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    « En moyenne, nous avons 130 jeunes qui arrivent par semaine » : à l’AMNA, la structure qui évalue l’âge des mineurs isolés à Paris
    Par Charlotte Boitiaux Publié le : 02/04/2025
    Depuis le mois de juin 2022, France terre d’asile est en charge de l’évaluation de la minorité des jeunes migrants étrangers à Paris. Leur dispositif baptisé Accueil des mineurs non accompagnés, ou AMNA, a évalué près de 12 000 jeunes en 2024, majoritairement des Guinéens, des Ivoiriens et des Maliens. Et 30% d’entre eux ont été reconnus mineurs à l’issue de la procédure et pris en charge par les autorités.Ils sont une quinzaine de jeunes à patienter dans les locaux de l’AMNA* (Accueil des mineurs non accompagnés), dans le 13e arrondissement parisien, ce lundi 31 mars 2025. Il est 10h. Silencieux, ils attendent d’être appelés par le personnel de France terre d’asile (FTDA). Ils sont Ivoiriens, Guinéens, parfois Gambiens ou même Bangladais. Depuis deux ans, l’association a la délicate mission d’évaluer leur âge.
    Si ces jeunes étrangers, en situation irrégulière, sont reconnus mineurs, ils pourront être pris en charge par les autorités au titre de la protection de l’enfance. Dans le cas contraire, ils seront considérés comme majeurs, et bien souvent, c’est le retour à la rue qui les attend. Mais comment se déroule l’entretien à l’AMNA ? À quoi les jeunes doivent-ils s’attendre ? Ont-ils droit à un hébergement pendant la procédure ?Entretien avec Béatrix Allan, directrice du service d’évaluation au sein de l’AMNA.
    1/ L’AMNA est donc la seule structure à évaluer l’âge des jeunes étrangers qui arrivent à Paris et veulent faire reconnaître leur minorité ?
    Béatrix Allan : Oui. Il faut savoir que les jeunes ne nous connaissent pas trop sous l’appellation ’AMNA’. À Paris, on dit plutôt : ’Tolbiac’ ou ’Les rendez-vous de Tolbiac’.Ici, pas besoin de prendre rendez-vous, on vient spontanément, on est ensuite orientés par le personnel de France terre d’asile.En moyenne, on accueille 130 jeunes par semaine. En ce moment, la fréquence est légèrement plus basse. Mais le plus souvent, la moitié des jeunes qu’on reçoit sur l’ensemble de la semaine se présentent à nous le lundi. On parle d’une quarantaine de personnes. Plus la semaine avance, moins ils sont nombreux. Souvent, le samedi on accueille moins d’une dizaine de jeunes. Quand ils arrivent, les jeunes passent par ce qu’on appelle un pré-accueil où l’on enregistre leur identité, on évalue leur état de santé. Nous travaillons avec cinq infirmiers et deux psychologues au sein de l’AMNA. L’évaluation de leur âge ne se fait pas tout de suite. On les laisse ’atterrir’ avant. Concrètement, il y a un délai moyen de cinq jours environ entre le moment où ils arrivent et le moment où ils sont reçus. On ne les ’interroge’ pas tout de suite. Après le passage en pré-accueil, les jeunes vont être mis à l’abri et se reposer, ils peuvent se faire soigner en fonction des pathologies détectées. On peut les diriger vers une PASS ou vers une de nos psychologues. Ce n’est que trois ou quatre jours plus tard qu’ils reviendront dans nos locaux pour leur entretien d’évaluation de la minorité et de l’isolement.
    2/ Tous les jeunes sont-ils automatiquement hébergés durant leur évaluation ?
    Oui, leur mise à l’abri est automatique. Nous avons deux foyers pour les garçons dans les 11e et 12e arrondissements parisiens. Nous faisons en sorte qu’il y ait toujours des places disponibles. Nous avons également un centre pour les filles dans le 20e arrondissement. En tout, nous avons quelque 100 places d’hébergement, mais le nombre de lits peut augmenter si davantage de jeunes se présentent. Dans ces foyers exclusivement dédiés à la prise en charge des jeunes, ils sont encadrés par des animateurs, des éducateurs, ils peuvent avoir accès à des activités sportives, le plus souvent, ils se tournent vers le foot... C’est un temps de répit bienvenu pour ces personnes qui ont souvent des parcours migratoires compliqués.Je répète et j’insiste, tous les jeunes qui passent par nos locaux auront un endroit où dormir le soir pendant toute la durée de leur évaluation.
    3/ Comment détermine-t-on l’âge d’un adolescent, j’imagine que l’évaluation est subjective et donc délicate ?
    Ce n’est pas simple en effet. Il faut savoir que tous nos évaluateurs suivent une formation obligatoire de trois ou cinq jours pour acquérir des connaissances juridiques, comprendre l’enjeu de cette évaluation, préparer leur entretien, les former à recueillir les paroles d’un enfant ou d’un adolescent, les aider à analyser les éléments entendus pendant l’entretien. On les sensibilise aussi à la psychologie de l’enfance. L’idée, ce n’est pas d’avoir le même rapport final pour chaque jeune Ivoirien ou Guinéen qu’on reçoit, nous sommes là pour individualiser chaque entretien. En 2024, les principaux pays d’origine des jeunes reçus dans les locaux de l’AMNA étaient : la Guinée (32%), la Mali (26%), la Côte d’Ivoire (15%), la Gambie (4%) et le Bangladesh (3%).
    4/ En se présentant à l’AMNA, les jeunes ne sont pas obligés de se soumettre aux relevés de leurs empreintes et de passer par le fichier AEM ?
    Pour faire reconnaître leur minorité, les jeunes migrants arrivant en France doivent passer par une nouvelle procédure de plus en plus utilisée : le fichier AEM (Appui à l’évaluation de la minorité). Ce système implique de passer par la case préfecture dès l’arrivée dans le département. Les craintes des associations ? Que le préfet ne place un jeune en centre de rétention avant tout recours.
    Non, les jeunes ne sont absolument pas obligés de passer par le fichier AEM.En revanche, nous sommes obligés de les en informer. Nous leur disons que le fichier existe et nous leur faisons signer un document qui recueille leur consentement ou non. La plupart des jeunes refuse de donner leurs empreintes.
    5/ Présenter des papiers d’identité ou un extrait d’acte de naissance ne suffit pas à obtenir une réponse positive de l’AMNA ?
    Les pièces d’identité et les actes de naissance sont des éléments qui nous aident évidemment, ce sont des ’indices’ particulièrement importants, mais ils sont pris en compte parmi d’autres. Idem avec l’apparence physique. Nous ne nous arrêtons pas à ça en disant : ’Ah il fait plus vieux que 15 ans’. C’est humain de jauger le physique d’une personne, mais nous apprenons aux évaluateurs que les physionomies changent, notamment en fonction du parcours de vie des jeunes.Encore une fois, nous croisons tous les éléments d’un récit. Nous cherchons à savoir quelle est la composition familiale, la scolarité de la personne évaluée. Nous faisons aussi un important travail de recherche sur les pays d’origine. La scolarité n’est pas la même dans tel ou tel pays. On apprend à nos évaluateurs à utiliser les repères des jeunes et à ne pas se baser sur nos références à nous. Nous travaillons aussi avec des traducteurs, par téléphone ou physiquement. Souvent, nous faisons appel à des professionnels qui parlent le soninké, le malinké, le bambara, l’arabe et maintenant le bengali aussi. Le recours à un traducteur est fortement encouragé pour bien comprendre le récit de la personne évaluée. L’idée est de mettre le jeune en confiance pour qu’il puisse livrer son récit dans les meilleures conditions possibles - et pouvoir ensuite rassembler un faisceau d’indices. Ce qui nous permettra d’évaluer la cohérence de ce faisceau avec l’âge allégué par le jeune. Encore une fois, nous avons pour mission d’individualiser chaque entretien, d’avoir un rapport d’évaluation final propre à chaque jeune.
    5/ Ce n’est pas vous qui prenez la décision finale mais la Ville de Paris...
    Oui, à la fin de chaque évaluation, un rapport est écrit. L’évaluateur va débriefer avec un coordinateur. Ce rapport est relu par une tierce personne. Un deuxième entretien est même possible en cas de doute sur certains éléments d’un récit, ce que nous appelons un « entretien complémentaire ».Ensuite, à la fin de l’évaluation, nous émettons une conclusion qui plaide ou ne plaide pas en faveur de la minorité d’un jeune. C’est ensuite la Ville de Paris qui étudie les dossiers que nous leur transmettons et prend la décision finale. En terme de chiffres, l’AMNA a reçu 12 288 jeunes en 2023 et 11 736 en 2024. Selon la Mairie de Paris, en 2024, 30% de ces jeunes ont reçu une réponse favorable, soit environ 3 500 personnes. Un chiffre stable par rapport à 2023 où 31% avaient reçu une réponse positive, soit environ 3 800 jeunes. « La stabilité de ce taux tient à la grande qualité du partenariat avec FTDA et de la conclusion des rapports qui plaide en faveur de la minorité en cas de doute », ajoute le service de la Prévention et Protection de l’enfance à la Mairie de Paris.
    6/Que se passe-t-il une fois que le jeune reçoit la réponse ?
    L’AMNA remet la décision de la Ville de Paris aux jeunes. En cas de réponse positive, le jeune est donc reconnu mineur. Il va patienter dans son foyer parisien le temps de lui trouver une place sur le territoire national.Une fois reconnu mineur, un jeune peut rester dans le département où il a été évalué ou être orienté vers un autre département. Dans tous les cas, son orientation a pour but de mieux distribuer la prise en charge des mineurs non accompagnés sur l’ensemble des départements français.
    Si la personne n’est pas reconnu mineure, nous lui expliquons les alternatives qui s’offrent à elle : nous lui expliquons qu’elle peut demander un recours auprès d’un juge pour enfant, et nous la dirigeons vers les dispositifs de protection de droit commun. À FTDA, nous plaidons pour que ces jeunes, vulnérables, soient mis à l’abri tout au long de leurs procédures administratives.À Paris, la situation des jeunes dits « en recours » qui ont fait appel de la décision négative de la Ville de Paris, est très précaire. Considérés comme majeurs, en situation irrégulière, ils errent dans les rues de la capitale sans hébergement, dépendants exclusivement des associations pour survivre, en attendant leur audience devant un juge pour enfant.
    Les associations estiment qu’ils se comptent par plusieurs centaines. Entre les mois de décembre et mars 2024, environ 400 jeunes en recours ont occupé la Gaîté Lyrique avant d’en être expulsés. Avant ce squat, ils avaient occupé la Maison des Métallos, et encore avant, le parc de Belleville. À chaque fois, les forces de l’ordre les ont expulsés.
    7/ Quel est le profil des jeunes que vous recevez ?
    Nous avons déjà eu des ’très jeunes’, des profils de moins de 12 ans, mais c’est très rare. Les jeunes qui se présentent à nous disent avoir 16 ans ou 16 ans et demi la plupart du temps. L’écrasante majorité sont des garçons, seuls 4% ou 5% sont des filles. Les jeunes filles ont généralement un parcours émaillé d’événements traumatogènes, elles représentent plus des deux tiers des consultations psychologiques à l’AMNA. Elles sont hélas davantage victimes de traites, de prostitution forcée, d’agressions.

    #Covid-19#migrant#migration#france#MNA#minorite#politiquemigratoire#sante#santementale

  • Jeunesses africaines en exil

    Par Raphaël Krafft. LSD donne la parole aux Mineurs Non Accompagnés (MNA) originaires d’Afrique subsaharienne. Au terme d’un voyage long et dangereux, ils butent en France sur un parcours semé d’embûches pour être reconnus mineurs et aller à l’école.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-jeunesses-africaines-en-exil
    #MNA #mineurs_non_accompagnés #migrations #réfugiés #enfants #enfance #parcours #reconnaissance #tri #minorité #mijeurs #école #asile
    #podcast #audio
    ping @karine4

  • Le tournant historique de Donald Trump à la Maison Blanche : « révolution du bon sens » ou réaction conservatrice ?


    Henry « Enrique » Tarrio, ex-chef de file des Proud Boys, groupe d’extrême droite impliqué dans l’attaque du Capitole en  2021, après sa libération, à Miami, en Floride, le 22  janvier 2025. GIORGIO VIERA / REUTERS

    La grâce accordée par le nouveau président américain aux émeutiers du Capitole, y compris aux plus violents d’entre eux, ainsi que la remise en cause des politiques antidiscrimination illustrent un bouleversement étatique, moral et sociétal.

    Il l’avait annoncé, une majorité d’électeurs l’a voulu : dès les premiers jours de son mandat, Donald Trump conduit un bouleversement étatique, moral et sociétal aux Etats-Unis. Dans son discours inaugural, lundi 20 janvier, il a promis une « révolution du bon sens ». Des termes antinomiques qui dessinent une réaction conservatrice à certaines évolutions récentes de la société américaine, notamment la reconnaissance et la promotion de la diversité sexuelle et raciale. Cette réaction s’accompagne d’une novlangue populiste observée dans d’autres pays, qui remplace les faits par la répétition de slogans.

    Rien ne l’illustre davantage que la grâce présidentielle accordée aux 1 500 émeutiers – « les otages » – du 6 janvier 2021 au Capitole, à quelques exceptions près. L’intention de Donald Trump ne faisait guère de doute. Depuis quatre ans, grâce à des relais médiatiques puissants, il avait promu l’idée que les coupables de cette insurrection étaient des victimes. Mais la décision de gracier aussi les auteurs de violences contre les 140 policiers blessés représente le marqueur le plus fort de ce début de mandat. Selon le site Axios, elle aurait été prise « à la dernière minute », saluée par cette phrase du président, rapportée par un conseiller : « Et puis merde. Relâchez-les tous. »

    Cette décision, critiquée par 58 % des Américains selon un sondage Reuters, a provoqué le trouble chez de nombreux élus républicains au Congrès. Le principal syndicat de policiers – Fraternal Order of Police – s’est ému de cette grâce générale, profitant notamment à 174 personnes condamnées pour avoir agressé les forces de l’ordre avec des objets dangereux voire létaux. Les experts en violences extrémistes s’alarment d’une invitation à la récidive ou au passage à l’acte pour des individus ou des groupes armés se sentant protégés par la bienveillance de la Maison Blanche. « L’Etat de droit est mort », a commenté Michael Fanone, officier de police de Washington ayant défendu le Capitole, sur CNN mercredi.

    [...]

    La ministre de la justice pourra compter sur un nouvel allié à Washington. Donald Trump a choisi Ed Martin, avocat de plusieurs émeutiers du #6_janvier_2021, comme procureur par intérim du district de Columbia (DC). Ed Martin était présent au Capitole le jour de l’assaut. Il avait écrit sur Twitter : « Comme un mardi gras à DC aujourd’hui : amour, foi et joie. »

    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/23/donald-trump-propose-un-renversement-des-valeurs-a-la-societe-americaine_651

    https://justpaste.it/herdp

    #Trump #extreme_droite #policiers #justice #immigration #minorités #affirmative_action #genre #écologie

    • Donald Trump tente de mettre en place une « présidence impériale » aux Etats-Unis
      https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/22/donald-trump-en-quete-d-un-pouvoir-executif-elargi_6509813_3210.html

      Les premières décisions du nouveau président américain à son arrivée à la Maison Blanche témoignent de la volonté de se soustraire au système de contrôles et de contre-pouvoirs.

      Un paradoxe apparaît déjà à l’aube du nouveau mandat de Donald Trump. Le président des Etats-Unis veut, dans le même mouvement, réduire le périmètre de l’Etat fédéral, en sabrant dans ses effectifs et ses agences, et tester les limites du #pouvoir_exécutif, afin de l’étendre. Si la première mission a été confiée à l’entrepreneur Elon Musk, l’autre volet a été pensé, prémédité, préparé par l’entourage de Donald Trump depuis des mois. Il s’agit d’étendre au maximum ce que l’historien américain Arthur Schlesinger (1917-2007) avait appelé, dès 1973, « la présidence impériale  », se soustrayant de plus en plus au système de contrôles et de contre-pouvoirs.

      La première vague de décrets présidentiels l’a illustré. La Maison Blanche veut politiser la haute fonction publique, bien au-delà des milliers de postes changeant à chaque administration. Elle parle sans arrêt du retour de la « méritocratie », là où elle attend une loyauté à toute épreuve. Elle ouvre aussi des débats juridiques explosifs, amenés à être tranchés par la Cour suprême, dominée par les juges conservateurs.

      Mardi 21 janvier, une vingtaine de procureurs d’Etats démocrates ont déposé deux plaintes distinctes pour contester la volonté de Donald Trump, exprimée dans un décret, de remettre en cause le #14e_amendement de la #Constitution sur le #droit_du_sol. Les conseillers du président, en particulier le chef adjoint de l’administration, Stephen Miller, grand ordonnateur de la nouvelle politique migratoire, veulent supprimer ce droit pour les enfants de sans-papiers. « Le président a largement dépassé le cadre de ses fonctions avec ce décret, et nous lui demanderons des comptes », a expliqué le procureur général de Californie, Rob Bonta, qui veut la suspension immédiate de l’application du décret. Ce n’est que le début d’une gigantesque bataille, à l’issue incertaine.

      « Sceller les frontières »

      L’autre point, concernant la #politique_migratoire, où Donald Trump veut aussi repousser les limites de son pouvoir concerne la mobilisation de l’armée. Plusieurs présidents, dont le démocrate Barack Obama (2009-2017) et le républicain George W. Bush (2001-2009), ont déployé la #garde_nationale pour appuyer les services chargés de policer la frontière. Mais Donald Trump veut élargir cette participation. Il a demandé au Pentagone de lui présenter, sous dix jours, un plan de mobilisation du commandement nord des Etats-Unis (USNORTHCOM) afin de « sceller les frontières ». Les termes flous du décret suggèrent une véritable opération militaire, et non une simple assistance logistique. En outre, Donald Trump n’a pas écarté l’emploi de l’armée au Mexique même pour traquer les cartels.

      Ce flou entretenu dans les termes se retrouve dans un autre décret signé lundi, portant sur « la fin de l’instrumentalisation du gouvernement fédéral ». Il s’agit de l’une des promesses constantes de Donald Trump, de la campagne jusqu’à son discours d’investiture, faite sans jamais éclaircir sa mise en œuvre. Le décret appelle le ministre de la justice et le directeur national du renseignement – postes que devraient occuper Pam Bondi et Tulsi Gabbard, en cas de confirmation au Sénat – à passer en revue les activités de tous les services concernés, au cours des quatre années du mandat de Joe Biden.

      Cet examen pourrait concerner aussi bien les enquêtes sur l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole – donc, une mise en cause possible de l’ex-procureur spécial Jack Smith, des magistrats, de la police fédérale (FBI) – que celles visant directement Donald Trump, comme son inculpation pour la rétention et la dissimulation illégale de centaines de documents classifiés, à Mar-a-Lago, sa résidence en Floride. Un tel décret ouvre un champ possible pour des rétorsions et une vendetta.

      Autre liberté sécuritaire, prise par la Maison Blanche : celle concernant ses propres rangs. Mettant en cause un « processus bureaucratique » et une « habilitation sécurité défaillante », la nouvelle administration a décidé de court-circuiter les vérifications traditionnelles, préalables à l’obtention de laissez-passer permanents. Selon un décret signé par Donald Trump, le conseiller juridique de la Maison Blanche va communiquer aux services secrets une liste, à effet immédiat, de personnes habilitées à accéder au complexe de la Maison Blanche et aux outils informatiques. Ils bénéficieront d’un accès aux informations classifiées de niveau top-secret.

      #frontières

    • Investiture de Donald Trump : l’onde de choc du second mandat confirmée par une série de décrets sur le #climat et l’#immigration
      https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/21/investiture-de-donald-trump-climat-immigration-6-janvier-le-choc-du-second-m

      A peine investi, le nouveau président américain a mis en scène la signature d’un grand nombre de textes, d’abord devant ses militants, puis dans le bureau Ovale.
      Par Piotr Smolar (Washington, correspondant) et Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)
      Publié le 21 janvier 2025

      Donald Trump descend lentement les marches de la Capital One Arena, devant la foule extatique de ses partisans réunis dans l’arène sportive. Il est le 47ᵉ président des Etats-Unis depuis quelques heures, lundi 20 janvier, et porte à la main un classeur noir. Sur la scène, un bureau a été installé avec le sceau présidentiel. C’est là qu’il signe, sous les applaudissements, une série de #décrets_présidentiels dont le contenu est résumé de façon lapidaire par un conseiller. La #mise_en_scène est inédite, entre spectacle sportif et politique, celle d’un nouveau pouvoir hors norme. Montrant à la foule ses premières signatures, Donald Trump a ensuite quitté la scène en lançant des stylos, comme un champion de tennis sur le court frappant les balles de la victoire vers les tribunes.

      Onde de choc, saturation des antennes : ainsi s’est présentée cette première journée du 47ᵉ président, après la cérémonie d’investiture. Depuis des semaines, ses conseillers préparaient l’opinion publique à une rupture nette, par une rafale de décrets présidentiels. Elle a eu lieu. Sur la scène de l’arène, Donald Trump a commencé par révoquer 78 décrets de son prédécesseur, Joe Biden, concernant aussi bien la baisse du prix de certains médicaments, les programmes de lutte contre les discriminations que les sanctions contre certains colons juifs violents en Cisjordanie. Puis il a annoncé – comme en 2017 – un retrait de l’accord de Paris sur le climat. Washington quitte également l’Organisation mondiale de la santé.

      Cette mise en scène relevait du grand art, en matière de #communication_politique. Le leader et son peuple ne faisaient qu’un, sans intermédiaire ni contre-pouvoir. « La nation entière s’unit rapidement derrière notre agenda », avait prétendu le président, au cours de son discours d’investiture. La mise en scène suivante a eu pour cadre le bureau Ovale, peu avant 20 heures. Pendant une interminable séquence, Donald Trump, assis derrière le Resolute desk, a signé les décrets présidentiels suivants, répondant volontiers aux multiples questions des journalistes. « Oh, en voici un gros ! », s’enthousiasmait-il, à l’annonce de certains documents.

      Marqueurs identitaires forts

      Les décrets sont de différentes sortes. Des marqueurs identitaires forts, spécialement adressés à l’électorat trumpiste, étaient au rendez-vous. Il s’agit d’abord d’une grâce présidentielle quasi complète, corrigeant « une grave injustice nationale », pour les plus de 1 500 personnes condamnées pour l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Parmi les bénéficiaires de ce pardon figurent des auteurs de violences contre les 140 policiers blessés ce jour-là. Seuls 14 membres des milices extrémistes armées des Oath Keepers et des Proud Boys ont bénéficié d’une réduction de peine. Le blanchiment d’une insurrection et d’une tentative de coup d’Etat est ainsi achevé. « Ce qui a été fait à ces gens est scandaleux », a estimé Donald Trump, avançant que, dans de nombreux cas, les violences auraient été commises par des « agitateurs extérieurs ». Les coupables sont des victimes, les victimes sont des suspects.

      La priorité assumée, au cœur de ces décrets présidentiels, concerne la question migratoire. La pression à la frontière a baissé de façon très significative depuis des décrets signés par Joe Biden, en juin 2024. Le nombre d’interpellations de clandestins dans la seconde moitié de l’année a diminué de plus de 70 % par rapport à la même période en 2023. Au cours de l’année fiscale 2024, le département de la sécurité intérieure a organisé près de 700 000 reconduites à la frontière et expulsions, un chiffre sans précédent depuis 2010. Mais toute la campagne de Donald Trump a reposé sur l’idée centrale d’une invasion incontrôlée pendant quatre ans.

      Elle justifie, selon le président, une déclaration d’état d’urgence nationale et la désignation des cartels mexicains comme organisations terroristes. Elle implique des mesures pratiques et opérationnelles, comme la fin du programme d’admissions légales pour deux ans, sous conditions de ressources financières, mis en place avec Cuba, le Venezuela, Haïti et le Nicaragua.
      L’administration annonce son intention de finir la construction du mur à la frontière avec le Mexique, de déployer l’armée – notamment la garde nationale – dans cette zone frontalière. L’armée a déjà été largement sollicitée depuis dix ans par les administrations successives, mais uniquement dans des missions logistiques, en soutien de la police aux frontières. Un élargissement de ses missions – « sceller les frontières et préserver la souveraineté, l’intégrité territoriale et la sécurité » – risque d’être contesté sur-le-champ devant les tribunaux.

      Remise en cause du droit du sol

      D’autres mesures, censées illustrer la rupture en matière migratoire, peuvent aussi se heurter aux limites de cet unilatéralisme de l’exécutif. La réhabilitation annoncée de la politique « remain in Mexico », impliquant que les candidats à l’asile restent au Mexique avant l’examen de leur dossier par la justice américaine, réclame au préalable la pleine coopération des autorités de ce pays. Sans cela, aucune inversion possible des flux. Sans cela, impossible, également, de rétablir le « Title 42 », ces dispositions du code sanitaire, adoptées sous Trump 1, qui permettaient de reconduire à la frontière les migrants sans qu’ils puissent déposer une demande d’asile. Certains membres de l’équipe Trump envisagent des accords d’expulsion vers des pays tiers et non vers celui d’origine des sans-papiers, sur le modèle de celui, très controversé et onéreux, qu’avait conclu, en 2022, le Royaume-Uni avec le Rwanda, sans jamais pouvoir l’appliquer.

      Le dernier point phare des décrets présidentiels concerne la mise en cause du droit du sol. Il s’agit d’une ambition ancienne de la droite nationaliste, obsédée par l’idée raciste d’un « grand remplacement » de la population blanche par les migrants. Lundi soir, Donald Trump a qualifié une nouvelle fois ce droit du sol de « ridicule », prétendant à tort que son pays était le seul à l’appliquer. Un étrange adjectif pour qualifier le 14ᵉ amendement de la Constitution américaine. Ratifié en 1868, il accorde la citoyenneté américaine à toute personne « née ou naturalisée aux Etats-Unis ». L’équipe Trump, qui se prépare à une lutte judiciaire jusqu’à la Cour suprême, veut réinterpréter les termes de cet amendement, pour supprimer l’automaticité dans le cas d’enfants nés de parents en situation irrégulière.

      La vague de décrets présidentiels porte également sur l’#énergie et l’#environnement. Aucun droit de douane n’a été décidé, alors que Donald Trump avait menacé dans sa campagne d’imposer 10 % de prélèvement sur toutes les importations et 60 % sur celles en provenance de Chine. « Au lieu de taxer nos citoyens pour enrichir d’autres pays, nous imposerons des droits de douane et des taxes aux pays étrangers pour enrichir nos citoyens », a déclaré Donald Trump dans son discours d’investiture. Mais aucun décret n’a suivi, si ce n’est une étude sur la politique commerciale américaine et l’annonce de la création d’une agence chargée de collecter des droits de douane (External Revenue Service), par opposition à l’Internal Revenue Service (IRS), qui collecte l’impôt sur le revenu.

      Ce sursis a d’abord soulagé les marchés financiers, qui sont remontés. Toutefois, Donald Trump a douché cet optimisme en semblant envisager l’introduction d’une taxe de 25 %, dès le 1ᵉʳ février sur les produits importés du Mexique et du Canada. Le président met en cause ces pays en raison d’abus supposés dans les échanges commerciaux et du trafic de fentanyl, drogue faisant des ravages aux Etats-Unis. Cette menace avait déjà été formulée en décembre 2024. La Bourse a dès lors baissé, et le dollar s’est raffermi.

      La politique fiscale, grande absente

      M. Trump n’a pas exclu d’imposer, à terme, des droits de douane sur toutes les importations, mais il a précisé qu’il n’était pas prêt. En réalité, deux écoles s’affrontent au sein de ses équipes : les partisans des droits généralisés et ceux qui préfèrent des tarifs ciblés sur certains produits stratégiques (la défense, la pharmacie et les minerais). Surtout, le nouveau président semble vouloir les utiliser dans des négociations globales, tout particulièrement avec la Chine. Il a réitéré son souhait de rencontrer son homologue Xi Jinping.

      Quant à TikTok, il a donné un sursis de soixante-quinze jours à l’application qui devait être bannie des Etats-Unis le 19 janvier. « Si je ne conclus pas l’accord, cela ne vaut rien. Si je conclus l’affaire, cela vaut peut-être 1 milliard de dollars [960 millions d’euros] », a commenté Donald Trump, en proposant un accord léonin. Il suggère de donner gratuitement la moitié de la propriété du réseau social à des intérêts américains en échange de sa signature. Enfin, les Européens ont été invités à réduire leurs déficits ou à acheter plus d’hydrocarbures américains.

      Autre absent de la journée, la politique fiscale, alors que les baisses d’impôts font partie des promesses essentielles de Donald Trump. Mais cette dernière est du ressort du Congrès. Le président a simplement évoqué la non-taxation des pourboires, dans un meeting en fin de soirée. Toutefois, des décrets commencent à mettre en œuvre les préconisations d’Elon Musk, chef du bureau de réduction des dépenses du gouvernement. Plusieurs décrets ont exigé « un gel immédiat des réglementations », le « gel des embauches » et la fin du télétravail pour les fonctionnaires fédéraux.

      En revanche, M. Trump a invoqué l’inflation, un poison pour la présidence Biden. « Je demanderai à tous les membres de mon cabinet de mobiliser les vastes pouvoirs à leur disposition pour vaincre ce qui était une inflation record et faire baisser rapidement les coûts et les prix », a-t-il déclaré. Sauf que l’inflation, qui avait atteint un record annuel de 9,1 % en juin 2022, est retombée à 2,9 %. Les experts estiment que les expulsions de la main-d’œuvre étrangère et les droits de douane pourraient la ranimer.

    • « Si Trump essaie de faire baisser le dollar, qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? », Barry Eichengreen, Economiste
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/22/si-trump-essaie-de-faire-baisser-le-dollar-que-pourrait-il-se-passer-de-mal_

      L’une des idées politiques les plus étonnantes aux Etats-Unis ces derniers temps est que le nouveau président américain, Donald Trump, et son équipe envisageraient de faire activement baisser le dollar dans le but de stimuler la compétitivité des #exportations_américaines et de réduire le #déficit_commercial. Si Trump essaie, réussira-t-il ? Et que pourrait-il se passer de mal ?

      La méthode la plus brutale consisterait à s’appuyer sur la Réserve fédérale (Fed) pour assouplir la politique monétaire. Trump a certes renoncé à remplacer le président de la Fed, Jerome Powell, mais il pourrait pousser le Congrès à modifier la loi sur la Réserve fédérale pour amoindrir son indépendance. Le taux de change du dollar s’affaiblirait considérablement, le but recherché. Mais une politique monétaire plus souple entraînerait une accélération de l’inflation, ce qui neutraliserait l’impact de la baisse du taux de change du dollar. Il n’y aurait aucune amélioration de la compétitivité américaine.

      Autre voie possible : le département du Trésor pourrait utiliser la loi fédérale International Emergency Economic Powers Act pour taxer les détenteurs officiels étrangers de titres du Trésor, en retenant une partie de leurs paiements d’intérêt. Cela dissuaderait les banques centrales étrangères d’accumuler des réserves en dollars, ce qui ferait baisser la demande de billets verts. Problème : réduire la demande de bons du Trésor américain pour affaiblir le dollar ferait aussi grimper les taux d’intérêt. Par ailleurs, le risque de voir les investisseurs étrangers surréagir et liquider entièrement leurs avoirs en dollars n’est pas à exclure.

      Plus classiquement, le Trésor pourrait aussi utiliser les dollars de son fonds de stabilisation des changes pour acheter des devises. Mais augmenter l’offre de dollars de cette manière serait inflationniste. La Fed réagirait donc en retirant ces mêmes dollars des marchés, et stériliserait ainsi l’opération.

      Le prix à payer

      Enfin, il est question d’un accord, à Mar-a-Lago (Floride), entre les Etats-Unis, la zone euro et la Chine, faisant écho aux accords du Plaza signés dans les murs du célèbre hôtel new-yorkais, en 1985, pour s’engager dans des ajustements politiques coordonnés afin d’affaiblir le #dollar. Complétant les mesures prises par la Fed, la Banque centrale européenne et la Banque populaire de Chine augmenteraient alors leurs taux d’intérêt. Les gouvernements chinois et européens pourraient également intervenir sur le marché des changes, en vendant des dollars. Pour les convaincre, Trump pourrait agiter la menace des droits de douane, tout comme Richard Nixon avait utilisé une surtaxe à l’importation pour contraindre d’autres pays à réévaluer leur monnaie en 1971, ou comme le secrétaire au Trésor James Baker a invoqué la menace du protectionnisme pour sceller les accords du Plaza.

      En 1971, cependant, la croissance en Europe et au Japon était forte, de sorte que la hausse de leurs devises ne posait pas de problème. En 1985, c’est l’inflation, et non la déflation, qui constituait le danger immédiat, prédisposant l’Europe et le Japon à un resserrement monétaire. En revanche, la zone euro et la Chine sont actuellement confrontées au double spectre de la stagnation et de la déflation. Dans ce scénario, elles devront donc mettre en balance le danger d’un resserrement monétaire pour leurs économies et les dommages causés par les droits de douane de Trump.

      Face à ce dilemme, l’#Europe céderait probablement et accepterait une politique monétaire plus stricte comme prix à payer pour faire reculer Trump sur les droits de douane et préserver la coopération avec les Etats-Unis en matière de sécurité. En revanche, la Chine, qui considère les Etats-Unis comme un rival géopolitique, prendrait probablement la direction opposée. Ainsi, un supposé « accord de Mar-a-Lago » dégénérerait en un accord bilatéral américano-européen, qui ferait peu de bien aux Etats-Unis tout en causant un tort considérable à l’Europe.

      Barry Eichengreen est professeur d’économie et de sciences politiques à l’université de Californie à Berkeley. © Project Syndicate, 2025.

    • « Mettre les tarifs douaniers à 20 % est une très mauvaise idée, qui pénalisera les Etats-Unis » : la réponse des deux économistes auxquels la Maison Blanche s’est référée
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/23/mettre-les-tarifs-douaniers-a-20-est-une-tres-mauvaise-idee-qui-penalisera-l

      Pour justifier le projet trumpiste d’instaurer des droits de douane élevés, Stephen Miran, chef des conseillers économiques de Donald Trump, s’est appuyé sur les travaux des chercheurs Arnaud Costinot (MIT) et Andres Rodriguez-Clare (Berkeley). A la demande du « Monde », ces deux économistes ont accepté de lui répondre par le biais de cette tribune.

      La future administration Trump se prépare à imposer des tarifs substantiels sur toutes les #importations aux #Etats-Unis. Le nouveau secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a invoqué l’argument du « tarif optimal » pour justifier une telle décision. Le nouveau président du Council of Economic Advisers, l’organisme de conseil économique de la Maison Blanche, Stephen Miran, citant nos propres travaux, propose 20 % comme « référence » pour le tarif optimal américain. Nous pensons que c’est une très mauvaise idée.

      L’argument du tarif optimal n’est pas nouveau. Il est presque aussi ancien que le célèbre plaidoyer de l’économiste britannique David Ricardo [1772-1823] en faveur du libre-échange. Il repose sur l’idée que les pays disposent d’un pouvoir de marché et qu’ils peuvent en tirer profit. Tout comme une grande entreprise peut augmenter ses profits en manipulant la quantité qu’elle vend à ses consommateurs et qu’elle achète à ses fournisseurs, un grand pays peut s’enrichir en manipulant le volume de ses exportations et importations et, in fine, leurs prix. Les taxes à l’importation et à l’exportation sont les outils pour atteindre cet objectif, les tarifs à l’importation étant bien plus courants que les taxes à l’exportation pour diverses raisons économiques et politiques.

      Pour comprendre comment fonctionne l’argument du #tarif_optimal, supposons que le gouvernement américain impose un tarif douanier sur le vin français. Toutes choses étant égales par ailleurs, les consommateurs américains font alors face à des prix plus élevés et réduisent leur demande. Cela pourrait exercer une pression à la baisse sur les prix auxquels les producteurs de vin français seraient disposés à vendre, générant ainsi des gains pour les Etats-Unis, qui pourraient avoir accès à du vin de Bordeaux et à d’autres terroirs français à prix réduit à la frontière, même si les consommateurs américains paieraient toujours un prix plus élevé en magasin en raison du tarif ajouté.

      Outil pédagogique

      Les grands pays, comme les Etats-Unis, disposent d’un certain pouvoir de marché. Ce qui est moins clair, c’est de savoir à quel point. Cela dépend de plusieurs facteurs, difficiles à mesurer. Par exemple, le pouvoir de marché dépend de la facilité avec laquelle les exportateurs étrangers peuvent trouver des marchés alternatifs pour écouler leur production. Si les viticulteurs français ne peuvent plus vendre librement leurs produits aux consommateurs américains, peuvent-ils les vendre aux Allemands ou aux Chinois ? Si oui, le prix des vins français ne changera pas beaucoup et le tarif douanier optimal devrait être plus faible.
      En outre, le succès ou l’échec de l’exercice du pouvoir de marché ne peut être évalué uniquement à partir de l’impact des tarifs sur les prix des importations américaines. L’objectif ultime d’un tarif optimal est d’enrichir les Etats-Unis en abaissant le prix de ce qu’ils achètent (par exemple, du vin français) par rapport à ce qu’ils vendent (par exemple, des Tesla). Cela ne peut être évalué sans prendre en compte l’impact des tarifs sur les prix des exportations américaines. Ces prix pourraient augmenter si les tarifs provoquent une appréciation du dollar américain – dans ce cas, le tarif optimal devrait être plus élevé.

      L’incertitude autour de ces facteurs ouvre la porte à des tarifs différents en fonction du modèle économique choisi. Le chiffre de 20 %, tiré de notre propre étude, n’est qu’une « référence » dans la mesure où il provient du modèle économique le plus simple possible. Cela en fait un excellent outil pédagogique, mais pas un guide utile pour la politique publique.

      De nombreuses questions, en économie, sont difficiles. Celle de savoir quel est le #pouvoir_de_marché des Etats-Unis en fait partie. Nous avons assisté à de nombreux séminaires animés sur les mérites et les limites de divers modèles économiques et estimateurs économétriques conçus pour répondre à cette question. Nous ne pensons pas que ces séminaires deviendront moins animés dans les années à venir.

      Le « dilemme du prisonnier »

      Heureusement, chercher à savoir quel est le pouvoir de marché des Etats-Unis est aussi la mauvaise question à poser. D’un point de vue académique, il est intéressant de comprendre pourquoi, en l’absence de règles et d’institutions internationales, un pays peut avoir intérêt à exploiter son pouvoir de marché en adoptant des politiques protectionnistes. D’un point de vue politique, cependant, ces considérations donnent une image trompeuse et incomplète de l’impact des tarifs américains. La raison en est la riposte étrangère.

      L’argument du tarif optimal suppose que, lorsque les étrangers font face à des barrières commerciales plus élevées aux Etats-Unis, ils restent passifs, s’appauvrissent et n’imposent pas leurs propres #droits_de_douane sur les biens américains. Cela n’arrivera pas.

      Les membres de la nouvelle administration Trump sont conscients de la possibilité d’une riposte étrangère. Mais ils conçoivent les tarifs comme un « jeu de la poule mouillée ». A condition que les Etats-Unis s’engagent à maintenir des tarifs douaniers élevés, ils pensent que les étrangers choisiront de maintenir à leur faible niveau leurs propres tarifs, par crainte d’entrer dans une #guerre_commerciale coûteuse. Cependant, ce jeu est la mauvaise métaphore pour décrire les guerres commerciales.

      Les guerres commerciales s’apparentent davantage à un « dilemme du prisonnier ». Des cambrioleurs sont arrêtés, mais aucune preuve ne les incrimine. Si tous se taisent, ils s’en sortent. Pourtant, au lieu de rester silencieux, les prisonniers sont toujours tentés de témoigner contre leurs partenaires en échange d’une peine plus légère. Mais, ce faisant, ils finissent tous par purger une peine plus longue. De même, les pays ayant un certain pouvoir de marché à exploiter ont intérêt à augmenter leurs barrières commerciales, quelle que soit l’attitude des autres. Le problème est que, lorsqu’ils le font tous, aucun d’entre eux ne parvient à rendre ses importations moins chères : ils finissent tous par s’appauvrir.

      Pulsions protectionnistes

      A maintes reprises, nous avons vu des pays riposter aux tarifs douaniers américains. En 1930, le Canada a répondu au Smoot-Hawley Tariff Act en imposant des tarifs sur les biens américains avant même que la loi n’entre en vigueur. En 2018 et en 2019, la Chine a répondu à chaque vague de tarifs de la première administration Trump en ciblant 100 milliards de dollars [96 milliards d’euros] d’exportations américaines. Cette semaine, le Canada a annoncé qu’il préparait déjà des tarifs de rétorsion sur le whisky du Tennessee et le jus d’orange de la Floride. Le Mexique et l’Union européenne ont fait des annonces similaires.
      Le système commercial mondial qui a émergé après la seconde guerre mondiale a été conçu précisément pour contrôler les pulsions protectionnistes des pays et éviter de répéter les guerres commerciales des années 1930. Il a permis de maintenir une coopération commerciale pendant des décennies.

      L’économie mondiale a changé. La #Chine a émergé comme une nouvelle puissance hégémonique. Il est naturel que la politique économique évolue et s’adapte à ces nouvelles circonstances. Mais les tarifs ne sont pas l’outil puissant capable de résoudre tous les problèmes, contrairement à ce que croit la nouvelle administration Trump. Retenir sa domination dans les secteurs de la haute technologie, regagner une place dans les nouveaux secteurs verts, et restaurer la prospérité dans les régions en difficulté, pour ne citer que quelques objectifs, sont des priorités essentielles pour les années à venir. Une politique économique plus riche et diversifiée est nécessaire, avec les tarifs jouant au mieux un rôle auxiliaire.

      Poursuivre une politique de hausse des tarifs mènerait probablement à une nouvelle guerre commerciale mondiale. Ses conséquences, malheureusement, ne sont pas difficiles à prévoir : moins de commerce et, surtout, moins de coopération internationale sur les grands enjeux de notre époque que sont la guerre, la pauvreté et le changement climatique.

      Arnaud Costinot est professeur d’économie au Massachusetts Institute of Technology (MIT) ;
      Andres Rodriguez-Clare est professeur d’économie à l’université de Californie à Berkeley.

      Arnaud Costinot et Andres Rodriguez-Clare, deux spécialistes du commerce international

      Pendant sa campagne, le candidat Donald Trump a proposé de faire passer les droits de douane de 2 % à 20 % (et trois fois plus pour les produits chinois). La quasi-totalité des économistes de la planète, horrifiés, ont pronostiqué un retour de l’#inflation aux Etats-Unis, voire une spirale de représailles destructrice pour tous les pays. Mais pourquoi 20 % ? Parce qu’un économiste trumpiste, Stephen Miran, l’a présenté comme le « tarif optimal » pour enrichir les Etats-Unis. Ce docteur en économie de Harvard de 41 ans, ayant fait sa carrière sur les marchés financiers, a été nommé depuis président du conseil économique (Council of Economic Advisers) à la Maison Blanche. En novembre 2024, il avait publié un rapport pour Hudson Bay Capital, dans lequel il défendait la thèse des 20 %, qu’il suggérait de coupler à une #dépréciation_du_dollar. Une telle politique permettrait, selon lui, de « remodeler fondamentalement les systèmes commerciaux et financiers mondiaux ».

      Dans son rapport, Miran se référait aux recherches d’Arnaud Costinot, du Massachusetts Institute of Technology, et d’Andres Rodriguez-Clare, de l’université de Californie à Berkeley : « A titre de référence, le chapitre du Handbook of International Economics de Costinot et Rodriguez-Clare (2014) indique que le tarif optimal pour les Etats-Unis (…) est d’environ 20 %. En effet, tant que les tarifs ne dépassent pas 50 %, ils continuent d’améliorer le bien-être par rapport à un commerce totalement ouvert. »

      Le Monde a contacté les auteurs, deux spécialistes du commerce international, qui contestent cette interprétation. Dans leur étude, écrivent-ils dans le texte qu’ils ont adressé au journal, le chiffre de 20 % est purement théorique : il « provient du modèle économique le plus simple possible. Cela en fait un excellent outil pédagogique, mais pas un guide utile pour la politique publique ». Et, à les lire, ce tarif est parfaitement inadapté pour les Etats-Unis d’aujourd’hui.

      L’article de 2014 de Costinot et Rodriguez-Clare (« Trade Theory with Numbers : Quantifying the Consequences of Globalization ») , considéré comme important dans la communauté des spécialistes du commerce, s’employait à mesurer finement les gains du #commerce_international. A noter qu’Arnaud Costinot, 47 ans, est français. Polytechnicien, originaire de Dunkerque, il s’est très tôt intéressé aux problèmes redistributifs que pose le commerce international, qui fait des gagnants, mais aussi des perdants au sein de chaque pays.

  • Pour un universalisme minoritaire - avec #Bruno_Perreau

    Les condamnations répétées du wokisme, du communautarisme, du séparatisme, du « politiquement correct » reflètent la même peur des « #minorités » qui seraient devenues vindicatives voire « tyranniques »... Loin de ces fantasmes conservateurs reste ouverte la question de comment vivre les uns avec les autres dans une société plus juste ? Comment mener des combats minoritaires en échappant à l’#essentialisation ? Comment penser la présence minoritaire non pas comme une substance mais comme une relation ? C’est ce dont on va parler ce soir avec Bruno Perreau que nous recevons pour son livre Sphères d’injustice paru aux Éditions de La Découverte.

    https://spectremedia.org/les-oreilles-loin-du-front/?playing=2015
    #philosophie #justice #présence #co-présence #convergence_des_luttes #coalition

  • « Les milices arabes au service de la Turquie mènent un vaste mouvement d’épuration ethnique contre les Kurdes de Syrie »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/19/en-turquie-un-vaste-mouvement-d-epuration-ethnique-est-en-cours-contre-les-k

    On aimerait que Le Monde utilise un ton aussi engagé pour TOUTES les causes humanitaires. On est loin des longues pincettes d’usage lorsqu’Israël est en cause. (Il est vrai que Le Monde en fait déjà beaucoup trop aux yeux du Figaro...)

    La chasse aux Kurdes est ouverte. Sur un morceau de Syrie, le long de la frontière avec l’Irak, les milices arabes au service de la Turquie expulsent les populations kurdes locales. Un vaste mouvement d’épuration ethnique est en cours. Des colonnes de milliers de réfugiés misérables fuient les bombardements de l’aviation turque et l’avancée d’une soldatesque djihadiste qui entend éradiquer la zone frontalière d’une présence kurde millénaire.

  • #Yéniches 1/5 - L’éternel bras de fer

    Près de 150 #caravanes de Yéniches parcourent les routes de #Suisse romande chaque année du mois de mars au mois d’octobre. Si ces semi-nomades aiment rouler, ils peinent par contre à trouver des places où s’installer. Petite virée un soir d’été avec une quinzaine de convois pour occuper de force un terrain communal dans l’Ouest lausannois.

    https://www.rts.ch/audio-podcast/2024/audio/yeniches-1-5-l-eternel-bras-de-fer-28674178.html

    #gens_du_voyage #Roms #aires_d'accueil #nomadisme #semi-nomadisme #Lausanne #Suisse_romande
    #audio #podcast

  • « Des électeurs ordinaires » : à la découverte de la vision racialisée du monde des partisans du RN

    Le sociologue Félicien Faury décortique la mécanique du vote Rassemblement national, après un travail de terrain réalisé entre 2016 et 2022 dans le sud-est de la France.

    [...]

    Ses conversations avec les électeurs donnent à voir des « logiques communes », un rapport au monde qui oriente vers le vote Le Pen. « Les scènes fiscales, scolaires et résidentielles deviennent les théâtres de compétitions sociales racialisées, dans lesquels les groupes minoritaires, construits et essentialisés en tant que tels, sont perçus et jugés comme des concurrents illégitimes », décrit l’auteur. La prégnance de cette vision du monde dans le quartier ou au travail conduit à légitimer le vote Le Pen, à le priver de son stigmate de l’extrémisme et, in fine, à le renforcer.

    A l’automne 2023, un débat avait opposé deux interprétations du vote populaire pour le RN, que l’on peut ainsi schématiser : d’un côté, les économistes Julia Cagé et Thomas Piketty, auteurs d’une somme de géographie électorale (Une histoire du conflit politique, Seuil, 2023), pour qui les inégalités socio-économiques sont le principal déterminant du vote RN ; de l’autre, le sondeur de l’Institut français d’opinion publique, Jérôme Fourquet, qui, dans La France d’après. Tableau politique (Seuil, 2023), soulignait le primat de la question identitaire.

    Le travail de terrain de Félicien Faury invite à pencher fortement en faveur de la seconde analyse. Il dissèque la manière dont les expériences de classe de l’#électorat RN rejoignent toutes la question raciale. Le chercheur prend toujours soin de situer cette vision raciste dans le contexte d’une société où se perpétuent les processus de racialisation. De la part d’électeurs en risque de déclassement social, écrit-il, « le vote RN doit aussi se concevoir comme un vote produit depuis une position dominante sur le plan racial, dans l’objectif de sa conservation ou de sa fortification ».
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/24/des-electeurs-ordinaires-a-la-decouverte-de-la-vision-racialisee-du-monde-de

    https://justpaste.it/a4997

    #extrême_droite #RN #racisme #livre

    • Dans l’électorat du RN, « le racisme s’articule à des expériences de classes » | entretien avec Félicien Faury
      https://www.mediapart.fr/journal/politique/010524/dans-l-electorat-du-rn-le-racisme-s-articule-des-experiences-de-classes

      Ce que j’essaie de démontrer dans mon livre, c’est que le vote RN est une modalité parmi d’autres de participation aux processus de #racialisation. Il est le fruit d’une vision raciste qui s’articule à une expérience de classe particulière, de sorte qu’elle est politisée de manière spécifique en direction de ce parti.

      https://justpaste.it/51uy6
      #islamophobie

    • Félicien Faury, politiste : « Pour les électeurs du RN, l’immigration n’est pas uniquement un sujet identitaire, c’est aussi une question socio-économique »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/06/14/felicien-faury-politiste-pour-les-electeurs-du-rn-l-immigration-n-est-pas-un

      Le vote #RN, à la fois protestataire et conservateur, exprime un attachement inquiet à un ordre que ses électeurs estiment menacé, explique le chercheur, spécialiste de l’extrême droite.
      Propos recueillis par Anne Chemin

      Rattaché au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, rattaché au CNRS, le sociologue et politiste Félicien Faury travaille sur l’extrême droite. Il est l’auteur de Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite (Seuil, 240 pages, 21,50 euros), un ouvrage adossé à une enquête de terrain de six ans (2016-2022), qui analyse l’implantation électorale et partisane du Front national, puis du Rassemblement national (RN), dans un territoire du sud-est de la France.

      Comment analysez-vous le geste politique d’Emmanuel Macron qui provoque des élections législatives ?

      Comme beaucoup l’ont souligné avant moi, ce choix repose sur la volonté d’imposer un clivage opposant un parti « central », incarné par Renaissance, et l’extrême droite – avec le présupposé que la gauche sera faible ou divisée. Dans un contexte où le président de la République suscite toujours davantage de défiance, ce clivage a pour effet de faire du RN l’alternative principale au macronisme. Cette situation explique sans doute pourquoi la #dissolution était une demande explicite de Jordan Bardella et de Marine Le Pen – et pourquoi cette annonce a été accueillie par des cris de joie, lors des soirées électorales du RN.

      On dit souvent que les électeurs du RN sont très sensibles aux questions sociales – en particulier au pouvoir d’achat –, mais votre ouvrage montre la place centrale qu’occupe le racisme dans leurs choix électoraux. Comment cette « aversion envers les minorités ethnoraciales », selon votre expression, se manifeste-t-elle ?

      Il faut en fait articuler les deux phénomènes. Les questions sociales comme le pouvoir d’achat sont toujours entremêlées avec des thématiques comme l’immigration et la place des #minorités_ethnoraciales dans la société française. Pour les électeurs du RN, l’immigration n’est pas uniquement un sujet « identitaire » : c’est aussi, et peut-être surtout, une question pleinement socio-économique. Lorsque les immigrés sont spontanément associés au #chômage et aux #aides_sociales, l’immigration se trouve liée, par le biais des impôts et des charges à payer, à la question du pouvoir d’achat. Ce qu’il faut chercher à comprendre, ce n’est donc pas ce qui « compte le plus » – préoccupations de classe ou racisme –, mais selon quels raisonnements ces enjeux sont reliés.

      S’agit-il d’un racisme ouvertement exprimé ou du racisme « subtil » dont on parle parfois pour qualifier, par exemple, le racisme « systémique » ?

      Tout dépend, bien sûr, des profils des personnes interrogées et du contexte de l’interaction, mais il s’agit souvent de propos assez clairs et explicites dans leur hostilité aux minorités ethnoraciales. C’était un enjeu important dans l’écriture de mon livre : il me paraissait nécessaire de rendre compte du racisme qui s’exprime dans beaucoup de discours, mais il fallait aussi prendre garde à ne pas redoubler, dans l’écriture, la violence des propos dans une sorte de voyeurisme malsain. J’ai donc cherché à me limiter à ce qui était nécessaire à l’analyse sociologique.

      Par ailleurs, il existe effectivement des formes plus « subtiles » d’expression du racisme. Le racisme est un fait social multiforme et transversal : on le trouve dans tous les milieux sociaux, mais selon des formes différentes – certaines sont claires, d’autres sont plus policées ou plus discrètes. L’extrême droite et ses électorats n’ont en rien le monopole du racisme : il y a du racisme dans le vote RN, mais ce vote n’est qu’une forme parmi d’autres de participation aux inégalités ethnoraciales qui continuent à exister dans notre pays.

      Vous évoquez, pour expliquer le sentiment d’injustice et de fragilité ressenti par les électeurs du RN, la notion de « conscience sociale triangulaire » forgée par le chercheur Olivier Schwartz. Comment décririez-vous cette représentation du monde social ?

      La #conscience_sociale_triangulaire désigne le sentiment d’être pris en tenaille entre une pression sociale « par le haut » et une autre « par le bas ». Sur mon terrain, cette double pression est particulièrement ressentie dans sa dimension résidentielle. Les électeurs du RN ont l’impression de se faire « rattraper » par les « quartiers », où logent des #classes_populaires_précarisées souvent issues de l’immigration, mais ils regardent aussi avec inquiétude l’appropriation de certains territoires par des groupes très dotés économiquement. Dans le Sud-Est, beaucoup de familles prospères viennent, en effet, s’installer ou acheter des résidences secondaires, ce qui a pour effet d’engendrer une forte pression immobilière.

      Le « haut » et le « bas » ne sont pas politisés de la même façon chez ces électeurs du RN. La pression par le haut suscite de l’amertume, mais aussi beaucoup de fatalisme. Par contraste, la pression par le bas est considérée comme scandaleuse et évitable, notamment lorsqu’elle est racialisée : les électeurs du RN estiment qu’on aurait pu et dû limiter, voire stopper, une immigration qui est jugée responsable de la dégradation des #quartiers environnants. C’est sans doute un effet du racisme que de faire regarder vers le bas de l’espace social lorsqu’il s’agit de politiser ses aversions.

      L’inquiétude vis-à-vis de l’avenir des électeurs du RN concerne finalement moins l’emploi que des domaines que l’on évoque plus rarement dans le débat public, comme le logement ou l’école. Comment ces thèmes se sont-ils imposés ?

      C’est une spécificité des électeurs du Sud-Est que j’ai interrogés : bénéficiant d’un statut socioprofessionnel relativement stable, leurs craintes ne portent pas spécifiquement sur la question de l’emploi et du chômage. Ils ont des préoccupations socio-économiques bien réelles, mais elles concernent la valeur de leur logement, les impôts et les charges, les aides sociales perçues ou non, ou l’accès à des services publics de qualité.

      La question résidentielle est centrale, surtout dans cette région Provence-Alpes-Côte d’Azur caractérisée par une concurrence exacerbée entre les territoires. La question scolaire, elle aussi, revient souvent dans les entretiens : les électeurs du RN ont le sentiment que l’#école publique « se dégrade », ce qui engendre des inquiétudes d’autant plus vives qu’ils sont souvent peu diplômés : ils ont moins de ressources que d’autres pour compenser les défaillances de l’école. Beaucoup se résignent d’ailleurs à scolariser leurs enfants dans le privé.

      Les électeurs du RN qui estiment que leur situation sociale est fragile comptent-ils sur l’aide de l’Etat ?

      Oui. On est, en France, dans une situation assez différente des Etats-Unis, où l’extrême droite est imprégnée par une idéologie libertarienne. Les électeurs RN croient en l’#Etat et ses missions de protection sociale, mais ils sont très critiques vis-à-vis de ses performances et de ses principes de redistribution. S’agissant des enjeux de redistribution, cette déception s’accompagne d’un sentiment d’injustice qui est souvent racialisé : la croyance selon laquelle la puissance publique privilégierait les « immigrés » et les « étrangers » dans l’octroi des aides sociales est particulièrement répandue.

      Diriez-vous que l’attachement des électeurs du RN au monde stable, familier et rassurant qu’ils disent avoir connu dans le passé fait d’eux des conservateurs ?

      Effectivement, le vote RN est à la fois #protestataire et #conservateur. C’est un vote qui s’exprime depuis la norme : les électeurs ont l’impression qu’elle est fragilisée et qu’il faut la défendre. « C’est pas normal » est l’expression que j’ai le plus souvent entendue. Les électeurs ont le sentiment que « leur » normalité est en train de vaciller peu à peu. Le vote RN exprime un attachement inquiet à un ordre encore existant mais menacé.

      Si le vote en faveur du RN est massif, c’est aussi parce que, dans les territoires que vous avez étudiés, il est « banalisé », dicible, voire légitime. Comment fonctionne cette normalisation progressive du vote RN ?

      La normalisation du RN passe beaucoup par son acceptation progressive au sein du champ politique et de l’espace médiatique, mais aussi par les discussions du quotidien et les interactions ordinaires entre amis, voisins, collègues, en famille. Ce vote est validé par les proches, par les gens qui comptent ou, plus simplement, par les gens qui se ressemblent socialement. Cette normalisation est cependant très loin d’être achevée : pour une part encore très importante de la population, le RN reste un vote illégitime, voire un vote repoussoir. Il n’y a donc rien d’irréversible.

      Beaucoup voient dans le succès du RN un vote de colère, protestataire, voire « dégagiste ». Ce n’est pas votre analyse. Pourquoi ?

      Ce n’est pas faux, bien sûr, mais cette explication m’a toujours semblé incomplète. D’une part, _[et Ruffin devrait accepter d’y penser, ce qui le conduirait peut-être à mettre en cause sa propre aversion pour les étrangers...] la colère exprimée n’est pas une colère « aveugle » qui se distribue au hasard : elle vise prioritairement certains groupes sociaux – je pense notamment aux minorités ethnoraciales, aux « assistés » et à certaines fractions des élites culturelles, médiatiques et politiques. D’autre part, les électeurs n’ont pas toujours un comportement « dégagiste » : la majorité des mairies conquises par le FN en 2014 ont été reconduites lors des élections suivantes, souvent dès le premier tour, avec des scores très impressionnants. C’est peut-être une leçon pour les législatives à venir : lorsque l’extrême droite parvient au pouvoir, souvent, elle s’y maintient. Ses victoires lui permettent de solidifier ses soutiens électoraux et de « transformer l’essai » lors des élections suivantes. Beaucoup d’exemples étrangers abondent dans ce sens.

      Pensez-vous que le RN peut remporter une majorité relative, voire absolue, aux élections des 30 et 7 juillet ?

      Il est très important, pour les chercheurs en science politique, de savoir reconnaître leur ignorance faute d’éléments suffisants. Aujourd’hui, on ne dispose pas de suffisamment d’indices sur la manière dont vont se structurer l’opinion publique et l’offre politique au niveau local pour pouvoir en tirer des conclusions sérieuses.

    • Chez les classes moyennes, un vote marqué par la #peur du #déclassement
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/06/23/mais-maman-on-est-pauvres-les-classes-moyennes-a-l-heure-du-declassement_624

      Frappées de plein fouet par l’inflation, exclues des dispositifs d’aide destinés aux plus modestes et sans perspectives d’ascension sociale, les classes moyennes se tournent vers le Rassemblement national, traditionnellement plutôt ancré dans les milieux populaires.
      Par Béatrice Madeline

      « Pour nous, la victoire du Rassemblement national [RN], c’est tout sauf une surprise », confie Yvon Le Flohic, médecin généraliste dans un cabinet médical de Ploufragan, dans l’agglomération de Saint-Brieuc. Un morceau de France ordinaire, où le #revenu annuel moyen était de 23 010 euros en 2021, presque identique à la moyenne nationale (23 160 euros). En 2020, on y comptait un quart de retraités. Parmi les personnes en activité, 20 % d’ouvriers, 30 % d’employés, 30 % de professions intermédiaires et 13 % de cadres ou professions supérieures. Le tout, au cœur d’une Bretagne historiquement imperméable aux extrêmes, affectée ni par la désindustrialisation, ni par le chômage ou l’insécurité.

      Pourtant, le 9 juin au soir, la liste de Jordan Bardella est arrivée en tête aux élections européennes dans les Côtes-d’Armor, avec 28,21 % des suffrages (27,11 % à Ploufragan). En 2019, Renaissance était en tête, et Marine Le Pen obtenait 19 % des voix. « Dans notre cabinet, on voit défiler tout le monde, poursuit le médecin. Nous étions sûrs du résultat. Ici, les gens ont la sensation de ne plus être pris en compte, de ne pas être représentés, ils ne croient plus aux institutions. Et cela ne date pas d’hier. »
      A l’échelle du pays, ces classes moyennes ont exprimé ce ressentiment le 9 juin, lors des élections européennes, certains par l’abstention, et beaucoup d’autres en votant en faveur du RN, traditionnellement plutôt ancré dans les milieux populaires. Selon l’analyse réalisée par OpinionWay, 41 % des ménages gagnant entre 1 000 et 2 000 euros par mois ont voté pour Jordan Bardella, et 33 % de ceux aux revenus compris entre 2 000 et 3 500 euros. Une percée sociologique : parmi les employés, le RN a gagné dix points entre 2019 et 2024, et quinze points parmi les professions intermédiaires.

      De plein fouet

      A ce malaise s’est ajouté un ouragan appelé #inflation, qui a fait vaciller les modes de vie et les certitudes. « On n’avait pas vu une telle hausse des prix depuis quarante ans, et à l’époque, tous les salaires étaient indexés sur les prix, rappelle Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyses et prévisions à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). C’est la première fois qu’on vit une telle crise inflationniste sans cette protection. »

      Prises de plein fouet par la flambée des produits de base – l’alimentaire a connu une hausse de 20 % en deux ans, l’électricité de 70 % en cinq ans –, exclues des dispositifs d’aide destinés aux plus modestes, les classes moyennes ont vu leurs habitudes et leurs modes de consommation bouleversés, comme le raconte Elisabeth (elle a préféré garder l’anonymat), 56 ans, installée sur la côte varoise : « Depuis plusieurs années, j’ai pris l’habitude de compter chaque euro lors de mes courses, et je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule. Je vois aussi des hommes parcourir les rayons la calculette en main. Et ce n’est pas tout. Chaque dépense est planifiée, je ne peux plus partir en vacances, ni épargner. »

      Les « périurbains » et les ruraux ont été plus pénalisés que les autres. On comptait, au plus fort de la crise, trois points d’écart dans la hausse moyenne du coût de la vie entre eux et ceux vivant dans les centres-villes, selon l’OFCE. Certes, les loyers sont plus élevés dans les métropoles, mais les périurbains ou les ruraux sont bien plus tributaires de leur voiture au quotidien et dépensent davantage en chauffage pour leur logement, souvent une maison individuelle.

      Sous pression, les ménages ont du mal à boucler leurs fins de mois, une fois payées les charges fixes, l’électricité, le carburant, les assurances, et l’alimentation, et encore, en supprimant souvent les produits les plus coûteux. « Aujourd’hui, je ne vais plus au restaurant, à peine au cinéma, encore moins à l’opéra. Je voyage en rêve, je suis à découvert le 15 du mois, je paie mon garagiste en trois fois, et j’achète mes vêtements en seconde main », résume Anne, 50 ans, professeure certifiée à temps partiel et un enfant à charge.

      Des dettes impossibles à apurer

      Pour certains, la crise inflationniste s’est traduite par des dettes impossibles à apurer. « On voit arriver des gens qui n’auraient jamais passé notre porte avant, confirme Laetitia Vigneron, conseillère financière à l’Union des associations familiales (UDAF) du Cher. Des personnes qui travaillent, qui ont des crédits immobiliers ou des crédits voiture. » Entre janvier et mai, le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès de la Banque de France a augmenté de 6 % par rapport à 2023. « Le prix des courses a explosé. Les gens n’arrivent plus à s’en sortir. On voit des dossiers de surendettement constitués uniquement de dettes de charges courantes : loyers, assurances, électricité », renchérit Céline Rascagnères, également conseillère financière pour l’UDAF, dans l’Aude.
      Pour ces personnes ni riches ni pauvres, la dégringolade ne se fait pas ressentir uniquement dans le train de vie. Elle est aussi symbolique. « Dans ma tête, un prof faisait partie des classes moyennes supérieures, il pouvait s’offrir deux-trois restos mensuels, des voyages pour le plaisir, des loisirs pour se cultiver, une petite maison pour la retraite et de l’argent pour les enfants, explique Anne, la professeure. Je suis déclassée. » Un sentiment partagé par bon nombre de ses semblables.

      Audrey, une Parisienne de 44 ans, éducatrice spécialisée, gagne 2 100 euros par mois (salaire, prime et pension alimentaire), pour la faire vivre avec son fils : « Le déclassement social, je le vis de la façon suivante : un salaire insuffisant au regard de mes études et de mes responsabilités professionnelles ; le fait de ne pas avoir les moyens de scolariser mon fils dans le privé ; deux semaines de vacances seulement pour moi et une colonie de vacances, en partie financée par la ville, pour mon fils ; la perte de la valeur travail et l’absence d’ascenseur social. »

      Michel, un retraité de 69 ans, est en colère : déposé en février 2024, le dossier de retraite de son épouse, atteinte d’une maladie neurologique, est toujours à l’étude. « En attendant, nous sommes confrontés à des problèmes financiers et à des problèmes de santé, mais nous n’avons aucune aide, car l’on considère que l’on gagne trop ! A ce jour, nous ne faisons qu’un repas sur deux, en mangeant des pâtes et des œufs, et encore, pas toujours. Quel plaisir d’avoir cotisé cinquante-deux ans pour en arriver là ! »

      Précarité nouvelle

      Le sentiment de déclassement s’exprime aussi au travers du regard d’autrui. Installée à Nantes, Catherine, bac + 5, est chargée de communication indépendante, avec des revenus autour de 2 500 euros par mois, « sans aucune perspective de progression ». Elle travaille chez elle, réfléchit depuis deux ans à changer sa voiture sans pouvoir franchir le pas, et ses dernières vacances se résument à une semaine à l’été 2023 dans un village éloigné du Limousin. Mais c’est face à sa fille que la conscience de sa précarité nouvelle la taraude le plus. « L’autre jour, elle a voulu que je lui achète un pull à 90 euros, à la mode chez ses copines. J’ai dit non. Elle s’est exclamée : “Mais, maman, on est pauvres ?” »

      Anne, Audrey et Catherine incarnent la fragilisation financière des familles monoparentales, essentiellement des mères célibataires. Un tiers des pensions alimentaires reste impayé, et le taux de pauvreté dans leurs rangs atteint 32,3 %, contre 14,5 % pour l’ensemble de la population, selon des données de la Caisse d’allocations familiales ou de l’Institut national de la statistique et des études économiques. Faut-il y voir un lien ? Parallèlement, le vote RN a progressé de manière spectaculaire chez les femmes : dix points entre 2019 et 2024, contre trois seulement chez les hommes, indique Ipsos. « Tenant à distance l’héritage viriliste et sexiste de son père, Marine Le Pen se présente comme une femme moderne, mère de famille, divorcée, travaillant, affichant sa “sensibilité à la cause féminine” », rappelait la philosophe Camille Froidevaux-Metterie dans une tribune du Monde du 13 juin.

      Le sentiment de déclassement se voit parfois dans le regard des enfants, mais se mesure toujours par rapport à la génération précédente. « Moins bien que mes parents », déplore Tim, ingénieur dans la fonction publique, quand il parle de l’appartement de 68 mètres carrés qu’il a « difficilement » pu acquérir à Grenoble avec le fruit de son travail. Et il craint que sa propre descendance ne vive la même mésaventure. « Malgré une vie peu dépensière, je peine à épargner et à financer pour mes enfants des études équivalentes à celles que j’ai pu suivre, enchaîne-t-il. En somme, je vis moins bien que mes parents, et la dynamique est à la dégradation. »

      « L’absence de perspectives, la difficulté de dessiner une trajectoire ascendante » font partie des désillusions des classes moyennes, souligne Nicolas Duvoux, sociologue à l’université Paris-VII, qui évoque l’érosion des « possibilités de vie ». Une érosion qui va en s’accentuant, s’inquiète le chercheur. « La précarité sur le marché du travail est devenue la norme, explique-t-il, particulièrement pour les jeunes. Or, la précarité dans l’emploi se traduit par l’impossibilité de construire sa vie de manière durable. Cela ronge le corps social. »

      En vain

      Confrontés à cette précarisation, les jeunes se sentent en outre comme rejetés des villes où ils ont parfois grandi, et souhaiteraient vivre. A 35 ans, Antoine, Bordelais, salarié dans l’associatif, voudrait acheter un 40 mètres carrés dans sa ville : « Impensable avec un smic seul. » Parisiens, Patrick et son épouse, deux enfants, cherchent à s’agrandir. En vain. « Impossible pour nous, couple d’ingénieurs, d’avoir plus de trois pièces. Même les logements sociaux auxquels nous avons droit sont au-dessus de notre budget. Nous voilà moins bien lotis qu’un ouvrier des années 1960 », tranche l’homme de 35 ans. Le problème est encore aggravé dans les régions très touristiques, où les résidences secondaires et autres meublés assèchent le marché pour les locaux, contraints d’aller habiter loin de leur travail – et d’avoir une voiture, qui plombe définitivement le budget.

      Au fond, les classes moyennes « ont une vision ternaire de la société, décrypte le politologue Jérôme Fourquet : « Pour eux, il y a en bas les plus pauvres, les assistés, et au-dessus les riches qui se gavent. Ils ont le sentiment d’être trop riches pour être aidés, trop pauvres pour s’en sortir, et d’être taxés pour financer un modèle social auquel ils n’ont plus accès. Le pacte social implicite, qui est de payer ses impôts mais, en retour, d’en avoir pour son argent, est rompu. »

      Or la gauche, elle, oppose aujourd’hui une vision « binaire », estime M. Fourquet, qui repose sur l’idée du peuple contre les élites – un schéma dans lequel les catégories intermédiaires ne se retrouvent pas : « Le RN, en faisant par exemple de la #voiture un thème politique, a réussi à créer une proximité avec les classes moyennes, qui se sentent enfin prises en compte. »

  • En Birmanie, la junte interdit aux hommes de partir travailler à l’étranger
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/05/03/en-birmanie-la-junte-interdit-aux-hommes-de-partir-travailler-a-l-etranger_6

    En Birmanie, la junte interdit aux hommes de partir travailler à l’étranger
    Publié aujourd’hui à 04h32, modifié à 07h36
    La décision est censée mettre un frein à une vague massive de départs : la junte birmane a annoncé, jeudi 2 mai, suspendre la délivrance aux hommes d’autorisations de travail à l’étranger. La mesure a été prise pour pouvoir « prendre plus de temps afin de vérifier les procédures de départ, et en lien avec d’autres questions », est-il écrit, sans autre précision, dans un communiqué du ministère du travail publié jeudi soir.
    Des milliers de Birmans ont tenté de partir, après que la junte a déclaré, en février, vouloir imposer un service militaire d’au moins deux ans aux hommes de 18 à 35 ans et aux femmes de 18 à 27 ans. Durant les jours suivant l’annonce, de longues files d’attente se sont créées devant les ambassades étrangères à Rangoun, et d’autres personnes ont essayé de traverser la frontière pour rejoindre la Thaïlande, ont rapporté des médias.
    Plus de treize millions de personnes sont concernées par l’appel sous les drapeaux, d’après un porte-parole de la junte, bien que l’armée n’ait la capacité d’en former que 50 000 par an. La loi de service militaire a été conçue par une précédente junte, en 2010, mais elle n’avait jamais été appliquée jusque-là.
    Le texte est « essentiel face à la situation que connaît notre pays », a justifié un porte-parole de la junte. Il prévoit un allongement du service militaire jusqu’à cinq ans en cas d’état d’urgence. Ceux qui ignorent leur convocation risquent une peine de prison de la même durée. Un premier groupe de plusieurs milliers de recrues a déjà commencé l’entraînement, selon des comptes Telegram projunte.
    Décrété par les généraux à leur prise de pouvoir, en 2021, l’état d’urgence est renouvelé tous les six mois, dans un contexte de dégradation de la situation sécuritaire. La persistance de l’état d’urgence repousse également les nouvelles élections nationales, promises par l’armée lorsque celle-ci a renversé la dirigeante élue Aung San Suu Kyi.
    Le putsch a déclenché une reprise du conflit avec des combattants appartenant à des minorités ethniques actifs depuis plusieurs décennies, et il a donné naissance à des dizaines de nouvelles « Forces de défense du peuple », qui, selon les analystes, ont surpris l’armée par leur efficacité. L’offensive coordonnée de trois groupes ethniques minoritaires près de la frontière chinoise, à la fin d’octobre 2023, a marqué un tournant majeur en faveur des adversaires du pouvoir, qui ont pris le contrôle de certaines villes et routes stratégiques, selon des observateurs. Plus de quatre millions de Birmans travaillaient à l’étranger en 2020, selon une estimation de l’Organisation internationale du travail, citant des données du gouvernement. Beaucoup d’autres sont employés au noir loin de chez eux, ont prévenu des experts.

    #Covid-19#migrant#migration#birmanie#crise#chine#frontiere#minorite#securité#sante#emigration

  • « (...) Dragana et moi, deux bêtes qui se regardent dans les yeux, nous, qui devrions être ennemies mortelles, parce que Dragana est une Serbe bosniaque, ou bien une Bosniaque serbe ?, et que je fais partie de la minorité hongroise de Serbie (la folie qui continue à tourner dans ma tête, dans toutes les têtes), il est absurde et absolument possible que l’un de mes cousins déserte parce qu’il ne veut pas, en tant que Hongrois, se battre dans les rangs de l’armée populaire yougoslave, il se peut que l’un des cousins de Dragana l’abatte, parce qu’il se bat dans les rangs de l’armée populaire yougoslave et que les déserteurs on les abat ; mais il se peut également que l’un des cousins de Dragana déserte parce qu’il se sent bosniaque, et qu’en tant que Serbe bosniaque, il ne veut pas se battre dans les rangs e l’armée populaire yougoslave, il se peut que ce soit alors mon cousin qui abatte le cousin de Dragana, parce que mon cousin n’a pas déserté et se bat dans les rangs de l’armée populaire yougoslave, peut-être pour sauver sa propre vie ; mais il se peut aussi qu’ils soient abattus tous deux, par un musulman, un Croate, déchiquetés par une bombe qui n’a pas explosé, par une mine, en un lieu inconnu, dans le no man’s land, au moment où nous tartinons ensemble des tranches de pain dans notre cuisine. »
    #guerre #nationalisme #yougoslavoe #minoritéethnique #exil

    p. 119-120 Pigeon vole

  • « Et dans pas bien longtemps des têtes de cochon comme le type de Csilla vont dégager, tout le monde dit que la guerre approche, ils seront les premiers à être rappelés sous les drapeaux dans l’armée populaire yougoslave, un homme comme ça, à moitié bohémien, il y sera bienvenu, qu’il se batte donc et qu’il crève pour les Serbes ! (…) tante Icu, qui se signe, le suit du regard, et toi, dit-elle, toi aussi tu devais tout autant servir de chair à canon pendant la dernière guerre, toi, un Hongrois parmi les Partisans, toi à qui on n’avait mêm pas donné une arme dans ton régiment de Pétöfi, mais toi et ton épaule, vous l’avez oublié depuis belle lurette, toi, mon Piri, mais moi pas. »
    #guerre #hongrois #minorité #yougoslavie #mémoire #secondeguerremondiale #rrom #racisme #communisme

    Pigeon vole p. 99-100

  • Les mineurs étrangers non accompagnés, si loin de leurs parents : « Je ne peux pas tout raconter à ma mère. Ça la tuerait »
    https://www.lemonde.fr/intimites/article/2024/01/20/les-mineurs-etrangers-non-accompagnes-si-loin-de-leurs-parents-je-ne-peux-pa

    Les mineurs étrangers non accompagnés, si loin de leurs parents : « Je ne peux pas tout raconter à ma mère. Ça la tuerait »
    Par Audrey Parmentier
    Patrice, 17 ans, est fier de présenter l’appartement où il a été placé, dans le 19e arrondissement de Paris : « Ici, c’est la chambre d’un Malien, là celle d’un Ivoirien et voici ma chambre. » L’adolescent camerounais, qui (comme tous les autres mineurs interrogés) a décidé de ne pas dévoiler son identité, montre une pièce ordonnée à la décoration sommaire. Posée sur son bureau dégagé, une pochette bordeaux. A l’intérieur, une boîte d’antidépresseurs. « C’est le psychiatre qui me les a prescrits. »
    Celui qui suit une formation de menuiserie a traversé de nombreuses étapes avant d’arriver à Paris. S’il a quitté le Cameroun, c’est pour une seule personne : sa mère malade. « Elle vendait des beignets dans la rue, elle s’est intoxiquée avec la fumée », relate ce mineur non accompagné (MNA) arrivé en France en mai 2022. A Douala, capitale économique, son père tenait le foyer à bout de bras. « Il est mort il y a trois ans à cause d’une maladie à l’estomac. » Patrice gagnait un peu d’argent pour nourrir sa mère et son frère jumeau : il portait les sacs des clients dans les supermarchés contre une poignée de francs CFA. Une rémunération insuffisante qui l’a poussé à traverser la frontière sans prévenir sa famille.
    « Ma mère n’aurait jamais accepté que je parte », confie Patrice. Sa vie, il l’avait d’abord imaginée au Nigeria, où il est resté deux jours avant de marcher vers l’Europe : Niger, Algérie puis Libye. Assis sur son lit, le jeune homme raconte son calvaire à Tripoli : il y est fait esclave et emprisonné à deux reprises. « Ces choses sont trop douloureuses, je ne peux pas les raconter à ma mère. Ça la tuerait. » La veille, Patrice lui a encore envoyé de l’argent : « Mon éducatrice me conseille de tout garder, mais je ne veux pas. Ce n’est pas grave si je ne mange pas. » De la précarité qu’il connaît à Paris, sa mère ne saura rien. « Ici, c’est pire que la Libye. Quand tu arrives en France, tu penses que le cauchemar s’arrête, mais non. »
    A son arrivée dans la capitale, Patrice est évalué par le Département, qui refuse sa prise en charge, estimant que le jeune homme n’est pas mineur. Sans ressources, Patrice vit plusieurs mois dans le bois de Vincennes, le temps de former un recours devant le tribunal des enfants. En octobre 2022, il est placé par l’aide sociale à l’enfance (ASE). D’abord dans un hôtel à Châtillon (Hauts-de-Seine), puis dans cet appartement, en septembre 2023.
    Un parcours similaire à celui d’une grande majorité des mineurs non accompagnés. En attendant une date d’audience pour la reconnaissance de leur minorité, et ainsi leur prise en charge par l’ASE, ils subissent la précarité et dorment dehors. « Je mentais à ma famille, car la vérité était trop dure. Je disais que je mangeais à ma faim et que je dormais dans un lit », se souvient Thierno (prénom modifié), 17 ans, maintenant placé dans un foyer de l’ASE des Yvelines.
    Cacher la vérité permet de camoufler une désillusion amère : « Quand j’étais au pays, je voyais les choses en grand. Aujourd’hui, je me rends compte que les professeurs de géographie nous ont menti. » Le jeune homme guinéen a longtemps rêvé d’Europe. C’est d’ailleurs pour rejoindre le « Vieux Continent » qu’il a abandonné le nid familial contre l’avis de ses parents.« J’ai pris cette décision à 50 %. Un ami de mon oncle voulait que je parte avec lui et il m’a emmené », raconte ce fils d’un commerçant et d’une mère au foyer. Pendant deux mois, sa famille reste sans nouvelles de lui. « Je ne voulais pas l’avoir au téléphone, j’avais peur que ma mère me dise de revenir », ajoute Thierno, les larmes aux yeux. Parler de ses parents, cela lui fait « remonter des émotions ».
    Une fois en France, une chape de plomb s’abat sur le passé de ces garçons. Un silence alimenté par le processus de reconnaissance de leur minorité. Au cours d’une évaluation, les MNA doivent prouver deux choses : avoir moins de 18 ans et être isolés. Pour satisfaire aux critères de l’évaluateur, il leur est conseillé de dire, par exemple, que leurs parents sont morts. Même si cela n’est pas toujours vrai.Ces adolescents marchent sans arrêt sur un fil, rapporte Noémie Paté, chercheuse en sociologie et maîtresse de conférences à l’Institut catholique de Paris. « D’un côté, le juge des enfants les encourage à renouer avec leur famille, mais de l’autre, ces jeunes savent que le titre de séjour est facilité quand ils n’ont plus de contact avec leurs parents. » En 2022, 14 782 mineurs non accompagnés sont entrés dans le dispositif de protection de l’enfance.
    « Je regrette de n’avoir personne qui veille sur moi, explique Thierno, qui vit douloureusement la séparation d’avec sa famille. Hier, j’avais mal au ventre. L’éducatrice de l’ASE ne répondait pas et je voulais aller aux urgences. Quand tu as tes parents, ce sont eux qui s’occupent de ça. » Il se tourne vers Marie (qui préfère ne pas donner son nom), bénévole aux Midis du Mie, une association d’aide aux adolescents étrangers. C’est elle qu’il a contactée récemment pour une opération chirurgicale. En deuxième année de CAP boulangerie, Thierno a été mis en arrêt maladie pendant trois semaines après son opération. Angoissé, il essaie d’arracher quelques paroles rassurantes à Marie : « Tu penses que mon patron me croit ? » A plusieurs reprises, il répète ressentir « une pression » du fait de se retrouver livré à lui-même.
    En face de lui, Adama acquiesce. Flanqué d’un tee-shirt de l’équipe de France orange et violet, le jeune Malien, 19 ans, a besoin d’une vingtaine de minutes avant de se sentir à l’aise. « Il faut se cogner la tête pour se souvenir », plaisante le jeune homme avant de dérouler son histoire. En 2018, il quitte la Mauritanie direction « la tour Eiffel ». Une décision qu’il prend seul : il ment à sa mère, lui disant qu’il part à Nouakchott, la capitale. A la place, il rejoint le Maroc avec d’autres jeunes de son âge. A 14 ans, Adama laisse derrière lui un petit boulot de berger payé au lance-pierre et quatre sœurs. « Je ne regrette pas, je n’avais pas d’avenir en Mauritanie », justifie celui qui, sur les 475 euros gagnés par mois grâce à son CAP plomberie, envoie un peu d’argent à sa mère. « J’ai mis du temps avant de lui dire que j’étais à Paris, elle était très inquiète. »
    Son titre de séjour en poche, Adama est fier de son parcours. Son prochain objectif : retourner en Mauritanie pour rendre visite à sa famille qu’il n’a pas vue depuis cinq ans. Selon Noémie Paté, « certains jeunes voient le départ comme un acte d’émancipation. Ils prennent la route dans l’objectif de rompre avec la tradition parentale et de conquérir une place sociale ». L’un des schémas classiques est celui de l’aîné de la fratrie qui migre en Europe pour subvenir aux besoins de sa famille.
    Loin de leurs proches, et malgré leur maturité, ces jeunes continuent à avoir des besoins d’enfant. « Les MNA veulent être protégés, aller à l’école, avoir un lieu sûr… », considère Marie Rose Moro, cheffe de service de la Maison de Solenn, qui abrite dans le 14e arrondissement de Paris une antenne destinée aux mineurs non accompagnés. En 2022, plus de 150 jeunes y ont bénéficié d’un suivi psychologique.De temps en temps, l’intervention des parents est indispensable. Comme pour ce jeune Afghan, Massoud, qui a plusieurs tentatives de suicide à son actif. « Il avait fait le trajet depuis un camp de réfugiés en Iran avec son cousin qu’il avait perdu sur la route en Allemagne. A cause de cela, il disait avoir failli à sa mission de “chef de famille”. Il ne se sentait plus digne d’en faire partie », narre Marie Rose Moro. Face à cette situation d’urgence, la pédopsychiatre retrouve sa mère grâce à la Croix-Rouge : « Au téléphone, elle l’a rassuré et Massoud allait beaucoup mieux. »
    D’autres jeunes n’ont pas cette chance. A l’instar de Jean, un Camerounais de 16 ans, qui n’a jamais connu sa mère. Et son père ? Un voile se pose sur ses yeux : « Il était violent et voulait me mettre dans la magie noire… C’est pour cela que j’ai voulu m’échapper. » Emmitouflé dans une polaire orange fluo, le jeune homme décrit une vie sans parents : « Dès 9 ans, je dormais seul dans les rues. Très vite, je ne pouvais plus réfléchir comme un bébé. » Lui-même le constate, son enfance lui a été confisquée.
    En septembre 2023, Jean est arrivé en France et a été accueilli par une dame retraitée à Versailles, grâce au réseau de l’association d’aide aux personnes étrangères Utopia 56. Depuis, il se remet à rêver, surtout au basket, son sport préféré. « Je vais percer. Je dois me fixer la barre très haut pour réussir », dit ce fan des Lakers. Son hébergeuse lui a déjà offert un ballon, un équipement et des chaussures, pour un nouveau départ.

    #Covid-19#migration#migrant#france#MNA#sante#santementale#minorite#ASE#ONG

  • Face à la vague de froid en Ile-de-France, la détresse de jeunes exilés « ni majeurs ni mineurs » aux yeux de l’Etat
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/19/face-a-la-vague-de-froid-en-ile-de-france-la-detresse-de-jeunes-exiles-ni-ma

    Face à la vague de froid en Ile-de-France, la détresse de jeunes exilés « ni majeurs ni mineurs » aux yeux de l’Etat
    Par Fatoumata Sillah
    Lasso Camara a regardé, dans un froid glacial, les flocons de neige recouvrir Paris dans la nuit de mercredi à jeudi. Le thermomètre est descendu jusqu’à − 5 °C. Paire de gants, chaussettes, pulls et couette issus de dons ne suffisent pas à le réchauffer. Le jeune Guinéen de 17 ans, arrivé à Paris il y a trois semaines, dort dans une tente sous le pont de Notre-Dame, en face de la Seine, et ce, depuis le mardi 9 janvier. C’était sa première nuit dehors, alors qu’une vague de froid touchait déjà l’Hexagone avec des températures négatives sur presque tout le territoire. L’adolescent n’a pas trouvé de solution d’hébergement d’urgence.
    Aux yeux des associations, Lasso est un « mijeur » (contraction de mineur et majeur). Aux yeux de l’Etat, il n’entre dans aucune case administrative. Ni officiellement mineurs ni majeurs, ces exilés n’ont pas obtenu la reconnaissance de leur minorité à leur arrivée en France, après une évaluation du département où ils ont tenté leur chance. Leurs documents d’identité, quand ils en ont, les preuves écrites de leurs parcours, ainsi que leurs récits, témoignent pourtant du contraire. S’ensuit alors une bataille administrative durant laquelle ils sont exclus des dispositifs de protection de l’enfance et ne peuvent prétendre aux aides réservées aux majeurs.
    « Des évaluateurs partent du principe que ces jeunes sont malhonnêtes », plutôt que de prouver leur minorité, « ils vont tenter de prouver qu’ils mentent et qu’ils sont incohérents », analyse Patricia Mothes, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’Institut catholique de Toulouse, dont les recherches portent notamment sur la scolarisation des enfants migrants.
    Après que le plan Grand Froid a été déclenché, le gouvernement a annoncé le déblocage d’une enveloppe correspondant à 10 000 places supplémentaires d’hébergement d’urgence en Ile-de-France. Paris a ouvert un gymnase pour mettre à l’abri cinquante jeunes durant quelques jours. Mais Lasso n’a pas obtenu de place. Ni lui, ni la centaine de migrants de toutes nationalités qui dorment dans les trente-neuf tentes de son campement, ou les près de six cents autres dispersés dans au moins une vingtaine de sites, identifiés par l’association de défense des exilés Utopia 56, dans Paris et sa première couronne.
    Le 115, numéro d’urgence pour les personnes sans abri, est, lui, saturé. « Quand on l’appelle, on ne nous répond pas, ou on nous rappelle que seuls les majeurs sont pris en charge. Quand on appelle le 119 [service de protection d’enfants en danger], personne ne vient nous chercher », rapporte Yacoub Cissé, 16 ans et voisin de Lasso. Alors, c’est la rue et pendant les épisodes de grand froid, « vraiment, c’est dur ». « Moi, j’ai cru que j’étais à la limite de mourir cette nuit. Il faisait tellement froid », témoigne, toujours choqué, Sekouba Traoré, 16 ans. Dans une boucle WhatsApp dédiée aux jeunes et aux familles qui campent dehors, Utopia 56 a diffusé des messages audio expliquant comment reconnaître une hypothermie et appeler les secours. Quand le jour se lève, Lasso, Yacoub et lui s’affairent à trouver des couches de vêtement en plus pour les prochaines nuits, si possible une couette et une couverture de survie pour le toit de la tente. « J’aimerais bien avoir au moins trois couvertures et plus de chaussettes », dit Lasso, qui espère, autrement, récupérer le duvet d’un de ses compagnons, là depuis plus longtemps, auquel il souhaite d’être enfin pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.
    A Utopia 56, « on fait des maraudes chaque soir », raconte Alice Bertrand, chargée des mineurs non accompagnés au sein de l’association. Dans la nuit de mercredi 17 à jeudi 18 janvier, trois bénévoles d’une vingtaine d’années font le tour de l’est et du centre de la capitale. « Bonsoir, c’est Utopia, on a du thé et du café », annoncent-ils à leur arrivée dans les campements qu’ils ont identifiés en amont. En anglais, en français ou avec des traducteurs, selon la langue de leurs interlocuteurs, « avez-vous besoin de gants, manteaux ou chaussures ? », demandent Elias Hufnagel, Maëlle Foix et Thomas Dufermont.
    Dans leur voiture, ils ont des cartons de produits d’hygiène, de vêtements, quelques Sheltersuit, cette veste imperméable et coupe-vent qui peut se transformer en combinaison une fois zippée sur un sac de couchage, et des tentes. Même si Alice Bertrand et Thomas Dufermont constatent que les dons ont été nombreux cet hiver, les dix-neuf tentes que les bénévoles peuvent distribuer sont insuffisantes par rapport à la demande. « En ce moment, nous comptons entre 90 et 150 nouveaux mineurs non accompagnés par semaine », selon Alice Bertrand. Utopia se prépare par ailleurs à récupérer – « aujourd’hui, demain, on ne sait pas » – les jeunes à l’abri dans le gymnase ouvert à Paris lorsque le plan Grand Froid sera désactivé et qu’ils se retrouveront à la rue. Des tentes leur seront données pour leur première nuit.
    En France, il n’existe aucune donnée fiable sur le nombre précis de mineurs non accompagnés présents sur le territoire, selon l’ONG Médecins du monde. Le ministère de la justice communique seulement sur le nombre de jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. En 2022, ils étaient 14 782, pour la plupart originaires de Côte d’Ivoire, de Guinée, de Tunisie, du Mali, d’Afghanistan ou encore du Bangladesh. L’association médicale et humanitaire estime toutefois que, dans 70 % des cas, la prise en charge est rejetée. Ces jeunes doivent faire une demande de recours pour que leur minorité soit finalement reconnue et faire valoir leur droit à être mis à l’abri. Le délai entre la saisine du juge des enfants et sa décision varie selon le département. « A Créteil, dans le 94 [Val-de-Marne], ça peut aller jusqu’à sept mois », d’après Renaud Mandel, de l’organisation Accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers (Adjie). Le dossier de Lasso est à Créteil. Dans six mois et huit jours, il devra s’y représenter pour une première audience avec un juge. A l’issue de celle-ci, le magistrat peut demander des investigations complémentaires, comme un examen de maturation osseuse, pouvant prolonger de plusieurs semaines la décision, ou se prononcer. En attendant, Lasso sait qu’il continuera de dormir dehors. « On s’y habitue », lâche-t-il.
    Le traitement de ces jeunes migrants avant la reconnaissance de leur minorité ou lors de leur recours juridique est dénoncé par de nombreuses ONG, qui estiment que la Convention internationale des droits de l’enfant n’est pas respectée. La Cour européenne des droits de l’homme avait aussi condamné la France, en 2019, pour avoir infligé un « traitement dégradant » à un mineur isolé afghan lorsqu’il était en France. Cet enfant, âgé de 11 ans à l’époque, n’avait pas été pris en charge par les autorités. Il avait vécu environ six mois dans le bidonville de Calais (Pas-de-Calais). Unicef France a également interpellé la France à plusieurs reprises sur la situation de ces jeunes.
    L’Adjie a, de son côté, alerté, une nouvelle fois, la Mairie de Paris, en vain. « Nous vous demandons de bien vouloir, en urgence, demander la prise en charge de ces jeunes » face « à la situation de danger du fait de leur minorité et de leur isolement ». La vague de froid « ajoute un danger potentiel de mort pour ces jeunes aux organismes déjà affaiblis par de longues semaines d’errance dans les rues de la capitale », a écrit Renaud Mandel à Anne Hidalgo et Dominique Versini, l’adjointe à la maire de Paris en charge des droits de l’enfant et de la protection de l’enfance. « Avant on avait une réponse, maintenant plus personne nous répond », regrette-t-il. Dominique Versini n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. Pas plus que le ministère du logement, dont le cabinet est vide dans l’attente de la nomination de toute l’équipe du gouvernement de Gabriel Attal. L’adjointe à la maire de Paris en charge des solidarités, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés, Léa Filoche, renvoie, elle, vers l’Etat.

    #Covid-19#migrant#migration#france#MNA#hebergement#urgence#ASE#ong#campement#minorite#iseolement#sante

  • Spannungen zwischen Nato-Staaten und China : Analyse einer zunehmenden Rivalität
    https://www.telepolis.de/features/Spannungen-zwischen-Nato-Staaten-und-China-Analyse-einer-zunehmenden-Rival

    Dans une série d’articles bien documentés Norman Paech vérifie le bien fondé des accusations de génocide contre la Chine. Il confirme l’impression que j’ai depuis le début : Il y a sans doute beaucoup de pratiques du pouvoir chinois qu’on peut critiquer dans le détail, mais les reproches d’actes et de volonté génocidaires contre la Chine sont des fabrications des milieux islamistes et anticommunistes états-uniens, allemands et ouïgours.

    17.1.2024 - China gewinnt an Bedeutung, doch auch der Widerstand wächst. Vorwürfe vor allem aus Nato-Staaten. Wie sich der Konflikt auswirkt. Eine Analyse in drei Teilen. (Teil 1)

    Völkerrechtliche Perspektiven auf die Situation der Uiguren in China
    https://www.telepolis.de/features/Voelkerrechtliche-Perspektiven-auf-die-Situation-der-Uiguren-in-China-9600

    20.1.2024 - UN-Hochkommissariat sieht Menschenrechtslage in Xinjiang kritisch. Chinas Vorgehen stehen zur Debatte. Was sagen Völkerrecht und UNO? Eine Analyse in drei Teilen. (Teil 2)

    China und Xinjiang : Anschuldigungen wegen Völkermordes im Realitätscheck
    https://www.telepolis.de/features/China-und-Xinjiang-Anschuldigungen-wegen-Voelkermordes-im-Realitaetscheck-

    21.1.2024 - Überwachungsapparat in Xinjiang. Leben der Uiguren tiefgreifend verändert. Wird aber die uigurische Kultur zerstört? Eine Analyse in drei Teilen. (Teil 3 und Schluss)

    #USA #Chine #minorités_nationales #terrorisme #islamisme #impérialusme #génocide

  • Vague après vague | jef klak
    https://www.jefklak.org/vague-apres-vague

    Au début de la pandémie de Covid-19, les initiatives autonomes pour préserver la santé des un·es et des autres ont foisonné : brigades de solidarité populaire pour distribuer des repas aux plus pauvres pendant le confinement, fabrication artisanale de masques, auto-organisation à l’échelle des quartiers. Des paroles et des réflexions ont accompagné ces actions.
    Elles venaient des militant·es de la lutte contre le VIH/Sida (Gwen Fauchois) ; du milieu écolo (Aude Vidal) ; de groupes antivalidistes (le Collectif Luttes et handicaps pour l’égalité et l’émancipation) ; de personnes venues des luttes anticarcérales, antiautoritaires ou antifascistes (Acta.zone).

    Au sortir du confinement, des collectifs ont continué à prendre des mesures pour éviter d’occasionner des clusters, avec des tests, des masques, de l’aération. Mais, en parallèle, les intérêts économiques pesaient de tout leur poids pour inciter à un retour rapide au business as usual, puis l’arrivée des vaccins dans les pays industrialisés a changé la donne. L’attention portée au Covid est peu à peu retombée, même dans les espaces qui y étaient les plus sensibles. Au fur et à mesure que la pandémie se banalisait, avec ses vagues à répétitions, le Covid a cessé d’être perçu comme un problème social urgent dont il fallait s’emparer et les gestes de protection collectives sont tombés en déshérence.

    Je voudrais raconter un bout de l’histoire de ces quatre années de pandémie, celui dont j’ai été témoin, depuis la petite partie du champ politique où je m’inscris, où les gens valorisent le fait de s’auto-organiser, critiquent depuis toujours l’État et ses institutions répressives, sont hostiles au capitalisme et aux destructions qu’il engendre et attentif·ves aux relations de pouvoir qui structurent la société. Depuis 2020, dans ce camp des luttes et du mouvement social, une position a éclos, revendiquant l’importance de se prémunir collectivement de la contagion, indépendamment des directives gouvernementales, pour des raisons politiques.

    #covid_19 #santé #politique #RDR #masque #autodéfense_sanitaire #minorité_de_la_minorité #Cabrioles #darwinisme_social

  • Non, le « #choc_des_civilisations » n’aide pas à comprendre notre époque

    Depuis le 7 octobre, les idées du professeur américain #Samuel_Huntington sont à nouveau vantées, au service d’un idéal de #repli_identitaire. Pourtant, ces thèses fragiles ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique.

    C’est un des livres de relations internationales les plus cités au monde. Publié en 1996, trois ans après un article dans Foreign Affairs, Le Choc des civilisations a fourni un concept qui a proliféré dans le débat public. À la faveur de sa republication en poche aux éditions Odile Jacob, la journaliste et essayiste Eugénie Bastié a eu une révélation : son auteur, le politiste Samuel Huntington (1927-2008), était le prophète de notre époque. Sacrément épatée, elle affirme dans Le Figaro que « chaque jour, l’actualité donne raison » à ce livre « majeur ».

    Elle n’est ni la première ni la seule à le penser. À chaque attentat ou chaque guerre mettant aux prises des belligérants de religions différentes, la théorie est ressortie du chapeau comme une grille explicative. Depuis les massacres du Hamas du 7 octobre, c’est à nouveau le cas. Dans Le Point, Franz-Olivier Giesbert n’a pas manqué de la convoquer dans un de ses éditoriaux. Dans la plus confidentielle et vénérable Revue politique et parlementaire, un juriste s’est appuyé sur Huntington pour conclure tranquillement à « une certaine incompatibilité civilisationnelle entre Arabes et Israéliens et, partant, entre Orient et Occident ».

    Huntington pensait qu’avec la fin de la Guerre froide, les #facteurs_culturels allaient devenir prédominants pour expliquer la #conflictualité dans le système international. Il ajoutait que les risques de conflictualité seraient maximisés aux points de rencontre entre « #civilisations ». À l’en croire, ces dernières seraient au nombre de neuf. La #religion serait un de leurs traits distinctifs essentiels, parmi d’autres caractéristiques socio-culturelles ayant forgé, selon lui, des différences bien plus fondamentales que celles qui existent entre idéologies ou régimes politiques.

    De nombreuses critiques ont été faites aux thèses d’Huntington. Aujourd’hui, ces dernières sont largement considérées comme infirmées et inutilisables dans sa propre discipline. Elles ne sont plus reprises que par des universitaires qui ne sont pas spécialistes de relations internationales, et des acteurs politico-médiatiques qui y trouvent un habillage scientifique aux obsessions identitaires qui les habitent déjà.

    Il faut dire que dans la réflexion d’Huntington, la reconnaissance des #identités_civilisationnelles à l’échelle globale va de pair avec un rejet du multiculturalisme à l’intérieur des États. Eugénie Bastié l’a bien compris, se délectant des conclusions du professeur américain, qu’elle reprend à son compte : « La #diversité est bonne au niveau mondial, mortifère au niveau national. L’#universalisme est un danger à l’extérieur, le #multiculturalisme une #menace à l’intérieur. »

    Des résultats qui ne collent pas

    Le problème, c’est que les thèses d’Huntington ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique. Comme l’a déjà rappelé Olivier Schmitt, professeur à l’Université du Sud au Danemark, des chercheurs ont « testé » les prédictions d’Huntington. Or ils sont tombés sur des résultats qui ne collent pas : « Les actes terroristes, comme les conflits, ont historiquement toujours eu majoritairement lieu – et continuent d’avoir majoritairement lieu – au sein d’une même civilisation. »

    Dans Philosophies du multiculturalisme (Presses de Sciences Po, 2016), le politiste Paul May relève que « les arguments avancés par Huntington pour justifier sa thèse du choc des civilisations ne reposent pas sur de larges analyses empiriques, mais plutôt sur une série d’anecdotes et d’intuitions ». Il dresse le même constat à propos des alertes angoissées d’Huntington sur le supposé moindre sentiment d’appartenance des #minorités à la nation états-unienne, notamment les Hispaniques.

    Huntington procède en fait par #essentialisation, en attribuant des #valeurs_figées à de vastes ensembles socio-culturels, sans prendre au sérieux leur #variabilité dans le temps, dans l’espace et à l’intérieur des groupes appartenant à ces ensembles. Par exemple, son insistance sur l’hostilité entre l’#Occident_chrétien et la #civilisation_islamique néglige de nombreux épisodes de coopération, d’influences mutuelles, d’alliances et de renversement d’alliances, qui ont existé et ont parfois répondu à des intérêts politico-stratégiques. Car si les #identités_culturelles ont bien un potentiel mobilisateur, elles sont justement intéressantes à enrôler et instrumentaliser dans une quête de puissance.

    Le « #déterminisme_culturaliste » d’Huntington, écrivait le professeur Dario Battistella dès 1994, « mérite une #critique approfondie, à l’image de toutes les explications unifactorielles en sciences sociales ». Au demeurant, les frontières tracées par Huntington entre les civilisations existantes reposent sur des critères peu clairs et discutables. Le chercheur Paul Poast a remarqué, dans un fil sur X, que ses choix aboutissent à une superposition troublante avec une carte des « races mondiales », « produite par Lothrop Stoddard dans les années 1920, [ce dernier étant connu pour être] explicitement un suprémaciste blanc ».

    Les mauvais exemples d’#Eugénie_Bastié

    Les exemples mobilisés par Eugénie Bastié dans Le Figaro illustrent toutes les limites d’une lecture outrancièrement culturaliste de la réalité.

    « Dans le cas du conflit israélo-palestinien, écrit-elle, l’empathie n’est plus dictée par des choix rationnels ou idéologiques mais par des appartenances religieuses et identitaires. » Il était toutefois frappant, avant le 7 octobre, de constater à quel point les États du monde arabe et musulman s’étaient désintéressés de la question palestinienne, l’un des objectifs du #Hamas ayant justement été de faire dérailler la normalisation des relations en cours. Et si la composante islamiste de l’identité du Hamas est indéniable, la situation est incompréhensible sans tenir compte du fait qu’il s’agit d’un conflit pour la terre, que d’autres acteurs palestiniens, laïques voire, socialisants, ont porté avant le Hamas.

    Concernant l’#Ukraine, Bastié explique qu’« entre un Ouest tourné vers l’Occident et un Est russophone, Huntington prévoyait trois scénarios : une Ukraine unie pro-européenne, la division en deux avec un est annexé à la Russie, une Ukraine unie tournée vers la Russie. On sait désormais que l’on s’achemine plus ou moins vers le deuxième scénario, le plus proche du paradigme du choc des civilisations. »

    Remarquons d’abord la précision toute relative d’une théorie qui « prédit » des issues aussi contradictoires. Soulignons ensuite que malgré tout, Huntington considérait bien que « si la #civilisation est ce qui compte, la probabilité de la #violence entre Ukrainiens et Russes devrait être faible » (raté). Pointons enfin la séparation caricaturale établie par l’essayiste entre les parties occidentale et orientale du pays. Comme l’a montré l’historien Serhii Plokhy, les agressions russes depuis 2014 ont plutôt contribué à homogénéiser la nation ukrainienne, « autour de l’idée d’une nation multilingue et multiculturelle, unie sur le plan administratif et politique ».

    Enfin, Bastié devait forcément glisser qu’Huntington a formulé sa théorie du choc des civilisations avant même les attentats du 11 septembre 2001, censés illustrer « la résurgence du conflit millénaire entre l’islam et l’Occident ».

    Reprenant sa critique du politiste américain à l’aune de cet événement, Dario Battistella a cependant souligné que « loin de constituer les prémices d’une bataille à venir entre deux grandes abstractions, #Occident et #Islam, les attentats du 11 septembre sont bien l’expression d’une forme pervertie de l’islam utilisée par un mouvement politique dans sa lutte contre la puissance hégémonique américaine ; quant aux bombardements américano-britanniques contre Al-Qaïda et les talibans, ce sont moins des croisades que des opérations de police, de maintien de la “pax americana”, entreprises par la puissance impériale et sa principale alliée parmi les puissances satisfaites de l’ordre existant. »

    À ces illustrations guère convaincantes du prophétisme de Samuel Huntington, il faut ajouter les exemples dont Eugénie Bastié ne parle pas, et qui ne collent pas non plus avec sa grille de lecture.

    Avec la tragédie du Proche-Orient et l’agression russe en Ukraine, l’autre grand drame historique de cette année s’est ainsi joué en #Arménie et en #Azerbaïdjan, avec le #nettoyage_ethnique du #Haut-Karabakh. Or si ce dernier a été possible, c’est parce que le régime arménien a été lâché par son protecteur russe, en dépit de populations communiant majoritairement dans le #christianisme_orthodoxe.

    Cet abandon, à laquelle la difficile révolution démocratique en Arménie n’est pas étrangère, a permis au dirigeant azéri et musulman #Ilham_Aliev de donner libre cours à ses ambitions conquérantes. L’autocrate a bénéficié pour cela d’armes turques, mais il a aussi alimenté son arsenal grâce à l’État d’Israël, censé être la pointe avancée de l’Occident judéo-chrétien dans le schéma huntingtonien interprété par Eugénie Bastié.

    Le côté « chacun chez soi » de l’essayiste, sans surprendre, témoigne en parallèle d’une indifférence aux revendications démocratiques et féministes qui transcendent les supposées différences civilisationnelles. Ces dernières années, ces revendications se sont données à voir avec force en Amérique latine aussi bien qu’en #Iran, où les corps suppliciés des protestataires iraniennes témoignent d’une certaine universalité du combat contre la #domination_patriarcale et religieuse. Cela ne légitime aucune aventure militaire contre l’Iran, mais rappelle que toutes les actions de soutien aux peuples en lutte pour leurs droits sont positives, n’en déplaise au fatalisme huntingtonien.

    On l’aura compris, la thématique du choc des civilisations n’aide aucunement à comprendre notre chaotique XXIe siècle. Il s’agit d’un gimmick réactionnaire, essentialiste et réductionniste, qui donne une fausse coloration scientifique à une hantise du caractère mouvant et pluriel des identités collectives. Sur le plan de la connaissance, sa valeur est à peu près nulle – ou plutôt, elle est la pire manière d’appeler à prendre en compte les facteurs culturels, ce qui souffre beaucoup moins la contestation.

    Sur le plan politique, la théorie du choc des civilisations est un obstacle aux solidarités à construire dans un monde menacé par la destruction de la niche écologique dont a bénéficié l’espèce humaine. Ce sont des enjeux de justice climatique et sociale, avec ce qu’ils supposent de réparations, répartition, redistribution et régulation des ressources, qu’il s’agit de mettre en avant à toutes les échelles du combat politique.

    Quant aux principes libéraux et démocratiques, ils méritent également d’être défendus, mais pas comme des valeurs identitaires opposées à d’autres, dont nous serions condamnés à vivre éloignés. L’universalisme n’est pas à congédier parce qu’il a servi d’alibi à des entreprises de domination. Quand il traduit des aspirations à la paix, à la dignité et au bien-être, il mérite d’être défendu, contre tous les replis identitaires.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/231223/non-le-choc-des-civilisations-n-aide-pas-comprendre-notre-epoque
    #Palestine #Israël

    #Huntington

    • Il retrace sa première rupture avec la gauche radicale à la tuerie de l’école juive Ozar Hatorah, à Toulouse, en 2012. À l’époque, Jean-Luc Mélenchon, en pleine présidentielle, refuse d’interrompre sa campagne. « Il a considéré l’événement comme un fait divers et réduit Mohammed Merah à “un fou furieux”. Ce qu’il a dit en faisant ça, c’est que l’antisémitisme n’existe pas. »

      [...]

      À chaque dérapage, des militants juifs de la gauche radicale ont tenté d’alerter. « Sur Twitter, on leur a dit “attention, il faudrait peut-être réfléchir un peu à cet angle mort qui est en train de devenir assez béant à gauche”, se souvient Esther. Et la réponse, que ce soit des cadres de LFI, comme des gens qui les suivent, c’était “circulez, y’a rien à voir, on n’a pas de problème avec l’antisémitisme et de toute façon vous voyez de l’antisémitisme partout”. »

      Une absence de remise en question que tous soulignent. Volia Vizeltzer s’émerveille même du « manque d’humilité de la gauche pour considérer qu’elle a résolu un problème, l’antisémitisme, qui existe depuis plus ou moins 2 000 ans ».

      S’ajoute à ça la défaillance de la gauche radicale à prendre en compte le ressenti des juifs de France. « Il y a à la fois une incompréhension et un aveuglement total sur la réalité de la vie juive, la réalité des dangers auxquels les juifs sont confrontés depuis 20 ans, estime Enzo. Mais le fond du fond, c’est qu’ils s’en foutent de ce qui arrive aux juifs en fait. »

      Anne a pu observer cette absence de prise en compte dans ses activités militantes. « Quand je fais des commentaires auprès de mes camarades, au sens large, de gauche sur le ressenti des juifs, c’est nié, raconte-t-elle. On me dit “non, c’est pas de l’antisémitisme”. Donc, on passe notre temps dans les mouvements de gauche à dire qu’il faut écouter la parole des femmes et des #minorités. En revanche, quand ce sont des #juifs qui disent qu’il y a de l’antisémitisme, on n’entend pas. »

      Au cœur de ce mépris, pour Eva, se trouvent certains clichés antisémites. « Malgré l’oppression à travers l’histoire, il y a toujours cette idée que le juif est privilégié, que le juif est dominant. C’est ça qui reste encore aujourd’hui, c’est pour ça qu’on est rejetés de certains cercles à gauche, parce qu’il y a cette idée qu’on n’est pas une minorité véritablement opprimée. »

      Des défaillances qui laissent le champ libre à la droite et même à l’extrême droite pour se positionner sur la question de la lutte contre l’antisémitisme. « J’ai l’impression qu’on est vraiment entre le marteau et l’enclume, résume Esther. Et ça fait quand même un bout de temps qu’on est dans cette position-là. Entre une gauche qui vaguement pleure sur la mémoire de la Shoah, mais qui ne veut pas voir le problème d’antisémitisme aujourd’hui en France. Et une droite qui s’approprie la lutte contre l’antisémitisme pour alimenter son agenda raciste et islamophobe. Et nous, on est là au milieu. »

      « Au milieu », les juifs de gauche interrogés se sentent souvent très seuls et ont le sentiment que leur voix n’est pas entendue. « On fait souvent la remarque aux juifs, “ah vous vous mettez au centre de tout”. On ne se met pas au centre de tout, on a juste besoin d’avoir une place, conclut Volia Vizeltzer. On ne peut pas rester dans la gauche si l’antisémitisme y est permis. Et si on parle de tout ça, c’est parce qu’on y tient à la gauche, parce qu’on veut militer dedans. »

      https://seenthis.net/messages/1025494

      #gauche #antisémitisme

  • Aux Etats-Unis, la rentrée signe la fin de la discrimination positive à l’université : « Beaucoup de jeunes Noirs et Latinos se demandent s’ils ont leur place »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/11/07/aux-etats-unis-la-rentree-signe-la-fin-de-la-discrimination-positive-a-l-uni

    Aux Etats-Unis, la rentrée signe la fin de la discrimination positive à l’université : « Beaucoup de jeunes Noirs et Latinos se demandent s’ils ont leur place »Par Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)
    Les universités d’élite ont mis fin aux dispositifs de discrimination positive pour les admissions d’étudiants issus de minorités raciales. Un tournant pour cette population qui doit désormais concourir sur la même ligne de départ que les élèves plus favorisés.
    A ce stade de l’année, sa dernière au lycée, Matthew Echeverria, 17 ans, est surmené. « Vous voulez que je vous raconte ma journée ? », propose-t-il, alors qu’il vient de rentrer chez lui, à Los Angeles, à 20 heures passées. Tout tombe en même temps. D’abord, les examens de milieu de semestre. Pas une sinécure : le lycéen a choisi des cours avancés, de niveau universitaire, indispensables pour espérer intégrer une université d’élite.
    Deuxième source de stress : le dossier de candidature à l’université. Il faut le déposer au plus tard le 1er novembre pour bénéficier du dispositif de décision précoce. Un pensum interminable : le candidat doit réunir ses relevés de notes depuis la troisième, collecter des recommandations de professeurs ou de mentors, et écrire un essai personnel de 650 mots suffisamment original et authentique pour éveiller l’attention de recruteurs qui en reçoivent des dizaines de milliers.

    Matthew travaille à son texte depuis des mois. « Je raconte mon histoire, explique-t-il. C’est beaucoup d’introspection. » Sa mère est originaire du Guatemala ; son père, du Honduras. Ni l’un ni l’autre ne maîtrisent suffisamment l’anglais pour l’aider. « Ils travaillent tellement dur », souligne-t-il. Pas question de les décevoir : il sera le premier de sa famille à faire des études supérieures.En cette fin d’octobre, Matthew s’entraîne aussi pour la finale de cross-country du lycée, également prévue pour le début de novembre. En 2022, il a fini dans les premiers du 5 000 mètres, une performance qu’il entend bien mettre en avant dans son dossier de candidature, d’autant que Dartmouth College, dans le New Hampshire, l’université de ses rêves, compte une équipe d’athlétisme de haut niveau. Le lycéen ambitionne d’entrer à Dartmouth pour son programme, réputé, de sciences politiques et gouvernementales. « Et c’est dans la forêt, en pleine nature, ajoute-t-il. L’opposé de Los Angeles, du bruit et de la pollution. »
    Principe contesté
    A une année près, Matthew aurait pu bénéficier de l’affirmative action, la politique d’admissions préférentielles mise en place depuis les années 1960 aux Etats-Unis pour augmenter le nombre d’étudiants de groupes minoritaires sur les campus.Mais l’affirmative action n’est plus. En juin, la Cour suprême a ordonné la fin de la prise en compte de la « race » du candidat, selon la terminologie utilisée aux Etats-Unis, dans les admissions. « C’est un peu décourageant », réagit le lycéen.Matthew espère que l’enseignement supérieur va continuer à se soucier de diversité. « Tout ce que je fais serait plus facile si j’étais un peu plus privilégié, avance-t-il. Je pourrais avoir un tuteur qui m’aiderait dans les cours de niveau universitaire pour lesquels je n’ai qu’un B. Même pour la course, j’aurais un meilleur coach. En tant que Latino du South Los Angeles, ces privilèges sont hors de ma portée. »Comme Matthew, la plupart des jeunes Noirs et Latinos ont été consternés par la décision de la Cour suprême, remettant en question une conquête de l’époque de la lutte pour les droits civiques. « Cela revient à dire que mon expérience et celle de ma famille n’ont aucune valeur », déplore Markus Ceniceros, 19 ans, étudiant de première année dans un collège communautaire (cycle court) de Phoenix (Arizona). C’est triste de voir le pays retourner en arrière. » Alors qu’il était encore au lycée, Markus a été élu en 2022 au conseil d’administration de son district scolaire. Il avait 40 ans de moins que son prédécesseur, un républicain. La fin de la discrimination positive le confirme dans l’idée que les jeunes doivent s’engager en politique. « Ma génération voit les opportunités lui échapper », regrette Markus.
    La politique dite « d’affirmative action » avait été mise en place par le président Lyndon B. Johnson pour compenser les inégalités raciales, dans la foulée de la déségrégation dans les écoles publiques. En 1965, devant l’université Howard, à Washington, le démocrate avait jugé qu’il n’était pas « juste » de proposer à une personne qui, historiquement, a été « entravée par des chaînes » de venir sur la ligne de départ « concourir avec tous les autres ». Malgré le soutien des administrations suivantes, le principe n’a jamais cessé d’être contesté.
    En 1978, la Cour suprême avait été saisie par un jeune qui reprochait à la faculté de médecine de Davis (Californie) d’avoir réservé des places pour les étudiants issus des minorités. Les juges avaient déclaré illégale la pratique des quotas, mais confirmé que les universités pouvaient prendre en compte l’origine raciale du candidat, entre autres facteurs. Dix-huit ans plus tard, la Californie a invalidé la discrimination positive dans ses universités publiques, suivie par sept Etats (Floride, Idaho, Michigan, Nebraska, New Hampshire, Oklahoma et Washington).Le 28 juin, à l’initiative du groupe conservateur Students for Fair Admissions, qui avait porté plainte contre Harvard et l’université de Caroline du Nord, la Cour suprême a définitivement enterré la pratique. A une majorité de six voix contre trois, les juges ont considéré que l’affirmative action contrevenait au 14e amendement de la Constitution des Etats-Unis, qui garantit aux citoyens une protection égale devant la loi.La décision a une forte portée symbolique. « Beaucoup de jeunes de couleur se demandent, et à juste titre, s’ils ont leur place dans les grandes universités. Si ces établissements veulent encore d’eux », relate Eric Tipler, tuteur et conseiller en admissions à New York.
    En pratique, elle ne change pas grand-chose. De fait, seul un petit nombre d’universités sont concernées, celles qui sont hautement sélectives comme Stanford (Californie) et les huit établissements de l’Ivy League, sur la Côte est (Brown, Columbia, Cornell, Dartmouth, Harvard, Princeton, University of Pennsylvania et Yale), qui acceptent 10 % ou moins des candidats – à la rentrée 2023, le taux d’admission a été de 3,4 % à Harvard, de 4,3 % à Stanford et de 6 % à Dartmouth. Soit une minorité de moins d’une centaine d’universités sur quelque 4 000 établissements d’études supérieures.
    Dans le reste des institutions, le taux moyen d’admission est d’environ 65 %. « La plupart des universités acceptent la majorité des postulants, résume Sandy Baum, économiste au Center on Education Date and Policy de l’Urban institute, un institut de politiques publiques. Mais les universités d’élite ont un poids sans équivalent dans la société américaine. « Les présidents des Etats-Unis, les juges de la Cour suprême, les grands patrons, sont majoritairement issus de ces universités, explique la chercheuse. Y faire ses études, c’est le passeport pour une réussite exceptionnelle. Il est important que les étudiants noirs ou latinos, qui sont désavantagés du fait des inégalités et du racisme de notre société, aient accès à ces possibilités. »
    D’autant qu’une fois sélectionnés les candidats n’ont pas de peine à financer leurs études. Les établissements de l’Ivy League sont assis sur un capital énorme – de 50,9 milliards de dollars (47,3 milliards d’euros) en 2022 pour Harvard – qui leur permet d’offrir des bourses complètes. « Si vous êtes pauvres, c’est moins cher d’étudier à Harvard ou à Stanford que dans un collège local », précise l’économiste.
    Dans les jours qui ont suivi la décision de la Cour suprême, toutes les grandes institutions ont fait savoir qu’elles restaient attachées à maintenir la diversité sur leurs campus. Il reste à y parvenir. Pour les universités, l’équation est délicate, explique Sandy Baum : comment maintenir l’accès des plus défavorisés à leurs enseignements « sans accepter des étudiants insuffisamment qualifiés ». Concrètement, elles ont mis en place des procédures pour atténuer l’effet de la disparition de la discrimination positive.Sur la « Common App » (Common Application), le dossier de candidature commune, partagé par un millier d’universités, les postulants continueront à cocher une case « race et origine ethnique », maintenue à des fins statistiques, mais un logiciel cachera la réponse. Les responsables des admissions n’auront donc pas connaissance de la « race » des candidats, même s’ils n’ignorent ni son nom ni son origine géographique. « Les universités cherchent le moyen de préserver la diversité, mais elles ne veulent pas risquer d’être poursuivies », résume Eric Tipler, lui-même ancien élève de Yale et d’Harvard.Dans son commentaire de la décision, le président de la Cour suprême a laissé ouverte la possibilité pour les candidats de mentionner leur parcours, à titre individuel. Les grandes universités ont sauté sur l’occasion d’offrir aux étudiants l’occasion d’évoquer la discrimination qu’ils ont pu rencontrer dans leur vie. Elles proposent un essai autobiographique supplémentaire. Pour sa part, Harvard propose maintenant cinq questions. Outre une « expérience intellectuelle importante » et « les trois choses que vos camarades aimeraient savoir à propos de vous », elle demande aux postulants de décrire en quoi « leurs expériences personnelles vécues » leur permettront d’ajouter à la diversité du corps étudiant.
    Pour les candidats, c’est un dilemme supplémentaire : doivent-ils mentionner leurs origines ? « Cela revient à demander à un jeune de 17 ans de décrire l’impact de forces sociales aussi considérables que la “race” sur leur vie, s’inquiète Eric Tipler. On ne devrait pas amener les jeunes au point où ils se sentent obligés d’écrire un essai sur leur “race” pour entrer à l’université. » Que conseiller, par exemple, à un jeune Sino-Américain, sachant que les étudiants d’origine asiatique sont déjà surreprésentés sur les campus ? Matthew Echeverria, le jeune Latino de Los Angeles, a, lui, choisi de centrer son essai sur ses origines. Sa moyenne est élevée. Faire valoir les difficultés qu’il a surmontées ne le desservira pas.Les partisans de l’affirmative action craignaient que les lycéens ne se désengagent. Trois mois après l’ouverture des dossiers, les premières statistiques d’inscription à la Common App montrent que le nombre de candidatures est en hausse par rapport à 2022. « Cela montre que les universités et les ONG ont réussi à communiquer aux étudiants qu’ils sont désirés dans les universités », se félicite Audrey Dow, la vice-présidente de The Campaign for College Opportunity, une association qui travaille à étendre l’accès à l’enseignement supérieur.Le résultat reste incertain. « Dans les prochaines années, il est probable qu’un nombre limité d’étudiants noirs et hispaniques seront admis dans les universités les plus sélectives, anticipe l’économiste Sandy Baum. Cela va être très difficile d’empêcher ce résultat. »

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#immigration#enseignementsupérieur#discriminationpositive#mobilitesociale#minorite

  • Les départements alertent sur la question des mineurs isolés étrangers
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/18/les-departements-alertent-sur-la-question-des-mineurs-isoles-etrangers_61952

    Les départements alertent sur la question des mineurs isolés étrangers
    L’Etat doit participer à la prise en charge des mineurs non accompagnés, réclame l’Assemblée des départements de France, qui a voté une résolution en ce sens. Le gouvernement se dit prêt à envisager une « renationalisation » de la protection de l’enfance.
    Par Lyssia Gingins
    Publié le 18 octobre 2023 à 17h59
    Après une baisse liée à la crise sanitaire, les arrivées de mineurs isolés étrangers ont repris de plus belle sur le territoire. Dans les Alpes-Maritimes, ils ont été 5 600 à passer la frontière depuis le début de l’année, contre 3 400 à la même date en 2022, des chiffres avancés par la collectivité locale. De quoi pousser les départements, chargés de leur accueil au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), à alerter face à la saturation de leurs capacités d’accueil. Dans une résolution adoptée à l’unanimité, mercredi 11 octobre, l’Assemblée des départements de France (ADF) demande au gouvernement plusieurs évolutions réglementaires, notamment en matière d’immigration. « On appelle l’Etat à assumer ses responsabilités. Les départements appellent à l’aide depuis des mois », souligne François Sauvadet (UDI), président de l’ADF.
    Les mineurs isolés étrangers, en tant qu’enfants privés de protection familiale, sont pris en charge par les départements. A leur arrivée en France, ils sont soumis à une évaluation de minorité. Entre-temps, le département est responsable de leur mise à l’abri. Le nombre de mineurs isolés pris en charge dans le pays – près de 44 000 d’ici à la fin d’année, avancent les départements, alors que le nombre de mineurs – dépasse désormais le pic de 2018. « Mais, à l’époque, on n’avait pas tous les indicateurs au rouge », alerte le président de l’ADF. Hausse des coûts liée à l’inflation, augmentation continue des placements d’enfants et généralisation de l’accompagnement des 18-21 ans depuis la loi Taquet de 2022 : l’année 2023 s’avère critique pour l’ASE, qui suit plus de 370 000 enfants en France.« La crise actuelle due aux mineurs non accompagnés est venue emboliser un système déjà en tension extrême, conduisant parfois des présidents [de départements] à ne pas pouvoir exécuter des décisions de placements dont ils sont comptables pénalement », alerte l’ADF dans une lettre adressée à la première ministre.
    « Quand les assistantes sociales sont mobilisées à la frontière, elles manquent dans le reste des services, estime Charles-Ange Ginésy (Les Républicains, LR), président des Alpes-Maritimes. Les moyens humains et financiers ne sont pas extensibles, d’autant que le département manque de leviers fiscaux. » Martine Vassal (LR), présidente des Bouches-du-Rhône, espère que le sujet sera abordé à l’occasion du projet de loi immigration, qui permet à la droite de faire monter les enchères sur ces questions et doit être examiné au Sénat à partir du 6 novembre. « On nous demande de gérer le flux migratoire, alors que ce n’est pas notre compétence », regrette-t-elle.
    L’arrivée importante de mineurs isolés étrangers n’est qu’un des aspects des difficultés que traverse l’ASE, selon Stéphane Troussel (Parti socialiste), président de la Seine-Saint-Denis. « Mais ça paraît légitime que l’Etat accompagne sur les compétences qui lui reviennent, et qu’il participe aux dépenses engendrées par sa politique, acquiesce le président du département qui effectue une part importante des évaluations de minorité du pays. Si l’Etat prenait en charge la mise à l’abri avant l’évaluation de minorité, ça arrangerait déjà beaucoup de choses. »
    La mesure figure tout en haut de la liste de demandes de l’Assemblée des départements de France. « La prise en charge de l’immigration ne peut pas reposer uniquement sur la solidarité départementale. La solidarité nationale doit jouer », estime François Sauvadet.Pour autant, l’ADF reconnaît que « la crise que traverse l’ASE dépasse de beaucoup la seule crise migratoire ». Les mineurs isolés ne constituent que 15 % à 20 % des enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance, dont le nombre est en hausse continue. Pour faire face à l’augmentation des placements, le budget consacré par les départements a doublé en vingt ans, pour atteindre 10 milliards aujourd’hui.
    Tous les départements connaissent, de longue date, de graves problèmes de recrutement. « Il y a une crise d’attractivité des métiers du lien social, qui doit devenir un chantier prioritaire », estime Stéphane Troussel. Le département a d’ores et déjà mené un « grand plan » de revalorisation salariale et de conditions de travail, selon son président, « mais sans mobilisation nationale, l’échelon local ne suffira pas ».Pour François Sauvadet, les conditions de ces métiers difficiles sont aggravées par les carences dans certains domaines qui relèvent de la compétence nationale, comme la pédopsychiatrie, la prise en charge du handicap ou encore la protection judiciaire de la jeunesse : « Un jeune en détresse psychiatrique qui casse des meubles, qu’est-ce qu’on peut faire pour lui ? C’est une situation qui relève du soin. »
    Pour les mineurs étrangers, l’accès à la régularisation à la majorité vient également entraver des parcours d’insertion. « On a des situations où un employeur qui voulait accueillir un jeune doit renoncer, parce que son titre de séjour prend des mois à arriver, déplore Stéphane Troussel. L’Etat doit prendre ses responsabilités dans les compétences qui lui reviennent. »
    Face à la bronca des départements, le gouvernement se dit prêt à envisager une « renationalisation » de la protection de l’enfance, même si cette option n’est pas sa « logique première », a indiqué, mercredi 11 octobre, la secrétaire d’Etat à l’enfance, Charlotte Caubel.« Faut-il que l’Etat se charge de l’évaluation de la minorité de ces jeunes, de leur mise à l’abri – auxquelles il contribue déjà – ou plus largement de leur prise en charge ? La discussion est ouverte avec les départements », a indiqué Charlotte Caubel à l’Agence France-Presse. L’idée d’une renationalisation ne séduit pas les présidents de départements. « Laisser croire que l’Etat ferait mieux que nous dans le travail de proximité est scandaleux pour nos agents. Qui veut le retour des DDASS d’antan [supprimées en 2010 et qui relevaient de la compétence de l’Etat] ? » s’agace François Sauvadet.

    #Covid-19#migrant#migration#sante#france#mineurisole#politiquemigratoire#accueil#minorite#regularisation#protectionenfance#parcoursmigratoire#insertion

  • Entretien avec douze vétéran·es : « L’UTCL, un ouvriérisme à visage humain ! »
    https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Entretien-avec-douze-veteran-es-L-UTCL-un-ouvrierisme-a-

    Entretien avec douze vétéran·es : « L’UTCL, un ouvriérisme à visage humain ! »
    26 septembre 2023 par Redac-web-01 / 83 vues

    Les locaux d’AL à Paris 19e, une après-midi devant soi, un buffet campagnard, et le plaisir de retrouver quelques camarades qu’on n’a parfois plus vu depuis plusieurs années… Le 18 septembre 2005, douze anciennes et anciens prenaient part à un entretien croisé sur l’histoire de l’Union des travailleurs communistes libertaires. Dans une ambiance décontractée, sans esquiver les questions dérangeantes, les participants ont offert une image nuancée de ce qu’avait été leur organisation.

    Une explication de l’histoire quelque peu auto-centrée mais le travers est inévitable dans ce genre d’évocation. Pour autant, il n’y a aucune raison d’ignorer le rôle des « minorités agissantes » - avec tout ce que ce terme peut receler d’ambiguïté et de dérives - dans le déroulement des luttes sociales. Un des écueils du militantisme étant, qu’au nom de l’action, l’objectif de « l’auto-organisation dans la lutte », parte dans les limbes, happé par la routine quotidienne militante - notamment syndicaliste - dont le rythme fondamental est imposé par les institutions capitalistes. L’organisation spécifique serait alors précisément le moyen d’échapper à ce travers ? Peut-être. On appréciera d’autant plus l’humilité et la sincérité des militant.es de l’UTCL quand iels évoquent nombre d’erreurs et de dévoiements contre lesquels l’orga n’a été d’aucun recours.

    De mon point de vue, ce long témoignage mérite surtout d’être lu pour les problématiques - dont un certaines sont toujours d’actualité - ayant traversé le mouvement social et sa composante, dite révolutionnaire, et, en particulier, libertaire, depuis une cinquantaine d’année.

  • Existe-t-il des #terrains_hostiles aux #chercheuses ?

    Les chercheuses font face à de véritables problématiques de terrain dans le cadre de leurs recherches. Du monde militaire en passant par le monde politique, quelles stratégies doivent-elles adopter pour mener au mieux leurs études en dépit des #risques encourus sur le terrain ?

    Avec

    – Marielle Debos Chercheuse à l’Institut des Sciences sociales du Politique et maître de conférences en sciences politiques à Paris-Nanterre
    – Ioulia Shukan Spécialiste de l’Ukraine, maîtresse de conférences en études slaves à l’Université Paris Nanterre et chercheuse à l’Institut des Sciences sociales du Politique et associée au Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen
    - Camille Abescat Doctorante en sciences-politique au sein du Centre de recherches internationale de Sciences Po

    C’est un post sur un réseau social qui nous a alerté la semaine dernière sur la publication dans la revue « Critique internationale » d’un vade-mecum intitulé « Genre, sécurité et éthique. Vade-mecum pour l’enquête de terrain. » (https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2023-3-page-59.htm) Son autrice, #Marielle_Debos, spécialiste de politique en Afrique, l’avait tout d’abord destiné à ses étudiantes. Elle s’interroge sur les risques que prennent les chercheuses sur le terrain et la #responsabilité que ces dernières ont vis-à-vis de leurs interviewées.

    Notre deuxième invitée, Camille Abescat, rend sa thèse sur les députés jordaniens cette semaine. Enfin, Ioulia Shukan, spécialiste de l’Ukraine et la Biélorussie, évoquera le changement de nature de son terrain devenu lieu de guerre, qui, comme toutes les chercheuses spécialisées de cette région, a été énormément sollicitée par les médias tout en ayant de plus en plus de difficultés à enquêter pour renouveler ses approches.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/existe-t-il-des-terrains-hostiles-aux-chercheuses-6589647

    #podcast #audio #terrain_de_recherche #recherche_de_terrain #terrain #recherche #femmes

    ping @_kg_

    • #Genre, #sécurité et #éthique. Vade-mecum pour l’enquête de terrain

      Les questions concrètes et matérielles que l’on se pose sur le terrain ne sont pas détachées des questions théoriques, méthodologiques et éthiques. L’article est composé de deux parties : la première est une introduction sur le genre, la sécurité et l’éthique dans les relations d’enquête, la seconde est un vade-mecum qui donne des conseils pour se protéger et protéger les enquêté·es, en mettant l’accent sur les #violences_sexistes et sexuelles. Je défends l’idée que les chercheuses peuvent réinventer une manière de penser et de faire du terrain, entre injonctions paternalistes à la #prudence et déni des difficultés rencontrées. La sécurité, en particulier celle des femmes et des #minorités, sur le terrain et à l’université suppose aussi une réflexion sur les effets de la #précarité et la persistance de #normes (sexisme, #fétichisation des terrains à risques, idéalisation de l’#immersion_ethnographique) qui peuvent les mettre en danger.

      https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2023-3-page-59.htm
      #vademecum #vade-mecum #violences_sexuelles #VSS #paternalisme

    • #BADASSES : Blog d’Auto-Défense contre les Agressions Sexistes et Sexuelles dans l’Enquête en Sciences sociales

      Manifeste

      « Les anthropologues ne se font pas violer ou harceler, les femmes si » (1)
      Moreno, 1995

      C’est ce qu’écrivait Eva Moreno dans un article témoignant du viol qu’elle a subi lors d’une enquête de terrain vingt ans auparavant. Ne nous méprenons pas : la date n’explique rien. Aujourd’hui encore, les violences sexistes et sexuelles s’immiscent dans la relation d’enquête. Sans grande surprise, la fonction de chercheureuse ne nous protège pas. C’est parce que femme, ou minorité de genre, qu’on est harcelé·e, agressé·e, violé·e ; et en tant que chercheureuse et sur notre espace de travail que cela arrive.

      Loin d’être anecdotiques, les violences sexistes et sexuelles dans l’enquête, tout comme dans l’ESR, sont pourtant invisibilisées : à l’Université, c’est le silence qui règne. Alors que les théories féministes et les études de genre ont largement travaillé sur les violences sexistes et sexuelles, que la sociologie regorge d’outils pour analyser les relations de domination, que la réflexivité dans l’enquête s’est imposée dans les sciences sociales, on ne peut que constater l’absence de la prise en compte de ces violences au sein de nos formations. À l’exception de quelques initiatives personnelles, souvent sous forme de séminaires ou de conseils informels aux jeunes chercheureuses, rares sont les TD de méthodologie où l’on discute de ces problématiques, des ressources dont les étudiant·e·s pourraient se saisir pour mieux penser les méthodes d’enquête, se protéger sur le terrain, et acquérir les outils permettant d’analyser et d’objectiver ces violences.

      Ce constat est le résultat d’un manque de considération certain quant au genre de l’enquête. L’enseignement méthodologique se fait le plus souvent à partir de la condition masculine, le devoir de réflexivité s’imposant alors aux seules femmes et minorités de genre – ce qu’illustre d’ailleurs l’importance qui lui est accordée dans les études de genre et de la sexualité. Telle qu’enseignée aujourd’hui, la démarche de l’enquête tend à valoriser les prises de risques. Au nom d’un imaginaire ancré du·de la chercheureuse aventurier·e, du dépassement de soi et de l’injonction à un terrain spectaculaire, les enquêteurices peuvent être poussé·e·s à se mettre en danger, davantage que dans leur vie quotidienne. Les chercheureuses sont encouragé·e·s à privilégier une forme d’intimité avec leurs enquêté·e·s, ainsi qu’à multiplier les relations et les espaces d’observation informel·le·s. En somme, à “tout prendre” pour collecter de “meilleures” données et ce, sans nécessairement avoir la formation indispensable aux pratiques ethnographiques. Fréquemment, la peur de “gâcher son terrain” ou de “se fermer des portes” redouble les risques encourus. Peut-être devrions-nous rappeler que l’abnégation de soi ne fait pas un bon terrain. Il est impératif de déconstruire ces mythes, qui comme toujours exposent davantage les femmes et minorités de genre. Qui plus est, la précarité systémique dans l’ESR – dont les jeunes chercheureuses sont les premières victimes – accentue voire favorise les prises de risques (conditions d’hébergement, de transport…).

      En tant qu’institution, l’Université se doit de visibiliser ces sujets et d’en faire de véritables enjeux. Il est pour cela nécessaire de (re)donner des moyens aux universités, la baisse drastique des financements et des recrutements empêchant la mise en place de véritables formations méthodologiques – qui nous semblent pourtant être un instrument de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais aussi plus généralement contre toute forme de violence dans l’enquête. Au-delà des moyens financiers, les universitaires se doivent aussi de prendre à cœur et à corps ces enjeux pour mettre fin au tabou qui entoure le sujet des violences sexistes et sexistes dans l’enquête. Mais leur seule prise en charge par les institutions en retirerait la charge politique et épistémologique. Il ne s’agit pas non plus d’être dépossédé·e·s d’espaces autonomes, d’auto-défense, pour se former, échanger, construire ensemble nos savoirs et créer des solidarités dans un champ académique qui, toujours plus compétitif et précarisé, freinent la mise en place d’initiatives collectives. En complément aux espaces déjà existants dans certaines universités ou collectifs de recherche, ce blog se veut donc être un espace dématérialisé, pour créer du lien, mutualiser les ressources, faire circuler discussions et outils, les rendre accessibles au plus grand nombre et en conserver les traces. Si l’approche par le genre est au cœur de ce blog, celui-ci a aussi vocation à visibiliser les violences racistes, validistes, classistes et, dans une perspective intersectionnelle, voir comment elles s’articulent avec les violences sexistes et sexuelles.

      (1) Si la citation de l’autrice se limite aux femmes, notons que notre réflexion et notre travail incluent de fait les minorités de genre.

      https://badasses.hypotheses.org

  • La valle che accoglie

    Viaggio nella più antica chiesa protestante italiana, minoranza un tempo perseguitata, che oggi è in prima linea nell’accoglienza dei migranti e nelle battaglie per i diritti delle donne e delle coppie omosessuali.

    Un corteo composto esce da un edificio giallo e bianco in stile inglese: religiosi e delegati marciano in silenzio. Davanti al gruppo, alcuni indossano delle toghe nere, gli abiti lunghi dei pastori; al collo le facciole, dei fiocchi bianchi, nonostante le temperature proibitive che stanno colpendo le Alpi e le prealpi italiane alla fine di agosto. Il corteo attraversa il giardino, poi la strada, quindi svolta per entrare in un altro edificio che ricorda una chiesa anglicana: il tempio di Torre Pellice, dove si svolgerà il rito che aprirà il sinodo annuale della più antica chiesa protestante italiana, la chiesa valdese, che è anche la più progressista del paese.

    Non è possibile sapere di cosa esattamente discuterà il sinodo prima che cominci, perché perfino l’ordine del giorno è deciso dai 180 delegati che da tutta Italia sono arrivati a Torre Pellice, una cittadina a 55 chilometri da Torino. “Abbiamo una maniera di decidere le cose molto democratica”, spiega la pastora e teologa Daniela Di Carlo, che si definisce “femminista, antispecista, ecologista” e cita più volte la femminista statunitense Donna Haraway e il filosofo spagnolo Paul B. Preciado.

    Un ruolo centrale

    È arrivata nella val Pellice da Milano, la città di cui è la guida spirituale per le chiese protestanti e responsabile dei rapporti con le altre religioni. “Al sinodo dei valdesi non partecipa solo il clero: dei 180 delegati solo novanta sono pastori, gli altri novanta sono fedeli, che sono eletti localmente dalle diverse chiese. Questo significa che l’assemblea può ribaltare i pronostici e non si può mai davvero prevedere quello che succederà durante la riunione. Se non si è d’accordo su qualcosa, si va avanti a discutere a oltranza”, assicura la pastora, seduta nella stanza rossa della Casa valdese, la sede della chiesa valdese e della sala del sinodo, circondata dai quadri che rappresentano i benefattori della chiesa.

    I valdesi hanno consacrato la prima pastora nel 1967 in un paese in cui la chiesa cattolica, che è maggioritaria, non riconosce il sacerdozio femminile. Di Carlo studiava architettura all’università, ma poi ha deciso di dedicare la sua vita alla chiesa negli anni ottanta, dopo un’esperienza di volontariato durante il terremoto in Irpinia. “Mi interessavano più le persone delle case”, scherza. “Nel Vangelo Gesù ha affidato alle donne l’annuncio della sua resurrezione, voleva per le donne un ruolo centrale”, continua.

    “Quando Gesù incontra le sorelle di Lazzaro, Marta e Maria, è molto chiaro. Marta si lamenta perché la sorella Maria si è messa ad ascoltare le sue parole, invece di aiutarla nelle faccende domestiche, ma Gesù le risponde di lasciarla stare, perché Maria si è seduta ‘nella parte buona, che non le sarà tolta’”, continua Di Carlo, secondo cui la possibilità di diventare pastore per le donne era presente già agli albori della chiesa valdese, addirittura prima che questa aderisse alla riforma protestante nel cinquecento, per essere prima abolita, quindi ripristinata nella seconda metà del novecento. Come guida spirituale della sua comunità non si sente discriminata in quanto donna. “Tranne nei casi in cui partecipo alle cerimonie ecumeniche, specialmente nel rito ortodosso ci sono molti limiti che ancora escludono le donne dalla liturgia”, spiega.

    I valdesi sono stati i primi a benedire le unioni tra persone dello stesso sesso e nel sinodo di quest’anno potrebbero discutere della gestazione per altri (gpa), una pratica riproduttiva che divide anche le femministe e per cui il governo italiano guidato da Giorgia Meloni ha proposto addirittura l’istituzione del “reato universale”. “Abbiamo affidato a una commissione l’indagine sul tema e ne dovremmo discutere. Potrebbero esserci delle divisioni, come avvenne al tempo del riconoscimento delle unioni civili, ma si troverà un accordo”, assicura Di Carlo. Nel sinodo di quest’anno si discuterà anche della mancata presa di distanza dal fascismo nel sinodo del 1943, che si svolse dal 6 al 10 settembre durante i giorni dell’armistizio dell’8 settembre. Nel sinodo, ancora oggi, alcuni vorrebbero che si chiedesse perdono per non aver preso una decisione netta in quell’occasione.

    “Noi siamo una chiesa che include: siamo impegnati contro l’omotransfobia, contro il razzismo, contro la violenza sulle donne”, continua. “Per noi Gesù è inclusione, è accoglienza. Crediamo in un Dio che è diventato uomo per amare e accogliere e la nostra missione è provare a essere come lui”, sottolinea. Proprio per questo motivo, racconta, le capita di incontrare nella chiesa di Milano persone che si convertono al protestantesimo, perché non si sentono accolte in altre chiese: “Arrivano da noi perché sono divorziati, oppure sono omosessuali e non si sentono accettati in altri contesti, ma sono religiosi e vogliono trovare un posto in cui possano esserlo insieme con gli altri”, conclude.

    L’Europa dei valdesi

    I valdesi prendono il loro nome da un mercante di tessuti del dodicesimo secolo chiamato Valdo, che viveva a Lione ed era diventato estremamente ricco con l’usura. “La sua storia è simile a quella di Francesco di Assisi”, assicura Davide Rosso, direttore della fondazione Centro culturale valdese, mentre fa strada, camminando su un sentiero nel villaggio di Angrogna, un paese di montagna a pochi chilometri da Torre Pellice, che nel cinquecento era diventato il centro più esteso nelle valli valdesi.

    Ad Angrogna è conservata una grotta, che è possibile visitare, in cui i valdesi delle origini si riunivano per celebrare il rito domenicale o si nascondevano quando erano perseguitati, la Gheisa d’la tana (la chiesta della tana). “Oggi è possibile visitare questi luoghi a piedi, perché sono stati riconosciuti come percorso turistico dal Consiglio europeo, che li considera costitutivi della storia europea”, spiega Rosso. Nel 2015 papa Francesco ha visitato per la prima volta un tempio valdese a Torino e ha chiesto perdono per le persecuzioni contro i valdesi, condotte dai cattolici nel corso dei secoli. In quell’occasione è stata Alessandra Trotta, moderatrice della Tavola valdese originaria di Palermo, a dare la benedizione finale a cui ha partecipato anche Bergoglio.

    All’inizio i valdesi, chiamati i “poveri di Lione”, furono tollerati dalle gerarchie ecclesiastiche romane: nel 1180 Valdo rinunciò a tutte le sue ricchezze, distribuì i beni ai poveri e cominciò a predicare e a mendicare. Quando gli chiedevano perché lo avesse fatto, rispondeva: “Se vi fosse dato di vedere e credere i tormenti futuri che ho visto e in cui credo, forse anche voi vi comportereste in modo simile”. Da subito ebbe dei seguaci che, come lui, abbandonavano le ricchezze e la vita mondana, per farsi poveri. Inizialmente erano appoggiati dal vescovo di Lione, ma poi furono scomunicati nel 1184 dal papa Lucio III, perché avevano la “presunzione” di predicare in pubblico pur non essendo consacrati e furono considerati eretici dalla chiesa di Roma.

    Molti valdesi dovettero fuggire dalle persecuzioni e si rifugiarono nelle valli delle alpi Cozie, tra l’Italia e la Francia. Quel territorio diventò una base del movimento religioso, durante secoli di pericoli. Nel sinodo valdese del 1532 proprio ad Angrogna la chiesa aderì alla riforma protestante. “Questo diede ai valdesi un appoggio importante dal punto di vista internazionale e anche una maggiore solidità dal punto di vista teologico”, spiega Rosso, mentre mostra il monumento di Chanforan, un obelisco eretto nei campi di Angrogna, che ricorda il luogo in cui si svolse quel sinodo.

    “In quel momento si decise di tradurre la Bibbia in francese e la traduzione fu affidata a Olivetano, con un grande sforzo economico da parte dei valdesi”, racconta Rosso. Con l’adesione alla riforma, i valdesi vennero allo scoperto e cominciarono a costruire anche dei templi, ma questo favorì le persecuzioni nei loro confronti da parte dei Savoia, spesso per ragioni meramente economiche e politiche.

    “Il seicento è stato un secolo particolarmente difficile: nel 1655 il duca di Savoia condusse una campagna, che aveva come obiettivo lo sterminio dei valdesi”, spiega Davide Rosso, mentre cammina tra le stradine di montagna in una giornata caldissima di agosto. “Le loro case furono distrutte, le persone massacrate o imprigionate e i loro beni confiscati. Molti furono costretti a fuggire in Svizzera o in Francia”. Della questione si occuparono anche i britannici Oliver Cromwell, lord protettore del Commonwealth, e il ministro degli affari esteri, il poeta John Milton, che inviò una serie di lettere ai sovrani e ai governi europei per chiedere che si interessassero della causa valdese.

    Cromwell scrisse addirittura al re di Francia, Luigi XIV, minacciando di interrompere le trattative di amicizia in corso con il Regno Unito, se il re francese non avesse fatto pressione sui Savoia per far ottenere ai valdesi la libertà di culto. Ma solo nel 1848 il re Carlo Alberto di Savoia concesse i diritti civili e politici al gruppo. “Tuttavia la libertà di culto vera e propria è arrivata solo nel 1984, con la firma delle intese con lo stato italiano, anche se era già prevista in teoria dall’articolo 8 della costituzione”, spiega Rosso. Fu la prima intesa di questo tipo firmata in Italia con una minoranza religiosa.

    Per lo storico valdese è importante comprendere i legami dei valdesi con le altre chiese protestanti e i loro rapporti internazionali che gli hanno permesso di sopravvivere pur essendo una minoranza perseguitata. Non è un caso, dice Rosso, che “Altiero Spinelli abbia pronunciato a Torre Pellice il suo primo discorso europeista, dopo la scrittura del manifesto di Ventotene”. Il teorico del federalismo europeo era sfollato a Torre Pellice, a casa di una famiglia valdese di Milano, e Rosso sostiene che in parte sia stato influenzato dall’atmosfera cosmopolita di queste valli.

    “Per decenni i valdesi non hanno potuto studiare, frequentare le scuole pubbliche, perché non avevano diritti civili, quindi era normale per loro trasferirsi in altri paesi europei per studiare. Parlavano almeno tre lingue. Per sopravvivere hanno dovuto emigrare, spostarsi. Ma questo li ha resi poliglotti e gli ha permesso di sviluppare uno spirito europeo. Poi l’idea della federazione è tipica del protestantesimo: le chiese protestanti sono sorelle”, continua Rosso, che accompagnerà il presidente della repubblica italiana Sergio Mattarella nel suo viaggio a Torre Pellice, il 31 agosto. In quell’occasione sarà commemorato il discorso di Spinelli sull’Europa. “È interessante guardare alle elezioni europee del prossimo anno e a quel che rimane del progetto europeo da queste valli”, conclude Rosso.

    Dall’Afghanistan alla val Pellice

    Parwana Kebrit apre la porta di un appartamento luminoso al primo piano di un palazzo che ha le porte di ferro battuto. C’è molto caldo, ma l’interno della casa di Kebrit è fresco e in ombra. La donna è arrivata nella val Pellice cinque mesi fa dal Pakistan, insieme al marito Jawan, con un corridoio umanitario. Originaria di un piccolo paese dell’Afghanistan si è rifugiata in Pakistan per la prima volta nel 2001, insieme alla sua famiglia di origine.

    “È lì che io e le mie sorelle siamo andate a scuola per la prima volta, in Afghanistan la maggior parte delle ragazze non poteva studiare. E al di là dei taliban, il 90 per cento degli afgani pensa che per le donne non sia giusto studiare”, racconta. Poi con la famiglia è tornata a Kabul, dove ha frequentato l’università ed è diventata un’attivista per i diritti delle donne. Ma con il ritorno dei taliban nella capitale afgana nell’agosto del 2021, Kebrit e il marito sono stati costretti a scappare di nuovo. “Per noi non era sicuro rimanere nel paese”, racconta.

    Dal Pakistan è arrivata in Piemonte, accolta dalla Diaconia valdese, che la sta aiutando a riprendere gli studi e a imparare l’italiano, oltre che a farsi riconoscere i titoli di studio del paese di origine. Ha una grande passione per il disegno e la pittura e mostra orgogliosa i suoi quadri, esposti uno vicino all’altro. Uno di questi, l’unico dipinto con i colori a olio, l’ha portato con sé nel viaggio dal Pakistan. Mostra delle donne afgane con i pugni alzati che marciano tenendo una bandiera e schiacciano degli uomini. “Sono le donne che combattono per i loro diritti”, spiega. In un disegno che ha realizzato in Italia, invece, si vedono sei gabbie con dentro degli uccelli, una delle gabbie è rossa ed è aperta, l’uccello è volato via. Nel quadro successivo l’uccello rosso vola dopo essersi liberato. Parwana Kebrit si sente così, finalmente libera. La sua intenzione ora è quella di continuare a studiare. Il suo inglese è fluente e i suoi occhi brillano di fiducia.

    “Amo l’Italia, sono stati tutti gentili e disponibili con noi. Voglio rimanere qui”, assicura. Dal 2016 i valdesi sono promotori, insieme alla Federazione delle chiese evangeliche in Italia e alla comunità di sant’Egidio dei cosiddetti corridoi umanitari, dei ponti aerei che hanno permesso di portare legalmente in Italia 4.244 rifugiati dall’Afghanistan, dal Libano e dalla Libia, in accordo con lo stato italiano. Nove persone arrivate in Italia con i corridoi umanitari sono al momento ospitati nella val Pellice, grazie alla Diaconia valdese. “Si tratta di due famiglie afgane”, spiega Alice Squillace, responsabile dell’accoglienza per la Diaconia. La famiglia di Kebrit e quella di Abdul Mutaleb Hamed, un medico afgano che lavorava con un’ong italiana, il Cospe. “Lavoriamo molto sulla loro inclusione e il rapporto con la comunità ospitante”, assicura. E negli anni non ci sono mai stati grandi problemi.

    “In questo momento in cui si torna a parlare di emergenza migranti in Italia (sono stati superati i centomila arrivi nel 2023, ndr), ci sembra che tutto sia strumentale. Guardare per esempio all’esperienza dei corridoi umanitari mostra che lavorare in maniera umana con piccoli gruppi di persone non produce mai situazioni difficili o ingestibili”, conclude. “Siamo stati rifugiati come valdesi in Svizzera e in Germania e sappiamo quali siano le sofferenze del viaggio e della cattiva accoglienza”, assicura Francesco Sciotto, pastore della chiesa valdese di Messina e presidente della Diaconia valdese, seduto ai tavolini del bar, allestito dalla chiesa valdese durante il sinodo, nel giardino del quartier generale di Torre Pellice. “Per questo i valdesi sono particolarmente impegnati nell’accoglienza e per questo vogliono evitare che altri subiscano le conseguenze di una cattiva accoglienza”.

    Oggi in Italia vivono circa ventimila valdesi e la maggioranza è concentrata nelle tre valli del Piemonte: la val Chisone, la valle Germanasca e la val Pellice. “Come tutte le chiese, anche i valdesi hanno una crisi di fedeli e di vocazioni. Sono sempre di meno i ragazzi e le ragazze che decidono di diventare pastori”, racconta Michel Charbonnier, pastore di Torre Pellice.

    “È una crisi che in larga parte dipende dalla secolarizzazione e che noi vediamo di più in queste valli che nelle chiese delle città in giro per l’Italia”. Secondo Charbonnier, in val Pellice molte persone di famiglia valdese hanno smesso di frequentare la chiesa, ma è un processo che va avanti da decenni.

    “Ne parleremo anche nel sinodo. Ma per certi versi per i valdesi questo è un problema meno urgente che per altre chiese: per noi infatti tutti possono predicare e siamo abituati a essere in pochi”. La chiesa è molto più impegnata nelle questioni di tipo sociale che nelle questioni meramente religiose. “Fermo restando la separazione netta tra lo stato e la chiesa in cui crediamo”, conclude Charbonnier. “Sappiamo che si può incidere, anche se siamo in pochi”.

    https://www.internazionale.it/essenziale/notizie/annalisa-camilli/2023/08/24/valdesi-sinodo-torre-pellice

    #vaudois #église_vaudoise #Italie #protestantisme #sinodo #Val_Pellice #religion #accueil #réfugiés #histoire #Angrogna #réforme_protestante #Olivetano #persécution #extermination #Savoie #minorité_religieuse #minorités #corridor_humanitaire #diaconia_valdese #val_Chisone #valle_Germanasca

  • 50 raisons qui expliquent qu’il n’y a pas de Māori dans votre département de science
    https://academia.hypotheses.org/50981

    Dans le cadre de sa série d’été #DelaracESR, Academia traduit un texte provocateur de Tara MacAllister, chercheuse en sciences environnementales, spécialistes des algues d’eau douce. Néo-Zélandaise, Måori, elle déploie depuis quelques années une activité d’enseignement et de recherche consacrée au … Continuer la lecture →

  • Sur le plateau de Millevaches, une « liste rouge » d’associations privées de subventions
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/09/sur-le-plateau-de-millevaches-une-liste-rouge-d-associations-privees-de-subv

    Dans cette région au tissu associatif dense, plusieurs refus et arrêts de subventions inexpliqués visent des organismes suspectés d’être proches de mouvements comme les Soulèvements de la Terre. Ils sont attribués à des interventions des préfets, qui prendraient prétexte du « contrat d’engagement républicain » pour exercer un contrôle politique sur le champ culturel.

    Y a-t-il une politique délibérée de l’Etat et de ses représentants consistant à discriminer et à sanctionner financièrement des associations ainsi que des communes perçues comme « suspectes » sur le plateau de Millevaches, qui s’étend sur les départements de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute-Vienne ? C’est le sens de deux courriers adressés récemment au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, Etienne Guyot, et à la préfète de la Creuse, Anne Frackowiak-Jacobs, dont Le Monde a pris connaissance.

    La première lettre, signée par le réseau Astre représentant le monde de la culture de la région, s’étonne des refus soudains de subventions par la direction régionale à l’action culturelle (DRAC) à un certain nombre d’associations, engagées depuis plusieurs années dans des actions soutenues de longue date par le ministère de la culture.

    C’est le cas des associations Quartier Rouge, Les Michelines, La Pommerie, mais aussi de Télé Millevaches, créée en 2006 par un prêtre-ouvrier, ou encore de l’association La Broussaille. Les arrêts de financement sont motivés par la seule mention de « crédits insuffisants ». Plusieurs de ces structures sont pourtant engagées dans des programmes pluriannuels. « Quartier Rouge, soutenue depuis 2011 et de manière croissante par la DRAC, est depuis plusieurs mois dans une démarche de conventionnement multipartite (sollicité notamment par la DRAC). A ce jour, les notifications reçues sur les lignes “transmission culturelle” et “innovation territoriale” soldent la perte de 20 000 euros pour la structure », peut-on lire dans la lettre adressée au préfet de région. « La demande sur la ligne “création et arts visuels” (38 000 euros) ne fait l’objet d’aucune réponse. Le refus de cette enveloppe conduirait au licenciement de salarié.e.s, à des arrêts de projets », met en garde le courrier.
    Une politique « volontairement confuse »

    Toutes les associations mentionnées sont durement affectées par l’arrêt subi des crédits accordés par l’Etat. En particulier La Pommerie, soutenue par la DRAC depuis trente ans, et qui se voit retirer 24 500 euros (30 %) de son budget annuel. Les auteurs de la lettre au préfet de région font remarquer qu’une telle politique nuit fortement aux objectifs de l’Etat en matière de revivification des territoires ruraux dans des régions où les collectivités locales sont notoirement pauvres. La préfecture de région, contactée par Le Monde, n’a pas répondu.

    La deuxième lettre, datée du 30 juin, éclaire d’un jour plus politique la première. Signée par Eric Correia, président (Parti radical de gauche) de la communauté d’agglomération du Grand-Guéret, siège de la préfecture de la Creuse, elle exprime sa « vive inquiétude » au sujet de « la lecture qui est faite par les services de l’Etat du contrat d’engagement républicain demandé aux associations ». Ledit contrat d’engagement républicain a été instauré par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République − dite loi contre le séparatisme. Chaque association voulant recevoir des financements publics doit souscrire à ce contrat aux contours flous. M. Correia évoque une politique de mise en œuvre « volontairement confuse et même à bien des égards sciemment opaque » du gouvernement. Au niveau local, il relève la « quasi-certitude quant à un fonctionnement institutionnel » visant à porter atteinte aux « libertés associatives ».

    La vague de refus de subventions sur le plateau de Millevaches semble bien venir d’une série de veto mis par les préfets départementaux et de région à qui la loi de 2021 confie une mission de contrôle des associations : « Il semble (…) qu’il existe une sorte de liste rouge implicite, inavouée, qui pèse désormais telle une épée de Damoclès sur les associations en attente de subvention. » « Les acteurs associatifs qui y seraient inscrits, poursuit l’élu, recevraient ainsi des avis défavorables sans appel et sine die, perdant la manne qui leur est pourtant indispensable. D’autres, que l’on imagine catalogués en “liste orange” verraient suspendues leurs subventions pour des périodes indéterminées (…). »

    M. Correia se fait l’écho de la préoccupation et de l’épuisement d’acteurs associatifs qui se sentent en butte à un harcèlement administratif dans un climat de soupçon permanent. Il semble que certaines communes classées à « l’ultragauche » figurent également sur la « liste rouge » évoquée par l’élu, notamment Gentioux-Pigerolles, Faux-la-Montagne, qui compte trente associations pour 460 habitants, et Saint-Martin-Château, toutes situées dans la Creuse. A Gentioux-Pigerolles, le financement des festivités pour le centenaire du monument aux morts local, qui proclame « Maudite soit la guerre », a été refusé. Tarnac (Corrèze), qui avait été le siège d’un prétendu complot d’ultragauche dans les années 2000, n’est pas loin.

    La préfecture de la Creuse, qui qualifie le courrier de M. Correia de « prise de position politique sans fondement », réfute les refus de crédits : « L’ensemble des associations ont bien bénéficié des subventions prévues. » « Nous avons effectué un travail approfondi sur les demandes pour évaluer leur impact sur le territoire afin d’avoir un regard serré sur la façon dont sont dépensés les deniers publics. C’est tout à fait normal, justifie une source préfectorale. Les délais d’instruction ont été un peu longs. D’où les inquiétudes exprimées. Il n’y a aucune considération politique dans ce processus. »

    Plusieurs sources à la DRAC de Nouvelle-Aquitaine ont confirmé au Monde que les ordres de cessation des subventions sont bien venus des préfectures, ce qui revient à une mise sous tutelle du ministère de la culture par celui de l’intérieur. « Cela a débuté en 2022 par un média, Télé Millevaches, et un centre social de Faux-la-Montagne, témoigne un fonctionnaire de la DRAC sous le couvert de l’anonymat. Nous avions reçu un avis défavorable à toute subvention les concernant. Puis, l’intégralité de nos budgets a été passée au peigne fin. Cela a pris des mois et retardé des paiements en cours ou prévus. Des structures associatives ont dû emprunter pour faire face. En 2023, deux autres médias ont été visés par ces coupes. En cumulant tous les rejets, on atteint la somme de 200 000 euros. Cela paraît dérisoire, mais c’est énorme dans un territoire peuplé de 15 habitants par kilomètre carré. Une dizaine d’emplois sont menacés. » Avanie supplémentaire : les fonctionnaires de la DRAC ont pour consigne de ne pas mentionner les pressions des préfectures.

    Les budgets de la DRAC, qui n’a pas répondu aux questions du Monde, ne sont pas les seuls à être passés au crible. C’est aussi le cas de ceux d’aide à la jeunesse et aux sports : onze dossiers en Creuse ayant reçu un avis très favorable du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire ont été rejetés par le préfet de région, et il a été demandé d’écarter les porteurs de ces projets de l’agrément ouvrant droit à ces fonds.

    Dans son courrier, M. Correia accuse : « Les cibles de ce filtrage politique et idéologique qui ne dit pas son nom sont légion. » Une quinzaine d’associations sont visées par ces coupes claires, toutes localisées en Creuse et en Corrèze. Une autre lettre, signée le 12 juillet par les élus municipaux de Felletin (Creuse), apporte son soutien aux associations. « Nous avons eu des retours informels comme quoi le plateau de Millevaches abriterait, aux yeux des autorités, un tissu associatif qui financerait et abriterait des mouvements comme les Soulèvements de la Terre [dissous par le gouvernement le 21 juin] », confie un bénévole associatif ne souhaitant pas être identifié. Ce dernier dément toute activité politique. Il déplore la volonté de l’Etat de « s’attaquer à un territoire parce qu’il n’entre pas dans l’agenda politique du moment ».

    Le ciblage du plateau de Millevaches, haut lieu de la culture alternative, est récent en Nouvelle-Aquitaine, contrairement au Pays basque, historiquement surveillé. Les observateurs locaux soulignent le rôle joué par les préfets départementaux à la sécurité dans ce processus de criblage des subventions culturelles.

    Dans son courrier, le président d’agglomération du Grand-Guéret n’écarte pas l’hypothèse « qu’il se trouve par endroits des éléments − ultraminoritaires et c’est heureux − qui peuvent porter atteinte à la sûreté de l’Etat ou au pacte de cohésion républicaine », mais il s’insurge contre une politique de sanction injustifiée du monde associatif.

    C’est déjà en Nouvelle-Aquitaine, à Poitiers, que le préfet avait annulé, à l’été 2022, une subvention de la municipalité à l’association Alternatiba au motif qu’elle organise des cours de désobéissance civile et de résistance passive aux mégabassines, comme celle de Sainte-Soline (Deux-Sèvres).