce phénomène font de la traite d’êtres humains tout en prétendant défendre les droits humains », a-t-il encore dit, selon le communiqué de la présidence.

    « Discours haineux »

    Cette charge de Kaïs Saïed contre les migrants subsahariens survient quelques jours après qu’une vingtaine d’ONG tunisiennes ont dénoncé jeudi la montée d’un « #discours_haineux » et du racisme à leur égard. Selon ces organisations « l’État tunisien fait la sourde oreille sur la montée du discours haineux et raciste sur les réseaux sociaux et dans certains médias ». Ce discours « est même porté par certains partis politiques, qui mènent des actions de propagande sur le terrain, facilitées par les autorités régionales », ont-elles ajouté.

    Dénonçant « les violations des droits humains » dont sont victimes les migrants, les ONG ont appelé les autorités tunisiennes « à lutter contre les discours de #haine, la #discrimination et le #racisme envers eux et à intervenir en cas d’urgence pour garantir la dignité et les droits des migrants ».

    La Tunisie, dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 kilomètres de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, en grande partie des Africains subsahariens, vers l’Italie.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/47002/le-president-tunisien-prone-des-mesures-urgentes-contre-limmigration-s
    #Tunisie #migrations #migrants_sub-sahariens #anti-migrants #grand_remplacement #démographie

    ping @_kg_

    • Dans un contexte tendu, certains Tunisiens viennent en aide aux migrants subsahariens

      Après les propos du président Kaïs Saïed, les autorités ont averti : toute personne qui hébergerait des personnes étrangères sans carte de résidence ou déclaration au commissariat violerait la loi. L’avertissement vaut aussi pour les employeurs qui font appel à des travailleurs étrangers non déclarés. Ainsi, de nombreux migrants subsahariens en situation irrégulière se retrouvent expulsés et sans travail du jour au lendemain. Des Tunisiens tentent de les aider en organisant des collectes.

      Samia, dont le prénom a été changé pour préserver son anonymat, est en train de charger une voiture de vêtements et repas, résultats de collectes auprès de Tunisiens, solidaires avec les Subsahariens mis à la rue ces derniers jours.

      « Pour les personnes mises à la rue, malheureusement, il faut des repas prêts. Pour les personnes qui sont chez elles, de la viande des pâtes, du riz, des féculents… Des choses pour tenir, surtout qu’il fait un peu froid. Et puis, du lait pour les bébés, des couches et des lingettes, des produits d’hygiène intime… »

      Un geste de solidarité qui passe par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux, afin d’aider à la fois les migrants en attente d’un rapatriement chez eux et ceux qui restent cloîtrés sans pouvoir aller au travail.

      « La situation, elle, est très alarmante. Elle est très alarmante et elle peut dégénérer rapidement. Alors, j’entends et je comprends très bien que les gens sont contraints d’appliquer la loi. Mais c’est un peu court comme analyse. On peut donner un peu de temps aux personnes pour s’organiser. On peut leur donner une trêve parce qu’il fait froid, et on ne peut pas jeter des familles à la rue. Ça, c’est vraiment affligeant, parce qu’il y a des bébés en très bas âge qui sont à la rue avec les températures qu’il fait », poursuit Samia.

      Elle et son association aident une centaine de personnes, dont des migrants en sit-in depuis deux jours, devant l’organisation internationale pour les migrations.

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      L’analyse de l’historienne Sophie Bessis

      RFI : Comment le pays en est arrivé là ?

      Sophie Bessis : « La première chose, c’est, pour remonter loin dans l’histoire, il y a quand même une vieille tradition raciste anti-Noir en Tunisie qui n’a pas disparu, même si dans les années 1960 et 1970, le panafricanisme qui était à l’honneur avait un petit mis sous boisseau cette vieille tradition qui vient d’une tradition esclavagiste et du fait que les populations noires nationales ont toujours été marginalisées. La Tunisie est en crise actuellement. La recherche de bouc-émissaire est toujours un compagnon d’une population en crise. Nous avons en Tunisie un parti nationaliste, il faudrait se poser la question sur ce qu’il représente et pourquoi. Et la question la plus importante est pourquoi les plus hautes autorités de l’État ont repris cette rhétorique qui est d’un racisme absolument primaire. Ce sont les stéréotypes racistes les plus éculés que l’on retrouve dans toutes les extrêmes droites du monde. »

      À quel point l’externalisation de la sécurité des frontières européennes a-t-elle joué dans le discours des autorités ?

      Il y a une progression des droites européennes qui est tout à fait alarmante en ce qui concerne la question migratoire et il y a une influence réelle disons et les moyens de pression des pays européens sur des pays comme la Tunisie dont vous connaissez l’ampleur de la crise économique, monétaire, financière et sociale donc il n’est pas impossible du tout qu’une partie de cette chasse anti-migrants soient dues aussi à ces pressions anti-européennes. En revanche, là où il faut se poser une question, c’est pourquoi cette violence ? Parce que malheureusement, la politique anti-migrants est devenue quelque chose de banale dans le monde d’aujourd’hui, mais la violence à la fois de la parole publique et la violence des gens contre les Subsahariens oblige aujourd’hui à se poser des questions, sur l’État de la société tunisienne et de son appareil dirigeant.

      L’Union africaine a réagi, qualifiant les propos du président de « choquants » et appelant au calme, mais quel impact pourrait avoir ces déclarations sur la diplomatie tunisienne en Afrique ?

      Il y a une boussole qui a été perdue, il y a une boussole qui est cassée aujourd’hui en Tunisie et j’espère que les pairs africains de la Tunisie et en particulier les pays dont sont originaires une bonne partie des migrants Subsahariens, sera plus ferme à l’égard de la Tunisie.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230228-dans-un-contexte-tendu-certains-tunisiens-viennent-en-aide-aux-migrants

    • Étudiant congolais en Tunisie : « Je ne sors plus, je reste confiné chez moi »

      Marc* a 22 ans et vit en Tunisie depuis un an. Muni d’un visa étudiant, ce jeune homme congolais s’est installé à Tunis dans l’espoir de finaliser son cursus universitaire avant de rentrer dans son pays d’origine. Mais depuis le discours anti-migrants du président tunisien, Marc ne sort plus de chez lui de peur de se faire agresser ou embarquer par la police.

      Le 21 février, le président tunisien Kaïs Saïed n’a pas mâché ses mots à l’égard des quelque 21 000 Africains subsahariens vivant en Tunisie. Les accusant d’être source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », le chef de l’État a évoqué la mise en place de « mesures urgentes » pour lutter contre ces « clandestins ». Depuis, dans ce pays frappé par une grave crise économique, un vent de panique souffle parmi les personnes noires - tunisiennes comme immigrées, avec ou sans papiers. Ces derniers jours, les cas de personnes victimes d’attaques verbales et physiques, expulsées manu militari de leur appartement ou arrêtées arbitrairement dans la rue par les forces de l’ordre, se sont multipliées.

      Marc est, pour l’heure, épargné. Étudiant depuis un an à Tunis, installé dans un quartier résidentiel de la capitale et muni d’un titre de séjour étudiant, Marc n’est pas un « clandestin ». Pourtant, son statut ne le protège pas des agressions.
      « Je suis à l’abri chez moi, mais jusqu’à quand ? »

      "Je ne sors plus de chez moi. Je reste confiné. Ces derniers jours, je ne vais plus en cours. J’ai trop peur. Dans la rue, on entend souvent les mêmes phrases : ’Rentrez chez vous ! Rentrez chez vous !’. Comment voulez-vous que j’arrive à l’arrêt de bus ou au métro [au tramway, ndlr] pour aller étudier ? J’ai peur de me faire agresser verbalement ou physiquement sur le trajet.

      J’ai entendu parler de camarades expulsés de chez eux, juste à cause de leur couleur de peau. Certains étaient en règle, d’autres non. Ce n’est pas un papier administratif, mon statut d’étudiant, qui va me protéger. Moi, pour l’instant, on ne me jette pas dehors. Je vis en colocation avec trois autres étudiants congolais. Je suis à l’abri, mais jusqu’à quand ?

      Des dizaines de Subsahariens, dont des familles avec enfants, campent actuellement devant les ambassades de leur pays. Certains y ont trouvé refuge après avoir été chassés de chez eux. Selon les chiffres cités par les ONG, plus 20 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne vivent en Tunisie, soit moins de 0,2% de la population totale.

      Il y a eu des attaques à l’arme blanche aussi. Un de mes amis a reçu un coup de couteau alors qu’il sortait d’une épicerie.

      Le discours du président a eu un retentissement terrible. Il y a toujours eu du racisme en Tunisie. Il y a toujours eu des arrestations, il y a toujours eu des contrôles dans la rue de manière arbitraire, mais c’était moins violent. Par exemple, moi, avant, les autorités pouvaient m’arrêter dans la rue, des agents contrôlaient mon identité sur place et ils me laissaient repartir cinq minutes après.
      « On ne prend plus les transports en commun, on prend des taxis »

      Désormais, on arrête les gens et on les embarque directement au poste de police, on peut les mettre en cellule plusieurs jours sans raison. Pour la première fois, il y a quelques jours, des agents m’ont arrêté dans la rue, ils n’ont pas voulu me laisser aller en cours, alors que je leur montrais mes papiers en règle. Ils m’ont embarqué au poste. J’ai eu tellement peur. Ils ont vérifié mon passeport, ma carte d’étudiant et ils m’ont laissé repartir. J’ai eu de la chance.

      Pour d’autres Noirs, ça se passe moins bien. Ils peuvent rester 3, 4, 5 jours au poste.

      Pour vous dire la vérité, pour aller travailler ou aller étudier, les ressortissants noirs ne marchent plus sur les trottoirs, ne prennent plus les transports en commun. Ils prennent des taxis.

      Cette situation a poussé des centaines de personnes à vouloir rentrer dans leurs pays. L’ambassade de Côte d’Ivoire a lancé une campagne de recensement de ses ressortissants souhaitant rentrer au pays. L’ambassade du Mali propose également à ses ressortissants de s’inscrire pour un « retour volontaire ». L’ambassade du Cameroun a, elle aussi, indiqué, dans un communiqué, que ses ressortissants pouvaient se « rapprocher de la chancellerie pour tout besoin d’information ou procédure dans le cadre d’un retour volontaire ». Marc souhaite, lui aussi, rentrer dans son pays.

      J’ai tellement peur que j’ai contacté les agents de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) pour qu’ils m’aident à rentrer chez moi [via le programme de ’retours volontaires’, ndlr], mais pour l’instant personne ne m’a répondu. Je ne comprends pas… En cette période difficile, on devrait avoir le soutien des instances internationales. Mais on n’a rien. C’est le silence radio."

      Si certains migrants ont réussi à rentrer chez eux via leurs ambassades ces dernières heures, des dizaines d’autres errent entre les bureaux du Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) et ceux de l’OIM, à Tunis. Beaucoup sont de Sierra Leone, de Guinée Conakry, du Cameroun, du Tchad ou du Soudan, des pays parfois sans ambassade dans la capitale tunisienne. Arrivés illégalement, ils se sont retrouvés, après les propos de Kaïs Saïed, soudainement à la rue et privés des emplois informels grâce auxquels ils survivaient.

      *Le prénom a été changé

      https://www.infomigrants.net/fr/post/47231/etudiant-congolais-en-tunisie--je-ne-sors-plus-je-reste-confine-chez-m

    • Racisme en Tunisie. « Le président a éveillé un monstre »

      Depuis quelques jours, la Tunisie est le théâtre d’une furieuse poussée de racisme contre les populations subsahariennes, déclenchée notamment par les récentes déclarations du président Kaïs Saïed. Du sud du pays à la capitale, Tunis, la crainte d’une escalade est grande.

      « Regarde ce qu’ils nous font, c’est terrible ! Comme si on n’était pas vraiment des hommes. » Sur l’écran du smartphone que me tend l’homme qui s’indigne ainsi, Adewale, deux hommes à la peau noire recroquevillés sur un canapé sont menacés par des assaillants encapuchonnés, armés de ce qui ressemble à des couteaux. Les victimes roulent des yeux terrifiés et psalmodient des suppliques. En réponse, leurs agresseurs hurlent, miment des coups. Puis la vidéo TikTok s’arrête et laisse place à une autre : elle montre des hommes et des femmes qui marchent dans la rue en criant des slogans, la mine hostile. « Ça ce sont des gens qui manifestaient contre la présence des Subsahariens dans le pays. Je ne comprends pas pourquoi ils nous détestent tant. »

      Adewale parle d’une voix lasse. Il l’a dit plusieurs fois pendant l’entretien : il n’en peut plus. De sa situation bloquée. De sa vie fracturée. De l’atmosphère viciée de ces derniers jours. Ce jeune Nigérian né à Benin City a beau avoir tout juste 30 ans, il a déjà derrière lui tout un passé de drames. Plus tôt, il m’avait raconté les larmes aux yeux comment sa femme est morte lors d’une tentative de fuir la Libye et de rejoindre l’Europe en bateau. Diminuée par les mauvais traitements endurés en Libye, malade, elle est décédée après un jour de traversée. « C’était le 27 mai 2017, je ne l’oublierai jamais », répète-t-il. Il explique avoir dû faire croire qu’elle s’était assoupie sur ses genoux pour éviter que son corps ne soit jeté à la mer par les autres voyageurs.

      Lui a été récupéré deux jours plus tard par un navire de gardes-côtes tunisiens alors qu’il dérivait au large de Sfax avec ses compagnons d’infortune. Depuis, il survit dans ce pays, obsédé par la perte de sa compagne dont il visite et fleurit régulièrement la tombe. Impossible pour lui de rentrer au Nigeria : la famille de sa compagne décédée le tient pour responsable et lui aurait signifié son arrêt de mort.

      À plusieurs reprises, Adewale me montre des photos personnelles pour mieux illustrer son propos. Défilent des portraits de sa défunte femme souriante, barrés d’un grand « RIP » coloré, suivis de clichés de sa tombe en béton ornée de fleurs. Puis ce sont des images où on le voit travailler sur un chantier de Zarzis, la ville où il réside désormais. Adewale me prend à témoin : c’est un bon travailleur, un ouvrier du bâtiment acharné, levé à l’aube, qui accepte de bosser au noir pour un salaire de misère. Depuis six ans qu’il réside en Tunisie, il n’a pas démérité. Comme tous ses camarades, ajoute-t-il. Alors aujourd’hui il tombe des nues : « Il y a peu de temps, j’ai été agressé dans la rue, à côté de chez moi. Un homme m’a donné un coup de poing dans l’estomac en me disant de rentrer dans mon pays. Tu imagines ? Dans ces cas-là, il ne faut surtout pas répondre sinon tout le monde se rue sur toi. C’est pour ça que je n’ai pas réagi. Mais je ne comprends pas cette haine. »

      Une version arabe du « #grand_remplacement »

      Zarzis n’est pourtant pas l’épicentre des violences racistes qui se déchaînent en Tunisie depuis plusieurs jours. Située dans le sud-est de la Tunisie, à moins de 100 kilomètres de la frontière libyenne, cette ville côtière d’environ 70 000 habitants est réputée plutôt « ouverte », avec une communauté de pêcheurs qui se sont parfois distingués par leur aide apportée aux embarcations de personnes exilées en détresse. Elle abrite aussi depuis peu un cimetière verdoyant nommé « Jardin d’Afrique », ou « Paradis d’Afrique », inauguré en 2021, qui se veut le symbole du respect accordé aux dépouilles des personnes décédées en mer.

      Mais à Zarzis comme ailleurs en Tunisie, la situation est tendue. Le déclencheur ? Un discours du président Kaïs Saïed le mardi 21 février 2023 lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, qui a déchaîné ou réveillé chez certains une forme de racisme latent. Entre deux saillies sur les « violences, [...] crimes et actes inacceptables » prétendument commis par les « hordes » de personnes exilées clandestines, celui qui, depuis juillet 2021, s’est arrogé tous les pouvoirs, a déclaré que la migration correspondait à une « entreprise criminelle [...] visant à changer la composition démographique de la Tunisie ». L’objectif du complot ? En faire un pays « africain seulement » afin de dénaturer son fond identitaire « arabo-musulman ». Une traduction en arabe de la théorie du « grand remplacement » prônée en France par Renaud Camus, Éric Zemmour et leurs émules. Rodant déjà sur les réseaux sociaux, et portées par le Parti nationaliste tunisien, un mouvement relativement confidentiel jusqu’à ce début d’année, ces thèses ont soudain jailli au grand jour, entraînant une vague de violences qui s’est ressentie jusqu’à Zarzis.

      Adewale raconte ainsi qu’il se fait régulièrement insulter, qu’il ne peut plus se rendre au travail, et que plusieurs de ses amis subsahariens ont été mis à la porte de chez eux par leurs bailleurs pour la seule raison qu’ils étaient noirs. Il ajoute que lui a de chance : le sien est venu toquer à sa porte pour lui dire de le prévenir s’il avait des problèmes. Il n’empêche : il se terre chez lui. Et de dégainer encore une fois son smartphone pour me montrer une énième vidéo TikTok, ce réseau social devenu avec Facebook le vecteur principal du racisme – mais aussi la première source d’information des exilés. « Ça c’était à Sfax hier, explique Adewale, des jeunes ont attaqué un immeuble où vivaient des Subsahariens, et tout le monde a été mis dehors. » Sur l’écran, des hommes, des femmes et des enfants sont assis sur le trottoir avec leurs affaires, l’air désemparé. « Il y a des gens terribles ici », ajoute Adewale.

      « Une forme de psychose qui s’installe »

      Rencontrés à Zarzis, Samuel et Jalil vivent eux aussi dans la peur depuis le discours du 21 février. Ils ne sont pas d’origine subsaharienne, mais ils craignent que les temps à venir soient dramatiques pour les personnes exilées vivant en ville : « On conseille aux migrants qu’on suit de ne pas sortir, ou alors seulement au petit matin, pour aller faire les courses, parce qu’on ne sait pas comment ça peut tourner », explique Jalil. Il ne cache pas craindre une criminalisation de leur activité : « Les policiers savent qu’on assiste les personnes en transit ici. Dans le climat politique actuel, il y a forcément une forme de psychose qui s’installe. »

      L’entretien avec ces deux militants locaux a été fixé par WhatsApp, après vérification de ma situation : est-ce que les autorités savent que je suis journaliste ? Non ? J’en suis bien sûr ? Rendez-vous est finalement donné dans une sorte de villa touristique baroque, à quelques kilomètres du centre-ville. « C’est un peu notre cachette », dit Jalil, souriant de ce terme incongru. Tous deux expliquent en s’excusant que la situation politique les force à prendre des précautions dont ils préféreraient se passer. Âgés d’une quarantaine d’années, Samuel et Jalil s’emploient depuis des années à assister les nombreuses personnes exilées qui atterrissent dans la ville. Ils ont constaté que, bien avant l’envolée raciste du président, les personnes subsahariennes se voyaient déjà appliquer un traitement différencié : « On les accompagne s’ils doivent aller à l’hôpital, car sinon on ne les prend pas en charge. Et quand ils se font agresser, ce n’est même pas la peine pour eux de se rendre à la police, car elle n’enregistrera pas leur plainte. »

      C’est par le biais de ces deux militants que je rencontre leurs amis Yacine et Nathan. Le premier vient du Mali, le second de Côte d’Ivoire. Tous les deux sont passés par la Libye, qu’ils décrivent comme un enfer, entre sévices physiques et travail forcé. Interrogés sur la période passée là-bas, ils éclatent d’un rire nerveux. « C’est notre manière d’évacuer ces moments, explique Yacine. Personne ne peut comprendre l’horreur de ce pays pour un Noir s’il ne l’a pas vécu. »

      Quand ils ont finalement réussi à prendre la mer, après de longs mois d’errance et de labeur, ils ont été récupérés par un navire des gardes-côtes tunisiens, qui les a déposés à Zarzis. Ils ont ensuite été convoyés à Médenine puis à Djerba, où ils ont travaillé dans le bâtiment. De retour à Zarzis, ils ne pensent qu’à une chose : prendre la mer pour l’Europe. Et tant pis si pour cela ils doivent tenter la traversée sur un « iron boat », ces bateaux de métal conçus à la va-vite et qui ont sur certains rivages remplacé les navires en bois ou en résine – une évolution des conditions de navigation qui a provoqué de nombreux drames, ces embarcations de fortune prenant l’eau à la moindre vague.
      Des centaines de morts dans l’indifférence

      Plus de 580 personnes sont mortes en 2022 après avoir pris la mer depuis la Tunisie, dans l’indifférence de la communauté internationale. Pour Yacine et Nathan, qui ont déjà tenté la traversée depuis la Tunisie trois fois – pour se voir à chaque fois ramenés à quai par les gendarmes tunisiens des mers –, il existerait cependant des moyens concrets pour assurer une traversée plus sûre : « Il suffit de bien s’organiser, d’utiliser des applications pour connaître la météo dans les trois jours qui arrivent, et de regarder la hauteur des vagues. Après, tu te confies à Dieu. » Davantage que les éléments, ils craignent les hommes : « Le vrai problème, ce sont les gardes-côtes, qui se montrent violents et dangereux, au point de parfois faire couler les bateaux ».

      À Zarzis, une ville endeuillée par le terrible naufrage du 21 septembre 2022 au cours duquel 18 Tunisiens se sont noyés dans des circonstances troubles semblant impliquer les gardes-côtes, la question ne laisse pas la population insensible. De nombreuses manifestations ont eu lieu, notamment pour exiger des enquêtes sur les circonstances du drame. Début septembre a également été organisée une « commémorAction » réunissant Tunisiens et familles de disparus venus de divers pays africains. Mais dans le contexte actuel, la critique des politiques migratoires se retourne parfois contre les migrants, explique Jalil : « Certains disent que les jeunes Tunisiens sont morts à cause des Subsahariens, parce que le comportement violent des gardes-côtes serait dû à la volonté d’endiguer avant tout le départ des personnes noires. »

      Après plusieurs années passées en Tunisie, Yacine et Nathan assurent que le racisme était déjà sensible avant le discours du président. Refoulements à l’hôpital, loyers plus chers, charges d’électricité gonflées et travail sous-payé les poussent à considérer qu’eux et leurs camarades seraient en fait de pures aubaines pour ce pays. Pas dupes, ils font mine de s’étonner d’un traitement différencié avec des étrangers plus clairs de peau : « On s’est rendu compte que certains étrangers n’étaient pas concernés par les insultes et les mauvais traitements, notamment les Syriens, les Bangladais ou les Marocains. Peut-être que c’est la couleur de peau qui fait la différence ? Il faut dire qu’on est plus visuels ! »

      « Ici, c’est chez nous »

      Si l’ironie est de mise, la gravité aussi. Car les deux amis s’accordent à dire que le discours de Kaïs Saïed a jeté de l’huile sur le feu. Selon Nathan, « jouer sur la haine peut être très efficace, il suffit de voir ce qui se passe sur les réseaux sociaux ». Il s’inquiète logiquement du ralliement d’une partie de la population à cette croisade numérique. S’il a l’habitude de craindre la police, ne pas pouvoir marcher dans la rue ou se rendre à la boutique pour faire ses courses lui semble bien plus grave. Quant aux débordements, ils sont déjà là, s’indigne Yacine :

      Depuis le discours du président, on entend des insultes tout le temps. On te dit : « Ici, c’est chez nous. » Ça peut aussi passer par des petits gestes, quelqu’un à l’arrière d’un taxi qui s’étale de tout son long et ne te laisse qu’un bout de banquette, sans que tu puisses rien dire. Et parfois c’est grave : il y a quelques mois, un jeune Guinéen a été lapidé pour avoir changé une chaîne de télé dans un café. Des jeunes Tunisiens l’ont attendu à l’extérieur. Il a perdu un œil. J’ai peur que ce genre d’événements se reproduise bien plus souvent.

      Aux environs de Zarzis et dans la ville même, la plupart des personnes subsahariennes sont clandestines, n’ont aucune intention de rester en Tunisie et ont les yeux rivés sur la mer – à l’image d’Adewale, de Yacine et de Nathan. Pour beaucoup de celles et ceux passés par la Libye, ils n’ont de toute façon plus de papiers d’identité, les divers exploiteurs de misère croisés dans ce pays les leur ont confisqués. Mais les 21 000 ressortissants de pays subsahariens qui vivent en Tunisie sont tous plus ou moins logés à la même enseigne, qu’ils soient « légaux » ou « illégaux ».

      À Sfax, deuxième ville du pays secouée par plusieurs nuits de violences racistes dont le bilan est encore incertain, la tension imprègne les rues. Interrogés sur les derniers événements, certains Tunisiens déplorent les violences qu’ils attribuent à des jeunes écervelés agissant en bandes. « Ce sont des crétins qui se montent la tête sur Internet », estime un vieil homme rencontré à la terrasse d’un café. Mais d’autres assument un discours dont il ressort qu’il n’y a pas de fumée sans feu et que les victimes l’ont sans doute un peu cherché.

      Quant aux principaux concernés qui osent sortir de chez eux, certains ne croient plus vraiment au dialogue. À l’extérieur de la casbah de Sfax, en bordure de la large avenue des Martyrs, quelques exilés ont dressé les étals d’un petit marché africain – épices, fruits et légumes du pays. Interrogé, un jeune homme aux yeux tristes confie avoir « très peur des jours qui arrivent ». Il me renvoie vers un trio de femmes, apparemment chargées des communications. Tout en remballant leurs sacs de provisions, elles assurent ne pas vouloir témoigner : « On ne veut plus parler, on a trop parlé ! Et ça ne change rien ! C’est de pire en pire ! »

      « Les Noirs n’ont plus de valeur ici ! »

      Devant l’ambassade de Côte d’Ivoire à Tunis, par contre, les langues se délient. Cela fait quelques jours que le lieu excentré en banlieue est un point de rassemblement pour les Ivoiriens désemparés. Certaines familles dorment même sous des tentes, dressées sur un terre-plein à proximité du bâtiment, après qu’elles ont été expulsées de leur habitation. Tous ici affirment être arrivés par avion en Tunisie, donc par la voie légale. Leur désenchantement est immense.

      Parmi la grosse cinquantaine de présents, certains sont venus tenter de faire avancer leur situation administrative – qu’il s’agisse de rester dans le pays ou de le quitter. Beaucoup s’indignent de la question des « pénalités » que le gouvernement tunisien entend faire payer aux personnes désirant rentrer chez elles – et qui, selon la durée du séjour, peuvent atteindre de fortes sommes. Les autorités marchent sur la tête, s’accordent-ils : elles veulent qu’ils partent mais font tout pour que ce ne soit pas possible…

      Au-delà des épineuses questions administratives, les discours tenus ici sont unanimes : le racisme a explosé dans des proportions effrayantes. Prendre les transports en commun revient ainsi à s’exposer à de forts risques d’agression. Les témoignages s’enchaînent. « Moi je suis terrée chez moi depuis bientôt une semaine. C’est la première fois que je sors », dit l’une. « Des jeunes ont cassé ma porte en pleine nuit pour m’expulser de chez moi », s’émeut un autre, qui montre les contusions sur son visage et sur son cou en expliquant avoir été frappé. « J’étais dans le métro avec mes deux enfants quand des jeunes nous ont crié : “Rentrez chez vous, les singes !” », déplore une mère de famille, le petit dernier agrippé à son dos.

      Alors que plusieurs d’entre eux évoquent les rafles policières menées jusqu’à la sortie des crèches et la situation des personnes maintenues en prison, l’un d’eux sort un smartphone pour montrer les images passablement floues d’un homme noir insulté et frappé par ce qui ressemble à des policiers – « ils le torturent ». Puis c’est une autre où des Tunisiens crient « on n’est pas des Africains ! ». Enfin, une dernière qui déclenche des cris outrés quand l’orateur déclare : « Les Noirs n’ont plus de valeur ici ! »
      « Le feu vert à tous les débordements racistes »

      Face à ce déferlement de haine en ligne, les réactions sont contrastées. Un homme me déclare que le jour où il rentrera au pays il s’en prendra aux riches Tunisiens installés en Côte d’Ivoire – œil pour œil. Mais d’autres insistent pour imputer la responsabilité des violences à une minorité haineuse. « Beaucoup de Tunisiens m’ont aidé depuis que je suis arrivé », tient à témoigner Ismaël, jeune étudiant en informatique. Il parle d’une voix posée, évoque en souriant les délires administratifs qu’il a rencontrés jusqu’ici pour tenter de régulariser sa situation. Comme d’autres, il tempère, tente d’entrevoir une porte de sortie pour continuer à vivre dans ce pays qu’il dit aimer. Puis il se ravise : « En fait, je ne sais plus trop quoi penser. Le président a éveillé un monstre, et les derniers jours ont fait trop mal. »

      Une certitude : en pleine dérive autoritaire, le régime de Kaïs Saïed a libéré un fléau qui laissera des traces. « Il a donné le feu vert à tous les débordements racistes, qu’ils soient l’œuvre de la population ou des forces armées », explique un opposant tunisien, vétéran du renversement de Zine El-Abidine Ben Ali, en 2011, qui parle de « fascisme » pour désigner le pouvoir en place. « C’est un basculement très dangereux, contre lequel il va falloir lutter de toutes nos forces. »

      Inquiets, quelques centaines de manifestants se sont donné rendez-vous le 25 février pour dénoncer les discours et les violences racistes dans les rues de Tunis. Une initiative qui ne pèse pour l’instant pas lourd face à l’alliance de la parole présidentielle et des emballements racistes sur les réseaux sociaux.

      https://afriquexxi.info/Racisme-en-Tunisie-Le-president-a-eveille-un-monstre

    • Tunisie : des centaines de ressortissants d’Afrique subsaharienne rapatriés vers le #Mali et la #Côte_d’Ivoire

      Le président de la République tunisienne, Kaïs Saïed, a affirmé, le 21 février, que la présence dans le pays de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes ».

      Des migrants subsahariens en attente de prendre un vol de rapatriement vers leur pays d’origine, au consul du Mali à Tunis, le 4 mars 2023. FETHI BELAID / AFP

      Quelque 300 Maliens et Ivoiriens ont quitté la Tunisie, samedi 4 mars, à bord de deux avions rapatriant des ressortissants d’Afrique subsaharienne cherchant à fuir des agressions et des manifestations d’hostilité après une violente charge du président, Kaïs Saïed, contre les migrants en situation irrégulière.

      Le 21 février, M. Saïed a affirmé que la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays.

      Samedi, « on a fait embarquer 133 personnes » parmi lesquelles « 25 femmes et 9 enfants ainsi que 25 étudiants » dans l’avion qui a quitté la Tunisie vers 11 heures, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un diplomate malien. Deux heures plus tard, un autre appareil devant rapatrier 145 Ivoiriens a décollé de Tunis, selon l’ambassadeur ivoirien en Tunisie, Ibrahim Sy Savané.

      Discours « raciste et haineux »

      Le discours présidentiel, condamné par des ONG comme « raciste et haineux », a provoqué un tollé en Tunisie, où les personnes d’Afrique subsaharienne font état depuis d’une recrudescence des agressions les visant et se sont précipitées par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriées.

      Devant l’ambassade du Mali, surchargés de valises et ballots, tous ont dit fuir un climat lourd de menaces. « Les Tunisiens ne nous aiment pas, donc on est obligés de partir, mais les Tunisiens qui sont chez nous doivent partir aussi », a dit à l’AFP Bagresou Sego, avant de grimper dans un bus affrété par l’ambassade pour l’aéroport.

      Arrivé il y a quatre ans, Abdrahmen Dombia a interrompu ses études de mastère en pleine année universitaire : « La situation est critique ici, je rentre parce que je ne suis pas en sécurité. » Baril, un « migrant légal », s’est dit inquiet pour ceux qui restent. « On demande au président, Kaïs Saïed, avec beaucoup de respect de penser à nos frères et de bien les traiter », explique-t-il.
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      Selon le gouvernement ivoirien, 1 300 ressortissants ont été recensés en Tunisie pour un retour volontaire. Il s’agit d’une part importante de la communauté ivoirienne, qui, avec environ 7 000 personnes, est la plus importante d’Afrique subsaharienne en Tunisie, à la faveur d’une exemption de visa à l’arrivée.

      Quelque trente étudiants ivoiriens, en situation régulière, font partie des rapatriés. « Ils ne se sentent pas à l’aise, certains ont été victimes d’actes racistes, certains sont en fin d’études, d’autres les ont interrompues », a précisé à l’AFP par téléphone depuis l’aéroport Michael Elie Bio Vamet, président de l’Association des étudiants ivoiriens en Tunisie. « Il y a des agressions presque tous les jours, des menaces, ou bien ils sont mis dehors par leurs bailleurs, ou agressés physiquement », a-t-il ajouté.

      « Déferlement de haine »

      Pour la plupart issus de familles aisées, des dizaines d’étudiants d’Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des universités ou des centres de formation en Tunisie. Apeurés, beaucoup sont déjà repartis par leurs propres moyens, selon leurs représentants.

      L’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT) a documenté l’agression, le 26 février, de « quatre étudiantes ivoiriennes à la sortie de leur foyer universitaire » et d’« une étudiante gabonaise devant son domicile ». Dès le lendemain du discours de M. Saïed, l’AESAT avait donné comme consigne aux étudiants subsahariens « de rester chez eux » et de ne plus « aller en cours ». Cette directive a été prolongée au moins jusqu’au 6 mars.

      Des Guinéens rentrés par le tout premier vol de rapatriement mercredi ont témoigné auprès de l’AFP d’un « déferlement de haine » après le discours de M. Saïed.
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Tunisie, le tournant répressif du régime de Kaïs Saïed

      Bon nombre des 21 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail et leur logement. Des dizaines ont été arrêtés lors de contrôles policiers, certains sont encore en détention. D’autres ont témoigné auprès d’ONG de l’existence de « milices »qui les pourchassent et les détroussent.

      Cette situation a provoqué l’afflux de centaines de personnes à leurs ambassades pour être rapatriées. D’autres, encore plus vulnérables car issues de pays sans ambassade à Tunis, ont rejoint un campement improvisé devant le siège de l’Office international pour les migrations (OIM), où elles dorment dans des conditions insalubres.

      Selon l’ambassadeur ivoirien, la Tunisie a promis de renoncer à réclamer aux personnes en situation irrégulière des pénalités (80 dinars, soit 25 euros par mois de séjour irrégulier) qui, pour certains, dépassaient 1 000 euros

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/03/04/des-centaines-de-ressortissants-d-afrique-subsaharienne-rapatries-de-tunisie
      #renvois #expulsions #rapatriement #retour_au_pays

    • La Tunisie rongée par les démons du racisme

      L’éruption d’hostilité aux Africains subsahariens encouragée par le président Kaïs Saïed s’ajoute à la régression autocratique et entache encore un peu plus l’image de la Tunisie à l’étranger.

      Il est bien loin, le temps où la Tunisie inspirait hors de ses frontières respect et admiration. Chaque semaine qui passe entache un peu plus l’image de ce pays qui brilla jadis d’une flamme singulière dans le monde arabo-musulman. Que reste-t-il du prestige que lui conférait son statut d’avant-garde en matière de libertés publiques, de pluralisme politique, de droits de femmes et de respect des minorités ? Le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs à la faveur d’un coup de force en juillet 2021, lui impose désormais un tournant répressif, conservateur et xénophobe des plus préoccupants. La Tunisie en devient méconnaissable.

      Dans cette affaire, tout est lié : le retour à l’autocratie va de pair avec la crispation identitaire, les deux se nourrissant d’un prétendu « complot » contre l’Etat et la patrie. L’une des illustrations les plus déprimantes de cette régression est la récente vague de racisme anti-Noirs qui secoue le pays. Dans la foulée de la déclaration du 21 février du président Saïed, qui a fustigé des « hordes de migrants clandestins » associées à ses yeux à un « plan criminel » visant à « modifier la composition démographique » du pays en rupture avec son « appartenance arabo-islamique », l’hostilité se déchaîne contre les étudiants et les immigrés issus de l’Afrique subsaharienne.

      Ces derniers sont chaque jour victimes d’agressions physiques et verbales à Tunis et dans d’autres centres urbains. Le discours conspirationniste du chef de l’Etat, aux accents de type « grand remplacement », a libéré un racisme enfoui au tréfonds de la société tunisienne, héritage de l’esclavage en Afrique du Nord, aux séquelles psychologiques durables.
      L’embarras prévaut

      L’éruption de cette xénophobie cautionnée au plus haut niveau de l’Etat a obscurci la perception de la Tunisie à l’étranger. M. Saïed a beau avoir tenté de nuancer ses propos en précisant qu’il visait les immigrants en situation irrégulière, le mal est fait. Ses brigades de fidèles, dont certains sont affiliés à un Parti nationaliste tunisien aux discours et aux méthodes dignes de l’extrême droite européenne, traquent les Subsahariens. Les Tunisiens les plus progressistes avouent leur « honte » et tentent d’organiser dans l’adversité un front « antifasciste ». La consternation règne aussi dans de nombreuses capitales du continent. L’Union africaine a « condamné » les « déclarations choquantes » du président Saïed.
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Le régime de Kaïs Saïed en Tunisie n’a pas changé de nature, mais de degré de répression »

      Dans les capitales européennes, c’est plutôt l’embarras qui prévaut. Si les chancelleries ne manquent pas d’exprimer occasionnellement leur « préoccupation » face au recul de l’Etat de droit en Tunisie, elles n’ont pas réagi à la charge présidentielle contre les migrants subsahariens. Et pour cause : M. Saïed répond plutôt positivement aux appels de l’Europe – au premier chef de l’Italie – à mieux verrouiller ses frontières maritimes afin d’endiguer les traversées de la Méditerranée.

      Le cadenassage de « l’Europe forteresse », qui contribue à fixer en Afrique du Nord des candidats à l’exil européen, n’est pas étranger aux tensions migratoires dont cette région est le théâtre. Cherche-t-on à ménager M. Saïed afin d’éviter qu’il « lève le pied » sur la surveillance de son littoral ? Si telle était l’arrière-pensée, elle ajouterait le cynisme à un dossier déjà suffisamment dramatique.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/04/la-tunisie-rongee-par-les-demons-du-racisme_6164127_3232.html

    • En Tunisie, le douloureux retour au pays des exilées subsahariennes

      Elles ont tout quitté pour venir en Tunisie, trouver un travail et subvenir aux besoins de leur famille dans leur pays. Souvent exploitées ou livrées à elles-mêmes durant leur parcours de vie en Tunisie, des femmes migrantes subsahariennes racontent comment elles ont quitté ou vont quitter le pays, après les propos du président Kaïs Saïed sur son intention de contrer le phénomène migratoire, source de violences et de crimes selon ses mots. Témoignages.

      À l’entrée de l’aéroport de Tunis Carthage, ce samedi 4 mars, l’aube commence à pointer et Mireille fait les cent pas. Emmitouflée dans une écharpe rouge pour se réchauffer, elle se confie : « J’ai vraiment hâte que tout ça se finisse. » Ivoirienne, elle attend, fébrile, avec une centaine d’autres de ses compatriotes en file indienne, valises à la main, le premier vol de rapatriement vers Abidjan, une opération lancée par l’ambassade peu après les propos polémiques de Kaïs Saïed du 21 février sur les migrants subsahariens.

      Dimanche soir, la Présidence de la République et celle du gouvernement tunisien ont tenté d’apaiser le ton tout en disant s’étonner de la « campagne liée au prétendu racisme en Tunisie » et rejette ces accusations. Mais elles ajoutent mettre en place des mesures pour les résidents subsahariens en Tunisie, notamment avec l’octroi de cartes de séjour d’un an pour les étudiants. Le gouvernement a également annoncé faciliter les départs volontaires pour ceux qui le souhaitent et un numéro vert pour signaler les violations de leurs droits.

      Après ses déclarations, qualifiées de « racistes » par de nombreuses associations, beaucoup de migrants ont été expulsés de chez eux par leur propriétaire, et ont perdu leur travail. Les agressions dans la rue se sont multipliées et les chancelleries de plusieurs pays ont décidé d’affréter des avions pour permettre des rapatriements à leurs ressortissants. Près de 2 000 Ivoiriens candidats au départ ont déjà été recensés en moins d’une semaine par l’ambassade et, chaque jour, la liste s’allonge. La Guinée a rapatrié une cinquantaine de ressortissants. Le Mali, 154.

      Depuis 2020, une étude de l’Observatoire national pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour les questions de santé sexuelle et reproductive (UNFPA), note une « recrudescence » de la présence des femmes migrantes dans les centres d’accueil de femmes victimes de violences. « Les violences faites aux femmes migrantes sont difficilement condamnées et prises en charge par l’État en raison du statut irrégulier des femmes, de leur accès limité aux services en raison de la peur d’être dénoncées ou encore d’être expulsées du pays », peut-on lire dans le rapport.

      Aujourd’hui, le retour précipité au pays, le risque d’une expulsion brutale de leur logement ou d’une agression sont devenus une préoccupation quotidienne de la grande majorité des femmes subsahariennes en Tunisie, déjà souvent exposées à des violences et à la vulnérabilité économique. Mediapart a donné la parole à trois d’entre elles.
      Quatre ans en Tunisie et un traumatisme

      Mireille a été particulièrement choquée par ses derniers jours passés dans le pays. Cette coiffeuse de formation qui avait laissé, quatre ans plus tôt, ses trois enfants en Côte d’Ivoire pour tenter de soutenir financièrement sa famille, n’a vécu que des désillusions. « Dès que je suis arrivée, mes contacts sur place m’ont mise dans le circuit de femmes de ménage. Je gagnais 450 dinars par mois (135 euros) et je travaillais 12 heures par jour, j’ai eu sans arrêt des problèmes de santé à cause des produits nettoyants qu’on nous faisait utiliser et je ne sens plus mon dos », raconte-t-elle.

      Très vite, elle regrette d’être venue mais se rend compte que les pénalités pour avoir excédé sa durée de séjour dans le pays sont lourdes, 80 dinars par mois, à payer à la police des frontières. Ces pénalités sont plafonnées à 3 000 dinars (900 euros) depuis 2017. « Alors, comme d’autres, je me suis retrouvée coincée et j’ai continué de travailler pour tenter d’économiser et de payer mon retour », dit-elle.

      Dans une étude publiée en 2020 par l’ONG Terre d’asile en Tunisie sur le parcours des femmes migrantes, la précarité et la vulnérabilité de femmes comme Mireille étaient déjà dénoncées. L’une des conclusions de l’étude invitait l’État tunisien à « travailler au développement de conditions d’accueil pour les femmes migrantes qui leur permettraient de s’autonomiser, notamment au moyen de l’accès à un travail décent et à un séjour régulier, et d’accéder véritablement à leurs droits », peut-on lire dans la conclusion de l’étude basée sur les témoignages d’une vingtaine de femmes. « Cette autonomisation leur permettra d’être moins vulnérables aux violences, aux arnaques et à la précarité, tout en leur donnant toutes les chances de s’intégrer au sein de la société tunisienne. »

      Pour Mireille, l’intégration a fini en traumatisme. Deux jours après le communiqué de la présidence sur les Subsahariens, sa maison a été mise à sac par deux jeunes Tunisiens dans la nuit du 23 février. « J’étais en train de cuisiner et j’ai entendu des coups à la fenêtre, avec des hommes qui criaient des mots en arabe, au début je n’ai pas compris », raconte-t-elle. Puis elle entend en français : « Les Africains, sortez, on veut plus de vous. »

      Elle prend peur et appelle son employeur, une femme tunisienne avec qui elle s’entend bien. « Elle a tenté de m’aider, raconte-t-elle. Elle voulait que je m’échappe sur la route principale pour passer la nuit chez elle, mais les agresseurs étaient devant ma porte. Il n’y avait aucune échappatoire et mes voisins au-dessus m’ont crié qu’ils étaient armés. »

      La police, alertée aussi par les Subsahariens vivant au-dessus de chez Mireille, arrive sur les lieux mais près d’une heure plus tard. Les deux jeunes ont pu rentrer et saccager toutes les affaires de Mireille, lui voler également une somme de 6 000 dinars (1 800 euros), l’argent qu’elle avait économisé pour rentrer chez elle et pour l’envoyer à sa famille.

      Les migrants en situation irrégulière ne peuvent pas ouvrir de compte en banque et transférer de l’argent à leur famille. L’envoi d’argent se fait surtout par des connaissances qui font des allers-retours, et certains migrants sont obligés d’emmagasiner de l’argent en espèces chez eux, faute de mieux.

      Juste avant que les agresseurs enfoncent la porte, Mireille est hissée par ses voisins à l’aide d’un drap au premier étage de la résidence, en passant par une fenêtre de la cour intérieure qui ne donne pas sur la rue. Jointe au téléphone un jour après son arrivée à Abidjan, elle se rappelle avec émotion ce moment. « Je n’arrête pas de penser jusqu’à maintenant à ce qu’ils m’auraient fait s’ils m’avaient trouvée sur place », témoigne-t-elle d’une voix tremblante.

      Aujourd’hui, elle attend de pouvoir revoir ses enfants dans un centre à Abidjan où ont été dispatchés les premiers rapatriés. « Je ne les ai pas vus depuis quatre ans, le plus important pour moi, c’est de les retrouver, ensuite je réfléchirai à l’après », dit-elle. Elle est partie avec seulement quelques affaires achetées juste avant le départ grâce à des dons.
      L’attente d’un retour, après avoir tout perdu

      Les vidéos de l’incident ont fait le tour des réseaux sociaux et ont alerté sur la recrudescence des agressions envers les Noirs en Tunisie après les propos de Kaïs Saïed, poussant de nombreux migrants à se cloîtrer chez eux ou à tenter de partir au plus vite.

      Devant l’ambassade de Côte d’Ivoire le vendredi 3 mars, Fortune, 33 ans, attend encore d’être convoquée pour faire partie des prochains vols de rapatriement mais un document lui manque, l’extrait de naissance de son enfant, né en Tunisie en 2019. « Lors de sa naissance, je n’ai pas eu l’extrait de naissance, il fallait payer et je n’avais pas d’argent, et ensuite j’avais passé le délai donc j’ai déposé une demande à l’OIM [l’Organisation internationale pour les migrations qui dépend des Nations unies – ndlr] et jusqu’à présent je n’ai pas le document. »

      Elle ne peut pas laisser son fils sur place mais elle se préparait au départ bien avant les propos de Kaïs Saïed. « Dès mon départ vers la Tunisie en 2018, des amies m’avaient avertie du racisme et des mauvais traitements que subissent les Noirs, mais je voulais quand même essayer pour gagner un peu d’argent et financer mes études au pays », dit-elle.

      Elle explique avoir eu de bons employeurs en Tunisie mais, pour elle, les propos de Kaïs Saïed, sont inacceptables. « Il y a différentes manières de dire qu’il faut mieux gérer les flux migratoires irréguliers, je peux comprendre que ça gêne vu que nous sommes tous sans statut légal ici, mais là, dans ses déclarations, j’avais l’impression d’avoir été traité comme un animal », commente-t-elle.

      À ses côtés Naomi, 33 ans, ronge son frein, déprimée. Elle avait investi toutes les économies de son salaire de coiffeuse en Tunisie pour ouvrir son propre salon. Près de 7 000 dinars (2 100 euros) dépensés dans du matériel et une location. « Je comptais sur l’été et les mariages pour gagner de l’argent et l’envoyer au pays », dit-elle. Comme Fortune, elle a tout perdu, la propriétaire lui a demandé de fermer boutique et elle attend devant l’ambassade pour s’enregistrer et partir au plus vite.
      L’impossible régularisation

      Ces deux femmes ont reçu des délais très courts de leurs propriétaires pour quitter leur logement, car les autorités ont annoncé une application stricte de la loi. Un Tunisien ne peut pas louer à un étranger sans lui demander sa carte de résidence ou bien le déclarer dans un commissariat. Une situation d’urgence à laquelle s’ajoute la peur d’être agressée.

      « Là, dès que l’on sort de chez nous, on regarde derrière nous de peur qu’un gosse nous jette des pierres. Cela m’était déjà arrivé avant les propos de Kaïs Saïed mais, désormais, c’est devenu une menace quotidienne », explique Évelyne, 30 ans, qui avait ouvert une crèche dans le quartier de l’Ariana au nord de Tunis pour permettre aux familles subsahariennes qui travaillent de laisser leurs enfants en journée. « Bien sûr que ce n’était pas déclaré, mais comment voulez-vous qu’on fasse ?, demande Évelyne. On dépense de l’argent dans des procédures pour avoir des papiers, et jamais nous n’arrivons à obtenir la carte de résidence. Tout se fait au noir parce que nous n’avons pas d’autre choix, et pendant des années personne n’y a trouvé à redire. »

      La loi tunisienne met sous conditions l’embauche d’un étranger avec la préférence nationale et très peu de migrants arrivent à se régulariser, à l’exception des étudiants.
      Rester et vivre dans la rue, le nouveau fardeau d’Aïcha

      Alors que ces femmes attendent un retour imminent vers leur pays, d’autres n’ont pas d’autre choix que de rester, dans des conditions parfois plus que précaires. Aïcha, 23 ans et originaire de la Sierra Leone, campe avec une centaine d’autres migrants devant le siège de l’OIM depuis une semaine, après avoir été expulsée de son logement.

      Son voyage pour venir en Tunisie en août 2022 par voie terrestre a pris presque trois mois. Durant son périple, elle dit avoir égaré son passeport. « Donc au final, je n’ai jamais pu travailler ici, ou alors des petits jobs ponctuels. En plus je ne parle qu’anglais donc la barrière de la langue était problématique », explique-t-elle. Elle dit attendre que la situation se calme pour voir comment rester dans le pays.

      « Au pire des cas, je rentrerai, mais vraiment j’aimerais bien rester ici, c’est difficile de repartir après avoir tout laissé dans son pays. J’étais étudiante mais je voulais tenter ma chance ailleurs et beaucoup d’amis m’ont dit qu’en Tunisie il y aurait du travail et des conditions de vie meilleures que chez nous », dit-elle. Son rêve est de suivre une formation pour devenir journaliste.

      « Au pays, on voulait que je me marie avec un homme plus âgé, moi je voulais vraiment avoir une carrière et un avenir », poursuit-elle. Mais en attendant, elle vit dans la rue avec d’autres migrants, cherchant des cafés aux alentours qui acceptent qu’elle utilise leurs toilettes. « Jamais je n’aurais imaginé me retrouver dans une telle situation, j’espère que l’OIM va nous trouver une solution ou au moins un abri. » La Tunisie n’a pas de loi régissant les demandeurs d’asile donc de nombreux migrants dans le cas d’Aïcha ne peuvent se tourner que vers les représentants des Nations unies pour demander un statut de réfugié ou demandeur d’asile.

      Depuis le début de la crise déclenchée par le communiqué de la présidence, les associations et organisations internationales disent être submergées par les appels et situations d’urgence. Une chaîne de solidarité organisée par des Tunisiens a été mise en place sur les réseaux sociaux et via le bouche-à-oreille pour apporter des denrées alimentaires à ces migrants et tenter de trouver des logements provisoires pour certains. Mais ce réseau reste discret de peur de tomber dans le viseur des autorités.

      Face à l’ampleur de la crise, les autorités tunisiennes ont indiqué ce week-end, exonérer des pénalités de séjour les migrants en situation irrégulière souhaitant rentrer dans leur pays « assistés par une instance diplomatique, une organisation internationale ou onusienne », un système qui existe déjà depuis 2018 mais avec une clause d’interdiction de retour sur le territoire tunisien.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/050323/en-tunisie-le-douloureux-retour-au-pays-des-exilees-subsahariennes

    • On the racist events in Tunisia – Background and Overview

      Current Situation

      “For several months, a racist campaign against Sub-Saharans in Tunisia has been growing. The president himself subscribed to these racist and conspiracy theories and pointed the finger at the Sub-Saharans, accusing them of being ‚hordes‘ and that sub-Saharan immigration is a ‚criminal enterprise‘ whose goal would be to ‚change the demographic composition of Tunisia‘.“ In the press statement published on the 21 February 2023 following a National Security Council meeting, president Kais Saied resurrected many racist and xenophobic tropes used by other fascist movements. He „ordered security forces to take ‚urgent measures‘. … Many „of the estimated 21,000 sub-Saharan African people in Tunisia – most of whom are undocumented – lost their jobs and housing overnight.“ The Association of African Students and Interns in Tunisia highlights that there is an „ongoing systemic campaign of control and arrests targeting [Black immigration], independently from their status, who are not carrying their residency card with them.“ „In the first three weeks of February, at least 1,540 people were detained, mostly in Tunis and provinces near the Algerian border“.

      The situation has become increasingly violent in the last weeks. In addition to the government forces targeting Black people, „violent attacks perpetrated by citizens, who taunt their victims with racial slurs“ are taking place. Attacked people report about fleeing „pogroming mobs consisting of, they said, 20+ Tunisian young men. ‚We were absolutely running for our lives,‘ said Latisha, who screamed at their son to run faster.“ There are accounts about „[a]rmed mobs“ and rape ‚by these mobs’“. On social media torture videos circulate. „In the suburbs of Tunis, a group of Sub-Saharan Africans have been attacked by young Tunisians who have broken down their doors and set fire to their building. Houses were ransacked.“

      „Everyone who falls under the socially constructed category of ‘African’ – those with or without jobs, those with university classes to attend – are too scared to leave their homes because the racist violence has spread to every street in Tunisia.“ A law from 1968 that criminalizes assistance to „illegal residence“ in Tunisia, is now being applied. Patricia Gnahoré explains „that the evictions started around February 9, when alarmist messages began circulating on social networks: landlords would be facing fines and prison sentences if they housed undocumented Sub-Saharans“. While some people are being supported by friends and activists who try to organize support, many have no choice but to sleep outside, with more than 100 people camping at the International Organization for Migration and in front of different embassies.

      „Guinea [and Mali] and Cote d’Ivoire are repatriating their citizens from Tunisia.“ „However, many people living irregularly in Tunisia have accumulated large sums of outstanding fees over the years, too much for them to pay. While Tunisian authorities are themselves pushing migrants to leave, they still insist on cashing in on those who desperately want to.“

      The African Union highlights that they are in „deep shock and concern at the form and substance of the statement targeting fellow Africans, notwithstanding their legal status in the country.“ The events of the last days strongly impacted Tunisia’s image in the African continent and within the African Union. Furthermore, an AU pan-African conference scheduled for mid-March in Tunis has been postponed. Former Senegalese Prime Minister Aminata Touré even called for Tunisia’s AU membership to be suspended and for the country to be excluded from the Africa Cup.
      Solidarity

      Multiple protests have been taking place in Tunisia with demonstrators denouncing the racist and fascist violence. Already on February 25th „over 1,000 people marched through downtown Tunis to protest what they called Saied’s fascist overtures.“ „Henda Chennaoui, one of the principal figures in the country’s new Front Antifasciste … [highlights that this] ‚the first time in the history of the republic that the president used fascist and racist speech to discriminate against the most vulnerable and the marginalised.’“ Protests in front of Tunisian embassies are being organized around the world, such as in Paris, Berlin as well as Canada.

      In the Front antifasciste – Tunisie activists and associations gather to organize support for Black people in the country. „Tunisian and foreign volunteers brought donations of food, water and blankets, along with some tents to help those displaced. … [However,] associations collecting donations [for migrants] are receiving threats.“
      Political Level

      President Saied is distracting from the political and economic situation in the country. He was elected in Fall 2019 and his governing style has become increasingly authoritarian. „Over the last two weeks, a spate of high-profile arrests has rocked Tunisia, as over a dozen political figures, trade unionists and members of the media have been taken into custody on security or graft charges. Some have been dragged from their homes without warrants; others, put on trial before military courts, despite being civilians. Many are being held in what their lawyers say are inhumane conditions, crammed in cells with scores of prisoners and without beds.“ A terrorism law allows the authorities to hold people „for a maximum of 15 days without charge or consultation with a lawyer“.

      In addition, „Saied has neutered parliament and pushed through a new constitution that gives him near-unlimited control and makes it almost impossible to impeach him.“ This was preceded and enabled by a very volatile situation in the country, as „there was increasing fragmentation within the executive branch, among state institutions, within and between political parties, within civil society, and even between regions of the country.“ The political and economic instability in the country, resulted in wide-spread support of his presidency, which has increasingly shifted to repressive centralization of power.

      The statement and development are connecting to a growing populist discourse. „Saied’s crackdown on undocumented sub-Saharan immigrants has taken place in the context of the rise of the hitherto unknown Parti Nationaliste Tunisien, which has been pushing a racist agenda relentlessly since early February. The party has flooded social media with conspiracy theories and dubiously edited videos that have encouraged Tunisians to report on undocumented neighbours before they can ‚colonise‘ the country – the same conspiratorial language adopted by Saied.“
      Economic Level

      Tunisia „is struggling under crippling inflation and debt worth around 80 percent of its gross domestic product (GDP)“. In addition, there is a shortage of basic foods such as rice, which is putting a lot of pressure on the population. ‘Les Africains’ are used as a scapegoat for the lack of products such as rice. „The rice-crisis is not the first time that populations racialized as ‘African’ are blamed for a social and economic disaster in Tunisia, which in reality is a direct consequence of the state’s abandonment of marginalized communities and the pressures of global capitalism.“ However, since the racist tropes are connecting to a familiar discourse, the „crackdown on immigrants and Saied’s political opponents has … won him favour among many in his working-class political base, who have been at the sharp end of a dire economic crisis.“

      The current events seem to have triggered international responses since Italy now supports Tunisia as it „is seeking to obtain a loan from the IMF due to a severe economic crisis.“ This is being explicitly connected to Europe’s border interests (see section on Externalization & Immigration).

      Ultimately these actions are enhancing the dependencies to Europe and weaken pan-African ties. „Kaïs Saied’s economic incompetence – as well as the refusal of North African governments to prioritize regional and inner-African trade which would allow evading dictates from the Global North and its proxies such as the IMF more effectively – are now once more fueling dynamics that in fact counter pan-African cooperation.“ In fact, the „president’s comments could also have direct consequences for Tunisian companies, which have increasingly expanded into other African countries in recent years. Guinean media report that several wholesalers have suspended imports of Tunisian products. Senegalese and Ivoirian importers want to join the boycott.“

      In addition, according to Human Rights Watch „at least 40 students have been detained so far“. This will have a detrimental impact on the education market, since „[f]or Tunisian private universities, students from other African countries are an essential part of their business model.“

      These factors might have contributed to ​​​​​​the statement posted by the government on Facebook on March 5th, attempting to backpedal the racist campaign and highlighting their „astonishment“ about the violence in the last weeks. Apart from now emphasising „Tunisia’s African identity“ and the significance of the anti-discrimination law from 2018, it announces plans to enhance the legal security of African migrants in Tunisia. Whether and how the statement will be implemented remains to be seen, „It appears likely that Tunisia is now also facing a considerable radicalization of its migration policies. […] Saied’s future migration policies, however, are likely to go beyond the ongoing wave of arrests, and in a worst-case scenario, will go even far beyond.“
      Externalization & Immigration

      „While the European Union’s violent securitization apparatus is indeed responsible for the oppression and murder of sub-Saharan migrants (and Tunisians) in Tunisia, the Tunisian state also contributes to their oppression and murder.“ Many people try to travel to Europe via and from Tunisia. „Its proximity to the EU’s external border has made Tunisia a major hub for migrants. Italy’s coasts are only around 150 kilometers (90 miles) away. Tunisia relaxed visa requirements in 2015, allowing many sub-Saharan and North Africans migrants to move to the country and work. … Authorities frequently turned a blind eye to workers without permits who were saving for a journey to Europe.“ This renders Black migrants very vulnerable to exploitation as well as policy changes.

      Already prior to the current escalation Black people experienced discrimination; Shreya Parikh highlighted in August 2022 that „Sub-Saharan women and men who depend on the labour market have spoken to me of persistent exploitation and racialised violence (both verbal and physical) at workplace.“ This is enhanced and enabled by the uncertain legal situation. „In the case of Tunisia, an im/migration non-policy is deliberately maintained by institutional actors at different levels (border police, internal affairs ministry, private legal agencies promising paper-work) because, among others, it is a lucrative site for corruption.“ This affects mostly Black people. „Most sub-Saharan migrants (like Western European migrants) enter Tunisia as legal migrants because of 3-month visa-free policies; but the Tunisian state forces all migrants to become illegal by its refusal to deliver legal documentation. This means that Tunisia also has European migrants living ‘illegally.’ But in the social and political construction of the ‘illegal migrant,’ white bodies never fit. It is the Black and dark-skinned bodies that are assumed to be illegal and criminal, as is clear from arrests of sub-Saharan migrants who carry residence permits, as well as absence of arrests of European ‘illegal’ migrants.“

      The current developments have to be understood in the context of the externalization of the European border. The Tunisian Forum for Social and Economic Rights (FTDES) highlights that the „European border outsourcing policies have contributed for years to transform Tunisia into a key player in the surveillance of Mediterranean migration routes, including the interception of migrant boats outside territorial waters and their transfer to Tunisia. Discriminatory and restrictive policies in Algeria also contribute to pushing migrants to flee to Tunisia. These policies deepen the human tragedy of migrants in a Tunisia in political and socio-economic crisis.“ Sofian Philip Naceur analyses that „[a]s Saieds government continues to play along as the watchdog for the European border regime, though not without ostentatiously displaying its self-interest in migration control, the Italian government is suddenly soliciting financial support for Tunisia’s deeply troubled public coffers from the EU and the International Monetary Fund (IMF). Interesting timing.“

      So far, the President’s statement has only provoked supportive reactions from European politicians. The French far-right politician, Eric Zemmour, who is one of the most prominent supporters of the conspiracy theory of the „Great Replacement“, supported the statement on Twitter. And the Italian foreign minister Antonio Tajani expressed in a phone call with his Tunisian counterpart that „the Italian government is at the forefront of supporting Tunisia in its border control activities, in the fight against human trafficking, as well as in the creation of legal channels to Italy for Tunisian workers and in the creation of training opportunities as an alternative to migration“ without mentioning the current violence at all. Furthermore, Italy is sending 100 more pick-ups worth more than 3.6 million Euro to reinforce the Tunisian Ministry of the Interior in the fight against ‚irregular‘ immigration.

      Or how Le Monde summarizes: „[The chancelleries] have not reacted to the presidential charge against sub-Saharan migrants. And for good reason: Mr. Said is responding rather positively to calls from Europe – primarily Italy – to better lock its maritime borders in order to stem the flow of migrants across the Mediterranean.“

      https://migration-control.info/on-the-racist-events-in-tunisia-background-overview

      via @_kg_

    • Aggressioni razziste e arresti: così la Tunisia diventa un “hotspot informale” dell’Europa

      I discorsi d’odio del presidente tunisino Saied contro presunte “orde di subsahariani irregolari” che minaccerebbero l’identità “arabo-musulmana” del Paese hanno fatto esplodere la tensione accumulata negli ultimi mesi, tra inflazione e penuria di generi di prima necessità. La “Fortezza Europa”, intanto, gongola. Il reportage

      Ogni mattina a Nadège vengono dati dieci dinari per la spesa. Esce di casa, si incammina fino all’alimentari più vicino e compra il necessario per la famiglia per cui lavora. È l’unico momento in cui le è consentito uscire. Altrimenti, Nadège vive e lavora 24 ore su 24, sette giorni su sette, tra le mura della casa di due persone anziane in un quartiere benestante di Tunisi. La sua paga mensile come domestica è di settecento dinari (225 euro), che diventeranno ottocento (240 euro) se “lavorerà bene”.

      Nadège, assicura, è qui per questo: “Sono venuta in Tunisia per metter da parte qualche soldo da mandare ai miei figli, in Costa d’Avorio”, racconta. Suo cugino, però, lavora nei campi di pomodori in Calabria. Le ha consigliato di partire per l’Italia e cercare lavoro lì. “Il cambio euro-franco Cfa è più conveniente di quello dinaro tunisino-franco Cfa. Guadagnando qualche soldo in Europa posso far vivere degnamente i miei due figli, metter da parte qualcosa e poi tornare da loro una volta che ci saremo sistemati”, spiega la trentenne ivoriana. Tre anni fa, Nadège vendeva sigarette lungo la sterrata che dal suo villaggio portava a Abidjan, ma con i lavori del governo per asfaltare la strada, il suo gabbiotto è stato abbattuto e mai più ricostruito. E lei è rimasta senza nulla.

      Nel 2022 anche Nadège ha tentato di imbarcarsi per Lampedusa da una spiaggia del Sud tunisino. A metà strada, però, la guardia costiera ha intercettato la sua barca e l’ha riportata a riva, nel porto di Sfax. Ha perso tutti i soldi che aveva messo da parte e si è ritrovata punto a capo, in Tunisia, a cercar di nuovo lavoro.

      Come nel caso di buona parte dei cittadini subsahariani presenti nel Paese, molti dei quali -a differenza di Nadège- hanno rinunciato all’idea di imbarcarsi, nessuno le ha mai proposto un contratto. Una volta scaduti i tre mesi di visto, il limite massimo per rimanere in Tunisia, tanti di loro rimangono in situazione di irregolarità accumulando una multa per la permanenza oltre i limiti del visto che aumenta di mese in mese. Dopo anni a lavorare, spesso con paghe misere e giornaliere, molti subsahariani rimangono intrappolati nelle maglie della burocrazia tunisina e, pur volendo tentare di regolarizzarsi e ottenere un permesso di soggiorno per rimanere nel Paese, non ci riescono perché non sono in grado di pagare la multa per lo sforamento del visto, che raggiunge un massimo di 3.000 dinari, mille euro. Ecco come i subsahariani finiscono in una sorta di limbo, bloccati in Tunisia, senza poter raggiungere l’Europa, senza poter tornare indietro. Si ritrovano così a costituire la manodopera in nero di aziende tunisine o estere presenti nel Paese, o di famiglie benestanti, che sfruttano la loro posizione precaria di irregolari per sottopagarli.

      Da metà febbraio di quest’anno Nadège ha dovuto rinunciare anche alla spesa quotidiana per paura di uscire dal cortile di casa. Lei, senza documenti, è oggetto di una campagna d’odio che si diffonde a macchia d’olio in Tunisia. È il 21 febbraio quando, dopo giorni di arresti di esponenti dell’opposizione alle politiche di Kais Saied, un comunicato della presidenza tunisina fa il punto sulla “lotta all’immigrazione irregolare nel Paese”, tema che è stato al centro della visita in Tunisia dei ministeri degli Esteri Antonio Tajani e dell’Interno Matteo Piantedosi di fine gennaio.

      Secondo quel comunicato, la Tunisia sarebbe invasa da “orde di subsahariani irregolari” che minaccerebbero “demograficamente” il Paese e la sua identità “arabo-musulmana”. È stata la miccia che ha fatto esplodere la tensione accumulata negli ultimi mesi, tra inflazione galoppante, impoverimento generale della popolazione e penurie continue di generi di prima necessità. A diffondere queste teorie xenofobe da fine 2022 è il cosiddetto Partito nazionalista tunisino, un gruppo di nicchia riconosciuto nel 2018, che ha intensificato la propria campagna sui social network prendendosela con le persone nere presenti in Tunisia. Non solo potenziali persone migranti in situazione di irregolarità che vorrebbero tentare di imbarcarsi verso l’Italia (come dichiarato dalle autorità), ma anche richiedenti asilo e rifugiati, studenti e lavoratori residenti nel Paese, accusati di “rubare il lavoro”, riprendendo gli slogan classici delle destre europee, spesso usati contro i tunisini stessi.

      Da allora in Tunisia si sono moltiplicate non solo le aggressioni razziste, ma anche gli arresti di cittadini subsahariani senza alcun criterio. Secondo un comunicato della Lega tunisina dei diritti umani, per esempio, otto studenti subsahariani regolarmente residenti nel Paese e iscritti nelle università tunisine sarebbero trattenuti senza alcun motivo nel centro di El-Wuardia, un centro gestito dalle autorità tunisine, non regolamentato, dove è complicato monitorare chi entra e chi esce. L’Associazione degli stagisti ivoriani e l’Aesat, la principale organizzazione degli studenti subsahariani in Tunisia, hanno consigliato alle proprie comunità di non uscire.

      Almeno cinquecento subsahariani si troverebbero invece nella prigione di Bouchoucha (Tunisi), senza che si conoscano le accuse nei loro confronti. A seguito delle misure prese dalla presidenza, molti proprietari di alloggi affittati a cittadini subsahariani hanno chiesto loro di lasciare casa, così come diversi datori di lavoro li hanno licenziati da un giorno all’altro per timore di ritorsioni da parte della polizia nei loro confronti. Centinaia di persone si sono così ritrovate per strada, senza stipendio e senza assistenza, rischiando l’arresto arbitrario, esposti a violenze e aggressioni nelle grandi città.

      In centinaia stanno optando per il rimpatrio nel Paese d’origine chiedendo assistenza per il cosiddetto ritorno volontario, che spesso di volontario ha ben poco. “Torniamo indietro per paura”, è il ritornello che ripetono in molti. Le liste per le richieste dei ritorni volontari gestiti dall’Organizzazione internazionale per le migrazioni (Oim) erano già lunghe prima del 21 febbraio, tanto che decine di persone che si sono registrate mesi fa attendono in tende di fortuna costruite con sacchi di plastica lungo la via che porta alla sede dell’Oim, nel quartiere di Lac 1, dove hanno sede diverse organizzazioni internazionali.

      “Non ci è stato messo a disposizione un foyer per l’accoglienza”, si giustifica una fonte interna all’organizzazione puntando il dito contro le autorità tunisine. La tendopoli di Lac 1 era già stata smantellata dalle forze di polizia a giugno 2022 ma alle persone migranti non è stata data un’alternativa. Qualche settimana dopo, infatti, si è riformata poco lontano. Oggi si ingrandisce di giorno in giorno.

      È qui che da fine febbraio un gruppo di volontari si fa carico di fornire acqua e cibo alle duecento persone presenti, rimaste senza assistenza. L’Oim è l’unica alternativa per chi non dispone di documenti validi, chi si trova nell’impossibilità di pagare la multa di 3.000 dinari o chi non ha un’ambasciata in Tunisia a cui rivolgersi, come per esempio i cittadini della Sierra Leone, la cui rappresentanza è stata delegata all’ambasciata d’Egitto.

      Chi può, invece, ha tentato di chiedere aiuto alla propria ambasciata di riferimento, accampandosi di fronte all’entrata. Il primo marzo è atterrato in Tunisia il ministro degli Esteri della Guinea, che ha promesso ai propri cittadini di stanziare fondi per voli di rimpatrio. Il primo aereo a decollare è stato quello della Costa d’Avorio, partito sabato 4 marzo alle 7 del mattino dall’aeroporto di Tunisi con a bordo 145 persone.

      Era giugno 2018 quando la Commissione europea proponeva ad alcuni Paesi africani, tra cui la Tunisia, l’istituzione di piattaforme regionali di sbarco dove smistare, fuori dai confini europei, le richieste di asilo. La risposta all’epoca fu “No, non abbiamo né le capacità né i mezzi”, per citare l’ambasciatore tunisino a Bruxelles Tahar Chérif. Cinque anni più tardi, l’Ue sembra esser riuscita nella propria missione di trasformare la Tunisia in un informale hotspot europeo.

      https://altreconomia.it/aggressioni-razziste-e-arresti-cosi-la-tunisia-diventa-un-hotspot-infor

    • As the disturbing scenes in Tunisia show, anti-migrant sentiments have gone global

      President Saied is scapegoating his country’s small black migrant population to distract from political failings. Does this sound familiar?

      A little more than 10 years ago, calls for freedom and human rights in Tunisia triggered the Arab spring. Today, black migrants in the country are being attacked, spat at and evicted from their homes. The country’s racism crisis is so severe that hundreds of black migrants have been repatriated.

      It all happened quickly, triggered by a speech by the Tunisian president, Kais Saied, at the end of February. He urged security forces to take urgent measures against migrants from sub-Saharan Africa, who he claimed were moving to the country and creating an “unnatural” situation as part of a criminal plan designed to “change the demographic makeup” and turn Tunisia into “just another African country that doesn’t belong to the Arab and Islamic nations any more”. “Hordes of irregular migrants from sub-Saharan Africa” had come to Tunisia, he added, “with all the violence, crime and unacceptable practices that entails”.

      For scale, the black migrant population in Tunisia is about 21,000 out of a population of 12 million, and yet a sudden fixation with their presence has taken over. A general hysteria has unleashed a pogrom on a tiny migrant population whose members have little impact on the country’s economics or politics – reports from human rights organisations tell of night-time raids and daylight stabbings. Hundreds of migrants, now homeless, are encamped, cowering, outside the International Organization for Migration’s offices in Tunis as provocation against them continues to swirl.

      Josephus Thomas, a political refugee from Sierra Leone, spoke to me from the camp, where he is sheltering with his wife and child after they were evicted from their home and his life savings were stolen. They sleep in the cold rain, wash in a nearby park’s public toilet and sleep around a bonfire with one eye open in anticipation of night-time ambushes by Tunisian youths. So far, they have been attacked twice. “There are three pregnant women here, and one who miscarried as she was running for her life.” Due to the poor sanitation, “all the ladies are having infections”, he says. “Even those who have a UNHCR card”, who are formally recognised as legitimate refugees, are not receiving the help they are entitled to. “The system is not working.”

      Behind this manufactured crisis is economic failure and political dereliction. “The president of the country is basically crafting state policy based on conspiracy theories sloshing around dark corners of the internet basement,” Monica Marks, , a professor of Middle East studies and an expert on Tunisia, tells me. The gist of his speech was essentially the “great replacement” theory, but with a local twist. In this version of the myth, Europeans are using black people from sub-Saharan Africa to make Tunisia a black-inhabited settler colony.

      Confecting an immigration crisis is useful, not only as a distraction from Saied’s failures, but as a political strategy to hijack state and media institutions, and direct them away from meaningful political opposition or scrutiny.

      The speed with which the hysteria spread shows that these attitudes had been near the surface all along. Racism towards black Arabs and black sub-Saharan Africans is entrenched in the Arab world – a legacy of slavery and a fetishised Arab ethnic supremacy. In Arab north Africa, racism towards black people is complicated even further by a paranoia of proximity – being situated on the African continent means there is an extreme sensitivity to being considered African at all, or God forbid, black. In popular culture, racist tropes against other black Arabs or Africans are widespread, portraying them as thick, vulgar and unable to speak Arabic without a heavy accent.

      The movement of refugees from and through the global south has further inflamed bigotries and pushed governments, democratic or otherwise, towards extinguishing these people’s human rights. Local histories and international policies create a perfect storm in which it becomes acceptable to attack a migrant in their home because of “legitimate concerns” about economic insecurity and cultural dilution.

      Globally, there is a grim procession of countries that have made scapegoating disempowered outsiders a central plank of government policy. But there is a new and ruthless cruelty to it in the UK and Europe. The European Union tells the British prime minister, Rishi Sunak, that his small boat plans violate international law, but the EU has for years followed an inhumane migrant securitisation policy that captures and detains migrants heading to its shores in brutal prisons run by militias for profit. Among them are a “hellhole” in Libya and heavily funded joint ventures with the human rights-abusing dictatorship in Sudan.

      Only last week, in the middle of this storm, the Italian prime minister, Giorgia Meloni, had a warm call with her Tunisian counterpart, Najla Bouden Romdhane, on, among other topics, “the migration emergency and possible solutions, following an integrated approach”. This sort of bloodless talk of enforcement at all costs, Marks says, “speaks to the ease with which political elites, state officials, can render fascism part of the everyday political present”.

      So where do you turn if you are fleeing war, genocide and sexual violence? If you want to exercise a human right, agreed upon in principle more than 70 years ago, “to seek and enjoy in other countries asylum from persecution”? The answer is anywhere, because no hypothetical deterrent is more terrifying than an unsafe present.

      You will embark on an inhuman odyssey that might end with a midnight raid on your home in Tunis, a drowning in the Channel, or, if you’re lucky, a stay in Sunak and Macron’s newly agreed super-detention centres. People in jeopardy will move. That is certain. All that we guarantee through cynical deterrent policies is that we will make their already fraught journey even more dangerous.

      https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/mar/13/tunisia-anti-migrant-sentiments-president-saied

    • Immigrés subsahariens, boucs émissaires pour faire oublier l’hémorragie maghrébine

      Les autorités tunisiennes mènent depuis début juillet une campagne contre les immigrés subsahariens accusés d’« envahir » le pays, allant jusqu’à les déporter en plein désert, à la frontière libyenne. Une politique répressive partagée par les pays voisins qui sert surtout à dissimuler l’émigration maghrébine massive et tout aussi « irrégulière », et à justifier le soutien des Européens.

      La #chasse_à_l’homme à laquelle font face les immigrés subsahariens en Tunisie, stigmatisés depuis le mois de février par le discours officiel, a une nouvelle fois mis en lumière le flux migratoire subsaharien vers ce pays du Maghreb, en plus d’ouvrir les vannes d’un discours raciste décomplexé. Une ville en particulier est devenue l’objet de tous les regards : Sfax, la capitale économique (270 km au sud de Tunis).

      Le président tunisien Kaïs Saïed s’est publiquement interrogé sur le « choix » fait par les immigrés subsahariens de se concentrer à Sfax, laissant flotter comme à son habitude l’impression d’un complot ourdi. En réalité et avant même de devenir une zone de départ vers l’Europe en raison de la proximité de celle-ci, l’explication se trouve dans le relatif dynamisme économique de la ville et le caractère de son tissu industriel constitué de petites entreprises familiales pour une part informelles, qui ont trouvé, dès le début de la décennie 2000, une opportunité de rentabilité dans l’emploi d’immigrés subsahariens moins chers, plus flexibles et employables occasionnellement. Au milieu de la décennie, la présence de ces travailleurs, devenue très visible, a bénéficié de la tolérance d’un État pourtant policier, mais surtout soucieux de la pérennité d’un secteur exportateur dont il a fait une de ses vitrines.
      L’arbre qui ne cache pas la forêt

      Or, focaliser sur la présence d’immigrés subsahariens pousse à occulter une autre réalité, dont l’évolution est autrement significative. Le paysage migratoire et social tunisien a connu une évolution radicale, et le nombre de Tunisiens ayant quitté illégalement le pays a explosé, les plaçant en tête des contingents vers l’Europe, aux côtés des Syriens et des Afghans comme l’attestent les dernières #statistiques. Proportionnellement à sa population, la Tunisie deviendrait ainsi, et de loin, le premier pays pourvoyeur de migrants « irréguliers », ce qui donne la mesure de la crise dans laquelle le pays est plongé. En effet, sur les deux principales routes migratoires, celle des Balkans et celle de Méditerranée centrale qui totalisent près de 80 % des flux avec près de 250 000 migrants irréguliers sur un total de 320 000, les Tunisiens se placent parmi les nationalités en tête. Avec les Syriens, les Afghans et les Turcs sur la première route et en seconde position après les Égyptiens et avant les Bengalais et les Syriens sur la deuxième.

      La situation n’est pas nouvelle. Durant les années 2000 — 2004 durant lesquelles les traversées « irrégulières » se sont multipliées, les Marocains à eux seuls étaient onze fois plus nombreux que tous les autres migrants africains réunis. Les Algériens, dix fois moins nombreux que leurs voisins, arrivaient en deuxième position. Lorsque la surveillance des côtes espagnoles s’est renforcée, les migrations « irrégulières » se sont rabattues vers le sud de l’Italie, mais cette répartition s’est maintenue. Ainsi en 2006 et en 2008, les deux années de pics de débarquement en Sicile, l’essentiel des migrants (près de 80 %) est constitué de Maghrébins (les Marocains à eux seuls représentant 40 %), suivis de Proche-Orientaux, alors que la part des subsahariens reste minime.

      La chose est encore plus vraie aujourd’hui. À l’échelle des trois pays du Maghreb, la migration « irrégulière » des nationaux dépasse de loin celle des Subsahariens, qui est pourtant mise en avant et surévaluée par les régimes, pour occulter celle de leurs citoyens et ce qu’elle dit de l’échec de leur politique. Ainsi, les Subsahariens, qui ne figurent au premier plan d’aucune des routes partant du Maghreb, que ce soit au départ de la Tunisie et de la Libye ou sur la route de Méditerranée occidentale (départ depuis l’Algérie et le Maroc), où l’essentiel des migrants est originaire de ces deux pays et de la Syrie. C’est seulement sur la route dite d’Afrique de l’Ouest (qui inclut des départs depuis la façade atlantique de la Mauritanie et du Sahara occidental) que les migrants subsahariens constituent d’importants effectifs, même s’ils restent moins nombreux que les Marocains.
      Négocier une rente géopolitique

      L’année 2022 est celle qui a connu la plus forte augmentation de migrants irréguliers vers l’Europe depuis 2016. Mais c’est aussi celle qui a vu les Tunisiens se placer dorénavant parmi les nationalités en tête de ce mouvement migratoire, alors même que la population tunisienne est bien moins importante que celle des autres nationalités, syrienne ou afghane, avec lesquelles elle partage ce sinistre record.

      Ce n’est donc pas un effet du hasard si le président tunisien s’est attaqué aux immigrés subsahariens au moment où son pays traverse une crise politique et économique qui amène les Tunisiens à quitter leur pays dans des proportions inédites. Il s’agit de dissimuler ainsi l’ampleur du désastre.

      De plus, en se présentant comme victimes, les dirigeants maghrébins font de la présence des immigrés subsahariens un moyen de pression pour négocier une rente géopolitique de protection de l’Europe et pour se prémunir contre les critiques.

      Reproduisant ce qu’avait fait vingt ans plus tôt le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi avec l’Italie pour négocier sa réintégration dans la communauté internationale, le Maroc en a fait un outil de sa guerre diplomatique contre l’Espagne, encourageant les départs vers la péninsule jusqu’à ce que Madrid finisse par s’aligner sur ses thèses concernant le Sahara occidental. Le raidissement ultranationaliste que connait le Maghreb, entre xénophobie d’État visant les migrants et surenchère populiste de défiance à l’égard de l’Europe, veut faire de la question migratoire un nouveau symbole de souverainisme, avec les Subsahariens comme victimes expiatoires.
      Déni de réalité

      Quand il leur faut justifier la répression de ces immigrés, les régimes maghrébins parlent de « flots », de « hordes » et d’« invasion ». Ils insistent complaisamment sur la mendicité, particulièrement celle des enfants. Une image qui parle à bon nombre de Maghrébins, car c’est la plus fréquemment visible, et cette mendicité, parfois harcelante, peut susciter de l’irritation et nourrir le discours raciste.

      Cette image-épouvantail cache la réalité d’une importante immigration de travail qui, en jouant sur les complémentarités, a su trouver des ancrages dans les économies locales, et permettre une sorte d’« intégration marginale » dans leurs structures. Plusieurs décennies avant que n’apparaisse l’immigration « irrégulière » vers l’Europe, elle était déjà présente et importante au Sahara et au Maghreb.

      Depuis les années 1970, l’immigration subsaharienne fournit l’écrasante majorité de la main-d’œuvre, tous secteurs confondus, dans les régions sahariennes maghrébines, peu peuplées alors, mais devenues cependant essentielles en raison de leurs richesses minières (pétrole, fer, phosphate, or, uranium) et de leur profondeur stratégique. Ces régions ont connu de ce fait un développement et une urbanisation exceptionnels impulsés par des États soucieux de quadriller des territoires devenus stratégiques et souvent objets de litiges. Cette émigration s’est étendue à tout le Sahel à mesure du développement et du désenclavement de ces régions sahariennes où ont fini par émerger d’importants pôles urbains et de développement, construits essentiellement par des Subsahariens. Ceux-ci y résident et, quand ils n’y sont pas majoritaires, forment de très fortes minorités qui font de ces villes sahariennes de véritables « tours de Babel » africaines.

      À partir de cette matrice saharienne, cette immigration s’est diffusée graduellement au nord, tout en demeurant prépondérante au Sahara, jusqu’aux villes littorales où elle s’est intégrée à tous les secteurs sans exception : des services à l’agriculture et à la domesticité, en passant par le bâtiment. Ce secteur est en effet en pleine expansion et connait une tension globale en main-d’œuvre qualifiée, en plus des pénuries ponctuelles ou locales au gré de la fluctuation des chantiers. Ses plus petites entreprises notamment ont recours aux Subsahariens, nombreux à avoir les qualifications requises. Même chose pour l’agriculture dont l’activité est pour une part saisonnière alors que les campagnes se vident, dans un Maghreb de plus en plus urbanisé.

      On retrouve dorénavant ces populations dans d’autres secteurs importants comme le tourisme au Maroc et en Tunisie où après les chantiers de construction touristiques, elles sont recrutées dans les travaux ponctuels d’entretien ou de service, ou pour effectuer des tâches pénibles et invisibles comme la plonge. Elles sont également présentes dans d’autres activités caractérisées par l’informel, la flexibilité et la précarité comme la domesticité et certaines activités artisanales ou de service.
      Ambivalence et duplicité

      Mais c’est par la duplicité que les pouvoirs maghrébins font face à cette migration de travail tolérée, voire sollicitée, mais jamais reconnue et maintenue dans un état de précarité favorisant sa réversibilité. C’est sur les hauteurs prisées d’Alger qu’on la retrouve. C’est là qu’elle construit les villas des nouveaux arrivants de la nomenklatura, mais c’est là aussi qu’on la rafle. C’est dans les familles maghrébines aisées qu’est employée la domestique noire africaine, choisie pour sa francophonie, marqueur culturel des élites dirigeantes. On la retrouve dans le bassin algéro-tunisien du bas Sahara là où se cultivent les précieuses dattes Deglet Nour, exportées par les puissants groupes agrolimentaires. Dans le cœur battant du tourisme marocain à Marrakech et ses arrière-pays et dans les périmètres irrigués marocains destinés à l’exportation. À Nouadhibou, cœur et capitale de l’économie mauritanienne où elle constitue un tiers de la population. Et au Sahara, obsession territoriale de tous les régimes maghrébins, dans ces pôles d’urbanisation et de développement conçus par chacun des pays maghrébins comme des postes avancés de leur nationalisme, mais qui, paradoxalement, doivent leur viabilité à une forte présence subsaharienne. En Libye, dont l’économie rentière dépend totalement de l’immigration, où les Subsahariens ont toujours été explicitement sollicités, mais pourtant en permanence stigmatisés et régulièrement refoulés.

      Enfin, parmi les milliers d’étudiants subsahariens captés par un marché de l’enseignement supérieur qui en a fait sa cible, notamment au Maroc et en Tunisie et qui, maitrisant mieux le français ou l’anglais, deviennent des recrues pour les services informatiques, la communication, la comptabilité du secteur privé national ou des multinationales et les centres d’appel.
      Un enjeu national

      Entre la reconnaissance de leur utilité et le refus d’admettre une installation durable de ces populations, les autorités maghrébines alternent des phases de tolérance et de répression, ou de maintien dans les espaces de marge, en l’occurrence au Sahara.

      La négation de la réalité de l’immigration subsaharienne par les pays maghrébins ne s’explique pas seulement par le refus de donner des droits juridiques et sociaux auxquels obligerait une reconnaissance, ni par les considérations économiques, d’autant que la vie économique et sociale reste régie par l’informel au Maghreb. Cette négation se légitime aussi du besoin de faire face à une volonté de l’Europe d’amener les pays du Maghreb à assumer, à sa place, les fonctions policières et humanitaires d’accueil et de régulation d’une part d’exilés dont ils ne sont pas toujours destinataires. Mais le véritable motif consiste à éviter de poser la question de la présence de ces migrants sur le terrain du droit. C’est encore plus vrai pour les réfugiés et les demandeurs d’asile. Reconnaître des droits aux réfugiés, mais surtout reconnaitre leur présence au nom des droits humains pose en soi la question de ces droits, souvent non reconnus dans le cadre national. Tous les pays maghrébins ont signé la convention de Genève et accueilli des antennes locales du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR), mais aucun d’entre eux n’a voulu reconnaître en tant que tels des immigrés subsahariens qui ont pourtant obtenu le statut de réfugié auprès de ces antennes.

      En 2013, entre la pression d’une société civile galvanisée par le Mouvement du 20 février et le désir du Palais de projeter une influence en Afrique pour obtenir des soutiens à sa position sur le Sahara occidental, le Maroc avait promulgué une loi qui a permis temporairement de régulariser quelques dizaines de milliers de migrants. Elle devait aboutir à la promulgation d’un statut national du droit d’asile qui n’a finalement pas vu le jour. Un tel statut, fondé sur le principe de la protection contre la persécution de la liberté d’opinion, protègerait également les citoyens maghrébins eux-mêmes. Or, c’est l’absence d’un tel statut qui a permis à la Tunisie de livrer à l’Algérie l’opposant Slimane Bouhafs, malgré sa qualité de réfugié reconnue par l’antenne locale du HCR. C’est cette même lacune qui menace son compatriote, Zaki Hannache, de connaître le même sort.

      https://orientxxi.info/magazine/immigres-subsahariens-boucs-emissaires-pour-faire-oublier-l-hemorragie,6

      #répression #Sfax #migrants_tunisiens #rente_géopolitique #souverainisme #afflux #invasion #mendicité #économie #travail #émigration #immigration #précarité #précarisation #marginalisation

    • Tunisie : Pas un lieu sûr pour les migrants et réfugiés africains noirs

      Des forces de sécurité maltraitent des migrants ; l’Union européenne devrait suspendre son soutien au contrôle des migrations

      - La police, l’armée et la garde nationale tunisiennes, y compris les garde-côtes, ont commis de graves abus à l’encontre de migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile africains noirs.
      - Pour les Africains noirs, la Tunisie n’est ni un lieu sûr pour le débarquement de ressortissants de pays tiers interceptés ou sauvés en mer, ni un « pays tiers sûr » pour les transferts de demandeurs d’asile.
      - La Tunisie devrait mener des réformes de façon à respecter les droits humains et mettre fin à la discrimination raciale. L’Union européenne devrait suspendre le financement des forces de sécurité destiné au contrôle des migrations, et fixer des critères de référence en matière de droits humains auxquels conditionner son soutien futur.

      La police, l’armée et la garde nationale tunisiennes, y compris les garde-côtes, ont commis de graves abus à l’encontre de migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile africains noirs, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi les abus documentés figurent des passages à tabac, le recours à une force excessive, certains cas de torture, des arrestations et détentions arbitraires, des expulsions collectives, des actions dangereuses en mer, des évictions forcées, ainsi que des vols d’argent et d’effets personnels.

      Pourtant, le 16 juillet, l’Union européenne (UE) a annoncé la signature d’un protocole d’accord avec la Tunisie, portant sur un nouveau « partenariat stratégique » et un financement allant jusqu’à un milliard d’euros, dont 105 millions d’euros sont destinés à « la gestion des frontières, [...] des opérations de recherche et sauvetage, […] la lutte contre le trafic de migrants et [...] la politique de retour ». Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a souligné que le partenariat porterait notamment sur « le renforcement des efforts visant à mettre un terme à la migration clandestine ». Le protocole d’accord, qui doit être formellement approuvé par les États membres de l’UE, ne prévoit aucune garantie sérieuse que les autorités tunisiennes empêcheront les violations des droits des migrants et des demandeurs d’asile, et que le soutien financier ou matériel de l’UE ne parviendra pas à des entités responsables de violations des droits humains.

      « Les autorités tunisiennes ont maltraité des étrangers africains noirs, alimenté des attitudes racistes et xénophobes, et renvoyé de force des personnes fuyant par bateau qui risquent de subir de graves préjudices en Tunisie », a déclaré Lauren Seibert, chercheuse au sein de la division Droits des réfugiés et migrants de Human Rights Watch. « En finançant les forces de sécurité qui commettent des abus lors de contrôles migratoires, l’UE partage la responsabilité de la souffrance des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Tunisie ».

      Au total, entre 2015 et 2022, l’UE a consacré à la Tunisie entre 93 et 178 millions d’euros pour des objectifs liés aux migrations, dont une partie a renforcé et équipé les forces de sécurité afin de prévenir les migrations irrégulières et d’arrêter les bateaux à destination de l’Europe. L’UE devrait suspendre le financement des forces de sécurité tunisiennes destiné au contrôle des migrations et soumettre tout nouveau soutien à des critères clairs en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les États membres de l’UE devraient suspendre leur soutien à la gestion des migrations et des frontières dans le cadre du protocole d’accord récemment signé avec la Tunisie, jusqu’à ce qu’une évaluation approfondie de son impact sur les droits humains soit réalisée.

      Outre les abus attestés des forces de sécurité, les autorités tunisiennes n’ont pas assuré de manière adéquate une protection, une justice ou un soutien aux nombreuses victimes d’évictions forcées et d’attaques racistes, et ont même parfois bloqué ces efforts. C’est pourquoi, pour les Africains noirs, la Tunisie n’est ni un lieu sûr pour le débarquement de ressortissants de pays tiers interceptées ou sauvées en mer, ni un « pays tiers sûr » pour les transferts de demandeurs d’asile.

      Depuis mars, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques et en personne avec 24 personnes — 22 hommes, ainsi qu’une femme et une fille — qui vivaient en Tunisie, dont 19 migrant·e·s, quatre demandeur·euse·s d’asile et un réfugié, originaires du Sénégal, du Mali, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, de la Sierra Leone, du Cameroun et du Soudan. Dix-neuf personnes étaient entrées en Tunisie entre 2017 et 2022 : douze de manière irrégulière et sept de manière régulière. Pour cinq personnes interrogées, la date et le mode d’entrée n’étaient pas connus. Certaines des personnes interrogées ne sont pas nommées pour des raisons de sécurité ou à leur demande.

      Human Rights Watch a également mené des entretiens avec quatre représentants de groupes de la société civile en Tunisie — le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), Avocats sans frontières (ASF), EuroMed Rights et Alarm Phone, un réseau de lignes téléphoniques d’urgence —, ainsi qu’un volontaire qui a aidé des réfugiés à Tunis ; Elizia Volkmann, journaliste basée à Tunis ; et Monica Marks, professeure d’université et spécialiste de la Tunisie. Tous les sept avaient interrogé ou aidé des dizaines de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés en Tunisie, et étaient informés des cas d’abus commis par la police ou les garde-côtes ou les avaient documentés.

      Parmi les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés interrogés, neuf étaient rentrés dans leur pays à bord de vols de rapatriement d’urgence en mars, tandis que huit étaient restés à Tunis, la capitale tunisienne, ou à Sfax, une ville portuaire située au sud-est de Tunis. Sept d’entre eux faisaient partie des quelque 1 200 Africains noirs expulsés ou transférés de force par les forces de sécurité tunisiennes aux frontières terrestres avec la Libye et l’Algérie au début du mois de juillet.

      Au total, 22 personnes interrogées ont été victimes de violations de leurs droits humains commises par les autorités tunisiennes.

      Bien que les violations documentées aient eu lieu entre 2019 et 2023, elles se sont majoritairement produites après que le président Kais Saied, en février 2023, a ordonné aux forces de sécurité de réprimer la migration irrégulière, associant les migrants africains sans papiers à la criminalité et à un « complot » visant à modifier la structure démographique de la Tunisie. Le discours du président, qualifié de raciste par les experts des Nations Unies, a été suivi d’un déferlement de discours de haine, de discrimination et d’agressions.

      Quinze personnes interrogées ont déclaré avoir subi des violences de la part de la police, de l’armée ou de la garde nationale y compris des garde-côtes. Parmi ces personnes figurent un réfugié et un demandeur d’asile qui ont été battus et ont reçu des décharges électriques lors de leur détention par la police à Tunis. Cinq personnes ont déclaré que les autorités avaient confisqué leur argent ou leurs effets personnels et ne les leur avaient jamais rendus.

      Les sept personnes interrogées expulsées vers les zones frontalières en juillet ont déclaré que l’armée et la garde nationale les avaient laissées dans le désert avec des quantités insuffisantes de nourriture et d’eau. Si certaines ont été réinstallées en Tunisie une semaine plus tard par les autorités tunisiennes, d’autres avaient encore besoin d’aide ou étaient portés disparus.

      Au moins neuf personnes interrogées ont été arrêtées et détenues arbitrairement par la police à Tunis, Ariana et Sfax, apparemment au faciès, en raison de leur couleur de peau. Ces personnes ont déclaré que les policiers n’avaient pas vérifié leurs papiers avant de les arrêter et que, dans la plupart des cas, ils n’avaient pas procédé à une évaluation individuelle de leur statut légal et ne leur avaient pas permis de contester leur arrestation.

      Un Malien de 31 ans interrogé avait une carte de séjour valide lorsque la police l’a arrêté arbitrairement à la mi-2022 à Ariana. « Ils ne m’ont pas demandé si j’avais des documents ou non », a-t-il déclaré. « Mon ami a été arrêté avec moi [...], [c’est] un militaire guinéen venu en Tunisie pour se faire soigner. Il avait un passeport avec un cachet d’entrée [valide] ».

      Cinq personnes ont décrit des abus commis pendant ou après des interceptions et des sauvetages en mer près de Sfax, apparemment par la garde nationale maritime, également appelée garde côtière. Il s’agit notamment de passages à tabac, de vols, de l’abandon d’un bateau à la dérive sans moteur, du renversement d’un bateau, d’insultes et de crachats à l’encontre des survivants.

      Trois représentants de groupes de la société civile interrogés ont également décrit les pratiques de plus en plus problématiques des garde-côtes depuis 2022, notamment des passages à tabac, l’utilisation dangereuse de gaz lacrymogènes, des tirs en l’air, le fait de prendre ou d’endommager les moteurs des bateaux et de laisser les gens bloqués en mer, la création de vagues qui font chavirer les bateaux, des retards dans les sauvetages, et des vols d’argent et de téléphones.

      Human Rights Watch a écrit aux ministères tunisiens des Affaires étrangères et de l’Intérieur le 28 juin pour leur faire part des résultats de ses recherches et leur poser des questions, mais n’a reçu aucune réponse.

      Outre les abus des forces de sécurité, au moins 12 hommes interrogés ont déclaré avoir été victimes d’abus de la part de civils tunisiens : parmi eux, dix ont été agressés ou victimes de vols, et cinq ont été victimes d’évictions forcées par des propriétaires civils. Hormis deux de ces incidents, tous se sont produits après le discours de février du président Saeid.

      Dans les mois qui ont suivi ce discours, et dans le contexte de la détérioration de la situation économique de la Tunisie, de l’aggravation de la répression et de la violence xénophobe, et de l’augmentation des départs de bateaux et des décès en mer, plus d’une dizaine de responsables européens se sont rendues en Tunisie pour discuter d’économie, de sécurité et de migration avec des responsables politiques tunisiens. Le ministre de l’Intérieur allemand a évoqué l’importance des « droits humains des réfugiés » et la « création de voies d’immigration légales », mais peu d’autres ont mentionné publiquement les préoccupations en matière de droits humains. Le ministre de l’Intérieur français a déclaré que la France offrirait à la Tunisie 25,8 millions d’euros pour l’aider à « contenir le flux irrégulier de migrants ».

      Des millions d’euros de financements de l’UE et de financements bilatéraux — notamment de la part de l’Italie — ont déjà permis de soutenir, d’équiper et de former les garde-côtes tunisiens, les « forces de sécurité intérieure » et les « institutions de gestion des frontières terrestres ».

      L’« externalisation » des frontières, qui consiste à empêcher les arrivées irrégulières en confiant les contrôles migratoires à des pays tiers, est devenue un élément central de la réponse de l’UE aux migrations mixtes et a donné lieu à des violations flagrantes des droits humains. De plus, le soutien aux forces de sécurité qui commettent des abus ne fait qu’exacerber les violations des droits humains qui sont à l’origine des migrations.

      « L’UE et le gouvernement tunisien devraient réorienter fondamentalement leur manière d’aborder les défis migratoires », a déclaré Lauren Seibert. « Le contrôle des frontières ne justifie aucunement que les droits soient bafoués et les responsabilités en matière de protection internationale ignorées ».

      Contexte des migrations et de la situation des réfugiés en Tunisie

      La Tunisie est un pays d’origine, de destination et de transit pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Au premier semestre 2023, elle a dépassé la Libye comme point de départ des bateaux accostant en Italie. Selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sur les 69 599 personnes arrivées en Italie entre le 1er janvier et le 9 juillet par la mer Méditerranée, 37 720 étaient parties de Tunisie, 28 558 de Libye, et les autres de Turquie et d’Algérie.

      Les pays d’origine les plus courants pour les personnes arrivant en Italie étaient, par ordre décroissant, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, la Guinée, le Pakistan, le Bangladesh, la Tunisie, la Syrie, le Burkina Faso, le Cameroun et le Mali. Le Cameroun, le Burkina Faso, le Mali et la Guinée ont été confrontés ces dernières années à des violations généralisées des droits humains liées à des conflits, à des coups d’État ou à des mesures de répression gouvernementales.

      Selon une estimation officielle datant de 2021, 21 000 étrangers originaires de pays africains non maghrébins se trouvent en Tunisie, dont la population est de 12 millions d’habitants. Depuis janvier, le pays a accueilli 9 000 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés. La Tunisie est un État partie aux Conventions des Nations Unies et de l’Afrique relatives au statut des réfugiés, et sa Constitution prévoit le droit à l’asile politique. Cependant, elle ne dispose pas d’une loi ou d’un système national d’asile. C’est le HCR qui effectue l’enregistrement des réfugiés et détermine leur statut.

      Bien que les normes internationales en matière de droits humains découragent la criminalisation de la migration irrégulière, les lois tunisiennes datant de 1968 et de 2004 criminalisent l’entrée, le séjour et la sortie irréguliers d’étrangers, ainsi que l’organisation ou l’aide à l’entrée ou à la sortie irrégulières, sanctionnées par des peines d’emprisonnement et des amendes. La Tunisie n’a pas de base légale explicite pour la détention administrative des immigrants, mais de nombreuses organisations ont documenté des cas de détention arbitraire de migrants africains. Pour plusieurs nationalités africaines, la Tunisie autorise les séjours de 90 jours sans visa avec tampon d’entrée, mais l’obtention d’une carte de séjour peut se révéler difficile.

      Selon le FTDES (un forum non gouvernemental), entre janvier et mai 2023, les autorités tunisiennes ont arrêté plus de 3 500 migrants pour « séjour irrégulier » et intercepté plus de 23 000 personnes tentant de quitter la Tunisie de manière irrégulière. Romdhane Ben Amor, porte-parole du FTDES, a déclaré à Human Rights Watch que la plupart des arrestations de migrants enregistrées ont eu lieu aux abords de la frontière algérienne, mais qu’après le discours du président, des centaines d’entre elles ont également eu lieu à Tunis, à Sfax et dans d’autres villes.

      Expulsions collectives aux frontières avec la Libye et l’Algérie

      Entre le 2 et le 5 juillet 2023, la police, la garde nationale et l’armée tunisiennes ont mené des raids à Sfax et dans ses environs, arrêtant arbitrairement des centaines d’étrangers africains noirs de nombreuses nationalités, en situation régulière ou irrégulière. La garde nationale et l’armée ont expulsé ou transféré de force, sans aucun respect des procédures légales, jusqu’à 1 200 personnes, réparties en plusieurs groupes, vers les frontières libyenne et algérienne.

      Selon cinq personnes interrogées qui ont été expulsées, les autorités ont conduit environ 600 à 700 personnes vers le sud jusqu’à la frontière libyenne, non loin de la ville de Ben Guerdane. Elles en ont conduit des centaines d’autres vers l’ouest, à divers endroits le long de la frontière algérienne, dans les gouvernorats de Tozeur, Gafsa et Kasserine, selon deux personnes expulsées, des représentants des Nations Unies, le FTDES et le réseau Alarm Phone.

      Parmi les centaines de personnes expulsées vers une zone éloignée et militarisée située à la frontière entre la Tunisie et la Libye, se trouvaient au moins 29 enfants et trois femmes enceintes. Au moins six d’entre elles étaient des demandeurs d’asile enregistrés auprès du HCR. Les personnes interrogées ont déclaré avoir été battues et agressées par des membres de la garde nationale ou des militaires pendant leur expulsion ; une jeune fille de 16 ans, notamment, a affirmé avoir été agressée sexuellement. Ces personnes ont ajouté que les agents de sécurité avaient jeté leur nourriture, détruit leurs téléphones et les avaient laissées dans une zone d’où, repoussées par les forces de sécurité des deux pays, elles ne pouvaient ni entrer en Libye ni retourner en Tunisie. Elles ont fourni les positions GPS des endroits où elles se trouvaient du 2 au 4 juillet, ainsi que des vidéos et des photos des personnes expulsées, de leurs blessures, des téléphones brisés, des passeports, des cartes consulaires et des cartes de demandeur d’asile.

      Le 7 juillet, Human Rights Watch a interrogé deux personnes qui avaient été expulsées ou transférées de force vers ou près de la frontière algérienne les 4 et 5 juillet. Elles se trouvaient dans deux groupes différents totalisant 15 personnes dont sept femmes — y compris deux femmes enceintes — et un enfant. Selon leurs dires, elles ont été transportées depuis Sfax dans des bus, forcées de marcher dans le désert sans nourriture ni eau suffisantes, et repoussées par les forces de sécurité algériennes et tunisiennes. Une demandeuse d’asile guinéenne a communiqué la position GPS de son groupe, dans le gouvernorat de Gafsa, tandis qu’un Ivoirien a partagé la position du sien, dans le gouvernorat de Kasserine. Ils ont également fourni des vidéos de leurs groupes marchant dans le désert.

      Dans une déclaration du 8 juillet, le président Saied a qualifié les accusations d’abus commis par les forces de sécurité à l’encontre des migrants de « mensonges » et de « fausses informations ». Le week-end du 8 juillet, les équipes du Croissant-Rouge tunisien ont fourni de la nourriture, de l’eau et une aide médicale à quelques migrants qui se trouvaient aux frontières de l’Algérie et de la Libye, ou à proximité. Il s’agit du seul groupe d’aide humanitaire que les autorités tunisiennes ont autorisé à pénétrer dans la zone frontalière avec la Libye.

      Le 10 juillet, les autorités tunisiennes ont finalement transféré plus de 600 personnes de la frontière libyenne vers des abris de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et d’autres installations à Ben Guerdane, Medenine et Tataouine, selon des représentants des Nations Unies et un Ivoirien qui se trouvait parmi les personnes emmenées à Medenine, qui a fourni sa localisation. Cependant, le 11 juillet, Human Rights Watch s’est entretenu avec deux migrants affirmant qu’ils faisaient partie d’un groupe de plus de cent personnes expulsées toujours bloquées à la frontière libyenne. Ils ont fourni des vidéos et leur localisation.
      Des migrant·e·s aux deux frontières ont déclaré à Human Rights Watch et à d’autres que plusieurs avaient péri ou avaient été tués à la suite d’une expulsion, bien que Human Rights Watch n’ait pas pu confirmer leurs récits de manière indépendante. Le 11 juillet, l’Agence France-Presse a indiqué que les corps de deux migrants avaient été retrouvés dans le désert près de la frontière entre la Tunisie et l’Algérie. Al Jazeera, qui s’est rendu à plusieurs reprises dans la zone frontalière entre la Tunisie et la Libye, a publié des images du 11 juillet montrant deux groupes de migrant·e·s africain·e·s toujours bloqué·e·s — plus de 150 personnes au total — et le corps d’un migrant décédé.

      La Tunisie est un État partie à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ; à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui interdit les expulsions collectives ; ainsi qu’aux Conventions des Nations Unies et de l’Afrique relatives au statut des réfugiés, à la Convention contre la torture et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui interdisent les retours forcés ou les expulsions vers des pays où les personnes risquent d’être torturées, de voir leur vie ou leur liberté menacées, ou de subir d’autres préjudices graves.

      Abus commis par la police

      Outre les personnes expulsées, onze personnes interrogées ont été victimes d’abus de la part de la police à Tunis, à Sfax, à Ariana et dans une ville proche de la frontière algérienne ; parmi celles-ci, au moins huit ont subi des violences. Deux ont déclaré que la police les avait expulsées de force de leur logement. Sept ont fait état d’insultes racistes de la part de la police et l’une d’entre elles a été menacée de mort.

      Sidy Mbaye, un Sénégalais de 25 ans rapatrié en mars, était entré en Tunisie de manière irrégulière en 2021 et travaillait comme vendeur ambulant. Il a décrit les abus commis par la police à Tunis :

      [Le 25 février], je suis allé en ville pour vendre des téléphones, des T-shirts et des tissus au marché [...]. Trois policiers se sont approchés de moi et m’ont demandé ma nationalité. Ils ont dit : « Tu as entendu ce que le président a dit ? Tu dois partir [...] ». Ils ne m’ont demandé aucun document. Ils ont pris toute ma marchandise [...]. J’ai [résisté] [...] ils m’ont durement battu, me donnant des coups de poing et me frappant avec des matraques. Du sang coulait de mon nez [...].

      Ils m’ont emmené au poste de police, m’ont mis dans une cellule et ont continué à me frapper et à m’insulter [...]. Ils ont dit quelque chose sur le fait que j’étais noir [...]. Ils ne m’ont toujours pas demandé de documents. J’y ai passé une journée. Je refusais de partir parce que je voulais récupérer mes affaires, mais j’ai fini par partir. Ils m’ont menacé et m’ont dit : « Si tu reviens et que tu vends encore ces choses, on va te tuer. Quittez le pays immédiatement ». [...] Là où je vivais avec cinq autres Sénégalais, le propriétaire était un policier [...] En revenant, nous avons trouvé nos affaires dehors.

      Papi Sakho, un Sénégalais de 29 ans qui est venu à Tunis de manière irrégulière pour travailler, a été victime de violences et d’une éviction forcée par la police avant d’être rapatrié, en mars :

      Fin février [...], cinq officiers de police sont venus [...]. Nous étions quatre en train de travailler au garage-lavage, moi, deux Gambiens et un Ivoirien. [...] Ils ne nous ont pas demandé nos papiers [...]. Ils nous criaient dessus, nous insultaient [...] Ils m’ont battu durement avec des matraques [...]. L’Ivoirien était blessé et saignait [...] ils ont fermé notre garage [...]. Et c’est nous qui lavions habituellement leurs voitures de police !

      La police nous a alors conduits à notre logement et a averti le propriétaire que nous n’avions plus le droit d’y rester. [...]. Ils ont pris nos bagages et les ont mis dehors [...]. Mon passeport est resté à l’intérieur. La police a pris mes deux téléphones [...]. Les autres m’ont dit que la police avait pris une partie de leur argent.

      Moussa Baldé, mécanicien sénégalais de 30 ans, a déclaré être arrivé en Tunisie en 2021 avec un visa de travail. Il s’est rendu à Tunis en février 2023 pour acheter des pièces détachées. « Un policier a arrêté mon taxi, m’a fait descendre et m’a poussé. Il m’a dit : “Tu es noir, tu n’as pas le droit d’être ici [...]”. Il ne m’a pas demandé mes papiers, il m’a juste indexé à cause de la couleur de ma peau. [Au poste de police,] deux policiers m’ont donné des coups de poing et m’ont frappé. Ils ne m’ont donné à manger qu’une seule fois pendant les deux jours [de détention], et j’ai dormi par terre ». La police ne lui a posé aucune question sur son statut juridique. « Ils m’ont dit : “Nous allons te libérer, mais tu dois quitter le pays” ».

      Abdoulaye Ba, 27 ans, également originaire du Sénégal, vivait à Tunis depuis 2022. En février 2023, la police est venue sur le chantier où il travaillait et a arrêté au moins dix travailleurs, certains avec papiers et certains sans papiers, originaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale :

      Il y avait des Tunisiens et des Marocains, mais ils n’ont arrêté que des personnes à la peau noire. Ils nous ont demandé de quel pays nous venions mais n’ont pas demandé nos papiers [...]. Nous avons résisté à l’arrestation et une partie de la ville est sortie [...] et nous jetait des pierres [...]. La police nous a frappés avec des matraques [...] Ils nous ont emmenés dans un poste de police à Tunis et nous ont détenus pendant cinq heures, sans demander à voir nos papiers [...]. Ils nous ont ensuite relâchés et nous ont demandé de quitter la Tunisie. [...] La police a également volé mon iPhone 12, et d’autres ont dit que la police avait pris leur argent.

      Un Malien de 24 ans sans papiers a déclaré qu’avant son rapatriement en mars, il travaillait dans un restaurant à Tunis. En février, la police l’a arrêté alors qu’il rentrait du travail avec un autre Malien, mais n’a procédé à aucune vérification légale. Il a raconté :

      Ils ne m’ont pas demandé mes papiers [...]. S’ils voient un Noir, ils le prennent et l’emmènent dans leur voiture. Pendant l’arrestation, des Tunisiens regardaient et criaient : « Vous, les Noirs, vous devez partir… ». La police a pris l’argent [de mon ami] [...], environ 600 dinars [...]. Ils nous ont gardés pendant quatre jours [au poste de police]. [...] Nous dormions par terre [...]. Ils ne nous donnaient que du pain et de l’eau deux fois par jour. [...] [...] Nous avons trouvé une centaine d’Africains [détenus] là-bas [...]. Ils nous considéraient comme si nous n’étions pas des humains.

      Un Camerounais de 24 ans vivant à Sfax sans papiers a déclaré qu’à plusieurs reprises, début 2023, la police avait fait des descentes dans la maison qu’il partageait avec plusieurs migrants et avait pris leurs téléphones et leur argent.

      Les abus commis par la police ne datent pas seulement de 2023. Un Malien de 31 ans a déclaré qu’en décembre 2021, un groupe de 6 à 8 policiers l’avait trouvé endormi dans une gare et l’avait agressé avant de l’arrêter pour entrée irrégulière, dans une ville proche de la frontière algérienne : « Ils m’ont frappé à plusieurs reprises avec leurs matraques, jusqu’à ce que je tombe, puis ils m’ont donné des coups de pied ».

      Un Malien de 32 ans, rapatrié en mars, a déclaré que la police de Sfax lui avait pris deux de ses téléphones à la mi-2022, en plus de l’argent que transportait son ami. « Les policiers, s’ils voient une personne noire avec un petit sac, ils fouillent le sac. Lorsqu’ils trouvent de l’argent [ou des objets de valeur], ils le prennent », a-t-il témoigné.

      Répression policière contre des réfugiés participant à des manifestations

      Après le discours du président Saeid un grand nombre de réfugiés, de demandeurs d’asile et d’autres personnes devenues sans abri à la suite d’évictions ou craignant pour leur sécurité ont campé devant les bureaux du HCR et de l’OIM au Lac 1, à Tunis. Parmi les personnes qui se trouvaient devant le HCR, certaines ont barricadé la zone et ont commencé à protester. Le 11 avril, après l’entrée de force de plusieurs personnes dans une partie des locaux du HCR, la police est arrivée pour disperser le camp. La police a fait usage de gaz lacrymogènes et de la force, et certaines personnes ont jeté des pierres sur des voitures ou la police.

      « En réaction, la police a fait un usage disproportionné de la violence [...], en particulier compte tenu du fait que des personnes vulnérables se trouvaient là, ainsi que des familles et des jeunes enfants », a déclaré Elizia Volkmann, une journaliste qui s’est rendue sur les lieux plus tard dans la journée. Human Rights Watch a écouté un entretien enregistré par Elizia Volkmann le 11 avril avec un témoin des événements, qui a déclaré avoir vu la police gifler une Soudanaise avant que la situation ne dégénère, et que la police avait battu les gens avec des bâtons et tiré « de nombreux coups de gaz lacrymogène ».

      Un demandeur d’asile soudanais, qui campait devant le bureau du HCR depuis novembre 2022, a déclaré à Human Rights Watch que lui et d’autres avaient barricadé la zone pour se protéger, et que le 10 avril, ils étaient entrés dans les locaux du HCR « pour boire de l’eau et utiliser les toilettes ». Selon ses dires, le 11 avril, « C’est la police qui a commencé les violences. Ils [...] sont venus et ont tiré des gaz [lacrymogènes] sur nous. Et c’était la première fois que les policiers nous jetaient des pierres — j’ai vu deux d’entre eux le faire ». Il a raconté avoir ensuite vu des personnes jeter à leur tour des pierres sur la police. Il a précisé qu’après avoir fui la zone, lui et d’autres ont été battus et arrêtés dans la rue par la police.

      La police a d’abord placé 80 à 100 personnes — dont des femmes et des enfants — en garde à vue au poste de police de Lac 1 et détruit le camp. Plus tard dans la journée, ils ont libéré le demandeur d’asile soudanais, entre autres, mais selon un représentant d’Avocats sans frontières (ASF), ils ont transféré 31 hommes à la prison de Mornaguia au titre de divers chefs d’accusation, notamment pour désobéissance et agression. ASF a fourni une assistance juridique aux accusés, qui ont été libérés fin avril, les charges ayant été abandonnées pour la moitié du groupe et l’autre moitié étant en attente d’une audience en septembre, a déclaré le représentant d’ASF.

      Un demandeur d’asile sierra-léonais, qui campait devant l’OIM et le HCR depuis son expulsion de son appartement en février, figurait parmi les personnes arrêtées. Human Rights Watch a examiné un document officiel confirmant sa libération de la prison de Mornaguia fin avril. Lors de la répression du camp le 11 avril, il a déclaré avoir « vu un [demandeur d’asile] libérien se faire battre par la police [...] il y avait tellement de sang ». Il affirme ne pas avoir participé à des actes de violence, mais a enregistré des vidéos et passé des appels téléphoniques. Il a raconté que la police l’avait attrapé, arrêté et torturé en détention :

      Dans le véhicule de police, un [agent] a commencé à m’étrangler pour me forcer à ouvrir mon téléphone. [...] Ils m’ont emmené au poste de police de Lac 1. Ils ont séparé trois d’entre nous, moi, un [demandeur d’asile] sierra-léonais et le Libérien [blessé] [...].

      [Ils] nous ont placé dans une pièce non ouverte au public, où ils nous ont torturés. Deux [agents en uniforme] ont utilisé [...] un bâton en bois [...] pour nous frapper à la tête, aux chevilles, là où se trouvent les os [...]. Deux [autres agents en uniforme] nous ont transmis des chocs électriques avec des appareils comme des tasers [...]. Un [homme en civil] [...] m’a dit en anglais : « Vous [...]dites que la Tunisie n’est pas sûre [...]. Vous êtes des putains d’immigrés et de réfugiés, vous voulez gâcher notre image » [...] ». Les autres policiers nous ont insultés en arabe [...]. Ils nous ont torturés [...] pendant environ 45 minutes.

      Un réfugié soudanais a également déclaré à Human Rights Watch avoir été battu et avoir reçu des chocs électriques au poste de police de Lac 1, avant d’être transféré à la prison de Mornaguia.

      Un Tunisois qui a aidé plusieurs hommes à obtenir une aide médicale après leur libération de la prison de Mornaguia en mai, a déclaré que deux réfugiés, un Érythréen et un Centrafricain, avaient fait état de l’usage d’armes électriques, telles que des tasers, par la police à leur encontre lors de leur arrestation. Selon ses dires, deux réfugiés érythréens lui avaient également raconté qu’au poste de Lac 1, « la police les [avait] battus [...] hors du champ de la caméra ».

      Le demandeur d’asile soudanais qui a été détenu puis relâché le même jour a déclaré avoir vu plusieurs détenus africains emmenés dans une autre pièce du commissariat et les avoir entendus pleurer de douleur ; plus tard, certains lui ont dit que la police avait utilisé des appareils pour leur administrer des chocs électriques. Les violences policières l’ont convaincu de quitter la Tunisie : « Je demande à des personnes que je connais de m’aider à traverser la mer, à m’éloigner de ce pays ».

      Abus des garde-côtes et interceptions en mer

      Sur les six personnes interrogées par Human Rights Watch qui avaient tenté une ou plusieurs traversées en bateau vers l’Europe, cinq avaient subi des retours forcés de leurs bateaux. De telles mesures de rétention ou de retour forcé des personnes, appelées « pullbacks » en anglais – des actions des autorités visant à empêcher les gens de quitter un pays en dehors des points de passage officiels de la frontière, y compris les retours forcés de bateaux en partance – peuvent constituer une atteinte au droit des personnes à demander l’asile et à quitter tout pays, qu’il s’agisse du leur ou d’un autre, et les piéger dans des situations abusives.

      Cinq personnes interrogées ont également décrit des abus commis par les autorités tunisiennes près de Sfax entre 2019 et 2023, pendant ou après des interceptions en mer (quatre personnes) ou des sauvetages (une personne).

      Salif Keita, un Malien de 28 ans rapatrié en mars, a déclaré avoir tenté une traversée en bateau depuis Sfax en 2019. « Les garde-côtes nationaux ont pris notre moteur et nous ont laissés bloqués en mer », a-t-il relaté. « Nous avons dû casser des morceaux de bois du bateau [...] pour revenir en pagayant ».

      Un Ivoirien de Sfax a tenté un voyage en mer en janvier 2022. Il a déclaré que les garde-côtes avaient intercepté le bateau et avaient frappé les passagers à coups de bâton. Pendant qu’il était en mer, il a également vu un bateau de migrants, qui transportait également des enfants, renversé par des vagues que provoquait un bateau des garde-côtes.

      Un Malien de 32 ans avait également tenté un voyage en mer. Il était entré régulièrement en Tunisie, mais son tampon d’entrée avait expiré. Ne pouvant obtenir de carte de séjour, il a embarqué en décembre 2021 près de Sfax, sur un bateau qui transportait une cinquantaine d’Africains de l’Ouest et du Centre. Les autorités les ont interceptés dans les 15 minutes qui ont suivi leur départ. Il a raconté : « Ils ont pris l’argent ou les téléphones des gens [...]. Ceux qui n’avaient ni l’un ni l’autre, ils ont frappés et insultés. J’ai même vu un [agent] frapper une des femmes [...]. Ils ont pris mon téléphone ».

      Un Camerounais de 24 ans a déclaré qu’en avril 2023, après le retournement de leur bateau près de Sfax, lui et d’autres personnes avaient été secourus par des garde-côtes qui, une fois à terre, s’étaient mis à les insulter, à leur cracher de dessus et à les battre avant de les relâcher.

      Moussa Kamara, un Malien de 28 ans vivant à Sfax, était entré en Tunisie en mai 2022. En décembre 2022, il a embarqué près de Sfax avec environ 25 Africain·e·s de l’Ouest. « Au bout de 30 minutes à peine, les garde-côtes sont arrivés [en positionnant leur bateau à côté du nôtre] et ont dit “Stop !”. Nous ne nous sommes pas arrêtés, alors l’un des gardes a commencé à nous frapper avec un bâton [...]. Ils ont frappé trois hommes, dont moi… Un de mes amis a été blessé ». Les autorités les ont emmenés à Sfax puis les ont relâchés.

      Après cette expérience, Kamara est resté en Tunisie, mais le discours du président Saied et ses conséquences l’ont fait changer d’avis : « J’ai décidé d’essayer encore [un voyage en mer]. Le président nous a dit de quitter le pays. Si je ne pars pas, je ne trouverai pas une maison ou un travail ».

      « Le président a créé un climat d’horreur pour les migrants en Tunisie, si bien que beaucoup se précipitent pour partir », a expliqué Ben Amor, du Forum tunisien, FTDES. « Ces derniers mois, les garde-côtes ont commencé à utiliser des gaz lacrymogènes pour obliger [les bateaux] à s’arrêter [...]. Ils se sont visés sur les migrants qui essaient de les filmer [...] ; ils confisquent les téléphones après chaque opération ».

      Une bénévole d’Alarm Phone à Tunis a déclaré que son équipe avait recueilli des témoignages similaires : « Depuis 2022, il y a des comportements récurrents des garde-côtes tunisiens en attaquant des bateaux[...] ; ils utilisent des bâtons pour frapper les gens, dans certains cas, des gaz lacrymogènes, [...] ils tirent en l’air ou en direction du moteur [...] et parfois [...] ils laissent les gens bloqués [en mer dans des bateaux hors d’usage] ». De nombreuses pratiques de ce type ont été citées dans une déclaration de décembre de plus de 50 groupes en Tunisie, et à nouveau en avril.

      Soutien au contrôle des migrations de l’Union européenne

      Entre 2015 et 2021, l’Union européenne a alloué 93,5 millions d’euros à la Tunisie sur son « Fonds d’affectation spéciale d’urgence pour l’Afrique » (EUTF), qui vise à lutter contre la migration irrégulière, les déplacements et l’instabilité. Ce montant comprend 37,6 millions d’euros destinés à la « gestion des frontières » et à la lutte contre le « trafic de migrants et la traite des êtres humains ». Un document de l’UE de février 2022 indiquait que le financement de la lutte contre le trafic et la traite de migrants « [prévoyait] l’équipement et la formation des agents des forces de sécurité intérieure, ainsi que de la douane tunisienne ».

      Ce document indiquait également que l’UE « désignerait » jusqu’à 85 millions d’euros en tant que somme à allouer à des projets liés à la migration en Tunisie en 2021 et 2022. Il ne précisait pas ce qui avait déjà été dépensé ; cependant, selon un document de l’UE de février 2021, « un programme de soutien très important, financé par l’UE et bénéficiant aux garde-côtes tunisiens, [était] en cours de mise en œuvre ». Sur les 85 millions d’euros, 55 millions auraient pu être alloués au soutien du contrôle des migrations en Tunisie, selon la répartition fournie dans le document de 2022, à savoir : 25 millions d’euros pour la gestion des frontières, y compris le soutien aux garde-côtes ; 6-10 millions d’euros pour le « gouvernance » des migrations et la protection ; 20-25 millions d’euros pour la migration légale et la mobilité du travail ; 12-20 millions d’euro pour la lutte contre le trafic et la traite de migrants ; et 5 millions d’euros pour des retours.

      Le document de 2022 détaille également le soutien bilatéral important apporté à la Tunisie par l’Italie, l’Espagne, la France, l’Allemagne et d’autres États membres de l’UE. En plus de son « fonds pour la coopération migratoire (environ 10 millions d’euros) », l’Italie a fourni des équipements (véhicules, bateaux, etc.) « pour une valeur totale de 138 millions d’euros depuis 2011 », ainsi qu’une « assistance technique liée au contrôle des frontières (2017-2018) [...] pour un total de 12 millions d’euros », qui comprenait un soutien à la police et à la garde nationale tunisiennes. L’Allemagne a également fourni des bateaux et des véhicules, et l’Espagne du matériel informatique.

      Le Programme plurinational 2021 - 2027 sur les migrations pour le voisinage méridional de l’UE, qui englobe la Tunisie, comporte des éléments positifs tels que le soutien à l’élaboration de politiques d’asile, des voies légales de migration et le dialogue avec la société civile, mais il met toujours l’accent sur le soutien aux « mesures répressives » et aux « autorités frontalières et garde-côtes » pour le contrôle des frontières. De plus, les indicateurs de projet sont problématiques, puisqu’ils confondent interceptions et sauvetages en mer (« nombre de migrants interceptés/secourus grâce à des opérations de recherche et de sauvetage en mer » et « sur terre »).

      Les responsables politiques européens ont proposé à plusieurs reprises divers partenariats migratoires à la Tunisie visant notamment à mettre en place des centres de traitement délocalisés et à conclure des accords avec des « pays tiers sûrs », ainsi que des accords susceptibles de permettre le retour des ressortissants de pays tiers ayant transité par la Tunisie.

      Le droit international reconnaît la possibilité de désigner un pays tiers sûr, ce qui permet aux pays d’accueil de transférer des demandeurs d’asile vers un pays de transit ou vers un autre pays qui est en mesure d’examiner équitablement leurs demandes de statut de réfugié et de les protéger de façon adéquate. Les lignes directrices du HCR énumèrent les conditions de ces transferts, y compris le respect des normes du droit des réfugiés et des droits humains et « la protection contre les menaces à leur sécurité physique ou à leur liberté ». La directive sur les procédures d’asile de l’UE exige que les États non-membres de l’UE remplissent des critères spécifiques pour être désignés comme « sûrs », notamment « l’absence de risque de préjudice grave ».

      Compte tenu des abus documentés commis par les forces de sécurité et des attaques xénophobes contre les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés en Tunisie, ainsi que de l’absence d’une loi nationale sur l’asile, il semble que la Tunisie ne réponde pas aux critères de l’UE définissant un pays tiers sûr. Les Africains noirs, en particulier, ne devraient pas être renvoyés ou transférés de force en Tunisie.

      Recommandations

      - Le Parlement européen, dans ses négociations avec le Conseil de l’UE sur le Pacte européen sur la migration et l’asile, devrait chercher à limiter l’utilisation discrétionnaire du concept de « pays tiers sûr » par les différents États membres de l’UE. Les institutions européennes et les États membres devraient convenir de critères clairs pour désigner un pays comme « pays tiers sûr » aux fins du retour ou du transfert de ressortissants de pays tiers, afin de garantir que les États membres de l’UE n’érodent pas les critères de protection dans leur application du concept, et déterminer publiquement si la Tunisie répond à ces critères, en tenant compte des agressions et des abus dont les Africains noirs sont continuellement la cible dans ce pays.
      - L’UE et les États membres concernés devraient suspendre le financement et les autres formes de soutien aux forces de sécurité tunisiennes destinées au contrôle des frontières et de l’immigration, et conditionner toute aide future à des critères vérifiables en matière de droits humains.
      – Le gouvernement tunisien devrait enquêter sur tous les abus signalés à l’encontre des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés commis par les autorités ou les civils ; veiller à ce que les responsables rendent des comptes, notamment par le biais d’actions en justice appropriées ; et mettre en œuvre des réformes et des systèmes de surveillance au sein de la police, de la garde nationale (y compris les garde-côtes) et de l’armée afin de garantir le respect des droits humains, de mettre fin à la discrimination raciale ou à la violence, et de s’abstenir d’attiser la haine raciale ou la discrimination à l’encontre des Africains noirs.

      https://www.hrw.org/fr/news/2023/07/19/tunisie-pas-un-lieu-sur-pour-les-migrants-et-refugies-africains-noirs

      #rapport #HRW #human_rights_watch

    • Von Angst getrieben

      Rassistische Ausschreitungen gegen Schwarze Menschen zwingen immer mehr auf die lebensgefährliche Reise über das Mittelmeer.

      Die Bedingungen, unter denen Schwarze Menschen in Tunesien leben, sind prekär. Insbesondere wenn sie in das Land migriert sind und dort illegalisiert leben, also ohne offiziellen Aufenthaltsstatus und damit meist ohne Zugang zu sozialen Dienstleistungen. Der zunehmend rassistische Diskurs im Land, lässt ihre Situation noch unsicherer werden. Im Herbst 2022 hatte die Nationalistische Partei Tunesiens ihre rassistischen Äußerungen in sozialen Medien massiv verstärkt. Auf ihrer Website spricht sie von „einer Millionen Migranten“ die sich im Land befänden und auf europäisches Geheiß hin vorhätten, das Land zu übernehmen. Die Partei und ihre Hetze spielten bis kürzlich in der politischen Landschaft Tunesiens keine große Rolle. Laut Angaben ihres Vorsitzenden Sofien Ben Sghaïer hat die 2018 gegründete Partei derzeit nur drei Mitglieder. Relevant wurde ihr politisches Denken erst, als es vom tunesischen Präsidenten Kaïs Saïed aufgegriffen und zur Regierungslinie erklärt wurde.

      Ein Verständnis dafür, wie dies geschehen konnte, ist möglich, wenn man die politisch-ökonomische Lage betrachtet, die sich seit Juli 2021 stark verändert hatte: Präsident Kaïs Saïed löste damals die Regierung und die Versammlung der Volksvertreter*innen per Staatsstreich auf. Die sozioökonomische Lage ist in Tunesien extrem angespannt. Der Staat steht angesichts gescheiterter Verhandlungen mit dem IWF vor dem Bankrott, die Inflation liegt bei 10 Prozent, die Arbeitslosigkeit bei 15 Prozent und die Jugendarbeitslosigkeit noch weit höher. In diesem Klima finden rassistische Thesen wie die der Nationalistischen Partei Tunesiens Anklang.

      Als der Anti-Schwarze Rassismus in Tunesien dann in Form einer Pressemitteilung von Präsident Saïed am 21. Februar 2023 aufgegriffen wurde – so sprach er von einem „Plan“, der aufgesetzt worden sei, um die „demographische Zusammensetzung Tunesiens zu verändern“ und rief zu „dringenden Maßnahmen“ auf, „um dieses Phänomen zu stoppen“ – eskalierte die Situation. In den Tagen nach der Erklärung griffen vor allem Gruppen marginalisierter junger Männer in verschiedenen Städten gezielt Schwarze Menschen an. Einige wurden schwer verletzt, als ihre Wohnungen oder Häuser angezündet wurden. Eine bis heute unbekannte Zahl von Menschen ist in diesen Tagen verschwunden. Schwarze Menschen verloren von heute auf morgen ihre Arbeit und wurden von ihren Vermieter*innen vor die Tür gesetzt. Viele verließen ihre Wohnungen über Tage nicht mehr, aus Angst, ebenfalls Opfer der Angriffe zu werden. Auch gültige Aufenthaltspapiere schützten Schwarze Menschen nicht vor der Gewalt, zahlreiche Menschen wurden unabhängig von ihrem Aufenthaltsstatus verhaftet, die Angst vor Polizeikontrollen und willkürlichen Festnahmen besteht bis heute.

      Aya Koffi* aus Côte d’Ivoire („Elfenbeinküste“), die seit mehreren Jahren in Tunesien lebt, hat die Angriffe in der Hauptstadt Tunis miterlebt: „Sie griffen die Häuser an, sie griffen die Familien an, sie griffen die Kindertagesstätten an, dort wo die Kinder der Schwarzen waren. Es gab Leute, die mit Babys im Gefängnis landeten, Kinder, die im Gefängnis landeten. Es gab Frauen, die vergewaltigt wurden. Die Tunesier haben die Häuser und Wohnungen der Schwarzen in Brand gesetzt. Jeder versteckte sich. Ich habe mich zwei Wochen lang zu Hause eingesperrt und keinen Fuß vor die Tür gesetzt, weil ich so viel Angst hatte.“
      Schiffsunglücke, Leichen am Strand und anonyme Grabsteine

      Aus Angst um ihr Leben und weil ihnen infolge der rassistischen Übergriffe jede Lebensgrundlage entzogen wurde, haben sich seit Februar 2023 viele illegalisierte und nach Tunesien migrierte Personen aus subsaharischen Ländern für eine Überquerung des Mittelmeers entschieden. Die italienische Insel Lampedusa ist von Teilen der tunesischen Küste nur 150 Kilometer entfernt. Vor allem aus der Hafenstadt Sfax haben die Abfahrten stark zugenommen – und mit ihnen die Todeszahlen. Seit Kaïs Saïed Erklärung sind mehrere Hundert Menschen nach einer Abfahrt von Tunesien im Mittelmeer ertrunken, viele weitere werden vermisst. Immer wieder werden Leichen aus dem Wasser geborgen oder an den Stränden angespült.

      Laut Faouzi Masmoudi, Sprecher des Gerichts in Sfax, hat das Universitätskrankenhaus der Stadt keine Kapazitäten mehr: Allein am 25 April wurden fast 200 Leichen in das Krankenhaus gebracht. Nur wenige Tote können identifiziert werden. Einige von ihnen sind auf dem christlichen Friedhof in Sfax begraben. Die meisten jedoch bleiben anonym: manche bekommen einen Grabstein, auf dem nur das Datum des Leichenfundes steht.

      Aya hat ein solches Schiffsunglück überlebt, ihr Mann kam dabei ums Leben. Eine Mitarbeiterin der Internationalen Organisation für Migration (IOM) bestätigte, dass der Körper ihres Mannes geborgen wurde. Doch trotz Nachfragen bei der IOM und der Botschaft der Côte d’Ivoire und trotz Protesten vor der Leichenhalle konnte Aya den Körper ihres Mannes nicht mehr sehen. Bis heute ist nicht klar, was mit ihm passiert ist. Kein Einzelfall. Aya erzählt von ihrer Nachbarsfamilie in Tunis: „Viele sind aus Angst, nicht mehr in Tunesien bleiben zu können, auf das Meer hinausgefahren. Ganze Familien sind bei Schiffbrüchen ums Leben gekommen. Die Tür meiner Nachbarin, mit der ich alle Freuden geteilt, mit der ich zusammen gegessen habe, bleibt verschlossen. Sie, ihr Mann und ihr Baby werden vermisst. Wir wissen, dass sie mit dem Boot aufgebrochen sind.“

      Infolge der rassistischen Ausschreitungen haben viele Menschen Wohnung und Einkommen verloren. Rund 250 Menschen, hauptsächlich aus subsaharischen Herkunftsländern, hatten deshalb ein Lager vor dem Gebäude des UN-Flüchtlingskommissariats UNHCR in der Hauptstadt Tunis aufgeschlagen. Sie nennen sich „Refugees in Tunisia“ und fordern bis heute ihre Evakuierung in ein sicheres Land. Am 11. April wurde das Protestcamp vor dem UNHCR-Gebäude gewaltvoll durch die tunesische Polizei geräumt und bis zu 150 Menschen festgenommen. Die Räumung wurde nach Angaben des tunesischen Innenministeriums durch das UNHCR-Büro selbst veranlasst. Dabei wurden mehrere Menschen, darunter auch Kinder, durch den Einsatz von Tränengas verletzt. 30 Personen wurden der „öffentlichen Unruhe“ beschuldigt und für mehrere Wochen inhaftiert. Die Festgenommenen berichteten von Schlägen und Folter mit Elektroschocks. Die meisten der Protestierenden harren seit der Räumung des UNHCR-Camps nun vor dem Gebäude der IOM aus, wo sie ohne Zugang zu Wasser und Sanitäranlagen weiterhin für ihre Evakuierung kämpfen.
      Europas Verantwortung

      Am 25. Juli 2022, ein Jahr nach dem Staatsstreich Präsident Kaïs Saïeds, wurde zwar eine neue Verfassung per Referendum bestätigt. Laut Expertise eines tunesischen Juristen mit Spezialisierung auf Menschenrechte, der aus Sicherheitsgründen anonym bleiben will, ähnelt die neue Konstitution im Bereich der kollektiven und individuellen Freiheiten formell der vorherigen, doch in der Praxis werden diese Rechte aktuell stark eingeschränkt: „Der Beweis dafür sind Oppositionelle und Journalist*innen, die derzeit im Gefängnis sitzen, und Menschenrechtsverletzungen im Zusammenhang mit sehr vulnerablen Personen, insbesondere Menschen die nach Tunesien migriert sind. Zusammenfassend kann man also sagen, dass es eine Beschränkung der Menschenrechte gibt.“

      Eine zentrale Rolle für die rassistische Eskalation spielen aber auch die EU und ihre Mitgliedstaaten. Als wichtigste Handelspartnerin beeinflusst die EU die Regierungen der Maghreb-Länder erheblich und nimmt besonders Einfluss auf die Gestaltung ihrer Migrationspolitiken. Bereits seit den 1990er Jahren liegt der Fokus auf Tunesien und seit 2011 übt die EU zunehmend Druck aus, um das Land noch stärker in das EU-Grenzregime zu integrieren und Migrationsbewegungen durch und aus Tunesien langfristig zu beenden. Im Rahmen immer wieder neu aufgelegter Programme wurden seitdem 3 Milliarden Euro gezahlt. Schwerpunkte sind unter anderem der Aufbau „engerer Beziehungen zwischen den beiden Ufern des Mittelmeers und die Steuerung von Migration und Mobilität“. Von 2014 bis 2020 wurden zum Beispiel 94 Millionen ausschließlich für migrationsbezogene Aktivitäten gezahlt, unter anderem für Tunesiens Grenzschutzsystem. Der aktuelle „EU Action Plan“ für das zentrale Mittelmeer aus dem Jahr 2022 nennt als drittes Ziel die „Stärkung der Kapazitäten Tunesiens, Ägyptens und Libyens insbesondere zur Entwicklung gemeinsamer gezielter Maßnahmen zur Verhinderung der irregulären Ausreise, zur Unterstützung eines wirksameren Grenz- und Migrationsmanagements und zur Stärkung der Such- und Rettungskapazitäten unter uneingeschränkter Achtung der Grundrechte und internationalen Verpflichtungen“.

      Von einer „Achtung der Grundrechte“ ist in der Realität wenig zu sehen. Stattdessen unterstützt die EU ein immer autoritäreres Regime, für das die Leben von Menschen, die über das Meer wollen, nichts zählen. Immer wieder sterben Menschen infolge sogenannter „Rettungsaktionen“. Bei diesen fährt die tunesische Küstenwache aus, um Boote zu „retten“, rammt diese jedoch oft, wodurch Menschen ins Meer fallen und ertrinken. Zudem gibt es vermehrt Berichte, denen zufolge Motoren von der Küstenwache konfisziert werden, die Boote mit den Menschen aber weitere Tage auf dem Wasser treiben gelassen werden, wodurch die Todeszahlen steigen. Zugleich sind rassistische Diskurse in Tunesien immer auch von Europa beeinflusst. Es wird wahrgenommen, wie Salvini, Meloni, Le Pen und auch Zemmour sprechen. „It was not Saïed who introduced anti-Black racism to Tunisia“, schreibt Haythem Guesmi, ein tunesischer Wissenschaftler und Schriftsteller in einem Artikel für Al Jazeera. Nicht nur das europäische Grenzregime wird externalisiert, sondern auch der rassistische Diskurs.

      https://www.medico.de/blog/von-angst-getrieben-19095

      #peur

  • Face à l’épidémie de Covid-19 en Chine, l’Inde impose des tests PCR à la plupart des voyageurs venant d’Asie
    https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/27/face-a-l-epidemie-de-covid-19-en-chine-l-inde-impose-des-tests-pcr-a-la-plup

    Face à l’épidémie de Covid-19 en Chine, l’Inde impose des tests PCR à la plupart des voyageurs venant d’Asie
    A un an et demi des élections générales et alors que le pays a pris la présidence du G20, le premier ministre, Narendra Modi, veut à tout prix éviter une nouvelle catastrophe sanitaire.
    Par Sophie Landrin(New Delhi, correspondante)
    Publié aujourd’hui à 10h12, mis à jour à 10h25
    Peur d’une nouvelle catastrophe sanitaire ou excès de zèle ? L’Inde, qui avait lamentablement géré la deuxième vague de Covid-19 au printemps 2021, responsable de plus de 4,7 millions de morts selon l’Organisation mondiale de la santé, a réagi au quart de tour face à la propagation spectaculaire du variant Omicron en Chine. Le gouvernement a imposé, depuis samedi 24 décembre, des tests PCR pour les voyageurs venant de Chine, mais également de Thaïlande, du Japon, de Corée du Sud et de Singapour, où l’épidémie n’a pourtant pas flambé. Ils devront également remplir un formulaire avant de prendre l’avion, une procédure qui n’a jamais prouvé son efficacité durant les épisodes précédents. Pour les autres vols internationaux, des tests aléatoires sont désormais effectués à l’arrivée sur 2 % des passagers. Les cas positifs seront mis en quarantaine. Des caméras thermiques sont censées contrôler la température de tous les passagers. L’Inde enregistre officiellement autour de 300 nouveaux cas par jour, mais ces chiffres ne veulent plus dire grand-chose. La plupart des gens ne se font plus tester ou pratiquent des autotests dont les résultats ne sont pas rapportés. Le ministre de la santé, Mansukh Mandaviya, a demandé aux gouvernements régionaux de renforcer la surveillance des nouveaux variants et d’envoyer les échantillons de tous les cas positifs aux laboratoires de séquençage du génome. Les hôpitaux devaient être soumis, mardi 27 décembre, à des exercices pour évaluer leur préparation et leur équipement en lits et surtout en oxygène, qui avait dramatiquement fait défaut en 2021.
    Plusieurs Etats ont également édicté leurs propres restrictions : les touristes étrangers qui veulent visiter le Taj Mahal, à Agra, dans l’Uttar Pradesh, devront présenter un test négatif. A New Delhi, le chef du gouvernement a décidé de réquisitionner des professeurs des écoles publiques, en vacances, pour les déployer dans l’aéroport du 31 décembre au 15 janvier. Il leur demande de veiller à ce que les passagers arrivant de l’étranger adoptent « un comportement approprié ». Le syndicat des enseignants est vent debout contre cet ordre, qualifié d’« humiliation » et de « harcèlement ». Le Karnataka a pour sa part restreint les festivités de fin d’année, qui devront se terminer avant 1 heure du matin.
    Le premier ministre, Narendra Modi, arbore désormais un masque en public, comme ses ministres, mais son port n’a pas été rendu obligatoire. Il est seulement conseillé, à l’instar de la vaccination. En édictant ces nouvelles règles, le gouvernement espère gêner la progression de Rahul Gandhi, son principal opposant, qui s’est lancé dans une marche à travers tout le pays et qui est passé dans Delhi samedi 24 et dimanche 25 décembre, mobilisant une énorme foule de sympathisants. Dans une lettre adressée au leader du Congrès, le ministre de la santé avait menacé de stopper cette marche en cas de non-respect des directives anti-Covid. Après le désastre de la seconde vague, l’Inde, qui préside pour un an le G20, veut sans doute, également, montrer au reste du monde qu’elle contrôle la situation sanitaire.

    #Covid-19#migrant#migration#chine#inde#thailande#japon#coreeduSud#sante#PCR#mesuresanitaire#circulation#tourisme#quarantaine

  • #François_Héran, professeur au Collège de France : « Le débat public sur l’immigration en France est en décalage complet par rapport aux réalités de base »

    François Héran, professeur au Collège de France à la chaire Migrations et sociétés, rappelle, chiffres à l’appui, à quel point l’immigration est limitée, bien en deçà de la place qu’elle occupe dans l’espace public.

    Le débat public sur l’immigration en France est en décalage complet par rapport aux réalités de base. De 2000 à 2020, selon les compilations de l’ONU, la part des immigrés dans la population mondiale a progressé de62 %. Sans surprise, cette lame de fond touche aussi le continent européen  : + 60 %. Les régions d’Europe qui ont connu les plus fortes hausses relatives de populations immigrées depuis l’an 2000 sont l’Europe duSud (+ 181 %), les pays nordiques (+ 121 %), le Royaume-Uni et l’Irlande (+ 100 %), l’Allemagne et l’Autriche (+ 75 %), suivies du reste de l’Europe de l’Ouest (hors la France)  : + 58 %. En revanche, la hausse est faible en Europe centrale ex-communiste (+ 12 %).

    Dans ce tableau européen, la France occupe une position très inférieure à la moyenne  : + 36 % d’immigrés en l’espace de vingt ans (avec ou sans l’outre-mer). Les immigrés représentent aujourd’hui chez nous 10,3 % de la population, selon l’Insee. La hausse a démarré en 2000, après la longue stagnation des années 1974-1999. Nicolas Sarkozy a freiné un peu la tendance, mais sans l’inverser. Elle a suivi son cours d’une présidence à l’autre. Il est donc absurde, comme on le lit çà et là, d’imputer la montée de l’immigration au dernier président  : aucun d’entre eux n’a pu contrecarrer une évolution inscrite dans une dynamique mondiale.

    Une autre approche consiste à examiner non plus le nombre d’immigrés résidant en France, mais les titres de séjour délivrés chaque année par la direction générale des étrangers en France du ministère de l’intérieur. Leur nombre a augmenté de 37 % de 2005 à 2021, une hausse régulièrement pointée comme une dérive incontrôlée mais qui s’explique à 54 % par la migration estudiantine, à 27 % par la migration de travail (relancée depuis peu par le «  passeport talent  ») et à 24 % par la migration de refuge (la moindre des choses dans le contexte actuel). Objet d’une fixation obsessionnelle dans le débat public, la migration familiale n’est pour rien dans cette hausse, puisqu’elle a reculé de 10 % depuis 2005, tant le parcours est semé d’embûches. Le regroupement familial auprès des étrangers oscille autour de douze mille personnes par an, soit 4 % seulement de l’ensemble des titres.

    Quant aux titres délivrés pour «  liens personnels et familiaux  » avec la circulaire Valls ou l’application de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (qui n’a rien de mécanique, contrairement à un mythe tenace), ils plafonnent à 11 000 par an et permettent de régulariser des personnes dont 40 % sont en France depuis dix ans, selon l’enquête officielle Elipa 2. Ces deux catégories de titres stagnent depuis 2012, avec des effectifs modestes. En faire des «  pompes aspirantes  » responsables de la progression générale de l’immigration en France est tout simplement erroné. Telle est donc la situation de la France  : un nombre d’immigrés en hausse, mais pas en pointe, une immigration familiale contenue, un essor important des étudiants internationaux, des régularisations en nombre limité.

    Olivier Dussopt, le ministre du travail, vient d’annoncer ( Le Monde du 2 novembre) de nouvelles régularisations par le travail, sans leur donner l’ampleur de celles décidées en Espagne l’été dernier ou pratiquées en Allemagne par le système de la «  résidence tolérée  » . La droite et l’extrême droite se sont aussitôt écriées que l’on allait créer un appel d’air, comme si la France était l’un des pays d’Europe les plus attractifs. Il n’en est rien. Ne parlons pas des migrants bloqués dans le Calaisis qui veulent rejoindre les côtes anglaises et fuient les «  mises à l’abri  »  : c’est nous, en sous-traitants zélés des Britanniques, qui les retenons sur le territoire français. Ne parlons pas non plus des Européens qui bénéficient de la libre circulation  : ils ne se bousculent pas chez nous, puisque nous sommes au 25e rang des pays européens pour la proportion d’immigrés nés dans l’Union.

    Proportions dérisoires de l’asile

    Mais, objectent certains, ne sommes-nous pas les «  champions de l’asile  » en Europe  ? S’agissant des grandes vagues d’exilés venus du Moyen-Orient, nous sommes loin du compte. Si l’on additionne les demandes d’asile et les relocalisations enregistrées par Eurostat en l’espace de sept ans, de 2014 à 2020, et si l’on fait l’hypothèse maximaliste que tous les déboutés restent, les effectifs accueillis en France en sept ans s’élèvent à36 900 Syriens, 14 100 Irakiens et 49 300 Afghans, soit respectivement 3 %, 4 % et 8 % des demandes ou relocalisations enregistrées en Europe pour ces trois nations (contre 53 %, 48 % et 36 % en Allemagne). Proportions dérisoires quand on sait que la France concentre 15 % de la population de l’Union et 17 % de son PIB. Le «  tsunami migratoire  » dénoncé par Marine Le Pen à l’automne 2015 n’a pas eu lieu.

    Certes, nous pouvons nous targuer d’avoir accordé en 2022 le bénéfice de la «  protection temporaire  » à plus de 100 000 Ukrainiens (un chiffre atteint en juillet, qui a décru depuis, en raison des retours dans leur pays), mais, là encore, cela représente 4 % seulement des exilés protégés à ce titre dans les pays européens non limitrophes de l’Ukraine. Beaucoup ont privilégié le sud de l’Europe où vivaient déjà leurs compatriotes. Ce sont d’abord les diasporas qui ont pris leur part de l’accueil.

    C’est un paradoxe observé depuis 2015  : à l’échelle européenne, la France n’a jamais accueilli les grandes vagues de réfugiés (Syrie, Irak et Afghanistan) au prorata de sa population ou de sa richesse. En revanche, elle a pris un peu plus que sa part (18 %) dans l’enregistrement des demandes d’asile déposées dans l’Union par les ressortissants des autres pays  : Côte d’Ivoire, Bangladesh, Guinée, Turquie, Albanie, Géorgie, Pakistan, Nigeria, Comores, RDC, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, tout pays où la situation des droits de l’homme reste complexe à diagnostiquer. Les trois quarts environ de ces demandes ont néanmoins été rejetées.

    Dans les dix dernières années, hors Covid-19, le taux moyen d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) était de 15 %, d’après les données de la direction générale des étrangers de France. Ce n’est pas l’assassinat de la petite Lola à la mi-octobre qui a mis la question à l’ordre du jour. Le taux de non-exécution est brandi de longue date comme un indicateur de l’inefficacité de la politique migratoire. Un rapport du Conseil d’Etat, de mai 2018, et un autre du Sénat, remis en octobre 2020, ont proposé de simplifier les procédures. En 2004, déjà, la juriste Danièle Lochak avait recensé dans la décennie précédente pas moins de onze circulaires des ministères de l’intérieur ou de la justice visant à améliorer le taux d’exécution des mesures d’éloignement. Les vingt et une lois votées depuis 1990 sur l’immigration et l’asile n’ont pas suffi à régler le problème. Croit-on que la 22e y parviendra, sachant que l’obstacle majeur reste l’absence de laissez-passer consulaires et de titres de voyage  ?

    Nul ne peut se satisfaire de voir le contentieux des étrangers concentrer désormais la moitié du contentieux administratif en France. Encore faut-il s’interroger sur les ressorts d’une telle anomalie. La multiplicité des recours contre les OQTF démontre leur fragilité. On se contente de traiter les symptômes en essayant de prendre les recours de vitesse. Des conseillers ont même songé un temps à fusionner le juge de l’asile et le juge de l’expulsion  : tel le dieu Janus planté à l’entrée du territoire, il aurait donné de la main droite et repris de la main gauche, et tout se serait passé dans l’ellipse à deux foyers de sa providence.

    A cette solution irréelle on préfère désormais le modèle allemand, à savoir déconcentrer la Cour nationale du droit d’asile auprès des cours administratives d’appel, quitte à accroître l’arbitraire des décisions en généralisant la formule du juge unique  : exit l’assesseur du Haut-Commissariat aux réfugiés, exit l’assesseur nommé par le Conseil d’Etat.

    Lorsque la loi Sarkozy de juillet 2006 créa l’OQTF actuelle, c’était déjà dans un but de simplification et d’efficacité. Le préfet pouvait prendre d’un coup plusieurs décisions  : refuser le titre de séjour, ordonner la reconduite à la frontière, accorder ou non un délai de départ volontaire, déterminer le pays de retour, interdire tout retour pour une durée donnée. Peine perdue  : un an plus tard, Brice Hortefeux demandait déjà à la commission Mazeaud de lui proposer de nouvelles mesures de simplification. On avait oublié que chacune des décisions composant une OQTF pouvait faire l’objet d’un recours séparé visant la compétence de l’autorité, la forme et le délai de la notification, l’erreur manifeste d’appréciation, etc. Le Conseil d’Etat l’a rappelé dans son rapport  : on ne peut décider du sort des gens sans respecter un droit de recours et un minimum de délai.

    Nous ne sommes plus au temps de la crise économique et morale des années 1930, quand la France expulsait par trains entiers plus de 100 000 Polonais, recrutés quinze ans plus tôt dans les houillères. Les entreprises les renvoyaient à leur guise, avec l’appui des préfets. Nul contentieux alors, puisqu’il n’y avait pas d’OQTF. Mais, entre-temps, un événement est intervenu – la seconde guerre mondiale –, avec le réveil des droits de l’homme, qui a permis d’élargir les compétences des juges en matière de contrôle des expulsions.

    Reste la question de fond. L’OQTF a-t-elle encore du sens quand elle s’obstine à expulser des personnes qui ont prouvé de facto leur aptitude à s’intégrer dans le système économique et dans la vie locale  ? Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, le déplore  : «  Il se passe parfois deux ans avant que la personne ne soit expulsable (…) . Il ne faut pas laisser le temps de créer des droits qui viendraient contredire des décisions prises légitimement par les préfectures  » ( Le Monde du 2 novembre). En condensant ainsi cet argument, M. Darmanin en fait ressortir l’absurdité  : c’est l’aveu involontaire d’une politique visant à empêcher l’intégration. Or quel meilleur juge y a-t-il en matière d’intégration que le temps  ? Si un jeune sous OQTF réussit à passer un CAP ou un BTS, s’il donne satisfaction à son employeur et rend service à la communauté locale, où est le problème  ? Il y a des moments où le pragmatisme doit prévaloir sur le dogmatisme.

    C’est au fond l’idée que le ministre du travail, Olivier Dussopt, a tenté de glisser dans l’entretien donné au Monde . Mais peut-il reprendre la main dans ce domaine depuis que la réforme d’avril 2021 a transféré du ministère du travail au ministère de l’intérieur la mission d’identifier les métiers «  en tension  »  ? L’OCDE avait dénoncé en 2017 cette usine à gaz  : les indicateurs officiels (issus d’une analyse des demandes non satisfaites par Pôle emploi) étaient trop volatils pour prédire la tension locale d’un métier pour l’année à venir, les employeurs des secteurs concernés (transport, entretien, services à la personne, restauration, tourisme, agriculture…) ne passaient pas par Pôle emploi  ; seules les grandes entreprises pouvaient faire face à la bureaucratie exigée.

    Rêves immatures

    Aussi la plupart des directions régionales du travail avaient-elles renoncé aux indicateurs chiffrés censés identifier les métiers en tension ? : elles s’adressaient aux chambres des métiers et aux syndicats qui connaissaient le terrain (selon la méthode de concertation appliquée en Suisse, le pays qui avait imaginé dès les années 1970 le système des « ?métiers en tension ? »). La mise en place au printemps 2021 de « ?plates-formes interrégionales ? », permettant de postuler directement en ligne, a démantelé ce système. Il simplifie la tâche des entreprises, mais est-ce faire injure au ministère de l’intérieur de se demander s’il a les outils requis pour analyser à l’échelle locale les besoins du marché du travail ??

    L’impuissance de la politique migratoire ne tient pas au manque de volonté ou de moyens, mais à la démesure des objectifs. Décréter que l’immigration «  choisie  » devra supplanter l’immigration «  subie  » (en oubliant l’échec flagrant de ce programme dans les années 2006-2011), annoncer la «  réduction drastique  » de tel ou tel flux migratoire, prétendre qu’on pourra suspendre le regroupement familial, inverser en France la courbe mondiale des migrations, tenir le pays à l’écart des grands mouvements de réfugiés, convaincre les nationaux de s’adonner au travail manuel, aligner les Etats de droit de l’Europe de l’Ouest sur le modèle illibéral de la Hongrie, résilier les engagements internationaux qui lient les sociétés démocratiques, faire croire enfin que la France serait davantage la France sans l’immigration… Autant de rêves immatures et voués à l’échec, parce qu’ils font fi des réalités les plus élémentaires.

    Ils traduisent un véritable déni d’immigration, comme il y a des dénis de grossesse. Si le gouvernement actuel ne partage pas cette idéologie nationaliste et isolationniste, il est temps pour lui de la combattre en changeant résolument de récit.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/08/francois-heran-l-impuissance-de-la-politique-migratoire-ne-tient-pas-au-manq

    #immigration #France #chiffres #statistiques #fact-checking #préjugés #migrations #asile #réfugiés #migration_estudiantine #migration_de_travail #migration_familiale #regroupement_familial #étrangers #circulaire_Valls #Elipa_2 #régularisation #protection_temporaire #renvois #expulsions #obligations_de_quitter_le_territoire_français (#OQTF) #mesures_d'éloignement #pragmatisme #dogmatisme #intégration #travail #métiers_en_tension #plates-formes_interrégionales #immigration_choisie #immigration_subie #déni_d’immigration

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  • #Corsica_Linea accueille des Ukrainiens et expulse des Algériens

    La même compagnie de bateaux qui a accueilli des réfugiés ukrainiens à Marseille sert désormais à expulser des sans-papiers de l’autre côté de la Méditerranée. C’est ce que révèlent les témoignages de plusieurs employés de la compagnie Corsica Linea.

    La compagnie de transport maritime Corsica Linea était fière, le 23 mars 2022, d’annoncer aux côtés de la préfecture des Bouches-du-Rhône l’ouverture du premier centre d’accueil de réfugiés ukrainiens. 1.700 places au total. L’un de ses #ferries, le « Méditerranée », est mis à disposition pour héberger jusqu’à 800 Ukrainiens. Dans les Echos, on apprend que l’initiative humanitaire vient du #Club_Top_20, qui regroupe les entreprises les plus influentes du territoire marseillais.

    Une fois vidés de leurs réfugiés, début juin, les bateaux de Corsica Linea ont repris la mer. À 20 mètres de la cabine du commandant de bord, cachés de la vue des passagers lambdas : d’autres étrangers. Des #sans-papiers que la France expulse vers l’Algérie. La compagnie corse préfère cette fois rester discrète.

    Un mécano découvre le pot aux roses

    Camille (1), la quarantaine, travaille comme ouvrier mécanicien sur l’un des bateaux de la compagnie Corsica Linea. Le mardi 20 septembre, il embarque à Marseille direction Alger, à bord du ferry Danielle Casanova. Un nom donné en hommage à une résistante communiste corse. Il a l’habitude de faire ce voyage. Mais cette fois-ci, il se passe quelque chose de différent :

    « La veille, l’officier me demande de remettre en état “les cellules des gardes et des prisonniers” parce qu’on est susceptibles de rapatrier des mecs le lendemain. Je ne comprends pas de quoi il s’agit. »

    Le mardi matin avant 8 heures, il fait son boulot et retape les sanitaires. Le marin se pose des questions :

    « Je remarque que tout est arrondi pour ne pas se blesser. »

    « Je demande à mes collègues, personne ne sait rien. Je me dis que la seule chose que je peux faire, c’est de faire durer le temps. Alors un truc que je peux faire en 30 minutes, j’y passe deux heures », décrit Camille.

    Puis vient un moment de flottement. Aux alentours de 9 heures et demi, le mécano entend « des mecs arriver, c’était bruyant. Là, je vois la #police_aux_frontières (#Paf) arriver avec des migrants, ça se bouscule… Ils sont trois, la trentaine, escortés, un flic devant, un flic derrière ». Camille ajoute :

    « Ils ont les poignets menottés, des casques de boxeur sur la tête [pour ne pas se blesser le crâne]. »

    Le jeune ouvrier décide d’entamer une discussion avec les hommes de la Paf. « Ils me disent que les #expulsions ont commencé en juin sur le bateau “Méditerranée” ». Le même qui a servi d’accueil aux Ukrainiens. « Les flics me parlent d’une reconduite prévue la semaine prochaine, et lancent un : “Et ça continuera” », rapporte Camille dans son uniforme bleu marine, d’un ton qui se veut calme.

    D’après son témoignage, les cabines en inox sont surnommées : « La #prison » et surveillées par des caméras vidéo 24 heures sur 24. Elles sont fermées à clef de l’extérieur, pas de hublot. La coursive devant la prison est verrouillée par deux portes à code. Selon un rapport interne du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) sur les #éloignements en bateau vers l’Algérie, « aucune procédure d’exploitation des enregistrements n’existe et la surveillance vidéo n’est pas signalée ». Le marin confie :

    « J’ai été chialer un bon coup dans les chiottes. Moi, je n’ai pas signé pour virer des Arabes, ça non ».

    Il se met à travailler salement pour appeler un collègue nettoyeur et lui montrer ce qu’il a vu :

    « Je simule un problème de mécanique, je fais exprès de faire un taf de porc pour faire traîner les choses. »

    Son collègue Alix (1) monte de l’hôtellerie pour nettoyer ce qu’a fait Camille. Il a accepté de livrer son témoignage. « Quand je vois ces #cellules_d’isolement en métal, je suis un peu choqué. Trois hommes [les Algériens] me regardent, ils ont l’air apeurés. » Il continue :

    « C’est comme une prison. Je me suis souvenu des Ukrainiens, ils n’étaient pas au même endroit ni traités de la même façon. Je n’ai pas compris ce qui se passait, je n’avais jamais vu une cellule de ma vie, sauf à la télé ».

    Des menaces

    Le jeune marin chargé de l’entretien a été témoin d’un autre moment sur le bateau. « J’étais à la réception quand la Paf est arrivée, elle a demandé à parler au commissaire de bord », raconte Alix. « J’ai rempli pour eux la feuille des besoins spécifiques, et tout en bas, il y avait déjà deux noms inscrits pour des visas “courte durée” : c’était pour la police. On leur attribue des cabines et des tickets-repas ».

    Les agents de la Paf vont manger au self avec les marins, se promener sur le pont, et ce pendant toute la traversée en mer aller-retour, du mardi au jeudi. Le mardi soir, un matelot de garde aurait crié : « Il y a une merde en cellule avec les reconduits, j’appelle les forces de l’ordre ! ». Selon les marins, tout le monde pouvait entendre ces mots, passagers compris.

    Dans un enregistrement fourni par Camille, on entend distinctement un policier menacer un migrant de l’attacher s’il continue de crier et de gesticuler. Le jeune détenu pleure et tape sur les murs :

    « Je vais casser ma tête, comme ça le commandant, il m’emmène à l’hôpital et je pars pas ».

    Puis on entend le policier dire à ses collègues :

    « S’il nous fait trop chier, on lui fait une piqûre de calmant ».

    Il revient vers lui :

    « Prends sur toi, ça va être casse-couille pendant 20 heures, mais prends sur toi, allez. »

    On entend Camille poser une question à l’agent de la Paf, qui lui répond froidement :

    « Je ne sais pas, c’est la première fois que je viens. »

    Dans un autre enregistrement, on entend un migrant hurler : « Un être humain il est pas capable de rester là wallah ». Et un autre, d’une voix aiguë : « Monsieur, monsieur, je vous en prie, il faut ouvrir, monsieur je suis tranquille, je vous en prie… » Camille enchérit :

    « C’est intenable. Je me retiens de pleurer plusieurs fois, j’ai fait des exercices de respiration, je me sentais impuissant. »

    Il faut dire que le marin vient du militantisme « no-border », pour la libre circulation des personnes. « Je ne peux pas recevoir des migrants chez moi et en expulser ensuite, ce n’est pas possible. Et même s’ils ont été condamnés par la justice, ils n’avaient pas le choix de commettre des délits pour survivre, vu qu’ils n’ont pas le droit de travailler », pointe le mécanicien, reprenant illico sa casquette d’activiste.

    Quand ils arrivent à Alger, le débarquement dure de 9h à 14h. « C’est normal, c’est la #Hogra (dialecte algérien signifiant humiliation publique, injustice, excès de pouvoir) », sourit Alix. Il leur est interdit de sortir de l’enceinte portuaire. Puis les marins ne voient plus la Paf, jusqu’au mardi suivant. Même scénario le 27 septembre : d’autres expulsions vers Alger ont lieu. Camille simule un problème mécanique et en profite pour faire des vidéos des #cellules.

    https://www.youtube.com/watch?v=ZuG0MR5n1PA&feature=emb_logo

    Un bras de fer franco-algérien

    Comme l’avaient révélé StreetPress et Mediapart, Alger a pendant de longs mois refusé le retour de ses ressortissants. En guise de représailles, « l’État français [a] décidé de réduire de 50 % le nombre de #visas délivrés aux ressortissants algériens », précise l’ONG Euromed Rights, une association de défense des droits des étrangers basée au Danemark. Mais les tensions semblent s’apaiser et les expulsions auraient démarré au mois de juin avec une pause pendant l’été. « Près de 80 % des incarcérés en centre de rétention administrative (#Cra) sont des Algériens. C’est une très très forte majorité », affirme une source d’un Cra du Sud de la France. « Ils sont piochés d’un peu partout, mais principalement au Cra de Marseille. Le test PCR n’est même plus imposé ». Avant cela, les exilés pouvaient refuser et ainsi retarder l’échéance.

    Dans un retour de mail daté du mois de juin, la préfecture des Bouches-du-Rhône confirme utiliser plusieurs « vecteurs disponibles » – aériens, terrestres ou maritimes – pour les #reconduites_aux_frontières des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français. Jointe à nouveau début octobre, elle ne souhaite rien commenter ou ajouter. Même si elle ne répond pas à nos questions sur ce contrat entre le ministère de l’Intérieur et Corsica Linea, elle ne dément pas. Selon la presse algérienne et Euromed Rights, la France a signé un contrat en juin avec la société privée Corsica Linea pour le retour des migrants par la mer.

    Une détention arbitraire ?

    D’après les témoignages de Camille et Alix, les reconduits ne sortent pas des cellules avant que le bateau ne soit à quai à Alger. Ils sont alors remis aux autorités algériennes, et souvent à nouveau emprisonnés pour « immigration illégale ».

    Patrick Henriot, magistrat honoraire, secrétaire général du groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) souligne que les textes applicables à l’exécution forcée des #mesures_d’éloignement n’autorisent pas les services de police à priver les personnes de liberté pendant leur acheminement vers le pays de renvoi.

    Certes ils peuvent user d’une certaine contrainte mais elle doit être « strictement nécessaire » et en toutes circonstances rester « proportionnée ». La Paf est là pour sécuriser ces personnes. « Or le #confinement_forcé, pendant toute la durée du trajet, dans une cabine fermée qui n’est rien d’autre qu’une cellule, apparaît manifestement disproportionné » explique Patrick Henriot, qui continue :

    « Sans compter qu’il y a là une atteinte à la dignité des personnes au regard des conditions dans lesquelles se déroule cet emprisonnement qui ne dit pas son nom. »

    Le magistrat ajoute : « Sur un navire, c’est le capitaine qui est titulaire du pouvoir de police. Certes, il peut demander aux policiers de lui prêter main-forte dans l’exercice de ce pouvoir mais la contrainte doit s’exercer sous sa responsabilité, et il doit lui-même veiller à ce qu’elle reste proportionnée ». Selon nos informations, le capitaine n’accompagnait à aucun moment les policiers, leur laissant le plein pouvoir.

    Contactée plusieurs fois par mail et par téléphone, la compagnie Corsica Linea s’est refusée à tout commentaire.

    https://www.streetpress.com/sujet/1665408878-corsica-linea-accueille-ukraniens-expulse-algeriens-marseill
    #tri #catégorisation #réfugiés #réfugiés_ukrainiens #réfugiés_algériens #expulsion #bateaux #Algérie #France #détention_arbitraire

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  • Olivier Rey : « Revenir à la vie sans Covid provoque chez beaucoup, paradoxalement, une angoisse »
    Tribune publiée le 3 février 2022 – Les mesures sanitaires sont allégées à compter de mercredi. La place disproportionnée qu’a prise la pandémie dans nos vies n’est pas tant due à la mortalité qu’elle a provoquée qu’à l’incapacité de nos mentalités à concevoir la mort, argumente le philosophe.
    https://www.lefigaro.fr/vox/societe/olivier-rey-revenir-a-la-vie-sans-covid-provoque-chez-beaucoup-paradoxaleme

    Les évolutions récentes laissent espérer que, au fil du temps, le Covid-19 deviendra une maladie sans gravité pour tous, par apparition d’un variant aussi contagieux que bénin qui éliminera ses concurrents plus agressifs. À supposer que cette hypothèse se vérifie, nous ne serons pas sortis de l’auberge covidienne pour autant. Car quand bien même le Covid disparaîtrait du paysage, les mesures anti-Covid qu’il a suscitées feront sentir longtemps leurs effets.
    Que l’on songe, par exemple, aux dettes publiques monstrueuses accumulées en très peu de temps ; ou, sur le terrain de l’instruction, dont tout le monde s’accorde à reconnaître l’importance déterminante dans le devenir des êtres, aux inégalités et manques irrattrapables qu’un enseignement profondément perturbé pendant deux ans a creusés, qui se perpétueront pendant des dizaines d’années. Au bout du compte, la balance entre avantages et inconvénients de mesures anti-Covid drastiques penche tellement du côté des inconvénients que l’on s’étonne de voir gouvernement et Parlement français aggraver encore les contraintes, au moment même où la menace décroît et où de nombreux pays en profitent pour relâcher la pression.
    L’explication la plus simple réside dans la date prochaine du scrutin présidentiel : le président en exercice a tout intérêt, pour favoriser sa réélection, à neutraliser autant que possible la campagne en maintenant le Covid au centre du jeu. Une telle raison, cependant, est en elle-même insuffisante. Encore faut-il, en effet, pour qu’une telle politique ne s’avère contre-productive pour le président en place, qu’elle soit largement approuvée au sein de son électorat potentiel. D’où la question : pourquoi une telle tolérance, voire appétence, dans une partie conséquente de la population, pour les mesures qui diffèrent le retour à une vie « normale » ?
    À la recherche d’une réponse, m’est revenue en tête une remarque que j’ai plusieurs fois entendu formuler au cours des deux années écoulées : l’épidémie de Covid-19 nous aurait rappelé notre caractère mortel.
    Proposition curieuse, à première vue. Car enfin, aucun d’entre nous n’aura eu besoin d’attendre le Covid pour savoir qu’il mourra un jour. Proposition non dépourvue de sens, néanmoins, dans la mesure où, quand les sagesses anciennes ne cessaient de rappeler l’éphémère de cette vie, les modes de vie modernes ne cessent de marginaliser, d’anesthésier le savoir de la mortalité.
    Il y a un siècle déjà, Max Weber avait parfaitement perçu et décrit le phénomène. « La vie individuelle du civilisé, écrivait-il, plongée qu’elle est dans le “progrès”, dans l’infini, devrait, selon son sens immanent, ne pas avoir de fin. Car il y a toujours un nouveau progrès à accomplir pour qui vit dans le progrès ; personne, au moment de mourir, n’est parvenu au sommet, qui repose à l’infini. Abraham, ou n’importe quel paysan d’autrefois, pouvaient mourir “âgés et rassasiés de jours” parce qu’ils étaient installés dans le cycle organique de la vie, parce qu’il leur semblait que la vie leur avait apporté, au déclin de leurs jours, tout ce qu’elle pouvait leur offrir, parce qu’il ne subsistait aucune énigme qu’ils auraient encore voulu résoudre ; ils pouvaient donc considérer que la vie leur avait donné leur part. L’homme civilisé, au contraire, placé dans le mouvement permanent d’une civilisation qui ne cesse de s’enrichir en pensées, savoirs, problèmes, peut se sentir “fatigué” de la vie, jamais “rassasié” par elle. Il ne saisit en effet qu’une part infime de ce que la vie de l’esprit engendre à jet continu – et toujours quelque chose de provisoire, rien de définitif. De ce fait, la mort est pour lui un événement dépourvu de sens. Et parce que la mort n’a pas de sens, la vie civilisée en tant que telle n’en a pas non plus, qui, par son “progressisme” insensé, frappe la mort d’absurdité. »
    Cela étant, en même temps que le progressisme rend la mort toujours plus terrifiante en ajoutant, à l’effroi qu’elle a toujours suscité, une absence radicale de sens et la liquidation des cadres traditionnels, religieux, rituels qui, jusqu’à un certain point, l’« apprivoisaient », il maintient cette terreur à distance en parvenant, l’essentiel du temps, à effacer la mort de l’horizon. La mortalité s’oublie par plongement des individus dans un progrès qui, lui, apparaît comme sans fin. À un « projet » succède immédiatement un autre « projet » et, de projet en projet, l’angoisse de la mort se trouve refoulée.
    Le traumatisme causé par le Covid vient d’une levée partielle du refoulement. Ce n’est pas le nombre de morts qui est en cause : lorsque l’on tient compte, pour évaluer sérieusement la situation, de la taille de la population et de sa répartition en âges, il apparaît qu’aucune hécatombe n’est à signaler. Bien entendu, les mesures prises pour contenir l’épidémie y ont certainement été pour quelque chose. Mais même si, avec moins de confinements et de passes, le nombre des décès dus au Covid eût été plus important, il serait demeuré bien inférieur à celui des décès par maladies cardiovasculaires ou par cancer, que le directeur général de la santé n’a jamais pris l’initiative d’annoncer jour après jour en un « point de situation ».
    Le fait marquant est ailleurs : en raison du brusque afflux de personnes en détresse respiratoire, l’hôpital, dont l’une des missions est désormais d’accueillir les mourants (en France, à peu près 60 % des décès ont lieu dans un établissement hospitalier), s’est trouvé débordé, et n’a temporairement plus été en mesure d’absorber convenablement le flux des malades. En conséquence, la mort est devenue visible – le métabolisme social n’a momentanément plus été en mesure de la « digérer » sans à-coup comme il le fait d’habitude.
    L’irruption de la mort sur la scène publique a été, pour les hommes tels que décrits par Weber – tenants du progrès indéfini et des projets s’enchaînant les uns aux autres sans temps morts (c’est-à-dire sans temps où il serait possible de songer à la mort) -, une horrifique nouvelle. Voilà que le spectre, habituellement repoussé dans les marges, venait s’agiter en pleine lumière !
    Heureusement, un miracle s’est produit : une transmutation de la source d’angoisse en remède contre l’angoisse. Par quel prodige ? De prime abord, on se dit que l’exposé quotidien des statistiques sur les morts du Covid ne pouvait avoir qu’un effet déprimant. À ceci près qu’il faut prendre en compte, à côté de ce que les paroles servent à exprimer, de ce qu’elles conduisent à laisser dans l’ombre. Polariser névrotiquement l’attention sur les seuls morts du Covid (alors même que ces derniers demeuraient très minoritaires dans l’ensemble des morts), c’était laisser s’établir une équation : mourir = mourir du Covid. Bien sûr, personne n’a jamais soutenu pareille chose.
    Le message implicite n’en était pas moins là, d’autant plus prégnant qu’inapparent. C’est pourquoi la mauvaise nouvelle – le Covid augmente les risques de mourir -, s’est transformée en bonne nouvelle – la protection contre le Covid (qui tue quand même peu de monde, et principalement des personnes très âgées ou en mauvaise santé) protège de la mort. Autrement dit, moyennant masque, gel hydroalcoolique, « gestes barrières » et « schéma vaccinal complet », la mortalité, qui s’était malencontreusement imposée à la conscience, s’est trouvée à nouveau mise au placard.
    On comprend, dès lors, les sourdes réticences à s’affranchir des mesures anti-Covid, en dépit des contraintes qu’elles imposent : en abandonnant ces mesures, on perd son bouclier contre la mort ; on se sent aussi vulnérable qu’un bernard-l’ermite sorti de sa coquille ; on redevient ce que l’on n’avait jamais cessé d’être, mais que le Covid, en prenant toute la place, avait fait oublier, c’est-à-dire un mortel exposé à une infinité d’accidents et de maladies possibles, et qui finira de toute façon par trépasser. Voilà comment l’angoisse engendrée par le Covid s’est muée, chez ceux qu’elle avait envahis, en angoisse inavouée à la perspective de revenir à la vie sans Covid. En conséquence, le président de la République et son Assemblée ont les coudées franches pour durcir les mesures sanitaires, précisément au moment où le danger diminue.
    Me revient à l’esprit l’un des plus célèbres poèmes de Constantin Cavafy, En attendant les barbares. Au matin, une ville entière se prépare, empereur et hauts dignitaires en tête, afin d’accueillir en grande pompe les barbares et leur chef, dont l’arrivée est annoncée. Le soir, les habitants regagnent leur logis, le visage grave, la mine soucieuse. Non que les barbares, en investissant la ville, se soient montrés particulièrement barbares : ils ne sont pas venus. Mais alors, qu’allons-nous devenir sans les barbares ? Ces gens étaient en somme une solution. Il y a quelque chose d’un semblable désarroi, devant la perspective d’un reflux du Covid. À bien des choses, cette maladie était une solution. Maintenant, il va falloir en trouver d’autres. Pour l’instant, le gouvernement fait jouer les prolongations, avec l’assentiment d’une bonne partie du public.

    Olivier Rey

    #mesures_sanitaires #covid-19 #mort #progrès #Olivier_Rey

  • Asile, une industrie qui dérape

    Le traitement des demandes d’asile en Suisse est devenu une véritable industrie, avec des #centres_fédéraux gérés principalement par des sociétés privées. Employés mal payés, manque cruel de formation, dérapages violents, dérives bureaucratiques, accès aux soins problématique : des témoignages et des documents d’enquêtes pénales inédits permettent de percer la boîte noire des centres fédéraux d’asile.

    https://pages.rts.ch/emissions/temps-present/12754866-asile-une-industrie-qui-derape.html

    #Budget de fonctionnement des centres : 215 millions en 2021, dont 57 mio à l’encadrement et 60 millions à la sécurité (min 53’50) :

    Dans le reportage, l’histoire de #Sezgin_Dag est racontée. Sezgin décède dans un taxi qui était en train de l’amener à l’hôpital (à partir de la minute 3’06).

    #asile #migrations #réfugiés #privatisation #business #Suisse #ORS #Protectas
    #violence #accélération_des_procédures #procédures_accélérées #accès_aux_soins #souffrance #témoignage #industrie_de_l'asile #business #SEM #Securitas #coût #dysfonctionnement #Boudry #cellule_de_réflexion #décès #morts #suicides #automutilations #traumatismes #dérapages #Gouglera #injures #violence_systématique #frontaliers #conditions_de_travail #plan_d'exploitation_hébergement (#PLEX) #fouilles #nourriture #alimentation #punitions #privations_de_sortie #mesures_disciplinaires #horaires #pénalité #formation #spray #agents_de_sécurité #salaires #centres_pour_récalcitrants #récalcitrants #Verrières #centres_spécifiques #centre_des_Verrières #disparitions #délinquance #optimisation #sécurité #prestations #société_anonyme

    –-
    Ajouté à la métaliste sur #ORS en Suisse :
    https://seenthis.net/messages/884092

  • Sur la catastrophe en cours et comment en sortir - Serge Quadruppani & Jérôme Floch
    https://lundi.am/Sur-la-catastrophe-en-cours-et-comment-en-sortir

    Il y a tout de même pas mal de choses intéressantes dans cet article de Quadruppani (qu’on sait déjà mais dites au public antibiopolitique).

    On a pourtant aussi toutes les raisons d’écouter le cri de rage d’un ami infirmier, à qui j’ai fait lire l’interview de Lamarck : « Je voudrais surtout pas tomber dans le pathos, mais le subjectif est là, et je vais pas le refouler : quand tu as vu des personnes âgées qui ont un nom : Marthe, Francis, Suzanne, Mario, Huguette , Gilberte et tant d’autres, magnifiques, qui ne demandaient qu’à finir leurs vies tranquilles, sereines et entourées, partir en 24 heures, emballées dans des housses mortuaires, sans préparation, sans que leurs proches ne puissent les voir, ne serait-ce qu’une dernière fois, quand tu as vu tes collègues infirmières et aides-soignantes, pourtant pleines d’expérience, et qui savent tenir la « bonne distance » professionnelle avec la mort, te tomber dans les bras et pleurer de détresse, que tu as vu toute l’équipe soignante aller au tapis, frappée de plein fouet par le virus, et les rares soignantes encore valides rester à poste 18h sur 24, que tu as vu le quart des personnes prises en charge mourir en une semaine, les poumons bouffés par le virus, et qu’il s’en fallait à peine d’un mois pour que des vaccins soient disponibles... alors le gus qui te déclare, du haut de son Olympe conceptuel : « c’est la porte ouverte à la modification moléculaire de l’humain », tu as juste envie de lui hurler : « ta gueule, connard ! Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles... ! » C’est con, hein ? »

    Non, c’est pas con, et d’autant moins que c’est assorti d’une critique des affirmations lamarckienne qui peut s’avérer fort utile pour dissiper les fantasmes attachés à ce vaccin à ARNm souvent au cœur des argumentaires antivax. « Bien, alors le truc affreux [d’après Lamarck] ce serait ces vaccins à ARN messager modifié « enrobés dans un vecteur complètement artificiel ». Le mot est lâché : « artificiel », sûrement opposé à « naturel ». Ne relevons même pas que bien des produits artificiels se sont révélés forts utiles, et que nombre de produits naturels peuvent être extrêmement nocifs. Le truc ici consiste à faire peur : c’est « artificiel » ! Pas bon ça ! Le vecteur en question est une microparticule avec 4 lipides (dont du cholestérol), 4 sels (chlorures de sodium, de potassium, dihydrogénophosphates de sodium, de potassium), du sucre (saccharose) et de l’eau... (c’est presque Bio !) Non, faut que ça fasse peur ! Car nous disent-ils tout ça « est injecté massivement depuis décembre 2020 sans tests cliniques suffisants tant sur l’innocuité que sur l’efficacité ». C’est évidement faux, les essais de phase I, II, et III ont bien eu lieu, et si la phase III se poursuit c’est pour étudier les effets secondaires inattendus, la durée de protection induite par la production d’anticorps et la mémoire immunitaire induite, et d’envisager le calendrier vaccinal de rappels le cas échéant … à ce jour près de 8 milliards de doses de vaccins contre la Covid ont été administrées, et près de 55% de la population mondiale a reçu au moins une dose (dont seulement 6% dans les pays pauvres). Jamais dans l’histoire des traitements et vaccins il n’y a eu une telle surveillance de pharmacovigilance. »

    Et jamais peut-être il n’a été aussi important d’éclaircir nos rapports avec la science en général, et avec la science médicale en particulier. L’humeur antivax est ancienne, en particulier dans des milieux où les ennemis du capitalisme se recrutent en grand nombre. Au risque de déplaire à bien des amis ou des alliés, disons-le sans détour : cette humeur repose pour l’essentiel sur des fantasmes sans fondement. Deux reproches principaux ont alimenté longtemps le refus de la vaccination, et, malgré tous les démentis, ont resurgi à la faveur de celle contre le Covid : son lien avec l’autisme et les accidents consécutifs à la présence d’aluminium. La première rumeur, qui eut d’abord les honneurs du Lancet, a ensuite été démentie et il s’est avéré que celui qui l’avait lancée était un escroc. Quant à la seconde, s’il est vrai que de l’aluminium a bien été ajouté à certains vaccins pour les booster, et que ce métal a, dans quelques cas, déclenché des réactions locales à l’endroit de l’injection, il n’a jamais entraîné d’accidents graves.

    […]

    On se gardera pourtant de reprendre à notre compte le vocable de « Big Pharma ». Pas seulement parce qu’on le retrouve systématiquement dans des bouches qui ont très mauvaise haleine, — est-ce un hasard ? — mais parce qu’il charrie une vision simpliste de ce à quoi nous faisons face et ne permet donc pas d’en saisir la complexité, les dynamiques et les rouages. « Big Pharma » est à l’ère des gouvernements biopolitiques revendiqués ce qu’était le mythe des deux cents familles au XIXe siècle. Il n’y a pas plus de gouvernement mondial secret que de Big Pharma, ce à quoi nous faisons face c’est à une coalition d’intérêts qui opèrent et prospèrent au sein d’un ordre du monde et d’une organisation sociale organisés par et pour eux. Il y a donc fort à parier que, à l’instar de toutes les structures étatiques, l’INSERM ne soit pas à l’abri de du lobbying général des grandes compagnies pharmaceutiques comme de l’influence de telle ou telle d’entre elles. Mais c’est justement parce qu’il s’agit d’une coalition d’intérêts particuliers et non pas d’une entité monolithique, qu’on peut compter sur l’existence de contradictions en son sein. Peut-on imaginer que s’il existait le moindre soupçon d’effets secondaires néfastes avec l’ARN, Johnson&Johnson et Astrazeneca, les concurrents sans ARN, épargneraient leurs rivaux d’une intense campagne de lobbying pour effrayer la population et récupérer tout le marché ? Et comment s’expliquer, sous le règne omnipotent de « Big Pharma » et du déjà un peu ancien « nouvel ordre mondial » que les stratégies sanitaires, idéologiques et politiques aient été aussi radicalement différentes des Etats-Unis à la France, d’Israël au Brésil, de la Suède à la Chine ?

    […]

    La vérité est à la fois beaucoup plus simple et complexe. Face à la pandémie, à la profondeur de ce qu’elle venait remettre en cause et au risque qu’elle faisait peser soudainement sur l’économie mondiale, les gouvernants ont paniqué. Et c’est cela que leurs litanies de mensonges devaient recouvrir, alors que tout leur pouvoir repose sur leur prétention à gérer et anticiper, ils ont dû bricoler, dans un premier temps du moins. Non pas pour sauver des vies mais pour préserver leur monde de l’économie. Au moment même où les appareils gouvernementaux de toutes les plus grandes puissances mondiales connaissaient leur plus grande crise de légitimité, certains ont voulu y voir le complot de leur toute puissance. Le complotiste aime les complots, il en a besoin, car sans cela il devrait prendre ses responsabilités, rompre avec l’impuissance, regarder le monde pour ce qu’il est et s’organiser.

    […]

    Dans la vidéo « La Résistance », dont le titre est illustré sans honte par des images de la seconde guerre mondiale, le Chant des Partisans en ouverture et Bella Ciao à la fin, on voit défiler les gourous anti-vax sus-cités. Renard Buté y nomme l’ennemi suivant le vocabulaire typique de QAnon : c’est l’ « Etat profond » et les « sociétés secrètes », il nous dit que le vaccin tue, que c’est un génocide qui est en cours, et qu’il faut s’y opposer par toutes sortes de moyens. La vidéo semble vouloir rallier les différentes chapelles antivax, de Réinfocovid au CNTf (organisation délirante, mêlant islamophobie, revendication du revenu garanti et permaculture, et partisane de rapatrier les troupes françaises pour… surveiller les frontières contre la « crise migratoire » et les banlieues), et après un appel à la fraternisation avec l’armée et la police (thème de prédilection du CNTf) débouche sur un autre appel… à la constitution d’une nouvelle banque qui serait entre les mains du peuple. Tout cela se mêle à des thèmes qui peuvent paraître pertinents aux yeux d’opposants radicaux au capitalisme : l’autonomie comme projet de vie, la manière de s’organiser et de faire des manifestations moins contrôlables, la démocratie directe… autant de thèmes et revendications qui pourraient sortir de bouches amies, voire des nôtres. Que ce genre de salmigondis touche pas mal de gens qui pourraient être des alliés, et que des amis proches puissent éventuellement avoir de l’indulgence pour ce genre de Renard fêlé, nous paraît un signe de l’ampleur de la secousse que la crise du Covid a provoquée dans les cerveaux.

    […]

    On a tendance, dans notre tradition très hégélienne de l’ultragauche à considérer que tout ce qui est négatif est intrinsèquement bon. Comme si par la magie de l’Histoire, la contestation de l’ordre des choses produisait automatiquement et mécaniquement la communauté humaine disposée à un régime de liberté supérieur. Pourtant, lorsque l’on se penche sur la nébuleuse anti-vaccin, c’est-à-dire sur les influenceurs et porte-paroles qui captent l’attention sur les réseaux sociaux, organisent et agrègent les énoncés et les rassemblements, on s’aperçoit qu’une écrasante majorité baigne depuis de longues années dans l’extrême droite la plus bête et la plus rance. Militaires à la retraite, invités hebdomadaires de radio courtoisie, lobbyistes contre les violences féminines (oui, oui...), il suffit de passer une heure à « googliser » ces porte-paroles autoproclamés pour avoir une idée assez précise des milieux dans lesquels ils grenouillent. Certes, on pourrait être magnanimes et essayer d’imaginer que l’épidémie de Covid ait pu transformer de telles raclures en généreux camarades révolutionnaires mais comment s’expliquer que les seules caisses de résonances que trouvent leurs théories alternatives sur le virus et l’épidémie soient Egalité et Réconciliation, Sud Radio, France Soir, Florian Phillipot, on en passe et des pires ? En fait, si on se peut se retrouver d’accord sur des énoncés formels, on bute bien vite sur un point fondamental, c’est-à-dire éthique : la manière dont on est affecté par une situation et à la façon que l’on a de se mouvoir en son sein. En l’occurrence, ce qui rend tous ces « rebelles » anti-macron aussi compatibles avec la fange fasciste c’est l’affect de peur paranoïaque qu’ils charrient et diffusent et qui sans surprise résonne absolument avec une longue tradition antisémite, xénophobe, etc. Et c’est là que l’on peut constater une différence qualitative énorme avec le mouvement gilets jaunes. Eux, partaient d’une vérité éprouvée et partagée : leur réalité matérielle vécue comme une humiliation. C’est en se retrouvant, sur les réseaux sociaux puis dans la rue, qu’ils ont pu retourner ce sentiment de honte en force et en courage. Au cœur du mouvement antivax se loge une toute autre origine affective, en l’occurrence la peur, celle qui s’est distillée des mois durant. La peur d’être contaminé, la peur d’être malade, la peur de ne plus rien comprendre à rien ; que cette peur du virus se transforme en peur du monde puis du vaccin, n’a finalement rien de surprenant. Mais il nous faut prendre au sérieux cette affect particulier et la manière dont il oriente les corps et les esprits. On ne s’oriente pas par la peur, on fuit un péril opposé et supposé, quitte à tomber dans les bras du premier charlatan ou sauveur auto-proclamé. Il n’y a qu’à voir les trois principales propositions alternatives qui agrègent la galaxie antivax : Didier Raoult et l’hydroxychloroquine, Louis Fouché et le renforcement du système immunitaires, l’Ivermectine et le présumé scandale de son efficacité préventive. Le point commun de ces trois variantes et qui explique l’engouement qu’elles suscitent, c’est qu’elles promettent d’échapper au virus ou d’en guérir. Toutes disent exactement la même chose : « Si vous croyez en moi, vous ne tomberez pas malade, je vous soignerai, vous survivrez. » Mot pour mot la parole biopolitique du gouvernement, dans sa mineure.

    […]
    Dans la soirée évoquée, ce n’est pas « quelqu’un du public » mais bien Matthieu Burnel lui-même qui avait ironisé sur les suceurs de cailloux !

    Parce que le pouvoir n’a jamais été aussi technocratique, livide et inhumain, certains tendent une oreille bienveillante aux premiers charlatans venus leur chanter « le vivant ». Mais l’engrenage est vicieux et une fois qu’on a adhéré à une supercherie du simple fait qu’elle prétende s’opposer au gouvernement, on a plus d’autre choix que de s’y enferrer et d’y croire. Lors d’une discussion un lundisoir, une personne du public avait commis quelques blagues peu finaudes à propos d’antivax qui lécheraient des pierres pour se soigner du cancer, et cela a apparemment provoqué quelques susceptibilités. Le problème en l’occurrence, c’est que cette plaisanterie n’était caricaturale que dans sa généralisation certainement abusive. Il n’en est pas moins vrai qu’Olivier Soulier, cofondateur de Réinfocovid assure soigner l’autisme et la sclérose en plaque par des stages de méditation et de l’homéopathie, que ce même réseau promulguait des remèdes à base de charbon aux malheureux vaccinés repentis pour se « dévacciner ». Autre nom, autre star, Jean-Dominique Michel, présenté comme l’un des plus grands experts mondiaux de la santé, il se propulse dès avril 2020 sur les devants de la scène grâce à deux vidéos sur youtube dans lesquelles il relativise l’importance et la gravité de l’épidémie, soutient Raoult et son élixir, et dénonce la dictature sanitaire à venir. Neurocoach vendant des séances de neurowisdom 101, il est membre d’honneur de la revue Inexploré qui assure soigner le cancer en buvant l’eau pure de l’une des 2000 sources miraculeuses où l’esprit des morts se pointe régulièrement pour repousser la maladie. Depuis, on a appris qu’il ne détenait aucun des diplômes allégués et qu’il s’était jusque-là fait remarquer à la télévision suisse pour son expertise en football et en cartes à collectionner Panini. Ses « expertises » ont été partagées par des millions de personnes, y compris des amis et il officie désormais dans le Conseil Scientifique Indépendant, épine dorsale de Réinfocovid, première source d’information du mouvement antivax. Ces exemples pourraient paraître amusants et kitchs s’ils étaient isolés mais ils ne le sont pas.

    […]

    Historiquement, ce qui a fait la rigueur, la justesse et la sincérité politique de notre parti, - et ce qui fait qu’il perdure-, c’est d’avoir toujours refusé de se compromettre avec les menteurs et les manipulateurs de quelque bord qu’ils soient, de s’être accrochés à une certaine idée de la vérité, envers et contre tous les mensonges déconcertants. Que le chaos de l’époque nous désoriente est une chose, que cela justifie que nous perdions tout repère et foncions tête baissée dans des alliances de circonstances en est une autre. Il n’y a aucune raison d’être plus intransigeant vis-à-vis du pouvoir que de ses fausses critiques.

    […]

    Au moment où l’idée même que l’on se faisait de la vie se trouvait acculée à être repensée et réinventé, on a critiqué les politiciens. Quand le gouvernement masquait si difficilement sa panique et son incapacité à exercer sa fonction fondamentale et spirituelle, prévoir, on a entendu certains gauchistes même anarchistes caqueter : si tout cela arrive, c’est qu’ils l’ont bien voulu ou décidé. Ironie cruelle, même lorsque l’État se retrouve dans les choux avec le plus grand mal à gouverner, il peut compter sur ses fidèles contempteurs pour y déceler sa toute puissance et s’en sentir finauds.

    Faire passer des coups de force, de l’opportunisme et du bricolage pour une planification méthodique, maîtrisée et rationnelle, voilà le premier objectif de tout gouvernement en temps de crise. En cela, il ne trouve pas meilleur allié que sa critique complotiste, toujours là pour deviner ses manœuvres omnipotentes et anticiper son plein pouvoir. C’est en cela que le gouvernant a besoin du complotiste, il le flatte.

    #Serge_Quadruppani #covid #antivax #gauche #émancipation #réflexion #science

  • Masques et pandémie : ce qui compte le plus, c’est ce qu’on protège le moins - AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/analyse/2022/01/02/masques-et-pandemie-ce-qui-compte-le-plus-cest-ce-quon-protege-le-moins/?loggedin=true

    En mars 2020, le confinement a fait une entrée fracassante dans nos vies. Nous avons fait l’expérience rare d’un vécu commun, toutes et tous enfermé.es chez soi, dans le monde entier. Depuis, les mesures sanitaires s’enchaînent par cycle ou plutôt par vague. La crise est planétaire et nous fait vivre des expériences extraordinaires dans ce que nos vies ont de plus banal, de la manière de se saluer à distance à la réorganisation des pratiques culturelles et de loisirs.
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    Progressivement le masque s’est aussi imposé dans notre quotidien, comme un instrument de lutte contre la pandémie. Et pourtant, il semble étrangement absent de nos mémoires. Dans le cadre de notre enquête menée d’avril à juin 2021 pour le projet de recherche QUALIMASK, piloté par le Dr Gabriel Birgand (Centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins, CHU de Nantes) et financé par l’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire[1], les réponses à la question « Vous souvenez-vous de la première fois que vous avez porté un masque ? » ont été beaucoup plus variées que ce à quoi nous nous attendions. Mars 2020 ? Mai ? À l’été ? À la rentrée scolaire ? Un tiers des personnes interrogées n’est pas capable de situer la période à laquelle elles ont commencé à porter le masque et deux tiers ne se souviennent pas ce qu’elles ont fait la première fois qu’elles sont sorties masquées.

    Alors que durant le premier confinement, on pensait que ces changements conduiraient à un grand bouleversement, le fameux « monde d’après », force est de constater que les personnes que nous avons interrogées ont surtout mis en place des formes de résistances implicites, dans l’espoir d’un retour au monde d’avant.

    Certes, il y a bien eu de profonds changements. Ainsi, par exemple, dans l’ancien monde, on n’était habitué ni au vocabulaire médical, ni à ses techniques de prévention des infections. Désormais, les mots les plus techniques sont entrés dans le langage courant : « Au travail on a des poubelles pour les déchets biologiques : les masques et les lingettes. On a un protocole quand on prend une caisse ou qu’on la rend. » (Femme, 41 ans, hôtesse de caisse, commune de 50 000 habitant.es).

    Au départ, le masque a fait irruption dans nos vies, sous la forme de tutoriels destinés à celles et ceux d’entre nous qui avaient des notions de couture. « Le masque c’est pas venu tout de suite. Au départ y’en avait pas. Ma fille nous a fait des masques en tissu à partir d’un modèle qu’elle avait pris sur Internet. Après elle en a fait pour la ville. Au total, elle en a fait 200. » (Femme, 64 ans, retraitée, commune de 7 000 habitant.es).

    Puis les masques sont devenus un objet achetable non seulement en pharmacie mais aussi dans les supermarchés, ils ont basculé du champ de la santé au monde ordinaire et notre enquête montre que, ce faisant, ils ont progressivement perdu leurs propriétés sanitaires.
    Un vêtement (presque) comme les autres

    Aujourd’hui le masque est devenu un accessoire vestimentaire obligatoire. On en garde dans son entrée, dans son sac voire dans sa voiture, prêt.es à le porter dès que cela est obligatoire. Mais aussitôt sorti.es des transports en commun et des magasins, on le roule en boule dans la poche, on le passe à son poignet ou l’on se contente de le baisser sur le menton ou de le descendre dans le cou. Tant de gestes que l’on fait sans conséquence avec ses gants ou son écharpe mais qui ont pour résultat de priver le masque de sa capacité à protéger de la propagation aérosol et aéroportée d’un virus contagieux.

    Ce n’est pas que l’on n’a jamais su « bien faire ». « Au début, je faisais hyper gaffe, je me lavais les mains avant, après, je le touchais jamais… et petit à petit, je me suis mis à l’enlever, je le remets dans ma poche, je fais un peu n’importe comment. J’essaye d’avoir les mains propres, pas à cause du masque, mais à cause de la pandémie… mais ouais, je ne fais pas trop attention. » (Homme, 29 ans, étudiant, commune de 300 000 habitant.es). Et ce notamment parce que la peur du virus était beaucoup plus prégnante. « Au début je trouve qu’on avait plus peur du virus. » (Homme, 22 ans, serveur, commune de 150 000 habitant.es).

    On a su faire, donc. Mais si l’on creuse la question de ce savoir, on réalise très vite que la plupart des gens ne se rappellent pas avoir appris à porter un masque, voire sont convaincus que porter un masque ne s’apprend pas. « Honnêtement, j’ai juste enfilé le masque sur le visage, comme je le sentais, en couvrant bien le nez et la bouche. » (Femme, 24 ans, factrice, commune de 300 000 habitant.es).

    Mais le masque est également une gêne. Il est « étouffant », « crée des allergies », il « gratte ». Le masque est passé d’un instrument sanitaire diffusé en population générale afin de limiter la propagation d’une épidémie à un objet vestimentaire dont on attend principalement qu’il ne perturbe pas le quotidien et n’entrave pas les interactions.

    Pour éviter de se sentir limitées par le port du masque, les personnes interrogées durant notre enquête font appel à leur bon sens plutôt qu’aux consignes gouvernementales et aux discours experts. « Je suis pas chercheur, je suis pâtissier de base, mais j’ai étudié la prolifération bactériologique et je pense que ça représente plus un milieu de culture qu’une barrière. Il suffit d’un peu de logique pour savoir que c’est de la merde. » (Homme, 32 ans, pâtissier, commune de 50 000 habitant.es).
    Quand le proche protège

    Ce « bon sens » vise avant tout à justifier la levée des mesures sanitaires dans les cercles proches, famille et ami.es. Dans les discours, tout se passe comme si la contamination ne pouvait venir que de l’inconnu et de la foule, soit, en termes de lieux, des centres-villes et des supermarchés. Le connu est rassurant et on lui prête plus de vertus protectrices qu’aux gestes sanitaires. Entre soi, le risque semble maîtrisé et les masques tombent. « Au début, [dans] la famille, je le mettais, mais après j’ai arrêté… Mais bon, on n’est pas nombreux. Mes petits-enfants sont prudents. Eux ils portent un masque… mais quand on reste un peu longtemps ensemble on le tombe. » (Femme, 77 ans, retraitée, commune de 143 000 habitant.es).

    L’attitude adoptée envers autrui est paradoxale : plus l’autrui est significatif, plus il compte, moins les mesures de protection sanitaires sont appliquées. Le « bons sens » consisterait alors à protéger le moins celles et ceux que l’on aime le plus.

    Bien sûr, dans les discours, il est question d’une attention portée aux personnes rendues vulnérables par l’âge ou la maladie. Mais si la maxime sanitaire « porter le masque pour se protéger soi et protéger les autres » nous a été maintes fois répétées, elle ne se traduit pas par la mise en place de nouvelles habitudes.

    La distanciation est évoquée comme une solution dispensant du port du masque, mais elle reste une vue de l’esprit. Quand l’occasion se présente, on n’hésite pas longtemps à se retrouver autour d’une table pour parler, boire et manger. Au long de l’année 2021, et plus encore après la levée de l’obligation du port du masque dans l’espace public extérieur, la distance s’est réduite. « On en a marre, on a envie de se faire des câlins, des bisous… donc on le fait, on est en bonne santé. » (Femme, 35 ans, vendeuse, commune de 20 000 habitant.es).

    Le masque, régulièrement accusé d’être une barrière aux relations sociales parce qu’il empêche de voir les expressions du visage, est en réalité un rappel de la pandémie et de la nécessité de la distanciation sociale. Moins il est porté, et surtout, moins bien il est porté, plus, étonnamment, le sentiment de sécurité s’accroît et plus notre attention aux autres et à leur santé diminue.

    Il existe cependant une exception dans ce monde de proximité rassurante et de liberté de respirer retrouvée : les jeunes. Parmi les personnes que nous avons interrogées, ce sont celles qui prêtent le plus d’attention aux mesures sanitaires et n’hésitent pas à se les approprier, quitte à détourner l’intention initiale des pouvoirs publics, notamment pour le recours aux tests. « Pour les 18 ans de Juliette, la dernière fois, c’était test obligatoire, PCR ou antigénique. On se fait tester deux jours avant la soirée et on fait attention à ne pas voir d’autres personnes entre-temps. Et puis après pendant la soirée, on n’a plus le masque. On essaye aussi de ne pas mélanger les verres et les plats, on marque les noms. » (Femme, 17 ans, lycéenne, commune de 300 000 habitant.es).

    Pourtant, le regard de leurs aîné.es est tourné vers eux comme la population de tous les dangers. Il en résulte de curieuses habitudes : avant une visite aux grands-parents, seuls les petits-enfants sont testés, comme si l’âge adulte était en soi une barrière contre l’épidémie. Les jeunes que nous avons rencontré.es intériorisent ce discours et se présentent comme des vecteur.rices en puissance du virus, très inquiet.es de devenir la source d’un cas grave voire mortel au sein de leur famille.

    Depuis de longs mois, notre attention se porte sur des groupes sociaux particuliers, « antivax » ou « complotistes », que nous avons également rencontrés. Le discours est certes frappant : « On n’est pas sorti de l’auberge. La plupart des gens ne remettent pas en cause ces décisions, continuent de se soumettre aux décisions… On va vers une espèce de dictature sanitaire de plus en plus sévère, déraisonnable. Mais je ne fais plus confiance dans notre gouvernement, dans notre société comme elle est. Là je suis plus dans une optique de me regrouper avec des gens qui partagent un peu les mêmes valeurs et qu’on essaye de créer une société parallèle, de sortir de ce système fou. » (Femme, 41 ans, employée de bureau, commune de 7 000 habitant.es).

    Mais ces groupes sont cependant l’arbre qui cache la forêt, et on aurait tort de croire qu’il y a plus de dissidence dans ce type de discours que dans le fait de porter son masque sous le nez. Alors que le choix semble fait de réduire notre liberté de circulation plutôt que de compter sur le respect des consignes sanitaires, il serait bon d’enfin débattre politiquement du bien commun. Sommes-nous prêt.es à accepter collectivement, en tant que société, que les normes de la santé supplantent pour une durée indéterminée les habitudes quotidiennes de nos vies ordinaires ? Parce que mal porter un masque n’a jamais protégé personne.

    Elvire Bornand

    Sociologue, Chercheuse au CENS de l’Université de Nantes

    Frédérique Letourneux

    Sociologue, Chercheuse au Centre Georg Simmel (EHESS)

    Gabriel Birgand

    Épidémiologiste, Pharmacien, coordinateur du CPias des Pays de la Loire, associé de recherche à la Health Protection Research Unit de l’Imperial College de Londres

    Brice Leclère

    Biologiste et médecin, Maître de conférence à l’université de Nantes, praticien hospitalier de santé publique, responsable de l’unité de recherche en santé publique interventionnelle du CHU de Nantes.

    #masques #mesures_sanitaires #pandémie

  • Practical Indicators for Risk of Airborne Transmission in Shared Indoor Environments and Their Application to COVID-19 Outbreaks
    https://pubs.acs.org/doi/pdf/10.1021/acs.est.1c06531

    ABSTRACT: Some infectious diseases, including COVID-19, can undergo airborne transmission. This may happen at close proximity, but as time indoors increases, infections can occur in shared room air despite distancing. We propose two indicators of infection risk for this situation, that is, relative risk parameter (Hr) and risk parameter (H). They combine the key factors that control airborne disease transmission indoors: virus-containing aerosol generation rate, breathing flow rate, masking and its quality, ventilation and aerosol-removal rates, number of occupants, and duration of exposure. COVID-19 outbreaks show a clear trend that is consistent with airborne infection and enable recommendations to minimize transmission risk. Transmission in typical prepandemic indoor spaces is highly sensitive to mitigation efforts. Previous outbreaks of measles, influenza, and tuberculosis were also assessed. Measles outbreaks occur at much lower risk parameter values than COVID-19, while tuberculosis outbreaks are observed at higher risk parameter values. Because both diseases are accepted as airborne, the fact that #COVID-19 is less contagious than measles does not rule out airborne transmission. It is important that future outbreak reports include information on masking, ventilation and aerosol-removal rates, number of occupants, and duration of exposure, to investigate airborne transmission.

    #aérosols #masques #ventilation #mesures_de_mitigation

  • Opinion | We Got a Head Start on Omicron, So Let’s Not Blow It - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2021/11/28/opinion/covid-omicron-travel-ban-testing.html

    Par Zeynep Tufekci

    There’s very little we know for sure about Omicron, the Covid variant first detected in South Africa that has caused tremors of panic as winter approaches. That’s actually good news. Fast, honest work by South Africa has allowed the world to get on top of this variant even while clinical and epidemiological data is scarce.

    So let’s get our act together now. Omicron, which early indicators suggest it could be more transmissible even than Delta and more likely to cause breakthrough infections, may arrive in the United States soon if it’s not here already.

    A dynamic response requires tough containment measures to be modified quickly as evidence comes in, as well as rapid data collection to understand the scope of the threat.

    The United States, the European Union and many nations have already announced a travel ban on several African countries. Such restrictions can buy time, even if the variant has started to spread, but only if they are implemented in a smart way along with other measures, not as pandemic theatrics.

    Mr. Biden’s ban has similar problems — it won’t even start until Monday, as if the virus takes the weekend off.

    That’s pandemic theatrics, not public health.

    The reason we can even discuss such early, vigorous, responsible attacks on Omicron is because South African scientists and medical workers realized it was a danger within three weeks of its detection, and their government acted like a good global citizen by notifying the world. They should not be punished for their honest and impressive actions. The United States and other richer countries should provide them with resources to combat their own outbreak — it’s the least we can do.

    Tragically, one reason South Africa put in place the advanced medical surveillance that found the Omicron variant was to track cases of AIDS, which continues to be a crisis there.

    The antiviral cocktail that turned AIDS from a death sentence to a chronic condition was developed by the mid-1990s, but pharmaceutical companies, protected by rich nations, refused to let cheap generic versions be manufactured and sold in many poorer countries — they even sued to stop South Africa from importing any. Millions died before an agreement was finally reached years later after extensive global activism.

    The callous mistreatment of South Africa by big pharmaceutical companies continued into this pandemic. Moderna, for example, has run some of its vaccine trials in South Africa but did not donate any to the country or even to Covax, the global vaccine alliance, until much later.

    Wealthier nations must provide financial support, as well, for nonpharmaceutical interventions, such as improved ventilation and air filtering, higher-quality masks, paid sick leave and quarantine.

    All this requires leadership and a global outlook. Unlike in the terrible days of early last year, we have an early warning, vaccines, effective drugs, greater understanding of the disease and many painful lessons. It’s time to demonstrate that we learned them.

    #Zeynep_Tufekci #Omicron #Pandemie_circus #Mesures_protection #Regard_mondial

  • Le public et ses algorithmes - La Vie des idées
    https://laviedesidees.fr/Angele-Christin-Metrics-at-Work.html

    Comment les journalistes font-ils du buzz ? Une ethnographie de deux sites d’information examine les logiciels mesurant la fréquentation des sites oriente le travail des journalistes. Les rédacteurs français semblent plus sensibles au nombre de clics que leurs homologues américains…

    Parmi ces recherches, celles qui se sont inspirées des pratiques d’observation ethnographique des laboratoires de recherche dans l’étude des sciences et des techniques sont sans doute les plus originales. Elles ne cherchent en effet pas tant à percer la boîte noire algorithmique pour comprendre ses effets qu’à l’observer, de l’intérieur du monde de l’informatique comme l’a récemment proposé Florian Jaton par exemple, ou de l’extérieur, comme le propose Angèle Christin dans ce livre consacré à l’usage des algorithmes de mesure de l’audience des médias. L’objectif est alors de décrire les agencements d’interactions sociales qui rendent ces algorithmes ajustés aux scènes dans lesquelles ils doivent intervenir. Il s’agit donc de comprendre, en somme, ce dont les algorithmes sont faits et la part très humaine dans ces constructions de celles et ceux qui travaillent avec eux, lesquels sont rarement dénués de capacités d’anticipation, de négociation ou de résistance à leur égard.

    L’énigme de départ de Metrics at Work peut être formulée de la manière suivante : alors que les logiciels d’analyse d’audience sur le Web se sont très rapidement imposés dans toutes les rédactions des médias depuis une vingtaine d’années — à l’instar des programmes les plus connus comme Google Analytics et Chartbeat, qu’Angèle Christin décrit comme la « cocaïne » de l’information en ligne — les journalistes et les éditeurs que la sociologue a commencé à observer dans les années 2010 en France et aux États-Unis n’avaient pas du tout le même rapport aux informations produites en temps réel par ces tableaux de bord.

    Mais les deux cas choisis dans le livre s’opposent sur un point : la façon dont les journalistes et les rédacteurs-en-chef de ces deux médias se sont emparés des outils de mesure de l’audience. À New York, Chartbeat est en effet utilisé principalement par les rédacteurs-en-chef auxquels il fournit des appuis pour augmenter la diffusion du site, par exemple en réorientant certaines rubriques vers des thématiques susceptibles d’attirer un plus large public (en l’occurrence ce faut le cas de la rubrique culture réorientée vers la critique de séries télévisées plus susceptible de produire du clic que l’opéra). Plus banalement l’argument de l’audience est utilisé dans ce média pour trancher lorsque des choix qui engagent l’avenir économique du média doivent être faits. L’arrangement avec l’algorithme producteur des mesures d’audience ressemble alors au mécanisme de « confiance dans les chiffres » bien décrit par l’historien Théodore Porter : il confère aux décisions prises l’apparence de neutralité et d’impersonnalité nécessaire pour qu’elles ne soient pas contestées. Les journalistes rencontrés dans ces rédactions par Angèle Christin, a contrario, n’accordent que peu d’importance aux métriques de leur activité. Ils leurs préfèrent le jugement de leurs pairs pour décider si les articles qu’ils écrivent sont bons ou mauvais. Ils font aussi montre de formes assez subtiles de « résistance passive » aux injonctions produites par ces mesures en ignorant par exemple les e-mails qui les informent des résultats de leurs articles.

    À Paris la sociologue a observé une relation exactement inverse. Les rédacteurs-en-chef de La Place rechignent en effet à utiliser Chartbeat et préfèrent se fonder sur une approche plus intuitive et impressionniste de l’audience. A contrario les journalistes l’utilisent massivement. Tout en décrivant le logiciel comme un « enfer », et non sans parfois faire preuve de cynisme sur les sujets qui fabriquent de l’audience comme l’ancien Président Nicolas Sarkozy ou le sexe, toujours en bonne place à la Une du site, ils cherchent dans ce miroir algorithmique, selon Angèle Christin, une mesure « émotionnelle » de leur valeur comme intellectuels publics.

    C’est ce mystère qui est au centre du livre : pourquoi des journalistes ne voient-ils littéralement pas la même chose quand ils regardent les données d’audience à leur disposition ? Un public « marchandisé » sans intérêt pour eux d’un côté de l’Atlantique et un public « civique » auquel il est justifié de se mesurer de l’autre ?

    #Angèle_Christin #Journalisme #Mesures_audience #Sociologie

  • « Face à un variant Delta fortement contagieux et circulant intensément chez les enfants et les adolescents, une action ferme est attendue »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/19/apres-dix-huit-mois-de-pandemie-l-ecole-ne-doit-pas-rester-le-talon-d-achill

    A deux semaines de la rentrée, face à un variant Delta fortement contagieux et circulant intensément chez les enfants et les adolescents, une action ferme est attendue pour protéger leur santé dans les établissements scolaires.

    Le variant Delta se propage actuellement à grande vitesse chez les plus jeunes. Au Royaume-Uni, il s’est principalement diffusé à partir des enfants : plus d’un million d’élèves ont été absents au cours du dernier mois d’école. Aux Etats-Unis, 121 000 cas d’enfants et d’adolescents ont été rapportés la seule semaine dernière.

    En France, dans les Landes, à la veille des vacances, le taux d’incidence en milieu scolaire dépassait déjà, de très loin, celui des adultes, même chez les 3-5 ans. Cet été, les clusters se sont multipliés de façon alarmante dans les centres aérés et les colonies de vacances https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/08/16/covid-19-a-belle-ile-en-mer-62-enfants-d-une-colonie-de-vacances-contamines_. Le 2 août, le taux d’incidence chez les 0-9 ans était déjà très élevé, dépassant le seuil de 200 pour 100 000 dans trois régions, alors que leur taux de positivité est le double de celui de la population générale.

    Fermeture des classes au premier cas

    Le taux d’hospitalisation des 0-19 ans augmente dans les pays où le variant Delta est majoritaire. Aux Etats-Unis, jusqu’à 1,9 % des enfants testés positifs sont hospitalisés dans certains Etats. Dans celui de Géorgie, 7 enfants sur 100 000 sont actuellement à l’hôpital pour Covid-19. En France, au cours de l’année écoulée, 1,2 % des 0-9 ans testés positifs ont été hospitalisés et le nombre d’hospitalisations est aujourd’hui le double de celui de l’année dernière à la même date, celui des 10-19 ans, le quadruple.

    Le Covid-19 peut aussi entraîner des complications à moyen terme. Selon la littérature scientifique et les données gouvernementales britanniques, entre 2 % et 8 % des enfants infectés présentent des symptômes persistants. Des séquelles ou des complications à long terme de la maladie, peut-être encore inconnues, ne peuvent en outre être exclues. Enfin, si les décès demeurent très rares, ils existent et sont autant de drames dont le nombre pourrait augmenter avec une circulation virale plus importante.

    Les alertes se multiplient partout dans le monde. Aux Etats-Unis, au Canada, en Inde, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne… les pédiatres et les sociétés savantes appellent à protéger davantage les moins de 12 ans. A notre tour, aujourd’hui, de tirer la sonnette d’alarme.
    Des mesures efficaces de prévention des contaminations doivent être adoptées dès la rentrée. Le protocole publié le 28 juillet https://www.education.gouv.fr/annee-scolaire-2021-2022-protocole-sanitaire-et-mesures-de-fonctionne définit un cadre de fonctionnement des établissements scolaires avec quatre niveaux de mesures : il faut, sans plus tarder, définir leur niveau territorial d’application, les indicateurs épidémiologiques, ainsi que les seuils déclenchant le passage d’un niveau à l’autre.

    Il nous apparaît aujourd’hui impensable, pour la majorité des départements français, d’envisager une reprise au « niveau 2 » du protocole sanitaire, alors que le taux d’incidence chez les 0-19 ans est cinq fois supérieur à celui de la rentrée 2020. Par ailleurs, à ce jour, il ne peut exister un « niveau 1 », où le masque pourrait être retiré en école élémentaire. Enfin, la fermeture des classes au premier cas identifié à l’école élémentaire reste nécessaire et devrait être étendue à tous les niveaux.

    Purificateurs d’air

    La prévention de la transmission par aérosols reste largement insuffisante dans ce protocole, qui n’a pas évolué en dépit d’un virus plus fortement transmissible. Les fenêtres doivent être bien plus fréquemment ouvertes et la recommandation d’équiper les établissements de détecteurs de CO2 ne peut suffire : cela doit être la règle. Aucune mesure ne vise les cantines, le recours à des purificateurs d’air n’est même pas mentionné.

    Cet été, l’Irlande, le Québec ont équipé toutes les classes de détecteurs de CO2, pendant que New York, Philadelphie et Francfort installaient des purificateurs dans les leurs. La Finlande, l’Autriche, des Länders allemands et des Etats américains financent également l’installation de ces dispositifs.

    D’autres défaillances sont à pointer : le sport en intérieur, activité à haut risque de transmission, reste autorisé jusqu’au « niveau 3 » – qui correspond vraisemblablement à une circulation virale importante – et la distanciation continue d’être promue « lorsqu‘elle est matériellement possible », pendant que des pays comme l’Italie et l’Espagne réduisent les effectifs de leurs classes.

    Autre point d’alarme : l’absence d’une véritable stratégie de dépistage telle que recommandée par les différentes instances sanitaires internationales. D’autres pays sont, là aussi, mieux préparés : par exemple, l’Autriche a conditionné, depuis l’année dernière, l’enseignement en présentiel à la réalisation d’autotests, deux ou trois fois par semaine, obtenant des faibles taux de contamination dans ses établissements.

    A l’heure où le variant Delta éloigne la possibilité de l’immunité collective par la seule vaccination, les scientifiques de nombreux pays appellent à y associer des mesures barrières non pharmaceutiques. L’Italie et les Etats-Unis ont d’ores et déjà annoncé des plans d’urgence de respectivement 2,9 milliards d’euros et 122 milliards de dollars [104 milliards d’euros] pour prévenir la diffusion du Covid-19 dans leurs établissements scolaires.

    En France, après dix-huit mois de pandémie, l’école ne doit pas rester le talon d’Achille de la stratégie sanitaire. Nos enfants ont déjà payé un lourd tribut lors de cette crise, préservons dès maintenant leur scolarité et leur santé de risques évitables.

    Igor Auriant, médecin réanimateur ; Thierry Baubet, psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, université Sorbonne-Paris-Nord, 93 ; Amina Ayouch-Boda, psychologue clinicienne, hôpital Saint-Antoine (AP-HP) ; Francis Berenbaum, chef du service rhumatologie, hôpital Saint-Antoine (AP-HP) ; Nadine Bertoni, psychiatre ; Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie ; Fabienne Blum, docteur en pharmacie ; Matthieu Calafiore, médecin généraliste ; Franck Clarot, médecin légiste, radiologue ; Dominique Costagliola, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), membre de l’Académie des sciences ; William Dab, épidémiologiste, ancien directeur général de la santé (2003-2005) ; Guislaine David, cosecrétaire générale et porte-parole du syndicat des enseignants du premier degré français SNUipp-FSU ; Corinne Depagne, pneumologue ; Jonathan Favre, médecin généraliste ; Germain Forestier, professeur des universités ; Mélanie Heard, responsable du pôle santé du think tank Terra Nova ; Irène Kahn Bensaude, pédiatre, ancienne présidente du CDOM 75 (conseil départemental de la Ville de Paris de l’ordre des médecins) ; Christian Lehmann, médecin généraliste, écrivain ; Jérôme Marty, médecin généraliste, président de l’Union française pour une médecine libre (UFMLS) ; Cyril Mazubert, médecin généraliste ; Andréea-Cristina Mas, Collectif de malades Covid-19 au long cours ; Patrick Mercié, médecine interne et immunologie clinique, CHU de Bordeaux ; François-Xavier Moronval, médecin urgentiste ; Gilles Pialoux, infectiologue, hôpital Tenon (AP-HP) ; Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du syndicat général de l’éducation nationale SGEN-CFDT ; Noémie Pérez, pédiatre ; Michaël Rochoy, médecin généraliste ; Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique ; Barbara Serrano, consultante indépendante et maîtresse de conférences associée à l’université de Versailles-Saint-Quentin ; David Simard, docteur en philosophie, chercheur associé au laboratoire LIS, faculté de santé de l’université Paris-Est-Créteil ; Laurence Webanck, médecin rhumatologue ; Elisa Zeno, PhD, ingénieur de recherche ; Florian Zores, cardiologue ; Mahmoud Zureik, épidémiologie et santé publique, université de Versailles-Saint-Quentin

    #covid-19 #école #prévention #mesures_barrières_non_pharmaceutiques

  • il reste indispensable de maintenir les mesures barrières/distanciation y compris pour les vaccinés by C_A_Gustave on Thread Reader App
    https://threadreaderapp.com/thread/1418543887296122882.html

    Même si cela peut gêner, embêter, agacer... Il me paraît nécessaire de faire un thread pour rappeler qu’il reste indispensable de maintenir les #mesures_barrières/distanciation y compris pour les vaccinés...
    2/25
    On sait que face à un virus respiratoire, un vaccin injectable ne peut pas protéger efficacement contre le portage virale, au moins nasal.
    Réfuté par certains avant campagne vaccinale, ce fait s’est avéré exact pour la COVID qui ne fait pas exception

  • « On veut juste obtenir un billet pour retrouver nos vies » : la diaspora algérienne privée de retour au pays
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/07/23/on-veut-juste-obtenir-un-billet-pour-retrouver-nos-vies-la-diaspora-algerien

    Plus d’un mois après la timide réouverture des frontières de l’Algérie, ils sont encore des milliers bloqués en France à cause du nombre limité de vols et des conditions d’accès au territoire très strictes. Un exil qui génère souffrance et incompréhension.
    « Mes enfants ne rencontreront jamais leurs grands-parents… Trop âgés et malades », lâche Karim, résigné. Deux ans ont passé depuis sa dernière visite dans sa famille, non loin d’Oran. Entre-temps, l’Algérie a fermé ses frontières, le 17 mars 2020, à cause de l’épidémie de Covid-19. Karim est né en France et vit en Lorraine. A 39 ans, il travaille en usine et, malgré la rareté des congés, il a besoin de rejoindre sa famille plusieurs fois par an.
    Le 16 mai, quand le gouvernement algérien a annoncé la reprise des vols commerciaux pour les détenteurs d’un passeport du pays sous certaines conditions à partir du 1er juin, le jeune père a eu un brin d’espoir. Un sentiment de courte durée en apprenant que seuls deux vols hebdomadaires étaient disponibles. Selon Karim, le chiffre est monté depuis à une dizaine, une fréquence encore loin des 250 trajets habituels. Environ 800 000 Algériens vivent en France, selon l’Insee ; et, pour des milliers d’entre eux, les nuits blanches passées à rafraîchir les pages des compagnies aériennes en quête d’un billet s’enchaînent. Pour un certain nombre, leur vie est en Algérie. Derrière leurs ordinateurs, ils attendent l’ouverture de la billetterie, jamais annoncée à l’avance, pour ne pas louper les vols au départ de Paris ou de Marseille, pris d’assaut en moins de quinze minutes. Des billets qui peuvent être réservés seulement quelques jours avant le décollage, car les compagnies aériennes reçoivent les autorisations de vol par le gouvernement algérien généralement une semaine avant le départ.

    Les centres d’appels d’Air Algérie sont saturés et ses agences physiques à Paris et à Marseille fermées depuis le 31 mai pour « raisons de sécurité ». Sur les réseaux sociaux, des milliers d’Algériens bloqués en France s’échangent alors des conseils. Le principal groupe Facebook recense 25 000 personnes. « Ne réservez pas de billets à l’avance, pourtant disponibles sur les sites des compagnies, ils ne correspondent pas à des vols autorisés », répètent les internautes.
    Si trouver un billet n’est pas chose aisée, encore faut-il réussir à réunir la somme demandée. Leur prix a doublé par rapport au tarif habituel. Près de 700 euros pour un aller simple auxquels doivent s’ajouter pour la grande majorité des voyageurs environ 200 euros, le prix de cinq nuits d’hôtel à passer confinés. Seuls les étudiants et les personnes âgées à faibles revenus sont exemptés de ces frais de logement. « Le prix et le confinement ne sont même plus à prendre en compte. On veut juste obtenir un billet pour retrouver nos vies. Mais, aujourd’hui, il faut connaître quelqu’un pour réussir à partir », souffle Sofia Djama, qui dénonce une forme de clientélisme. Depuis janvier 2020, la réalisatrice algérienne est bloquée en France alors qu’elle ne devait y passer que quelques semaines avec son compagnon. Tous les matins, elle pense à Alger, la ville où elle a grandi et où elle réside. « Je n’ai pas pu assister à l’enterrement de ma mère. Le problème est qu’avec si peu de vols les drames continuent… Tous les Algériens qui résident en France veulent rentrer voir leurs parents une dernière fois, car l’épidémie progresse. » Adlène Détentrice de la double nationalité, la cinéaste a laissé derrière elle une boîte de production, son nouveau projet, son chat et une maison qu’elle venait d’acheter. « Désormais, il est impossible de réfléchir à l’avenir. Ils ont réquisitionné nos vies les plus intimes, ils nous ont exilés de force de notre propre pays. Ce qui me choque, c’est que mon passeport algérien ne me sert même pas à rentrer chez moi. Je ne leur pardonnerai jamais », sanglote Sofia Djama.
    Nesrine, 26 ans, vit en banlieue parisienne depuis six ans. L’étudiante en graphisme a dû assister au mariage de sa sœur en visioconférence. « J’ai pleuré, évidemment », se souvient la jeune fille en souriant. Elle relativise sa situation en se comparant avec d’autres étudiants, plus précaires. Malgré des moments difficiles, Nesrine ne veut pas inquiéter ses parents, qui vivent près d’Alger, du côté d’El Biar : « Etonnamment, l’isolement est devenu une habitude. Je les appelle moins souvent mais plus longtemps. J’évite aussi de les joindre si je ne suis pas dans mon assiette, ce qui arrivait souvent l’année dernière. »Des mariages manqués mais aussi des deuils à surmonter… L’année dernière, Adlène, qui réside en France depuis douze ans, a perdu ses deux parents : « Je n’ai pas pu assister à l’enterrement de ma mère. Le problème est qu’avec si peu de vols les drames continuent… Tous les Algériens qui résident en France veulent rentrer voir leurs parents une dernière fois, car l’épidémie progresse. » Depuis le début de la pandémie, le pays a officiellement enregistré seulement 3 938 décès. Adlène regrette la manière dont est gérée la crise par le gouvernement de son pays natal : « En utilisant la fermeture des frontières comme levier sanitaire, les autorités algériennes pointent du doigt la diaspora. Nos compatriotes pensent désormais que ce sont ceux qui viennent de l’extérieur du pays qui amènent la maladie. » Pour la première fois depuis novembre 2020, le pays a dépassé la barre des 500 contaminations quotidiennes. Dans le plus grand pays du Maghreb, 10 % de la population est vaccinée et les hôpitaux commencent à être saturés. « La dernière chose que l’on souhaite est de se retrouver dans un hôpital là-bas… Un ami à Alger me disait : “Tout le monde ici veut se casser et toi, tu veux rentrer !” », se désole Sofia, pourtant loin d’être prête à abandonner.

    #Covid-19#migrant#migration#algerie#diaspora#retour#frontiere#circulation#stigmatisation#mesuresanitaire#famille

  • La #CNPT publie son rapport sur l’accompagnement des #rapatriements_sous_contrainte par la #voie_aérienne

    Dans son rapport publié aujourd’hui, la #Commission_nationale_de_prévention_de_la_torture (CNPT) présente les recommandations relatives aux 37 transferts par la #police et aux 23 rapatriements sous contrainte par la voie aérienne qu’elle a accompagnés entre avril 2020 et mars 2021, une période qui a été marquée par le COVID-19. La Commission estime inadéquates certaines #pratiques_policières qui persistent. Finalement, la Commission dresse le bilan du contrôle des 25 renvois sur des vols de ligne, respectivement des renvois du niveau d’exécution 2 et 3, qu’elle a accompagnés entre novembre 2019 et mars 2021.

    Pratiques policières jugées inadéquates

    De manière générale, les observatrices et observateurs de la CNPT continuent d’être témoins de l’hétérogénéité des pratiques cantonales en vigueur s’agissant de la prise en charge et du transfert à l’#aéroport des personnes à rapatrier, notamment en matière de recours aux #entraves. La Commission estime que des mesures urgentes doivent être prises afin d’harmoniser les pratiques policières dans le cadre des renvois.

    Même si des améliorations ont été constatées, la Commission regrette que le recours aux #entraves_partielles reste fréquent tant au niveau des transferts que de l’organisation au sol. Dans son rapport, la Commission appelle instamment aux autorités de renoncer par principe à toute forme de #contrainte, et de limiter une application aux seuls cas qui présentent un danger imminent pour leur propre sécurité ou celle d’autrui. Par ailleurs, elle rappelle que les #enfants ne devraient en aucun cas faire l’objet de #mesures_de_contrainte. Elle conclut également qu’un diagnostic psychiatrique ne peut en aucun cas à lui seul signifier le recours à des entraves.

    En outre, la Commission juge inadéquates plusieurs pratiques policières qui persistent dans le cadre des renvois, même si elle les observe de manière isolée : notamment l’entrée par surprise dans une cellule, l’utilisation de #menottes_métalliques aux chevilles, le recours au #casque_d'entraînement, l’utilisation d’une #chaise_roulante pour transporter une personne entravée et la #surveillance par plusieurs #agents_d'escorte d’une personne à rapatrier entravée et placée sur une chaise. La Commission rappelle également avec force dans son rapport que les personnes à rapatrier doivent être informées de manière transparente et dans une langue qu’elles comprennent sur le déroulement du renvoi.

    Contrôle des renvois du niveau d’exécution 2 et 3

    Dans son rapport, la Commission relève avec préoccupation que les renvois du niveau d’exécution 3 sont exécutés mais sans être clairement distingués des renvois du niveau d’exécution 2. Il existe néanmoins une différence significative entre les deux niveaux de renvoi en termes de mesures de contrainte autorisées. La Commission s’interroge sur la pertinence de ces niveaux d’exécution 2 et 3 et estime qu’une réflexion approfondie doit être menée en la matière. Par ailleurs, le recours aux mesures de contrainte doit être limité aux seuls cas qui présentent un danger imminent pour leur propre sécurité ou celle d’autrui, et ceci pour la durée la plus courte possible. Enfin, compte tenu des mesures de contrainte autorisées dans le cadre des renvois du niveau d’exécution 3, un contrôle indépendant, en particulier des transferts et de l’organisation au sol, devrait être garanti.

    https://www.nkvf.admin.ch/nkvf/fr/home/publikationen/mm.msg-id-84376.html
    #rapport #Suisse #renvois_forcés #expulsions #renvois #2020 #asile #migrations #réfugiés #avions

    –---
    Pour télécharger le rapport :
    https://www.nkvf.admin.ch/dam/nkvf/de/data/Medienmitteilungen/2021-07-08/bericht-ejpd-kkjpd-f.pdf

    • CNPT | Pratiques policières inadéquates

      La Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) appelle la Suisse à “renoncer par principe à toute forme de contrainte” sauf en cas de “danger imminent” pour soi-même ou pour autrui”. Mandatée pour l’observation des vols spéciaux, la CNPT a présenté ses recommandations relatives aux 37 transferts par la police et aux 23 rapatriements sous contrainte par voie aérienne qu’elle a accompagnés entre avril 2020 et mars 2021, soit en plein COVID. La Commission estime inadéquates certaines pratiques policières qui persistent et appelle à des mesures urgentes pour harmoniser les usages entre les cantons.

      https://seenthis.net/messages/921600

  • Le Secrétariat d’Etat aux migrations va renforcer la #vidéosurveillance dans les centres d’asile

    Après plusieurs #plaintes pénales dénonçant des #mesures_coercitives disproportionnées prises à l’encontre des requérants d’asile, les autorités ont décidé d’installer davantage de #caméras de sécurité dans les centres fédéraux.
    La Confédération va étendre la #surveillance_vidéo dans les centres d’asile fédéraux au cours des prochains mois. Des caméras supplémentaires seront installées à l’extérieur et à l’intérieur des locaux. Cela vise notamment à prévenir la violence.

    Bien que les caméras ne servent pas exclusivement à prévenir la violence, elles pourraient aussi être utilisées pour élucider les #agressions en plus de leur effet préventif, a indiqué lundi Reto Kormann, porte-parole du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) confirmant une information de radio alémanique SRF.

    Uniquement dans les pièces communes

    Le SEM se base sur les modifications de la loi sur les étrangers, entrées en vigueur le 1er avril 2020, selon lesquelles les #enregistrements_vidéo des centres peuvent être conservés pendant quatre mois et utilisés dans le cadre de procédures administratives ou pénales. Ils ne peuvent toutefois être analysés que par les autorités pénales.

    Lors de l’installation des caméras, le SEM tient compte de la #vie_privée, a précisé M. Kormann. La surveillance des douches, des toilettes, des chambres à coucher et des autres pièces similaires est donc « strictement interdite ». Dans les zones communes « dans lesquelles il ne peut être question de vie privée et d’intimité », elle est possible, note le SEM.

    https://www.letemps.ch/suisse/secretariat-detat-aux-migrations-va-renforcer-videosurveillance-centres-dasi
    #surveillance #asile #migrations #réfugiés #Suisse #centres_fédéraux

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    Ajouté au fil de discussion sur #ORS en #Suisse :
    https://seenthis.net/messages/884092

    qui, lui-même, a été ajouté à la métaliste sur ORS :
    https://seenthis.net/messages/802341

  • #Autoroute du #GCO : la grande arnaque des #mesures_compensatoires
    https://reporterre.net/Autoroute-du-GCO-la-grande-arnaque-des-mesures-compensatoires

    Les mesures compensatoires mises en œuvre après l’écocide que constitue l’autoroute de contournement de Strasbourg, construite par #Vinci, sont souvent non viables pour la faune ou la flore déplacée, dénoncent des opposants. Et 80 % de la surface aménagée était déjà un #milieu_naturel.

    #Strasbourg #Gagée_velue #CSRPN #DREAL #OFB