• " les effectifs de l’établissement public ont fondu de près d’un quart depuis 2012 (le plan « Action publique 2022 » du premier quinquennat Macron prévoyait la suppression de près de cinq cents postes sur un total d’environ trois mille) et que la principale subvention – de service public – que lui verse l’Etat a diminué de près de 20 % sur la même période. Aussi, en une décennie, Météo-France aura fermé les deux tiers de ses implantations territoriales. "

    Météo-France dans la tempête après les orages en Corse
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/08/19/meteo-france-dans-l-il-du-cyclone-apres-les-orages-en-corse_6138492_3244.htm

    Gérald Darmanin a annoncé, vendredi à Calvi, l’ouverture prochaine d’une enquête pour faire le point sur ce qui n’a pas fonctionné.

    Après les violents orages qui ont frappé la Corse, causant au moins cinq morts, c’est #Météo-France qui se retrouve au cœur de la tempête. Sur les réseaux sociaux, sur les plateaux de télévision, l’organisme est la cible des critiques et des railleries, accusé de s’être rendu coupable d’un « gros raté », en donnant l’alerte trop tardivement. Depuis Calvi (Haute-Corse), le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé, vendredi 19 août, l’ouverture prochaine d’une enquête, avec les services de sécurité civile, pour faire le point sur ce qui n’a pas fonctionné.

    « L’alerte météo n’a pas permis de qualifier comme il le fallait ces vents absolument exceptionnels qui se sont formés en quelques minutes, a commenté sévèrement M. Darmanin, semblant rejeter la responsabilité sur le seul organisme météorologique. Ce que nous constatons au ministère de l’intérieur, c’est que l’alerte météo est arrivée quelques minutes avant le plus gros des intempéries. Donc à 8 heures du matin, une évacuation des campings n’était pas physiquement possible. »

    Jeudi 18 août, dans son bulletin de 6 heures, Météo-France ne plaçait la Corse qu’en simple vigilance jaune (« soyez attentif »), comme une bonne partie du territoire. Les prévisionnistes anticipaient alors seulement « de puissants orages (…), en mer à proximité de la Corse, avec de fortes rafales de vent », qui pourraient « très temporairement affecter les côtes ouest et nord ». L’alerte orange (« soyez très vigilant ») a seulement été activée à 8 h 30, après l’arrivée de l’orage sur les terres avec des phénomènes de tornades. Or c’est entre 8 h 15 et 9 h 15 que l’orage a été le plus violent, avec des rafales mesurées jusqu’à 224 kilomètres par heure, soit des niveaux jamais observés jusqu’ici.

    Météo-France reconnaît avoir été « surpris » par une situation « exceptionnelle » et « difficilement prévisible » par ses modèles numériques. Certaines simulations produites par « Arome », le modèle maison de Météo-France qui tourne sur son supercalculateur de Toulouse, « laissaient suggérer un orage proche de celui qui a été observé », tandis que d’autres #simulations « qui paraissaient plus vraisemblables, le situaient plus en mer », a précisé le prévisionniste François Gourand, lors d’un point presse. « S’il fallait alerter dès qu’un scénario extrême apparaît dans la prévision numérique, on ferait bien trop de vigilance et le système deviendrait inutile », juge son collègue Christophe Morel. Il y a un équilibre à trouver, alerter suffisamment et ne pas suralerter. » Dans le cas de la Corse, il estime qu’il n’y avait « pas assez d’éléments » pour passer à l’alerte orange.

    « Même si des progrès ont été faits, les orages restent les épisodes les plus difficiles à prévoir et à localiser avec précision », ajoute Philippe Arbogast, responsable de permanence pour la prévision à Météo-France. Les processus physiques à l’origine des orages sont complexes, ils font intervenir de nombreux paramètres atmosphériques : la température de l’air en surface et en altitude, la variation du vent selon l’altitude et l’humidité de l’air près du sol ; leur formation dépend aussi des conditions locales très variables de température et d’humidité des sols ; enfin, un orage évolue sur une courte durée (de quelques dizaines de minutes à quelques heures) et concerne une zone géographique limitée (quelques dizaines de kilomètres). Il peut se déplacer très rapidement ou stationner au même endroit, changer d’orientation à tout moment. Or, en mer, par où sont arrivés les orages en Corse, Météo-France manque d’instruments pour les tracer. Philippe Arbogast prend l’image d’une casserole d’eau sur le feu : « On sait qu’il y aura des bulles mais on ne sait pas où ! » C’est sans doute pourquoi Météo-France n’avait pas non plus anticipé le déluge qui s’est abattu sur Paris mardi 16 août, alors que toute l’attention était portée sur l’arc méditerranéen.

    Rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat, Vincent Capo-Canellas (Union centriste, Seine-Saint-Denis) s’offusque de la demande d’ouverture d’une enquête après le déclenchement tardif de la vigilance orange. « On est en train de tomber un peu vite sur le soldat Météo-France », estime le sénateur, auteur, en septembre 2021, d’un rapport au titre évocateur : « Temps instable sur Météo-France : quand le refroidissement budgétaire se confronte au changement climatique ».

    Les effectifs de Météo-France réduits depuis 2012

    M. Capo-Canellas rappelle que l’organisme météorologique n’est qu’un opérateur : « Météo-France ne peut pas décider tout seul de déclencher une alerte, il fait remonter des informations techniques et c’est au ministère de l’intérieur et aux préfets d’imposer des mesures concrètes pour protéger la population. » En vigilance orange, le cran inférieur au rouge de la « vigilance absolue », les habitants sont invités à s’abriter dans des bâtiments en dur et les services de la sécurité civile ainsi que les autorités sanitaires sont mis en alerte.

    Contacté par Le Monde, Météo-France explique avoir « alerté les préfectures de Haute-Corse et de Corse-du-Sud dès mercredi [17 août] d’une situation potentiellement à risque ». Un message spécial zone de défense (SPEZF) a été émis à 11 h 33. Ces bulletins d’anticipation sont censés permettre aux services de sécurité civile de s’organiser en amont d’un épisode météorologique intense. Celui envoyé à 11 h 33 indiquait : « dans la nuit de mercredi à jeudi, des orages formés en mer peuvent toucher les zones côtières puis rentrer sur l’arrière-pays en perdant de l’activité ». A ce moment-là, l’organisme prévoit seulement des rafales de 80 à 100 km/h.

    « Avaient-ils les moyens de faire de meilleures prévisions ?, interroge Vincent Capo-Canellas. La réponse est non. » Dans son rapport, le sénateur relève que les effectifs de l’établissement public ont fondu de près d’un quart depuis 2012 (le plan « Action publique 2022 » du premier quinquennat Macron prévoyait la suppression de près de cinq cents postes sur un total d’environ trois mille) et que la principale subvention – de service public – que lui verse l’Etat a diminué de près de 20 % sur la même période. Aussi, en une décennie, Météo-France aura fermé les deux tiers de ses implantations territoriales. « C’est complètement contradictoire avec les exigences formulées auprès de Météo-France de prévoir au plus près des événements climatiques extrêmes qui vont se multiplier et s’intensifier avec le dérèglement climatique », souligne le sénateur.

    #downsizing #météo #Hollande #orages #climat

  • Prévoir la météo et les évènements climatiques : un métier rendu difficile par l’austérité
    http://www.bastamag.net/Prevoir-la-meteo-et-les-evenements-climatiques-un-metier-rendu-de-plus-en-

    Chargés de prévoir et d’étudier les phénomènes météorologiques, les salariés de Météo-France passent leur temps à interpréter les données fournies par des capteurs. Une automatisation récente qui s’est faite au détriment de l’« expertise humaine ». Réduction d’effectifs, fermeture de nombreux centres météo de proximité et automatisation des tâches rendent difficile l’accomplissement de leur mission de service public. Sans compter la pression de la concurrence, qui oblige à donner des réponses instantanées, au risque (...)

    #Décrypter

    / #Climat, #Services_publics, #Conditions_de_travail, A la une

    • « [...] Un pilote d’hélicoptère du Samu qui transporte un blessé appelle un des collègues pour obtenir un conseil météo d’urgence. Celui-ci le lui donne et s’attire des... reproches de sa hiérarchie. Le Samu aurait dû contractualiser avec #Météo-France pour bénéficier d’une assistance personnalisée. Pour un agent de service public, mais aussi pour les citoyens que nous sommes, c’est difficile à admettre. » « On remporte parfois des appels d’offres de grosses firmes agroalimentaires, à l’autre bout du monde, poursuit Robert. On se retrouve à informer un milieu agricole prônant productivité et chimie, coupable des dérèglements climatiques que l’on observe. Alors que l’agriculteur bio, lui, ne peut pas se payer des prévisions précises. Ramenée à son échelle, la prestation payante est trop coûteuse. »

      [...]

      « Certains appels d’offres exigent qu’on paie des pénalités en cas de mauvaises prévisions », rapporte Eric. Par ailleurs, une situation météo exceptionnelle est fréquemment suivie d’une enquête de police ou d’une investigation interne pour savoir si les prévisionnistes ont bien fait leur travail. Les professionnels doivent répondre à des exigences plus fortes, dans un contexte de diminution d’effectifs. « Les premières neiges vont arriver et, paradoxalement, on craint de gagner de nouveaux clients, avoue Florent. Il y a une grosse pression autour de la neige, et, dans mon centre, on n’est plus assez d’agents pour bien fonctionner. »