• #Emeutes_urbaines : « Ce qu’elles révèlent, ce n’est pas tant l’échec de la #politique de la #ville que celui de toutes les #politiques_publiques »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/emeutes-urbaines-ce-qu-elles-relevent-ce-n-est-pas-tant-l-echec-de-la-politi

    Depuis le début des années 1980, les vagues émeutières embrasant les quartiers populaires s’accompagnent de controverses interprétatives enflammées dans les médias. Les explications proposées ont varié au fil du temps, mais un argument traverse les décennies qui semble faire consensus chez tous les commentateurs : l’émeute marquerait l’échec de la politique de la ville. La politique ainsi mise en cause a pourtant connu d’importantes évolutions au cours des quarante dernières années, le plus souvent à la suite d’épisodes émeutiers. Si échec de la politique de la ville il y a, ce n’est pas la même politique qui a échoué au début des années 1990, en 2005 ou aujourd’hui.

    Le jugement d’échec semble d’autant plus incontestable en 2023 que l’Etat aurait mobilisé, depuis une quinzaine d’années, des budgets considérables pour les quartiers populaires. Les annonces récurrentes d’un nouveau « plan banlieue » ont pu donner crédit à cette idée d’une politique de la ville richement dotée. Bien que ces annonces soient le plus souvent restées des annonces, elles ont ouvert la voie à la dénonciation des « milliards pour les banlieues », au profit de populations qui ne le mériteraient pas.

    Portée par des entrepreneurs de fracture sociale, cette critique a été d’autant plus ravageuse qu’elle s’est prolongée par une mise en concurrence des souffrances territoriales, opposant les quartiers défavorisés des métropoles et une « France périphérique » aux contours flous mais dont la couleur est claire. Les premiers bénéficieraient d’une discrimination positive, au détriment des villes moyennes, des espaces périurbains et des territoires ruraux, dont les populations sont pourtant durement affectées par les recompositions industrielles et la précarisation de l’emploi, les politiques d’austérité et les fermetures de services publics, ainsi que par l’augmentation du coût de la vie.

    La critique de l’inefficacité se mue alors en une mise en cause de la légitimité même de la politique de la ville, illustrée par cette formule qui fait florès à l’extrême droite : on déshabille la « France périphérique » pour habiller celle qui vit de l’autre côté du périph.

    Moins de 1 % du budget de l’Etat

    Il faut pourtant le répéter inlassablement : les quartiers qui cumulent toutes les difficultés sociales ne bénéficient pas d’un traitement de faveur. Les crédits de la politique de la ville ont toujours été limités, inférieurs à 1 % du budget de l’Etat. Comme l’ont montré de nombreux travaux de recherche et d’évaluation ainsi que plusieurs rapports de la Cour des comptes, les moyens alloués au titre de cette politique ne suffisent pas à compenser l’inégale allocation des budgets des autres politiques publiques (éducation, emploi, santé, sécurité…) qui s’opère systématiquement au détriment des quartiers dits « prioritaires » et de leurs habitants.

    Les seuls milliards dont ces quartiers ont vu la couleur sont ceux de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui ne proviennent que marginalement de l’Etat : sa contribution se limite à 10 % du budget de l’agence, loin derrière Action Logement (70 %) et l’Union sociale pour l’habitat (20 %). Ce sont donc les cotisations des employeurs pour le logement de leurs salariés et les contributions du monde HLM (habitation à loyer modéré) qui financent la rénovation urbaine et non les impôts des Français.

    Bien qu’infondée, la critique des « milliards pour la banlieue » n’a pas été sans effet, conduisant les gouvernants à désinvestir la politique de la ville par crainte de susciter le ressentiment d’une fraction importante de l’électorat populaire sensible aux discours du Rassemblement national sur l’abandon de la France périphérique. Cette crainte a été amplifiée par le mouvement des « gilets jaunes », à la suite duquel la politique de la ville et les quartiers qu’elle cible ont disparu de l’agenda politique.

    La « séquence banlieue » ouverte lundi 26 juin par Emmanuel Macron à Marseille visait à répondre aux maires de banlieue et aux acteurs de terrain qui, depuis l’enterrement du rapport Borloo (dont il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui le sous-titre : « pour une réconciliation nationale »), critiquent ce désintérêt de l’exécutif pour les quartiers populaires.

    Défiance généralisée

    Le grand débat organisé dans la cité de la Busserine devait mettre en scène un président à l’écoute, mobilisant des moyens exceptionnels pour l’égalité des chances dans des quartiers nord délaissés par les élus locaux. La séquence se prolongeait le lendemain à Grigny (Essonne), avec le lancement des célébrations des 20 ans de l’ANRU, dont les réalisations ont produit des transformations visibles du cadre de vie de centaines de quartiers, à défaut de leur situation sociale. Elle devait se conclure à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), avec un comité interministériel des villes (CIV) maintes fois repoussé, où allaient enfin être annoncées les mesures du plan Quartiers 2030 concocté par Olivier Klein.

    La séquence était bien préparée mais rien ne s’est passé comme prévu. S’il a permis au président de renouer avec un exercice qu’il affectionne, le grand débat a surtout révélé l’exaspération des habitants, l’épuisement des acteurs associatifs et la défiance généralisée à l’égard du pouvoir politique. L’explosion de colère qui a suivi la mort du jeune Nahel a éclipsé les images de vingt ans de rénovation urbaine, et contraint le gouvernement à rapatrier à Matignon un CIV dont les annonces ont été repoussées à une date indéterminée. Ce report peut être utile s’il amène le gouvernement à réviser sa copie, pour envisager des réformes structurelles plutôt qu’un catalogue de programmes exceptionnels et de mesures expérimentales.

    Car ce que révèlent les #émeutes, ce n’est pas tant l’échec de la #politique_de_la_ville que celui de toutes les politiques publiques qui laissent se déployer la #ségrégation, la #stigmatisation et les #discriminations, voire y contribuent. A cet égard, on ne peut que regretter l’abandon en mai dernier du plan de #mixité_scolaire envisagé par Pap Ndiaye. Mais ce que rappellent d’abord les émeutes, c’est l’état plus que dégradé des relations entre la #police et les #populations_racisées des #quartiers_populaires, et la nécessité d’une transformation profonde des #pratiques_policières. Même si elle est politiquement difficile, l’ouverture de ce chantier s’impose, tant elle conditionne la #réconciliation_nationale.

    by https://twitter.com/renaud_epstein

    • Fabien Jobard, politiste : « Le législateur a consacré l’ascendant de la police sur la jeunesse postcoloniale »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/05/fabien-jobard-politiste-le-legislateur-a-consacre-l-ascendant-de-la-police-s

      Le spécialiste des questions policières revient, dans un entretien au « Monde », sur les spécificités françaises dans les rapports entre les forces de l’ordre et la jeunesse des quartiers populaires issue de l’immigration. Il éclaire le contexte dans lequel prennent place les émeutes ayant suivi la mort de Nahel M. à Nanterre.

      Directeur de recherche au CNRS, Fabien Jobard est politiste, chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales. Il est l’auteur, avec le sociologue Olivier Fillieule, de Politiques du désordre. La police des manifestations en France (Seuil, 2020), avec Daniel Schönpflug, de Politische Gewalt im urbanen Raum (« violence politique en milieu urbain », Gruyter, 2019, non traduit), avec Jérémie Gauthier, de Police : questions sensibles (Presses universitaires de France, 2018) et, avec Jacques de Maillard, de Sociologie de la police. Politiques, organisations, réformes (Presses universitaires de France, 2015). Directeur du Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN), Fabien Jobard publie en septembre une bande dessinée réalisée avec Florent Calvez : de la création des bobbys anglais aux dystopies policières contemporaines, Global Police. La question policière à travers le monde et l’histoire (Delcourt/Encrage) interroge la nature et le devenir de nos polices.

      Les événements de Nanterre, qu’il s’agisse de la mort de Nahel M. ou des émeutes qui ont suivi, montrent à quel point les relations entre la police et les jeunes des quartiers populaires sont dégradées. S’agit-il d’une spécificité française ?

      Les événements auxquels nous avons assisté ces derniers jours ne sont pas propres à la France : on en observe de comparables aux Etats-Unis, en Belgique, aux Pays-Bas – parfois au Royaume-Uni ou en Suède. Or, Suède mise à part, ces pays ont en commun une histoire contemporaine marquée soit par la prégnance de l’esclavage des populations noires, soit par la présence d’une population issue des territoires coloniaux. Le contraste avec l’Allemagne est frappant : dans ce pays qui a été privé de ses colonies africaines par le traité de Versailles, en 1919, les tensions avec les populations minoritaires existent mais elles sont bien moins fréquentes et bien moins intenses...

      La suite #paywall

    • De quelle manière cette histoire coloniale française pèse-t-elle ?

      [Fabien Jobard ] La guerre d’Algérie et la colonisation sont à mille lieues des préoccupations des policières et policiers de notre pays : ce ne sont pas eux, individuellement, qui portent cette histoire et la font perdurer. Savoir si les policiers sont racistes ou non n’aide d’ailleurs pas vraiment à comprendre ce qui se joue. Ce qui fait que la police est un lieu de perpétuation du rapport colonial sur notre sol est la collision de deux phénomènes historiques.

      Le premier est le fait que les populations issues des territoires nord-africains ont été installées à la va-vite dans des grands ensembles de nos banlieues. Ces villes étaient sous-administrées – pas ou presque pas de police, quelques brigades de gendarmerie, des commissariats isolés. A cette époque, la police faisait avec ce qu’elle avait et, de surcroît, recrutait peu d’effectifs nouveaux. La doctrine et les chefs disponibles étaient donc ceux des années 1950-1960, ceux de la #guerre_en_métropole, lorsque la gestion des populations nord-africaines reposait sur la mise à distance, le contrôle, l’imposition d’une obligation de déférence permanente – bref, la subordination sous férule policière. Dans un tel schéma, le #contrôle_d’identité avec fouille est central : c’est l’instrument majeur d’imposition de l’autorité policière comme préalable non négociable.

      Une telle gestion des populations subalternes aurait pu s’éteindre peu à peu, silencieusement emportée par la croissance et le renouvellement des générations, tant du côté de la police que du côté de la jeunesse. Mais au milieu des années 1970, la France s’est engagée sur une voie économique singulière, celle de la #désindustrialisation – et c’est le second phénomène historique décisif. De 1975 à nos jours, plus de 2 millions d’emplois industriels se sont évaporés : la France est devenue un pays de services et cette mutation a pénalisé en tout premier lieu les jeunes hommes sortis du système scolaire sans qualification – les jeunes femmes s’en sortent mieux. Or, dans quels rangs se recrutent principalement ces jeunes hommes ? Dans ceux des familles les moins favorisées, les moins dotées – les familles immigrées.

      C’est un contraste marquant avec la trajectoire historique allemande : l’Allemagne a protégé son industrie. Lorsque les jeunes sortent du système scolaire sans qualification – le système allemand est bien plus soucieux de la formation aux métiers manuels –, une place les attend à l’usine, sur la chaîne, à l’atelier. Outre-Rhin, l’industrie parvient donc à absorber ces « jeunes à problèmes », comme on dit là-bas, comme autrefois [ces saloperies de, ndc] Renault et Citroën absorbaient nos blousons noirs.

      En France, dès le milieu des années 1970, une #population_oisive essentiellement formée des jeunes issus de l’immigration coloniale s’est constituée au pied des tours. Cette jeunesse est disponible aux tensions avec la police : de #Toumi_Djaidja, fils de harki victime, en 1983, un soir de ramadan, aux Minguettes, d’un tir policier dans le ventre alors qu’il tentait de venir en aide à un de ses amis aux prises avec un chien policier, à Nahel, à Nanterre, en 2023, les relations sont explosives. La dynamique socio-économique française a fourni à la police une clientèle, essentiellement issue des populations coloniales, qui est enfermée, avec elle, dans un face-à-face mortifère et sans issue. [une bien trop grande proximité, ndc]

      Les pratiques de la police sont encadrées par le droit. Quelle a été l’évolution des textes depuis les années 1970 ?

      Sur ce plan, il est frappant de constater que le droit, notre droit républicain, n’a pas corrigé les pratiques mais les a, au contraire, garanties. Je reprends les contrôles d’identité. Ces pratiques se développaient de manière assez sauvage : le droit positif ne les prévoyait pas. En février 1981, le gouvernement de Raymond Barre a fait adopter une loi décriée par la gauche qui a « créé » les contrôles d’identité (art. 78-2 du code de procédure pénale). En réalité, cette loi consacre ces contrôles : elle « couvre », en quelque sorte, des pratiques dont nos recherches ont démontré qu’elles visent essentiellement la jeunesse postcoloniale. Ce geste, que la gauche n’a pas abrogé, est significatif d’une dynamique qui s’est enclenchée dans d’autres domaines de l’action policière : les pratiques et les perceptions policières ont été relayées par les politiques publiques.

      Quelles étaient ces politiques publiques ?

      A partir des années 1990, une décennie marquée par des émeutes urbaines localisées engendrées par des faits policiers mortels (ou la rumeur de tels faits), deux choix ont été très explicitement arrêtés. Le premier, c’est le renforcement de l’arsenal pénal contre les #mineurs auteurs de faits de #délinquance_de_voie_publique : les circulaires de politique pénale, puis la loi elle-même, encouragent la fermeté à l’égard de ces jeunes délinquants qui se recrutent essentiellement parmi les jeunes de cité, ce qui vient rétrospectivement légitimer l’action policière à leur égard. La politique pénale est telle qu’aujourd’hui le législateur offre aux policiers la possibilité de sanctionner eux-mêmes des délits par une amende dite « délictuelle » . Or, ces délits étant ceux habituellement commis par les jeunes de cité, ce pouvoir de sanction exorbitant confié par le législateur à la police consacre son ascendant sur cette fraction de la jeunesse.

      La seconde trajectoire de politique publique est l’abandon de ce que l’on appelait, il n’y a pas si longtemps encore, les politiques d’accompagnement social de la délinquance. Pour des raisons à la fois idéologiques et budgétaires, les gouvernements successifs ont concentré la dépense publique sur les forces de l’ordre (15 milliards d’euros et 8 500 agents supplémentaires sont prévus dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur du 24 janvier 2023) et ont privé les communes et les départements de fonds permettant une action sociale portée par les éducateurs spécialisés, les éducateurs de rue, les travailleurs sociaux. Même les emplois précaires – les emplois-jeunes puis les emplois aidés – ont été supprimés, les premiers sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, les seconds sous celui d’Edouard Philippe. J’insiste sur la dimension budgétaire de ces choix : en Allemagne, les communes et l’Etat disposent encore de moyens financiers pour l’action sociale.

      La France pourrait-elle s’inspirer des politiques mises en place en Allemagne ?

      L’Allemagne a perdu ses colonies il y a un siècle, elle n’a pas fait le choix de se défaire de son industrie, elle n’a pas renoncé au social au profit du sécuritaire. Et le caractère décentralisé et régional de la police, qui était une des conditions de la sortie du nazisme en 1945-1949, a fait que « la » police existe à peine en tant qu’institution et, surtout, en tant que groupe d’intérêts. Les syndicats policiers n’y sont pas engagés dans un défi permanent lancé aux politiques et aux magistrats, facteur considérable d’apaisement des passions policières et de discipline dans les rangs. Plus qu’un modèle dont on importerait telle ou telle recette, l’Allemagne offre plutôt un horizon dans lequel s’inscrit la question policière.
      Cette question ne pourra pas être dénouée seule : libérer la police française de sa colonialité ne passe pas par je ne sais quelle réforme isolée – type « revenir-à-la-police-de-proximité » – mais par l’investissement massif dans la formation, l’emploi et l’accompagnement social d’une jeunesse que les gouvernements successifs ont bien lâchement confiée aux soins presque exclusifs de la police.

      heureusement qu’il y a une gauche qui veut libérer la police ah ah ah

    • #Didier_Fassin : en France, « la #police a gagné la #bataille_idéologique » | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/070723/didier-fassin-en-france-la-police-gagne-la-bataille-ideologique

      #post_colonialisme

      DidierDidier Fassin est professeur au Collège de France, directeur d’études à l’#EHESS, et enseigne également à l’Institute for Advanced Study de #Princeton.

      Il a publié aux éditions du Seuil La Force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, dans lequel il étudiait des brigades anticriminalité (BAC) dont les insignes exhibaient les barres d’une cité prise dans la lunette de visée d’un fusil, des meutes de loups devant des tours d’habitation, une panthère déchirant de ses griffes un quartier plongé dans l’obscurité ou encore une araignée emprisonnant dans sa toile un ensemble d’immeubles. Il y observait des pratiques relevant souvent d’une logique « #postcoloniale ».

      Pour Mediapart, il revient sur les situations avant – et les mobilisations après – la mort de #George_Floyd aux États-Unis en 2020 et celle de #Nahel M. en 2023.

      Mediapart : Dans La Force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, écrit à partir d’une enquête inédite menée pendant 15 mois, entre 2005 et 2007, avec une BAC de la région parisienne, vous dressiez un constat catastrophique de l’action des BAC dans les banlieues, qui relevait davantage d’un processus de chasse dans une « jungle » que d’une opération de maintien de l’ordre ou de lutte contre la délinquance. On a pu vous dire alors que cette unité n’était pas représentative de la police française : ce qui se passe aujourd’hui vous ferait-il dire qu’elle était plutôt préfigurative de tendances racistes de la police française ? 

      Didier Fassin : Je ne généraliserais pas de la sorte pour ce qui est de tous les policiers. Lorsque mon livre est sorti, on a dit en effet que j’avais dû étudier des unités très atypiques, car j’indiquais la sympathie que les agents avec lesquels je patrouillais manifestaient ouvertement à l’égard de Jean-Marie Le Pen. Six ans plus tard, en 2017, on découvrait que les deux tiers des policiers en activité avaient voté pour sa fille au premier tour de l’élection présidentielle, soit plus de trois fois plus que la population générale.

      Mais plutôt que le racisme individuel, ce qui m’intéresse, et m’inquiète, c’est le racisme institutionnel, qu’il soit celui de la police en général, dont on voit qu’elle ne sanctionne pas les pratiques violentes et discriminatoires de ses agents, ou de certains syndicats en particulier, dont on vient de lire qu’ils considéraient les jeunes des quartiers difficiles comme des « nuisibles » qu’il faut mettre « hors d’état de nuire ».

      Dans cette perspective, je pense que les choses se sont encore aggravées depuis que j’ai conduit mon enquête, et c’est largement la responsabilité des gouvernements successifs qui, d’une part, n’ont pas cessé de céder devant les exigences de l’institution et des syndicats, et, d’autre part, n’ont jamais tenté d’engager de réforme.

    • Nayra : « Vous leur avez craché dessus et vous leur demandez de se calmer ? »
      Après la mort de Nahel, tué à bout portant par un policier à Nanterre le 27 juin 2023, une partie des quartiers populaires s’embrase. Dans le fracas, des adolescents disent une réalité ancienne de ségrégation et de racisme. #Mediapart donne la parole aux #rappeuses et aux #rappeurs qui se tiennent du côté de ces #révoltes. Épisode 1 : #Nayra, rappeuse de #Saint-Denis.

    • super interview aussi d’un spécialiste (anthropologue, U. Saint-denis) qui recence les émeutes (dans une liste quasi exhaustive) partout ds le monde depuis 2007.

      #au_poste par l’excellent @davduf

      https://www.auposte.fr/le-soulevement-des-quartiers-ce-quil-dit-et-ce-quon-ne-dit-pas

      pas encore écouté ceux-là par contre :

      https://www.auposte.fr/soulevement-2023-leloge-de-lemeute-avec-jacques-deschamps-philosophe

      https://www.auposte.fr/soulevement-2023-vers-une-secession-des-quartiers-populaires-rencontre-avec-

    • De la répression coloniale aux violences policières. @survie
      https://survie.org/billets-d-afrique/2021/303-dec-2020-janv-2021/article/de-la-repression-coloniale-aux-violences-policieres

      Au moment où la France est traversée par une série de révoltes à la suite du meurtre de Nahel par la police, et pour alimenter les reflexions sur la colonialité de la police française, nous republions cet article de Florian Bobin, étudiant-chercheur en Histoire africaine, paru en janvier 2021 dans Billets d’Afrique. Il a été publié préalablement en anglais dans Africa is A Country puis dans Jacobin , et en français dans la revue Contretemps. Il retrace l’histoire de la structuration de la #police_française, au service des intérêts esclavagistes, colonialistes puis néocolonialistes. Il montre la continuité de cette histoire avec la culture et les pratiques actuelles des forces de l’ordre en France, notamment vis-à-vis des jeunes Africains et Afro-descendants, mais aussi de celles de ses anciennes colonies africaines.

    • Didier Fassin : en France, « la police a gagné la bataille idéologique »

      Pour George Floyd, toute la société s’était mobilisée, il y avait eu des manifestations dans tout le pays. Ça a été un choc majeur. Pour Nahel, seuls les quartiers populaires ont bougé. Le lendemain, on ne parlait plus que de désordres urbains et, le surlendemain, de l’incendie de la maison d’un maire.

      https://justpaste.it/9hjxo

      #police #quartiers_populaires

  • Mort de #Nahel : « Ils sont rattrapés par le réel »

    #Ali_Rabeh, maire de #Trappes, et #Amal_Bentounsi, fondatrice du collectif Urgence, notre police assassine, reviennent dans « À l’air libre » sur la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre, et les révoltes qui ont suivi dans de nombreuses villes de France.

    https://www.youtube.com/watch?v=euw03owAwU8&embeds_widget_referrer=https%3A%2F%2Fwww.mediapart.fr%2

    https://www.mediapart.fr/journal/france/290623/mort-de-nahel-ils-sont-rattrapes-par-le-reel
    #violences_policières #banlieues #quartiers_populaires #naïveté

    • « #Emmanuel_Macron ne comprend rien aux banlieues »

      Ali Rabeh, maire de Trappes (Yvelines), a participé à l’Élysée à la rencontre entre le chef de l’État et quelque 200 maires, le 4 juillet, pour évoquer la révolte des quartiers populaires. Il dénonce sans langue de bois l’incapacité du Président à comprendre ce qui se joue dans les banlieues et son manque de perspectives pour l’avenir.

      Vous avez été reçu mardi 4 juillet à l’Élysée par le président de la République avec des dizaines d’autres maires. Comment ça s’est passé ?

      Ali Rabeh : Le Président a fait une introduction très courte pour mettre en scène sa volonté de nous écouter, de nous câliner à court terme, en nous disant à quel point on était formidable. Puis ça a viré à la #thérapie_de_groupe. On se serait cru aux #alcooliques_anonymes. Tout le monde était là à demander son petit bout de subvention, à se plaindre de la suppression de la taxe d’habitation, de la taille des LBD pour la police municipale ou de l’absence du droit de fouiller les coffres de voiture… Chacun a vidé son sac mais, à part ça et nous proposer l’accélération de la prise en charge par les #assurances, c’est le néant. La question primordiale pour moi n’est pas de savoir si on va pouvoir réinstaller des caméras de surveillances en urgence, ou comment réparer quelques mètres de voiries ou des bâtiments incendiés. Si c’est cela, on prend rendez-vous avec le cabinet du ministre de la Ville ou celui des Collectivités territoriales. Mais ce n’est pas du niveau présidentiel.

      Quand on parle avec le président de la nation, c’est pour cerner les #causes_structurelles du problème et fixer un cap afin d’éviter que ça ne se reproduise. Et là-dessus on n’a eu #aucune_réponse, ni #aucune_méthode. Il nous a dit qu’il avait besoin d’y réfléchir cet été. En fait, Emmanuel Macron voulait réunir une assemblée déstructurée, sans discours commun. Il a préféré ça au front commun de l’association #Ville_&_Banlieue réunissant des maires de gauche et de droite qui structurent ensemble un discours et des #revendications. Mais le Président refuse de travailler avec ces maires unis. Il préfère 200 maires en mode grand débat qui va dans tous les sens, parce que ça lui donne le beau rôle. En réalité, on affaire à des #amateurs qui improvisent. Globalement ce n’était pas à la hauteur.

      Le Président n’a donc rien évoqué, par exemple, de l’#appel_de_Grigny ou des nombreuses #propositions déjà faites par le passé sur les problématiques liées aux #banlieues et qui ne datent quand même pas d’hier ?

      Non. Il a fait du « Macron » : il a repris quelques éléments de ce qu’on racontait et il en fait un discours général. Il avait besoin d‘afficher qu’il avait les maires autour de lui, il nous a réunis en urgence pendant que les cendres sont brûlantes, ce qu’il a refusé de faire avant que ça n’explose. Et ce, malgré nos supplications. Pendant des mois, l’association Ville & Banlieue a harcelé le cabinet de Mme Borne pour que soit convoqué un Conseil interministériel des villes conformément à ce qu’avait promis le Président. Cela ne s’est jamais fait. Macron n’a pas tenu sa parole. On a eu du #mépris, de l’#arrogance et de l’#ignorance. Il n’a pas écouté les nombreuses #alertes des maires de banlieue parce qu’il pensait que nous étions des cassandres, des pleureuses qui réclament de l’argent. C’est sa vision des territoires. Elle rappelle celle qu’il a des chômeurs vus comme des gens qui ne veulent pas travailler alors qu’il suffirait de traverser la route. Emmanuel Macron n’a donc pas vu venir l’explosion. Fondamentalement, il ne comprend rien aux banlieues. Il ne comprend rien à ce qu’il s’est passé ces derniers jours.

      A-t-il au moins évoqué le #plan_Borloo qu’il a balayé d’un revers de main en 2018 ?

      Je m’attendais justement à ce qu’il annonce quelque chose de cet acabit. Il ne l’a pas fait. Il a fait un petit mea-culpa en disant qu’à l’époque du rapport Borloo, sur la forme il n’avait pas été adroit mais il affirme que la plupart des mesures sont mises en œuvre. Il prétend, tout content de lui, qu’il y a plus de milliards aujourd’hui qu’hier et que le plan Borloo est appliqué sans le dire. C’était #grotesque. J’aurais aimé qu’il nous annonce une reprise de la #méthode_Borloo : on fait travailler ensemble les centaines de maires et d’associatifs. On se donne six mois pour construire des propositions actualisées par rapport au rapport Borloo et s’imposer une méthode. Lui a dit : « J’ai besoin de l’été pour réfléchir. » Mais quelle est notre place là-dedans ?

      Dans ses prises de paroles publiques, le Président a fustigé la #responsabilité des #parents qui seraient incapables de tenir leurs enfants. Qu’en pensez-vous ?

      Qu’il faut commencer par faire respecter les mesures éducatives prescrites par les tribunaux. Pour ces mamans qui n’arrivent pas à gérer leurs enfants dont certains déconnent, les magistrats imposent des éducateurs spécialisés chargés de les accompagner dans leur #fonction_parentale. Or, ces mesures ne sont pas appliquées faute de moyens. C’est facile après de les accabler et de vouloir les taper au porte-monnaie mais commençons par mettre les moyens pour soutenir et accompagner les #familles_monoparentales en difficulté.

      Le deuxième élément avancé ce sont les #réseaux_sociaux

      C’est du niveau café du commerce. C’est ce qu’on entend au comptoir : « Faut que les parents s’occupent de leur môme, faut les taper aux allocs. Le problème ce sont les réseaux sociaux ou les jeux vidéo… » Quand on connaît la réalité c’est un peu court comme réponse. On peut choisir d’aller à la simplicité ou on peut se poser la question fondamentale des #ghettos de pauvres et de riches. Pour moi l’enjeu c’est la #mixité_sociale : comment les quartiers « politique de la ville » restent des quartiers « #politique_de_la_ville » trente ans après. Or personne ne veut vraiment l’aborder car c’est la montagne à gravir.

      Vous avez abordé cette question lors de votre intervention à l’Élysée. Comment le Président a-t-il réagi ?

      Il a semblé réceptif quand j’ai évoqué les ghettos de riches et les #maires_délinquants qui, depuis vingt-deux ans, ne respectent pas la #loi_SRU. Il a improvisé une réponse en évoquant le fait que dans le cadre des J.O, l’État prenait la main sur les permis de construire en décrétant des opérations d’intérêt national, un moyen de déroger au droit classique de l’#urbanisme. Il s’est demandé pourquoi ne pas l’envisager pour les #logements_sociaux. S’il le fait, j’applaudis des deux mains. Ça serait courageux. Mais je pense qu’il a complètement improvisé cette réponse.

      En ce moment, on assiste à une #répression_judiciaire extrêmement ferme : de nombreux jeunes sans casier judiciaire sont condamnés à des peines de prison ferme. Est-ce de nature à calmer les choses, à envoyer un message fort ?

      Non. On l’a toujours fait. À chaque émeute, on a utilisé la matraque. Pareil pour les gilets jaunes. Pensez-vous que la #colère est moins forte et que cela nous prémunit pour demain ? Pas du tout. Que les peines soient sévères pour des gens qui ont mis le feu pourquoi pas, mais ça ne retiendra le bras d’aucun émeutier dans les années qui viennent.

      Vous avez été dans les rues de Trappes pour calmer les jeunes. Qu’est-ce qui vous a marqué ?

      La rupture avec les institutions est vertigineuse. Elle va au-delà de ce que j’imaginais. J’ai vu dans les yeux des jeunes une véritable #haine de la police qui m’a glacé le sang. Certains étaient déterminés à en découdre. Un jeune homme de 16 ans m’a dit « Ce soir on va régler les comptes », comme s’il attendait ce moment depuis longtemps. Il m’a raconté des séances d’#humiliation et de #violence qu’il dit avoir subies il y a quelques mois de la part d’un équipage de police à #Trappes. Beaucoup m’ont dit : « Ça aurait pu être nous à la place de Nahel : on connaît des policiers qui auraient pu nous faire ça. » J’ai tenté de leur dire qu’il fallait laisser la justice faire son travail. Leur réponse a été sans appel : « Jamais ça ne marchera ! Il va ressortir libre comme tous ceux qui nous ont mis la misère. » Ils disent la même chose de l’#impunité des politiques comme Nicolas Sarkozy qui, pour eux, n’ira jamais en prison malgré ses nombreuses condamnations. Qui peut leur donner tort ?

      Il se développe aussi un discours politique extrêmement virulent sur le lien de ces #violences_urbaines avec les origines supposément immigrées des jeunes émeutiers. Qu’en pensez-vous ?

      Quand Robert Ménard a frontalement dit, dans cette réunion des maires, que le problème provenait de l’#immigration, le président de la République n’a pas tiqué. Une partie de la salle, principalement des maires LR, a même applaudi des deux mains. Il y a un #glissement_identitaire très inquiétant. Culturellement, l’extrême droite a contaminé la droite qui se lâche désormais sur ces sujets. Ces situations demandent de raisonner pour aller chercher les causes réelles et profondes du malaise comme l’absence d’#équité, la concentration d’#inégalités, d’#injustices, de #frustrations et d’#échecs. C’est beaucoup plus simple de s’intéresser à la pigmentation de la peau ou d’expliquer que ce sont des musulmans ou des Africains violents par nature ou mal élevés.

      Comment ces discours sont-ils perçus par les habitants de Trappes ?

      Comme la confirmation de ce qu’ils pensent déjà : la société française les déteste. Dans les médias, matin, midi et soir, ils subissent continuellement des #discours_haineux et stigmatisant de gens comme Éric Zemmour, Marine le Pen, Éric Ciotti, etc. qui insultent leurs parents et eux-mêmes au regard de leur couleur de peau, leur religion ou leur statut de jeune de banlieue. Ils ont le sentiment d’être les #rebuts_de_la_nation. Quotidiennement, ils ont aussi affaire à une #police qui malheureusement contient en son sein des éléments racistes qui l’expriment sur la voie publique dans l’exercice de leur métier. Ça infuse. Les jeunes ne sont pas surpris de l’interprétation qui est faite des émeutes. En réalité ils l’écoutent très peu, parce qu’ils ont l’habitude d’être insultés.

      D’après vous, que faut-il faire dans l’#urgence ?

      Il faut arrêter de réfléchir dans l’urgence. Il faut s’engager sur une politique qui change les choses sur dix à quinze ans. C’est possible. On peut desserrer l’étau qui pèse sur les quartiers en construisant des logements sociaux dans les villes qui en ont moins. Moi, je ne demande pas plus de subventions. Je veux que dans quinze à vingt ans, on me retire les subventions « politique de la ville » parce que je n’en aurai plus besoin. C’est l’ambition qu’on doit porter.

      Et sur le court terme ?

      Il faut envoyer des signaux. Revenir sur la loi 2017 car cela protégera les policiers qui arrêteront de faire usage de leurs armes à tort et à travers, s’exposant ainsi à des plaintes pour homicide volontaire, et cela protégera les jeunes qui n’auront plus peur de se faire tirer comme des lapins. Il faut aussi engager un grand #dialogue entre la police et les jeunes. On l’a amorcé à Trappes avec le commissaire et ça produit des résultats. Le commissaire a fait l’effort de venir écouter des jeunes hermétiquement hostiles à la police, tout en rappelant le cadre et la règle, la logique des forces de l’ordre. C’était très riche. Quelques semaines plus tard le commissaire m’a dit que ses équipes avaient réussi une intervention dans le quartier parce que ces jeunes ont calmé le jeu en disant « on le connaît, il nous respecte ». Il faut lancer un #cercle_vertueux de #dialogue_police-population, et #jeunesse en particulier, dans les mois qui viennent. La police doit reprendre l’habitude de parler avec sa population et être acceptée par elle. Mettons la police autour de la table avec les jeunes, les parents du quartier, des éducateurs, les élus locaux pour parler paisiblement du ressenti des uns et des autres. Il peut y avoir des signaux constructifs de cet ordre-là. Or là on est dans la culpabilisation des parents. Ça ne va pas dans le bon sens.

      https://www.politis.fr/articles/2023/07/emmanuel-macron-ne-comprend-rien-aux-banlieues
      #Macron #ignorance

    • Entre Emmanuel Macron et les banlieues, le #rendez-vous_manqué

      En 2017, le volontarisme du chef de l’Etat avait fait naître des #espoirs dans les #quartiers_populaires. Malgré la relance de la #rénovation_urbaine, le rejet du plan Borloo comme son discours sur le #séparatisme l’ont peu à peu coupé des habitants.

      Il n’y a « pas de solution miracle ». Surtout pas « avec plus d’argent », a prévenu le chef de l’Etat devant quelque 250 maires réunis à l’Elysée, mardi 4 juillet, sur l’air du « trop, c’est trop » : « La santé est gratuite, l’école est gratuite, et on a parfois le sentiment que ce n’est jamais assez. » Dans la crise des violences urbaines qui a meurtri 500 villes, après la mort du jeune Nahel M. tué par un policier, le président de la République a durci le ton, allant jusqu’à rappeler à l’ordre des parents. Une méthode résumée hâtivement la veille par le préfet de l’Hérault, Hugues Moutouh, sur France Bleu : « C’est deux claques, et au lit ! »

      L’urgence politique, dit-on dans le camp présidentiel, est de rassurer une opinion publique encore sous le choc des destructions et des pillages. « Une écrasante majorité de Français se raidit, avec une demande d’autorité forte, confirme Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Déjà sous Sarkozy, l’idée dominait qu’on en faisait trop pour les banlieues. Les dégradations réactivent cette opinion. Emmanuel Macron est sur une crête difficile à tenir. »

      Ce raidissement intervient sur fond de #fracture territoriale et politique. « L’opposition entre la France des quartiers et celle des campagnes nous revient en pleine figure. Si on met encore de l’argent, on accentuera la fracture », pense Saïd Ahamada, ex-député de la majorité à Marseille. « Les gens en ont ras le bol, ils ne peuvent plus entendre que ces quartiers sont abandonnés », abonde Arnaud Robinet, maire de Reims, qui abrite sept #quartiers_prioritaires_de_la_politique_de_la_ville (#QPV), et membre du parti d’Edouard Philippe.

      (#paywall)

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/07/06/entre-emmanuel-macron-et-les-banlieues-le-rendez-vous-manque_6180759_823448.

  • #Douarnenez : ni volets fermés, ni ghettos dorés

    Habiter une ville touristique, une vue sur mer pour les précaires (Éditions du commun) est le résultat de plusieurs années d’enquête du collectif Droit à la ville Douarnenez sur la « #touristification » de la petite ville bretonne. De quoi questionner la #gentrification de nos territoires et ouvrir des pistes de #résistance. Entretien avec deux de ses auteurs.

    Dans quelle ville voulons-nous vivre ? Au profit de qui se transforme-t-elle ? Depuis 2018, le collectif Droit à la ville Douarnenez cherche à répondre à ces questions1. Galères de logement, modelage de l’espace aux goûts supposés des touristes, luxueux projets immobiliers inaccessibles aux locaux… Ses membres ont voulu comprendre comment le port finistérien en est arrivé là, tout en proposant des pistes pour un #littoral réellement accueillant. Le résultat ? Une riche enquête de terrain parue en avril dernier aux Éditions du commun : Habiter une ville touristique, une vue sur mer pour les précaires. Rencontre avec Charlotte et Guillaume, membres du collectif, dans un bistrot du port du Rosmeur.

    Comment est né ce projet de « recherche-action » autour de la gentrification à Douarnenez ?

    Charlotte : « En 2018, on a organisé une réunion publique à propos d’un projet de “pôle d’arts numériques” porté par l’avocate d’affaires Stéphanie Stein et censé prendre place dans l’ancien abri du marin de Douarnenez2. Ça nous a paru complètement hors-sol et révélateur d’une #spéculation croissante. À la suite de ces échanges, on a eu envie de s’organiser pour penser les évolutions récentes de la ville : d’un côté de nouveaux projets immobiliers, de l’autre de plus en plus de galères pour se loger. Des rencontres avec différents collectifs ont eu lieu au Local, un espace associatif autogéré. Sauf qu’en déballant ça sur la place publique, on s’est vus accusés de créer une mauvaise ambiance dans la ville, de ne pas être objectifs… On s’est dit que ce serait une manière de récolter de la matière dans de bonnes conditions, avec l’aide financière de la fondation Un monde par tous et en se faisant accompagner par l’association Appuii3, mobilisée sur ces problèmes de logement. »

    Guillaume : « Pour nous, la recherche-action est une recherche qui vient de la base : elle est conduite par les gens qui font partie de l’objet d’étude. Cela n’empêche pas d’avoir le soutien du milieu universitaire, mais on ne peut pas comprendre ce qu’il se passe à Douarnenez sans laisser place à l’émotionnel et au ressenti. Les données froides, les indicateurs, comme le nombre d’habitants, ou de Airbnb n’en rendront jamais compte de manière satisfaisante. C’est aussi un travail au long cours avec une volonté de transformer le réel. Notre objectif est de décrire ce qu’il se passe, mais aussi d’agir, en organisant des actions, des manifs ou de la solidarité concrète. »

    Le livre aborde différentes facettes de Douarnenez à travers une mosaïque de portraits et d’entretiens : un couple d’habitués des bistrots, une « néo-douarneniste » ou un vieux militant… Vous présentez aussi plusieurs lieux, par exemple Luzin4, un bâtiment assez emblématique de Douarnenez. Comment est venue cette manière d’écrire la ville ?

    C. : « De l’envie d’avoir un format hybride, composé de plein de petites cartes postales. Dans le collectif, chacun et chacune a pu travailler sur sa petite lubie. “T’as envie d’aller fouiller aux archives ? Super !” Moi, par exemple, j’étais au Conseil d’administration du festival du cinéma de la ville, du coup j’ai interrogé des personnes de l’association. On retrouve ainsi dans le livre des plumes et des points de vue différents, même si l’ensemble est lissé par le travail en commun. »

    Vous décrivez notamment l’impact du modelage du territoire au profit du tourisme et des résidents secondaires…

    C. : « En 2021, Douarn’ a été lauréate du dispositif “Petites villes de demain5”, ce qui lui a permis de financer la construction d’une promenade longeant le front de mer, un des attributs typiques des stations touristiques. Ils ont aussi produit une carte de la ville, soi-disant destinée aux habitantes et habitants. Mais Pouldavid et Ploaré, des quartiers un peu éloignés du centre-ville et de l’activité touristique, n’y figurent pas ! À côté de ça, cela fait des années que les habitants de Pouldavid demandent à la municipalité d’intervenir contre la dégradation de la cité HLM, et tout ce qu’on leur répond c’est “Désolé, c’est pas prioritaire, on trouve pas les sous”. »

    G. : « C’est une erreur de penser qu’avant Douarnenez c’était la pêche, et que maintenant c’est le tourisme. Il y a du tourisme depuis très longtemps. La question est de savoir ce qu’il produit sur le territoire. » Il y a un paradoxe dans cette « touristification » : elle détruit « l’authenticité » qu’elle vend aux visiteurs…

    C. : « Lors de la rénovation du port du Rosmeur, les Bâtiments de France6 ont imposé le blanc pour les ravalements de façades afin de produire une uniformité sur l’ensemble des ports de Cornouaille7. Alors que beaucoup des façades anciennes de Douarnenez sont peintes avec des restes de peinture de bateau. Et puis ce port, il est censé servir à quoi ? La promenade des touristes et la consommation dans les cafés ? Quitte à interdire la baignade et la pêche sur la cale – comme c’est le cas depuis 2019 – parce que ça fait sale ? »

    G. : « Il y a aussi le paradoxe du résident secondaire qui vient dans une ville qu’il espère vivante, alors qu’il contribue à l’étouffer. On a cette anecdote croustillante d’une personne nous racontant qu’elle a vendu sa résidence secondaire dans le Golfe du Morbihan “parce que là-bas c’est complètement mort”, pour en acheter une ici, “parce que la ville est vivante” ! »
    Quand ils sont interpellés sur les problèmes de logements, les élus des communes littorales se réfugient souvent derrière une indomptable « loi du marché ». Quel est leur rôle dans ces évolutions à Douarnenez ?

    C. : « Il y a quelques années, la municipalité se targuait de posséder pas mal de bâtis. Mais elle en a depuis vendu une bonne partie à des promoteurs immobiliers, parfois au détriment de projets collectifs ou associatifs. La majorité municipale de droite le justifie par une volonté de produire de la “mixité sociale par le haut”. Ces politiques ne sont pas menées pour les habitantes et habitants à l’année, mais pour favoriser les usages de résidents et résidentes secondaires, et pour des personnes qui ne sont pas encore sur le territoire. Elles se tournent vers un habitant hypothétique, dans une logique d’attractivité creuse. »

    Vous écrivez : « Nous ne sommes pas un collectif opposé au tourisme […] Nous sommes en revanche opposé·es au devenir touristique de la ville »…

    G. : « On a envie de défendre les vacances. Mais ce qui est important, c’est comment on décide collectivement de la juste place accordée au développement touristique. Comment accueillir plus de monde, sans artificialisation des sols, et en laissant de la place pour les gens qui souhaitent vivre ici à l’année ? »

    C. : « Il n’y a pas de solution simple, le livre n’est pas un manuel qui donne une liste d’actions à faire. Il invite juste à penser les choses dans leur complexité. Comme de se rendre compte que, contrairement à ce qu’il se dit, la moitié des résidents secondaires ne sont pas parisiens, mais bretons ! »

    https://cqfd-journal.org/Douarnenez-ni-volets-fermes-ni

    #Bretagne #droit_à_la_ville #tourisme #urbanisme #TRUST #Master_TRUST #logement #recherche-action #émotionnel #ressenti #données_froides #petites_villes_de_demain #Pouldavid #Ploaré #authenticité #résidences_secondaires #mixité_sociale_par_le_haut #aménagement_du_territoire #attractivité

    • Habiter une ville touristique. Une vue sur mer pour les précaires

      Dans quelle ville voulons-nous vivre ? C’est par cette question que commence le travail du collectif Droit à la ville Douarnenez. La ville bretonne connaît depuis quelques années un boom de l’immobilier. Les prix et le nombre de résidences secondaires augmentent et les habitant·es ont de plus en plus de mal à se loger. La ville se transforme, mais pour qui ?

      Ouvrage inédit, qui s’attache à décrire les mécanismes de touristification des villes côtières, cet essai montre comment ceux-ci mettent au ban une partie importante et précarisée des populations locales. À partir de l’exemple de la ville de Douarnenez, le collectif a mené une riche enquête dont ce livre restitue les principaux éléments. Analyses, entretiens et focus historiques, c’est par un travail fourni et protéiforme que le collectif produit la critique de ce processus déjà à l’œuvre dans de nombreuses villes européennes et mondiales.

      Par sa faculté à renouveler nos perceptions de l’habiter au sein des villes touristiques, et ce depuis la situation de celles et ceux qui en subissent les évolutions, ce texte constitue un outil important pour penser le droit à la ville, le droit au logement et le tourisme de manière générale.

      https://www.editionsducommun.org/products/habiter-une-ville-touristique-droit-a-la-ville-douarnenez
      #livre

      –-> déjà signalé par @simplicissimus ici :
      https://seenthis.net/messages/999762#message999764

  • Démolir des logements pour rénover la ville : un modèle obsolète | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/politique/210523/demolir-des-logements-pour-renover-la-ville-un-modele-obsolete

    À Pantin, la destruction programmée d’un immeuble HLM au motif d’« améliorer le cadre de vie » provoque la colère des habitants. La démolition comme outil privilégié par l’ANRU pour rénover les quartiers populaires est de plus en plus remise en question pour son coût social et écologique.
    [...]
    Situé face aux ateliers Hermès, entreprise qui a racheté de nombreux immeubles dans cette partie de Pantin collée à Paris, l’immeuble HLM de logements très sociaux fait partie d’un ensemble dessiné par l’architecte Denis Honegger autour d’une dalle. Selon les plans de la ville et de l’ANRU, il doit être remplacé par une circulation verte, plantée de quelques arbres, la dalle étant détruite pour permettre un axe de circulation. La Convention de l’ANRU qu’a pu consulter Mediapart évoque « un désenclavement ambitieux » grâce au « repositionnement des équipements ».
    [...]
    Dans cette partie déjà très gentrifiée de Pantin, tout proche de l’endroit où Chanel a installé il y a dix ans son département de recherche et développement, ces Pantinois ont le sentiment d’être de trop. « Vous avez payé votre logement pendant trente-sept ans et on vous met dehors comme ça », souffle une habitante qui égrène tous les aménagements réalisés à ses frais dans son appartement. « Comme on n’est pas propriétaire, ils pensent qu’ils peuvent nous déplacer comme des pions. » Elle se désole pour sa voisine de 86 ans à qui on demande brutalement de plier bagage.
    [...]
    « Quand l’ANRU est créée en 2003, il y avait l’idée que le logement social massif était un stigmate qui collait aux habitants. Ils ont beaucoup démoli y compris des logements de bonne qualité », rappelle l’urbaniste Gwenaëlle d’Aboville, atterrée par « le gâchis » que représente une telle démolition. La destruction de l’immeuble de la rue Auger et de la dalle attenante correspond pour elle à un dogme « anti-dalle, partagé par de nombreux urbanistes, relayé par l’ANRU alors que certaines fonctionnent bien ».
    [...]
    jusqu’aux années 2010-2011, l’ANRU mettait la pression pour que les villes démolissent au maximum : « L’incitation financière était très forte avec des taux de financement beaucoup plus importants pour la démolition que pour la réhabilitation. En transformant la forme urbaine, on espérait changer la population. La démolition est alors vue par l’ANRU comme le principal levier pour atteindre l’objectif de mixité sociale. »
    [...]
    La frénésie démolisseuse [...] tient aussi parfois du préjugé. « La démolition vient souvent d’un imaginaire collectif qui associe le mal-logement avec tel ou tel type de bâtiment. Mais il faut se sortir cela de la tête. Il y a des tours, des barres qui dans certains quartiers où ne se concentrent pas les difficultés sociales fonctionnent très bien. »

    Si la tendance des vingt-trente dernières années a été à banaliser l’architecture des logements sociaux en évitant les constructions massives et les quartiers monotypes, rayer de la carte des bâtiments emblématiques d’une certaine époque est parfois aberrant. « On prend conscience qu’on a un héritage architectural dans ces quartiers »
    [...]
    L’argument du plus grand confort des habitants n’est pas toujours pertinent pour justifier les démolitions. « Dans les opérations ANRU parfois les habitants disent qu’ils étaient mieux dans leur ancien logement car les normes aujourd’hui sont à des appartements plus petits », relève Christine Leconte.
    [...]
    Après un premier échec à démolir une autre partie de l’ensemble HLM de la rue Auger, le maire de Pantin, qui semble avoir changé d’avis, avait d’ailleurs reconnu qu’« on ne fait pas le bonheur des gens contre leur volonté ».

    Le coût social que représentent ces opérations, avec des habitants souvent très attachés à leurs quartiers, commence à être évalué. « Démolir des immeubles, c’est aussi démolir des bouts de vie où les gens ont vécu » [...]

    https://jpst.it/3dYIj

    #urbanisme #logements_sociaux #quartiers_populaires #réhabilitation #rénovation #démolition #grands_ensembles #NPNRU #Pantin #ANRU #habitat #mixité_sociale #politique_de_la_ville #HLM #locataires

  • Enseignement privé et ségrégation scolaire
    https://laviedesidees.fr/Enseignement-prive-et-segregation-scolaire

    Les établissements d’enseignement privé contribuent fortement à la #ségrégation scolaire, qui varie fortement d’une localité à une autre. Lutter en faveur de la mixité implique de s’adapter aux particularités locales. L’enseignement privé et la ségrégation scolaire L’enseignement privé est régulièrement mis en cause dans le débat sur la ségrégation scolaire. Financé à hauteur de 73% sur fonds publics pour les établissements sous contrat, il échappe à la sectorisation scolaire et plus largement à des objectifs de (...) #Essais

    / Société, #école, mixité, ségrégation

    #Société #mixité
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20230425_oberti-2.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20230425_oberti.pdf

  • Je relève ces deux infos dans le dernier « Etre et savoir » sur France Culture, consacré au privé, avec Agnès Van Zanten.
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/etre-et-savoir/publique-ou-privee-faut-il-choisir-son-ecole-8856330

    – Paris sera dans 10 ans aussi ségrégué scolairement que le pays le plus ségrégué au monde.

    D’après ses derniers calculs, dans dix ans, près de la moitié des élèves parisiens de sixième seront inscrits dans des collèges privés (à nombre d’élèves parisiens constant) ! 47% à la rentrée 2033, contre 37% à la rentrée 2022. « Alors que la part de l’#enseignement_privé est resté stable autour de 34% entre 2005 et 2020, elle augmente chaque année d’un point depuis », s’alarme l’universitaire.

    Provocateur, Julien Grenet ajoute : « Le seul endroit où une telle envolée a été constatée dans l’Histoire est au Chili, après la réforme éducative de… Pinochet ! »

    https://fr.finance.yahoo.com/actualites/face-%C3%A0-l-envol%C3%A9e-s%C3%A9gr%C3%A9gation-084500409.html

    – La ségrégation ethnique est massive dans le privé.

    les enfants issus de l’immigration sont quasiment absents dans les établissements privés : plus de 99% des élèves du privé sont de nationalité française, alors que 6% d’élèves d’origine étrangère constituent les effectifs du public ; un résultat comparable concerne la nationalité des parents : plus de 10% des parents d’élèves dans le public sont étrangers, pour seulement 3% dans le privé.

    https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2014-2-page-143.htm

    Ce qui fait dire dans l’émission qu’on tient là une des raisons du succès du privé (ce que nuancera Agnès Van Zanten - la dimension ethnique en recouvrant d’autres).

    Au square après l’école entre parents d’élèves, ça parle très souvent des écoles du quartier. Et comme on ne peut pas connaître une école sans y être, ça se base sur le seul truc visible : les têtes des élèves et de leurs parents à la sortie des classes. Évidemment ce n’est jamais dit, et on expliquera choisir le privé pour le projet pédagogique.
    #éducation #mixité_sociale

  • « Cette réforme instrumentalise la cause des #femmes » - POLITIS
    https://www.politis.fr/articles/2023/01/retraites-cette-reforme-instrumentalise-la-cause-des-femmes


    #retraites

    Quelles mesures efficaces permettraient, selon vous, de réduire concrètement les #inégalités entre les femmes et les hommes face à la retraite ?

    Le premier objectif, la base de tout, c’est l’égalité salariale. L’égalité professionnelle réduirait les inégalités de pension. L’autre avantage est que cela dégagerait environ 6 milliards annuels de cotisations retraite supplémentaires pendant une quarantaine d’années. Soit exactement la période pour laquelle le gouvernement nous annonce un cataclysme financier. Réaliser l’égalité salariale, c’est simple : il suffit de sanctionner les entreprises qui discriminent.

    Le second objectif est de lutter contre les temps partiels. Une loi a été votée en 2014 qui interdit les temps partiels de moins de 24 heures, mais elle n’est pas du tout effective en raison du grand nombre de dérogations. Il faut instaurer un système dissuasif de surcotisation pour tous les emplois à temps partiel, qui permettrait de faire rentrer de l’argent dans les caisses et de donner accès, pour celles qui sont sur ces postes, à des droits sociaux (chômage, retraite…) sur la base d’un temps plein.

    Il faut aussi revaloriser les métiers féminisés, moins bien payés à qualification équivalente. Pour y parvenir, la puissance publique n’est pas démunie : bon nombre de ces emplois sont dans son giron, une bonne partie dans la fonction publique, une autre dans le secteur privé, mais avec des entreprises – des Ehpad privés par exemple – solvabilisées par l’argent public. L’État dispose de leviers d’action directs. Il est faux de dire que les pouvoirs publics ne peuvent rien faire et qu’il revient uniquement aux acteurs sociaux de régler la question.

    Et la question du temps et de la durée de travail ?

    Le temps des femmes n’est pas le même que le temps des hommes. Les femmes assument toujours 80 % des tâches domestiques, et cela joue à tous les niveaux : sur les temps partiels comme sur les interruptions de carrière pour avoir un enfant ou s’occuper d’une personne âgée dépendante. Nous disons qu’une politique féministe ne consiste pas à aligner les carrières des femmes sur celles des hommes. Déjà, la durée de carrière requise est parfois inaccessible à ces derniers : 32 % partent avec une carrière incomplète !

  • Le collège d’à côté
    https://laviedesidees.fr/Le-college-d-a-cote.html


    Lecture : Parmi l’ensemble des paires de collèges situés à moins de 15 minutes à pied l’un de l’autre, 203 sont composées de deux collèges très défavorisés. Ces paires de collèges représentent 8 % de l’ensemble des paires de collèges situés à moins de 15 minutes à pieds. Plus la couleur des cellules est foncée, plus la distance entre la composition sociale des collèges est importante.

    En effet, il est difficile de faire en sorte que chaque #collège ait la même composition sociale à l’échelle nationale, académique, voire même départementale, du fait de la ségrégation résidentielle existante à ces échelles et des contraintes de temps de trajet pour les collégiens. En revanche, ces facteurs sont moins contraignants lorsque la ségrégation sociale s’opère entre collèges voisins l’un de l’autre. De fait, les pouvoirs publics disposent alors de plus de marges de manœuvre pour agir sur la #mixité_sociale de ces établissements.

    [...] 548 des 1371 collèges très défavorisés sont à moins de 15 minutes à pied d’un autre collège. Parmi eux, 192 sont à proximité d’un collège favorisé, c’est-à-dire que parmi les collèges très défavorisés situés à proximité d’un autre collège, 35 % sont proches d’un collège favorisé. Ainsi, à la rentrée 2021, plus de 92 000 élèves étaient scolarisés dans un collège très défavorisé situé à proximité d’un collège favorisé. L’ampleur de ce phénomène n’est donc pas négligeable puisqu’il concerne plus d’élèves que l’ensemble des collégiens scolarisés à Paris. Ce constat tend à relativiser l’idée selon laquelle les collèges les plus défavorisés le sont nécessairement, du fait de leur implantation au sein de quartiers enclavés, exclusivement peuplés de ménages pauvres.

    [...] Dans 85 % des cas, lorsqu’un collège favorisé est situé à proximité d’un collège très défavorisé, il s’agit d’un établissement privé. Ces configurations peuvent ainsi inclure un collège public au secteur de recrutement relativement mixte, mais massivement évité par les catégories sociales les plus favorisées, au profit du collège privé de proximité. Cette observation contraste avec le discours selon lequel les établissements privés les plus favorisés le sont du fait de l’absence d’élèves d’origine sociale défavorisée à proximité. À l’inverse, 15 % des configurations comprenant un collège très défavorisé et un collège favorisé concernent deux collèges publics. Là encore, il se peut que le collège le plus défavorisé le soit du fait d’un évitement vers le secteur privé. Il est également possible qu’une différence d’offre de cours optionnels crée un déséquilibre d’attractivité entre les deux collèges et facilite l’octroi de dérogations à la sectorisation scolaire de l’un vers l’autre. Enfin, la manière dont les frontières entre secteurs sont tracées est susceptible d’accroître les contrastes sociaux existants entre les quartiers. Une #sectorisation_scolaire qui consisterait à affecter les élèves venant de quartiers proches, mais au profil social différent à un même collège favoriserait ainsi la mixité sociale dans le secteur de recrutement de ce collège. À l’inverse, en assignant les élèves d’un quartier défavorisé à un collège et ceux d’un quartier favorisé à un autre collège, la sectorisation scolaire reproduit à l’identique la ségrégation résidentielle. Le tracé de la sectorisation scolaire n’est donc pas neutre et au centre de luttes politiques entre parents d’élèves et décideurs.

    #éducation #enseignement_privé

    • Hector-Berlioz, un collège sauvé par la mixité sociale
      https://www.liberation.fr/societe/education/berlioz-un-college-sauve-par-le-melange-20221230_QWYK4EEZRVGAPD6ZXCG2G4L2

      Face à la forte ségrégation dont souffrent certains collèges, l’ancienne ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem lançait en 2015 une expérimentation dans 15 départements. A Paris, la mairie et l’académie se concentrent alors sur six collèges, en jumelant deux établissements géographiquement proches mais opposés dans leur composition sociale. Berlioz, qui compte près de 60 % d’élèves de milieux défavorisés, est couplé avec Coysevox, qui n’en compte que 10 à 20 %. L’extrême opposé, à 600 mètres seulement.

      Coysevox, c’est le collège réputé et à dominante blanche d’un quartier bobo situé plus haut, sur la butte Montmartre. Entre les deux, la rue Championnet, frontière invisible au-delà de laquelle les élèves de chaque quartier n’ont même pas l’idée de s’aventurer. Dès la rentrée 2017, le binôme Berlioz-Coysevox expérimente la « montée alternée » : le principe est de regrouper tous les élèves du double secteur au même endroit à l’entrée en 6e, une année sur deux. Les années impaires, tous les élèves qui entrent en 6e vont à Coysevox et effectuent toute leur scolarité là-bas. Les années paires, c’est l’inverse : tous les 6e vont à Berlioz. Les deux collèges ont donc seulement deux niveaux : 6e et 4e ou 5e et 3e, qui alternent d’un an sur l’autre. L’annonce du projet est accueillie comme pain bénit à Berlioz mais déclenche une levée de boucliers à Coysevox et dans les écoles autour : grève des profs, blocus et manifs des parents, pétition et campagne d’affichage.

      [...] Julien Grenet, directeur de recherches au CNRS et directeur adjoint à l’Institut des politiques publiques (IPP), fait partie du comité scientifique qui a accompagné le projet. Il en tire un bilan positif : « Les parents favorisés côté Berlioz sont revenus très massivement. Ceux du côté de Coysevox sont davantage partis vers le privé mais les flux se sont compensés. » En 2016, 24 % des élèves du double secteur allaient dans le privé, contre 16 % en 2019. « Cela montre que la ségrégation n’est pas une fatalité. Les parents sont prêts à revenir dans le public, avec plus de mixité, pourvu qu’on leur propose autre chose qu’un ghetto de pauvres », remarque le chercheur.

      Cinq ans après, les taux d’absentéisme et de décrochage ont chuté et celui de la réussite au brevet a grimpé à 89 %, dans la moyenne parisienne. « Grâce à la mixité, les élèves s’approprient les codes des classes dites favorisées – bien se tenir, enlever sa casquette – qui permettent aux meilleurs d’intégrer avec succès des lycées prestigieux », remarque Farid Boukhelifa. Terminé aussi les problèmes de violence : le quartier a retrouvé son calme.

  • Dans l’#enseignement_privé, de plus en plus d’élèves très favorisés
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/09/22/dans-l-enseignement-prive-de-plus-en-plus-d-eleves-tres-favorises_6142655_32

    C’est une note des services statistiques du ministère de l’#éducation nationale, parue pourtant au cœur de l’été, qui ne cesse d’alimenter les débats dans les cercles éducatifs, tant les chiffres y sont éloquents. Si l’enseignement privé sous contrat accueille environ un élève sur cinq en France depuis plusieurs décennies, l’entre-soi s’y est davantage renforcé que dans le public, indique cette étude, alors que le ministre, Pap Ndiaye, a fait de la #mixité_sociale l’une de ses priorités. A la rentrée 2021, 40 % des élèves scolarisés dans un collège privé sous contrat étaient issus d’un milieu social très favorisé, contre à peine 20 % dans le public.

  • Edith Maruéjouls, géographe : repenser la cour de récréation

    #Edith_Maruéjouls, géographe du genre, intervient depuis 20 ans dans les écoles, où les garçons ont tendance à s’approprier l’#espace de la cour de récréation, essentiellement en jouant au foot. Elle explique comment elle travaille dans l’ouvrage « Faire je(u) égal ».

    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/une-semaine-en-france/une-semaine-en-france-du-vendredi-16-septembre-2022-7688356

    #cour_de_récréation #récréation #école #genre #filles #garçons #inégalités #football #foot #géographie #cour_d'école

  • « La mixité ? Nécessaire. Pas toujours possible »

    Faut-il séparer les élèves par niveaux ou les réunir dans des #classes hétérogènes ? Alors que Genève votera sur CO22, qui privilégie la seconde option, que dit la recherche ?

    Vaut-il mieux des #systèmes_scolaires séparant les élèves en filières ou les regroupant dans des classes hétérogènes ? Alors que Genève décidera le 15 mai s’il veut en finir ou non avec les sections et regroupements au Cycle d’orientation, que dit la recherche ?

    L’association Changeons l’école (CLÉ) a justement voulu donner des clés de compréhension pour éclairer le débat sur CO22 en invitant quatre universitaires autour d’une table ronde. Son président, Stéphane Garcia, doyen dans un collège, précise que, sur CO22, CLÉ, fondée il y a six mois par des gens travaillant ou ayant travaillé au DIP, ne prend pas position, bien qu’on trouve dans son comité le député vert’libéral et référendaire Jean-Michel Bugnion.

    Sociologue à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Barbara Fouquet-Chauprade affirme que, globalement, les #filières sont « les systèmes les moins efficaces et les plus inégalitaires ». Membre du Groupe genevois d’analyse des politiques éducatives, elle complète : « Plus l’orientation est retardée, mieux c’est pour limiter les inégalités. » Son collègue, Georges Felouzis, insiste sur le fait que la sélection précoce « laisse peu de place à la notion de seconde chance. La séparation a le défaut de pétrifier les statuts scolaires à la fin de l’école primaire. »

    Le pédagogue Olivier Maulini, qui dirige le Laboratoire innovation, formation, éducation (Life), rattaché à la même faculté, complète : « Des effectifs réduits pour mieux prendre en compte les difficultés d’une partie des élèves sont une mauvaise bonne idée, car on isole de plus en plus ces élèves, on individualise de plus en plus leur prise en charge en les privant des ressources du groupe qui peut stimuler les apprentissages. Résultat, on ne fait alors qu’empiler les dispositifs pour toujours plus individualiser, voire médicaliser l’encadrement des élèves en difficulté. » Dans une classe mixte, quand l’enseignant·e s’adresse plus particulièrement à un groupe d’élèves, les autres doivent apprendre à se taire, et donc le respect d’autrui, ajoute-t-il. « En réalité, les enseignants enseignent toujours pour toute la classe. »

    Lui aussi, au vu des comparaisons internationales, affirme que la recherche a prouvé la supériorité des systèmes hétérogènes, par exemple en Scandinavie ou en Asie. Dans une synthèse qu’il nous a fait parvenir, il note que « l’enseignement par niveaux est contesté dans (presque) toutes les sociétés : l’Allemagne tente de réduire le nombre de ses filières depuis que les comparaisons internationales l’ont mal classée ; la Pologne a unifié les siennes et nettement progressé ; la Corée du Sud a voulu à l’inverse avancer l’heure de la sélection, mais les experts l’en ont dissuadée. » Au micro, il explique : « Les effets de la concentration des difficultés sont l’étiquetage et la stigmatisation de ces élèves, un autodénigrement et un effet d’attente du corps enseignant, qui va adapter à la baisse ses exigences. »
    « Et l’excellence ? »

    Et plus les paliers d’orientation sont nombreux, plus les discriminations se durcissent : les parents des classes populaires ont tendance à auto-éliminer leurs enfants des filières les meilleures, explique le spécialiste. « Les enseignants ne font pas cette erreur pour leurs propres enfants et vont plutôt demander des dérogations. »

    Dans sa synthèse, M. Maulini précise encore que les classements et déclassements précoces peuvent susciter des sentiments de révolte, d’injustice, de résignation, et que ces choix ardus reposent essentiellement sur les jeunes les moins bien formé·es, qui vivent une double peine.

    Raison pour laquelle un système hétérogène profite en particulier aux élèves défavorisé·es. Ces gains sont largement supérieurs aux effets négatifs marginaux vécus par leurs camarades les mieux noté·es. Et l’excellence ? demande un enseignant dans le public. « Il est important pour tout pays de former une élite scolaire, mais là où on observe des politiques de mixité, on constate aussi que l’école est performante en termes d’excellence », répond M. Felouzis.

    Puis il prend l’exemple de la France, où le collège unique cache une ségrégation de fait en fonction des emplacements géographiques des établissements. « Les inégalités scolaires y sont très fortes, tandis que l’élite est formée dans les grandes écoles. Abandonner les filières n’aboutit pas à avoir un enseignement moyen, mais à ce que l’obtention des diplômes et la formation des élites ne dépendent pas de l’origine sociale ou migratoire. »

    Olivier Maulini affirme encore que « le passage mécanique des filières à des classes hétérogènes apporte une amélioration. Mais la plus-value augmente si l’on y ajoute une pédagogie différenciée efficace, privilégiant des remédiations intensives, ponctuelles et ciblées. » Tout le contraire d’un redoublement ou, justement, d’une séparation dans une classe à niveau. Les effets-leviers de ces remédiations, poursuit l’universitaire, ont un impact sur le climat de la classe, de l’établissement, du corps enseignant, une « boucle vertueuse » favorisant la cohésion sociale.

    Or, tout dépend de ce que l’on privilégie : la cohésion ou la compétition sociale ? Et c’est là que ça peut coincer, à entendre Olivier Maulini : « Au vu de leurs effets de ségrégation avérés, il est nécessaire de se passer des filières. Mais le nécessaire n’est pas toujours possible, on est bien placés à Genève pour le savoir. » Car « dans les régions où les diplômes décident le plus des destins sociaux, tout le monde attache beaucoup d’importance à la réussite scolaire ».

    Historien de l’éducation, Christian Alain Muller voit dans les Trente Glorieuses le début de la course aux diplômes, faisant qu’aujourd’hui, ne pas en avoir laisse comme seul débouché la livraison de pizzas. « Il fallait former de nombreuses personnes pour des emplois ‘moyens’ dans les services, nécessitant des diplômes. Aujourd’hui, l’école est très importante pour les gens des classes moyennes afin que les générations suivantes puissent conserver leur statut social. C’est pourquoi l’enjeu sur l’école est si fort et pas neutre du tout. »
    Une paix scolaire

    A Genève, ces rapports de force se sont traduits par ce qu’on appelle la « guerre scolaire » au début des années 2000, et, si l’on traduit correctement la pensée de ces universitaires, de la victoire de la compétition sociale : retour des notes à l’école primaire, puis retour des sections avec l’actuel « nouveau Cycle d’orientation ». Celui-ci, qui offre des passerelles pour passer d’un niveau à l’autre, se voulait une réponse politique consensuelle entre deux projets aux antipodes : l’hétérogénéité versus un Cycle multipliant des filières étanches. Genève s’est ainsi acheté la paix scolaire pour près de dix ans. Mais à quel prix ?

    Alors que ce système se voulait plus sélectif, il n’a rien changé pour la grande masse des élèves, selon Mme Fouquet-Chauprade, qui a étudié cette réforme de près. En revanche, celles et ceux à la marge ont été figés dans la voie de garage de la section la plus faible et génératrice de mal-être, alors qu’avec le précédent système, ces jeunes auraient pu prétendre à un destin scolaire plus gratifiant.

    Reste qu’elle aussi prévient : d’une réforme sur le papier comme CO22 à sa mise en pratique, il y a un fossé. Or « quand les acteurs du terrain ne sont pas impliqués dans une réforme éducative, ils ne s’y reconnaissent pas ». En ce sens, juge l’universitaire, en comparaison du système actuel qui a été « imposé par le politique », CO22 se veut « relativement innovant » au vu d’une « réelle volonté de négocier, du partenariat avec les syndicats, les partis ou encore l’apport des chercheurs ». Mais impossible de parler de co-construction puisque, de fait, « le corps enseignant du Cycle est divisé ». Si CO22 passe, une partie du corps enseignant réfractaire pourrait appliquer des stratégies d’évitement, comme on en observe à Neuchâtel, qui a abandonné les filières en 2017.

    Olivier Maulini, lui, observe parfois dans les classes hétérogènes des « effets non désirés » : suradaptation de l’enseignement aux aptitudes supposées, sous-stimulation d’individus ou de groupes marginalisés, hiérarchies implicites d’évaluation, exclusions de l’intérieur, dirigisme, paix sociale plus ou moins négociée…

    Au passage, le chercheur n’est pas étonné que, si le syndicat du Cycle s’abstient à propos de CO22, celui du primaire soutient cette réforme puisque, par un effet de cascade, « c’est au primaire que l’orientation se joue ».
    Des élèves coulent

    Conclusion du spécialiste : pour arbitrer entre hétérogénéité ou filières, il faut tenir compte d’au moins trois facteurs clés : un corps enseignant plus ou moins apte à mettre en œuvre une pédagogie inclusive ; le degré de cohésion social versus l’angoisse endémique d’être bien ou mal sélectionné ; une tradition politique de progrès patiemment négociés ou une autre, faite d’effets d’annonce sur fond de préférences idéalisées.

    Quant à Christian Alain Muller, il attire l’attention sur une bombe sociale qui transcende ce débat : « 10 à 15% d’élèves coulent, qui ne se conforment pas à la forme scolaire, développent une phobie scolaire ou entrent dans un processus de médicalisation, certains ne supportent pas l’énorme pression des évaluations et développent une angoisse. Les parcours se prolongent, on multiplie les dispositifs. » Et la conclusion qui fait mal : en réalité, « on ne sait pas quoi faire avec ces élèves ».

    Alors que la guerre scolaire a repris, le 15 mai, le peuple dira si, après le retrait de l’initiative pour l’hétérogénéité il y a treize ans, suivi de l’échec du retour des sections en termes d’égalité des chances, le canton est mûr pour à nouveau réformer son Cycle.

    https://lecourrier.ch/2022/05/03/la-mixite-necessaire-pas-toujours-possible

    #école #mixité #éducation #classes_sociales #inégalités #politiques_éducatives #sélection #seconde_chance #statuts_scolaires #séparation #isolement #apprentissage #individualisation #médicalisation #enseignement_par_niveaux #stigmatisation #excellence #discriminations #double_peine #remédiations #pédagogie_différenciée #cohésion_sociale #compétition #diplômes #réussite_scolaire #pédagogie_inclusive #Suisse #Genève

  • Le plus grand immeuble de Suisse porte bien ses 60 années

    Le bâtiment central de la cité du #Lignon mesure plus d’un kilomètre. C’est le plus grand ensemble locatif de Suisse. La #qualité_de_vie est réelle dans ce quartier de 6500 habitants, mais des tensions existent entre anciens, nouveaux venus et jeunes adultes.
    C’était l’année 1974. Michèle Finger se souvient de son arrivée dans la #Cité_du_Lignon. Elle était en voiture avec celui qui deviendrait son mari. La cité s’allongeait devant elle avec son kilomètre de long, ses 2780 logements et 84 allées. « C’était inimaginable, immense. Je n’arrivais pas à visualiser un bâtiment de cette taille », se remémore-t-elle. Une fois à l’intérieur, Michèle est rassurée. « Mon ami était installé dans un quatre pièces. C’était bien conçu et très lumineux. La vue était grandiose, sans vis-à-vis. C’était étrange, on ne se sentait pas coincé dans une cité », raconte cette ancienne comptable, originaire de Porrentruy. Le temps est passé, les enfants sont partis et désormais, Michèle et son mari se préparent à déménager dans une maison avec un encadrement socio-médical, tout en restant près du Lignon.

    Le promoteur et architecte genevois #Georges_Addor (1920-1982), chef de ce projet, prévu initialement pour loger jusqu’à 10’000 personnes, aurait été ravi d’entendre Michèle. « Le bonheur des gens ? C’est la préoccupation la plus grande d’un architecte qui construit un ensemble de cette taille », affirmait-il en 1966 devant les caméras de la RTS. « Dès lors qu’une personne a compris qu’elle aura quatre voisins autour d’elle, avoir 15 étages en-dessous ou au-dessus d’elle ne changera rien », expliquait ce fils de la grande bourgeoisie immobilière du canton. « Il était encarté à gauche et roulait en Maserati », résume au sujet d’Addor, l’architecte #Jean-Paul_Jaccaud. Son bureau a participé à la #rénovation_énergétique de 1200 appartements du Lignon, un travail primé fin 2021 par le magazine alémanique « Hochparterre » et le Musée du design de Zurich. Le travail s’est étalé sur dix ans et aura coûté 100 millions de francs.

    Une construction rapide et fonctionnelle

    Tout dans l’histoire du Lignon s’écrit avec de grandes lettres. Le projet a d’abord été élevé en un temps record. Nous sommes à 5 kilomètres du centre. Il y a de la place pour construire dans des zones tracées par l’État pour organiser le développement du canton sans le miter. Durant la première étape, entre 1963 et 1967, 1846 #appartements sont réalisés. « Aujourd’hui, une telle rapidité serait impensable, comme d’ailleurs la conception d’un projet de ce type », estime Jean-Paul Jaccaud. L’œuvre est moderniste et fonctionnelle. L’État et la commune de #Vernier visent la #mixité_sociale. Le grand serpent du Lignon, dont les allées descendent vers le Rhône par petits degrés offre des appartements conçus à l’identique, qu’il s’agisse d’un logement social ou d’un appartement en propriété par étages. Tous les appartements sont traversants. Les prix sont définis en fonction de la taille des logements et de l’étage. Jean-Paul Jaccaud cite l’exemple d’un 6 pièces proposé à 2800 francs mensuel.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=pAoTel16ZnQ&feature=emb_logo

    « …comme dans une ruelle du Moyen-Âge »

    On pénètre dans le quartier en passant sous une arche. Le côté intérieur du serpent est silencieux. On chemine à l’abri du trafic. Les parkings sont cachés sous de grandes pelouses. Dessiné par l’architecte-paysagiste Walter Brugger, l’espace public est ponctué de fontaines, de places. Les rez-de-chaussée sont transparents. Un bel escalier en pierre blanche permet de descendre vers le Rhône en pente douce, « comme dans une ruelle du Moyen-Âge », compare Jean-Paul Jaccaud. Georges Addor a bâti en hauteur et en ligne afin de préserver les 280’000 mètres carrés de terrain disponibles pour l’ensemble du projet, avec au bout une surface identique de plancher habitable. Non seulement le bâtiment central est long, mais il est aussi très élevé, atteignant 50 mètres par endroits. Jusqu’aux années 1990, la plus haute tour du Lignon, qui en compte deux, était également la plus haute de Suisse. « Rares sont les bâtiments de ce type à avoir aussi bien vieilli », commente Jean-Paul Jaccaud.

    Du calme, de la lumière et des services à la population

    Au 10e étage de la plus petite des deux tours de la Cité, qui constituent le haut du panier au Lignon, nous visitions un appartement qui vient d’être rénové. Les travaux ont permis d’améliorer la performance énergétique de 40%. La conception initiale n’était pas mauvaise, indique l’architecte genevois. En effet, un immeuble tout en longueur limite le nombre de parois à isoler. En ce matin de janvier, le soleil inonde les pièces. La vue est grandiose, on découvre un bras du Rhône et au-delà le Jura. Autre astuce d’Addor ? Les deux tours en question ont été élevées au point le plus bas, « pour éviter de les rendre dominantes », explique Jean-Paul Jaccaud.

    Tous les habitants du Lignon le disent : la Cité est une ville à la campagne. Elle permet aussi d’y vivre en autonomie. Au cœur du Lignon bat un petit centre commercial d’un étage. Il y a là tout le nécessaire : tea-room, restaurant, brasserie, cordonnier, coiffeur, poste, boucherie, clinique. Et aussi une paroisse protestante, une église catholique, un terrain multi-sport, une ludothèque, un local pour les adolescents et deux groupes scolaires.

    Chaque samedi, l’ancien pasteur Michel Monod, qui vit ici depuis 1973, se poste entre la Migros et la Coop pour saluer les gens. « Techniquement, c’est un ensemble parfait », dit-il. Avant de déplorer le manque de liens entre les habitants, dans cette Cité qui compte plus de 100 nationalités. « C’est le règne de l’individualisme de masse », juge-t-il.

    De jeunes adultes en mal d’un lieu de vie

    Michel Monod co-dirige le Contrat de quartier du Lignon, dont le but est d’aider les gens à réaliser des projets communautaires. Chaque jour, il rejoint un auvent situé sous la salle de spectacle du Lignon. Là, à l’abri des regards, de jeunes adultes du quartier se réunissent, se réchauffant parfois au feu d’un brasero artisanal. Michèle Finger connaît le lieu. Ce regroupement de jeunes qui fument et boivent des bières en écoutant du rap suscite chez elle un sentiment d’insécurité, dans cette cité où elle se reconnaît moins qu’avant. Certes, le loyer des époux Finger est dérisoire, soit 1200 francs pour un cinq pièces, charges et garage compris. Mais cette habitante, qui s’investit dans plusieurs associations du quartier, déplore des détritus s’amoncelant devant des lieux de collecte, des crachats dans l’ascenseur et le fait que des jeunes squattent le bas des allées. « Je ne connais pas les locataires installés récemment dans mon immeuble. Les gens ne prennent même plus la peine de relever le journal du quartier », dit-elle, pointant un manque d’intérêt des « nouveaux étrangers » arrivant au Lignon.

    Travailleur social au Lignon depuis 2012, Miguel Sanchez, 39 ans, connaît ce discours et comprend ce malaise. « Avec ses loyers peu chers, le Lignon offre une solution à des personnes issues de la migration. Cette mixité ethnique et sociale, dans un contexte général économique plus tendu, rend peut-être la création de liens plus compliquée que par le passé », analyse-t-il. « Mais le Lignon n’est pas une cité dortoir, comme il en existe en France. Elle est équipée et entretenue. D’ailleurs les jeunes sont fiers de vivre ici. Il n’y a jamais eu de gros souci de sécurité ou de criminalité. Il faut plutôt parler d’incivilités », décrit l’animateur socio-culturel.

    En fait, Michel Monod prête aux jeunes du brasero des qualités qui feraient défaut aux résidents du Lignon. « Ils sont extrêmement fidèles en amitié. Des gens me disent, enfermez-les ! Je leur dis : ce sont vos enfants. » Lui aussi, lors de son arrivée au Lignon avait trouvé le quartier hors de proportion. « Je m’étais dit : ce n’est pas possible de vivre comme dans une termitière et je m’étais donné comme mission de réunir les gens. » Mais lui aussi aime le Lignon.

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/le-plus-grand-immeuble-de-suisse-porte-bien-ses-60-annees
    #Le_Lignon #Genève #Suisse #urbanisme #architecture #logements_sociaux #prix #Walter_Brugger #espace_public #Rhône #autonomie #liens #liens_sociaux #incivilités #sécurité #criminalité

  • Comment améliorer la #mixité dans les formations initiales ?
    https://www.inegalites.fr/Comment-ameliorer-la-mixite-dans-les-formations-initiales

    Certes, il faut tenir compte des trajectoires d’exception, toujours possibles. Mais l’observation et l’analyse des expériences scolaires atypiques dans les formations techniques amènent au constat d’inégalités d’accueil des jeunes selon le sexe : les jeunes hommes en secrétariat ou coiffure sont bien mieux accueillis et intégrés que les jeunes femmes en mécanique ou électronique. Celles-ci se disent « testées », remises en cause dans leur choix et leur place, quand ceux-là se décrivent comme entourés et « chouchoutés », avec les conséquences que cela implique sur l’assurance de soi, la recherche d’un lieu de stage, la persévérance et l’insertion à la sortie. Marcher sur les territoires habituellement réservés à l’autre sexe est plus couteux pour les jeunes femmes que les jeunes hommes et les clichés vont bon train.

  • L’écran de la Samaritaine Didier Rykner
    https://www.latribunedelart.com/l-ecran-de-la-samaritaine

    La Tribune de l’Art avait combattu le projet de la Samaritaine, mené par LVMH avec le soutien de la Ville de Paris et du Ministère de la Culture ( https://www.latribunedelart.com/paris-samaritaine ). Détruire un ensemble de maisons anciennes des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles au cœur de Paris nous faisait revenir au vandalisme des années 1960. La décision du Conseil d’État validant cette opération en désavouant le tribunal administratif était un parfait scandale. Mais on ne lutte pas contre Bernard Arnault, surtout quand celui-ci bénéficie de tous les soutiens politiques, de la droite à la gauche, en passant par une grande partie de la presse ( https://www.latribunedelart.com/la-samaritaine-lvmh-et-la-presse-l-eternel-retour ).


    8. La vue panoramique sur écran depuis la Samaritaine : un écran filmant la Seine... - Photo : Didier Rykner

    Le bâtiment construit par SANAA, nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire ( https://www.latribunedelart.com/samaritaine-la-victoire-de-bernard-arnault-la-defaite-du-patrimoine ), est d’une grande médiocrité, et en rupture totale avec son environnement. Contrairement au procès d’intention que nous font certains, nous ne sommes évidemment pas hostile à l’architecture contemporaine. Il y a d’excellents architectes comme Tadao Andō ou Rudy Ricciotti [1], des architectes capables du meilleur comme du pire, tel Jean Nouvel. Mais il y a aussi des architectes que nous préférons ne pas qualifier, comme Yves Lion, Dominique Perrault ou encore Bruno Gaudin.

    Il paraît que SANAA est un grand cabinet d’architectes. Le Louvre Lens n’en témoigne pas vraiment, même si l’on peut trouver pire. L’édifice qu’ils viennent de construire pour la Samaritaine n’est pas seulement médiocre extérieurement (ill. 1), il l’est aussi à l’intérieur (ill. 2 et 3). Ce n’est même pas médiocre, ce n’est rien. On pourrait se trouver dans un centre commercial de Tokyo ou de Dubaï, il n’y aurait aucune différence. Voilà pourquoi on a détruit un îlot du Paris historique !


    Intérieur du nouveau bâtiment de la Samaritaine - Architectes : SANAA - Photo : Didier Rykner

    La restauration elle-même des bâtiments Art nouveau et Art déco de la Samaritaine nous semble plutôt réussie (ill. 4 à 6), même s’il faudrait sans doute l’étudier plus soigneusement. L’architecte qui en est le maître d’œuvre est un de nos bons architectes en chef, Jean-François Lagneau. Nous l’avons contacté sur un point qui nous inquiétait : à l’origine, le bâtiment d’Henri Sauvage était construit avec des dalles Saint-Gobain en verre qui faisaient office de planchers à tous les niveaux, et qui donnaient à l’ensemble une luminosité et une transparence exceptionnelles. Cet aspect a complètement disparu et Jean-François Lagneau nous a indiqué que ce n’était pas faute d’avoir cherché une solution qui puisse correspondre aux normes de sécurité actuelles. Or, il semble impossible d’installer des planchers en verre qui ne s’écrouleraient pas au moindre incendie. Dont acte, même si cela est bien triste.


    Un des grands halls de la Samaritaine après restauration - Photo : Didier Rykner

    Nous nous interrogions sur deux autres points. D’abord, les lettres formant le mot « Samaritaine », qui datent de l’origine et font partie de la façade classée, n’ont pas encore été remplacées (ill. 6 et 7) et l’on pouvait s’inquiéter d’y voir à la place apparaître les mots « Cheval Blanc », nom de la chaîne d’hôtels de luxe qui s’y est installée. C’était en tout cas le souhait de LVMH. Heureusement, la DRAC Île-de-France nous a confirmé qu’elle tient à sa repose après restauration. Espérons que ce sera le cas.


    Façade de la Samaritaine d’Henri Sauvage (état actuel, sans le nom sur la façade) - Photo : Didier Rykner

    Le second point concernait des appliques Art déco de part et d’autre de la porte d’entrée du magasin, qui n’existent plus. Il s’avère qu’il s’agissait en réalité d’œuvres récentes, datant des années 1980, d’un designer américain, Hilton McConnico. Celui-ci avait créé deux pastiches fort réussis, qui furent vendus chez Lucien à Paris https://www.lucienparis.com/lot/6580/1482598?offset=170& le 14 juin 2010. Si l’on peut regretter que ces deux éléments, qui d’une certaine façon faisaient partie de l’histoire du bâtiment, aient été supprimés, on ne peut décemment crier au scandale. La commande était celle de l’ancien restaurant Toupary qui occupait la terrasse au dernier étage.


    8. La vue panoramique depuis la Samaritaine : un écran filmant la Seine... - Photo : Didier Rykner

    Rappelons qu’Anne Hidalgo célébrait ce projet https://twitter.com/Anne_Hidalgo/status/2518629569 en soulignant qu’il « servait au mieux la mixité sociale » sous prétexte qu’une crèche de 80 places devait être créée. Pas de chance : pour l’instant, aucune place de crèche n’existe encore ( https://www.leparisien.fr/paris-75/paris-la-creche-de-la-samaritaine-n-a-aucun-enfant-pour-ses-80-berceaux-0 ), et cela n’en prend pas le chemin, le Ier arrondissement n’étant pas « une zone prioritaire » . Mieux encore : désormais, seuls les clients de l’hôtel de luxe qui s’est installé derrière la façade sur la Seine pourront jouir de la vue magnifique qui autrefois était accessible à tous. Les simples parisiens pourront monter à l’étage sous les toits et s’asseoir pour regarder un écran géant montrant en direct la Seine qu’ils ne peuvent plus admirer de la terrasse (ill. 8). La mixité sociale, pour Anne Hidalgo, c’est mettre ses administrés devant un écran filmant la Seine. Peut-on imaginer un tel mépris ?

    #anne_hidalgo #bourgeoisie #mépris #Grand_Paris #urbanisme #métropole #métropolisation #france #logement #hidalgo #ps #ville_de_paris #mixité_sociale #ségrégation #luxe #vandalisme #Art_nouveau #Art_déco #ecrans

  • L’inclusivité en point de mire

    Nous l’avions promis, le voici, notre nouveau dossier sur l’écriture inclusive. Depuis début mars, celle-ci infuse nos pages, titillant nos réflexes acquis et ceux de nos lecteurs ou lectrices. Plusieurs ont applaudi des deux mains ou désapprouvé avec virulence : découvrez quelques-unes de leurs réactions en page 2, où nous évoquons aussi nos propres expériences.

    Le #langage_inclusif est encore en création, même s’il y a vingt ans déjà que la Confédération l’a intégré, comme bien d’autres lieux publics tel Le Poche, à Genève, qui parle au #féminin_générique (pp. 23 et 24). En 2013 déjà, à l’occasion du 8 mars, votre journal changeait de sexe et devenait La Courrier. Que l’#inclusivité passe désormais dans le langage courant véhiculé par Le Courrier ou par la RTS (p. 3) s’accompagne forcément d’#inconfort. Mais aussi de #stimulations et de #bienfaits : nous interroger plus précisément sur l’outil que nous manions et sur sa capacité à désigner la #mixité du monde enrichira notre regard. Et donc nos pages.

    Dans celles-ci, des spécialistes jugent différemment les outils de l’inclusivité et l’impact du langage sur nos #représentations, notamment celles des enfants (pp. 4 et 5). Quel que soit notre point de vue, on aurait tort de voir dans ces #transformations_linguistiques une querelle des Anciens et des Modernes : la spécialiste de la Renaissance Eliane Viennot rappelle que le français a longtemps été plus inclusif qu’il ne l’est aujourd’hui. Et des politiciennes disent combien l’inclusivité est une aide pour obtenir davantage de #justice (p. 2).

    On aurait tort aussi d’y voir un projet élitiste : la volonté de changement n’est pas d’abord venue des universités ni du pouvoir, mais de la rue. De femmes – et d’hommes – pour qui une langue plus #inclusive est une évidence. Et il faut rappeler que le #langage_épicène ne remplace pas les autres combats pour l’égalité, mais les accompagne. Au final, note Eliane Viennot, « nous sommes toutes et tous responsables de ce que nous disons et écrivons ». Et « si nous voulons une société plus juste, il faut progresser sur ce terrain-là aussi ». Bonne lecture, toustes !

    https://lecourrier.ch/2021/04/29/linclusivite-en-point-de-mire

    Le dossier complet (#paywall) :


    https://lecourrier.ch/dossier/ecriture-inclusive

    #journalisme #presse #Suisse #Le_Courrier #écriture_inclusive

  • #Budget genré de #Lyon : pour l’#égalité réelle femmes/hommes

    Pour la première fois en #France, une ville de plus de 500 000 habitants va mettre en place un #budget_sensible_au_genre. La ville de Lyon, sous l’impulsion d’#Audrey_Henocque, première adjointe en charge des #finances, et #Florence_Delaunay, adjointe à l’égalité femmes-hommes, va en effet évaluer son budget selon la répartition de la #dépense_publique envers les bénéficiaires hommes et femmes.

    En 2021, les #lignes_budgétaires de cinq directions seront analysées : une mairie d’arrondissement, le musée des beaux-arts pour la culture, la direction des sports, la direction des espaces verts et la direction de la commande publique. En 2022, ce seront l’ensemble des lignes budgétaires qui seront étudiées.

    L’objectif est de prendre conscience des #déséquilibres éventuels, et d’y répondre par des #actions_correctives.

    Dès 2021, pour répondre aux déséquilibres déjà criants, la ville de Lyon met également en place des actions pour renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en accordant autant de #subvention à l’OL féminin qu’à l’équipe masculine, et en travaillant sur les #cours_d’écoles à la fois pour les végétaliser, mais aussi les rendre plus adaptées à la #mixité des jeux. Pour que chacun et chacune ait sa place dans l’#espace_public, et dans la société. Pour passer d’une égalité de droits, à une #égalité_réelle entre les femmes et les hommes.

    Recommandé par l’ONU Femmes et le Conseil de l’Europe, le budget sensible au genre est déjà en place à #Vienne, capitale de l’Autriche, depuis plus de 15 ans, mais aussi au #Canada, #Mexique, #Australie, #Japon, #Islande. Marlène Schiappa avait d’ailleurs promis sa mise en place au niveau du budget de l’État. En matière d’environnement comme en matière d’égalité femmes-hommes, il y a ceux qui parlent, et les écologistes qui font.

    https://www.eelv.fr/budget-genre-de-lyon-pour-legalite-reelle-femmes-hommes

    #genre #école #féminisation_de_la_politique

  • « Mélanger les filles et les garçons a facilité l’accès aux toilettes »
    https://usbeketrica.com/fr/melanger-les-filles-et-les-garcons-a-facilite-l-acces-aux-toilettes

    Angoisses, humiliations, dégradations… La non-mixité ne semble pas être bénéfique, voire aggrave certaines problématiques. Au contraire, le mélange des genres permet « d’être vu et de voir », c’est-à-dire de rendre visible ce qu’il se passe aux toilettes, qui ne sont alors plus des zones de non-droit. « Pourquoi continuer à les séparer si cela ne règle aucun des problèmes évoqués par les enfants  ?, interroge Edith Maruéjouls-Benoit. La mixité permettrait notamment de déconfidentialiser certains sujets féminins qui sont aujourd’hui tabou, par exemple les règles. La mixité est une manière de s’auto-éduquer. On construit son égalité au contact de l’autre. Je pense qu’il faut apprendre aux enfants à vivre ensemble, même aux #toilettes. »

    #WC #chiottes

    • Inversement d’autres femmes indiquent que c’est un des rares lieux où elles peuvent s’asseoir et prendre soin de leur corps sans risque (en tout cas beaucoup moins de risque) d’avoir une personne mâle proche

      Autre problème aussi : l’attention à l’hygiène. Est-ce qu’il y a eu un « audit » de la propreté différenciée (ou pas, c’est un questionnement) entre les toilettes des filles et des garçons ?
      Car si jamais il y a une différence importante : alors ça veut dire que les filles vont pâtir de la dégueulasserie des garçons. Notamment parce qu’ils pissent à 99,9% debout en mettant des gouttes partout, alors qu’elles s’assoient et salissent mécaniquement moins. Donc est-ce que ça ne va pas produire du encore plus sale pour les filles et encore plus galère d’y aller ?

      Tout ça sont des questionnements, c’est bien sûr des tests à faire et il faut y répondre sérieusement, je ne préjuge de rien, et je fais plutôt confiance à Edith Maruéjouls-Benoit qui a produit plusieurs études sur le genre dans la ville et en particulier dans l’école.

      Mais je me pose ces questions quand même. :)

  • Des #logements_sociaux mieux répartis sur le territoire, mais sans effet sur la #mixité_sociale
    https://www.banquedesterritoires.fr/des-logements-sociaux-mieux-repartis-sur-le-territoire-mais-san

    La répartition spatiale des logements sociaux « s’est homogénéisée »... mais cela n’a pas eu de réel effet sur la mixité sociale. C’est ce que constate France Stratégie dans une note analysant l’"indice de ségrégation du logement social" et l’"indice de #ségrégation_sociale" dans 55 unités urbaines. La note cherche à comprendre pourquoi le mouvement de diffusion du parc social ne s’est pas accompagné d’une meilleure répartition des ménages modestes. Plusieurs explications sont avancées, dont celle de l’attribution - ou de la demande - des logements sociaux.

    La note : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-point-de-vue-segregation-residentielle-fevrier.pdf

    • sur le graphique repris ci-dessus :

      Le graphique confirme bien que la baisse de l’indice de ségrégation du parc social est observée dans presque toutes les unités urbaines. Mais le nuage des points est assez dispersé, et donc la corrélation entre l’évolution des deux indices de ségrégation, celui du parc social et celui des ménages modestes, est assez faible.

      on peut même aller plus loin en ce qu’il est probable que la (faible) corrélation positive résulte principalement de l’impact d’un seul point influent (Pau). Sans lui, il est à peu près certain que la droite passerait à l’horizontale, peut-être même en pente légèrement négative (là aussi, influence des points extrêmes à gauche : Perpignan et Troyes). Il faudrait les données et il y a beaucoup trop de prétraitements pour essayer de les reconstituer à partir des sources indiquées.

  • Pour en finir avec des cours de récréation sexistes, où les filles n’existent qu’à la marge

    « On n’a pas le droit d’aller au milieu de la cour, les garçons ne veulent pas », disent souvent les filles, dès l’école élémentaire. La cour de récréation, le premier espace public que les enfants expérimentent, serait-elle aussi l’un des points de départ des #inégalités_de_genre ? Des élus de Trappes se sont penchés sur les mécanismes à l’œuvre dans les cours d’école, où règne souvent, déjà, une répartition inégalitaire de l’espace. Pour y remédier, et faire en sorte que l’égalité et la mixité s’éprouvent au quotidien, il est possible, et même souhaitable, d’imaginer des aménagements non genrés des cours de récréation. Des alternatives existent.

    Avez-vous déjà pris le temps d’observer une cour d’école à l’heure de la récréation ? Au centre, les garçons jouent au foot. À la périphérie, occupant la place qui leur reste, les filles font ce que l’on appelle leurs « petits » jeux : corde à sauter, élastique, jeux de rôles. Apparemment caricaturale, cette répartition de l’espace est pourtant une réalité dans la quasi-totalité des cours d’école en France. Quand on demande aux filles les raisons de leur éloignement du centre, les réponses sont abruptes : « On n’a pas le droit. »

    Pourquoi ? « Parce que les garçons ne veulent pas. » Celles qui osent revendiquer, et tentent de négocier, s’entendent dire qu’« elles sont trop nulles ». Disqualifiées d’office, tenues de restreindre leurs mouvements [1].
    « Les garçons n’osent pas jouer avec leurs copines parce qu’ils vont se faire traiter de filles »

    « Au collège la plupart des filles ont capitulé, souligne Édith Maruéjouls, géographe du genre et auteure de nombreux travaux sur les inégalités dans les cours d’école [2]. Elles sont convaincues qu’elles n’ont pas les mêmes jeux, ni les mêmes préoccupations, ni les mêmes sujets de conversation que les garçons. Et vice versa. »

    Les quelques élèves convaincu.es du contraire osent rarement le dire. « Un jour, un jeune collégien m’a dit qu’il rêvait de parler avec les filles. Il aurait aimé pouvoir échanger avec elles, mais il ne le pouvait pas. Il n’osait pas parce qu’il se serait fait "traiter" d’homosexuel par les autres garçons. On observe cela dès la primaire : les garçons n’osent pas jouer avec leurs copines parce qu’ils vont se faire traiter de filles. » Sexistes et homophobes nos cours d’école ? Apparemment, oui…
    « La cour est le premier espace public »

    « Dans les cours de récréation, il y a les jeux de filles et les jeux de garçons, remarque Edith Maruéjouls. C’est un processus qui est très ancré et qui ne donne pas les mêmes droits à tout le monde. » Reléguées physiquement, les filles n’ont pour elles que des petits espaces, ce qui les empêche de faire des grands jeux, de courir et de se déployer physiquement comme elles aimeraient le faire. « Parfois, elles ne peuvent même pas traverser la cour, parce qu’elles risquent de se prendre un ballon ou se font rabrouer par les garçons, explique Edith Maruéjouls. Elles sont obligées de mettre en place des stratégies d’évitement, d’inventer des parcours compliqués même pour se rendre aux toilettes. »

    « On retrouve la même dynamique dans l’espace public, ajoute Edith Maruéjouls. Il y a des zones d’évitement, où les filles se demandent souvent à quoi elles sont autorisées. Ont-elles le droit d’être là, à telle heure, habillées comme ceci ou comme cela ? Elles s’habituent à être mises à l’écart, et celles qui osent négocier se fatiguent, et renoncent. »

    Cette habitude au renoncement et au retrait s’observe dans l’occupation de l’espace public, mais également dans le monde du travail. Prendre sa place s’apprend de bonne heure. « La cour, c’est le premier espace public, décrit Thomas Urdy, maire-adjoint à l’urbanisme, l’environnement et la qualité de vie à Trappes (Yvelines, mairie divers gauches). C’est donc un outil dont on peut se saisir, à l’échelle d’une ville, pour lutter contre l’occupation inégale de l’espace public entre les femmes et les hommes. »

    Casser les habitude pour que filles et garçons se rencontrent

    L’élu s’est saisi de la question il y a quatre ans, peu après l’arrivée de la nouvelle équipe à la tête de la ville. « Nous avons commencé par remettre de la nature dans la ville et notamment dans les cours d’école, décrit Thomas Urdy. Ça a été une première étape importante. Sitôt qu’il y a un peu d’herbe, des arbres, quelques fleurs, on se détend et on est plus serein. » Et ce sont des espaces qui attirent tout le monde, filles et garçons. « Les fleurs – "ce truc de filles" disent les garçons – finalement, ce n’est pas si niais, intervient Edith Maruéjouls. On peut facilement observer que, lorsqu’il y a des plantes dans une cour, tous les enfants aiment jouer à proximité. »

    Second épisode à Trappes : proposer d’autres revêtements que le traditionnel et si triste bitume. « Nous avons mis en place des sols souples, sur lesquels les enfants peuvent se poser. Les enseignants nous rapportent que les garçons et les filles s’y assoient et discutent ensemble. » À chaque fois, l’élu doit faire face à des réticences du côté des agents techniques. « Ils étaient sûrs que les enseignants refuseraient les coins nature parce que les enfants allaient rapporter des saletés en classe. Quant au bitume, c’est plus simple à entretenir… On casse les habitudes. Donc il faut être convaincu ! »
    Défaire la toute-puissance du football

    Un autre levier consiste à supprimer le « traditionnel » espace réservé au football. « Je suis une fois intervenue dans une école des Yvelines (92) où, pour d’autres raisons que le partage de l’espace, les maîtresses avaient confisqué le ballon depuis un mois, raconte Edith Maruéjouls. Elles avaient remarqué que filles et garçons s’étaient remis à jouer ensemble. » « On a redécouvert les jeux de quand on était petits », disaient les garçons.

    « Les garçons qui jouent au foot ne jouent que au foot, précise Edith Maruéjouls, et se privent de tout un monde créatif. Il ne s’agit pas seulement de permettre aux filles de jouer également au foot, ni d’empêcher les garçons d’y jouer d’ailleurs. » L’objectif est bien de partager l’espace, et de permettre à tout le monde de jouer. Les garçons qui n’aiment pas jouer au foot, ou qui n’ont pas le droit parce qu’ils ne sont pas assez forts, ceux qui sont trop gros, trop gauches, non « conformes », s’en trouvent soulagés. Ils ont, enfin, le droit d’exister en dehors des normes de virilité dictées par les garçons qui dirigent la cour.
    « Ne pas pré-définir l’usage des espaces »

    En se débarrassant du caractère systématique de la partie de foot ou des marquages sportifs au sol, on ouvre les possibles. Les enfants peuvent mettre leur imagination en mouvement, se rencontrer plus facilement. « C’est important de ne pas pré-définir l’usage des espaces », souligne Célia Ferrer, designeuse et réalisatrice d’un jeu de soutien à l’aménagement non genré des cours. Sur le plateau qu’elle a dessiné, les enfants sont libres d’imaginer les règles qu’ils veulent. Ils ont à leur disposition des pièces avec différents motifs (croix, traits, flèches...) et différentes couleurs. Une fois testé en classe, en petit format, les enfants peuvent le transposer dans la cour. « Ils peuvent se mettre d’accord sur un labyrinthe, par exemple, et dès qu’il y a une flèche il faut se mettre à courir. Comme ils réfléchissent ensemble aux règles, c’est beaucoup plus collectif. » Son jeu, Pazapa, a été testé dans plusieurs écoles de l’agglomération bordelaise.

    Non pré-définis dans leurs usages, les espaces peuvent évoluer. « Comment on s’assoit ensemble ?, interroge Edith Maruéjouls. C’est très important pour les enfants. » Il faudrait pouvoir déplacer des chaises, ou imaginer des bancs en rond. Ce n’est pas nécessairement compliqué... ni très onéreux. « On a privilégié les grands plateaux ouverts avec beaucoup de visibilité. Il faut revenir à des petits coins, recréer des espace semi-intimes. »

    A Trappes, les enfants de l’école maternelle Michel de Montaigne évoluent dans une cours où s’enfilent différents espaces : parcours de gym, potager, ou encore pistes cyclables. Le fait de ne pas avoir d’espace central évite aussi qu’un groupe ne se l’approprie. « La cour est devenue un terrain d’aventures commun où les garçons et les filles s’amusent ensemble », se réjouit Thomas Urdy.
    « Quand on chausse les lunettes de l’égalité, on ne voit pas la vie en rose »

    Passer du modèle classique de non-mixité, à un lieu où garçons et filles se mélangent ne se fait par en un jour. « Affirmer que les espaces des villes ne sont pas neutres, qu’ils sont faits par les hommes et pour les hommes ne va pas de soi », observe Thomas Urdy. Edith Maruéjouls, qui intervient depuis dix ans auprès d’enseignants, élus et parent d’élèves, confirme :« Il faut développer un argumentaire, avoir de l’expertise, démontrer que le sexisme de la cour d’école et de la société en général a des effets dramatiques pour les filles, pour les femmes. Pour ne prendre qu’un exemple, 70% des travailleurs pauvres sont des femmes. »

    « Quand on chausse les lunettes de l’égalité, on ne voit pas la vie en rose, poursuit Geneviève Letourneux, élue déléguée aux droits des femmes et à l’égalité à Rennes, où plusieurs cours d’école avec des aménagements non genrées sont programmées. Poser la question de l’égalité bouscule l’ordre des choses. Ce n’est pas nécessairement confortable. Il faut donc s’outiller, avoir des compétences qui permettent de comprendre pourquoi ces phénomènes sont tellement banalisés et invisibilisés. »

    A Trappes comme à Rennes, les municipalités ont mis en place des marches exploratoires, véritables sessions d’arpentage urbain, en groupe, pour repérer les espaces hostiles aux femmes, proposer des aménagements, intégrer la question du genre dans les projets urbanistiques (Voir notre article). A Trappes, « on a pu identifier, par exemple, des passages étroits, non éclairés et souvent squattés par des groupes d’hommes à la sortie de la gare, où les femmes se sentaient particulièrement insécurisées, se rappelle Thomas Urdy. Bien sûr l’aménagement urbain ne peut pas tout, et il n’y a pas de recette miracle. Mais les marches exploratoires, comme les aménagements des cours d’école, permettent de se mettre en action. »
    Les enfants attendent des adultes qu’ils se positionnent

    « Si on reste au niveau des valeurs, c’est abstrait, reprend Geneviève Letourneux. Tout le monde est pour l’égalité. Mais comment faire, concrètement, pour que l’espace public soit investi de manière égalitaire ? L’aménagement des cours permet de mieux visualiser les choses. Il autorise une mise en mouvement collective, comme avec les marches exploratoires. » Les prises de parole publiques, ces dernières années, des victimes de violences masculines ont facilité la tâche de ceux et celles qui luttent pour une égalité réelle. « On a parfois des silences polis, mais rarement des moqueries, remarque Edith Maruéjouls. Les gens savent que derrière la question des inégalités, se cache celle du harcèlement et des violences. »

    L’implication des adultes est d’autant plus importante que les enfants, notamment les filles, comptent sur eux pour rétablir de l’égalité dans les cours de récréation. D’après une étude réalisée par l’Unicef à l’automne 2018, le sentiment d’inégalité est répandu chez 45% des filles. Elles sont conscientes dès l’école primaire que les garçons occupent le centre des cours tandis qu’elles sont à la marge. Les garçons ne commencent à s’interroger sur le sujet qu’au collège.
    « Les parents et enseignants d’autres écoles veulent s’y mettre »

    « Le sentiment d’injustice est un terrain fertile pour que les adultes interviennent, pense Edith Maruéjouls. Les enfants demandent aux adultes d’encourager la mixité. 80 % de ces enfants ne sont pas d’accord avec ce qui se passe dans les cours d’école. Il faut qu’ils puissent le dire, proposer et vivre autre chose. Quand on leur offre un cadre de réflexion et la possibilité d’agir, ils trouvent des solutions. Il s’agit de replacer les enfants dans leur capacité d’agir, et cela de manière collective. » Des compétences qui serviront toute la vie…

    La volonté de redessiner les cours d’école n’émane pas toujours des élus. Les parents d’élèves ou enseignants enclenchent parfois la démarche. Quoi qu’il en soit, un travail collectif est nécessaire. « L’école est un petit territoire, mais qui est très intéressant, estime Thomas Urdy. Il peut fédérer une ville et ses habitants. » « Il y a un véritable enjeu démocratique à ce que la cour soit partagée. C’est un catalyseur pour penser ce qu’est l’espace public dans une ville », ajoute Geneviève Letourneux.

    Une fois lancée, ces démarches semblent faire mouche. « C’est un cercle vertueux, analyse Thomas Urdy. Les parents et enseignants des écoles dont l’aménagement n’a pas été revu veulent s’y mettre. Pour nous, les résultats sont là : les enfants découvrent la mixité en jouant. » Et quand il y a de la #mixité, du mélange, il est plus compliqué d’asseoir une #domination.

    https://www.bastamag.net/Pour-en-finir-avec-des-cours-de-recreation-sexistes-ou-les-filles-n-existe

    #marginalité #école #cours_de_récréation #récréation #écoles #filles #garçons #genre #cours_d'école #sexisme

    déjà signalé en 2019 par @_nka, je remets ici pour archivage :
    https://seenthis.net/messages/774265

    via @cede

    –—

    ajouté à la métaliste consacrée à cette question :
    https://seenthis.net/messages/899200

  • Non au démembrement de la cité-jardin de la Butte Rouge
    https://topophile.net/savoir/non-au-demembrement-de-la-cite-jardin-de-la-butte-rouge

    Les habitants constitués en collectif en appellent aux architectes, urbanistes, sociologues, militants écologistes, acteurs engagés de la société civile et simples citoyens, pour les aider à s’opposer à un projet de transformation qui se soldera par la disparition d’un « grand ensemble » témoin d’une conception humaniste exceptionnelle dans l’histoire de l’habitat populaire en région parisienne. La cité-jardin de... Voir l’article

  • Eglise : mais où sont les filles chez les enfants de chœur ?
    https://www.leparisien.fr/societe/eglise-mais-ou-sont-les-filles-chez-les-enfants-de-choeur-06-12-2020-8412

    Un siège sur trois, une rangée sur deux. En ce dimanche de messe dans les églises hexagonales, les curés vont expérimenter avec leurs fidèles le nouveau protocole sanitaire défini cette semaine par le gouvernement. A leurs côtés, pour les assister directement, notamment au moment de la consécration, des enfants de chœur masqués respectant les gestes barrière, une croix ou un cierge entre les mains. Parmi eux, une très grande majorité de garçons. Car dans beaucoup de paroisses encore, les filles n’approchent pas l’autel, chasse gardée masculine. La mixité, pourtant autorisée depuis un demi-siècle, peine à conquérir certaines nefs.

    Alors à l’heure où « l’invisibilité » des femmes dans l’Eglise est dénoncée par certaines voix catholiques, la faible proportion de servantes d’autel est montrée du doigt par les féministes ayant la foi. C’est le cas de la bibliste Anne Soupa qui a fait grand bruit au printemps dernier en candidatant au poste d’archevêque de Lyon. « Il y a eu un recul sur cette question. C’est l’exaltation du sexe masculin, le triomphe de la quéquette ! C’est plus que conservateur, c’est réactionnaire. Le problème est français. A Rome, par exemple, il y a des petites filles servantes », souligne la présidente du Comité de la jupe qui promeut « l’égalité des femmes et des hommes au sein de l’Eglise ».
    « La mixité n’est pas à mettre dans tous les lieux d’éducation »

    Mais pourquoi les demoiselles ne revêtent-elles pas l’aube, chaque dimanche, dans de nombreuses paroisses ? Selon certains clercs, être servant d’autel peut donner envie de devenir prêtre. « Traditionnellement, on estime que c’est une école de vocations sacerdotales », avance un ecclésiastique du nord-ouest de la capitale.

    Pour Bruno Lefevre Pontalis, aux commandes de la paroisse Saint François-Xavier située dans les beaux quartiers de Paris et qui n’accueille que des servants, la raison est « plutôt pastorale ». « Je me suis aperçu que lorsqu’il y a des enfants de chœur filles, les garçons s’en vont vers 14 ans. A cet âge-là, ils fonctionnent bien dans la non-mixité », observe ce curé, estimant que « la mixité n’est pas à mettre dans tous les lieux d’éducation ».

    A ses yeux, cette exclusivité masculine dans son église n’a « jamais » donné lieu à des remarques directes de la part de ses fidèles. « Quand ça marche bien, on hésite à changer les choses », confie-t-il. Sur le parvis du lieu de culte lors de la sortie d’une messe avant le reconfinement, les avis sont pourtant partagés. « Il n’y a pas de prêtres filles, donc pas d’enfants de chœur filles », argumente un préado. « C’est le rite, c’est normal », pense sa maman.

    Pour une autre fidèle, en revanche, « ça devrait changer ». « Les femmes dans l’église sont cantonnées à certaines tâches. Un jour, dans une autre paroisse, j’ai vu des servantes d’autel et j’étais très contente », s’enthousiasme-t-elle. Elle est convaincue que « si les prêtres décidaient de mélanger garçons et filles, ça passerait ici ». « C’est comme avec la communion. Les femmes la distribuent aujourd’hui mais il y a 15 ans, ça aurait choqué », poursuit son voisin.
    « Les femmes sont impures, elles ne touchent pas au sacré, voilà des conceptions tout sauf chrétiennes ! »

    Le père Bruno Lefevre Pontalis, qui s’appuie sur un vivier de 40 enfants de chœur garçons, ne projette pas dans l’immédiat d’expérimenter la mixité mais « réfléchit » à intégrer dans les offices des servantes d’assemblée. Une fonction réservée aux filles, différente de celle de servant d’autel, qui est apparue dans de nombreuses paroisses. Les servantes d’assemblée, qui portent une cape, accueillent à l’entrée les paroissiens, distribuent les feuilles de cantiques, procèdent à la quête, portent les offrandes jusqu’au pied de l’autel…
    En France, les petites filles ont plutôt des fonctions de servantes d’assemblée, portant cape et restant loin du chœur pendant la messe./Ciric/Corinne Simon
    En France, les petites filles ont plutôt des fonctions de servantes d’assemblée, portant cape et restant loin du chœur pendant la messe./Ciric/Corinne Simon

    Mais contrairement à leurs camarades masculins, elles ne sont guère ou pas du tout présentes dans le chœur et restent éloignées des prêtres au cours de la messe. Ce qui fait bondir la théologienne Anne Soupa. « C’est une différenciation des tâches extrêmement inégalitaire. La sacralité autour de l’Eucharistie demeure une affaire masculine. Les femmes, elles, sont impures, elles ne touchent pas au sacré, voilà des conceptions tout sauf chrétiennes ! » s’indigne-t-elle. Aux membres du clergé qui refusent d’entendre parler de servantes d’autel et redoutent la mixité, elle suggère une solution : « Une messe, les filles montent à l’autel et la suivante, c’est au tour des garçons… »
    « Un sujet que nous devons travailler »

    Responsable du département des servants d’autel à la Conférence des évêques de France (CEF), le père Laurent Jullien de Pommerol ne veut prendre parti ni pour la mixité des enfants de chœur, ni pour la non-mixité, ni pour la différenciation des fonctions, même si cette dernière a, depuis quelques années, « amené une certaine paix ». « La question, c’est : Qu’est-ce qu’on peut proposer aux filles pour qu’elles ne soient pas exclues ? On est encore au milieu du gué. Il y a une vraie éducation humaine et spirituelle à faire pour que chacun ait sa juste place », martèle-t-il. « C’est un sujet que nous devons travailler. Je ne sais pas pourquoi il est aussi crispé en France. C’est une question fortement débattue, qui n’est pas paisible. En Allemagne par exemple où il y a une mixité totale, ce n’est pas un débat », observe celui qui est aussi curé de la Croix-Rousse à Lyon (Rhône).

    S’il existe « une grande disparité » des situations dans notre pays, c’est, en partie, parce que la hiérarchie de l’Eglise de France ne s’est pas clairement positionnée sur ce thème très sensible. « Il n’y a pas de documentation, pas d’orientations publiées par les évêques », souligne-t-il. Il reconnaît que « théologiquement et d’un point de vue scripturaire (NDLR : d’après les Ecritures), il est difficile de justifier l’absence des filles en tant que servante ». Pour autant, l’avenir ne semble pas s’orienter vers un partage égal des tâches, lui qui a constaté ces derniers temps dans des paroisses confiées à des « jeunes prêtres » peu de groupes d’enfants de chœur « complètement mixtes ».
    Autorisées à servir la messe depuis un demi-siècle

    Il a fallu attendre la fin des années 1960, dans la foulée du concile Vatican II ayant ouvert l’Eglise au « monde moderne » pour que les filles soient autorisées enfiler l’aube d’enfant de chœur, à l’autel, aux côtés des prêtres. Cela s’inscrivait dans un mouvement plus large d’accès à la liturgie des laïcs, au titre, notamment, de leur baptême. L’instruction romaine Redemptionis sacramentum de 2004, sous l’autorité du pape Jean-Paul II, a rappelé que « les filles ou les femmes peuvent être admises à ce service de l’autel, au jugement de l’évêque diocésain. »En pratique, le choix se fait en fonction des habitudes et de la mentalité de la paroisse, conformément aux vœux de son curé. En 2011, le Vatican avait donné l’exemple en matière de mixité en permettant à des filles de servir une messe présidée par le pape Benoît XVI en voyage en Allemagne.

    #catholicisme #discrimination #sexisme #ségrégation #misogynie #mixité

  • LE FEMINISME EST-IL POUR TOUT LE MONDE ? #Inclusion et #mixité dans le mouvement féministe – Révolution Féministe
    https://revolutionfeministe.wordpress.com/2020/09/06/le-feminisme-est-il-pour-tout-le-monde-inclusion-et-m

    Dans le mouvement féministe, une controverse fait rage actuellement autour de la notion d’inclusion. Certaines mouvances féministes non seulement se déclarent inclusives mais affirment que l’exigence d’inclusion serait absolument intrinsèque au #féminisme : ce mouvement devrait obligatoirement inclure les hommes et les trans mtf, défendre leurs droits, voire même se battre pour à peu près toutes les catégories défavorisées. Face à cette revendication d’ouverture, qui se donne comme démocratique et progressiste, il est nécessaire d’analyser dans quelle mesure cette position sert (ou dessert) les objectifs féministes et pour ce faire, d’évaluer sa compatibilité avec les fondamentaux du mouvement.

    MIXITE ET SOCIALISATIONS GENREES

    Dès la naissance, la possession d’un pénis offre à certains une carte de membre à vie dans la catégorie dominante, et le fait d’avoir des organes génitaux féminins place les autres à vie dans la catégorie dominée. A partir de ce triage initial, la socialisation genrée, qui commence très tôt, va apprendre aux enfants les comportements correspondant à leur catégorie de sexe, via leur exposition à toutes sortes de contextes : famille, institutions (en particulier l’institution scolaire), etc. (1). Les conditionnements produits par ces socialisations genrées sont si profondément internalisés qu’ils sont inconscients, de telle sorte que l’activation de ces comportements genrés s’effectue sans intervention de la volonté, sous forme de réflexes et d’automatismes qui se manifestent en particulier dès que femmes et hommes sont ensemble : la simple mise en présence suffit à les déclencher. Et ils peuvent se déclencher même chez des individu.es qui rejettent ces stéréotypes.

    Les comportements inculqués aux garçons sont ceux qui sont nécessaires à l’exercice de leur futur rôle de dominants : ils doivent s’affirmer, être partout le centre d’attention, occuper plus d’espace physique et discursif que les femmes, exprimer leur autorité par la parole et la gestuelle dans les interactions, adopter des comportements d’agression, de compétition et de leadership. Persuadés précocement qu’ils sont plus importants, plus compétents, plus intelligents que les membres de l’autre sexe, ils attendent qu’on s’incline devant leurs vues et leurs décisions et trouvent normal de les imposer.

    Dans un groupe mixte, cette socialisation virile pousse les hommes à appliquer des stratégies de silenciation et de dévalorisation de la parole féminine afin de toujours être en position dominante dans les discussions (2) telles que : intervenir plus souvent et parler plus longtemps que les femmes (3), donner la parole plus souvent aux hommes, ne pas écouter quand ce sont des femmes qui parlent, ne pas s’intéresser à ce qu’elles disent, ne pas s’adresser à elles, ne pas répondre à leurs questions, les ignorer systématiquement, couvrir leur voix en parlant plus fort qu’elles, parler à leur place, les interrompre fréquemment (manterrupting) (4), ne prendre une opinion féminine en considération que quand elle est reprise par un homme, faire du mansplaining et du manspreading, ramener constamment les conversations et les discussions sur les sujets d’intérêt masculins. On parle de « style d’interaction masculin » basé sur l’affirmation de soi, l’autorité, l’individualisme, la compétition pour prendre la parole (la prise de parole étant une prise de pouvoir, la durée plus ou moins importante du temps de parole est un indicateur assez exact du pouvoir détenu par une personne), le sense of entitlement, une moindre recherche du consensus. La plupart des femmes sont rebutées par ce style d’interaction masculin égocentré, agressif et compétitif qui peut les dissuader d’intervenir dans un débat.

    Corrélativement, en présence des hommes , les femmes sont socialisées à leur laisser la place, à s’effacer devant eux, à occuper moins d’espace physique et discursif, à accorder plus de poids à ce qu’ils disent, à les trouver plus compétents, plus intelligents, plus convaincants qu’elles, à se rallier à leurs opinions et à leurs décisions, à leur laisser les rôles de leadership, à se montrer conciliantes pour éviter les conflits, à sourire fréquemment, à faire preuve de déférence voire de servilité avec eux, à se mettre en mode soignant et maternant dès qu’elles sont en leur présence, à voler à leur secours dès qu’ils sont en difficulté ou attaqués, à chercher à leur plaire et à rechercher leur approbation.

  • Vélos et voitures : séparation ou mixité, les clés pour choisir
    http://carfree.fr/index.php/2020/08/19/velos-et-voitures-separation-ou-mixite-les-cles-pour-choisir

    Doit-on mettre en place des #pistes_cyclables dans toutes les rues ? A partir de quelle valeur de trafic doit-on séparer les #cyclistes de la circulation motorisée ? La zone 30 est-elle Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Vélo #aménagement #mixité #relations_cyclistes-automobilistes

  • The Discredited Science Behind the Rise of Single-Sex Public Schools – Mother Jones
    https://www.motherjones.com/politics/2020/05/single-sex-public-schools-brain-science-gender

    The idea that boys and girls have innate characteristics that cause them to learn differently has picked up momentum over the past decade. The Gurian Institute says it has trained 60,000 educators in 2,000 school districts—to the tune of as much as $10,000 per session. Another prominent advocate of sex-differentiated education, the psychologist Leonard Sax, offers a popular two-day workshop for schools on “the emerging science of male-female differences.” At the Boy Brains & Engagement Conference, hundreds of teachers rack up continuing education credits while hearing about boys’ and girls’ learning styles. “Scientists have discovered about 100 typical gender differences in the brain,” states its brochure.

    These ideas have gained traction among policymakers. The No Child Left Behind legislation signed by President George W. Bush in 2002 encouraged single-sex classrooms. Though the Obama administration pushed back against that idea, state legislators have taken up the cause: Florida Gov. Rick Scott signed a law allowing “gender-specific classrooms” in 2014; California passed a similar law in 2017. The number of single-sex public schools has exploded over the last two decades, up from a handful in the early 2000s to a few hundred today.

    #non-mixité #mixité #école #genre #USA

  • Facs et Labos en Lutte : une mobilisation féministe ? Retour d’expérience par celles qui l’ont vécue

    Depuis le début du confinement, le comité de mobilisation national des Facs et Labos en Lutte a opté pour une publication quotidienne, Confinée libérée. Une des premières contributions de ce nouveau « journal » en ligne, dont le nom a été volontairement féminisé, revient sur l’aggravation des inégalités de genre durant le confinement pour les étudiant·es et travailleur·ses de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR).

    Si ces questions ont pu être soulevées et relayées si rapidement, c’est qu’elles font écho aux analyses et aux revendications féministes qui ont été centrales durant les mois de lutte qui ont précédé la décision du confinement. Depuis décembre dernier, les étudiant·es et travailleur·ses de l’ESR sont en effet engagé·es dans un mouvement d’une ampleur inédite depuis une dizaine d’années. À la lutte commune avec les salarié·es des autres secteurs contre la réforme des retraites, s’ajoute pour les universités et les laboratoires de recherche un combat plus spécifique, contre le projet de Loi de Programmation pluriannuelle de la Recherche (LPPR) qui accentuera encore la précarité des statuts et orchestrera une compétition délétère entre les établissements publics. Or, et c’est un trait marquant de ce mouvement, les revendications féministes ont été à la pointe de ces luttes, les femmes dénonçant combien ces contre-réformes allaient encore aggraver les inégalités de genre sur leurs lieux d’étude ou de travail.

    De fait, durant cette mobilisation, dans les facs et dans les labos comme ailleurs, les femmes ont été particulièrement actives, et ce dans des rôles pas toujours conformes aux stéréotypes de genre : dans les assemblées générales et les coordinations nationales, elles intervenaient voire introduisaient les discussions, elles n’hésitaient pas à apparaître dans les médias, occupaient l’espace de la parole en réunion, etc. Les premières initiatives pour l’emploi scientifique et contre la LPPR ont d’ailleurs été portées avant tout par des femmes, qui ont assumé un rôle d’organisatrices syndicales et politiques.

    Cette contribution collective propose donc un retour sur cette lutte, en analysant nos pratiques afin de saisir comment cette dynamique féministe a pu émerger et être perpétuée au sein du mouvement. L’enjeu est moins de livrer une analyse réflexive approfondie de cette séquence militante – qui se poursuit toujours, bien que sous d’autres formes, du fait du confinement – ce qui nécessiterait une plus grande prise de recul, que de consigner nos expériences d’organisation et de mobilisation, afin d’en laisser une trace qui pourrait être utile aux luttes à venir.

    Rédigé par des militantes féministes du comob (comité de mobilisation) national réélu et élargi à chaque AG de coordination puis au cours de deux coordinations nationales des facs et des labos en lutte depuis décembre 2019, ce texte est situé et ne prétend pas rendre compte de la manière dont la mobilisation a été vécue par toutes. Par exemple, au sein de cette structure militante qui a évolué tout au long des mois de mobilisation, nous avons rarement eu l’impression que les hommes prenaient trop de place ou se montraient hostiles aux prises de parole féminines, alors que ce problème s’est posé ailleurs, notamment dans les AG locales. Toutefois, dans le comob comme ailleurs dans l’ESR, les inégalités de statut – étudiant·es ; précaires ; enseignant·es chercheur·ses ; chercheur·ses ; BIATSS ; etc. – pèsent sur la mobilisation et recoupent parfois les inégalités de genre.
    Présence et visibilité des femmes dans la mobilisation : quelques hypothèses explicatives

    L’implication marquée des femmes dans la mobilisation est tout d’abord à mettre en relation avec les inégalités en termes de carrières entre les femmes et les hommes au sein de l’ESR. Bien que notre profession ait connu une féminisation très nette ces dernières décennies, toutes les formes de précarité pèsent davantage sur les femmes, alors que la majorité des positions de pouvoir reste largement occupée par des hommes, dissymétrie dénoncée par exemple dans la tribune signée par 440 collègues historiennes ou celle rédigée par les philosophEs en 2018. Plus généralement et au-delà des femmes, les rapports de domination sont particulièrement prégnants au sein de l’ESR, comme le montrait un numéro de Genre, Sexualité & Société, publié au tout début du mouvement social. Au « sommet » de la hiérarchie universitaire, il y a majoritairement des hommes cis blancs, alors qu’une femme ou une personne trans* a moins de chances d’avoir un poste pérenne, et a fortiori un poste de pouvoir. Les hommes sont plus attentifs à leur avancement que les femmes : ils passent davantage leur HDR, sont bien plus promus directeurs de recherche ou professeurs, etc. Ainsi, dans un contexte où les femmes ont moins de perspectives comme horizon, elles acceptent davantage de se « mettre en danger » en occupant une place visible de « contestataire » risquant de mettre à mal leurs relations de travail avec leurs supérieurs ou de futurs membres de conseils scientifiques.

    De plus, les fonctions occupées par les femmes dans l’ESR sont les plus attaquées par les transformations néo-libérales des services publics et rendues difficiles par les manques de financement. Nous sommes souvent assignées aux « petites » tâches administratives (gestion des licences, des étudiant·es, des stages, etc.), et non pas aux tâches valorisées de direction (d’UFR, d’université, de laboratoires, etc.). La socialisation féminine nous a appris à nous soucier des autres et du collectif avant nous-mêmes – un aspect important du travail du « care« . Pour toutes ces raisons, le manque de recrutement pèse sur nos épaules. Nous nous retrouvons seules à gérer des tâches qui réclameraient deux ou trois collègues, ce qui nous place régulièrement dans des situations d’épuisement professionnel et met nos recherches entre parenthèses pendant de longues années. Ainsi, le projet de LPPR qui annonce encore moins de recrutements pour venir nous soulager lorsque nous sommes titulaires, ou nous titulariser lorsque nous sommes précaires, et moins de financements pour nos recherches si nous ne sommes pas « compétitif·ves » touche plus directement les femmes de l’ESR. Nous ressentons davantage l’impossibilité de tirer notre épingle individualiste du jeu de cette grande guerre du tou·tes contre tou·tes que nous impose le ministère. Notre secteur rejoint en cela la plupart des secteurs mobilisés contre la réforme des retraites ou l’an passé, le mouvement des Gilets jaunes : la précarité est partout largement féminisée, ce qui éclaire l’implication massive des femmes dans ces luttes. Toutefois, cette explication, qui établit un lien mécanique entre premières concernées et premières mobilisées, n’est pas suffisante.

    Ce qui caractérise le mouvement des Facs et des Labos en Lutte, c’est une surreprésentation des militantes de moins de 45 ans, formées pour un certain nombre d’entre elles dans les mouvements sociaux des années 2000. Au sein de ces derniers, les questions liées au genre, aux violences sexistes et sexuelles, à la co-construction des formes de dominations, à l’intersectionnalité occupent une place importante et ont engagé la construction d’une conscience collective visant à instaurer une attention continue et constante afin d’empêcher les hommes de prendre trop de place et de nous reléguer dans des rôles militants subalternes. Par exemple, les collectifs de précaires sont très féminisés un peu partout – en Île-de-France, à Marseille, à Nantes, etc. – et dans ces cadres, beaucoup de militantes se sont formées au sein de mouvements féministes tels que CLASCHES. D’autres militantes appartiennent à cette nouvelle génération de chercheuses sur le genre qui continue de croître depuis une dizaine d’années. À plus court terme, il faut peut-être aussi prendre en compte la plus grande visibilité des discriminations et des violences infligées aux femmes avec l’émergence de mouvements comme celui de la grève féministe du 8 mars ou encore de #MeToo. Enfin, l’institutionnalisation des politiques d’égalité peut aussi aider à comprendre le caractère féminisé et féministe de notre lutte. Même si ces politiques relèvent souvent d’un effet d’affichage, les hommes peuvent moins se permettre de s’opposer à un certain nombre de pratiques institutionnalisées, et ce d’autant moins après le phénomène #MeToo : certaines choses deviennent indicibles ou moins facilement dicibles, nous y reviendrons.

    En dépit toutefois de cette féminisation à tous les niveaux, le partage des tâches militantes continue à être genré. Une grande part du travail d’organisation collective, coûteuse en énergie, sans apporter beaucoup de reconnaissance militante, que l’on peut qualifier de « travail de fourmi », est assumée par des femmes et il est nécessaire de mettre sur pied de façon volontariste des pratiques pour entraver la reproduction de ces inégalités.
    Corriger les inégalités dans la mobilisation

    La première coordination nationale des Facs et Labos en Lutte, organisée les 1er et 2 février 2020, a été l’occasion d’une prise de conscience : il nous fallait veiller à ne pas reproduire au sein de nos luttes les dominations préexistantes et par conséquent à les rendre plus inclusives. Nous y avons tenu un atelier portant sur la reproduction des dominations sexistes, racistes, validistes et classistes au sein de nos combats. Cet atelier a permis d’entendre de nombreux témoignages de perpétuation de situations d’oppression au sein des différents cadres militants, mais aussi de formuler des propositions concrètes pour enrayer les oppressions. En conséquence, nous avons décidé de mettre en place des règles plus systématiques pour la deuxième coordination nationale qui s’est tenue les 6 et 7 mars 2020.

    Tout d’abord, une première AG en mixité choisie regroupant une soixantaine de militant·es a été organisée le 7 mars. Réunissant des étudiantes, des précaires et des titulaires – en minorité -, elle a été l’occasion de discuter des questions de harcèlement et d’agressions sexistes et sexuels ainsi que de partager des expériences diverses sur nos modes de mobilisation pour les éradiquer. Nous étions censées faire un retour sur les bonnes pratiques, ce que la suite des évènements – le confinement et la fermeture des facs décidés moins d’une semaine plus tard – a interrompu brutalement. Au sein de cette AG, nous avons observé un effet générationnel intéressant : la très grande majorité des participantes avait moins de 30 ans, alors que seules deux femmes avaient plus de 40 ans. L’une d’entre elles a d’ailleurs été agréablement surprise de l’initiative, nous confiant que durant sa vie professionnelle elle ne s’était jamais sentie légitime à initier une démarche en mixité choisie.

    Ensuite, nous avions « noté des inégalités dans la prise de parole, que ce soit entre hommes et femmes, titulaires et non-titulaires, membres d’établissements franciliens et membres d’établissements non franciliens, et d’une façon plus générale, la reproduction de formes de domination et de discrimination (hétérosexisme, racisme, classisme, validisme) qui contraignent la prise de parole de certain·es ». Des règles de prise de parole visant à éviter l’hégémonie des hommes, des titulaires, des personnes blanches, etc. avaient été mises en place dans les assemblées de précaires, sans qu’elles ne suscitent de débat. Au sein de la coordination nationale, nous avons donc veillé à ce que la parole alterne entre les hommes et les femmes et donné la priorité aux interventions de précaires et d’étudiantes. Cela a été rendu possible par une double liste d’inscrit·es pour les discussions : l’une concernait les hommes cis titulaires et l’autre les femmes, les précaires et les étudiant·es et il s’agissait de veiller autant que possible, à l’alternance. Le principe a été expliqué en plénière à plusieurs reprises à l’aide d’un texte humoristique qui soulignait que les dominants pouvaient survivre au fait de ne pas prendre la parole en AG.

    De façon plus générale, ce mouvement a permis de discuter de problématiques largement ignorées dans l’ESR, qu’il s’agisse du handicap ou de la maladie, quelquefois en relation avec des enjeux de genre. Au sein d’un atelier, des camarades ont ainsi évoqué leurs difficultés à gérer leur endométriose, et à quel point cela pouvait freiner leur carrière et leur capacité à s’engager politiquement. En revanche, si on saisit bien les dynamiques d’exclusion et de marginalisation tant des personnes non-blanches que des problématiques liées au racisme, nous n’avons pas encore réussi à nous emparer collectivement du problème de façon satisfaisante, et ce, bien que deux groupes de travail très efficaces et engagés se soient chargés d’envisager la division internationale du travail universitaire et la place des étudiant·es étrangers d’un côté, et les discriminations de genre, de race et de classe de l’autre.
    Contre les violences sexistes et sexuelles

    Il nous a également semblé essentiel d’intégrer à cette lutte un combat que nous menons à l’université comme ailleurs avec l’appui d’associations telles que CLASCHES, à savoir le combat contre les violences sexistes et sexuelles. Les dispositifs institutionnels de signalement, d’accompagnement et de jugement de telles violences sont récents au sein de l’ESR et dans bien des cas déficients, puisque dépourvus de moyens et de personnels formé·es. Des affaires récentes, relayées par des enquêtes de presse, ont révélé de graves dysfonctionnements. Pour ces raisons, la coordination nationale des Facs et Labos en Lutte des 6 et 7 mars avait acté une journée nationale de mobilisation contre les violences sexuelles et sexistes dans l’ESR le 19 mars, date à laquelle le CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche) devait de nouveau statuer sur l’appel d’un enseignant suspendu de ses fonctions pour un an avec privation totale de traitement par son université pour des faits de harcèlement sexuel. Cette journée de mobilisation n’a malheureusement pas pu avoir lieu en raison du confinement et du report de l’audience.

    Nous avons aussi cherché à lutter contre ces violences au sein même de nos cadres militants. Lors de la seconde coordination nationale de mars 2020, nous avons mis sur pied une cellule anti-harcèlement et un numéro de téléphone dédié, ainsi que des règles, présentées ci-dessous, afin que les comportements oppressifs qui s’y dérouleraient puissent nous être signalés. Ce sont en fait essentiellement des comportements qui s’étaient produit antérieurement dans des cadres militants autres que la coordination qui nous ont été rapportés et auxquels nous avons apporté une attention particulière afin que l’espace de la coordination puisse rester un espace sûr pour tou·tes. Le moment festif, organisé le soir du premier jour, pouvait laisser craindre une multiplication des comportements oppressifs. Nous avons donc édicté des règles, dont le respect était assuré par une « vigie féministe » présente tout au long de la soirée. Deux personnes – à l’exclusion d’hommes cis – étaient attentives à ce qui se passait, s’assurant que personne n’était victime de harcèlement, d’agression ou de comportement oppressif. Il ne s’agissait bien sûr pas d’assumer un rôle de chaperonne, mais de refuser qu’au nom de la « fête », certaines personnes soient agressées d’une façon ou d’une autre.

    Règles pour une soirée festive et militante sans comportement oppressif

    1. Ce temps festif est un espace « safe » : veille à inclure avec bienveillance des personnes que tu connais peu ou pas dans les conversations ; sache que toutes insultes ou agressions à caractère sexistes, racistes, classistes, lesbophobes, homophobes, transphobes, validistes seront sanctionnées.

    2. Si une personne refuse le verre que tu lui offres, n’insiste pas, iel n’en veut pas. Saouler une personne n’est pas une technique de drague, c’est une technique de viol.

    3. Si une personne te signifie qu’iel ne veut pas danser avec toi, n’insiste pas et prend tes distances, iel ne veut pas.

    4. Si tu as envie d’embrasser/d’avoir une relation sexuelle avec une personne, pose la question. Si iel ne veut pas, n’insiste pas et prends tes distances, iel ne veut pas.

    5. Si une personne est très alcoolisée, demande-lui s’iel se sent bien et s’iel a besoin d’aide. Ne profite pas de la situation pour passer outre son consentement.

    6. Si une personne est inconsciente ou endormie, iel ne désire pas être embrassé.e ou avoir une relation sexuelle. Par contre, assure-toi qu’iel est en sécurité.

    Des résistances marginales

    La mise en place de ces règles et des espaces en non-mixité choisie participe de la construction d’un rapport de force, que nous jugeons nécessaire à la prise de conscience des modes de domination, en vue leur éradication. Elle a donc pu susciter des réactions négatives, bien que marginales. Quelques hommes ont ainsi quitté la coordination après que les règles concernant la prise de parole aient été présentées à la tribune (la version sexiste du « on se lève et on se casse »). Au sein des ateliers cela a pu se traduire par des demandes répétées auprès des camarades chargé·es de la liste des inscrit·es : (homme) « Tu ne m’as pas oublié, hein ? J’ai demandé la parole il y a un moment ». Certains militants ont reproché au comob des Facs et des Labos en Lutte de monter les participant·es les un·es contre les autres. À la fin de la coordination, alors que les camarades de la tribune tentaient de tenir l’ordre du jour pour que nous puissions rejoindre à temps la marche féministe de nuit du 7 mars et qu’une camarade demandait aux femmes l’autorisation de dépasser d’un quart d’heure afin de finir les débats, un homme s’est levé et a imposé sa parole en disant « qu’il parlait sans genre (sic) et qu’une coordination d’ampleur nationale était plus importante qu’une marche féministe », prenant ainsi la liberté de hiérarchiser à notre place nos luttes.

    Ces propos tendent toutefois à devenir indicibles dans le contexte actuel : la grande majorité des participant·es aux différentes coordinations a une conscience réelle des dominations et de la manière dont elles se répercutent dans nos luttes, considérant qu’il ne s’agit pas de problèmes « accessoires » apolitiques, comme cela pouvait être pensé et dit il y a encore quelques années. Ainsi, certains comités de mobilisation locaux ont dû faire face à des affaires de viols. Lorsque les collectifs militants ont été mis au courant, les femmes très investies au sein de ceux-ci ont immédiatement demandé l’exclusion des hommes accusés. La position centrale de ces femmes dans la mobilisation combinée à la dénonciation publique de la culture du viol dans les milieux de gauche depuis une dizaine d’années a permis que ces décisions soient adoptées sans que personne ne les contredise.

    Sororité et manifestations féministes

    Assez rapidement dans la mobilisation et à différents niveaux, des groupes informels de femmes se sont organisés et ont joué un rôle important dans la place que nous avons prise collectivement et dans les propositions concrètes qui ont émergé. Ces groupes ont également été des soupapes, des ressources, pour se donner confiance et construire le rapport de force au sein de nos cadres militants. Pour celles qui ont déjà vécu des mouvements sociaux importants tels que ceux de 2003 ou encore contre le Contrat Premier Embauche (CPE) en 2006, il nous a semblé que, de façon plus générale, les relations entre femmes ont changé. Il y a une vigilance et une attention permanente des unes aux autres, alors même que nous ne nous connaissions pas ou peu, pour la plupart d’entre nous. En janvier, nous sommes d’ailleurs plusieures à avoir reçu et renvoyé ce message révélateur de ces nouvelles solidarités que nous forgeons :

    Chères amies,

    Cette semaine a été riche, nous avons incroyablement avancé en quelques jours, et la semaine qui arrive sera sans doute intense. J’espère que vous avez pu prendre le repos indispensable à notre lutte.

    Une fois n’est pas coutume, la mobilisation ici s’appuie largement sur des femmes, que ce soit dans la logistique (comme d’habitude) mais aussi dans les prises de paroles, les dynamiques, et cela donne un ton général qui est à saluer. Moins de temps perdu pour les egos, moins d’agressivité dans les débats, plus d’attention aux uns et aux autres.

    Notre implication a un coût. Nous commençons à recevoir beaucoup de mails, beaucoup d’information à traiter et transmettre, beaucoup d’actions à mener. Pour beaucoup d’entre nous, nous avons des charges de famille, des jeunes ou futurs enfants, et janvier étant ce qu’il est, nous ne sommes pas à l’abri des coups de froid, des rhumes, etc.

    Or, il nous faudra tenir dans la durée, y compris après le mouvement. Rappelons-nous que nous ne sommes pas indispensables à tout moment et comptons les unes sur les autres pour nous remplacer, pour assurer une réunion, un mail etc. Permettons-nous les unes aux autres de se mettre en retrait quelque temps. Surtout, veillons les unes sur les autres. Restons attentives aux signes de fatigue, de surcharge, et faisons corps.

    Transférons chacune ce mail à deux autres sur qui nous pouvons compter. Tenons-bon, faisons lien, faisons société… jusqu’à la victoire !

    Par ailleurs, les femmes de la coordination nationale des Facs et Labos en Lutte ont été nombreuses à participer à la marche féministe du 7 mars à la fois extrêmement enthousiasmante et violente, du fait de la répression par les forces de l’ordre sur la place de la République à la fin de la manifestation. Nous nous sommes organisées rapidement, notamment face à la répression policière : notre capacité à nous mouvoir et à nous écouter paraissait spontanée. Toute camarade qui se faisait frapper recevait du soutien et de l’attention. Ce fut la mise en pratique d’une réactivité et d’une organisation qui ne nécessite pas d’être verbalisée, grâce à notre socialisation au care qui augmente notre puissance d’agir. Nous l’avions également observé, le 28 février, lors du rassemblement contre les violences sexistes et sexuelles devant la Salle Pleyel, à l’occasion de la cérémonie des Césars : le caractère offensif de ces mobilisations est frappant. Il y a un saut dans la prise de conscience du rôle joué par la police – particulièrement sexiste à ces occasions – et la justice dans l’oppression systémique que nous subissions. Des femmes très différentes n’ont plus peur d’aller au contact avec les forces de l’ordre. Une énergie et une colère très forte se dégageaient lors de ces manifestations.
    Conclusion : le confinement ou l’accentuation de la division sexuée du travail militant ?

    Le confinement a créé un nouveau contexte, dans lequel les femmes se sont retrouvées en première ligne. La division sexuée du travail militant tend désormais à se réinstaller, voire à se renforcer. Il a déjà été montré que, durant le confinement, les chercheuses, souvent occupées par ailleurs au travail de care familial, déposent nettement moins d’articles que les chercheurs qui ont amélioré leur productivité : Cette logique se retrouve dans la mobilisation.

    La situation est complexe : alors que quelques jours avant l’annonce de la fermeture des facs nous étions plus de 500 délégué·es en coordination nationale, nous nous sommes retrouvé·es à devoir chercher un moyen de faire exister notre lutte sans pouvoir nous réunir et mobiliser sur nos universités et nos laboratoires. Pour beaucoup, la crise sanitaire a été source de sidération et de paralysie, pour d’autres, elle a fait émerger d’autres urgences politiques comme la solidarité envers les plus précaires dans nos quartiers et dans les lieux d’enfermement. Certain.es ont pu aussi juger que, du fait de l’arrêt brutal et imposé de la mobilisation, il était devenu difficile de trouver un sens à leur implication au sein de comités qui émanaient de la lutte en cours. Il ne s’agit pas de juger les départs, mais seulement ici de les constater.

    Or, force est de constater que dans ce contexte difficile pour tou·tes, les comités de mobilisation qui continuent de fonctionner semblent l’être sous l’impulsion de femmes et le comité de mobilisation national, qui réunit 70 personnes élues, a largement diminué, voyant disparaître une grande partie des hommes impliqués précédemment.

    Nombreux sont les hommes qui écrivent des textes et des tribunes, tandis que les femmes continuent à prendre en charge l’organisation du travail collectif, tâche qui devient plus lourde du fait de la mise en retrait de nombreux·ses militants, l’absence de réunions physiques, les rythmes décalés des un.es et des autres… D’ailleurs, la campagne à laquelle nous avons participé au début de la période de confinement pour le report des délais de candidatures aux postes de Maîtres·ses de conférences a principalement été portée par des femmes, car certaines d’entre elles, avec enfants, expliquaient qu’elles ne pourraient pas y arriver tandis que certains hommes nous ont expliqué que, confiné·es, nous n’avions rien d’autre à faire que de constituer nos dossiers.

    Les femmes sont également plus nombreuses à assurer le travail de care, dans l’environnement familial et au travail, mais aussi dans les collectifs militants et solidaires, de l’ESR et d’ailleurs. Elles sont davantage investies, notamment, dans les nombreuses initiatives de solidarité qui ont vu le jour pour apporter un soutien psychologique, logistique, financier, alimentaire ou sanitaire aux personnes les plus en difficulté suite à la crise sanitaire et au confinement. Concernant les initiatives propres à l’ESR, par exemple, l’équipe s’occupant de la caisse de solidarité des Facs et Labos en Lutte, lancée conjointement par le comité de mobilisation des facs et labos et des collectifs de précaires et d’étudiant·es réunis en assemblée générale le 27 mars, est composée de six personnes dont cinq femmes (et cinq précaires, par ailleurs). Cela semble également être le cas dans les initiatives hors ESR qui se sont créées pour organiser la solidarité sur une base territoriale (ville, quartier ou arrondissement), telles que les Brigades de Solidarité populaire ou le réseau #COVID-ENTRAIDE FRANCE.

    D’autre part, bien que des réunions aient continué à se tenir à distance, ce type de rencontres a souffert de la situation confinement. En conséquence, beaucoup de décisions cruciales, concernant par exemple la continuité pédagogique ou les validations, ont eu pour principal cadre de discussion des instances routinières de prise de décision, telles que les conseils d’université, de laboratoire ou de départements, au sein desquelles les femmes restent mal représentées et dans lesquelles les règles que nous avons instaurées pour lutter contre les dominations de genre ne sont pas rigueur.

    Pour conclure, si les formes d’organisation collective qui ont été mises en place durant cette mobilisation ont permis aux femmes de prendre leur place dans la prise de parole et dans la prise de décision, il faut donc veiller à maintenir cet acquis dans le contexte particulier que nous vivons, mais aussi, à long terme, dans le fonctionnement « normal » de l’université et de la recherche.

    L’ambition de ce texte était de conserver des traces et rendre visible un aspect de la mobilisation pas toujours évoqué. Il participe à un contexte plus large, cette lame de fond féministe que nous connaissons actuellement et qui ne saurait s’arrêter.

    Cet article a été rédigé par six militantes du Comité de mobilisation national des Facs et Labos en Lutte, il est également publié par la revue Contretemps.

    https://universiteouverte.org/2020/05/21/facs-et-labos-en-lutte-une-mobilisation-feministe-retour-dexperie
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