• Les Français, ces migrants dont on parle peu

    Qui sont les Françaises et les Français qui partent s’installer, pour des durées variables, dans un pays du #Maghreb ?

    Alors que le langage courant les qualifie tour à tour de « #retraités », d’« #expatriés », d’« #entrepreneurs » ou de « #binationaux », les spécialistes des migrations internationales s’y intéressent peu. Cela est particulièrement vrai en France où le champ d’études s’est constitué autour du « problème de l’immigration », en se concentrant longtemps sur la figure emblématique du « travailleur immigré » comme le rappelle le sociologue Abdelmalek Sayad.

    Or les recherches que nous menons depuis plusieurs années au sein du programme Mobilités Nord-Sud montrent que la majorité des expériences individuelles de migration se situent à la croisée de logiques économiques, identitaires, hédonistes ou sentimentales.

    Des migrations peu connues

    Sous couvert d’une « mobilité » banalisée parce que privilégiée, l’estimation fiable de ces déplacements est difficile. Les sources statistiques locales ne sont pas systématiquement mises à jour et les chiffres fournis par les services consulaires français restent lacunaires. Les plus récents font état de 119 147 Français inscrits en Afrique du Nord dont 23 324 en Tunisie, 41 780 en Algérie et 54 043 Maroc. Plus des deux tiers seraient des bi-nationaux selon le dernier Rapport du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

    En raison du caractère facultatif de l’inscription auprès de représentations nationales à l’étranger, ces données ne sont qu’indicatives. Au Maroc, par exemple, le nombre de ressortissants français non-inscrits oscillerait entre 25 000 et 40 000 selon les sources ou comme le rapporte la sociologue Chloé Pellegrini.

    Concernant les parcours de ces individus, une enquête effectuée en 2013 par la Direction des Français à l’étranger a montré que 6 % des 1 610 000 individus inscrits au registre mondial des Français établis hors de France résident dans l’un des trois pays du Maghreb. Si pour les autres destinations, la durée moyenne de résidence est comprise entre 1 à 5 ans, 42 % des Français présents au Maghreb y vivent depuis au moins 10 ans.

    Par ailleurs, si 48,7 % indiquent séjourner en Afrique du Nord pour des raisons familiales ou personnelles, seulement 28,7 % le font pour des raisons professionnelles. Or, nos enquêtes mettent plutôt en garde contre la séparation du personnel et du professionnel, attirant l’attention sur les points de convergence entre l’un et l’autre.
    Expatriation, tourisme, retour : des catégories réductrices

    Derrière l’opacité statistique se donne à voir l’hétérogénéité et le dynamisme de ces mobilités. Les catégories traditionnellement utilisées – expatriation, tourisme, retour – montrent ici leurs limites. Non seulement ces termes demeurent le plus souvent approximatifs, mais aussi, dans certains cas, stigmatisants.

    Ainsi en est-il, par exemple, du mot « expatrié », dit familièrement « expat ». Sur le plan juridique, il s’agit de professionnels missionnés par leur État de tutelle, ou par une entreprise, qui leur assure un système de protection spécifique et des ressources matérielles conséquentes dans l’exercice d’une fonction à l’étranger (voir la définition du Larousse, les sites service-public et diplomatie.gouv.fr).

    Dans le langage courant, l’expression « expatrié » ne désigne toutefois pas uniquement ces professionnels, mais s’étend à tout ressortissant français vivant au Maghreb, et, plus largement, à toute personne issue d’un pays du « Nord » qui réside au « Sud ».

    Un imaginaire chargé de connotations négatives

    Il faut ajouter que l’imaginaire qui accompagne ce terme est à tel point chargé de connotations négatives, convoquant d’emblée le privilège, l’entre-soi, le désintérêt, voire le mépris pour la société locale, que bon nombre d’individus tiennent à s’en distancier.

    Sophie, 38 ans, installée professionnellement en Tunisie depuis trois ans et dont le mari et les deux enfants sont restés vivre en France, fait par exemple valoir l’authenticité de son rapport à la société locale :

    « Pour moi, l’idée ce n’est pas de vivre dans une tour d’ivoire, ce n’est pas ma façon d’être. Et si j’ai fait le choix d’être proche de la vraie vie, d’aller au marché trois fois par semaine, ce n’est pas juste pour le fun, c’est pour vivre sur le terrain, vivre avec la population, comprendre aussi la situation du pays. C’est même le choix aussi d’habiter à l’Ariana plutôt que dans les quartiers aisés au nord de Tunis. J’ai eu l’occasion de rencontrer des gens qui sont là depuis 10, 15 ans, qui sont dans des administrations françaises, qui ont une vision… Moi je préfère être dans des quartiers plus populaires, loin des plages ».

    On retrouve les mêmes limites terminologiques à propos de ces Françaises et de ces Français qui passent la période hivernale dans les stations balnéaires ou les villes du Maroc et de Tunisie.

    Le terme de « touriste » est difficilement applicable à celles et ceux qui, dans le cadre de logiques résidentielles plus autonomes, passent des saisons entières dans ces mêmes stations, voire s’y installent durablement pour ne plus faire que de brefs séjours dans leurs pays d’origine.

    « La médina, c’est pour les touristes »

    C’est aussi le cas des « camping-caristes », expression qui connaît d’année en année un succès grandissant au Maroc, ou plus largement des nombreux retraités qui choisissent, plus ou moins durablement, de s’implanter dans la rive sud de la Méditerranée.

    La question de la durée et de la fréquence du déplacement, conjuguée à celle des formes d’installation, appelle ainsi à réinterroger la catégorie du tourisme et à penser ses continuums avec la migration. Au Maroc, par exemple, de nombreux Français s’installent dans le prolongement d’un séjour touristique, qui fut parfois très bref. Si les Marocains les appellent parfois « les touristes qui vivent ici », ces Français ne se reconnaissent pas comme tels et revendiquent bien être des « installés ».

    Anne, gérante de café à Essaouira explique :

    « J’ai visité un local hier qui m’a bien plu, où je pourrais faire de la cuisine, dans un autre quartier, à Azlef, où il y a beaucoup de résidents. Je ne veux plus être dans la médina, c’est pour les touristes ! Et, nous, les résidents, nous venons peu ici, même presque jamais. Je vise une clientèle de résidents, maintenant ».

    Les « binationaux » en question

    La mobilité des descendantes et descendants d’immigrés maghrébins en France – couramment appelé·e·s « binationaux » –, installé·e·s à divers titres dans le pays des origines de la famille, renvoie à une autre aporie des flux vers le Maghreb.

    Régulièrement et maladroitement qualifié de « retour », ce type de mobilité est ramené d’office à l’expérience migratoire des parents, que les enfants parachèveraient en décidant de franchir le pas inverse.

    Or, les acteurs démentent cette lecture circulaire et mettent plutôt en avant des logiques qui leur sont propres. Neila, journaliste sur la trentaine, habite à Alger depuis un an et demi au moment de notre rencontre. Fille d’un couple mixte franco-algérien, elle explique :

    « J’ai fait ce choix-là mais j’avais jamais mis les pieds en Algérie avant de débarquer en avril 2012 donc c’est pas un retour ! Beaucoup me disent “tu es retournée en Algérie” mais vu que je ne connaissais pas le pays, ce n’est pas du tout un retour, c’était une vraie découverte. Bon, j’y suis partie pour plusieurs raisons. D’abord parce que j’avais ce projet en tête depuis longtemps, je voulais connaître l’Algérie. Et je me suis dit que je ne voulais pas connaître l’Algérie juste de passage parce qu’on raconte tellement de choses, tellement d’images, tellement de vécu… Et donc je me suis dit, la meilleure façon de connaître ce pays, c’est d’exercer mon métier de journaliste. Parce que ça m’ouvrirait, voilà, je connaîtrais la société, plusieurs milieux… donc j’ai cherché du travail. Parce qu’aussi j’arrivais à la fin d’un contrat et j’avais aucune opportunité sérieuse en France. »

    Pour cette catégorie d’individus, il est clairement question d’une imbrication de facteurs où l’opportunisme professionnel rencontre éventuellement le souhait de mieux connaître ses origines et, plus rarement, de dépasser les situations de racisme et de discriminations vécues dans l’hexagone.
    Ajustements et nouveaux caps

    La situation de départ initiale fait parfois l’objet d’ajustements qui dessinent un nouveau cap. Sébastien, 37 ans, avait été envoyé à Alger en tant que salarié d’un groupe français détaché en Italie. Les possibilités du marché conjuguées à une qualité de vie somme toute agréable l’ont poussé à revoir son installation et à créer sa propre société.

    D’autres se heurtent à des phénomènes de précarisation, dont les formes, très variables, imposent parfois un retour en France ou un départ vers un autre ailleurs. C’est le cas d’Alice, 19 ans, qui vit au Maroc depuis un an au moment de l’entretien. Elle travaille dans une boutique tenue par une Française pour un salaire marocain (2 500 dh soit 250 euros par mois) et ne sait pas si elle pourra rester, n’ayant pas les moyens de créer sa propre entreprise.

    Le renouvellement des opportunités professionnelles, une rencontre amoureuse, l’appartenance à un réseau d’interconnaissances, l’amélioration de la qualité de vie, ou encore le sentiment de pouvoir accéder à une mobilité sociale ascendante constituent autant de facteurs susceptibles de reconfigurer (positivement) les parcours migratoires.

    S’intéresser à ces expériences permet d’interroger les trajectoires maghrébines des Françaises et des Français au-delà des stéréotypes et des idées reçues qui les devancent et au sein desquels l’assignation à la dimension du privilège s’impose le plus souvent.

    https://theconversation.com/les-francais-ces-migrants-dont-on-parle-peu-116384
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    ping @reka @sinehebdo

  • Which countries have the most immigrants?

    The proportion of immigrants varies considerably from one country to another. In some, it exceeds half the population, while in others it is below 0.1%. Which countries have the most immigrants? Where do they come from? How are they distributed across the world? We provide here an overview of the number and share of immigrants in different countries around the world.

    According to the United Nations, the United States has the highest number of immigrants (foreign-born individuals), with 48 million in 2015, five times more than in Saudi Arabia (11 million) and six times more than in Canada (7.6 million) (figure below). However, in proportion to their population size, these two countries have significantly more immigrants: 34% and 21%, respectively, versus 15% in the United States.

    Looking at the ratio of immigrants to the total population (figure below), countries with a high proportion of immigrants can be divided into five groups:

    The first group comprises countries that are sparsely populated but have abundant oil resources, where immigrants sometimes outnumber the native-born population. In 2015, the world’s highest proportions of immigrants were found in this group: United Arab Emirates (87%), Kuwait (73%), Qatar (68%), Saudi Arabia, Bahrain, and Oman, where the proportion ranges from 34% to 51%.

    The second group consists of very small territories, microstates, often with special tax rules: Macao (57%), Monaco (55%), and Singapore (46%).

    The third group is made up of nations formerly designated as “new countries”, which cover vast territories but are still sparsely populated: Australia (28%) and Canada (21%).

    The fourth group, which is similar to the third in terms of mode of development, is that of Western industrial democracies, in which the proportion of immigrants generally ranges from 9% to 17%: Austria (17%), Sweden (16%), United States (15%), United Kingdom (13%), Spain (13%), Germany (12%), France (12%), the Netherlands (12%), Belgium (11%), and Italy (10%).

    The fifth group includes the so-called “countries of first asylum”, which receive massive flows of refugees due to conflicts in a neighbouring country. For example, at the end of 2015, more than one million Syrian and Iraqi refugees were living in Lebanon, representing the equivalent of 20% of its population, and around 400,000 refugees from Sudan were living in Chad (3% of its population).

    Small countries have higher proportions of immigrants

    With 29% immigrants, Switzerland is ahead of the United States, while the proportion in Luxembourg is even higher (46%). Both the attractiveness and size of the country play a role. The smaller the country, the higher its probable proportion of foreign-born residents. Conversely, the larger the country, the smaller this proportion is likely to be. In 2015, India had 0.4% of immigrants and China 0.07%.

    However, if each Chinese province were an independent country – a dozen provinces have more than 50 million inhabitants, and three of them (Guangdong, Shandong, and Henan) have about 100 million – the proportion of immigrants would be much higher, given that migration from province to province, which has increased in scale over recent years, would be counted as international and not internal migration. Conversely, if the European Union formed a single country, the share of immigrants would decrease considerably, since citizens of one EU country living in another would no longer be counted. The relative scale of the two types of migration – internal and international – is thus strongly linked to the way the territory is divided into separate nations.

    The number of emigrants is difficult to measure

    All immigrants (in-migrants) are also emigrants (out-migrants) from their home countries. Yet the information available for counting emigrants at the level of a particular country is often of poorer quality than for the immigrants, even though, at the global level, they represent the same set of people. Countries are probably less concerned about counting their emigrants than their immigrants, given that the former, unlike the latter, are no longer residents and do not use government-funded public services or infrastructure.

    However, emigrants often contribute substantially to the economy of their home countries by sending back money and in some cases, they still have the right to vote, which is a good reason for sending countries to track their emigrant population more effectively. The statistical sources are another reason for the poor quality of data on emigrants. Migrant arrivals are better recorded than departures, and the number of emigrants is often estimated based on immigrant statistics in the different host countries.

    The number of emigrants varies considerably from one country to another. India headed the list in 2015, with nearly 16 million people born in the country but living in another (see the figure below); Mexico comes in second with more than 12 million emigrants living mainly in the United States.

    Proportionally, Bosnia and Herzegovina holds a record: there is one Bosnian living abroad for two living in the country, which means that one-third of the people born in Bosnia and Herzegovina have emigrated (figure below). Albania is in a similar situation, as well as Cape Verde, an insular country with few natural resources.

    Some countries are both immigration and emigration countries. This is the case of the United Kingdom, which had 8.4 million immigrants and 4.7 million emigrants in 2015. The United States has a considerable number of expatriates (2.9 million in 2015), but this is 17 times less in comparison to the number of immigrants (48 million at the same date).

    Until recently, some countries have been relatively closed to migration, both inward and outward. This is the case for Japan, which has few immigrants (only 1.7% of its population in 2015) and few emigrants (0.6%).
    Immigrants: less than 4% of the world population

    According to the United Nations, there were 258 million immigrants in 2017, representing only a small minority of the world population (3.4%); the vast majority of people live in their country of birth. The proportion of immigrants has only slightly increased over recent decades (30 years ago, in 1990, it was 2.9%, and 55 years ago, in 1965, it was 2.3%). It has probably changed only slightly in 100 years.

    But the distribution of immigrants is different than it was a century ago. One change is, in the words of Alfred Sauvy, the “reversal of migratory flows” between North and South, with a considerable share of international migrants now coming from Southern countries.


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    Today, migrants can be divided into three groups of practically equal size (figure above): migrants born in the South who live in the North (89 million in 2017, according to the United Nations); South-South migrants (97 million), who have migrated from one Southern country to another; and North-North migrants (57 million). The fourth group – those born in the North and who have migrated to the South – was dominant a century ago but is numerically much smaller today (14 million). Despite their large scale, especially in Europe, migrant flows generated since 2015 by conflicts in the Middle East have not significantly changed the global picture of international migration.

    https://theconversation.com/which-countries-have-the-most-immigrants-113074
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    signalé par @isskein