« Chute libre » : un cadre supérieur à Pôle emploi
▻https://www.lemonde.fr/emploi/article/2023/07/17/chute-libre-un-cadre-superieur-a-pole-emploi_6182281_1698637.html
Dans ce nouvel environnement, les chausse-trapes sont nombreuses : on se laisse entraîner par le chant envoûtant des bonimenteurs proposant des programmes de réinsertion, on accepte un stage non rémunéré et non déclaré, espérant se remettre le pied à l’étrier. Et on répond positivement à de nouvelles connaissances qui vous proposent de vous investir dans des projets professionnels mal ficelés et sans issue. « Les angoisses générées par le chômage : peur de perdre la main et de ne plus jamais rien trouver, peur de se faire oublier, peur de n’avoir rien à raconter aux enfants, à son entourage, peur de ne plus avoir d’argent, vous font sauter sur n’importe quel projet, même farfelu, reconnaît M. Marot. Et travailler gratuitement, c’est toujours travailler. »
Autre épreuve : le regard des autres évolue. A commencer par celui de l’entourage familial et amical. « La légèreté disparaît souvent, faisant place à une inquiétude gênée », explique l’auteur. Des liens se distendent, des tensions peuvent naître. Les échanges professionnels ne sont également plus les mêmes. Dans sa quête d’emploi, l’auteur a pu rencontrer des marques d’infantilisation, de condescendance. De quoi le renvoyer avec constance à son statut de chômeur.
En publiant ce récit, l’auteur a voulu mettre en lumière ce qu’on passe souvent sous silence lorsqu’on évoque le chômage. Au-delà des statistiques sur les demandeurs d’emploi, il y a une expérience déstabilisante, une perte de repères épuisante sur le plan psychologique, « une course contre la montre avec, en ligne de mire, la fin des droits ».
L’histoire se termine bien pour M. Marot : il a finalement retrouvé des collaborations et avec elles un rythme, des journées remplies, et la sensation de faire à nouveau partie d’une société dont beaucoup de #chômeurs se sentent exclus. Demeurent toutefois quelques cicatrices issues de ce parcours du combattant : une moindre confiance en soi, la perte d’une certaine légèreté, une tendance à surveiller les attitudes de ses chefs et collègues. Une forme de paranoïa, reconnaît-il. La sensation, au fond, que la vie professionnelle est terriblement fragile et qu’un rien pourra, à nouveau, le faire chuter.
« Chute libre », de François Marot, Chemins de traverse, 154 p., 16,50 €.