• Les statistiques ethniques au Royaume-Uni, un outil essentiel pour lutter contre les inégalités
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/04/22/les-statistiques-ethniques-au-royaume-uni-un-outil-essentiel-pour-lutter-con

    Les statistiques ethniques au Royaume-Uni, un outil essentiel pour lutter contre les inégalités. Ces données, dont la collecte est réclamée par les minorités, sont désormais systématiquement utilisées par les institutions britanniques. La pandémie de Covid-19 a souligné leur pertinence.
    Le 21 mars dernier, c’était le « census day » au Royaume-Uni : tous les résidents britanniques devaient avoir rempli à cette date un questionnaire destiné au recensement décennal en Angleterre et au Pays de Galles – les retardataires ont encore quelques jours pour s’y coller sur le site census.gov.uk. L’exercice est obligatoire et prend une bonne vingtaine de minutes pour un foyer de cinq personnes : la liste des questions est longue, notamment celles liées à l’ethnicité. Britannique blanc, irlandais, gitan ou rom ? Britannique noir, noir africain ou caribéen ? Britannique indien, pakistanais, chinois, bangladais, ou « autres » ? Et si métis, blanc et asiatique, blanc et noir caribéen, ou noir africain ?
    La pertinence d’une case « Somalien », de deux autres mentionnant les religions « sikh » ou « juive », a bien été discutée en amont, mais surtout entre experts. Pour le reste, les questions (y compris, celles, optionnelles, sur les orientations sexuelles) n’ont choqué personne : au Royaume-Uni, où les interrogations identitaires sont centrales (avec des velléités séparatistes en Ecosse et le vote en faveur du Brexit), la collecte des données religieuses et ethniques ne pose plus problème depuis une trentaine d’années. Au contraire : ces données sont considérées par les Britanniques issus des minorités (on utilise pour les désigner l’acronyme BAME, pour « Black, Asian and minority ethnic » ) comme un puissant outil d’action politique « positive ».Déjà, lors du recensement de 1966, les autorités avaient tenté de classer la population du pays entre Britanniques de l’« ancien Commonwealth » (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande), du « nouveau Commonwealth » (Inde, Pakistan, Bangladesh, Antilles) et du « Commonwealth africain » (Nigeria, Ouganda, Kenya), rappelle, dans un post de blog, Richard Laux, directeur adjoint de la Race Disparity Unit, une unité de collecte des données ethniques au sein du cabinet du premier ministre. Le gouvernement de l’époque voulait évaluer la part des « non-Blancs » dans une population en rapide évolution : l’Empire britannique était en voie avancée de délitement et le Royaume-Uni accueillait chaque année des dizaines de milliers d’expatriés indiens ou jamaïcains.
    Ce n’est qu’avec le recensement de 1991 qu’a été pour la première fois assumée la collecte des données ethniques (liées à une histoire, une culture, une langue, des traditions ou la couleur de peau). Le Labour Force Survey (LFS), la grande enquête trimestrielle sur l’emploi britannique menée par le Bureau de la statistique nationale (Office for National Statistics, ONS), a suivi. « Au début, les pouvoirs publics craignaient que les gens refusent de répondre parce qu’ils auraient eu peur que ces données soient utilisées contre eux. C’est le contraire qui s’est passé, les gens ont répondu sans problème », rappelle James Nazroo, directeur adjoint du Center on the Dynamics of Ethnicity à l’université de Manchester.
    Après la forte montée des inégalités dans les années 1980, la prise de conscience des communautés noires discriminées (notamment lors des émeutes de Brixton, un quartier du sud de Londres), les autorités ont pris l’engagement d’utiliser les données ethniques pour piloter l’application de politiques de justice sociale. « Durant les gouvernements de David Cameron et de Theresa May, cette volonté politique d’utiliser ces statistiques pour lutter contre les inégalités fondées sur l’ethnie s’est encore accentuée. Theresa May a même établi la “Race Disparity Unit” pour diffuser des données sur les inégalités religieuses et ethniques dans les ministères : l’éducation, la santé, etc. », souligne le professeur Nazroo.
    Au dernier recensement (de 2011), les BAME représentaient 14 % des Britanniques (dont 3,3 % de Noirs et 7,5 % d’Asiatiques). Ces statistiques ont-elles aidé à une meilleure représentation de ces populations dans la société ? Elles sont en tout cas systématiquement utilisées comme références. L’université d’Oxford communique ainsi fièrement sur la part des nouveaux inscrits issus des minorités : elle est montée à 22,1 % à la rentrée 2019. La BBC s’est engagée à ce que 15 % de son personnel à l’antenne soit BAME. « Il y a 20 % de BAME dans les écoles à Glasgow, je veux travailler à ce qu’ils aient au moins 20 % des opportunités d’emploi sur place », explique Graham Campbell, candidat d’origine jamaïcaine du parti indépendantiste SNP aux élections législatives écossaises du 6 mai. « Le gros avantage des statistiques ethniques, c’est qu’il est très difficile aux politiques d’ignorer les faits quand les chiffres sont là », constate M. Nazroo.
    La pandémie de Covid-19 a souligné la pertinence de ces statistiques. Dès la fin du printemps 2020, l’ONS a pu montrer que les populations BAME avaient près de deux fois plus de risques de tomber gravement malades et de mourir du Covid-19 que les Blancs. Une surexposition liée, a priori, surtout à leurs conditions de vie et leur travail (beaucoup sont employés par le NHS, l’hôpital public britannique). Ces publics à risque ont fait l’objet de campagnes de communication spécifiques, notamment depuis le début de la vaccination (sans avoir pour autant été priorisés). Le NHS est lui aussi censé collecter les données ethniques de ses patients – il n’en fait pas assez, se plaignent les représentants BAME. Ces données ont entre autres permis de montrer que les femmes noires britanniques avaient cinq fois plus de risques de mourir de complications en couches que celles d’autres ethnies (selon des données compilées entre 2014 et 2016). « La collecte des données ethniques n’a pas joué en défaveur des minorités ni freiné leur intégration, au contraire. Les gens considèrent qu’elles valorisent leur identité, ils sont parfaitement satisfaits de dire qu’ils sont à la fois pakistanais et britanniques, par exemple, ce ne sont pas des identités contradictoires », conclu le professeur Nazroo.

    #Covid-19#migrant#migration#grandebretagne#minorite#race#statistique#BAME#immigration#NHS#systemesante#surexposition#surmortalite

  • La surmortalité en France deux fois plus élevée chez les personnes nées à l’étranger - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/31611/la-surmortalite-en-france-deux-fois-plus-elevee-chez-les-personnes-nee

    Un rapport de l’Institut national des statistiques, Insee, met en lumière la surmortalité qui a été « 2,1 fois plus forte » chez les personnes nées à l’étranger que celles nées en France en 2020, notamment pendant la première vague de la pandémie de coronavirus. Les Africains et les Asiatiques sont particulièrement concernés.Les personnes nées à l’étranger ont connu en 2020, pendant la première vague de la pandémie de Covid-19, une surmortalité deux fois plus élevée que celles nées en France.
    Les décès sont d’ailleurs plus importants chez les personnes originaires d’Afrique, a révélé une enquête de l’Insee, publiée vendredi 16 avril. Si le nombre des morts a augmenté en moyenne de 9% l’an dernier par rapport à 2019 en France, avec 669 000 morts, celui des personnes étrangères a bondi de 17%, précise l’Institut national des statistiques."Pendant la première vague de la pandémie, la hausse des décès des personnes nées à l’étranger a ainsi été 2,1 fois plus forte en moyenne que celle des personnes nées en France", écrit l’Insee, fournissant un aperçu inédit de l’impact de la crise sanitaire sur cette population.
    Dans le détail, la surmortalité a surtout frappé les Maghrébins avec une hausse de 21% (40 100 décès). Les Africains venus d’autres pays (hors Maghreb) ont vu leur mortalité augmenter de 36 % (7 400 décès).L’Asie n’est pas non plus épargnée. Les patients d’origine asiatique ont aussi connu une forte surmortalité, avec un bond de 29% des décès (6 300), alors que ceux originaires d’Europe, d’Amérique ou d’Océanie ont enregistré une hausse de leur mortalité « proche de celle observée pour les personnes nées en France ».
    Si l’Insee affirme que son étude « ne permet pas d’expliquer la différence de surmortalité » entre ces différentes populations, elle relève toutefois que l’écart s’est surtout creusé aux mois de mars et avril 2020, lorsque la situation épidémique a conduit au premier confinement.Sur ces deux mois précis, « toutes causes confondues, les décès de personnes nées à l’étranger ont augmenté de 49% » par rapport à la même période de 2019, contre 23% chez celles nées en France.En particulier, les données de l’Insee révèlent que pendant ces deux mois, la surmortalité a culminé à 55% chez les Maghrébins, 117% chez le reste des Africains et 92% chez les Asiatiques.
    Le ratio de la surmortalité des étrangers « est plus modéré pour la deuxième vague (1,7 contre 2,1), même s’il demeure élevé », écrit encore l’organe de statistique.
    Ces données factuelles viennent conforter l’idée, appuyées par certaines enquêtes publiées ces derniers mois par des associations, que les migrants les plus précaires ont connu une surexposition au virus.Ainsi, une étude menée par Médecins sans frontières (MSF) à l’été 2020, publiée en octobre, mettait en évidence une prévalence « énorme » chez ces personnes.Selon MSF, le taux de positivité au Covid-19 atteignait 50% dans les centres d’hébergement et 89% dans les foyers de travailleurs migrants en Île-de-France, essentiellement peuplés par des ressortissants africains. L’étude de l’Insee, elle aussi, met en évidence que « la hausse des décès a été particulièrement forte en Île-de-France », avec une augmentation de 93% des décès en mars-avril 2020, comparé à la même période de l’année précédente.

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#surmortalite#etranger#minorité#inegalite#systemesante#economie#vulnerabilite#travailleurmigrant#foyer

  • La première vague du Covid-19 a frappé durement les personnes originaires d’Afrique et d’Asie
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/04/16/la-premiere-vague-du-covid-19-a-frappe-durement-les-personnes-originaires-d-

    Une étude de l’Insee montre que l’excès de mortalité, toutes causes confondues, est, pour mars et en avril 2020, deux fois plus élevé parmi les personnes nées à l’étranger. Avec la pandémie de Covid-19, le nombre de décès enregistrés en 2020 a fortement augmenté (669 000 morts en France, contre 613 000 en 2019, soit + 9 %). Mais cette hausse est encore plus marquée chez les personnes nées à l’étranger : elle s’élève à 17 %, contre 8 % pour celles qui sont nées en France – soit presque deux fois plus, comme le montre une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) parue le 16 avril. Ce décalage a été particulièrement net lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19, au printemps 2020.Pour effectuer ces comparaisons, l’Insee a utilisé les données statistiques d’état civil de 2019 et de 2020, dans lesquelles les causes de décès sont inconnues (on ne peut donc par les attribuer directement au Covid-19). Elles contiennent cependant des informations socio-démographiques sur les personnes décédées, parmi lesquelles le pays de naissance.Sur l’ensemble de l’année 2020, l’excès de mortalité a touché en priorité des personnes nées en Afrique hors Maghreb (+ 36 %), en Asie (+ 29 %) et au Maghreb (+ 21 %), alors que l’augmentation des décès des personnes originaires d’Europe, d’Océanie et d’Amérique a été similaire à celle des personnes nées en France.
    C’est lors de la première vague épidémique que cet écart a été le plus important. Les plus touchées ont été les personnes nées en Afrique hors Maghreb (+ 117 %), en Asie (+ 92 %) et au Maghreb (+ 55 %), contre + 23 % pour celles nées en France. L’écart a eu tendance à se réduire lors de la seconde vague, même s’il est resté présent. Contrairement à la première vague, ce sont les personnes nées au Maghreb qui ont enregistré la plus forte hausse de décès à l’automne, avec + 36 %.
    Lors que l’on étudie le détail par région de résidence, les disparités sont fortes. L’Ile-de-France a été particulièrement touchée par l’excès de mortalité de la première vague, et ce phénomène a, une fois encore, davantage touché les personnes d’origine étrangère. « La région présente une forte concentration de personnes originaires du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie », explique au Monde Sylvie Le Minez, chef de l’unité des études démographiques et sociales de l’Insee. Elle abrite 32 % des personnes nées au Maghreb, 49 % de celles nées dans un autre pays d’Afrique, et 48 % des personnes originaires d’Asie.Entre 2019 et 2020, les décès enregistrés chez les moins de 65 ans ont très peu augmenté parmi les personnes nées en France (+ 4 %) ou en Europe (+ 1 %). En revanche, on constate un pic pour celles qui sont originaires du Maghreb (+ 31 %), d’Afrique subsaharienne (+ 101 %) et d’Asie (+ 79 %).
    L’Insee rappelle que ces chiffres, qui prennent appui sur l’état civil, ne donnent pas d’informations sur les conditions de vie ou l’état de santé des personnes décédées (obésité, diabète, etc.). Mais une étude réalisée en mai 2020 (Warszawski et al.) a montré que la séroprévalence, c’est-à-dire le nombre de personnes ayant développé des anticorps contre le virus SARS-CoV-2, était plus élevée parmi les immigrés non européens, en raison notamment de leurs conditions de vies moins favorables.« Les personnes d’origine étrangère ont occupé davantage de postes, de métiers dits “essentiels”, et ont dû continuer à aller travailler pendant le confinement, analyse Mme Le Minez. De plus, les personnes venant par exemple d’Afrique subsaharienne occupent les logements les plus exigus, ce qui peut favoriser la transmission, notamment entre classes d’âge différentes. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#mortalite#immigre#inegalite#travailleuressentiel#travailleurmigrant#minorite#statistique

  • How New Mexico Became the State With the Highest Rate of Full Vaccinations - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2021/04/14/us/new-mexico-covid-vaccines.html

    New Mexico, which has one of the highest poverty rates in the U.S., is a vaccination pacesetter thanks to decisive political decisions, homegrown technology and cooperation.More than 57 percent of New Mexico’s adult population has received at least one dose of the vaccine. And nearly 38 percent of adults are fully vaccinated, a higher rate than in any other state.
    ALBUQUERQUE — Despite having one of the highest poverty rates in the country, New Mexico is surging past states with far more resources in the race to achieve herd immunity against the coronavirus.After New Mexico put into motion one of the most efficient vaccine rollouts in the United States, more than 57 percent of its adult population has now received at least one dose of the vaccine, according to the Centers for Disease Control and Prevention. New Hampshire is the only state with a higher vaccination rate. Nearly 38 percent of New Mexico adults are fully vaccinated, more than any other state.
    The feat is providing some relief in a state where Hispanic and Native American residents — groups that have been among the hardest hit by the coronavirus — together account for 60 percent of the population. Going into the pandemic with a dearth of financial resources compared with richer states, and vulnerabilities like having fewer hospital beds per capita than nearly every other state, the authorities in New Mexico saw the vaccine as their most powerful weapon to stave off an even more harrowing crisis.
    Infectious-disease experts attribute New Mexico’s vaccine success to a combination of homegrown technological expertise, cooperation between state and local agencies and a focus by elected officials on combating the virus.Since vaccines began rolling out in December, new cases of the coronavirus in New Mexico have plunged to fewer than 200 a day from nearly 2,000. Deaths have declined to fewer than five a day from an average of more than 35. In the state’s nursing homes and assisted-care facilities, the average number of deaths each day has fallen from 10 to fewer than one.“New Mexico’s foundational health disparities compel us to think differently than some other states with regard to pandemic response,” Ms. Lujan Grisham said in a statement. “I fully believe New Mexico can be the first state to reach herd immunity and be the first to begin operating in the new post-pandemic ‘normal’ the right way, the safe way.”
    Before vaccines began getting administered last year, Ms. Lujan Grisham mobilized the New Mexico National Guard and Civil Air Patrol, whose pandemic-related missions include operating a large vaccine distribution center in Albuquerque and staffing drive-through testing sites. From the start, the authorities have made both the Pfizer and Moderna vaccines available in roughly equal proportions across the state, accounting for a large majority of doses administered so far.

    In devising its vaccine distribution plan many months ago, the health department also turned to Real Time Solutions, a small software company in Albuquerque. While other states adopted piecemeal registration approaches, resulting in chaotic rollouts, Real Time set up a centralized vaccine portal for all residents to sign up for shots.Big challenges persist during a pandemic, including the threat of new variants and disparities in vaccine acceptance in some communities. According to the health department, Hispanics and African-Americans in New Mexico remain less likely to get the vaccine than Anglos, as non-Hispanic whites are known in the state. (...)But Native Americans in New Mexico, who have endured some of the most severe rural outbreaks during the pandemic, are getting the vaccine at close to the same rate as Anglos in the state. In some instances, tribal nations have done such a thorough job of vaccinating their own citizens that they have begun administering doses to people from neighboring communities, providing another boost to New Mexico’s overall vaccination rate.Health experts say somewhere between 70 to 90 percent of people in a society need to be vaccinated to arrive at herd immunity, a situation in which most of a population is immune to an infectious disease, providing indirect protection to those who are not immune. With less than 40 percent of its residents fully vaccinated, New Mexico still has a long road ahead to reach that point.

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#nouveaumexique#vaccination#sante#inegalite#race#systemesante#communuaute#minorite

  • La fabrique européenne de la race (17e-20e siècles)

    Dans quelle galère sommes-nous allé•es pointer notre nez en nous lançant dans ces réflexions sur la race ? Complaisance à l’air du temps saturé de références au racisme, à la #racialisation des lectures du social, diront certain•es. Nécessaire effort épistémologique pour contribuer à donner du champ pour penser et déconstruire les représentations qui sous-tendent les violences racistes, pensons-nous.

    Moment saturé, on ne peut guère penser mieux… ou pire. Évidemment, nous n’avions pas anticipé l’ampleur des mobilisations contre les #violences_racistes de cet été aux États-Unis, mais nous connaissons leur enracinement dans la longue durée, l’acuité récente des mobilisations, que ce soit « #black_lives_matter » aux États-Unis ou les #mobilisations contre les #violences_policières qui accablent les plus vulnérables en France. L’enracinement aussi des #représentations_racialisées, structurant les fonctionnements sociaux à l’échelle du globe aujourd’hui, d’une façon qui apparaît de plus en plus insupportable en regard des proclamations solennelles d’#égalité_universelle du genre humain. Nous connaissons aussi l’extrême #violence qui cherche à discréditer les #protestations et la #révolte de celles et ceux qui s’expriment comme #minorité victime en tant que telle de #discriminations de races, accusé•es ici de « #terrorisme », là de « #communautarisme », de « #séparatisme », de vouloir dans tous les cas de figure mettre à mal « la » république1. Nous connaissons, associé à cet #antiracisme, l’accusation de #complot dit « #décolonial » ou « postcolonial », qui tente de faire des spécialistes des #colonisations, des #décolonisations et des #rapports_sociaux_racisés des vecteurs de menaces pour l’#unité_nationale, armant le mécontentement des militant•es2. Les propos haineux de celles et ceux qui dénoncent la #haine ne sont plus à lister : chaque jour apporte son lot de jugements aussi méprisants que menaçants. Nous ne donnerons pas de noms. Ils ont suffisamment de porte-voix. Jusqu’à la présidence de la République.

    3L’histoire vise à prendre du champ. Elle n’est pas hors sol, ni hors temps, nous savons cela aussi et tout dossier que nous construisons nous rappelle que nous faisons l’histoire d’une histoire.

    Chaque dossier d’une revue a aussi son histoire, plus ou moins longue, plus ou moins collective. Dans ce Mot de la rédaction, en septembre 2020, introduction d’un numéro polarisé sur « l’invention de la race », nous nous autorisons un peu d’auto-histoire. Les Cahiers cheminent depuis des années avec le souci de croiser l’analyse des différentes formes de domination et des outils théoriques comme politiques qui permettent leur mise en œuvre. Avant que le terme d’« #intersectionnalité » ne fasse vraiment sa place dans les études historiennes en France, l’#histoire_critique a signifié pour le collectif de rédaction des Cahiers la nécessité d’aborder les questions de l’#exploitation, de la #domination dans toutes leurs dimensions socio-économiques, symboliques, dont celles enracinées dans les appartenances de sexe, de genre, dans les #appartenances_de_race. Une recherche dans les numéros mis en ligne montre que le mot « race » apparaît dans plus d’une centaine de publications des Cahiers depuis 2000, exprimant le travail de #visibilisation de cet invisible de la #pensée_universaliste. Les dossiers ont traité d’esclavage, d’histoire coloniale, d’histoire de l’Afrique, d’histoire des États-Unis, de l’importance aussi des corps comme marqueurs d’identité : de multiples façons, nous avons fait lire une histoire dans laquelle le racisme, plus ou moins construit politiquement, légitimé idéologiquement, est un des moteurs des fonctionnements sociaux3. Pourtant, le terme d’ « intersectionnalité » apparaît peu et tard dans les Cahiers. Pour un concept proposé par Kimberlé Crenshaw dans les années 1990, nous mesurons aujourd’hui les distances réelles entre des cultures historiennes, et plus globalement sociopolitiques, entre monde anglophone et francophone, pour dire vite4. Effet d’écarts réels des fonctionnements sociaux, effets de la rareté des échanges, des voyages, des traductions comme le rappelait Catherine Coquery-Vidrovitch dans un entretien récent à propos des travaux des africanistes5, effet aussi des constructions idéologiques marquées profondément par un contexte de guerre froide, qui mettent à distance la société des États-Unis comme un autre irréductible. Nous mesurons le décalage entre nos usages des concepts et leur élaboration, souvent dans les luttes de 1968 et des années qui ont suivi. Aux États-Unis, mais aussi en France6. Ce n’est pas le lieu d’évoquer la formidable énergie de la pensée des années 1970, mais la créativité conceptuelle de ces années, notamment à travers l’anthropologie et la sociologie, est progressivement réinvestie dans les travaux historiens au fur et à mesure que les origines socioculturelles des historiens et historiennes se diversifient. L’internationalisation de nos références aux Cahiers s’est développée aussi, pas seulement du côté de l’Afrique, mais du chaudron étatsunien aussi. En 2005, nous avons pris l’initiative d’un dossier sur « L’Histoire de #France vue des États-Unis », dans lequel nous avons traduit et publié un auteur, trop rare en français, Tyler Stovall, alors professeur à l’université de Berkeley : bon connaisseur de l’histoire de France, il développait une analyse de l’historiographie française et de son difficile rapport à la race7. Ce regard extérieur, venant des États-Unis et critique de la tradition universaliste française, avait fait discuter. Le présent dossier s’inscrit donc dans un cheminement, qui est aussi celui de la société française, et dans une cohérence. Ce n’était pas un hasard si en 2017, nous avions répondu à l’interpellation des organisateurs des Rendez-vous de l’histoire de Blois, « Eurêka, inventer, découvrir, innover » en proposant une table ronde intitulée « Inventer la race ». Coordonnée par les deux responsables du présent dossier, David Hamelin et Sébastien Jahan, déjà auteurs de dossiers sur la question coloniale, cette table ronde avait fait salle comble, ce qui nous avait d’emblée convaincus de l’utilité de répondre une attente en préparant un dossier spécifique8. Le présent dossier est le fruit d’un travail qui, au cours de trois années, s’est avéré plus complexe que nous ne l’avions envisagé. Le propos a été précisé, se polarisant sur ce que nous avions voulu montrer dès la table-ronde de 2017 : le racisme tel que nous l’entendons aujourd’hui, basé sur des caractéristiques physiologiques, notamment la couleur de l’épiderme, n’a pas toujours existé. Il s’agit bien d’une « #invention », associée à l’expansion des Européens à travers le monde à l’époque moderne, par laquelle ils justifient leur #domination, mais associée aussi à une conception en termes de #développement, de #progrès de l’histoire humaine. Les historien•nes rassemblée•es ici montrent bien comment le racisme est enkysté dans la #modernité, notamment dans le développement des sciences du 19e siècle, et sa passion pour les #classifications. Histoire relativement courte donc, que celle de ce processus de #racialisation qui advient avec la grande idée neuve de l’égalité naturelle des humains. Pensées entées l’une dans l’autre et en même temps immédiatement en conflit, comme en témoignent des écrits dès le 17e siècle et, parmi d’autres actes, les créations des « #sociétés_des_amis_des_noirs » au 18e siècle. Conflit en cours encore aujourd’hui, avec une acuité renouvelée qui doit moins surprendre que la persistance des réalités de l’#inégalité.

    5Ce numéro 146 tisse de bien d’autres manières ce socle de notre présent. En proposant une synthèse documentée et ambitieuse des travaux en cours sur les renouvellements du projet social portés pour son temps et pour le nôtre par la révolution de 1848, conçue par Jérôme Lamy. En publiant une défense de l’#écriture_inclusive par Éliane Viennot et la présentation de son inscription dans le long combat des femmes par Héloïse Morel9. En suivant les analyses de la nouveauté des aspirations politiques qui s’expriment dans les « #têtes_de_cortège » étudiées par Hugo Melchior. En rappelant à travers expositions, films, romans de l’actualité, les violences de l’exploitation capitaliste du travail, les répressions féroces des forces socialistes, socialisantes, taxées de communistes en contexte de guerre froide, dans « les Cahiers recommandent ». En retrouvant Jack London et ses si suggestives évocations des appartenances de classes à travers le film « Martin Eden » de Pietro Marcello, et bien d’autres évocations, à travers livres, films, expositions, de ce social agi, modelé, remodelé par les luttes, les contradictions, plus ou moins explicites ou sourdes, plus ou moins violentes, qui font pour nous l’histoire vivante. Nouvelle étape de l’exploration du neuf inépuisable des configurations sociales (de) chaque numéro. Le prochain sera consacré à la fois à la puissance de l’Église catholique et aux normes sexuelles. Le suivant à un retour sur l’histoire du Parti communiste dans les moments où il fut neuf, il y a cent ans. À la suite, dans les méandres de ce social toujours en tension, inépuisable source de distance et de volonté de savoir. Pour tenter ensemble de maîtriser les fantômes du passé.

    https://journals.openedition.org/chrhc/14393

    #histoire #race #Europe #revue #racisme

    ping @cede @karine4

  • The report of the Commission on Race and Ethnic Disparities

    The Commission’s report sets out a new, positive agenda for change. It balances the needs of individuals, communities and society, maximising opportunities and ensuring fairness for all.

    The Commission has considered detailed quantitative data and qualitative evidence to understand why disparities exist, what works and what does not. It has commissioned new research and invited submissions from across the UK.

    Its work and recommendations will improve the quality of data and evidence about the types of barriers faced by people from different backgrounds. This will help to inform actions and drive effective and lasting change.

    https://www.gov.uk/government/publications/the-report-of-the-commission-on-race-and-ethnic-disparities

    #rapport #UK #Angleterre #racisme #discriminations #inégalités
    #Commission_on_Race_and_Ethnic_Disparities (#CRED)

    pour télécharger le rapport :
    https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/974507/20210331_-_CRED_Report_-_FINAL_-_Web_Accessible.pdf

    • Downing Street rewrote ‘independent’ report on race, experts claim

      Commissioners allege No 10 distorted their work on inequality, after conclusions played down institutional racism.

      Officials at Downing Street have been accused of rewriting much of its controversial report into racial and ethnic disparities, despite appointing an independent commission to conduct an honest investigation into inequality in the UK.

      The Observer has been told that significant sections of the report published on 31 March, which were criticised and debunked by health professionals, academics, business chiefs and crime experts, were not written by the 12 commissioners who were appointed last July.

      The 258-page document was not made available to be read in full or signed off by the group, which included scientist and BBC broadcaster Maggie Aderin-Pocock and Samir Shah, former chair of the Runnymede Trust, nor were they made aware of its 24 final recommendations. Instead, the finished report, it is alleged, was produced by No 10.

      Kunle Olulode, an anti-racism activist and director of the charity Voice4Change, is the first commissioner to condemn the government publicly for its lack of transparency. In a statement to the Observer, Olulode’s charity was scathing of the way evidence was cherrypicked, distorted and denied in the final document.

      “The report does not give enough to show its understanding of institutional or structural discrimination … evidence in sections, that assertive conclusions are based on, is selective,” it said. “The report gives no clear direction on what expectations of the role of public institutions and political leadership should be in tackling race and ethnic disparities. What is the role of the state in this?”

      One commissioner, who spoke out on condition of anonymity, accused the government of “bending” the work of its commission to fit “a more palatable” political narrative and denying the working group the autonomy it was promised.

      “We did not read Tony’s [Sewell] foreword,” they claimed. “We did not deny institutional racism or play that down as the final document did. The idea that this report was all our own work is full of holes. You can see that in the inconsistency of the ideas and data it presents and the conclusions it makes. That end product is the work of very different views.”

      The commissioner revealed that they had been privy only to the section of the report they were assigned, and that it had soon become apparent the exercise was not being taken sufficiently seriously by No 10.

      “Something of this magnitude takes proper time – we were only given five months to do this work, on a voluntary basis,” they said. In contrast to the landmark 1999 #Macpherson_report (https://www.theguardian.com/uk-news/2019/feb/22/macpherson-report-what-was-it-and-what-impact-did-it-have), an inquiry into the death of #Stephen_Lawrence, or the 2017 #Lammy_Review, both of which took 18 months to conclude, the report by the Commission on Race and Ethnic Disparities (Cred) was not peer reviewed and was published just seven months after the group first met on a videocall.

      The group, led by Sewell, was set up by #Samuel_Kasumu, No 10’s most senior black special adviser, who resigned from his post on the day the report was published, aghast at its final findings. Accusations that #Munira_Mirza, director of No 10’s policy unit, was heavily involved in steering the direction of the supposedly independent report were not directly addressed by a No 10 spokesperson, who said: “I would reiterate the report is independent and that the government is committed to tackling inequality.”

      A source involved in the commission told the Observer that “basic fundamentals in putting a document like this together were ignored. When you’re producing something so historic, you have to avoid unnecessary controversy, you don’t court it like this report did. And the comms was just shocking.”

      While the prime minister sought to distance himself from the criticism a day after its publication, unusually it was his office rather than the Cred secretariat which initially released the report to the press.

      A spokesperson for the race commission said: “We reject these allegations. They are deliberately seeking to divert attention from the recommendations made in the report.

      “The commission’s view is that, if implemented, these 24 recommendations can change for the better the lives of millions across the UK, whatever their ethnic or social background. That is the goal they continue to remain focused on.”

      https://www.theguardian.com/uk-news/2021/apr/11/downing-street-rewrote-independent-report-on-race-experts-claim

      #récriture #modification #indépendance #contreverse

    • voir aussi les critiques dans la page wiki dédiée au rapport :
      Reactions

      Political:

      Sir Keir Starmer, leader of the Labour Party, said that he was “disappointed” by the Commission’s report.[10][11]

      Isabelle Parasram, vice president of the Liberal Democrats, issued a statement that the Commission had “missed the opportunity to make a clear, bold statement on the state of race equality in this country”. Parasram said that the “evidence and impact of racism in the UK is overwhelming” and that “whilst some of recommendations made in the report are helpful, they fall far short of what could have been achieved”.[12]

      The Green Party of England and Wales issued a statement condemning the summary of the report as “a deliberate attempt to whitewash institutional racism” and that “Institutional racism in the UK does exist”.[13]

      Other:

      David Goodhart welcomed the report as “a game-changer for how Britain talks about race”.[14]

      Rose Hudson-Wilkin, the Bishop of Dover, described the report as “deeply disturbing”; she said the “lived experience” of the people “tells a different story to that being shared by this report”.[15]

      The historian David Olusoga accused the report’s authors of appearing to prefer “history to be swept under the carpet”.[16]

      A Guardian editorial quoted Boris Johnson’s intent to “change the narrative so we stop the sense of victimisation and discrimination”[17] when setting up the commission, and as evidence of the reality of racial inequality listed five recent government reports on different aspects:[18]

      - the criminal justice system (the David Lammy review of 2017[19][20]);
      - schools, courts, and the workplace (the Theresa May race audit of 2017[21]);
      - pay (the Ruby McGregor-Smith review of 2017[22][23]);
      - deaths in police custody (the Elish Angiolini report of 2017[24]);
      - the Windrush scandal (the Wendy Williams review of 2020[25][26]).

      https://en.wikipedia.org/wiki/Commission_on_Race_and_Ethnic_Disparities

  • La longue histoire des réunions non mixtes | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/longue-histoire-reunions-non-mixtes/00098655

    Ces réunions sont aussi mises en place dans les années 1930 par certains hommes noirs, comme Aimé Césaire ou Léopold César Senghor, qui se retrouvent pour discuter de politique. Cette « non-mixité de fait » n’est jamais revendiquée en tant que telle. Comme pour les ouvriers, elle est en partie issue de la proximité géographique qu’engendre la ségrégation qu’ils subissent en habitant dans des quartiers où ils forment les communautés majoritaires. Sans que ce soit l’objectif initial, ils peuvent dès lors discuter de leur situation d’hommes noirs, discriminés et victimes d’inégalités.

    Aux Etats-Unis, le phénomène est encore différent. Selon l’historienne Audrey Célestine, ces réunions sont la conséquence directe d’une ségrégation légale au sein de l’espace public, mise en place depuis la fin du XIXe siècle par les lois dites Jim Crow :

    « Ce sont des réunions qui sont liées à une condition sociale particulière, celle de vivre dans la ségrégation. Les Noirs se réunissent là où ils se rencontrent, donc beaucoup dans les églises, dans les universités. Ça permet à ces personnes de se politiser, entre Afro-Américains. Ce qui fait que la question de la non-mixité n’est pas posée directement, elle est plutôt subie. »

    Sans être jamais théorisées, les réunions non mixtes s’intègrent donc petit à petit dans un ensemble de pratiques militantes qu’utilisent plusieurs minorités pour revendiquer leur droit à l’égalité.

  • How a Volunteer Army is Trying to Vaccinate Black People in the Rural South - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2021/03/28/health/covid-19-vaccine-african-americans.html

    ‘All Hands on Deck’: When Vaccinating Black People Is a Communal Effort
    In the face of limited transportation, patchy internet service and threadbare medical care, community leaders in Alabama and Mississippi are trying to shrink the racial disparities in vaccine access.

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#vaccination#minorite#inegalite#race#sante#systemesante

  • Dans l’ombre du Covid, les Etats-Unis affrontent une crise inédite de la santé mentale | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/140321/dans-l-ombre-du-covid-les-etats-unis-affrontent-une-crise-inedite-de-la-sa

    Dans l’ombre du Covid, les Etats-Unis affrontent une crise inédite de la santé mentale. Alors que le nombre de cas de Covid diminue enfin dans le pays, un autre défi prend forme : traiter le traumatisme collectif causé par la pandémie. Selon Mental Health America, les jeunes et les minorités sont les plus vulnérables.

    Covid-19#migrant#migration#etatsunis#sante#santementale#minorité#trauma#vulnerabilite#inegalite

  • #Intersectionnalité : une #introduction (par #Eric_Fassin)

    Aujourd’hui, dans l’espace médiatico-politique, on attaque beaucoup l’intersectionnalité. Une fiche de poste a même été dépubliée sur le site du Ministère pour purger toute référence intersectionnelle. Dans le Manuel Indocile de Sciences Sociales (Copernic / La Découverte, 2019), avec Mara Viveros, nous avons publié une introduction à ce champ d’études. Pour ne pas laisser raconter n’importe quoi.

    « Les féministes intersectionnelles, en rupture avec l’universalisme, revendiquent de ne pas se limiter à la lutte contre le sexisme. »

    Marianne, « L’offensive des obsédés de la race, du sexe, du genre, de l’identité », 12 au 18 avril 2019

    Une médiatisation ambiguë

    En France, l’intersectionnalité vient d’entrer dans les magazines. Dans Le Point, L’Obs ou Marianne, on rencontre non seulement l’idée, mais aussi le mot, et même des références savantes. Les lesbiennes noires auraient-elles pris le pouvoir, jusque dans les rédactions ? En réalité si les médias en parlent, c’est surtout pour dénoncer la montée en puissance, dans l’université et plus largement dans la société, d’un féminisme dit « intersectionnel », accusé d’importer le « communautarisme à l’américaine ». On assiste en effet au recyclage des articles du début des années 1990 contre le « politiquement correct » : « On ne peut plus rien dire ! » C’est le monde à l’envers, paraît-il : l’homme blanc hétérosexuel subirait désormais la « tyrannie des minorités ».

    Faut-il le préciser ? Ce fantasme victimaire est démenti par l’expérience quotidienne. Pour se « rassurer », il n’y a qu’à regarder qui détient le pouvoir dans les médias et l’université, mais aussi dans l’économie ou la politique : les dominants d’hier ne sont pas les dominés d’aujourd’hui, et l’ordre ancien a encore de beaux jours devant lui. On fera plutôt l’hypothèse que cette réaction parfois virulente est le symptôme d’une inquiétude après la prise de conscience féministe de #MeToo, et les révélations sur le harcèlement sexiste, homophobe et raciste de la « Ligue du Lol » dans le petit monde des médias, et alors que les minorités raciales commencent (enfin) à se faire entendre dans l’espace public.

    Il en va des attaques actuelles contre l’intersectionnalité comme des campagnes contre la (supposée) « théorie du genre » au début des années 2010. La médiatisation assure une forme de publicité à un lexique qui, dès lors, n’est plus confiné à l’univers de la recherche. La polémique a ainsi fait entrevoir les analyses intersectionnelles à un public plus large, qu’articles et émissions se bousculent désormais pour informer… ou le plus souvent mettre en garde. Il n’empêche : même les tribunes indignées qui livrent des noms ou les dossiers scandalisés qui dressent des listes contribuent, à rebours de leurs intentions, à établir des bibliographies et à populariser des programmes universitaires. En retour, le milieu des sciences sociales lui-même, en France après beaucoup d’autres pays, a fini par s’intéresser à l’intersectionnalité – et pas seulement pour s’en inquiéter : ce concept voyageur est une invitation à reconnaître, avec la pluralité des logiques de domination, la complexité du monde social.

    Circulations internationales

    On parle d’intersectionnalité un peu partout dans le monde – non seulement en Amérique du Nord et en Europe, mais aussi en Amérique latine, en Afrique du Sud ou en Inde. Il est vrai que le mot vient des États-Unis : c’est #Kimberlé_Crenshaw qui l’utilise d’abord dans deux articles publiés dans des revues de droit au tournant des années 1990. Toutefois, la chose, c’est-à-dire la prise en compte des dominations multiples, n’a pas attendu le mot. Et il est vrai aussi que cette juriste afro-américaine s’inscrit dans la lignée d’un « #féminisme_noir » états-unien, qui dans les années 1980 met l’accent sur les aveuglements croisés du mouvement des droits civiques (au #genre) et du mouvement des femmes (à la #race).

    Cependant, ces questions sont parallèlement soulevées, à la frontière entre l’anglais et l’espagnol, par des féministes « #chicanas » (comme #Cherríe_Moraga et #Gloria_Anzaldúa), dans une subculture que nourrit l’immigration mexicaine aux États-Unis ou même, dès les années 1960, au Brésil, au sein du Parti communiste ; des féministes brésiliennes (telles #Thereza_Santos, #Lélia_Gonzalez et #Sueli_Carneiro) développent aussi leurs analyses sur la triade « race-classe-genre ». Bref, la démarche intersectionnelle n’a pas attendu le mot intersectionnalité ; elle n’a pas une origine exclusivement états-unienne ; et nulle n’en a le monopole : ce n’est pas une « marque déposée ». Il faut donc toujours comprendre l’intersectionnalité en fonction des lieux et des moments où elle résonne.

    En #France, c’est au milieu des années 2000 qu’on commence à parler d’intersectionnalité ; et c’est d’abord au sein des #études_de_genre. Pourquoi ? Un premier contexte, c’est la visibilité nouvelle de la « #question_raciale » au sein même de la « #question_sociale », avec les émeutes ou révoltes urbaines de 2005 : l’analyse en termes de classe n’était manifestement plus suffisante ; on commence alors à le comprendre, pour les sciences sociales, se vouloir aveugle à la couleur dans une société qu’elle obsède revient à s’aveugler au #racisme. Un second contexte a joué un rôle plus immédiat encore : 2004, c’est la loi sur les signes religieux à l’école. La question du « #voile_islamique » divise les féministes : la frontière entre « eux » et « nous » passe désormais, en priorité, par « elles ». Autrement dit, la différence de culture (en l’occurrence religieuse) devient une question de genre. L’intersectionnalité permet de parler de ces logiques multiples. Importer le concept revient à le traduire dans un contexte différent : en France, ce n’est plus, comme aux États-Unis, l’invisibilité des #femmes_noires à l’intersection entre féminisme et droits civiques ; c’est plutôt l’hypervisibilité des #femmes_voilées, au croisement entre #antisexisme et #antiracisme.

    Circulations interdisciplinaires

    La traduction d’une langue à une autre, et d’un contexte états-unien au français, fait apparaître une deuxième différence. Kimberlé Crenshaw est juriste ; sa réflexion porte sur les outils du #droit qu’elle utilise pour lutter contre la #discrimination. Or aux États-Unis, le droit identifie des catégories « suspectes » : le sexe et la race. Dans les pratiques sociales, leur utilisation, implicite ou explicite, est soumise à un examen « strict » pour lutter contre la discrimination. Cependant, on passe inévitablement de la catégorie conceptuelle au groupe social. En effet, l’intersectionnalité s’emploie à montrer que, non seulement une femme peut être discriminée en tant que femme, et un Noir en tant que Noir, mais aussi une femme noire en tant que telle. C’est donc seulement pour autant qu’elle est supposée relever d’un groupe sexuel ou racial que le droit peut reconnaître une personne victime d’un traitement discriminatoire en raison de son sexe ou de sa race. Toutefois, dans son principe, cette démarche juridique n’a rien d’identitaire : comme toujours pour les discriminations, le point de départ, c’est le traitement subi. Il serait donc absurde de reprendre ici les clichés français sur le « communautarisme américain » : l’intersectionnalité vise au contraire à lutter contre l’#assignation discriminatoire à un groupe (femmes, Noirs, ou autre).

    En France, la logique est toute différente, dès lors que l’intersectionnalité est d’abord arrivée, via les études de genre, dans le champ des sciences sociales. La conséquence de cette translation disciplinaire, c’est qu’on n’a généralement pas affaire à des groupes. La sociologie s’intéresse davantage à des propriétés, qui peuvent fonctionner comme des variables. Bien sûr, on n’oublie pas la logique antidiscriminatoire pour autant : toutes choses égales par ailleurs (en l’occurrence dans une même classe sociale), on n’a pas le même salaire selon qu’on est blanc ou pas, ou la même retraite si l’on est homme ou femme. Il n’est donc pas ou plus possible de renvoyer toutes les explications à une détermination en dernière instance : toutes les #inégalités ne sont pas solubles dans la classe. C’est évident pour les femmes, qui appartiennent à toutes les classes ; mais on l’oublie parfois pour les personnes dites « non blanches », tant elles sont surreprésentées dans les classes populaires – mais n’est-ce pas justement, pour une part, l’effet de leur origine supposée ? Bien entendu, cela ne veut pas dire, à l’inverse, que la classe serait soluble dans une autre forme de #domination. En réalité, cela signifie simplement que les logiques peuvent se combiner.

    L’intérêt scientifique (et politique) pour l’intersectionnalité est donc le signe d’une exigence de #complexité : il ne suffit pas d’analyser la classe pour en avoir fini avec les logiques de domination. C’est bien pourquoi les féministes n’ont pas attendu le concept d’intersectionnalité, ni sa traduction française, pour critiquer les explications monocausales. En France, par exemple, face au #marxisme, le #féminisme_matérialiste rejette de longue date cette logique, plus politique que scientifique, de l’« ennemi principal » (de classe), qui amène à occulter les autres formes de domination. En 1978, #Danièle_Kergoat interrogeait ainsi la neutralisation qui, effaçant l’inégalité entre les sexes, pose implicitement un signe d’égalité entre « ouvrières » et « ouvriers » : « La #sociologie_du_travail parle toujours des “#ouvriers” ou de la “#classe_ouvrière” sans faire aucune référence au #sexe des acteurs sociaux. Tout se passe comme si la place dans la production était un élément unificateur tel que faire partie de la classe ouvrière renvoyait à une série de comportements et d’attitudes relativement univoques (et cela, il faut le noter, est tout aussi vrai pour les sociologues se réclamant du #marxisme que pour les autres. »

    Or, ce n’est évidemment pas le cas. Contre cette simplification, qui a pour effet d’invisibiliser les ouvrières, la sociologue féministe ne se contente pas d’ajouter une propriété sociale, le sexe, à la classe ; elle montre plus profondément ce qu’elle appelle leur #consubstantialité. On n’est pas d’un côté « ouvrier » et de l’autre « femme » ; être une #ouvrière, ce n’est pas la même chose qu’ouvrier – et c’est aussi différent d’être une bourgeoise. On pourrait dire de même : être une femme blanche ou noire, un garçon arabe ou pas, mais encore un gay de banlieue ou de centre-ville, ce n’est vraiment pas pareil !

    Classe et race

    Dans un essai sur le poids de l’#assignation_raciale dans l’expérience sociale, le philosophe #Cornel_West a raconté combien les taxis à New York refusaient de s’arrêter pour lui : il est noir. Son costume trois-pièces n’y fait rien (ni la couleur du chauffeur, d’ailleurs) : la classe n’efface pas la race – ou pour le dire plus précisément, le #privilège_de_classe ne suffit pas à abolir le stigmate de race. Au Brésil, comme l’a montré #Lélia_Gonzalez, pour une femme noire de classe moyenne, il ne suffit pas d’être « bien habillée » et « bien élevée » : les concierges continuent de leur imposer l’entrée de service, conformément aux consignes de patrons blancs, qui n’ont d’yeux que pour elles lors du carnaval… En France, un documentaire intitulé #Trop_noire_pour_être_française part d’une même prise de conscience : la réalisatrice #Isabelle_Boni-Claverie appartient à la grande bourgeoisie ; pourtant, exposée aux discriminations, elle aussi a fini par être rattrapée par sa couleur.

    C’est tout l’intérêt d’étudier les classes moyennes (ou supérieures) de couleur. Premièrement, on voit mieux la logique propre de #racialisation, sans la rabattre aussitôt sur la classe. C’est justement parce que l’expérience de la bourgeoisie ne renvoie pas aux clichés habituels qui dissolvent les minorités dans les classes populaires. Deuxièmement, on est ainsi amené à repenser la classe : trop souvent, on réduit en effet ce concept à la réalité empirique des classes populaires – alors qu’il s’agit d’une logique théorique de #classement qui opère à tous les niveaux de la société. Troisièmement, ce sont souvent ces couches éduquées qui jouent un rôle important dans la constitution d’identités politiques minoritaires : les porte-parole ne proviennent que rarement des classes populaires, ou du moins sont plus favorisés culturellement.

    L’articulation entre classe et race se joue par exemple autour du concept de #blanchité. Le terme est récent en français : c’est la traduction de l’anglais #whiteness, soit un champ d’études constitué non pas tant autour d’un groupe social empirique (les Blancs) que d’un questionnement théorique sur une #identification (la blanchité). Il ne s’agit donc pas de réifier les catégories majoritaires (non plus, évidemment, que minoritaires) ; au contraire, les études sur la blanchité montrent bien, pour reprendre un titre célèbre, « comment les Irlandais sont devenus blancs » : c’est le rappel que la « race » ne doit rien à la #biologie, mais tout aux #rapports_de_pouvoir qu’elle cristallise dans des contextes historiques. À nouveau se pose toutefois la question : la blanchité est-elle réservée aux Blancs pauvres, condamnés à s’identifier en tant que tels faute d’autres ressources ? On parle ainsi de « #salaire_de_la_blanchité » : le #privilège de ceux qui n’en ont pas… Ou bien ne convient-il pas de l’appréhender, non seulement comme une compensation, mais aussi et surtout comme un langage de pouvoir – y compris, bien sûr, chez les dominants ?

    En particulier, si le regard « orientaliste » exotise l’autre et l’érotise en même temps, la #sexualisation n’est pas réservée aux populations noires ou arabes (en France), ou afro-américaines et hispaniques (comme aux États-Unis), bref racisées. En miroir, la #blanchité_sexuelle est une manière, pour les classes moyennes ou supérieures blanches, de s’affirmer « normales », donc de fixer la #norme, en particulier dans les projets d’#identité_nationale. Certes, depuis le monde colonial au moins, les minorités raciales sont toujours (indifféremment ou alternativement) hypo- – ou hyper- –sexualisées : pas assez ou bien trop, mais jamais comme il faut. Mais qu’en est-il des majoritaires ? Ils se contentent d’incarner la norme – soit d’ériger leurs pratiques et leurs représentations en normes ou pratiques légitimes. C’est bien pourquoi la blanchité peut être mobilisée dans des discours politiques, par exemple des chefs d’État (de la Colombie d’Álvaro Uribe aux États-Unis de Donald Trump), le plus souvent pour rappeler à l’ordre les minorités indociles. La « question sociale » n’a donc pas cédé la place à la « question raciale » ; mais la première ne peut plus servir à masquer la seconde. Au contraire, une « question » aide à repenser l’autre.

    Les #contrôles_au_faciès

    Regardons maintenant les contrôles policiers « au faciès », c’est-à-dire fondés sur l’#apparence. Une enquête quantitative du défenseur des droits, institution républicaine qui est chargée de défendre les citoyens face aux abus de l’État, a récemment démontré qu’il touche inégalement, non seulement selon les quartiers (les classes populaires), mais aussi en fonction de l’âge (les jeunes) et de l’apparence (les Arabes et les Noirs), et enfin du sexe (les garçons plus que les filles). Le résultat, c’est bien ce qu’on peut appeler « intersectionnalité ». Cependant, on voit ici que le croisement des logiques discriminatoires ne se résume pas à un cumul des handicaps : le sexe masculin fonctionne ici comme un #stigmate plutôt qu’un privilège. L’intersectionnalité est bien synonyme de complexité.

    « Les jeunes de dix-huit-vingt-cinq ans déclarent ainsi sept fois plus de contrôles que l’ensemble de la population, et les hommes perçus comme noirs ou arabes apparaissent cinq fois plus concernés par des contrôles fréquents (c’est-à-dire plus de cinq fois dans les cinq dernières années). Si l’on combine ces deux critères, 80 % des personnes correspondant au profil de “jeune homme perçu comme noir ou arabe” déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années (contre 16 % pour le reste des enquêté.e.s). Par rapport à l’ensemble de la population, et toutes choses égales par ailleurs, ces profils ont ainsi une probabilité vingt fois plus élevée que les autres d’être contrôlés. »

    Répétons-le : il n’y a rien d’identitaire dans cette démarche. D’ailleurs, la formulation du défenseur des droits dissipe toute ambiguïté : « perçus comme noirs ou arabes ». Autrement dit, c’est l’origine réelle ou supposée qui est en jeu. On peut être victime d’antisémitisme sans être juif – en raison d’un trait physique, d’un patronyme, ou même d’opinions politiques. Pour peu qu’on porte un prénom lié à l’islam, ou même qu’on ait l’air « d’origine maghrébine », musulman ou pas, on risque de subir l’#islamophobie. L’#homophobie frappe surtout les homosexuels, et plus largement les minorités sexuelles ; toutefois, un garçon réputé efféminé pourra y être confronté, quelle que soit sa sexualité.

    Et c’est d’ailleurs selon la même logique qu’en France l’État a pu justifier les contrôles au faciès. Condamné en 2015 pour « faute lourde », il a fait appel ; sans remettre en cause les faits établis, l’État explique que la législation sur les étrangers suppose de contrôler « les personnes d’#apparence_étrangère », voire « la seule population dont il apparaît qu’elle peut être étrangère ». Traiter des individus en raison de leur apparence, supposée renvoyer à une origine, à une nationalité, voire à l’irrégularité du séjour, c’est alimenter la confusion en racialisant la nationalité. On le comprend ainsi : être, c’est être perçu ; l’#identité n’existe pas indépendamment du regard des autres.

    L’exemple des contrôles au faciès est important, non seulement pour celles et ceux qui les subissent, bien sûr, mais aussi pour la société tout entière : ils contribuent à la constitution d’identités fondées sur l’expérience commune de la discrimination. Les personnes racisées sont celles dont la #subjectivité se constitue dans ces incidents à répétition, qui finissent par tracer des frontières entre les #expériences minoritaires et majoritaires. Mais l’enjeu est aussi théorique : on voit ici que l’identité n’est pas première ; elle est la conséquence de #pratiques_sociales de #racialisation – y compris de pratiques d’État. Le racisme ne se réduit pas à l’#intention : le racisme en effet est défini par ses résultats – et d’abord sur les personnes concernées, assignées à la différence par la discrimination.

    Le mot race

    Les logiques de domination sont plurielles : il y a non seulement la classe, mais aussi le sexe et la race, ainsi que l’#âge ou le #handicap. Dans leur enchevêtrement, il est à chaque fois question, non pas seulement d’#inégalités, mais aussi de la #naturalisation de ces hiérarchies marquées dans les corps. Reste que c’est surtout l’articulation du sexe ou de la classe avec la race qui est au cœur des débats actuels sur l’intersectionnalité. Et l’on retrouve ici une singularité nationale : d’après l’ONU, les deux tiers des pays incluent dans leur recensement des questions sur la race, l’#ethnicité ou l’#origine_nationale. En France, il n’en est pas question – ce qui complique l’établissement de #statistiques « ethno-raciales » utilisées dans d’autre pays pour analyser les discriminations.

    Mais il y a plus : c’est seulement en France que, pour lutter contre le racisme, on se mobilise régulièrement en vue de supprimer le mot race de la Constitution ; il n’y apparaît pourtant, depuis son préambule de 1946 rédigé en réaction au nazisme, que pour énoncer un principe antiraciste : « sans distinction de race ». C’est aujourd’hui une bataille qui divise selon qu’on se réclame d’un antiracisme dit « universaliste » ou « politique » : alors que le premier rejette le mot race, jugé indissociable du racisme, le second s’en empare comme d’une arme contre la #racialisation de la société. Ce qui se joue là, c’est la définition du racisme, selon qu’on met l’accent sur sa version idéologique (qui suppose l’intention, et passe par le mot), ou au contraire structurelle (que l’on mesure à ses effets, et qui impose de nommer la chose).

    La bataille n’est pas cantonnée au champ politique ; elle s’étend au champ scientifique. Le racisme savant parlait naguère des races (au pluriel), soit une manière de mettre la science au service d’un #ordre_racial, comme dans le monde colonial. Dans la recherche antiraciste, il est aujourd’hui question de la race (au singulier) : non pas l’inventaire des populations, sur un critère biologique ou même culturel, mais l’analyse critique d’un mécanisme social qui assigne des individus à des groupes, et ces groupes à des positions hiérarchisées en raison de leur origine, de leur apparence, de leur religion, etc. Il n’est donc pas question de revenir aux élucubrations racistes sur les Aryens ou les Sémites ; en revanche, parler de la race, c’est se donner un vocabulaire pour voir ce qu’on ne veut pas voir : la #discrimination_raciste est aussi une #assignation_raciale. S’aveugler à la race ne revient-il pas à s’aveugler au racisme ?

    Il ne faut donc pas s’y tromper : pour les sciences sociales actuelles, la race n’est pas un fait empirique ; c’est un concept qui permet de nommer le traitement inégal réservé à des individus et des groupes ainsi constitués comme différents. La réalité de la race n’est donc ni biologique ni culturelle ; elle est sociale, en ce qu’elle est définie par les effets de ces traitements, soit la racialisation de la société tout entière traversée par la logique raciale. On revient ici aux analyses classiques d’une féministe matérialiste, #Colette_Guillaumin : « C’est très exactement la réalité de la “race”. Cela n’existe pas. Cela pourtant produit des morts. [...] Non, la race n’existe pas. Si, la race existe. Non, certes, elle n’est pas ce qu’on dit qu’elle est, mais elle est néanmoins la plus tangible, réelle, brutale, des réalités. »

    Morale de l’histoire

    A-t-on raison de s’inquiéter d’un recul de l’#universalisme en France ? Les logiques identitaires sont-elles en train de gagner du terrain ? Sans nul doute : c’est bien ce qu’entraîne la racialisation de notre société. Encore ne faut-il pas confondre les causes et les effets, ni d’ailleurs le poison et l’antidote. En premier lieu, c’est l’#extrême_droite qui revendique explicitement le label identitaire : des États-Unis de Donald Trump au Brésil de Jair Bolsonaro, on assiste à la revanche de la #masculinité_blanche contre les #minorités_raciales et sexuelles. Ne nous y trompons pas : celles-ci sont donc les victimes, et non pas les coupables, de ce retour de bâton (ou backlash) qui vise à les remettre à leur place (dominée).

    Deuxièmement, la #ségrégation_raciale que l’on peut aisément constater dans l’espace en prenant les transports en commun entre Paris et ses banlieues n’est pas le résultat d’un #communautarisme minoritaire. Pour le comprendre, il convient au contraire de prendre en compte un double phénomène : d’une part, la logique sociale que décrit l’expression #White_flight (les Blancs qui désertent les quartiers où sont reléguées les minorités raciales, anticipant sur la ségrégation que leurs choix individuels accélèrent…) ; d’autre part, les #politiques_publiques de la ville dont le terme #apartheid résume le résultat. Le #multiculturalisme_d’Etat, en Colombie, dessinerait une tout autre logique : les politiques publiques visent explicitement des identités culturelles au nom de la « #diversité », dont les mouvements sociaux peuvent s’emparer.

    Troisièmement, se battre pour l’#égalité, et donc contre les discriminations, ce n’est pas renoncer à l’universalisme ; bien au contraire, c’est rejeter le #communautarisme_majoritaire. L’intersectionnalité n’est donc pas responsable au premier chef d’une #fragmentation_identitaire – pas davantage qu’une sociologie qui analyse les inégalités socio-économiques n’est la cause première de la lutte des classes. Pour les #sciences_sociales, c’est simplement se donner les outils nécessaires pour comprendre un monde traversé d’#inégalités multiples.

    Quatrièmement, ce sont les #discours_publics qui opposent d’ordinaire la classe à la race (ou les ouvriers, présumés blancs, aux minorités raciales, comme si celles-ci n’appartenaient pas le plus souvent aux classes populaires), ou encore, comme l’avait bien montré #Christine_Delphy, l’#antisexisme à l’antiracisme (comme si les femmes de couleur n’étaient pas concernées par les deux). L’expérience de l’intersectionnalité, c’est au contraire, pour chaque personne, quels que soient son sexe, sa classe et sa couleur de peau, l’imbrication de propriétés qui finissent par définir, en effet, des #identités_complexes (plutôt que fragmentées) ; et c’est cela que les sciences sociales s’emploient aujourd’hui à appréhender.

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    Ce texte écrit avec #Mara_Viveros_Vigoya, et publié en 2019 dans le Manuel indocile de sciences sociales (Fondation Copernic / La Découverte), peut être téléchargé ici : https://static.mediapart.fr/files/2021/03/07/manuel-indocile-intersectionnalite.pdf

    À lire :

    Kimberlé Crenshaw, « Cartographies des marges : intersectionnalité, politique de l’identité et violences contre les femmes de couleur » Cahiers du Genre, n° 39, février 2005, p. 51-82

    Défenseur des droits, Enquête sur l’accès aux droits, Relations police – population : le cas des contrôles d’identité, vol. 1, janvier 2017

    Christine Delphy, « Antisexisme ou antiracisme ? Un faux dilemme », Nouvelles Questions Féministes, vol. 25, janvier 2006, p. 59-83

    Elsa Dorlin, La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, La Découverte, Paris, 2006

    Elsa Dorlin, Sexe, race, classe. Pour une épistémologie de la domination, Presses universitaires de France, Paris, 2009

    Didier Fassin et Éric Fassin (dir.), De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française, La Découverte, Paris, 2009 [première édition : 2006]

    Éric Fassin (dir.), « Les langages de l’intersectionnalité », Raisons politiques, n° 58, mai 2015

    Éric Fassin, « Le mot race – 1. Cela existe. 2. Le mot et la chose », AOC, 10 au 11 avril 2019

    Nacira Guénif-Souilamas et Éric Macé, Les féministes et le garçon arabe, L’Aube, Paris, 2004

    Colette Guillaumin, « “Je sais bien mais quand même” ou les avatars de la notion de race », Le Genre humain, 1981, n° 1, p. 55-64

    Danièle Kergoat, « Ouvriers = ouvrières ? », Se battre, disent-elles…, La Dispute, Paris, 2012, p. 9-62

    Abdellali Hajjat et Silyane Larcher (dir.), « Intersectionnalité », Mouvements, 12 février 2019

    Mara Viveros Vigoya, Les Couleurs de la masculinité. Expériences intersectionnelles et pratiques de pouvoir en Amérique latine, La Découverte, Paris, 2018

    https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/050321/intersectionnalite-une-introduction#at_medium=custom7&at_campaign=10

    #définition #invisibilisation #antiracisme_universaliste #antiracisme_politique #racisme_structurel

    voir aussi ce fil de discussion sur l’intersectionnalité, avec pas mal de #ressources_pédagogiques :
    https://seenthis.net/messages/796554

  • Depression, anxiety, loneliness are peaking in college students | EurekAlert ! Science News
    https://www.eurekalert.org/pub_releases/2021-02/bu-dal021921.php

    Nationwide study, co-led by BU researcher Sarah Ketchen Lipson, reveals a majority of students say mental health has impacted their academic performance

    #COVID-19 : #Dépression et #solitude atteignent des sommets chez les #étudiants | santé log
    https://www.santelog.com/actualites/covid-19-depression-et-solitude-atteignent-des-sommets-chez-les-etudiants

    Les étudiants les plus #démunis ou appartenant aux #minorités apparaissent plus touchés, car souvent « plus susceptibles de pleurer la perte d’un être cher à cause du COVID », expliquent les chercheurs. Ces mêmes étudiants sont également « plus susceptibles d’être confrontés à des difficultés financières ». Autant de facteurs qui ont un impact négatif sur la #santé_mentale et la réussite scolaire.

  • Opinion | Black Americans should face lower age cutoffs to qualify for a vaccine - The Washington Post
    https://www.washingtonpost.com/opinions/black-americans-should-face-lower-age-cutoffs-to-qualify-for-a-vaccine/2021/02/19/3029d5de-72ec-11eb-b8a9-b9467510f0fe_story.html

    In the 1970s, epidemiologist Sherman James described the phenomenon of “John Henryism,” whereby Black Americans must invest immense effort to cope with the chronic stress of racism, leading to poor health and early death.That’s still the case today, especially during the pandemic. In the first half of 2020, Black Americans’ life expectancy declined almost three years to an average of 72 years, compared with a loss of almost one year for White Americans (now 78 years). Meanwhile, Black Americans are not only twice as likely to die of covid-19 as White Americans but also dying at rates similar to those of White Americans who are 10 years older. Moreover, racial inequities are most striking at younger ages; for example, Black people ages 45 to 54 are seven times more likely to die of covid-19 than similarly aged White Americans.

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#sante#systemesante#race#minorite#inegalite#vaccination#esperancedevie

  • Covid-19 : à Bobigny, un nouveau centre pour lutter contre les inégalités face à la vaccination
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/02/17/covid-19-a-bobigny-un-nouveau-centre-pour-lutter-contre-les-inegalites-face-

    Certains, comme Mohammed Boubakri, n’ont pas obtenu de rendez-vous, d’autres n’ont pas pu s’y rendre, n’en ont pas voulu ou n’ont pas compris qu’il fallait en prendre un. Tous habitent la Seine-Saint-Denis. Ils ont désormais un centre qui leur est réservé. Au total, sept cents doses sont disponibles cette semaine, mille la semaine prochaine. Ici, pas de créneaux disponibles en ligne sur Doctolib ni de prise de rendez-vous téléphonique, ce sont les services publics qui repèrent, ciblent et appellent les personnes de plus de 75 ans en fracture sociale, en précarité médicale, éloignées des soins, en rupture numérique ou peu réceptives aux messages de santé publique.« Nous allons les chercher un par un », explique Aurélie Combas-Richard, la directrice de la CPAM 93 (Caisse primaire d’assurance-maladie), qui a mis en place une plate-forme téléphonique multilingue, opérationnelle sept jours sur sept, depuis le 12 février. Bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS, ex-CMU), personnes qui n’ont pas eu de remboursement de frais médicaux depuis plus de six mois ou qui n’ont pas de médecin traitant… Il y a plus de vingt mille personnes à joindre. En moyenne, il faut compter quinze appels pour un rendez-vous pris. « Il y a une politique nationale de vaccination qu’il faut assumer, mais que l’on peut équilibrer », poursuit Mme Combas-Richard.
    L’initiative s’inscrit dans le cadre du dispositif pilote « aller vers », mis en place par l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, l’Assurance-maladie du 93, la préfecture de Seine-Saint-Denis et le département. L’objectif ? « Réduire les inégalités face à la vaccination », dit Aurélien Rousseau, directeur général de l’ARS. La Seine-Saint-Denis est un département qui a connu des taux particulièrement élevés de surmortalité liée au Covid-19, par rapport au reste de l’Hexagone. C’est aussi l’un des territoires les plus jeunes, où seulement 11 % de la population a plus de 75 ans (la moyenne régionale est de 15 %), un pourcentage parmi les plus bas avec le Val-d’Oise (9 %). Or, c’est le critère d’attribution des doses. Au moment d’arbitrer, l’ARS a choisi d’ajuster leur nombre en accordant davantage de vaccins à la Seine-Saint-Denis (5 500 au lieu de 4 500) et de multiplier les centres. Mais la pénurie de doses a limité la portée de cette politique de rééquilibrage.
    Parmi les dix-sept centres de vaccination contre le Covid-19 que compte le département (dix-huit avec celui de Bobigny), nombre d’entre eux se sont aperçus que les doses bénéficiaient en partie à des citoyens extérieurs à la Seine-Saint-denis, souvent plus connectés et plus entourés, certains résidant dans des quartiers parisiens plus aisés. (..) Face à cette tendance, des centres ont cessé de mettre en ligne les rendez-vous, afin de privilégier les patients qui s’étaient déplacés et qui figuraient sur leurs listes d’attente. Une stratégie qui a pour effet secondaire de pénaliser les habitants qui n’ont pas de centre dans leur ville (elles sont vingt-deux). Les services de l’Etat recommandent désormais de répartir les rendez-vous entre les plates-formes Internet et les listes constituées par les centres et les mairies.
    « Dans les deux centres que nous gérons, à Pierrefitte et Noisy-le-Grand, il n’y a pas plus de 35 % d’habitants du département », constate Stéphane Troussel, président (PS) du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, qui forme, depuis le 16 février, des ambassadeurs de la vaccination, qui, à bord d’un bus qui sillonnera bientôt le secteur, renseigneront les habitants sur les vaccins et, à terme, espère-t-il, les vaccineront sur place. « La pénurie de doses et les modalités de prise de rendez-vous ont installé une compétition malsaine entre territoires. Nous ne plaidons pas pour une préférence locale, mais pour que les politiques publiques s’adaptent. »
    Le docteur Joël Moussy vaccine Cherifa Khadhar. Elle est aidée par sa belle-fille Amira, au centre de santé de la CPAM 93, à Bobigny, le 16 février.
    Le docteur Joël Moussy vaccine Cherifa Khadhar. Elle est aidée par sa belle-fille Amira, au centre de santé de la CPAM 93, à Bobigny, le 16 février.
    Le département, qui bénéficiera de deux cents créneaux de rendez-vous par semaine dans le nouveau centre de Bobigny, a lui aussi mis la plate-forme téléphonique lancée lors du premier confinement au service de l’identification des plus précaires (les bénéficiaires de plus de 75 ans de la carte de transport Améthyste, puis ceux de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA), tandis que les communes font appel aux fichiers des centres communaux d’action sociale (CCAS) et mettent en place des systèmes de navette et de bus pour faciliter le transport des personnes éligibles à la vaccination. Selon les premiers retours de la campagne téléphonique lancée par la CPAM 93 (2 500 appels), 10 % des personnes contactées rencontrent un problème de transport, 30 % sont déjà vaccinées, 30 % ne peuvent pas l’être (elles ont eu le Covid lors de la deuxième vague), et 20 % refusent de l’être pour des raisons idéologiques ou par peur des effets secondaires. Enfin, 10 % demandent à consulter leurs enfants ou leur famille avant d’accepter la vaccination. C’est le cas d’Aïcha Kenniche, 76 ans. Aveugle et diabétique, l’ex-garde d’enfants à domicile vit seule. Déconnectée et isolée. C’est Afafe, sa nièce de 38 ans, qui l’accompagne et la rassure : « Elle a accepté la vaccination, mais ça l’inquiète, raconte la jeune femme. Elle est déjà faible. Elle a peur que ça l’affaiblisse encore davantage. » Cherifa Khadhar, 84 ans, diabétique elle aussi, est soutenue par sa belle-fille, Amira, 35 ans. C’est cette dernière qui a insisté pour qu’elle se fasse vacciner. Les deux femmes sont venues en navette, mise à disposition par la ville d’Epinay-sur-Seine. « C’est en allant chercher tous les publics que l’on peut garantir un accès à la vaccination plus égalitaire », insiste M. Troussel. L’ARS a fléché 50 000 vaccins au mois de mars pour les politiques d’« aller vers », mises en place dans les différents départements de la région

    #Covid-19#migration#migrant#france#sante#vaccination#inegalite#minorite#ARS#seinesaintdenis

  • Covid-19 : Londres promet de vacciner gratuitement les migrants quel que soit leur statut - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/30142/covid-19-londres-promet-de-vacciner-gratuitement-les-migrants-quel-que

    Les migrants sans-papiers au Royaume-Uni auront le droit d’être vaccinés gratuitement contre le coronavirus. Les autorités ne vérifieront pas leur droit de résidence, a indiqué le gouvernement lundi. « Les vaccins contre le coronavirus seront proposés gratuitement à tous ceux qui vivent au Royaume-Uni, quel que soit leur statut migratoire », a déclaré, lundi 7 février, un porte-parole du gouvernement du Royaume-Uni."Ceux qui sont enregistrés auprès d’un cabinet de médecine générale sont contactés le plus tôt possible et nous travaillons étroitement avec des partenaires et organisations extérieures pour contacter ceux qui ne sont pas enregistrés, et nous assurer qu’ils aient accès au vaccin", a-t-il ajouté.
    Le ministère de l’Intérieur a accès à certaines données concernant les patients enregistrés dans des cabinets de médecine générale dépendant du NHS, le service public de santé. Mais le gouvernement a fait savoir aux responsables du NHS que la vaccination, de même que le dépistage et les traitements du coronavirus, ne seraient pas soumis à des vérifications du statut migratoire.
    Le Royaume-Uni déplore plus de 112 000 morts de la pandémie, le plus lourd bilan en Europe. Il a lancé une vaste campagne de vaccination impliquant l’armée et des milliers de bénévoles qui a permis d’administrer une première dose à plus de 12 millions de personnes. Les autorités craignent cependant que certaines catégories de la population ne se fassent pas vacciner par méfiance, notamment au sein des minorités. Selon certaines estimations, le nombre de sans-papiers au Royaume-Uni atteindrait 1,3 million. Interviewé par la BBC, Steve Valdez-Symonds, directeur pour Amnesty UK du programme sur les droits des migrants et des réfugiés, a salué le fait que le gouvernement dise clairement que dans ce contexte, les données recueillies ne seraient pas transmises. Il a tout de même ajouté que l’exécutif allait devoir être convaincant pour que les gens croient en cette affirmation.

    #Covid-19#migrant#migration#grandebretagne#vaccination#inclusion#sante#refugie#minorite#depsitage

  • Premiers doutes au Royaume-Uni concernant le vaccin AstraZeneca
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/02/09/premiers-doutes-au-royaume-uni-concernant-le-vaccin-astrazeneca_6069299_3244

    Seuls 147 cas de variant sud-africain ont pour l’heure été identifiés au Royaume-Uni, et Jonathan Van-Tam, le très pédagogue conseiller médical adjoint du gouvernement, a longuement insisté, lundi : « Rien n’indique qu’il va prendre le pas sur le variant du Kent. » Mais la campagne de tests et d’isolement systématiques des populations concernées ne fait que commencer dans certaines zones (à Bristol, par exemple, dans le sud-ouest du pays). Et les restrictions dures aux frontières pour les voyageurs venant des pays les plus à risque de variants ne sont toujours pas en place : les « hôtels à quarantaine » sur le modèle néo-zélandais ou australien ne seront opérationnels qu’à partir du 15 février. D’ici là, « jusqu’à 205 000 personnes venant de zones à risque pourront encore arriver », affirme le Daily Telegraph.
    Enfin, le gouvernement Johnson s’inquiète de la « résistance » au vaccin qui pourrait augmenter à mesure que le doute sur son efficacité s’installe. Le scepticisme vaccinal est faible dans le pays, sauf chez les populations britanniques d’origine africaine, caribéenne ou asiatiques (« BAME »), selon les témoignages de multiples médecins sur le terrain. Une étude du Royal College of General Practitioners, publiée le 7 février, souligne que les Britanniques blancs sont deux fois plus susceptibles de s’être fait vacciner que les Noirs.

    #Covid-19#migrant#migration#grandebretagne#sante#vaccination#minorite #BAME#inegalite#race#variant#hotelquarantaine#frontiere#restrictionsanitaire

  • Covid-19 : les Afro-Américains plus touchés, moins vaccinés
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/02/06/covid-19-les-afro-americains-plus-touches-moins-vaccines_6069034_3244.html

    Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, la population noire a reçu 5,4 % des doses, alors qu’elle représente 13 % de la population, mais surtout 16 % des personnels de santé et 14 % des employés des maisons de retraite.Comment améliorer le taux de vaccination chez les Afro-Américains aux Etats-Unis ? La question taraude la nouvelle administration, qui s’est engagée à réduire les inégalités raciales, y compris dans la gestion de la crise sanitaire. Car un mois et demi après le lancement de la campagne de vaccination à travers le pays, les premiers chiffres portant sur 13 millions de vaccinés sont édifiants : selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), la population noire a reçu 5,4 % des doses, alors qu’elle représente 13 % de la population, mais surtout 16 % des personnels de santé et 14 % des employés des maisons de retraite, deux catégories prioritaires à travers le pays. La population blanche a reçu 60 % des vaccins, un chiffre correspondant à sa part dans les personnels de santé.A New York, la mairie a indiqué que les Afro-Américains n’ont reçu que 11 % des doses, alors qu’ils représentent 24 % de la population de la ville. Un même constat est dressé à Philadelphie (12 % d’Afro-Américains vaccinés pour une population noire à 44 %) ou à Chicago (15 % de vaccinés pour 30 % des habitants) et dans d’autres grandes villes. Marcella Nunez-Smith, responsable du groupe de travail sur l’égalité dans la lutte contre le Covid-19 au sein de l’administration Biden, a reconnu le 1er février que « les Noirs n’étaient pas vaccinés au même rythme que les Blancs » et que les chiffres plus complets ne feraient que confirmer ce déséquilibre. Début février, quelque 28 millions de personnes ont reçu une ou deux doses.
    Le constat est d’autant plus inquiétant que les Afro-Américains sont proportionnellement beaucoup plus affectés que les Blancs par le Covid-19. En novembre, une étude de l’American Heart Association montrait que les patients noirs et hispaniques représentaient 60 % des personnes hospitalisées. Au niveau national, les Afro-Américains ont 1,5 fois plus de risque de mourir du Covid-19 que les Blancs, selon les statistiques collectées par le Covid Tracking Project et l’université de Boston.
    Dans le district de Columbia, les morts du Covid-19 sont issus de la communauté noire à 75 %, alors qu’ils ne constituent que 46 % de la population. Dans le Michigan, ils représentent 14 % des habitants, mais 24 % des morts. Des raisons socio-économiques et une inégalité chronique dans l’accès aux soins expliquent cette disparité. Les Afro-Américains sont en outre plus susceptibles d’occuper des emplois de travailleurs essentiels exposés et de vivre dans des conditions ne favorisant pas la distanciation physique.
    Dans ce contexte, l’accès à la vaccination pour les populations noires est considéré comme un enjeu de santé publique. Le gouvernement vient d’annoncer la mise à disposition de vaccins dans des pharmacies de certains quartiers ciblés. Dans la ville de Washington, des opérations de porte-à-porte ont débuté ces derniers jours pour toucher les populations les plus isolées ou les plus réfractaires. Car les campagnes de vaccination se heurtent aussi à une méfiance des Afro-Américains envers le vaccin. Plus d’un tiers d’entre eux n’envisagent pas de se faire vacciner, contre quelque 20 % des Blancs et des Hispaniques. Les femmes se montrent plus encore plus sceptiques que les hommes, et les jeunes plus réticents que les plus de 60 ans. Seuls 38 % des 18-44 ans envisagent la vaccination (contre 68 % des plus de 60 ans). Les Afro-Américains citent la peur des effets secondaires, mais aussi une méfiance traditionnelle envers les vaccins. Leur taux de participation aux essais cliniques est proportionnellement inférieur à celui des Blancs.
    Cette réticence est ancrée dans l’histoire. La communauté noire reste marquée par l’étude sur la syphilis menée durant quarante ans dans la ville de Tuskegee (Alabama). Entre les années 1930 et les années 1970, plusieurs centaines d’hommes noirs atteints de cette maladie sexuellement transmissible sont restés sans traitement, à titre expérimental. Nombre de familles noires ont aussi en mémoire les stérilisations forcées effectuées sur des milliers de femmes noires jusque dans les années 1970. Face à ces décennies de méfiance, des médecins et infirmiers afro-américains ont publié une « Lettre d’amour à l’Amérique noire », dans laquelle ils invitent leurs compatriotes à participer aux essais cliniques et à se faire vacciner. En décembre 2020, devant les caméras de télévision, la première dose de vaccin avait été administrée à une infirmière afro-américaine de New York par une de ses collègues également afro-américaine. Un choix qui ne devait rien au hasard.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#inegalite#minorite#race#vaccination#systemesante#economie

  • Covid-19 News: Even in Poorer Neighborhoods, the Wealthy Are Lining Up for Vaccines - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2021/02/02/health/white-people-covid-vaccines-minorities.html

    WASHINGTON — As soon as this city began offering Covid vaccines to residents 65 and older, George Jones, whose nonprofit agency runs a medical clinic, noticed something striking.“Suddenly our clinic was full of white people,” said Mr. Jones, the head of Bread for the City, which provides services to the poor. “We’d never had that before. We serve people who are disproportionately African-American.”Similar scenarios are unfolding around the country as states expand eligibility for the shots. Although low-income communities of color have been hit hardest by Covid-19, health officials in many cities say that people from wealthier, largely white neighborhoods have been flooding vaccination appointment systems and taking an outsized share of the limited supply. People in underserved neighborhoods have been tripped up by a confluence of obstacles, including registration phone lines and websites that can take hours to navigate, and lack of transportation or time off from jobs to get to appointments. But also, skepticism about the shots continues to be pronounced in Black and Latino communities, depressing sign-up rates.Early vaccination data is incomplete, but it points to the divide. In the first weeks of the rollout, 12 percent of people inoculated in Philadelphia have been Black, in a city whose population is 44 percent Black. In Miami-Dade County, just about seven percent of the vaccine recipients have been Black, even though Black residents comprise nearly 17 percent of the population and are dying from Covid-19 at a rate that is more than 60 percent higher than that of white people. In data released last weekend for New York City, white people had received nearly half of the doses, while Black and Latino residents were starkly underrepresented based on their share of the population.
    And in Washington, 40 percent of the nearly 7,000 appointments initially made available to people 65 and older were taken by residents of its wealthiest and whitest ward, which is in the city’s upper northwest section and has had only five percent of its Covid deaths.“We want people regardless of their race and geography to be vaccinated, but I think the priority should be getting it to the people who are contracting Covid at the highest rates and dying from it,” said Kenyan McDuffie, a member of the City Council whose district is two-thirds Black and Latino. Alarmed, many cities are trying to rectify inequities. Baltimore will offer the shot in housing complexes for the elderly, going door-to-door.
    (..)Dallas County’s rollout plans for the vaccine included an inoculation hub in a neighborhood that is largely African-American and Latino. But when the sign-up website went live, the link speedily circulated throughout white, wealthier districts in North Dallas.“Instead of getting a diverse sampling, we had a stampede of people who were younger and healthier than those who had initially gotten the links,” said Judge Clayton Jenkins, head of the Dallas County Commissioners Court. Observers told commissioners that those in line were overwhelmingly white.The county commissioners quietly contacted Black and Latino faith leaders in South Dallas, who encouraged constituents to show up for shots without appointments, as long as they offered proof that they were 75 and older.
    (...) Even successful efforts to target impoverished neighborhoods are running into another problem. Many Black and Latino people are hesitant to get the vaccine.In Colorado, 1 of 16 white residents have received the vaccine so far, compared to 1 of 50 Latinos, who comprise 20 percent of the state’s population, according to a Colorado Springs newspaper, The Gazette.“There are a lot of Chicanos who are like, ‘I want to wait, I have questions, I need some answers,’ ” said Julie Gonzales, a state senator from Denver, who starts her workday sending condolences to constituents, many of them Latino, who have lost family members to the virus.Public health experts and outreach campaigns need to be attuned to cultural nuances that differ among Latino generations, Ms. Gonzales said. “It’s one thing to speak to an old-school Chicano who has been here for generations versus someone who is concerned about whether I.C.E. can find out their personal information if they try to get the vaccine,” she said, referring to the federal Immigration and Customs Enforcement agency. (...) When initial statistics in Philadelphia showed that only 12 percent of vaccine recipients were Black, city health officials recoiled. Blindsided by an inexperienced start-up company whose vaccination strategies faltered, health officials also attributed the low numbers to hesitation among city nursing home workers and hospital aides, many of whom are Black.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#vaccination#minorite#inegalite#sante#systemesante#vaccination#race

  • Covid-19 : en Grande-Bretagne, des minorités ethniques réticentes au vaccin
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/02/covid-19-des-minorites-ethniques-britanniques-reticentes-au-vaccin_6068484_3

    Matt Hancock, le ministre de la santé britannique, a salué lundi 1er février une étape importante dans l’ambitieux plan de déploiement vaccinal du pays : « Le vaccin anticoronavirus a désormais été proposé à toutes les maisons de retraite anglaises. » (...)Cette campagne menée tambour battant ne va pas sans difficultés, à commencer par la réticence aux vaccins des Britanniques d’origine « BAME » (Black, Asian and minority ethnic). Début janvier, la « UK Household Annual Study » (une étude sur le comportement des Britanniques) soulignait que 72 % des personnes noires interrogées (avant le début de la campagne vaccinale, le 8 décembre 2020) étaient hésitantes, tout comme 42,3 % des Britanniques d’origine pakistanaise ou bangladaise. Un document du SAGE (le comité scientifique conseillant le gouvernement) soulignait aussi en janvier, à la lumière des précédentes campagnes vaccinales nationales, que « les taux d’adoption des vaccins chez les BAME étaient de 10 % à 20 % moindres que chez les Blancs ».
    Cette réticence est d’autant plus dommageable que la pandémie a fait des ravages parmi ces populations, davantage susceptibles d’occuper des emplois « en première ligne ». En novembre, la revue The Lancet a ainsi établi, à la suite de la première vague pandémique, que les personnes noires avaient deux fois plus de risque d’être infectées par le virus (et les Asiatiques 1,5 fois plus) que les Britanniques blancs.
    Les employés – souvent précaires et mal payés – des maisons de retraite sont largement issus des milieux BAME, ce qui expliquerait le fait que nombre d’entre eux ont refusé de recevoir une dose de Pfizer-BioNTech ou d’Oxford-AstraZeneca (les deux vaccins en cours de déploiement). « Certains personnels refusent le vaccin pour des raisons culturelles », a confirmé lundi à la BBC Nadra Ahmed, présidente de la National Care Association, l’un des plus grands syndicats de maisons de retraite. Ces réticences sont alimentées en ligne par des rumeurs récurrentes, mais parfaitement inexactes, sur la présence de porc dans le vaccin Oxford-AstraZeneca ou l’effet supposé du Pfizer-BioNTech sur l’ADN humain. « C’est dû à une combinaison de facteurs, dont le manque de messages [pédagogiques] en différentes langues ou en différents formats, souligne le docteur Sarah Ali, endocrinologue et membre de la South Asian Health Foundation, une association de promotion de la santé dans les communautés asiatiques. Les gens s’interrogent aussi sur la rapidité avec laquelle les vaccins ont été déployés. Il faut leur expliquer que leur sûreté n’a absolument pas été sacrifiée, mais que les procédures administratives ont été raccourcies », ajoute la jeune femme, qui vient de poster sur les réseaux sociaux une vidéo rassurant sa communauté, en ourdou. Le Runnymede Trust, l’une des principales associations de lutte contre les discriminations raciales au Royaume-Uni, établit même un lien direct entre ces réticences et un « contexte de racisme institutionnel et de politiques hostiles ces quinze dernières années qui ont érodé la confiance des minorités ethniques dans les institutions du pays », faisant référence au scandale Windrush. Au début des années 2010, le ministère de l’intérieur avait dénié à des milliers de citoyens d’origine caribéenne leur nationalité britannique. Dans une lettre ouverte, le 25 janvier, le Trust réclamait une action « urgente » du gouvernement. Le ministre en charge de la vaccination, Nadhim Zahawi (un Britannique d’origine kurde irakienne), s’est emparé du problème mi-janvier. Le gouvernement Johnson vient de débloquer 23 millions de livres sterling pour aider les collectivités à financer des campagnes d’information ciblées. Les initiatives se multiplient : les acteurs Romesh Ranganathan et Meera Syal ou le joueur de cricket Moeen Ali (des stars de la communauté asiatique) ont enregistré une vidéo, fin janvier, déjà visionnée près de 500 000 fois. Des imams ont transformé des mosquées en centres de vaccination (à Leeds ou à Birmingham) et encouragent sur YouTube leurs « frères et sœurs à prendre le vaccin et à sauver des vies » à l’instar de Mohammed Mahmoud, l’imam de la Grande Mosquée de l’est de Londres. « La plupart des gens ne sont pas antivax, ils manquent de certitudes », insiste le docteur Sarah Ali, plutôt optimiste

    #Covid-19#migrant#migration#grandebretagne#minorite#BAME#inegalite#systemesante#racisme#vaccination#race#sante

  • Those with the least have suffered the most during the covid-19 pandemic - The BMJ
    https://blogs.bmj.com/bmj/2021/01/22/those-with-the-least-have-suffered-the-most-during-the-covid-19-pandemic

    We already know that people from ethnic minority communities have been disproportionately affected by covid-19 both in terms of infection and mortality. The JRF report also found racial disparities in the pandemic’s economic toll, as ethnic minority individuals were 14% more likely to lose their employment. Compared to white people, they were also more likely to cut back on essential spending such as food, be behind with paying bills, and to have been forced to resort to borrowing money. The report doesn’t just provide information about how poverty has affected people during the pandemic, it also offers four specific recommendations. Firstly, looking ahead, two important forms of state intervention are due to end in April: the furlough scheme and the additional £20 for those in receipt of universal credit. Pressure has been building on the government to extend the £20 addition to universal credit beyond March. Dame Louise Casey, former government adviser on homelessness, described the extra £20 as a “lifeline” to those living in poverty and said ending the payment would be “too punitive a policy right now.” This is also recommended in the JRF report, as is extending the furlough scheme, but these are merely temporary measures; it is the longer term structural aspects of poverty that the JRF are keen to resolve. These include encouraging the government to provide adults with training in skills that would lead to higher paid and more secure employment. Bringing forward the employment bill would also provide additional job security for the lowest paid employees who are on temporary or zero hour contracts.
    In addition to recommending improvements to the benefit system, the report calls for a change in how we conceive of our country’s social safety nets. The system needs to be viewed as an essential public service and consequently have the necessary investment to match. Lastly, given the high proportion of income that the poorest people pay on private rent, an increase in social housing should be a priority if we want to reduce individual spend on rent and provide greater security of tenancy. Without these changes, not only will the current unequal impact of covid-19 be felt by the poorest people in society, they will also be the last group to recover once the pandemic abates. Changing this requires all of us to demand an end to poverty. This is not a fantasy; it is achievable in a wealthy Western economy where there is sufficient resource to be shared. It’s a question of will, not possibility.

    #Covid-19#migrant#migration#grandebretagne#sante#inegalite#minorite#stsemesante#pandemie#precarite#economie

  • Racial and Ethnic Health Disparities Related to COVID-19 | Health Disparities | JAMA | JAMA Network

    One of the most disturbing aspects of the coronavirus disease 2019 (COVID-19) pandemic in the US is the disproportionate harm that it has caused to historically marginalized groups. Black, Hispanic, and Asian people have substantially higher rates of infection, hospitalization, and death compared with White people.1,2 According to an analysis by the Kaiser Family Foundation and the Epic Health Research Network, based on data from the Epic health record system for 7 million Black patients, 5.1 million Hispanic patients, 1.4 million Asian patients, and 34.1 million White patients, as of July 20, 2020, the hospitalization rates and death rates per 10 000, respectively, were 24.6 and 5.6 for Black patients, 30.4 and 5.6 for Hispanic patients, 15.9 and 4.3 for Asian patients, and 7.4 and 2.3 for White patients.2 American Indian persons living in the US also have been disproportionately affected by COVID-19.1. In the US, racial and ethnic minority status is inextricably associated with lower socioeconomic status. Black, Hispanic, and American Indian persons in the US are more likely to live in crowded conditions, in multigenerational households, and have jobs that cannot be performed remotely, such as transit workers, grocery store clerks, nursing aides, construction workers, and household workers. These groups are more likely to travel on public transportation due to lack of having their own vehicle. Even for persons who can shelter at home, many persons with low incomes live with an essential worker and have a higher likelihood of exposure to severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2) infection.3
    Once infected with SARS-CoV-2, persons who have been marginalized are at greater risk for hospitalization because they often have a higher number of chronic medical comorbidities. The prevalence of hypertension, diabetes, and obesity are higher among low-income, minority populations; all 3 of which have been associated with worse outcomes among patients with SARS-CoV-2 infection. In addition, racial and ethnic minority populations have poorer access to health care, which likely results in persons initiating care later in the course of their illness with COVID-19. Through July 21, 2020, 1.6 million Hispanic persons in the US lost access to their health care coverage since the start of the COVID-19 pandemic.4 Immigrants, whether undocumented or legally in the US, are likely to avoid the health care system altogether due to concerns about deportation or that use of publicly supported services would be used as a reason for denying future immigration.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#sante#morbidite#inegalite#minorite#immigrant#race#systemesante