• Covid-19, la #frontiérisation aboutie du #monde

    Alors que le virus nous a rappelé la condition de commune humanité, les frontières interdisent plus que jamais de penser les conditions du cosmopolitisme, d’une société comme un long tissu vivant sans couture à même de faire face aux aléas, aux menaces à même d’hypothéquer le futur. La réponse frontalière n’a ouvert aucun horizon nouveau, sinon celui du repli. Par Adrien Delmas, historien et David Goeury, géographe.

    La #chronologie ci-dessus représente cartographiquement la fermeture des frontières nationales entre le 20 janvier et le 30 avril 2020 consécutive de la pandémie de Covid-19, phénomène inédit dans sa célérité et son ampleur. Les données ont été extraites des déclarations gouvernementales concernant les restrictions aux voyages, les fermetures des frontières terrestres, maritimes et aériennes et des informations diffusées par les ambassades à travers le monde. En plus d’omissions ou d’imprécisions, certains biais peuvent apparaitre notamment le décalage entre les mesures de restriction et leur application.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=64&v=mv-OFB4WfBg&feature=emb_logo

    En quelques semaines, le nouveau coronavirus dont l’humanité est devenue le principal hôte, s’est propagé aux quatre coins de la planète à une vitesse sans précédent, attestant de la densité des relations et des circulations humaines. Rapidement deux stratégies politiques se sont imposées : fermer les frontières nationales et confiner les populations.

    Par un processus de #mimétisme_politique global, les gouvernements ont basculé en quelques jours d’une position minimisant le risque à des politiques publiques de plus en plus drastiques de contrôle puis de suspension des mobilités. Le recours systématique à la fermeture d’une limite administrative interroge : n’y a-t-il pas, comme répété dans un premier temps, un décalage entre la nature même de l’#épidémie et des frontières qui sont des productions politiques ? Le suivi de la diffusion virale ne nécessite-t-il un emboîtement d’échelles (famille, proches, réseaux de sociabilité et professionnels…) en deçà du cadre national ?

    Nous nous proposons ici de revenir sur le phénomène sans précédent d’activation et de généralisation de l’appareil frontalier mondial, en commençant par retrouver la chronologie précise des fermetures successives. Bien que resserrée sur quelques jours, des phases se dessinent, pour aboutir à la situation présente de fermeture complète.

    Il serait vain de vouloir donner une lecture uniforme de ce phénomène soudain mais nous partirons du constat que le phénomène de « frontiérisation du monde », pour parler comme Achille Mbembe, était déjà à l’œuvre au moment de l’irruption épidémique, avant de nous interroger sur son accélération, son aboutissement et sa réversibilité.

    L’argument sanitaire

    Alors que la présence du virus était attestée, à partir de février 2020, dans les différentes parties du monde, la fermeture des frontières nationales s’est imposée selon un principe de cohérence sanitaire, le risque d’importation du virus par des voyageurs était avéré. Le transport aérien a permis au virus de faire des sauts territoriaux révélant un premier archipel économique liant le Hubei au reste du monde avant de se diffuser au gré de mobilités multiples.

    Pour autant, les réponses des premiers pays touchés, en l’occurrence la Chine et la Corée du Sud, se sont organisées autour de l’élévation de barrières non-nationales : personnes infectées mises en quarantaine, foyers, ilots, ville, province etc. L’articulation raisonnée de multiples échelles, l’identification et le ciblage des clusters, ont permis de contrôler la propagation du virus et d’en réduire fortement la létalité. A toutes ces échelles d’intervention s’ajoute l’échelle mondiale où s‘est organisée la réponse médicale par la recherche collective des traitements et des vaccins.

    Face à la multiplication des foyers de contamination, la plupart des gouvernements ont fait le choix d’un repli national. La fermeture des frontières est apparue comme une modalité de reprise de contrôle politique et le retour aux sources de l’État souverain. Bien que nul dirigeant ne peut nier avoir agi « en retard », puisque aucun pays n’est exempt de cas de Covid-19, beaucoup d’États se réjouissent d’avoir fermé « à temps », avant que la vague n’engendre une catastrophe.

    L’orchestration d’une réponse commune concertée notamment dans le cadre de l’OMS est abandonnée au profit d’initiatives unilatérales. La fermeture des frontières a transformé la pandémie en autant d’épidémies nationales, devenant par là un exemple paradigmatique du nationalisme méthodologique, pour reprendre les termes d’analyse d’Ulrich Beck.

    S’impose alors la logique résidentielle : les citoyens présents sur un territoire deviennent comptables de la diffusion de l’épidémie et du maintien des capacités de prise en charge par le système médical. La dialectique entre gouvernants et gouvernés s’articule alors autour des décomptes quotidiens, de chiffres immédiatement comparés, bien que pas toujours commensurables, à ceux des pays voisins.

    La frontiérisation du monde consécutive de la pandémie de coronavirus ne peut se résumer à la seule somme des fermetures particulières, pays par pays. Bien au contraire, des logiques collectives se laissent entrevoir. A défaut de concertation, les gouvernants ont fait l’expérience du dilemme du prisonnier.

    Face à une opinion publique inquiète, un chef de gouvernement prenait le risque d’être considéré comme laxiste ou irresponsable en maintenant ses frontières ouvertes alors que les autres fermaient les leurs. Ces phénomènes mimétiques entre États se sont démultipliés en quelques jours face à la pandémie : les États ont redécouvert leur maîtrise biopolitique via les mesures barrières, ils ont défendu leur rationalité en suivant les avis de conseils scientifiques et en discréditant les approches émotionnelles ou religieuses ; ils ont privilégié la suspension des droits à grand renfort de mesures d’exception. Le risque global a alors légitimé la réaffirmation d’une autorité nationale dans un unanimisme relatif.

    Chronologie de la soudaineté

    La séquence vécue depuis la fin du mois janvier de l’année 2020 s’est traduite par une série d’accélérations venant renforcer les principes de fermeture des frontières. Le développement de l’épidémie en Chine alarme assez rapidement la communauté internationale et tout particulièrement les pays limitrophes.

    La Corée du Nord prend les devants dès le 21 janvier en fermant sa frontière avec la Chine et interdit tout voyage touristique sur son sol. Alors que la Chine développe une stratégie de confinement ciblé dès le 23 janvier, les autres pays frontaliers ferment leurs frontières terrestres ou n’ouvrent pas leurs frontières saisonnières d’altitude comme le Pakistan.

    Parallèlement, les pays non frontaliers entament une politique de fermeture des routes aériennes qui constituent autant de points potentiels d’entrée du virus. Cette procédure prend des formes différentes qui relèvent d’un gradient de diplomatie. Certains se contentent de demander aux compagnies aériennes nationales de suspendre leurs vols, fermant leur frontière de facto (Algérie, Égypte, Maroc, Rwanda, France, Canada, entre autres), d’autres privilégient l’approche plus frontale comme les États-Unis qui, le 2 février, interdisent leur territoire au voyageurs ayant séjournés en Chine.

    La propagation très rapide de l’épidémie en Iran amène à une deuxième tentative de mise en quarantaine d’un pays dès le 20 février. Le rôle de l’Iran dans les circulations terrestres de l’Afghanistan à la Turquie pousse les gouvernements frontaliers à fermer les points de passage. De même, le gouvernement irakien étroitement lié à Téhéran finit par fermer la frontière le 20 février. Puis les voyageurs ayant séjourné en Iran sont à leur tour progressivement considérés comme indésirables. Les gouvernements décident alors de politiques d’interdiction de séjour ciblées ou de mises en quarantaine forcées par la création de listes de territoires à risques.

    Le développement de l’épidémie en Italie amène à un changement de paradigme dans la gestion de la crise sanitaire. L’épidémie est dès lors considérée comme effectivement mondiale mais surtout elle est désormais perçue comme incontrôlable tant les foyers de contamination potentiels sont nombreux.

    La densité des relations intra-européennes et l’intensité des mobilités extra-européennes génèrent un sentiment d’anxiété face au risque de la submersion, le concept de « vague » est constamment mobilisé. Certains y ont lu une inversion de l’ordre migratoire planétaire. Les pays aux revenus faibles ou limités décident de fermer leurs frontières aux individus issus des pays aux plus hauts revenus.

    Les derniers jours du mois de février voient des gouvernements comme le Liban créer des listes de nationalités indésirables, tandis que d’autres comme Fiji décident d’un seuil de cas identifiés de Covid-19. Les interdictions progressent avec le Qatar et l’Arabie Saoudite qui ferment leur territoire aux Européens dès le 9 mars avant de connaître une accélération le 10 mars.

    Les frontières sont alors emportées dans le tourbillon des fermetures.

    La Slovénie débute la suspension de la libre circulation au sein de l’espace Schengen en fermant sa frontière avec l’Italie. Elle est suivie par les pays d’Europe centrale (Tchéquie, Slovaquie). En Afrique et en Amérique, les relations avec l’Union européenne sont suspendues unilatéralement. Le Maroc ferme ses frontières avec l’Espagne dès le 12 mars. Ce même jour, les États-Unis annonce la restriction de l’accès à son territoire aux voyageurs issu de l’Union européenne. La décision américaine est rapidement élargie au monde entier, faisant apparaitre l’Union européenne au cœur des mobilités planétaires.

    En quelques jours, la majorité des frontières nationales se ferment à l’ensemble du monde. Les liaisons aériennes sont suspendues, les frontières terrestres sont closes pour éviter les stratégies de contournements.

    Les pays qui échappent à cette logique apparaissent comme très minoritaires à l’image du Mexique, du Nicaragua, du Laos, du Cambodge ou de la Corée du Sud. Parmi eux, certains sont finalement totalement dépendants de leurs voisins comme le Laos et le Cambodge prisonniers des politiques restrictives du Vietnam et de la Thaïlande.

    Au-delà de ces gouvernements qui résistent à la pression, des réalités localisées renseignent sur l’impossible fermeture des frontières aux mobilités quotidiennes. Ainsi, malgré des discours de fermeté, exception faite de la Malaisie, des États ont maintenus la circulation des travailleurs transfrontaliers.

    Au sein de l’espace Schengen, la Slovénie maintient ses relations avec l’Autriche, malgré sa fermeté vis-à-vis de l’Italie. Le 16 mars, la Suisse garantit l’accès à son territoire aux salariés du Nord de l’Italie et du Grand Est de la France, pourtant les plus régions touchées par la pandémie en Europe. Allemagne, Belgique, Norvège, Finlande, Espagne font de même.

    De l’autre côté de l’Atlantique, malgré la multiplication des discours autoritaires, un accord est trouvé le 18 mars avec le Canada et surtout le 20 mars avec le Mexique pour maintenir la circulation des travailleurs. Des déclarations conjointes sont publiées le 21 mars. Partout, la question transfrontalière oblige au bilatéralisme. Uruguay et Brésil renoncent finalement à fermer leur frontière commune tant les habitants ont développé un « mode de vie binational » pour reprendre les termes de deux gouvernements. La décision unilatérale du 18 mars prise par la Malaisie d’interdire à partir du 20 mars tout franchissement de sa frontière prend Singapour de court qui doit organiser des modalités d’hébergement pour plusieurs dizaines de milliers de travailleurs considérés comme indispensables.

    Ces fermetures font apparaitre au grand jour la qualité des coopérations bilatérales.

    Certains États ferment d’autant plus facilement leur frontière avec un pays lorsque préexistent d’importantes rivalités à l’image de la Papouasie Nouvelle Guinée qui ferme immédiatement sa frontière avec l’Indonésie pourtant très faiblement touchée par la pandémie. D’autres en revanche, comme la Tanzanie refusent de fermer leurs frontières terrestres pour maintenir aux États voisins un accès direct à la mer.

    Certains observateurs se sont plu à imaginer des basculements dans les rapports de pouvoirs entre l’Afrique et l’Europe notamment. Après ces fermetures soudaines, le bal mondial des rapatriements a commencé, non sans de nombreuses fausses notes.

    L’accélération de la frontiérisation du monde

    La fermeture extrêmement rapide des frontières mondiales nous rappelle ensuite combien les dispositifs nationaux étaient prêts pour la suspension complète des circulations. Comme dans bien des domaines, la pandémie s’est présentée comme un révélateur puissant, grossissant les traits d’un monde qu’il est plus aisé de diagnostiquer, à présent qu’il est suspendu.

    Ces dernières années, l’augmentation des mobilités internationales par le trafic aérien s’est accompagnée de dispositifs de filtrage de plus en plus drastiques notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les multiples étapes de contrôle articulant dispositifs administratifs dématérialisés pour les visas et dispositifs de plus en plus intrusifs de contrôle physique ont doté les frontières aéroportuaires d’une épaisseur croissante, partageant l’humanité en deux catégories : les mobiles et les astreints à résidence.

    En parallèle, les routes terrestres et maritimes internationales sont restées actives et se sont même réinventées dans le cadre des mobilités dites illégales. Or là encore, l’obsession du contrôle a favorisé un étalement de la frontière par la création de multiples marches frontalières faisant de pays entiers des lieux de surveillance et d’assignation à résidence avec un investissement continu dans les dispositifs sécuritaires.

    L’épaisseur des frontières se mesure désormais par la hauteur des murs mais aussi par l’exploitation des obstacles géophysiques : les fleuves, les cols, les déserts et les mers, où circulent armées et agences frontalières. À cela s’est ajouté le pistage et la surveillance digitale doublés d’un appareil administratif aux démarches labyrinthiques faites pour ne jamais aboutir.

    Pour décrire ce phénomène, Achille Mbembe parlait de « frontiérisation du monde » et de la mise en place d’un « nouveau régime sécuritaire mondial où le droit des ressortissants étrangers de franchir les frontières d’un autre pays et d’entrer sur son territoire devient de plus en plus procédural et peut être suspendu ou révoqué à tout instant et sous n’importe quel prétexte. »

    La passion contemporaine pour les murs relève de l’iconographie territoriale qui permet d’appuyer les représentations sociales d’un contrôle parfait des circulations humaines, et ce alors que les frontières n’ont jamais été aussi polymorphes.

    Suite à la pandémie, la plupart des gouvernements ont pu mobiliser sans difficulté l’ingénierie et l’imaginaire frontaliers, en s’appuyant d’abord sur les compagnies aériennes pour fermer leur pays et suspendre les voyages, puis en fermant les aéroports avant de bloquer les frontières terrestres.

    Les réalités frontalières sont rendues visibles : la Norvège fait appel aux réservistes et retraités pour assurer une présence à sa frontière avec la Suède et la Finlande. Seuls les pays effondrés, en guerre, ne ferment pas leurs frontières comme au sud de la Libye où circulent armes et combattants.

    Beaucoup entretiennent des fictions géographiques décrétant des frontières fermées sans avoir les moyens de les surveiller comme la France en Guyane ou à Mayotte. Plus que jamais, les frontières sont devenues un rapport de pouvoir réel venant attester des dépendances économiques, notamment à travers la question migratoire, mais aussi symboliques, dans le principe de la souveraineté et son autre, à travers la figure de l’étranger. Classe politique et opinion publique adhèrent largement à une vision segmentée du monde.

    Le piège de l’assignation à résidence

    Aujourd’hui, cet appareil frontalier mondial activé localement, à qui l’on a demandé de jouer une nouvelle partition sanitaire, semble pris à son propre piège. Sa vocation même qui consistait à décider qui peut se déplacer, où et dans quelles conditions, semble égarée tant les restrictions sont devenues, en quelques jours, absolues.

    Le régime universel d’assignation à résidence dans lequel le monde est plongé n’est pas tant le résultat d’une décision d’ordre sanitaire face à une maladie inconnue, que la simple activation des dispositifs multiples qui préexistaient à cette maladie. En l’absence d’autres réponses disponibles, ces fermetures se sont imposées. L’humanité a fait ce qu’elle savait faire de mieux en ce début du XXIe siècle, sinon la seule chose qu’elle savait faire collectivement sans concertation préalable, fermer le monde.

    L’activation de la frontière a abouti à sa consécration. Les dispositifs n’ont pas seulement été activés, ils ont été renforcés et généralisés. Le constat d’une entrave des mobilités est désormais valable pour tous, et la circulation est devenue impossible, de fait, comme de droit. Pauvres et riches, touristes et hommes d’affaires, sportifs ou diplomates, tout le monde, sans exception aucune, fait l’expérience de la fermeture et de cette condition dans laquelle le monde est plongé.

    Seuls les rapatriés, nouveau statut des mobilités en temps de pandémie, sont encore autorisés à rentrer chez eux, dans les limites des moyens financiers des États qu’ils souhaitent rejoindre. Cette entrave à la circulation est d’ailleurs valable pour ceux qui la décident. Elle est aussi pour ceux qui l’analysent : le témoin de ce phénomène n’existe pas ou plus, lui-même pris, complice ou victime, de cet emballement de la frontiérisation.

    C’est bien là une caractéristique centrale du processus en cours, il n’y a plus de point de vue en surplomb, il n’y a plus d’extérieur, plus d’étranger, plus de pensée du dehors. La pensée est elle-même confinée. Face à la mobilisation et l’emballement d’une gouvernementalité de la mobilité fondée sur l’entrave, l’abolition pure et simple du droit de circuler, du droit d’être étranger, du droit de franchir les frontières d’un autre pays et d’entrer sur son territoire n’est plus une simple fiction.

    Les dispositifs de veille de ces droits, bien que mis à nus, ne semblent plus contrôlables et c’est en ce sens que l’on peut douter de la réversibilité de ces processus de fermeture.

    Réversibilité

    C’est à l’aune de ce constat selon lequel le processus de frontiérisation du monde était à déjà l’œuvre au moment de l’irruption épidémique que l’on peut interroger le caractère provisoire de la fermeture des frontières opérée au cours du mois de mars 2020.

    Pourquoi un processus déjà enclenché ferait machine arrière au moment même où il accélère ? Comme si l’accélération était une condition du renversement. Tout se passe plutôt comme si le processus de frontiérisation s’était cristallisé.

    La circulation internationale des marchandises, maintenue au pic même de la crise sanitaire, n’a pas seulement permis l’approvisionnement des populations, elle a également rappelé que, contrairement à ce que défendent les théories libérales, le modèle économique mondial fonctionne sur l’axiome suivant : les biens circulent de plus en plus indépendamment des individus.

    Nous venons bien de faire l’épreuve du caractère superflu de la circulation des hommes et des femmes, aussi longtemps que les marchandises, elles, circulent. Combien de personnes bloquées de l’autre côté d’une frontière, dans l’impossibilité de la traverser, quand le moindre colis ou autre produit traverse ?

    Le réseau numérique mondial a lui aussi démontré qu’il était largement à même de pallier à une immobilité généralisée. Pas de pannes de l’Internet à l’horizon, à l’heure où tout le monde est venu y puiser son travail, ses informations, ses loisirs et ses sentiments.

    De là à penser que les flux de data peuvent remplacer les flux migratoires, il n’y qu’un pas que certains ont déjà franchi. La pandémie a vite fait de devenir l’alliée des adeptes de l’inimitié entre les nations, des partisans de destins et de développement séparés, des projets d’autarcie et de démobilité.

    Alors que le virus nous a rappelé la condition de commune humanité, les frontières interdisent plus que jamais de penser les conditions du cosmopolitisme, d’une société comme un long tissu vivant sans couture à même de faire face aux aléas, aux zoonoses émergentes, au réchauffement climatique, aux menaces à même d’hypothéquer le futur.

    La réponse frontalière n’a ouvert aucun horizon nouveau, sinon celui du repli sur des communautés locales, plus petites encore, formant autant de petites hétérotopies localisées. Si les étrangers que nous sommes ou que nous connaissons se sont inquiétés ces dernières semaines de la possibilité d’un retour au pays, le drame qui se jouait aussi, et qui continue de se jouer, c’est bien l’impossibilité d’un aller.

    https://blogs.mediapart.fr/adrien-delmas/blog/280520/covid-19-la-frontierisation-aboutie-du-monde
    #frontières #fermeture_des_frontières #migrations #covid-19 #coronavirus #immobilité #mobilité #confinement #cartographie #vidéo #animation #visualisation #nationalisme_méthodologique #ressources_pédagogiques #appareil_frontalier_mondial #cohérence_sanitaire #crise_sanitaire #transport_aérien #Hubei #clusters #échelle #repli_national #contrôle_politique #Etat-nation #unilatéralisme #multilatéralisme #dilemme_du_prisonnier #mesures_barrière #rationalité #exceptionnalité #exceptionnalisme #autorité_nationale #soudaineté #routes_aériennes #Iran #Italie #Chine #vague #nationalités_indésirables #travailleurs_étrangers #frontaliers #filtrage #contrôles_frontaliers #contrôle #surveillance #marches_frontalières #assignation_à_résidence #pistage #surveillance_digitale #circulations #imaginaire_frontalier #ingénierie_frontalière #compagnies_aériennes #frontières_terrestres #aéroports #fictions_géographiques #géographie_politique #souveraineté #partition_sanitaire #rapatriés #gouvernementalité #droit_de_circuler #liberté_de_circulation #liberté_de_mouvement #réversibilité #irréversibilité #provisoire #définitif #cristallisation #biens #marchandises #immobilité_généralisée #cosmopolitisme #réponse_frontalière

    ping @mobileborders @karine4 @isskein @thomas_lacroix @reka

    • Épisode 1 : Liberté de circulation : le retour des frontières

      Premier temps d’une semaine consacrée aux #restrictions de libertés pendant la pandémie de coronavirus. Arrêtons-nous aujourd’hui sur une liberté entravée que nous avons tous largement expérimentée au cours des deux derniers mois : celle de circuler, incarnée par le retour des frontières.

      https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/droits-et-libertes-au-temps-du-corona-14-liberte-de-circulation-le-ret

    • #Anne-Laure_Amilhat-Szary (@mobileborders) : « Nous avons eu l’impression que nous pouvions effectivement fermer les frontières »

      En Europe, les frontières rouvrent en ordre dispersé, avec souvent le 15 juin pour date butoir. Alors que la Covid-19 a atteint plus de 150 pays, la géographe Anne-Laure Amilhat-Szary analyse les nouveaux enjeux autour de ces séparations, nationales mais aussi continentales ou sanitaires.

      https://www.franceculture.fr/geopolitique/anne-laure-amilhat-szary-nous-avons-eu-limpression-que-nous-pouvions-e

    • « Nous sommes très loin d’aller vers un #repli à l’intérieur de #frontières_nationales »
      Interview avec Anne-Laure Amilhat-Szary (@mobileborders)

      Face à la pandémie de Covid-19, un grand nombre de pays ont fait le choix de fermer leurs frontières. Alors que certains célèbrent leurs vertus prophylactiques et protectrices, et appellent à leur renforcement dans une perspective de démondialisation, nous avons interrogé la géographe Anne-Laure Amilhat Szary, auteure notamment du livre Qu’est-ce qu’une frontière aujourd’hui ? (PUF, 2015), sur cette notion loin d’être univoque.

      Usbek & Rica : Avec la crise sanitaire en cours, le monde s’est soudainement refermé. Chaque pays s’est retranché derrière ses frontières. Cette situation est-elle inédite ? À quel précédent historique peut-elle nous faire penser ?

      Anne-Laure Amilhat Szary : On peut, semble-t-il, trouver trace d’un dernier grand épisode de confinement en 1972 en Yougoslavie, pendant une épidémie de variole ramenée par des pèlerins de La Mecque. 10 millions de personnes avaient alors été confinées, mais au sein des frontières nationales… On pense forcément aux grands confinements historiques contre la peste ou le choléra (dont l’efficacité est vraiment questionnée). Mais ces derniers eurent lieu avant que l’État n’ait la puissance régulatrice qu’on lui connaît aujourd’hui. Ce qui change profondément désormais, c’est que, même confinés, nous restons connectés. Que signifie une frontière fermée si l’information et la richesse continuent de circuler ? Cela pointe du doigt des frontières aux effets très différenciés selon le statut des personnes, un monde de « frontiérités » multiples plutôt que de frontières établissant les fondements d’un régime universel du droit international.

      Les conséquences juridiques de la fermeture des frontières sont inédites : en supprimant la possibilité de les traverser officiellement, on nie l’urgence pour certains de les traverser au péril de leur vie. Le moment actuel consacre en effet la suspension du droit d’asile mis en place par la convention de Genève de 1951. La situation de l’autre côté de nos frontières, en Méditerranée par exemple, s’est détériorée de manière aiguë depuis début mars.

      Certes, les populistes de tous bords se servent de la menace que représenteraient des frontières ouvertes comme d’un ressort politique, et ça marche bien… jusqu’à ce que ces mêmes personnes prennent un vol low-cost pour leurs vacances dans le pays voisin et pestent tant et plus sur la durée des files d’attentes à l’aéroport. Il y a d’une part une peur des migrants, qui pourraient « profiter » de Schengen, et d’autre part, une volonté pratique de déplacements facilités, à la fois professionnels et de loisirs, de courte durée. Il faut absolument rappeler que si le coronavirus est chez nous, comme sur le reste de la planète, c’est que les frontières n’ont pas pu l’arrêter ! Pas plus qu’elles n’avaient pu quelque chose contre le nuage de Tchernobyl. L’utilité de fermer les frontières aujourd’hui repose sur le fait de pouvoir soumettre, en même temps, les populations de différents pays à un confinement parallèle.

      Ne se leurre-t-on pas en croyant assister, à la faveur de la crise sanitaire, à un « retour des frontières » ? N’est-il pas déjà à l’œuvre depuis de nombreuses années ?

      Cela, je l’ai dit et écrit de nombreuses fois : les frontières n’ont jamais disparu, on a juste voulu croire à « la fin de la géographie », à l’espace plat et lisse de la mondialisation, en même temps qu’à la fin de l’histoire, qui n’était que celle de la Guerre Froide.

      Deux choses nouvelles illustrent toutefois la matérialité inédite des frontières dans un monde qui se prétend de plus en plus « dématérialisé » : 1) la possibilité, grâce aux GPS, de positionner la ligne précisément sur le terrain, de borner et démarquer, même en terrain difficile, ce qui était impossible jusqu’ici. De ce fait, on a pu régler des différends frontaliers anciens, mais on peut aussi démarquer des espaces inaccessibles de manière régulière, notamment maritimes. 2) Le retour des murs et barrières, spectacle de la sécurité et nouvel avatar de la frontière. Mais attention, toute frontière n’est pas un mur, faire cette assimilation c’est tomber dans le panneau idéologique qui nous est tendu par le cadre dominant de la pensée contemporaine.

      La frontière n’est pas une notion univoque. Elle peut, comme vous le dites, se transformer en mur, en clôture et empêcher le passage. Elle peut être ouverte ou entrouverte. Elle peut aussi faire office de filtre et avoir une fonction prophylactique, ou bien encore poser des limites, à une mondialisation débridée par exemple. De votre point de vue, de quel type de frontières avons-nous besoin ?

      Nous avons besoin de frontières filtres, non fermées, mais qui soient véritablement symétriques. Le problème des murs, c’est qu’ils sont le symptôme d’un fonctionnement dévoyé du principe de droit international d’égalité des États. À l’origine des relations internationales, la définition d’une frontière est celle d’un lieu d’interface entre deux souverainetés également indépendantes vis-à-vis du reste du monde.

      Les frontières sont nécessaires pour ne pas soumettre le monde à un seul pouvoir totalisant. Il se trouve que depuis l’époque moderne, ce sont les États qui sont les principaux détenteurs du pouvoir de les fixer. Ils ont réussi à imposer un principe d’allégeance hiérarchique qui pose la dimension nationale comme supérieure et exclusive des autres pans constitutifs de nos identités.

      Mais les frontières étatiques sont bien moins stables qu’on ne l’imagine, et il faut aujourd’hui ouvrir un véritable débat sur les formes de frontières souhaitables pour organiser les collectifs humains dans l’avenir. Des frontières qui se défassent enfin du récit sédentaire du monde, pour prendre véritablement en compte la possibilité pour les hommes et les femmes d’avoir accès à des droits là où ils vivent.

      Rejoignez-vous ceux qui, comme le philosophe Régis Debray ou l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, font l’éloge des frontières et appellent à leur réaffirmation ? Régis Débray écrit notamment : « L’indécence de l’époque ne provient pas d’un excès mais d’un déficit de frontières »…

      Nous avons toujours eu des frontières, et nous avons toujours été mondialisés, cette mondialisation se réalisant à l’échelle de nos mondes, selon les époques : Mer de Chine et Océan Indien pour certains, Méditerranée pour d’autres. À partir des XII-XIIIe siècle, le lien entre Europe et Asie, abandonné depuis Alexandre le Grand, se développe à nouveau. À partir du XV-XVIe siècle, c’est l’âge des traversées transatlantiques et le bouclage du monde par un retour via le Pacifique…

      Je ne suis pas de ces nostalgiques à tendance nationaliste que sont devenus, pour des raisons différentes et dans des trajectoires propres tout à fait distinctes, Régis Debray ou Arnaud Montebourg. Nous avons toujours eu des frontières, elles sont anthropologiquement nécessaires à notre constitution psychologique et sociale. Il y en a même de plus en plus dans nos vies, au fur et à mesure que les critères d’identification se multiplient : frontières de race, de classe, de genre, de religion, etc.

      Nos existences sont striées de frontières visibles et invisibles. Pensons par exemple à celles que les digicodes fabriquent au pied des immeubles ou à l’entrée des communautés fermées, aux systèmes de surveillance qui régulent l’entrée aux bureaux ou des écoles. Mais pensons aussi aux frontières sociales, celles d’un patronyme étranger et racialisé, qui handicape durablement un CV entre les mains d’un.e recruteur.e, celles des différences salariales entre femmes et hommes, dont le fameux « plafond de verre » qui bloque l’accès aux femmes aux fonctions directoriales. Mais n’oublions pas les frontières communautaires de tous types sont complexes car mêlant à la fois la marginalité choisie, revendiquée, brandie comme dans les « marches des fiertés » et la marginalité subie du rejet des minorités, dont témoigne par exemple la persistance de l’antisémitisme.

      La seule chose qui se transforme en profondeur depuis trente ans et la chute du mur de Berlin, c’est la frontière étatique, car les États ont renoncé à certaines des prérogatives qu’ils exerçaient aux frontières, au profit d’institutions supranationales ou d’acteurs privés. D’un côté l’Union Européenne et les formes de subsidiarité qu’elle permet, de l’autre côté les GAFAM et autres géants du web, qui échappent à la fiscalité, l’une des raisons d’être des frontières. Ce qui apparaît aussi de manière plus évidente, c’est que les États puissants exercent leur souveraineté bien au-delà de leurs frontières, à travers un « droit d’ingérence » politique et militaire, mais aussi à travers des prérogatives commerciales, comme quand l’Arabie Saoudite négocie avec l’Éthiopie pour s’accaparer ses terres en toute légalité, dans le cadre du land grabbing.

      Peut-on croire à l’hypothèse d’une démondialisation ? La frontière peut-elle être précisément un instrument pour protéger les plus humbles, ceux que l’on qualifie de « perdants de la mondialisation » ? Comment faire en sorte qu’elle soit justement un instrument de protection, de défense de certaines valeurs (sociales notamment) et non synonyme de repli et de rejet de l’autre ?

      Il faut replacer la compréhension de la frontière dans une approche intersectionnelle : comprendre toutes les limites qui strient nos existences et font des frontières de véritables révélateurs de nos inégalités. Conçues comme des instruments de protection des individus vivant en leur sein, dans des périmètres où l’Etat détenteur du monopole exclusif de la violence est censé garantir des conditions de vie équitables, les frontières sont désormais des lieux qui propulsent au contraire les personnes au contact direct de la violence de la mondialisation.

      S’il s’agit de la fin d’une phase de la mondialisation, celle de la mondialisation financière échevelée, qui se traduit par une mise à profit maximalisée des différenciations locales dans une mise en concurrence généralisée des territoires et des personnes, je suis pour ! Mais au vu de nos technologies de communication et de transports, nous sommes très loin d’aller vers un repli à l’intérieur de frontières nationales. Regardez ce que, en période de confinement, tous ceux qui sont reliés consomment comme contenus globalisés (travail, culture, achats, sport) à travers leur bande passante… Regardez qui consomme les produits mondialisés, du jean à quelques euros à la farine ou la viande produite à l’autre bout du monde arrivant dans nos assiettes moins chères que celle qui aurait été produite par des paysans proches de nous… Posons-nous la question des conditions dans lesquelles ces consommateurs pourraient renoncer à ce que la mondialisation leur offre !

      Il faut une approche plus fine des effets de la mondialisation, notamment concernant la façon dont de nombreux phénomènes, notamment climatiques, sont désormais établis comme étant partagés - et ce, sans retour possible en arrière. Nous avons ainsi besoin de propositions politiques supranationales pour gérer ces crises sanitaires et environnementales (ce qui a manqué singulièrement pour la crise du Cocid-19, notamment l’absence de coordination européenne).

      Les frontières sont des inventions humaines, depuis toujours. Nous avons besoin de frontières comme repères dans notre rapport au monde, mais de frontières synapses, qui font lien en même temps qu’elles nous distinguent. De plus en plus de personnes refusent l’assignation à une identité nationale qui l’emporterait sur tous les autres pans de leur identité : il faut donc remettre les frontières à leur place, celle d’un élément de gouvernementalité parmi d’autres, au service des gouvernants, mais aussi des gouvernés. Ne pas oublier que les frontières devraient être d’abord et avant tout des périmètres de redevabilité. Des espaces à l’intérieur desquels on a des droits et des devoirs que l’on peut faire valoir à travers des mécanismes de justice ouverts.

      https://usbeketrica.com/article/on-ne-va-pas-vers-repli-a-interieur-frontieres-nationales

  • Quand les villes suent

    Le changement climatique provoque de plus en plus de vagues de #chaleur. Ce sont les villes qui en souffrent le plus. En été, elles enregistrent davantage de jours de #canicule et de #nuits_tropicales. Pour se rafraîchir, elles misent sur la #végétalisation, la multiplication des #plans_d’eau ouverts et une bonne #circulation_de_l’air dans les quartiers.

    En été, lorsqu’il fait chaud, les jets d’eau de la Place fédérale de Berne ravissent autant les touristes que les locaux. Devant les grandes façades de grès du Palais fédéral et de la Banque nationale, des enfants s’ébattent entre les 26 jets d’eau qui représentent chacun un canton suisse. Trempés jusqu’aux os, ils s’allongent à plat ventre sur le sol en pierre chaud pour se faire sécher. Aux terrasses des restaurants, au bord de l’Aar et aux stands de glaces, on respire une atmosphère méditerranéenne. Et c’est un fait : du point de vue climatique, les villes de l’hémisphère nord deviennent de plus en plus méridionales. Une étude de chercheurs de l’ETH de Zurich, qui ont analysé les changements climatiques prévus ces 30 prochaines années pour 520 capitales, le démontre. En 2050, le climat de Berne pourrait être le même que celui de Milan aujourd’hui. Londres lorgnera du côté de Barcelone, Stockholm de Budapest et Madrid de Marrakech.

    En Suisse, les derniers scénarios climatiques prévoient une hausse des températures estivales de 0,9 à 2,5 degrés Celsius. Par conséquent, le nombre de jours de canicule (dès 30°C) continuera d’augmenter, mettant à rude épreuve surtout les villes, qui deviennent de véritables #îlots_de_chaleur. Enfilades de maisons sans #ombre et #places_asphaltées réchauffent fortement l’atmosphère. La nuit, l’air refroidit peu, et les « nuits tropicales » (lorsque le thermomètre ne descend pas au-dessous de 20°C) se multiplient.

    Des #arbres plutôt que des #climatiseurs

    En Suisse, le chef-lieu du canton du Valais, #Sion, est particulièrement touché par la hausse de la chaleur : dans aucune autre ville suisse, les températures n’ont autant grimpé au cours de ces 20 dernières années. Le nombre de jours de canicule est passé de 45 à 70 depuis 1984. Il y a six ans, le chef-lieu a lancé un projet pilote soutenu par la Confédération, « #AcclimataSion ». Le but est de mieux adapter l’#aménagement_urbain et les normes de construction au changement climatique, explique Lionel Tudisco, urbaniste de la ville. Le slogan qui accompagne le projet est le suivant : « Du vert et du bleu plutôt que du gris ». Dans l’espace public, on mise sur une végétalisation accrue. « Un arbre livre la même fraîcheur que cinq climatiseurs », souligne l’urbaniste. À l’ombre des arbres, on enregistre en journée jusqu’à sept degrés de moins qu’aux alentours. Le « bleu » est fourni à la ville par les cours d’eau, fontaines, lacs ou fossés humides : « Ils créent des microclimats et réduisent les écarts de température ». Ces mesures visent non seulement à réduire la chaleur en ville, mais aussi à atténuer le risque d’inondations. Car le changement climatique accroît aussi la fréquence des fortes précipitations. Les Sédunois l’ont constaté en août 2018, quand un orage violent a noyé les rues basses de la ville en quelques instants.

    La réalisation phare d’« AcclimataSion » est le réaménagement du cours Roger Bonvin, une promenade située sur la tranchée couverte de l’autoroute. Avant, cet espace public de 500 mètres de long était peu attrayant et, avec ses surfaces imperméabilisées, il était livré sans protection aux rayons du soleil. Aujourd’hui, 700 arbres dispensent de l’ombre et des promeneurs flânent entre les îlots végétalisés. Une plage de sable et un vaste espace où s’asseoir et se coucher créent une atmosphère de vacances. Des enfants barbotent dans des bassins.

    #Points_chauds sur les #cartes_climatiques

    Dans les grandes villes suisses aussi, le changement climatique préoccupe les autorités. La ville de #Zurich s’attend à ce que le nombre de jours de canicule passe de 20 à 44, et veut agir. « Notre but est d’éviter la #surchauffe sur tout le territoire urbain », explique Christine Bächtiger, cheffe du département municipal de la protection de l’environnement et de la santé. Concrètement, il s’agit de réduire autant que possible les surfaces goudronnées ou imperméabilisées d’une autre manière. Car celles-ci absorbent les rayons du soleil et réchauffent les alentours. La ville souhaite aussi décharger certains quartiers où la densité d’habitants est forte et où vivent de nombreux seniors, particulièrement sensibles à la chaleur. On envisage d’étoffer le réseau de chemins menant à des parcs ou à des quartiers moins chargés. Par rapport à d’autres villes, Zurich jouit d’une topographie favorable : trois quarts des zones habitées urbaines bénéficient d’un air frais qui arrive la nuit par les collines boisées entourant la ville. Pour préserver cette #climatisation_naturelle, il faut conserver des axes de #circulation_de_l’air lorsqu’on construit ou limiter la hauteur des immeubles.

    La ville de #Bâle a elle aussi repéré les îlots de chaleur, les espaces verts rafraîchissants et les flux d’air sur une #carte_climatique. Des urbanistes et des architectes ont utilisé ces données pour construire le quartier d’#Erlenmatt, par exemple. Là, les bâtiments ont été orientés de manière à ne pas couper l’arrivée d’air frais de la vallée de Wiesental. De grands #espaces_ouverts et des rues avec des zones de verdure façonnent également l’image de ce nouveau quartier urbain construit selon des principes durables.

    La ville de #Genève, quant à elle, mise sur une végétalisation accrue. Les autorités ont arrêté l’été dernier un plan stratégique faisant de la végétalisation un instrument à part entière du Plan directeur communal. Dans le cadre du programme « #urbanature » déjà, les jardiniers municipaux avaient planté près de 1200 arbres et 1,7 million de plantes dans l’#espace_public. La municipalité juge par ailleurs qu’un changement de paradigme est nécessaire du côté de la #mobilité, avec une diminution du #trafic_individuel_motorisé. Ainsi, des cours intérieures aujourd’hui utilisées comme places de parc pourraient être végétalisées. Les arbres apportent de la fraîcheur en ville, et ils absorbent les particules fines qui se trouvent dans l’air.

    La ville de #Berne compte elle aussi agir à différents niveaux. Ainsi, les #revêtements ne seront plus imperméabilisés que si cela s’avère indispensable pour le trafic ou l’accès des personnes handicapées. Tandis qu’un revêtement en #asphalte sèche immédiatement après la pluie, l’eau s’infiltre dans les surfaces en #gravier et peut s’évaporer plus tard. « Nous devons repenser tout le #circuit_de_l’eau », déclare Christoph Schärer, directeur de Stadtgrün Bern. L’#eau ne doit plus être guidée au plus vite vers les #canalisations, mais rester sur place pour contribuer au #refroidissement_de_l’air par l’#évaporation ou pour assurer l’#irrigation. « Chaque mètre carré non imperméabilisé est un mètre carré gagné. » À Berne, les nombreuses #fontaines et #cours_d’eau participent aussi au refroidissement de l’atmosphère, comme le Stadtbach qui coule à ciel ouvert dans la vieille ville.

    En ce qui concerne la végétalisation, Berne adopte de plus en plus de variétés d’arbres « exotiques » adaptés au changement climatique. Certains arbres indigènes comme le tilleul à grandes feuilles ou l’érable sycomore supportent mal la chaleur et la sécheresse. Alors on plante par exemple des #chênes_chevelus. Ce feuillu originaire du sud de l’Europe supporte le chaud, mais aussi les hivers froids et les gelées printanières tardives qui ont été fréquentes ces dernières années. Christoph Schärer ne parlerait donc pas d’une « #méditerranéisation », du moins pas en ce qui concerne les arbres.

    https://www.revue.ch/fr/editions/2020/03/detail/news/detail/News/quand-les-villes-suent
    #urban_matter #changement_climatique #villes

    • Acclimatasion

      Le climat se réchauffe et les événements extrêmes se multiplient. Avec ACCLIMATASION la Ville de Sion s’est engagée pour la réalisation d’aménagements urbains qui donnent la priorité à la végétation et au cycle de l’eau. Objectif ? Diminuer la chaleur, favoriser la biodiversité et limiter les risques d’inondation.

      La Confédération réagit face au changement climatique. De 2014 à 2016, elle a soutenu une trentaine de projets pilotes avec pour but d’identifier les meilleures pistes pour limiter les dommages et maintenir la qualité de vie des habitants.

      La Ville de Sion, en partenariat avec la Fondation pour le développement durable des régions de montagne, a été choisie pour mener à bien un projet lié à l’adaptation des villes au changement climatique, c’est ACCLIMATASION.

      Au terme du projet pilote une série de résultats concrets sont visibles, en particulier :

      Des aménagements exemplaires ont été réalisés par la Ville dans le cadre du projet pilote et se poursuivent aujourd’hui par la réalisation de nouveaux projets. Le réaménagement du Cours Roger Bonvin réalisé en 2016 est le projet phare d’ACCLIMATASION.
      Des projets privés ont été soutenus pour montrer des solutions concrètes et inciter les propriétaires à s’engager. Le guide de recommandations à l’attention des propriétaires privés capitalise les actions concrètes que tout un chacun peut entreprendre.
      Diverses actions ont été menées pour sensibiliser la population, échanger avec les professionnels et mobiliser les responsables politiques : événements de lancement et de capitalisation, expositions et concours grand public, interventions dans les écoles.
      Les outils d’aménagement du territoire évoluent progressivement, de même que les compétences des services communaux et des professionnels. En particulier, les principes d’un aménagement urbain adapté au changement climatique ont été consolidés dans des lignes directrices adoptées par l’exécutif de la Ville en 2017 et applicables à l’ensemble des espaces publics.

      https://www.youtube.com/watch?v=PUI9YsWfT7o

      https://www.sion.ch/acclimatasion

    • #urbannature

      Ce programme, lancé par le Conseiller administratif Guillaume Barazzone, repense les espaces publics bétonnés en les rendant plus conviviaux et en les végétalisant. À terme, il a comme ambition de favoriser la biodiversité en milieu urbain. Le programme urbanature rend Genève encore plus verte ; il est mis en place et réalisé par le Service des espaces verts (SEVE).

      Le programme
      Corps de texte

      Il comprend trois niveaux d’action : des réalisations temporaires et saisonnières (fin mai à fin octobre), des aménagements durables, ainsi que l’élaboration d’un plan stratégique de végétalisation.

      Chaque année, des réalisations temporaires permettent d’amener de la végétation rapidement dans différents secteurs de la Ville. Depuis 2015, des projets durables de végétalisation sont réalisés afin d’étendre le maillage vert encore essentiellement constitué par les parcs. Le plan stratégique de végétalisation de la Ville sert à décrire les différentes actions concrètes à mener à long terme pour rendre Genève encore plus verte.

      https://vimeo.com/97531194

      https://www.urbanature.ch

    • Ô comme je pense que le mépris des dirigeants bordelais pour la nature en ville vient du fait qu’ils ont des jardins (la ville est très verte entre les murs des particuliers) et qu’ils passent l’été au cap Ferret. Qu’ils n’ont donc pas besoin de ces arbres qui pour d’autres sont vitaux.

  • Coronavirus : ce que les grandes épidémies disent de notre manière d’habiter le monde
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/21/ce-que-les-grandes-epidemies-disent-de-notre-maniere-d-habiter-le-monde_6040

    C’est une carte animée de la Chine qui donne le vertige. On y voit d’immenses flux de petits points verts se déplacer en étoile autour des métropoles : fondés sur les données de géolocalisation des téléphones portables, ces mouvements enregistrés pendant le Nouvel An chinois retracent les centaines de millions de voyages qui ont permis au coronavirus de conquérir la Chine depuis la ville de Wuhan. Au milieu du nuage de points verts, figurent nombre de petits points rouges – ce sont, précise le New York Times, les personnes infectées par le SARS-CoV-2.
    Le graphique suivant n’est guère plus rassurant : cette fois, les dizaines de milliers de points se dirigent vers Tokyo, Manille, Milan, Dubaï, Athènes, Buenos Aires, Islamabad, Los Angeles, Moscou, Singapour et Hongkong. En ce mois de janvier 2020, le New York Times recense 900 trajets par mois vers New York, 2 000 vers Sydney, 15 000 vers Banghok. Lorsque les vols au départ de Wuhan sont suspendus, fin janvier, il est déjà trop tard : les liaisons aériennes qui quadrillent le monde ont permis au virus de s’implanter sur tous les continents. « Dès la fin janvier, l’épidémie est présente dans plus de 30 villes et 26 pays », précise le quotidien.
    Pour l’immunologue Norbert Gualde, professeur à l’université de Bordeaux, ces graphiques illustrent à merveille le mécanisme des épidémies. « Ce n’est pas le virus, c’est l’homme qui fait l’épidémie, rappelle-t-il. Le virus est sédentaire : il n’a aucun moyen de locomotion. Pour se déplacer, il lui faut passer de corps en corps. C’est ce qu’exprime l’étymologie du mot épidémie : le terme est emprunté au latin médical “epidemia”, lui-même issu de la racine grecque “epidemos” – “epi”, qui circule, “demos”, dans le peuple. »

    #Covid-19#migrant#migration#santé#épidémie#circulations#santé#transports

    • La carte du New York Times aurait sans doute stupéfié les médecins qui, de la Renaissance au XIXe siècle, invoquaient au contraire la toute-puissance du « genius loci » (génie des lieux). « Ils croyaient fermement que l’apparition épidémique de certaines maladies était la conséquence des influences telluriques et cosmiques sur une région déterminée » , souligne l’historien de la médecine Mirko Drazen Grmek (1924-2000), en 1963, dans Les Annales. A l’époque, nul ne redoutait les épidémies mondiales : l’heure était au contraire à la recherche des « conditions géographiques et astrales » qui engendraient, dans chaque lieu, des maladies singulières.

      Cette tradition de la « topographie médicale » atteint son apogée au XVIIIe siècle avant de décliner à la fin du siècle suivant. Les découvertes de Louis Pasteur (1822-1895) et de Robert Koch (1843-1910) sur les micro-organismes pathogènes et leur contagion donnent le coup de grâce à une discipline qui souffre, selon Mirko Drazen Grmek, de son « caractère trop général » et de ses « synthèses précipitées » . Dès la fin du XIXe siècle, l’hygiéniste américain John Shaw Billings (1838-1913) n’hésite d’ailleurs pas à moquer ses confrères : il compare leur simplisme et leur naïveté à celle de chimistes qui voudraient analyser la composition d’un rat en le mettant tout entier dans un vase d’expérience.

      « Un passager clandestin planétaire »

      Le Covid-19 montre en effet que si les maladies contagieuses apparaissent plus aisément sous certains cieux, elles restent rarement prisonnières des « topographies médicales » imaginées aux XVIIe et XVIIIe siècles. Comme ses prédécesseurs, le SARS-CoV-2 s’est promené dans le vaste monde au gré des voyages des hommes : il est monté avec eux dans les trains, a emprunté des vols long-courriers, a séjourné dans des bateaux de croisière, a pris des autobus de banlieue. Le coronavirus est un « passager clandestin planétaire » qui suit pas à pas nos déplacements, résume le géographe Michel Lussault : comme toutes les épidémies, il raconte les allées et venues des hommes.

      Née en Chine, la « peste noire » met ainsi plus d’une quinzaine d’années, au Moyen Age, pour atteindre l’Europe. Apparu au début des années 1330, le mal emprunte, au rythme des déplacements humains, les routes commerciales entre l’Asie et l’Europe jusqu’à Caffa, un comptoir génois de Crimée où se joue le « futur drame de l’Occident » , notent Stéphane Barry et Nobert Gualde dans La Peste noire dans l’Occident chrétien et musulman (Ausonius, 2007). En 1345-1346, un chef militaire qui assiège la ville jette par-dessus l’enceinte des cadavres pestiférés. « Si certains historiens s’interrogent sur la véracité de cet événement, il est certain qu’une terrible épidémie éclate parmi la population. » En 1346, plusieurs navires partis de Caffa répandent alors la peste dans toute l’Europe.

      Le mal se propage au fil des mois sur les côtes de la mer Noire, en Grèce, en Crète, à Chypre, avant de débarquer, le 1er novembre 1347, dans le port de Marseille. Il emprunte ensuite les voies commerciales terrestres et fluviales : la peste franchit les Alpes, frappe la Suisse et progresse vers l’Allemagne et les Pays-Bas. En Europe du Nord, elle traverse à nouveau la mer pour se répandre en Angleterre, puis, en 1349, en Irlande et en Ecosse. En 1350, elle atteint la Scandinavie, puis tout l’espace hanséatique, avant de toucher Moscou en 1352.

      Routes commerciales et conflits militaires

      Si les épidémies empruntent volontiers les routes commerciales tracées par les hommes, elles savent aussi tirer habilement parti des conflits militaires. Lors de la guerre de 1870-1871, les troupes françaises et prussiennes disséminent ainsi la variole sur l’ensemble du territoire. « Pendant l’année 1869 et le commencement de 1870, les épidémies demeurèrent locales ou ne se propagèrent, par voisinage, qu’à de très courtes distances , constate, en 1873, Paul-Emile Chauffard, rapporteur de l’Académie de médecine. Mais lorsque la guerre amena ce grand mouvement de population qui suivit nos premiers désastres, l’épidémie reprit de toutes parts une nouvelle intensité. »

      Pendant le conflit, les soldats du Second Empire contaminent en effet les populations civiles. « Ils promènent la variole partout avec eux et les populations fuyant le flot envahisseur l’entraînent avec elles dans des retraites où elle n’avait pas encore sévi » , poursuit Paul-Emile Chauffard. Une fois faits prisonniers, les militaires français exportent le virus dans les pays frontaliers. « A mesure des batailles perdues, ils sont envoyés dans des camps en Prusse , raconte, en 2011, l’historien des sciences Gérard Jorland dans la revue Les Tribunes de la santé. La population civile allemande, par le biais de ses interactions avec les prisonniers, est contaminée. »

      Les réfugiés de Sedan propagent l’épidémie en Belgique, où elle fait plus de 33 000 morts en 1870-1872. Les volontaires italiens qui ont combattu en Côte-d’Or l’implantent à Naples, Milan, Turin et Gênes en rentrant chez eux. Les Français qui fuient les combats emportent le virus en Angleterre, où il provoque plus de 40 000 morts en 1871-1872. De ces pays, l’épidémie se répand en Irlande, en Ecosse, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Autriche et en Russie avant de conquérir les Etats-Unis, le Japon, le Chili, Hawaï, l’Australie, Bornéo, Ceylan et l’Inde. Dans la seule Europe, l’épidémie fait 500 000 morts.

      Une cinquantaine d’années plus tard, au début du XXe siècle, c’est une nouvelle fois la guerre qui précipite la diffusion planétaire de la grippe espagnole. « L’épidémie, qui est repérée au Kansas au début du printemps 1918, franchit l’Atlantique grâce au premier conflit mondial, explique le géographe Freddy Vinet. La progression du virus suit les mouvements de troupes : au printemps 1918, les soldats américains envoyés sur le front diffusent le virus dans toute l’Europe, et à l’automne 1918, les militaires engagés sur le sol européen retournent chez eux en disséminant cette fois le virus dans les territoires coloniaux et les pays alliés. »

      Une guerre éclair

      Dans La Grande Grippe-1918, la pire épidémie du siècle (Vendémiaire, 2018), Freddy Vinet reconstitue en détail l’itinéraire de cette épidémie qui a fait plus de victimes que la première guerre mondiale. « Pour un virus se transmettant par voie respiratoire, les déplacements de troupes à l’échelle du globe sont une aubaine , explique-t-il. En 1918, plus de vingt pays sont en guerre, auxquels s’ajoutent les empires coloniaux – la quasi-totalité de l’Afrique, les Indes britanniques, les Indes Orientales néerlandaises (Indonésie), la Caraïbe… Les seuls recoins de la planète épargnés par le virus le doivent à leur isolement ou à des quarantaines strictes. »

      Comme le bacille de la peste ou le virus de la grippe espagnole, le SARS-CoV-2 a envahi la planète en se glissant discrètement dans les bagages des hommes. Mais il l’a fait à une tout autre allure : la peste médiévale avait mis près de vingt ans pour passer des terres mongoles au port de Marseille, et le virus de la grippe espagnole, une année pour se répandre sur toute la Terre. Le coronavirus a, lui, mené une guerre éclair : apparu au mois de décembre en Chine, il a franchi les frontières et les océans à une vitesse foudroyante. Le 8 mars, plus de 100 pays avaient déjà signalé des cas de Covid-19.

      Que nous disent ces épidémies de la géographie du monde ? En quoi témoignent-elles de notre manière d’habiter la planète ? La « peste noire » médiévale racontait la vitalité des routes commerciales entre l’Asie et l’Europe, et la grippe espagnole, l’ampleur des transports de troupes pendant la première guerre mondiale. Pour le géographe Michel Lussault, le SARS-CoV-2 est le signe que notre monde est devenu un « buissonnement d’interdépendances géographiques » : le moindre événement local se diffuse désormais sans délai à l’ensemble de la planète à la manière du battement d’ailes du papillon évoqué en 1972 par le météorologue Edward Lorenz.

      Le coronavirus remet frontalement en question nos modes de vie
      Pour l’économiste Laurent Davezies, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, le coronavirus remet frontalement en question nos modes de vie. « Tout ce que nous considérions il y a encore quelques mois comme vertueux est devenu vicieux. La mondialisation a fait reculer la pauvreté comme jamais dans l’histoire de l’humanité mais elle a précipité l’extension de l’épidémie. La densité urbaine des métropoles a boosté l’innovation technologique mais elle a favorisé les contaminations. Le SARS-CoV-2 nous montre que la concentration et la mobilité qui régissent désormais la planète peuvent engendrer de graves périls. »

      Si les hommes se sont toujours déplacés, le monde contemporain est en effet caractérisé par une explosion mobilitaire sans précédent. « Tout bouge, sans cesse : objets, marchandises, matières, données, informations, humains, animaux, et tout emprunte des voies innombrables – terrestres, maritimes, aériennes, satellitaires, filaires, constatent Michel Lussault et Cynthia Ghorra-Gobin, en 2015, dans la revue Tous urbains (PUF). Tout est sans cesse en contact avec tout et cela témoigne de la vigoureuse montée en puissance des pratiques mais aussi des imaginaires et des cultures de la connectivité. »

      Les déplacements à l’intérieur des frontières ont beaucoup augmenté : un Français parcourt en moyenne près de 15 000 kilomètres par an contre moins de 10 000 en 1980. Le nombre de voyages à l’étranger a, lui aussi, explosé : en 2018, près de 1,5 milliard d’individus ont, au cours de l’année, franchi une frontière pour effectuer, loin de leur domicile, un séjour de moins d’un an, ce qui représente une progression de 50 % en une décennie. La tendance à franchir toujours plus les frontières n’est ni une mode ni une anomalie, résume François Héran, professeur au Collège de France : c’est une « lame de fond » .

      Les marchandises, elles aussi, ne cessent de se déplacer

      Pour Laurent Davezies, cette mobilité représente une « transformation radicale ». « Pendant des siècles, les Français avaient été assignés à résidence dans un territoire. Mais aujourd’hui, tout a changé : selon le sociologue Jean Viard, le travail, entre la naissance et la mort, ne représente plus que 12 % à 13 % de notre vie. L’immense plage de temps libéré par ce recul des contraintes professionnelles est consacrée à des activités qui supposent des déplacements – faire des études à l’étranger, visiter une ville pendant les vacances, partir en week-end, effectuer des visites familiales pendant la retraite. »

      Les marchandises, elles aussi, ne cessent de se déplacer. Dans un livre publié en 1996, Mondialisation, villes et territoires (PUF), l’économiste Pierre Veltz décrivait les rouages de l’ « économie d’archipel » composée par le réseau planétaire des grandes régions urbaines. « Ces métropoles concentrent l’essentiel des flux de toute nature, et notamment ceux d’une production industrielle de plus en plus éclatée, explique-t-il. Pour fabriquer une brosse à dents électrique, les piles viennent de Tokyo, l’assemblage est fait à Shenzhen et les tests aux Philippines. L’acier vient de Suède et le plastique d’Autriche. Au total, les composants parcourent plus de 30 000 kilomètres par air, par mer ou par route, avant de servir le marché californien. »

      Dans cette nébuleuse hyperconnectée qu’est devenu le monde, les villes jouent un rôle capital. L’urbanisation de la planète est, selon Michel Lussault, une mutation comparable à celle du néolithique ou de la Révolution industrielle : aujourd’hui, plus de 4 milliards de personnes vivent en ville – et toutes ces zones urbaines sont reliées. « Loin de se réduire à un centre historique et à un quartier d’affaires, la métropole contemporaine doit plutôt s’appréhender comme un entrelacs de réseaux qui mettent quotidiennement en relation des lieux de formes, de tailles et de fonctions très diverses » , analysent le géographe Eric Charmes et le politiste Max Rousseau dans un article publié sur le site de la Vie des idées.

      Cette révolution ne s’est pas contentée d’engendrer des « world-cities » comme New York, Londres ou Tokyo : elle a également fait disparaître les frontières qui séparaient les villes des campagnes. « Aujourd’hui, en France, le monde rural est habité par des gens qui sont en relation permanente avec le monde urbain, souligne Laurent Davezies. La moitié des actifs qui vivent à la campagne travaillent en ville et tous fréquentent des circuits de consommation situés dans des territoires urbanisés. Les va-et-vient sont permanents – au point que certains géographes ont renoncé à utiliser les termes rural et urbain : ils parlent simplement d’une variation de la densité. Il n’y a pas de changement radical de mode de vie entre ces deux mondes. »

      Le bouleversement des pratiques sociales

      Selon le géographe et urbaniste Jacques Lévy, cette culture mondiale de la mobilité a provoqué un véritable changement d’échelle du monde. « A l’époque de la peste médiévale, les villageois se déplaçaient dans un réseau, comme nous, mais à l’échelle de la marche ou du cheval, explique le professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. La modernité a inventé un espace d’échelle mondiale à partir des espaces préexistants d’échelle inférieure. Certaines civilisations anciennes avaient imaginé sans y croire qu’un jour, elles pourraient se pencher au-dessus d’une corniche pour regarder l’ensemble du monde. Nous y sommes. »

      Le plus étrange, poursuit Jacques Lévy, c’est que cette stupéfiante mutation s’est accomplie en l’absence de révolution des transports. « Les voitures et surtout les avions ne vont pas tellement plus vite que dans les années 1950, constate-t-il. L’explosion des mobilités n’est donc pas liée au changement de la vitesse nominale des transports mais au bouleversement des pratiques sociales. A l’époque préfordiste, la mobilité était pendulaire – elle se résumait aux trajets domicile-travail. Avec le fordisme, s’y sont ajoutés des voyages liés aux vacances et aux loisirs. Aujourd’hui, le trajet domicile-travail ne représente plus que 20 % des déplacements. »

      Pour illustrer ce changement d’échelle, Jacques Lévy, Ogier Maître et Thibault Romany ont imaginé en 2016, dans la revue Réseaux , une nouvelle manière de cartographier le monde. A la métrique euclidienne classique – la distance kilométrique entre deux points –, ils ont substitué, pour 35 villes de plus de dix millions d’habitants, une « métrique de réseau » fondée sur le temps de transport entre les mégapoles. Cette carte ne cherche pas à représenter la topographie physique : elle s’efforce de dessiner les nouvelles lignes de force de l’espace mondial, faites de « réseaux et plus particulièrement de rhizomes » .

      Le concept de rhizome

      Inventé en 1980, par Gilles Deleuze et Félix Guattari, le concept de rhizome désigne des réseaux aux frontières floues dont les éléments s’influencent en permanence les uns les autres. Depuis la fin du XXe siècle, les « rhizomes ouverts de l’individu, urbain et mondialisé, contemporain » ont remplacé les « petits pays enclavés du paysan » , conclut l’article. « Notre carte fait apparaître des ensembles que les transports ont rapprochés, même s’ils restent éloignés en kilomètres , ajoute Jacques Lévy. Cette trame du monde qui met en exergue les lieux forts et les liens rapides correspond parfaitement à la géographie de l’épidémie : le coronavirus colle à la planète interconnectée. »

      C’est en effet en parcourant ces rhizomes que le coronavirus a conquis le monde à la vitesse de l’éclair. Il ne s’est pas contenté d’emprunter les avions, les bateaux ou les trains : il a prospéré dans les espaces publics interconnectés du monde contemporain que sont les gares, les stades de foot ou les galeries marchandes, ces lieux de sociabilité intense où les hommes se frôlent avant de se connecter à un autre pôle, un autre réseau, une autre ramification. « A l’échelle mondiale, l’infrastructure spatiale de cette épidémie, ce sont les hubs – les hubs stricto sensu que sont les aéroports, mais aussi les centralités plus spécialisées que sont, par exemple, les centres commerciaux » , résume Jacques Lévy.

      Avec la pandémie de Covid-19, la planète urbanisée et hyperconnectée de ce début de XXIe siècle s’est révélée extrêmement vulnérable : pour un virus aussi contagieux que le SARS-CoV-2, les flux, les rhizomes, les plates-formes, les liens et les réseaux constituent un véritable paradis. La lutte contre le coronavirus a donc imposé aux habitants de la planète un revirement radical : il a fallu immobiliser brutalement un monde qui vénérait depuis des décennies le principe de la mobilité. Reprendra-t-il, une fois que la pandémie sera vaincue, sa folle course – au risque de voir renaître de nouvelles épidémies ? Nul ne le sait encore.

      #villes #métropole #mobilité #voyage #transport_aérien #peste_noire #variole #grippe_espagnole

  • Geopolítica de la pandemia de #COVID-19

    American “Populism” and the Spatial Contradictions of US Govern-ment in the Time of COVID-19
    John Agnew
    15-23

    La Europa indolente. Una hipótesis sobre los efectos geopolíticos de la pandemia
    Juan Romero
    25-37

    Las fronteras de la COVID-19: ¿escenario de guerra o camino de
    Jorge Aponte Motta, Olivier Thomas Kramsch
    39-51

    Centroamérica: neoliberalismo y COVID-19
    David Díaz Arias, Ronny Viales Hurtado
    53-59

    COVID-19: ¿(in)seguridad sin (in)movilidad? Acercando la política de la movilidad a los Estudios Críticos de Seguridad
    Ángela Iranzo
    61-68

    Espacialidad y pandemia: la crisis del coronavirus vista desde la geopolítica negativa
    Francisco José Saracho López
    69-79

    COVID-19 Pandemic in Japan: Containment Failed or Successful?
    Takashi Yamazaki
    81-91

    Pandemia: anexiones territoriales en Israel y comorbilidad en Palestina
    Isaias Barreñada Bajo
    93-104

    Flujos turísticos, geopolítica y COVID-19: cuando los turistas internacionales son vectores de transmisión
    Miriam Menchero Sánchez
    105-114

    ¿Qué mundo geopolítico después de 2020?
    Barbara Loyer, Béatrice Giblin
    115-126

    Geografía política de los cuidados (O por qué la pandemia del coronavirus confinó a buena parte del Norte global)
    Manuel Espinel Vallejo
    127-140

    COVID-19 between Global Human Security and Ramping Authoritar-ian Nationalisms
    Carlos R. S. Milani
    141-151

    La pandemia del 2020 en el debate teórico de las Relaciones Internacionales
    Fabián Bosoer, Mariano Turzi
    153-163

    El (im)posible retorno del Estado al primer plano ante una catástrofe global
    Jaime Pastor
    165-172

    Geopolítica de la pandemia, escalas de la crisis y escenarios en disputa
    Breno Bringel
    173-187

    La ciudad bajo el signo de ’Afrodita Pandemos’
    Carlos Tapia
    189-208

    La inexistente respuesta regional a la COVID-19 en América Latina
    Jerónimo Ríos Sierra
    209-222

    Aesthetic Separation / Separation Aesthetics: The Pandemic and the Event Spaces of Precarity
    Sam Okoth Opondo, Michael J. Shapiro
    223-238

    Brazil in the Time of Coronavirus
    Maite Conde
    239-249

    El virus cosmopolita: lecciones de la COVID-19 para la reconfiguración del Estado-Nación y la gobernanza global
    Natalia Millán, Guillermo Santander
    251-263

    Los mapas y calendarios de la pandemia
    Carlo Emilio Piazzini Suárez
    265-274

    Greta’s Wrath; or ’quédate en casa’, Agamben: COVID-19 and the (Non-)State of Exception
    Ulrich Oslender
    275-283

    Confinamiento/aislamiento: del lenguaje preventivo de la COVID-19 a la pragmática de la guerra en Colombia
    Vladimir Montoya Arango
    285-291

    Los Estados cierran sus territorios por seguridad… pero los virus están emancipados de las fronteras
    María Lois
    293-302

    Geopolítica popular del coronavirus: el poder de las viñetas editoriales de la prensa diaria
    Heriberto Cairo
    303-317

    Revisitando ’Refuxios’ en tiempos de COVID-19
    Carme Nogueira
    319-321

    https://revistas.ucm.es/index.php/GEOP/issue/view/3602
    #revue #articles_scientifiques #coronavirus #géographie #géopolitique #géographie_politique #USA #Etats-Unis #Europe #frontières #Amérique_centrale #néolibéralisme #mobilité #immobilité #Japon #Palestine #Israël #tourisme #touristes_internationaux #nationalisme #autoritarisme #Etats #Etats-nations #Amérique_latine #Brésil #Agamben #Colombie #confinement #isolement #frontières #frontières_nationales #dessin_de_presse #caricature #popular_geography #popular_geopolitics

  • Les données d’Apple montrent que les déplacements repartent à la hausse en France depuis 15 jours
    https://www.franceinter.fr/societe/les-donnees-d-apple-montrent-que-les-deplacements-repartent-a-la-hausse-

    Les indicateurs de déplacements, mis en ligne par Apple sur la base de son application de navigation Plans, permettent de confirmer une certaine tendance à la reprise des déplacements depuis la mi-avril, en France comme chez nos voisins européens. Les datas sur la mobilité d’Apple confirment-elles ce sentiment diffus que le confinement se desserre par endroits depuis quelques jours ? Oui, sur les 15 derniers jours d’avril, les déplacements ont un peu repris, comme le montrent les légers sursauts (...)

    #Apple #géolocalisation #automobile #surveillance #

    ##_

  • #Mobilscope

    La ville à toute heure !
    Les habitants d’une ville ne sont pas immobiles : leurs déplacements quotidiens occasionnent des modifications dans l’organisation sociale et spatiale des villes.

    Le Mobiliscope est un outil de #géovisualisation qui donne à voir l’évolution de la population présente dans les villes françaises et canadiennes au cours des 24 heures de la journée. Il permet ainsi d’étudier les changements de #composition_sociale des #quartiers au fil des heures.


    https://mobiliscope.parisgeo.cnrs.fr/fr
    #mobilité #villes #urban_matter #cartographie #mobilité_urbaine #déplacements #géographie_urbaine #France #mobilité_quotidienne
    ping @reka @visionscarto

  • Les confinés, ce sont les plus mobiles !

    Le confinement spatial est aussi une question de #frontières. Les confinés sont ceux qui, même immobiles, « ont accès ». Pouvoir se confiner relève du même processus que pouvoir traverser une frontière légalement, il faut appartenir au cercle restreint des « acteurs » de la globalisation.

    Depuis que le virus Covid-19 a été identifié, le repli spatial a constitué une préconisation politique essentielle. Ce qui est recommandé sous le terme désormais consacré de distance sociale, c’est le maintien d’une distance minimale entre les personnes, bien géographique celle-là. Et la mettre en œuvre suppose une forme de maîtrise sur nos conditions de vie, sur notre habiter. Confiner, c’est placer entre des limites. Cela implique que le contour que l’on érige à la périphérie de soi-même, entoure un centre, stable lui ! En filigrane de cette politique, on voit s’esquisser une pensée politique de l’espace très classique, tout à fait en décalage avec l’analyse des mobilités contemporaines.

    Ne sont véritablement confiné·es aujourd’hui que celles et ceux qui ont un logement suffisamment grand pour permettre au nombre de personnes qui y vivent de ne pas trop en sortir. En avoir deux, qu’on soit des enfants en résidence alternée ou des couples non-concubins, c’est déjà se trouver hors de ce cadre normatif… Cette logique de sédentarité extrême se présente désormais comme une marginalité spatiale positive, car choisie. Ne sont donc concernés ni les sans-logis, ni les entassés. Notamment celles et ceux qui subissent, en prison ou en centre de rétention administrative, une assignation de mise l’écart de la société qui prend effet dans des lieux enclos où le confinement est paradoxalement impossible : les densités trop fortes s’y traduisent dans les faits par une promiscuité délétère.
    Ceux qui ont « accès »

    Le confinement dont il s’agit n’a rien d’un enfermement ! Et ce, malgré le sentiment croissant de frustration de celles et ceux qui l’appliquent depuis un mois en se privant de l’accès à la multiplicité des lieux habituellement fréquentés. A y regarder de plus près, ne sont finalement concernés que celles et ceux qui peuvent vivre entre quatre murs parce qu’ils le font de manière tout à fait connectée ! Pouvoir, depuis chez soi, conserver des ressources régulières, c’est travailler à distance, être retraité ou encore indemnisé pour un chômage partiel ou permanent, un arrêt maladie. On continue alors d’être relié à un système marchand, lui-même relayé par un complexe bancaire qui nous « donne accès ». Et place les personnes concernées en situation de continuer à consommer à distance (faire ses courses le moins loin possible du domicile, se faire livrer, etc.).

    Certes, certains biens et services, notamment immatériels, sont désormais inaccessibles : soins du corps, pratiques de sociabilité, offre culturelle. Et l’avalanche d’ouverture de contenus en ligne dans ces domaines ne compense pas ce qui fait leur force habituelle, l’intensité des liens que ces secteurs stimulent. Mais ce mode « dégradé » reste un luxe, la carapace électronique qui garantit la faisabilité de notre enfermement apparent. Toute cette insertion économique se produit dans un processus d’invisibilisation des liens, produit par le système capitaliste qui les financiarise. Qu’il est facile de commander sur une grande plateforme en ligne sans penser aux employés qui travaillent dans ses entrepôts, livrent, déploient matériellement les réseaux sur lesquels repose notre approvisionnement !
    Informalisés et autres illégalisés

    Les confiné·es sont donc celles et ceux qui, même immobiles, « ont accès ». A l’extrémité inverse du spectre social, les non-productifs, les « informalisés » et autres « illégalisés », celles et ceux qui ne peuvent plus vendre leur travail manuel et physique (ménage, construction), qui ne sont pas pris en charge par les systèmes de santé, et tous ceux qui ont du mal à se relier au monde libéral. On peut aussi assister à des bascules rapides : l’étudiant·e issu·e d’un milieu modeste, qui n’a pas d’ordinateur ou de bonne connexion internet chez lui, parfois confiné·e dans une chambre minuscule où il·elle est désormais privé de la restauration à bas prix du Crous, peut tout à fait décrocher de la dynamique vertueuse que ses efforts lui avaient permis d’intégrer, éjecté du monde mobile auquel il aspirait.

    Paradoxalement, celles et ceux qui peuvent aujourd’hui se confiner dans de bonnes conditions sont très exactement les personnes qui avaient accès à la liberté de mouvement dans le monde d’avant. Ce sont des personnes qui disposent d’un degré d’autonomie globale leur permettant de choisir les interactions qui les mondialisent : en d’autres termes. Ce sont précisément celles et ceux qui disposaient d’un niveau de « #frontiérité » élevé, pour reprendre une expression que j’ai forgée avec Frédéric Giraut pour qualifier nos capacités inégales à traverser les frontières.

    Pouvoir se confiner relève du même processus que pouvoir traverser une frontière légalement : il s’agit de deux modalités de l’appartenance au cercle restreint des « acteurs » de la globalisation. Ce sont deux faces de l’« inclusion différentielle » (Sandro Mezzadra) qui régit désormais le corps social. Loin de l’égalité démocratique, l’attribution des droits politiques, notamment l’accès à une citoyenneté pleine et entière, semble dépendre de cette aptitude à pouvoir démontrer de l’utilité individuelle dans la mondialisation. Gommer opportunément de nos radars le fait que ceux qui produisent à bas coût des jeans ou des téléphones, du coton ou des minerais, actent tout autant cette économie inter-reliée que les élites mondialisées. Ne pas voir l’écheveau des liens complexes de notre système monde dont le Covid-19 est le symptôme, ne pas considérer pas la matérialité des biens qui sont derrière les liens électroniques sur lesquels repose notre confinement, c’est faire l’autruche.

    Les confinés, c’est-à-dire les plus « frontiérisés », se trouvent être aussi les êtres humains qui ont la plus forte empreinte écologique ! Sortir du confinement ne se fera pas en réouvrant les frontières, mais en re-visibilisant les liens. L’analyse fine des inégalités territoriales du monde mobile qui a produit la crise du Covid-19 constitue une étape essentielle pour poser les bases de la justice sociale nécessaire pour imaginer l’« après ».

    https://www.liberation.fr/debats/2020/04/27/les-confines-ce-sont-les-plus-mobiles_1786544

    #confinement #mobilité #immobilité #globalisation #mondialisation #inclusion_différentielle #Mezzadra #Sandro_Mezzadra #repli_spatial #distance_sociale #distance_spatiale #sédentarité #marginalité #assignation #SDF #détention #détention_administrative #prisons #sans-abrisme #rétention #promiscuité #enfermement #télétravail #connectivité #internet #enfermement_apparent #confinés #non-confinés #espace #liberté_de_mouvement #liberté_de_circulation #autonomie #im/mobilité #hyper-mobilité #immobilité

    Tribune de #Anne-Laure_Amilhat-Szary (@mobileborders)

    ping @isskein @karine4

  • #François_Héran : « L’#idéologie du #confinement national n’est qu’un ruineux cauchemar »

    Technique de lutte contre l’#épidémie, le confinement devient une dangereuse idéologie s’il prend prétexte de la #protection_sanitaire pour viser les seuls migrants, souligne le sociologue François Héran dans une tribune au « Monde ».

    Tribune. « Fermer nos frontières », telle serait pour certains la leçon à retenir de la crise sanitaire, une mesure qu’on aurait dû adopter de longue date. Mais les fermer à qui ? Aux seuls migrants ou à tous les voyageurs internationaux ? Dans nos cerveaux, le projet d’ouvrir ou de fermer les frontières est associé à la politique migratoire.

    Or, le virus ne fait aucune différence entre le migrant et le voyageur. Il n’a pas d’idéologie, il obéit à la loi des grands nombres et à cette donnée de base : l’immigration représente une part minime des passages aux frontières, moins de 1 %. Une politique de confinement national qui alléguerait la protection sanitaire pour cibler les migrants tout en négligeant 99 % des passages de frontière renouerait avec les errements du passé, bien décrits par l’historien Antonin Durand dans un article de la revue en ligne De facto.

    La France a délivré en 2019 environ 270 000 titres de séjour d’au moins un an à des migrants non européens

    La somme des franchissements de frontière enregistrés dans le monde en 2018 pour des séjours de moins d’un an s’élève à 1,4 milliard, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Malgré l’essor des communications à distance, ce nombre a progressé de 50 % en dix ans. Voyages de loisir pour une grosse moitié, mais aussi visites aux proches, voyages d’étude, pèlerinages, déplacements professionnels (stages, missions, travaux saisonniers). Sans surprise, l’Europe concentre la moitié des entrées aux frontières. Or le record mondial revient à la France : pas moins de 89 millions d’entrées en 2018, migration non comprise. Devant l’Espagne (83 millions), les Etats-Unis (80 millions), la Chine (63 millions) et l’Italie (62 millions).

    Il est plus difficile d’estimer le nombre d’entrées à des fins de migration permanente. Mais l’ordre de grandeur est cent fois moindre. La France a délivré en 2019 environ 270 000 titres de séjour d’au moins un an à des migrants non européens – dont une part vivaient déjà sur place sans papiers (ce qui empêche d’additionner simplement les illégaux aux légaux). S’ajoute à ce noyau une partie des 170 000 demandeurs d’asile, « dublinés » compris : ceux qui n’obtiennent ni le statut de réfugié ni une régularisation pour raison familiale ou autre (et, donc, ne figureront pas dans la statistique des titres des années suivantes). Au total, en calculant large et sans doubles comptes, on peut estimer à 400 000 environ le nombre d’entrées annuelles de migrants non européens sur le territoire français. Quant aux citoyens de l’Union européenne, qui peuvent s’installer sans titre de séjour, les enquêtes de l’Insee estiment leur afflux, bon an mal an, autour de 140 000.

    Déguiser une politique migratoire en politique sanitaire

    Ainsi, chaque année en France, 540 000 entrées environ relèvent de la migration, ce qui est très peu sur l’ensemble des 90 millions d’entrées provisoires ou durables : 0,6 %. Même assortie d’une grosse marge d’erreur, c’est une donnée incontournable pour le contrôle sanitaire. Les contrôles aux frontières pour ralentir la propagation des épidémies sont légitimes, mais rien ne justifie de les réserver aux migrants, alors que les voyageurs internationaux sont de 140 à 200 fois plus nombreux. Ce serait déguiser une politique migratoire en politique sanitaire.

    Or la confusion est courante. Dans un entretien récent (Le Figaro du 14 avril), Philippe de Villiers jubile : l’épidémie a sonné le glas du mondialisme, la France rentre dans ses frontières et les multiplie à l’envi en interne, sous forme de gestes barrières. Et de fustiger la mondialisation, coupable d’avoir favorisé « quatre crises mortelles : sanitaire, migratoire, économique, et bientôt financière ». J’invite M. de Villiers à se pencher sur un fleuron de la mondialisation qu’il connaît bien, le parc du Puy du Fou. Son site multilingue (français, anglais, espagnol, italien, allemand, néerlandais, russe et chinois) vante la part croissante des visiteurs étrangers (+ 38 % en 2018) et arbore le titre de « meilleur parc du monde » décerné par… le site Internet TripAdvisor. Et j’imagine qu’il ne discrimine pas les immigrés à l’embauche. On le voit, l’intérêt bien compris n’a que faire de l’idéologie du confinement national. Libéré de la crise, le parc vendéen saura renouer avec le succès en misant à nouveau sur la mondialisation.

    On a pris conscience dans la crise que les métiers à forte utilité sociale mobilisent les immigrés plus qu’à leur tour. On vérifie aussi que, sans la clientèle étrangère, des secteurs entiers sont sinistrés. Les 89 millions d’entrées de l’année 2018 ont produit 140 millions de nuitées de non-résidents – autant que les nuitées de clients français ! Le Louvre ne serait pas le premier musée de la planète s’il ne vendait pas 75 % de ses billets à des étrangers. Et ainsi de suite.

    Vous rêviez d’un monde appliquant sans faille l’idéologie du « confinement national » ? La fermeture des frontières à la faveur de l’épidémie vous en apporte la preuve expérimentale : un monde sans migrants ni visiteurs étrangers est un monde à l’arrêt ou sévèrement amputé. C’est un monde où les citoyens des pays du Nord – cuisante ironie – peuvent devenir à leur tour des étrangers indésirables dans les pays du Sud, voire dans leur propre pays, comme l’ont vécu ces Français en croisière interdits de débarquer à Marseille, pris au même piège que les passagers de l’Aquarius en 2018.

    Interdépendance

    Il est bon que les Etats souverains cherchent à garantir sur leur sol certaines productions stratégiques pour la défense et la santé. Mais le souverainisme atteint ses limites avec les effets ruineux du confinement national et sous le coup des décisions souveraines des autres pays. On ne perd pas son indépendance si, au lieu de fabriquer soi-même son pain, on l’achète chez son boulanger ; on entre en interdépendance et c’est ce qu’on appelle le marché, avec son lot de coopérations, d’échanges et de régulations. Ainsi en va-t-il des relations internationales, de l’intégration européenne ou des conventions internationales en matière de mobilité, de migration ou d’asile.

    La tendance à franchir toujours plus les frontières n’est ni une mode ni une anomalie. C’est une lame de fond. Au nom de quoi voudrait-on dissuader les jeunes, les actifs ou les retraités de parcourir le monde ? La migration, à sa modeste échelle, participe de ce mouvement. Il faut réguler cette mobilité, c’est inévitable, mais on voit mal comment inverser la mondialisation croissante des voyages internationaux, sauf à rêver d’un confinement perpétuel.

    Technique de lutte en temps d’épidémie, le confinement se dégrade en idéologie s’il allègue la protection sanitaire des nations pour viser les seuls migrants. L’immigration zéro est un déni de réalité tout autant que le slogan « no border ». De la même façon, le rêve d’un monde fermant ses frontières à tous les étrangers n’est qu’un ruineux cauchemar. Une fois déconfiné, le monde continuera de circuler – et il y aura tout à voir.

    François Héran est sociologue, anthropologue et démographe, titulaire de la chaire migrations et sociétés au Collège de France, ancien directeur de l’Institut national d’études démographiques (INED) de 1999 à 2009, animateur de l’Institut Convergences Migrations. Derniers ouvrages parus : « Avec l’immigration. Mesurer, débattre, agir », (La Découverte, 2017) et Migrations et sociétés (Fayard, 2018).

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/26/francois-heran-l-ideologie-du-confinement-national-n-est-qu-un-ruineux-cauch
    #confinement_national #migrants #migrations #coronavirus #covid-19
    #frontières #fermeture_des_frontières #nationalisme #liberté_de_circulation #liberté_de_mouvement

    –------

    Voir aussi cet autre texte de Héran :
    #Voyageurs_internationaux ou immigrants, le virus ne fait pas la différence
    https://seenthis.net/messages/844270

    ping @thomas_lacroix @karine4 @isskein

    • Entretien. Pour l’épidémiologiste suédois #Anders_Tegnell, “fermer les frontières est ridicule”

      L’épidémiologiste à l’origine de la stratégie controversée de la Suède pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 s’est entretenu avec Nature. Selon lui, l’approche basée sur la responsabilisation a bien fonctionné dans son pays.

      https://www.courrierinternational.com/article/entretien-pour-lepidemiologiste-suedois-anders-tegnell-fermer

      Après, voilà... c’est le gars derrière la stratégie de lutte contre le coronavirus en Suède...

    • Le #nationalisme est-il bon pour la santé ?

      Les gouvernements ont arrêté le monde en sept jours. Dès janvier, alors que l’Organisation mondiale de la santé s’était prononcée contre les restrictions du trafic international de voyageurs (https://www.who.int/news-room/articles-detail/updated-who-advice-for-international-traffic-in-relation-to-the-outbreak-of-the), la circulation en provenance de Chine avait été suspendue par plusieurs pays, voisins ou plus lointains, comme l’Italie.

      Mais c’est à la mi-mars que tout a basculé. Malgré la progression de l’épidémie, de plus en plus d’États ont remplacé les contrôles sanitaires aux frontières par des blocages fondés sur la nationalité. En une semaine, entre le 16 et le 23 mars, la plupart d’entre eux ont interdit l’entrée à toutes les nationalités, à l’exception de leurs propres ressortissants (https://www.iatatravelcentre.com/international-travel-document-news/1580226297.htm).

      Ces restrictions peuvent paraître justifiées pour des raisons sanitaires. De fait, la distanciation sociale, lorsqu’elle est parfaitement respectée, réduit efficacement la propagation de l’épidémie. Par extension, ne pourrait-on pas penser que la « distanciation nationale » contribue, elle aussi, à cette réduction ?
      Une stratégie inefficace

      En janvier, lorsque l’OMS recommande de ne pas restreindre le trafic international, son avis est fondé sur l’inefficacité sanitaire d’une telle mesure. Une fois que le virus est présent sur un territoire, il se propage en effet à travers les contacts locaux. Fermer les frontières ne retarde que de peu l’épidémie, comme l’ont montré de nombreuses études sur la propagation des virus de la grippe ou d’Ebola.

      Ces résultats ont été confirmés pour le Covid-19. Un article publié dans la prestigieuse revue Science a étudié les effets des restrictions de voyage sur la propagation de l’épidémie en cours. Il conclut que l’impact d’une forte réduction des voyages vers et à partir de la Chine (à hauteur de 90 %) reste modeste sur la progression de l’épidémie, tant que cette réduction n’est pas combinée avec des efforts importants visant à réduire de 50 % la transmission à l’intérieur des communautés nationales, notamment par un dépistage précoce et isolation.

      L’article compare également l’impact des restrictions internes que la Chine a adoptées le 23 janvier à l’égard de Wuhan à celui des restrictions internationales que les pays ont adoptées à l’égard de la Chine. Les restrictions décidées à Wuhan ont retardé la progression de l’épidémie dans le reste de la Chine de seulement 3 à 5 jours. La raison est que des personnes qui n’avaient pas (encore) de symptômes avaient déjà voyagé dans d’autres villes chinoises avant la quarantaine.

      L’étude montre que les « frontières » installées autour de Wuhan ont eu un effet plus marquant à l’échelle internationale. En prenant cette mesure, la Chine a réduit le nombre de cas importés dans d’autres pays de 80 % jusqu’à la mi-février, lors du déclenchement de l’épidémie dans plusieurs pays.

      Ce résultat n’est pas surprenant : les mesures plus ciblées, à commencer par le dépistage, l’isolement des cas infectés et la distanciation sociale, sont plus efficaces pour contenir une épidémie, que les restrictions de la mobilité.
      https://www.youtube.com/watch?v=gxAaO2rsdIs&feature=emb_logo

      Des dangers pour la santé publique

      Le 18 mars, trois chercheurs américains tentaient encore de montrer l’inutilité de fermer les frontières avec la Chine. Pour cela, ils ont analysé l’évolution du nombre de personnes infectées par pays et par jour, à partir de 27 janvier. Comme le montre leur graphique, certains pays ayant fermé leurs frontières avec la Chine (en rouge) peuvent connaître un nombre d’infections plus élevé que d’autres pays qui ne l’ont pas fait (en bleu).

      Un collectif de seize spécialistes en santé mondiale ont alerté, dans la prestigieuse revue médicale The Lancet, sur le caractère disproportionné des fermetures des frontières – mesures qui contreviennent aux recommandations de l’OMS et qui sont susceptibles d’aggraver la crise sanitaire.

      Les restrictions au trafic international risquent en effet d’aggraver la situation, pour plusieurs raisons. Sanitaires, d’abord : même quand des exceptions sont prévues pour le personnel soignant et les équipements médicaux, la rareté des moyens de transport ralentit la réponse sanitaire.

      Alimentaires, ensuite : même si le stock mondial de céréales est pour le moment suffisant, l’arrêt des exportations peut perturber les prix en provoquant ici des excédants, là des pénuries alimentaires qui aggraveront la crise sanitaire.

      D’équité, enfin : la fermeture des frontières nuit, de façon tragique, aux plus vulnérables. Chaque année, le commerce international permet d’acheminer assez de maïs, de blé et de riz pour nourrir 2,8 milliards de personnes dans le monde. En 2018, l’Afrique subsaharienne, une région où résident un quart des 820 millions de personnes malnutries du monde, avait pu importer plus de 40 millions de tonnes de céréales.


      La fermeture des frontières risque d’augmenter l’insécurité alimentaire des plus pauvres, comme l’indique un récent rapport du Programme alimentaire mondial des Nations unies.
      Fermer les frontières, est-ce légal ?

      Un article publié récemment dans Science rappelle que la restriction du trafic viole le droit international. En effet, la plupart des États qui ont procédé à la fermeture des frontières ne respectent pas le Règlement sanitaire international de l’OMS qu’ils ont eux-mêmes adopté en 2005.

      Ce Règlement, qui constitue un traité légalement contraignant, dispose, à son article 43, que les mesures prises par les États face aux risques sanitaires « ne doivent pas être plus restrictives pour le trafic international, ni plus intrusives ou invasives pour les personnes, que les autres mesures raisonnablement applicables qui permettraient d’assurer le niveau approprié de protection de la santé » (43-1). Pour être proportionnées, les mesures doivent s’appuyer sur « des principes scientifiques » et sur « les éléments scientifiques disponibles » (43-2). Lorsqu’un État prend des mesures qui « entravent de manière importante le trafic international », comme le « refus de l’entrée ou de la sortie des voyageurs internationaux pendant plus de 24 heures », cet État doit « fournir à l’OMS les raisons de santé publique et les informations scientifiques » qui justifient » ces décisions (43-3).

      Or les principes et les informations scientifiques disponibles ne justifient pas les restrictions du trafic international. De plus, la plupart des pays n’ont pas notifié à l’OMS les raisons de santé publique qui ont motivé leur décision. Les chercheurs enjoignent les gouvernements de suivre plutôt les recommandations de l’OMS en augmentant le nombre de tests et en s’assurant que la distanciation sociale est respectée.
      Le biais nationaliste

      Dans des situations de crise, le risque de prendre des décisions biaisées augmente et avec lui, notre capacité à aggraver la situation. L’un de ces biais est de surestimer l’importance des frontières nationales ou des différences entre les populations. En sciences sociales, ce biais est appelé « nationalisme méthodologique », pour le distinguer du nationalisme comme idéologie politique.

      On peut l’illustrer par trois autres exemples. Premièrement, le biais nationaliste nous empêche de percevoir correctement un problème de santé humaine. Ainsi, le virus a été souvent présenté comme étant « chinois ». Le 27 janvier, un journal danois avait même publié une caricature remplaçant chacune des étoiles du drapeau de la Chine par un virus. L’ambassade chinoise au Danemark avait déploré « le manque d’empathie » et une « offense à la conscience humaine ». Le journal danois s’en est défendu, en estimant que les Chinois et les Danois représentaient « deux types de compréhension culturelle ». Or cette surestimation des différences culturelles peut conduire non seulement à l’absence d’empathie, mais aussi à la confiance dans l’idée que pour faire face à un virus perçu comme étranger, la solution est de fermer les frontières.

      Deuxièmement, le biais nationaliste peut expliquer les temps de réaction à un problème sanitaire. Par exemple, l’Italie a fermé ses frontières avec la Chine le lendemain de l’hospitalisation d’un couple de touristes chinois à Rome le 30 janvier. Mais elle a mis plus de trois semaines pour prendre les premières mesures adéquates.

      Pendant trois semaines, les recommandations du ministère de la Santé visaient uniquement les personnes qui revenaient de l’étranger et les médecins cherchaient surtout des patients ayant voyagé. Lorsque le 20 février, un Italien de 38 ans avait développé les symptômes sans lien apparent avec l’Asie, l’anesthésiste qui a décidé de le tester a dû désobéir au protocole qui réservait les tests aux personnes ayant voyagé à l’étranger.

      Troisièmement, le biais nationaliste a conduit les gouvernements à interdire l’arrivée des étrangers tout en faisant une exception pour les ressortissants ou les résidents. Or, si le but est de réduire le nombre d’interactions sur un territoire, pourquoi permettre le retour des nationaux, dont les liens sociaux et familiaux sont plus nombreux que ceux des étrangers ? Et pour les nationaux, la règle qui leur permet de revenir, quelle que soit la prévalence de l’épidémie dans leur pays, leur rend-elle vraiment service ?

      Les gouvernements ont arrêté le monde en sept jours sans en voir toutes les conséquences. Combien de temps nous faudra-t-il pour les corriger ?

      https://theconversation.com/le-nationalisme-est-il-bon-pour-la-sante-135709

      ping @karine4

  • Déconfinement : la Dé-Mobilité pour lutter contre le #covid-19
    http://carfree.fr/index.php/2020/04/24/deconfinement-la-de-mobilite-pour-lutter-contre-le-covid-19

    Le déconfinement prévu le 11 mai ne peut être réussi qu’à la condition d’une exceptionnelle stratégie de dé-mobilité urbaine : prolonger les formes nouvelles de #télétravail et de diminution de la Lire la suite...

    #Fin_de_l'automobile #Pollution_automobile #air #mobilité #pollution #santé #urbanisme

  • #Sakhaline : un #pont russe vers l’Asie ? - REGARD SUR L’EST
    http://regard-est.com/sakhaline-un-pont-russe-vers-lasie

    L’histoire a montré qu’en #Russie, les ponts ne sont pas toujours conçus uniquement comme moyens de passage. Souvent, ils peuvent aussi être au service d’une affirmation de puissance, ce qu’illustrent les récents exemples des ponts de l’île Rousski à Vladivostok et de Crimée. Le projet de pont vers le Japon est à la jonction entre gigantisme et nécessité de créer des liens à l’opposé de la frontière européenne.

    #infrastructures #transport #circulation #mobilité

  • La #précarité, un problème global dans une #Europe postcoloniale

    La recherche en sciences sociales établit que la #précarisation de la #vie_académique – et je dis bien de la vie, pas seulement du travail – se répand de manière accablante à l’échelle mondiale. Dans une étude publiée en 2016, Ava Höhle et Ulrich Teichler[1] montrent que les #contrats_temporaires deviennent le modus operandi d’emploi à l’université dans plusieurs pays, tels que le Canada (82%), la Finlande (34%), le Japon (39%) et le Royaume-Uni (28%). Quant à la France, les chiffres sont toujours peu clairs : un rapport publié par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation informe que parmi les 86 096 enseignants-chercheurs rattachés à des institutions sous-tutelle dudit ministère, 66% de ce personnel sont classés titularisés[2], alors que les autres 34% sont classés non-titularisés[3]. Néanmoins, les vacataires n’y sont pas comptabilisés. Les seules données officielles disponibles à ce sujet figurent dans un document publié en 2018 qui présente un chiffre de 105 596 vacataires chargés de cours pour l’année 2016-17 au sein de seulement 79% des universités françaises incluses dans le rapport.

    En Inde également, les ad hoc teachers constituent une masse d’employés précaires présente dans toutes les universités du pays. Selon la Delhi University Teachers Association, cette catégorie représentait, en 2016, 50% des 9 000 enseignants à l’Université de Delhi (DU), dont la rémunération s’élevait à 57 000 roupies par mois[4] sous un régime de contrats à durée de 6 mois. De même que leurs équivalents français, malgré une mobilisation politique croissante de leur part, ces travailleurs de l’enseignement supérieur ne jouissent d’aucune stabilité professionnelle. À l’instar de nombre de pays européens, le processus de précarisation de l’université indienne s’est amorcé dans les années 1990, dans un moment où l’économie politique du pays, jusqu’alors encadrée par un modèle nommé soft-socialism, s’orientait vers une dite libéralisation économique. Cherchant à faire intégrer la région sud-asiatique – y compris ses universités – dans un marché global, les forces politiques nouvellement arrivées au pouvoir font basculer, en un court espace de temps, dans un néolibéralisme outrancier, des pays habitués aux valeurs plus ou moins socialistes.

    La précarisation du travail académique en Europe et en Inde est plus organiquement liée qu’il n’y paraît : il est question ici des rapports entre deux acteurs majeurs d’un marché universitaire et scientifique global. Je dirais même que la précarité académique en Europe s’articule à la circulation internationale de chercheurs du Sud global – parmi lesquels les chercheurs d’origine indienne[5].

    Je soutiens que l’ainsi-dite « globalisation des sciences sociales »[6] récupère un imaginaire et un passif postcoloniaux dans la mise en place de politiques scientifiques internationales qui précarisent la formation des élites dites « cosmopolites », bien que de manières distinctes selon les contextes nationaux et la position que certains sujets occupent dans un espace social mondial complexe. En effet, cet espace global de circulations scientifiques offre un grand nombre de spécificités selon les pays, les disciplines, voire même les institutions concernées. Chacun s’accorde à dire que même les expériences coloniales et postcoloniales qui sont à l’origine de la distinction Sud Global / Nord Global ont toujours été protéiformes. Toujours est-il que, comme le soutient Walter Mignolo, le concept de « Sud Global » permet de regarder ce paysage hétérogène par le biais des relations historiques, et également changeantes, de « la dépendance économique, politique et épistémique, ainsi que les relations inégales dans l’ordre global »[7].

    Peut-on être contre la mobilité ? Faire contre mauvaise fortune bon cœur

    Lorsque j’ai initié mon enquête ethnographique sur la circulation des chercheurs sud-asiatiques bâtissant une carrière en Europe, surtout en Allemagne et au Royaume-Uni, j’avais à l’esprit l’idée de rencontrer des chercheurs confirmés qui avaient réussi à s’établir à l’étranger. Étant moi-même un chercheur du Sud Global, brésilien, j’étais alors intéressé par une série de débats d’ordre épistémologique autour de la notion de légitimité de la parole de ces chercheurs en tant que représentants de la critique postcoloniale en Europe[8]. Or, outre les trajectoires de réussite professionnelle, j’ai fini par rencontrer un nombre massif de chercheurs indiens – pour ne pas mentionner les autres – en situation précaire et pour qui la circulation devenait l’impératif d’une carrière de plus en plus précarisée. Autrement dit, on circulait car on partait à la recherche d’une nouvelle « opportunité ». Alors que j’entendais des directeurs de départements des universités dites « globales » dire que « les chercheurs indiens sont très mobiles, et nous valorisons énormément cela », une partie importante de mes interlocuteurs précaires, qui enchaînaient des contrats temporaires dans différents pays, s’accordaient, de leur côté, à juger que la mobilité devenait une forme de précarisation de la vie universitaire. L’un de mes interlocuteurs, homme d’une trentaine d’années postdoctorant en Allemagne, me disait : « mobilité, mobilité, mobilité… c’est la mobilité pour la précarité. Il faut qu’on soit cette espèce de main-d’œuvre détachée, sans aucun avenir, n’est-ce pas ? »[9].

    En pointant l’aspect sombre de la mobilité, notamment le fait qu’elle conforte parfaitement les principes de la précarisation, le discours d’une partie de mes interlocuteurs nous conduit à une position pour le moins complexe. D’une part, très peu d’entre nous sauraient s’opposer à la mobilité comme pilier fondamental d’une formation intellectuelle cosmopolite et d’échanges scientifiques riches et novateurs. D’autre part, un champ d’études croissant montre que les institutions les plus « internationalisées » sont aussi celles qui entretiennent le plus la précarité. À titre d’exemple, Peacock[10] a montré que les très prestigieux Max Planck Institutes fonctionnent essentiellement sur la base d’une main-d’œuvre hyper-qualifiée de chercheurs internationaux qui ne seront jamais parmi des 10% de chercheurs permanents de l’institution et qui occupent, en principe, les postes de directeur. Ce constat était d’ailleurs dressé par mes interlocuteurs eux-mêmes. Une interlocutrice postdoctorante dans une petite ville universitaire allemande m’explique : « Lors d’une réunion avec l’équipe, le directeur nous a très clairement dit qu’il vaut mieux chercher un poste ailleurs. Nous ne sommes pas censés rester : pour nous, l’Allemagne n’est qu’un lieu de passage ». Dans cette perspective, la mobilité n’est pas une opportunité, mais plutôt une nécessité.

    Certes, la précarité peut s’avérer une forme de déclassement social vécu par nombre de chercheurs de tous les pays, mais je voudrais suggérer ici qu’un regard sensible à la question postcoloniale peut nous permettre de saisir une facette peu explorée de la précarisation. Voyons comment.

    La mobilité précaire : la rencontre de la postcolonialité et du néolibéralisme

    L’immense majorité de mes interlocuteurs est issue des classes moyennes indiennes historiquement privilégiées d’un point de vue économique et social. Au-delà de la stabilité professionnelle propre aux métiers les plus répandus dans ces familles (médecin, professeur, diplomate, fonctionnaire et cadre d’entreprise), être de la classe moyenne en Inde signifie historiquement appartenir à des réseaux familiaux bien connectés à tous les niveaux de l’État et de la sphère privée – y compris au sein des institutions scientifiques indiennes et étrangères. Il s’agit ainsi d’une génération de personnes nées dans les années 1990 n’ayant jamais douté de l’apparente garantie d’un avenir professionnel stable. Cependant, ladite décennie a été marquée par une « libéralisation économique », quand l’Inde a connu une série de transformations à la fois inattendues et décevantes pour cette génération : tandis que les universités européennes s’ouvraient au recrutement de chercheurs non-européens, et que les universités indiennes s’« intégraient » au marché universitaire « global », les politiques néo-libérales se faisaient sentir au travers de la précarisation du travail universitaire sur les deux continents. Voici comment une histoire postcoloniale est réactualisée dans sa version néo-libérale : alors que les circulations estudiantines entre l’Inde et l’Europe (surtout l’Angleterre) datent, au moins, du début du 20e siècle, avec la fondation de la School of Oriental Studies en 1916, l’ouverture au recrutement de chercheurs venus des anciennes colonies s’avère un fait nouveau, puisque jusqu’au début des années 2000, les institutions européennes pratiquaient une politique scientifique très claire : accueillir des étudiants, renvoyer des chercheurs. En atteste l’expérience de l’un de mes interlocuteurs, professeur retraité de l’Université de Calcutta, et qui a fait ses études en Angleterre dans les années 1980 :

    À l’époque que j’habitais là-bas, on s’approchait de la fin des années 1970. Dans les années 1960, il était plus difficile, mon père a dû faire face… il avait été formé au MIT [Massachusetts Institute of Technology] et dans son cas, à l’université où il travaillait [en Angleterre], ils ont dit de façon très simple : “nous pouvons seulement vous garder sous contrat temporaire, car les emplois permanents sont réservés aux citoyens anglais. Par ailleurs, nous nous engageons à envoyer autant d’Indiens de retour au pays d’origine.” Il y avait un engagement du gouvernement, alors c’était très difficile de justifier là… Mais c’était déjà moins le cas au moment où j’étais en Angleterre.

    Ainsi, la génération de chercheurs indiens partis en Europe pour leurs études doctorales à partir des années 2000 a été confrontée à une double transformation : tandis que faire carrière en Europe devenait progressivement un projet envisageable pour les chercheurs du Sud Global, les postes permanents devenaient de plus en plus disputés pour tous. Face à cette situation, les jeunes chercheurs qui voulaient rester en Europe ont dû accepter des postes temporaires (post-doctorat, visiting scholar, etc.) qui impliquent, entre autres choses, un statut juridique fragile auprès des services migratoires. Évidemment, rentrer en Inde est toujours une option pour ces universitaires, et beaucoup le font volontiers avec succès. Comme je l’ai constaté lors de mon terrain en Inde, la valeur que peut avoir un diplôme européen sur le marché universitaire indien leur assure des postes à haut revenus dans le pays, surtout auprès des nouvelles institutions privées qui forment les élites locales.

    Néanmoins, c’est ici que prend toute son importance le rôle de ce que certains chercheurs ont nommé le postcolonial predicament [l’impasse postcoloniale][11], à savoir le fait que la colonisation a su forger des institutions, des désirs, des formes de savoir et des subjectivités profondément liées à certains imaginaires eurocentrés dont il est extrêmement difficile de se débarrasser quand il s’agit de la vie intellectuelle. La majorité de mes interlocuteurs était issue de familles anglophiles, formées dans des institutions universitaires conçues à partir de modèles européens, pour qui partir en Europe ou aux États-Unis était une étape « naturelle » de leur formation : dans le cadre d’un imaginaire postcolonial, qui a été produit à travers plus de deux siècles d’échanges intellectuels, partir en Europe c’était, pour paraphraser Stuart Hall[12], comme rentrer à la maison.

    Par ailleurs, le désir de bâtir une carrière en Europe n’est pas restreint à une classe de familles privilégiées par les liens qu’elles ont pu entretenir historiquement avec le projet colonial. Plus récemment, les étudiants et jeunes chercheurs issus de familles plus modestes ont aussi été influencés par un imaginaire certes plus contemporain, mais qui ne s’affranchit pas de celui que je viens de décrire : le 21e siècle devient, selon le discours officiel des institutions transnationales, l’âge du cosmopolitisme, de la circulation, de la diversité culturelle ainsi que de l’ample accès à l’enseignement supérieur. Et c’est précisément à travers ce double prisme – postcolonial et transnational – qu’il faut comprendre le processus par lequel les universités européennes s’ouvrent au recrutement de chercheurs du Sud Global et, par conséquent, la spécificité de la précarité qui y est associée. L’essor des politiques culturelles à l’université[13] a fait que la diversité devient un atout, voire une véritable valeur ajoutée, sur lequel capitalisent des universités accaparées par les pratiques managériales. Cela a trait, par exemple, aux stratégies de celles-ci pour attirer des étudiants étrangers qui payent des frais très importants – comme pour les étudiants de la diaspora indienne en Angleterre et qui veulent avoir cours avec des enseignants indiens[14] –, mais aussi à l’idée de cosmopolitisme culturel qui est de plus en plus associée à celle d’excellence des institutions dites « globales ». Une dimension importante de l’économie globale de la connaissance[15], même si on en parle beaucoup moins, réside dans le fait qu’avec ces chercheurs de la périphérie circulent un ensemble de capitaux symboliques[16] et financiers auxquels s’intéressent les universités européennes. Concrètement, plusieurs centres de recherche sur l’Inde ont été fondés dans les quinze dernières années en Europe, plusieurs étant financés ou cofinancés par le gouvernement et les entreprises indiennes[17]. Ces centres consacrés aux études indianistes, où circule un grand nombre de chercheurs précaires, sont certes des lieux de rencontres et d’échanges, mais aussi d’actualisation d’enjeux géopolitiques de grande importance entre ces pays. Pour en donner un exemple, lors de mon travail de terrain au Royaume-Uni en 2015, j’ai pu accompagner les manifestations contre la visite officielle de Narendra Modi, le premier-ministre indien, représentant de la droite nationaliste hindoue (BJP). L’un des fronts de ces mobilisations a été organisé par une partie des étudiants et chercheurs indiens et indianistes basés à l’Université de Cambridge et qui s’opposaient à l’invitation officielle que cette dernière avait adressé à Modi. L’université a fini par revenir sur sa décision et n’a pas accueilli le Premier ministre.

    L’intérêt qui portait Cambridge à cette alliance était précisément celui affiché par d’autres universités britanniques. Le but est de favoriser une diplomatie scientifique basée sur l’attraction des étudiants et des investissements publics et privés indiens. Ce constat s’appuie sur les documents publiés par le Consulat général de l’Inde où se trouvent des chiffres concernant les partenariats indo-britanniques avec Cambridge, Oxford et le King’s College. On constate ainsi que bien au-delà de la sphère du symbolique et de la subjectivité, la condition postcoloniale propre au monde contemporain façonne surtout les conditions économiques et les rapports de pouvoir qui définissent des principes et des conditions de la production et de la circulation des chercheurs, de leur reconnaissance académique, ainsi que des possibilités concrètes de financement de la recherche, autant en Europe qu’ailleurs. Ce qui est en jeu ici est l’hégémonie dans un espace de luttes concurrentielles autour de la formation d’étudiants qui constituent l’élite qui fera le lien entre le Nord et le Sud Global – en l’occurrence, entre le Royaume Uni et l’Inde. Il n’en demeure pas moins que cette « opportunité » peut coûter l’amère prix de la précarité : une précarité propre au monde postcolonial.

    Précariser la formation des élites globales

    Ce détour par les politiques scientifiques contemporaines dans leurs relations avec les politiques culturelles et économiques permet de mieux comprendre les liens, qui peuvent sembler distants, entre la précarité des chercheurs français (ou européens) et celle des chercheurs indiens (ou du Sud Global).

    Autant les institutions européennes que les indiennes sont bien conscientes d’une chose : en Europe, on forme les élites indiennes (ainsi que d’autres, bien entendu), et l’enjeu porte sur les types de formations qu’on accordera à ces jeunes. Dans un monde postcolonial qui se néolibéralise, une puissance émergente comme l’Inde, et qui dispose d’une diaspora de 80 millions de personnes disséminées à travers tous les continents, cherche à faire valoir les valeurs qui sont les siennes dans son projet de devenir une puissance globale. Cela impliquerait une stratégie agressive de façonnement des institutions de formation de leurs élites. De son côté l’Europe cherche aussi à garder son hégémonie dans le domaine de la formation universitaire tout en s’adaptant à ces évolutions géopolitiques où l’université joue un rôle stratégique. En effet, le processus de précarisation ne peut être localement compris qu’à travers le prisme de dynamiques globales de formation à la fois des masses et des élites selon certaines visions du monde qui refondent l’université du 21e siècle. Celle-ci devient un espace de formation de gestionnaires du futur, de ressources certes économiques, mais surtout symboliques qui sont de plus en plus valorisées sur le marché global, telles que la diversité, la culture, la connaissance, les droits et l’idée même de futur.

    La France suit également un long processus de précarisation et d’essor des politiques néolibérales à l’université tout au long de la dernière décennie. Néanmoins, bien que la France n’ait pas été à l’abri d’un certain nombre de transformations (les pratiques de reddition de comptes, le souci de la productivité, le financement privé de la recherche, la baisse du nombre de postes permanents, etc.), ce n’est que très récemment que des institutions françaises en sont venues à offrir une formation entièrement anglophone afin d’attirer des étudiants étrangers non-francophones. Cette nouvelle modalité de formation, plus ouvertement tournée vers la logique marchande, marque un tournant dans la manière dont la France comprend le rôle et le modus operandi de l’enseignement supérieur dans un système global de la connaissance.

    À Sciences Po Reims, par exemple, les cours sont donnés en anglais à des jeunes venus des quatre coins du monde, prêts à payer des milliers d’euros de frais d’inscription afin de bénéficier d’une formation « d’excellence ». Ce n’est pas un hasard si les doctorants qui y enseignent sont également en grande partie des étrangers désireux de faire leurs études et, peut-être, une carrière en Europe. Il est important de noter que, d’après le témoignage de plusieurs collègues qui y enseignent (faute de données précises publiées par les instances compétentes), les taux de précarité à Sciences Po Reims sont notoirement très élevés. Et ces jeunes étrangers qui y enseignent sont eux–mêmes pris dans la logique de l’ « excellence » internationale qui valorise les départements « cosmopolites ». Par ailleurs, dans les meilleurs des cas – c’est-à-dire quand ils enseignent une matière proche de leur sujet de recherche –, ces jeunes chercheurs font usage d’un capital symbolique, notamment académique et linguistique, accumulé au cours d’une formation entre leurs pays d’origine et la France : le fait d’avoir des jeunes chercheurs russes qui y enseignent l’histoire russe représente, à l’heure actuelle, un atout aux yeux de l’université globale. Leur précarité est un corolaire nécessaire dans la conception d’une université globale et managériale. Des précaires qui enseignent à de présumées élites, elles-mêmes aux prises avec les risques de précarité et dès lors prêtes à accepter, dans le futur, le même genre de postes mal payés mais « prestigieux » – voilà les ressorts merveilleux qui alimentent une mobilité universitaire internationale qui, pour être valorisée, permet aussi et surtout de donner accès à une main d’œuvre hautement qualifiée à coût réduit.

    Faire face à une Europe postcoloniale

    Lors du début du mouvement Carré Rouge contre l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants non-européens en France, Éric Fassin a bien exprimé la stratégie qui était au cœur de la mesure entreprise par le gouvernement : « la xénophobie, aujourd’hui, sert à faire avaler la pilule du néolibéralisme »[18]. Sociologue sensible à la question postcoloniale en France, Fassin nous rappelle que le néolibéralisme ne peut pas être compris si l’on omet d’interroger sa dimension postcoloniale. Que le mot néolibéralisme fasse fortune dans un milieu académique critique des transformations en cours, notamment de la précarisation, mérite réflexion : plutôt que de prendre son sens et son fonctionnement pour argent comptant, il vaudrait mieux profiter de cette occasion pour l’interroger ethnographiquement. Ce qui est en question ici, ce n’est pas de contester la validité de la dénomination de « néolibéralisme » – ce qui me semblerait à la fois scientifiquement erroné et politiquement démobilisateur –, mais plutôt d’interroger ce que nous y mettons. C’est pourquoi je rejoins un certain nombre de chercheurs qui estiment nécessaire d’analyser les évolutions actuelles du capitalisme au prisme des dynamiques postcoloniales qui en sont constitutives[19].

    Il en va de même pour ce qui relève de la précarité à l’université. La précarisation galopante du travail académique que vit l’Europe n’est pas seulement le résultat de politiques économiques conçues dans le continent et qui seraient appliquées à l’échelle globale avec des résultats plus ou moins similaires urbi et orbi. Les dynamiques qui y sont associées sont en réalité plus complexes, et ceci d’autant plus qu’elles ont trait à la reconfiguration des rapports de pouvoir entre le Nord et le Sud global. C’est pourquoi dire que l’Europe, y compris la France, fait face à son histoire postcoloniale ne devrait pas susciter de grande surprise : en réalité, elle est aujourd’hui confrontée aux effets moins évidents d’une globalisation fondée sur son passé colonial. Et la précarité, dans ses formes multiples selon la positionalité des sujets, autant du Sud que du Nord global, en est un autre élément.

    https://blogterrain.hypotheses.org/15728
    #post-colonialisme #post-colonialité #ESR #facs #enseignement_supérieur #recherche #Nord #Sud #monde #université #recherche #travail #vacataires #vacations #élites #formation #élites_cosmopolites #Sud_global #mobilité #mobilité_précaire #postcolonialité #Inde #néolibéralisme #impasse_postcoloniale #postcolonial_predicament #UK #Angleterre #élites_globales

    ping @karine4 (en lien avec la question de la #violence_épistémique ?)
    @cede

  • Contre le coronavirus, la France devrait mettre en œuvre un plan de prévention sans tarder
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/20/coronavirus-en-france-un-plan-de-prevention-a-mettre-en-uvre-sans-tarder_603

    Le gouvernement semble décidé à casser les chaînes de contamination et à lutter pied à pied contre les reliquats épidémiques. Mais il serait utile de ne pas attendre le 11 mai pour cela, estime dans son analyse Franck Nouchi, chef du service Débats du « Monde ».

    Analyse. Telle qu’elle a été présentée, dimanche 19 avril, durant plus de deux heures par le premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de la santé, Olivier Véran, l’ébauche du plan de déconfinement qui sera proposé aux Français fin avril apparaît à la fois cohérente et complète (compte tenu évidemment de la dramatique pénurie de masques de protection et de kits de tests à laquelle fait face l’Hexagone).
    Le chef du gouvernement l’a bien résumé : les deux objectifs principaux sont à la fois de rétablir la capacité d’accueil des hôpitaux et de limiter au maximum la circulation du virus. Reconnaissant que, d’ici au 11 mai, l’épidémie n’aurait que « fortement ralenti » , Edouard Philippe a eu cette formule : « Nous allons devoir apprendre à vivre avec le virus. » Partant du constat qu’il n’existe pour l’heure ni traitement efficace ni vaccin, il a insisté sur le seul instrument dont on dispose actuellement : « la prévention » .

    Cette prévention, a-t-il expliqué, repose sur trois éléments essentiels : le strict respect des gestes barrières et de distanciation sociale (pour longtemps, a-t-il prévenu), la pratique systématique de tests virologiques lors de l’apparition du moindre symptôme de Covid-19, et « l’isolement des porteurs de virus » .
    C’est la première fois depuis le début de l’épidémie qu’un haut responsable français présente les choses de cette manière. La prise en charge hospitalière des patients n’est plus l’alpha et l’oméga de la doctrine gouvernementale. La lutte contre l’épidémie, en ville, au domicile des patients non gravement atteints, devient également un objectif prioritaire.

    Casser les chaînes de contamination

    Le premier ministre a précisé qu’il reviendra à la personne infectée de choisir entre un isolement à domicile (ce qui la contraindra à un certain nombre d’obligations) et un hôtel mis spécialement à la disposition des patients. Cette méthode, a-t-il fort opportunément expliqué, « est la seule possible » pour casser les chaînes de contamination.
    M. Philippe a insisté sur l’importance du « couple préfet-maire » pour, en particulier, trouver les lieux d’isolement des personnes infectées. Il ne l’a pas dit, mais cela va de soi : outre la mise en place d’une logistique adaptée, ces lieux devront être suffisamment accueillants et confortables pour inciter les personnes concernées à aller y séjourner durant les deux semaines de mise en quarantaine.

    Contrairement au président de la République, qui, le 13 avril, avait semblé écarter l’idée d’un déconfinement région par région – « nous ne sommes pas un Etat fédéral » , avait dit Emmanuel Macron en « off » à quelques éditorialistes –, M. Philippe a clairement envisagé cette hypothèse, en particulier lorsqu’il a parlé des modalités de la rentrée des classes à venir. Les données épidémiologiques de l’organisme de sécurité sanitaire Santé publique France (SPF) montrent qu’il n’y aurait rien d’illogique à cela.

    Selon les régions, la situation de la France apparaît en effet très contrastée. Pour schématiser, il est des territoires où l’épidémie est entrée depuis plusieurs semaines en phase 3 (Ile-de-France, Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté), d’autres où elle est encore en phase 2, d’autres enfin où l’on peut parler de quasi-phase 1 (dans un département comme la Lozère, il n’y a pas eu un seul mort du Covid-19). A partir de ce simple constat, des schémas de déconfinement différenciés selon les régions ou les départements peuvent être envisagés.

    Une très forte disparité régionale

    Prenons pour indicateur le nombre d’hospitalisations pour Covid-19 observé au 14 avril dans chacune des régions et rapportons-le, en pourcentage, au nombre total d’hospitalisations enregistrées dans ces mêmes régions. Que voit-on ? En Ile-de-France, 13 209 personnes sont hospitalisées pour Covid-19, ce qui représente 41 % de l’ensemble des hospitalisations. Dans le Grand-Est, les chiffres sont respectivement de 4 993 et de 16 %. Ailleurs, la proportion des patients hospitalisés atteints de Covid-19 est parfois très faible : 2 % en Bretagne, 3 % en Centre-Val de Loire, 2 % en Normandie, 3 % en Nouvelle-Aquitaine, 3 % en Occitanie… Outre-mer, que ce soit à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, à Mayotte ou en Guyane, ce pourcentage est inférieur à 1 %.

    Ainsi que le note SPF, « les régions Grand-Est (233/100 000 habitants), Ile-de-France (233), Bourgogne-Franche-Comté (132) et Hauts-de-France (104) sont celles ayant rapporté les plus forts taux d’hospitalisation de patients Covid-19 » . Les autres indicateurs proposés par SPF vont tous dans le même sens, attestant une très forte disparité régionale.

    La carte de l’épidémie de Covid-19 en France
    [...]

    Déconfiner région par région selon un calendrier différencié supposerait de mettre en œuvre des mesures spécifiques, en particulier dans les transports. A quoi cela servirait-il, par exemple, de déconfiner plus rapidement en Nouvelle-Aquitaine ou en Antilles-Guyane, si, dans le même temps, on autorise les trains et les avions à déverser chaque jour, sans le moindre contrôle, des passagers venant de régions où l’épidémie sévit encore ?
    Les images entraperçues ce week-end sur France 2 des passagers d’un vol Paris-Marseille plein à craquer auxquels la compagnie aérienne n’avait pas imposé de mesures de distanciation sociale et de respect des gestes barrières étaient édifiantes. « Ces images ne vous rendent-elles pas un petit peu fou ? » , demanda Laurent Delahousse au professeur Jean-François Delfraissy qui était, samedi soir, l’invité du « 20 heures » de la chaîne publique. « Si, je le regrette profondément » , laissa tomber un rien désabusé le président du conseil scientifique placé auprès de M. Macron.

    Le système hospitalier a finalement tenu

    Annoncé dimanche par le premier ministre, le port obligatoire de masques grand public à partir du 11 mai dans les transports devrait permettre de limiter les risques de transmission du virus. Mais cela ne suffira pas. Il faudra, en particulier dans le métro, le RER et les bus, imaginer d’autres mesures qui garantissent le respect de la distanciation physique entre les passagers.

    Edouard Philippe semble avoir tiré les leçons des erreurs commises au cours du premier trimestre, en particulier dans la prise en charge des trois « clusters » géants de l’Oise, de Mulhouse (Haut-Rhin) et de l’Assemblée nationale.
    Soulagé de constater que le système hospitalier a finalement tenu et conscient du fait qu’il pourrait en être autrement en cas de rebond épidémique, le premier ministre semble décidé à lutter pied à pied contre les reliquats épidémiques. De ce point de vue, en particulier en Ile-de-France et dans le Grand-Est, il serait utile d’accélérer les choses et ne pas attendre le 11 mai pour commencer à mettre en œuvre le plan de prévention dont il a esquissé les contours. A la mi-mai, plus la dynamique de l’épidémie aura été freinée, plus les chances de réussir un déconfinement modulé et progressif du pays seront grandes.

    #prévention #crise_sanitaire #déconfinement #isolement #mobilité

  • L’attachement automobile mis à l’épreuve… du virus
    http://carfree.fr/index.php/2020/04/20/lattachement-automobile-mis-a-lepreuve-du-virus

    Il y a dix ans, j’étudiais les dispositifs de détachement et de recomposition des #mobilités[i]. A l’époque, je pensais naïvement que la diminution de la ressource pétrolière conduirait à l’augmentation Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Autopartage #Fin_de_l'automobile #Transports_publics #autopartage #covid-19 #sociologie #urbanisme

  • Coronavirus : l’#exode_mondial avant le #confinement

    Près de 4,5 milliards de personnes sont soumises à un confinement dans 110 pays. Cette situation inédite a été précédée d’une autre étape, aussi exceptionnelle.

    Les frontières ont fermé les unes après les autres, les avions sont restés cloués au sol. Du début février à mi-avril, quelque 4,5 milliards de personnes – soit plus de la moitié de l’humanité – ont été soumises à un confinement total dans 110 pays, et le monde s’est figé. Cette situation inédite a été précédée d’une autre étape, tout aussi exceptionnelle, lorsque des millions d’êtres humains à travers la planète ont cherché à regagner leur pays, par leurs propres moyens ou bien par le biais d’opérations de rapatriement.

    A l’intérieur des Etats, des millions de citadins, à New York, Paris, Milan, Madrid ou Istanbul, ont décidé de fuir les grandes métropoles dans l’espoir d’échapper à la contagion du Covid-19 et à la complexité du confinement. Des travailleurs saisonniers ou transfrontaliers, bloqués ou contraints de rebrousser chemin, n’ont pas eu ce choix. Des migrants ont été chassés.

    En Inde, dès l’annonce du confinement immédiat du pays, le 25 mars, des millions de travailleurs pauvres, privés de leurs revenus journaliers, sont partis à pied rejoindre leurs villages. Ces scènes dantesques ont rappelé à l’écrivaine indienne Arundhati Roy celles de la partition, en 1947, des Indes britanniques, qui a abouti à la naissance du Pakistan.

    A l’exception de l’Afrique subsaharienne, où peu de grands mouvements ont été constatés jusqu’à présent, la pandémie de Covid-19 a partout provoqué un exode massif que nul n’avait anticipé. Il existe des projections sur des déplacements de population liés aux conditions climatiques ; des bilans ont été dressés à la suite de catastrophes naturelles ; des cérémonies religieuses ou des fêtes traditionnelles sont l’occasion, en Chine, en Inde ou en Arabie saoudite, de migrations spectaculaires. Cependant, des mouvements simultanés d’une telle ampleur n’avaient jamais été encore observés. « C’est un moment historique » , remarque Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CERI-Sciences Po et spécialiste des migrations internationales, qui se dit particulièrement inquiète quant au sort des migrants, « ceux qui fuient déjà une crise » .

    « Des Européens, interdits d’entrée dans des pays, ont expérimenté ce que c’est de ne pas être les bienvenus. Cela change les perspectives » (François Gemenne, spécialiste des migrations)

    « Il s’agit d’un mouvement mondial totalement inédit , abonde François Gemenne, spécialiste des migrations, professeur à Sciences Po Paris et à l’université de Liège, en Belgique. Autre élément nouveau, les flux habituels de migration ont été bouleversés. L’exode des ruraux a été remplacé par l’exode des citadins, celui des pays en voie de développement par celui des pays industrialisés. La Tunisie et la Mauritanie ont expulsé des Italiens ; des Européens, interdits d’entrée dans des pays, ont expérimenté ce que c’est de ne pas être les bienvenus. Cela change les perspectives. »

    Il est encore trop tôt pour se faire une idée exhaustive de ces mouvements et de leurs répercussions. Mais pour se forger une idée du phénomène, Le Monde a sollicité le réseau de ses correspondants à l’étranger. Sur la base d’éléments collectés entre le début février et le 8 avril (date du déconfinement progressif de la ville chinoise de Wuhan, point de départ de la pandémie), c’est un exode d’avant-confinement hors norme qui se dégage.

    Retour par ses propres moyens

    La crainte de l’isolement, le besoin de se rapprocher de la famille, ou la perte brutale de revenus ont poussé nombre de ressortissants basés à l’étranger à rentrer dans leur pays, le plus souvent par leurs propres moyens. Entre le 15 mars et le 7 avril, 143 000 Ukrainiens ont ainsi quitté la Pologne, selon les gardes-frontières polonais qui ont évoqué un « véritable exode, à une échelle encore jamais vue » . Ils étaient alors encore 11 000 à espérer un retour, selon l’ambassade ukrainienne à Varsovie.

    L’annonce, le 26 mars, de la fermeture des frontières par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a précipité le mouvement. Sur une population estimée à plus de 1,2 million d’Ukrainiens résidant en Pologne avant la crise sanitaire, 12 % ont quitté le pays. Pour la plupart, il s’agit de travailleurs en situation légale : 90 % ont fui les difficultés économiques du secteur de l’hôtellerie et de la restauration après leur mise à l’arrêt.

    Plus de 200 000 Roumains ont eux aussi rejoint leur pays depuis le début de la pandémie, selon la police des frontières. Au point que les autorités de Bucarest ont appelé la diaspora à ne pas rentrer avant la fin de l’état d’urgence, prolongé jusqu’au 16 mai, par crainte d’un effet supplémentaire de contagion.

    Les effectifs des Danois et des Norvégiens enregistrés sur les listes consulaires à l’étranger ont fondu de moitié. Selon le ministère des affaires danois, ils n’étaient plus que 38 000 le 27 mars, contre 74 000 quelques jours auparavant. Des touristes, surtout, rentrés par leurs propres moyens, à l’instar des 234 000 Norvégiens encore à l’étranger le 12 mars, selon les données des opérateurs Telia et Telenor, qui n’étaient plus que 105 000 le 26 mars. De même, 25 000 à 35 000 Russes, bloqués par la fermeture des frontières, attendaient encore, le 3 avril, de pouvoir rentrer chez eux, en provenance notamment de Thaïlande.

    L’Australie pourrait faire face au plus grand déclin démographique de sa population depuis… 1788.

    Même phénomène en Australie, où plus de 280 000 citoyens et résidents permanents ont regagné l’île-continent depuis le 13 mars, sur 1 million vivant à l’étranger, soit 20 % d’entre eux, selon le ministère des affaires étrangères. Ces arrivées ne compensent pas les départs : 260 000 travailleurs temporaires, étudiants et touristes ont quitté le pays depuis le 1er février et 50 000 autres durant les deux premières semaines d’avril.

    A ce rythme, selon des projections sur l’année qui font état de 300 000 départs supplémentaires, l’Australie pourrait faire face au plus grand déclin démographique de sa population depuis… 1788, selon un expert cité par The Australian . Le 1er février, le premier ministre Scott Morrison avait prévenu que l’entrée du pays serait dorénavant refusée aux non-Australiens ayant voyagé en Chine. L’interdiction s’est ensuite étendue aux Iraniens, aux Sud-Coréens, aux Italiens, puis à l’ensemble de la planète à partir du 20 mars.

    Le gouvernement chilien a annoncé, le 2 avril, le retour de 30 000 de ses ressortissants depuis le 18 mars. En Chine, dans la semaine qui a précédé la quasi-fermeture du ciel chinois, le 29 mars, on comptait 25 000 arrivées quotidiennes. Un chiffre ramené à 3 000 la semaine suivante. En outre, 200 000 étudiants sur 1,6 million résidant à l’étranger sont revenus, selon le ministère de l’éducation (41 000 en provenance des Etats-Unis, 28 000 d’Australie, 22 000 du Royaume-Uni, 11 000 d’Allemagne et de France). Tous ont dû payer leur billet.

    Ces retours sont difficiles à quantifier au Venezuela, plongé dans une grave crise politique et économique depuis 2015 et qui a vu 4,3 millions de ses citoyens s’exiler. Mais des Vénézuéliens vivant dans une grande précarité au Pérou, en Equateur et en Colombie sont revenus – 2 153 recensés les 4 et 5 avril. Nicolas Maduro, président contesté, a ensuite annoncé l’arrivée de 5 800 réfugiés en provenance de Colombie.

    Plus de 20 000 expatriés Libanais reviennent au compte-gouttes, entravés par la situation de leur pays au bord de la faillite. La situation des Palestiniens est particulière. Depuis mi-mars, la quasi-fermeture des passages entre la bande de Gaza et Israël interdit la sortie de 5 000 travailleurs et commerçants palestiniens. Tandis que 70 000 autres, travailleurs légaux et illégaux de Cisjordanie, sont aujourd’hui bloqués en Israël s’ils veulent conserver leur emploi.

    Opérations de rapatriements

    Agnès Thierry, une Française installée depuis quatre ans au Vietnam après plusieurs années passées à Hongkong, songeait déjà, avant la pandémie, à rentrer au pays. Elle a brusqué sa décision. « Là-bas, au Vietnam, les écoles sont fermées depuis janvier, les autorités ont bloqué très tôt les frontières, puis elles ont refusé l’entrée des étrangers, la situation est devenue de plus en plus dure » , raconte-t-elle.

    La difficulté de renouveler son visa tous les trois mois, comme elle le faisait jusqu’à présent, a convaincu cette designer spécialisée dans la céramique de monter, le 27 mars, à bord d’un avion Air France, spécialement affrété – à charge pour les passagers de régler des billets négociés. « Il y a eu deux avions la même semaine, ils étaient pleins à craquer » , témoigne Agnès Thierry. Comme elle, près de 150 000 Français – en majorité des touristes – ont ainsi bénéficié de vols spéciaux depuis le 17 mars.

    En Pologne, le gouvernement a organisé l’opération « Vol à la maison », présentée comme le plus grand plan de rapatriement depuis la seconde guerre mondiale

    Partout, des opérations de rapatriement d’ampleur ont été mises sur pied : 200 000 Allemands coincés à l’étranger ont pu regagner leur pays en l’espace de trois semaines jusqu’au 6 avril, selon le ministère des affaires étrangères (il en restait encore 40 000 en Nouvelle-Zélande, au Pérou et en Afrique) ; 60 000 Italiens ont été évacués par des vols spéciaux ; 9 303 Algériens, selon le ministère de l’intérieur ; 12 000 Brésiliens au 6 avril ; 7 965 Tunisiens à la même date ; 8 432 Mexicains entre le 23 mars et le 3 avril ; 15 000 Turcs, entre mi-mars et début avril ; 14 950 Argentins, entre le 18 et le 30 mars ; 2 400 Norvégiens au 1er avril… La liste est longue. Le 17 avril, la Commission européenne a, pour sa part, évalué à 500 000 le nombre d’Européens rapatriés avec son concours ; tandis que 98 900 autres restent encore bloqués à l’étranger.

    En Pologne, après la fermeture des frontières, le gouvernement a organisé, avec la compagnie aérienne nationale LOT, l’opération « Vol à la maison », présentée comme la plus grande opération de rapatriement depuis la seconde guerre mondiale. Entre le 15 mars et le 5 avril, 360 vols et 44 avions mobilisés ont permis de ramener 54 000 Polonais, principalement de Londres (21 000 personnes), de Chicago (3 100), de Bangkok (2 200) ou encore d’Edimbourg (2 000).

    Fin mars, 300 000 Britanniques attendaient de pouvoir être rapatriés, ce qui a valu pas mal de critiques au gouvernement de Boris Johnson pour sa lenteur. Le 6 avril, seuls 1 450 Britanniques étaient parvenus à quitter la Tunisie, l’Algérie ou le Pérou, selon des chiffres du Foreign Office. Au 10 avril, environ 5 000 autres étaient censés, à leur tour, avoir réussi à quitter l’Inde. De leur côté, 16 812 Marocains n’ont pas encore trouvé de solution pour rentrer chez eux.

    Dans ce paysage chamboulé, seule l’Argentine semble se distinguer. A rebours du mouvement général, 30 000 Argentins ont quitté le pays, le 13 mars, au lendemain d’une allocution du président annonçant le confinement et la fermeture des frontières le 16. Pour quelles destinations ? La question demeure.

    Le retour contraint des migrants

    La question des migrants est celle qui préoccupe le plus les experts. En Iran, qui figure parmi les premiers foyers de contamination, la situation du million de travailleurs afghans présents dans le pays s’est dégradée. Alors que la République islamique s’est enfoncée dans la crise sanitaire, nombre de ces migrants, qui constituent une main-d’œuvre peu qualifiée souvent victime de discriminations, sont rentrés chez eux. Leur nombre exact n’est pas connu, mais mi-mars l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) faisait état du retour de 140 000 Afghans en provenance d’Iran. Cet afflux, parmi le plus important mouvement transfrontalier causé par la pandémie, laisse craindre le pire dans un pays ravagé par près de vingt ans de guerre et de corruption.

    30 000 migrants éthiopiens qui tentaient de rejoindre l’Arabie saoudite se sont retrouvés piégés au Yémen

    L’Arabie saoudite, où les travailleurs étrangers constituent un tiers de la population (80 % dans le secteur privé), a renvoyé chez eux des milliers d’Ethiopiens, y compris certains suspectés d’être contaminés par le Covid-19, en affrétant jusqu’à deux vols quotidiens pour Addis-Abeba. Dans les dix premiers jours d’avril, 2 968 travailleurs éthiopiens ont ainsi été ramenés dans leur pays, selon le Financial Times . Des retours « coordonnés », affirment les officiels saoudiens, alors que l’Ethiopie a demandé l’arrêt de ces déportations durant la pandémie. Dans la même période, 30 000 migrants éthiopiens qui tentaient de rejoindre l’Arabie saoudite se sont retrouvés piégés au Yémen.

    Pour sa part, Ankara a mis un frein à sa politique délibérée de déplacements de migrants vers la frontière grecque, le 13 mars, où plus de 10 000 personnes campaient selon les estimations. Selon le ministère turc de l’intérieur, 5 800 d’entre eux, pour la plupart des Afghans et quelques Syriens, ont quitté cette zone en bus à destination de centres de confinements dans neuf provinces de Turquie.

    Le Mexique a reconduit aux frontières 8 528 Guatémaltèques entre fin janvier et mars, selon l’Institut guatémaltèque de la migration, et expulsé 15 101 Honduriens, d’après le bilan fourni au 8 mars par le ministère des affaires étrangères hondurien. Côté américain, Washington autorise, depuis le 20 mars, les expulsions express – en moins de deux heures – à la frontière mexicaine pour protéger du Covid-19 ses agents. Selon la presse mexicaine, près de 7 000 clandestins mexicains et centraméricains ont ainsi été renvoyés en deux semaines. Au 25 mars, en Thaïlande, ce sont près de 60 000 migrants originaires du Cambodge, du Laos ou de Myanmar, qui ont quitté le pays après la fermeture des commerces.

    La fuite hors des villes

    C’est un phénomène connu depuis le Moyen Age : les plus aisés, du moins ceux qui en ont les moyens, fuient les villes menacées et confinées lors des grandes pandémies. « Le phénomène “résidence secondaire” – ceux qui partent vite, loin, et qui reviennent tard – a été observé notamment lors de la grande peste de Marseille de 1720 » , rappelle Isabelle Seguy, de l’Institut national des études démographiques (Ined). Un véritable mur sanitaire avait alors été constitué du Vaucluse aux Alpes, avec guérites et soldats. « Il fallait des autorisations pour passer » , souligne la spécialiste.

    Trois cents ans plus tard, les réflexes perdurent. Une scène, en particulier, est restée dans la mémoire des Italiens, celle des trains de nuit pris d’assaut en gare de Milan dans la soirée du 7 mars. Un brouillon du premier décret de confinement de la Lombardie venait de circuler, provoquant le départ massif, en quelques heures, de jeunes travailleurs pressés de rentrer chez eux, dans le Sud. On estime à 100 000 leur nombre ce soir-là.

    En Turquie, bien avant le 3 avril, jour de l’annonce des restrictions d’entrée et de sortie dans les 30 plus grosses villes du pays, près de 3 millions de citadins sont partis pour leur village d’origine ou leur résidence secondaire. Plus de 1 million de Stambouliotes ont rejoint leur lieu de villégiature sur la côte égéenne. Entre la mi-mars et le début avril, 125 000 Turcs ont par exemple gagné la ville touristique de Bodrum.

    En France, le confinement décrété le 17 mars a engendré de vastes mouvements. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), entre 1,6 et 1,7 million de personnes ont rejoint leur département de résidence. A contrario, Paris intra-muros a perdu 11 % de sa population. Sur la base de ses propres statistiques, l’opérateur Orange estime qu’entre le 13 et le 30 mars, 1,2 million de Franciliens ont quitté la région, soit 17 % de la population du Grand Paris, tandis que celle de l’île de Ré a augmenté de 30 %.

    A New York, ce fut aussi la ruée hors de la ville. Début mars, « Big Apple » s’est vidée de nombreux habitants, partis se réfugier dans leur villégiature des Hamptons, à l’extrémité chic de Long Island, à l’est de Manhattan, dans la vallée de l’Hudson, au nord, ou sur les rivages du Maine. Aucun chiffre n’a été rendu public, mais des indicateurs confirment la tendance : les quartiers résidentiels de Manhattan sont moins touchés que d’autres par l’épidémie. La collecte d’ordures y a baissé de 5 %, alors que celle des quartiers pauvres (Queens, Staten Island) a au contraire progressé de 10 %. Cet exode des plus favorisés a été suffisamment important pour que la Maison Blanche s’inquiète d’une propagation du virus à Long Island, moins bien dotée médicalement que New York.

    Autre indicateur, à Moscou cette fois. Le vendredi 27 mars au soir, avant le début du confinement annoncé pour le lundi suivant, 750 000 voitures ont quitté la capitale russe, soit une augmentation de 15 % par rapport à la normale.

    Le départ de dizaines de milliers de Madrilènes, le 13 mars, a suscité un flot de réactions dans la presse. Des villes et villages ont érigé des barrières pour empêcher leur arrivée

    En Espagne aussi. Le départ de dizaines de milliers de Madrilènes hors de la capitale, le 13 mars, à la veille du confinement du pays, a suscité un flot de réactions dans la presse sous des titres tels que « ¡ Que vienen los Madrilenos ! » (« Les Madrilènes arrivent ! »), photos d’embouteillages à l’appui. Cette situation a poussé des villes et villages à ériger des barrières pour empêcher leur arrivée. Dans la station balnéaire de Calafell (25 000 habitants), au sud de Barcelone, des blocs de béton ont été installés et des contrôles de police instaurés à l’approche des fêtes de Pâques.

    En Australie, des mesures similaires ont été prises pour limiter les déplacements des citoyens d’un Etat à l’autre. La Tasmanie, le Territoire du Nord, le Queensland, l’Australie-Méridionale et l’Australie-Occidentale ont, durant la seconde moitié de mars, mis en place des mesures de contrôles à leurs « frontières ».

    Que dire enfin des 5 millions d’habitants de Wuhan, partis juste avant la fermeture de leur ville, le 23 janvier ? Etait-ce pour éviter l’enfermement ou pour tenter, malgré tout, de faire un voyage qu’ils avaient projeté à l’occasion du Nouvel An lunaire ? C’est ici que tout a commencé et que le balancier des déplacements repartira en sens inverse. Ou pas.

    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/17/covid-19-l-exode-mondial-avant-le-confinement_6036919_3210.html
    #exode #émigration #retour_au_pays #mobilité #coronavirus #covid-19 #cartographie #visualisation #chiffres #monde #migrations

  • « Distanciation sociale »
    http://carfree.fr/index.php/2020/04/17/__trashed

    La distanciation sociale ou distanciation physique désigne certaines mesures non pharmaceutiques de contrôle des infections prises par les responsables de la santé publique pour arrêter ou ralentir la propagation d’une Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Fin_de_l'automobile #Marche_à_pied #Pollution_automobile #Transports_publics #Vélo #air #covid-19 #critique #drive #Gratuité_des_transports_en_commun #mobilité #pollution #santé #société

  • #Voyageurs_internationaux ou immigrants, le virus ne fait pas la différence

    La relation entre #immigration et #épidémie peut s’envisager sous l’angle des inégalités d’accès au logement, aux soins, au matériel de protection, à l’information. Mais cela ne doit pas faire oublier que la #migration_internationale est peu de chose sur l’ensemble de la #mobilité_internationale.

    Selon l’Organisation mondiale du #tourisme, on comptait dans le monde en 2018 environ 1,4 milliard de franchissements de frontière par des non-résidents pour un séjour de moins de 12 mois, contre seulement 0,9 milliard en 2008. Soit une progression de 50 % en dix ans, malgré l’essor des communications à distance. Voyages touristiques surtout, mais aussi visites familiales, déplacements professionnels, travail saisonnier ou « détaché ». L’Europe en capte la moitié, la France 6,4 %.

    En 2018, en effet, la France a enregistré 89 millions d’entrées de non-résidents pour des séjours inférieurs à 12 mois. C’est le record mondial, devant l’Espagne (83 millions) et les États-Unis (80 millions). Cela correspond à 140 millions de nuitées, autant que les nuitées de résidents nationaux.

    Sur cette masse d’entrées, combien sont le fait d’immigrants venus s’installer en France pour au moins un an ? Environ 400 000 si l’on se limite à l’immigration issue des pays tiers :

    – 280 000 entrées légales (titres de séjour accordés en 2019) ;
    – une partie, difficile à déterminer, des 132 000 premiers demandeurs d’asile (enfants mineurs compris). Une partie seulement, car si 36 % environ obtiennent une protection, d’autres, déboutés il y a déjà plusieurs années, finissent par décrocher un titre de séjour pour motifs familiaux et se retrouvent donc dans la statistique des titres de séjour d’une année ultérieure. D’autres, enfin, repartent ;
    – une partie (sous des hypothèses analogues) des 40 000 demandes « sous statut Dublin », présentées aux « guichets uniques » de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et des préfectures sans passer par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

    S’ajoutent à cela les quelque 140 000 entrées annuelles de ressortissants des pays de l’Espace économique européen, non tenus de demander un titre de séjour (Insee Focus, n° 145, février 2019).

    Ces fourchettes sont larges mais seul importe ici l’ordre de grandeur : la migration non européenne représente moins de 0,5 % des 89 millions d’entrées annuelles en France, soit 1/200 des entrées. Européens inclus, les entrées de migrants représentent environ 0,6 % de la mobilité internationale vers la France, soit une entrée sur 170.

    Une fermeture prophylactique des frontières ciblée sur les seuls migrants (européens ou non), n’aurait donc aucun sens, vu leur part minime dans l’ensemble des entrées. Dans notre imaginaire, fermer les frontières, c’est d’abord les fermer aux migrants. Mais le covid-19 se moque de cette distinction ; il se propage d’un pays à l’autre via les voyageurs de toute sorte, sans se demander s’ils sont migrants.

    http://icmigrations.fr/2020/04/07/defacto-018-04

    #migrations #frontières #mobilité #franchissement_des_frontières #statistiques #chiffres #fermeture_des_frontières #coronavirus #covid-19 #François_Héran

  • Record de nouveaux cas importés de #COVID-19 en Chine
    https://www.lapresse.ca/international/asie-et-oceanie/202004/12/01-5269022-record-de-nouveaux-cas-importes-de-covid-19-en-chine.php

    Les autorités sanitaires de Shanghai ont fait état dimanche de l’arrivée par un même vol en provenance de #Russie de 51 personnes contaminées, toutes chinoises. Elles font partie des 97 nouveaux cas importés recensés au niveau national.

  • Coronavirus : à Taïwan, l’utilisation des données personnelles fait débat
    Les données personnelles, et notamment de géolocalisation, peuvent-elles être utiles pour combattre l’épidémie de Covid-19 ? À Taïwan, souvent présenté comme un modèle dans la lutte contre le coronavirus, et qui compte seulement 5 morts, le gouvernement utilise le signal téléphonique pour surveiller les personnes placées en quarantaine. Reportage.
    #Covid-19#Chine#Taiwan#mobilité#contrôle#migrant#migration
    http://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20200412-coronavirus-taiwan-utilisation-donn%C3%A9es-personnelles-fait-d%C3%A9ba

  • Quali sono a Roma le zone con più casi di Covid-19? Finalmente la Regione ha cacciato i dati. Qui sotto rielaborati sommando i valori per quartiere con quelli dei quartieri contigui.

    Si conferma che nelle grandi città le zone più colpite non sono le più densamente popolate (che a Roma sono a est) ma quelle più ’ricche’, dei professionisti e delle élite cosmopolite e iper-mobili. La chiave sembra essere quindi la mobilità, più che la densità (ma è anche verosimile che nelle zone più ’ricche’ si facciano più tamponi/diagnosi).


    https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10219809387056674&set=a.1091996831689&type=3&theater

    #cartographie #visualisation #Rome #Italie #coronavirus #covid-19 #Fabio_Celata #classes_sociales #villes #mobilité #hyper-mobilité #élite #élite_cosmopolite

    ping @simplicissimus @reka @fil

  • #Coronavirus : quand les #gens_du_voyage ne peuvent plus voyager

    Le #confinement vaut pour tout le monde. Le « restez chez vous » se conçoit aussi sur quatre roues. La #Wallonie impose leur maintien sur place, même sur des sites officieux.

    Le confinement d’une population est une décision forte et contre-nature. Mais que dire lorsque l’#interdiction_de_circuler concerne les gens du voyage dont le propre est de prendre la route et de s’installer au bord de celle-ci, parfois au petit bonheur la chance ? Etienne Charpentier est de ceux-là. Il témoigne de sa #frustration depuis le terrain de #Pont-à-Celles où il a installé sa caravane et une dizaine d’autres, avec sa famille : « Quand tout cela sera fini, les roues vont chauffer ! », résume celui qui préside le comité national des gens du voyage, déjà dans les starting-blocks.

    Combien sont-ils en Wallonie ? On cite le chiffre de 10.000, à la belle saison. Mais le recensement est difficile. Traditionnellement, beaucoup de Français sillonnent nos routes. Le confinement annoncé, ils ont préféré rentrer chez eux. Ils reviendront tôt ou tard.

    En hiver, beaucoup de gens du voyage ont aussi un point de chute fixe. C’est le cas d’Albert Zepp à #Mons : « J’y ai une maison et une caravane dans le jardin, où je dors. J’y suis confiné comme tous les Belges. Mais s’il n’y avait pas de coronavirus, j’aurais déjà repris la route, vers les Ardennes, la France. L’été, c’est la saison de #pèlerinages. J’attends le feu vert des autorités. » D’autres, comme Etienne Charpentier, ont été surpris par le confinement et n’ont plus bougé depuis lors.

    « Or, l’hiver est fini et on a l’habitude de dire que les gens du voyage bougent toutes les trois semaines à partir de mars. Les consignes les empêchent de #repartir, cette fois », note Ahmed Hakim qui dirige le centre de médiation des gens du voyage. Avec cette structure, la Wallonie s’est dotée d’un outil qui combat les idées reçues et tente d’améliorer les relations de ces citoyens avec les autorités et la population.

    « Des gens responsables »

    Le directeur peut témoigner d’une application stricte des instructions fédérales : « Je suis agréablement surpris. Les gens du voyage se montrent très sensibles à la situation sanitaire. Ils prennent ça très au sérieux. Les familles sont dans une sorte de #promiscuité, mais elles cherchent elles aussi à respecter la #distanciation_sociale. A ma connaissance, aucun foyer épidémique n’a été enregistré dans ces communautés. »

    Le centre de médiation a publié une affichette qui recense les gestes et les attitudes à adopter face au coronavirus : lavage des mains, distances, éternuements… Mais d’autres pictogrammes font référence à ce mode de vie particulier : éviter les discussions en groupe devant les caravanes, ne pas laisser courir les enfants en bande… Ici, le « restez chez vous » se conçoit sur quatre roues !

    « Nous ne sommes pas des gens à part. Nous savons que nous devons aussi nous protéger et protéger les autres. Nous sommes des gens responsables », explique Etienne Charpentier. Il n’empêche : quand la question d’un confinement a été mise sur la table, les gens du voyage ont bien senti que les rapports parfois compliqués avec les populations sédentaires risquaient de s’exacerber un peu plus.

    Leurs responsables s’en sont même ouverts dans un communiqué à l’intention des autorités : « A l’heure où les mesures de confinement et les fermetures des frontières se multiplient, plusieurs groupes de la communauté installés dans différentes communes wallonnes subissent les affres de la population et se voient sommés de déguerpir. Ce sont des “villages” entiers qui sont contraints de se déplacer. »

    Le respect des consignes

    Etienne Charpentier évoque des cas en #Hainaut, mais il n’en dira pas plus. A Pont-à-Celles où il a trouvé refuge avec les siens, l’accueil a été correct. « Mais cela n’a pas été simple parce que le terrain choisi est dans le centre-ville. Nous avons eu des expériences difficiles, des difficultés quand d’autres communautés ont choisi de s’installer sur le site de l’Arsenal », explique Pascal Tavier (PS), le bourgmestre. Quand le confinement a été décrété, certains habitants ont craint que les gens du voyage « dévalisent » les commerces locaux.

    Mais le climat s’est apaisé dans cette commune proche de Charleroi : « Ils se sont installés sans accord et sont peu nombreux. Nous avons négocié. Cette famille respecte le voisinage, il y a eu une ou deux #plaintes, mais c’est tout. Ils ont pris contact avec Ores et la SWDE pour l’accès à l’électricité et à l’eau. Etienne Charpentier et les siens sont là jusqu’à la fin du confinement. »

    Pont-à-Celles respecte à la lettre les instructions du gouvernement wallon. Alerté de possibles difficultés par les représentants de la communauté, Pierre-Yves Dermagne (PS), le ministre des Pouvoirs locaux, a adressé un courrier aux gouverneurs de provinces et à travers eux à toutes les communes. La principale recommandation porte sur « le maintien des installations actuelles sur les sites officiels et officieux. »

    Le même exécutif avait déjà gelé toutes les procédures d’#expulsion. Il a affiné sa réflexion pour les gens du voyage : le temps de la crise, « ceux-ci doivent pouvoir y demeurer sans être inquiétés et sans entrave ni dans l’exercice de leurs #droits ni dans l’accomplissement de leurs #obligations », précise le ministre qui demande aussi que « les autorités communales organisent l’accès à l’#eau et à l’#électricité. »

    Un impact économique

    Pas question donc d’un cadeau à une communauté minoritaire : il s’agit de protéger des citoyens en difficulté dans des temps troublés. Mais le gouvernement wallon s’inscrit aussi dans une logique unanimement partagée : pendant le confinement, les #déplacements sont interdits. En caravane, aussi !

    Etienne Charpentier nous a demandé de l’écrire : « L’intervention wallonne a été très appréciée. » Le maintien sur place est pourtant pénible à vivre. Les familles et les groupes ne peuvent plus se rencontrer, se croiser. La fête de #Pâques approche et elle compte beaucoup pour les gens de la route, elle se vivra cette fois en petit comité.

    Le moment venu et comme partout ailleurs, il faudra aussi parler de l’après-coronavirus : « Ce confinement, c’est toute une #économie en panne sur les marchés, le spectacle ou les fêtes foraines. Beaucoup sont indépendants et leurs activités au jour le jour ne permettent pas d’engranger de la trésorerie. Il faudra aussi aider les gens du voyage », plaide déjà Ahmed Hakim.

    Les terrains, sujet sensible

    En Wallonie, onze communes ont conclu une convention avec la Région pour assurer l’accueil des gens du voyage. Trois d’entre elles (#Namur, #Ath et #Bastogne) disposent de #terrains officiels et équipés. En 2019, la législation a été renforcée et un appel à projets a été lancé. Neuf communes ont été retenues pour bénéficier d’une subvention de 500.000 euros qui permettra d’aménager des sites nouveaux : Amay, Charleroi, Mons, Ramillies, Verviers, Lessines, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Sambreville et encore Bastogne. La procédure suit son cours, elle est suivie de près par Christie Morreale (PS), la ministre des Affaires sociales.

    Et à #Bruxelles ? Aucun site officiel n’est disponible actuellement pour les gens du voyage. « Des sites officieux ont existé du côté de #Schaerbeek, #Anderlecht ou #Bruxelles-Ville, mais ils ne sont plus accessibles », déplore le Wallon Ahmed Hakim qui suit la situation de près parce que les familles de la route ne connaissent pas de frontières. Il ajoute : « C’est dommage parce qu’en 2012, la capitale avait approuvé une ordonnance qui considérait que la #caravane était bien un habitat. »

    https://plus.lesoir.be/293333/article/2020-04-08/coronavirus-quand-les-gens-du-voyage-ne-peuvent-plus-voyager
    #Roms #Belgique #mobilité #immobilité #covid-19 #préjugés #fermeture_des_frontières

    ping @thomas_lacroix

  • Fédération de Chinois d’outre-mer de retour de Jiangsu (Jiangsu Qiaolian) envoie les masques auprès de leurs compatriotes installés à Singapour
    江苏侨联寄往新加坡江苏籍同乡口罩抵达 - 中华全国归国华侨联合会
    #Covid-19#Chine#migrant#migration#Qiaolian#diaspora#Singapour#mobilité#masques
    http://www.chinaql.org/n1/2020/0408/c431599-31666237.html

  • COVID-19 – Migration in the age of biosecurity

    Sars-CoV-2 (Covid-19) is doing to travel and migration what the 2008 financial crash did to banks and the flow of capital. Instead of a ‘credit crunch’, the world economy is crippled by a global mobility shutdown. The road back will not be easy.

    This article is the first in a series by ICMPD field operatives and experts on the impact of the COVID-19 pandemic on global migration flows.

    This is the fifth crisis of global openness since 2001 and by far the most serious: more than 20 per cent of the world’s population is in lockdown. In the rich world, the first phase of rising infections and deaths will be dramatic but over, as with China, South Korea and Singapore, relatively quickly. However, global economic activity and regular mobility across borders will take years to return to pre-crisis levels. Even in a scenario where an effective vaccine is available worldwide by 2021, anxiety over the cross-border spread of disease will remain. Meanwhile, the pandemic looks set to cause utter havoc in the developing world. ICMPD field operatives in the region expect Covid-19 could kill up to 100,000 people in Afghanistan alone, twice the current global total, with infections set to spiral to staggering heights along the Silk Route.

    Governments daily impose new travel restrictions. In Europe, internal border controls have come down more quickly and profoundly in the Schengen area than at the peak of the asylum seeker crisis in 2015. The US-Canada border is sealed. From Asia to Africa to Europe, the largest mass movement in history is under way as millions return home to sit out the pandemic. This includes irregular migrants, even to unstable regions with deficient healthcare: from Iran back to Afghanistan and Pakistan; from eastern Libya back to Chad, Niger, Egypt and Algeria, and so on. Irregular arrivals to the EU’s external borders have all but ceased.

    From the Black Death in the 14th century to yellow fever in the 1800s, history shows that borders snap closed during pandemics, re-opening afterwards only reluctantly and in phases. Just as we put 100ml liquid containers into small plastic bags at the airport today due to events almost 20 years ago, a new era of biosecurity is dawning that will change how people move in the future. Phase One, prior to Covid-19 vaccination, will include travel/proximity restrictions, mandatory quarantining, and on-the-spot health checks in transit. Phase Two, post vaccination, will be more precautionary and rely on risk assessment, digital contact tracking, ex ante clearance for travel, and disease surveillance. Administrations will link travel authorisation to the voluntary declaration of health information. Most will comply.

    Managing global mobility was no easy task before, as the drafters of the UN’s Global Pact for Migration discovered in 2018. It will now become even more challenging as states demand to ‘trust, but verify’ foreign assurances on testing, infection rates and risk in return for relaxing border controls or visa requirements. Whether travel is for tourism, work or study, national authorities are unlikely to accept mere reassurance, especially from countries claiming to have largely escaped the pandemic. To get back to freer circulation, sharper global standards will be required for health screening and disease surveillance at ports, airports, in the travel industry and customs operations. The next few years will be busy ones for, amongst others, the UN migration agency, World Health Organisation, International Civil Aviation Organisation and World Customs Organisation.

    Just as the Black Death led to a steep rise in wages for unskilled labourers, the hour of the gastarbeiter has come. The crisis is proving positive for migrant regularisation and long-term residency rights because those already present in host countries are now a premium resource, regardless of status. This is happening already in Portugal for public health reasons, but also to sustain food security and vital agricultural exports over the coming months. The need for a regulated, predictable supply of seasonal workers will trigger a race between states to find suitable partners for deeper bilateral ties on labour migration. Notwithstanding the need for thorough health screening, people may be surprised at the speed of developments.

    Different worlds, different realities

    As with the 2008 financial crash, the developing world is simultaneously more and less vulnerable to Covid-19. On the one hand, fragile central authorities unable to ”flatten the curve” of infections face the collapse of already weak health infrastructures. Many, such as Jordan, are finding mitigation measures like social distancing difficult to enforce. On the other, several such countries already had anti-pandemic protocols in place, for example in Central and West Africa due to Ebola, or in Asia due to H5N1 avian flu. The label on these has simply switched to ‘Covid-19’. Cold comfort it may be but another mitigating factor is that fragile states often have robust alternative support structures in place via community and family networks, with populations more resilient to panics and precariousness.

    For people in the developing world, the difference between survival and catastrophe could well be how quickly the lifeline of global remittances from better off relatives abroad can be resumed. Here, the International Fund for Agricultural Development has sounded the alarm, pointing out that while remittances remained surprisingly stable even after the 2008 crash, the current situation is different. Low-skilled migrants in richer countries may no longer have work, at least that they can reach, nor can they physically access remittance services. Cash-based operators like Western Union or MoneyGram already report a 40-85 per cent drop-off from countries in lockdown such as Italy and the UK. Governments should list remittances as essential activity and force operators to cut traditionally high transaction rates to zero during the crisis. Some are already doing so voluntarily.

    With visa processes frozen worldwide, mobility between the developed and developing world will be akin to a new Iron Curtain in Phase One. This will lead to fresh demand for smuggling services by irregular migrants. But people smuggling will now become far riskier, more expensive and subject to zero-tolerance by authorities. In the regions from where the majority of irregular flows emerge, the crisis will critically disrupt humanitarian aid, international peacekeeping and sensitive diplomacy. ‘Aid wars’, where global powers compete for influence in afflicted countries via gesture politics, will continue. This may even escalate to a “development race” in Phase Two, as poorer countries chase recovery after the economic carnage abates.

    For refugees, the outlook is grim. Resettlement channels remain closed worldwide and the figures for this year will be nothing like the 81,000+ reached in 2019. For those who arrive spontaneously, border and asylum procedures will now be more onerous and confined. In Phase One, this will likely mean a re-emphasis on enabling shelter close to the country of origin. Within host countries, limited access to schools and the informal economy will hurt refugee integration. Access to labour market opportunities is likely to improve over time out of necessity, helping host societies to digest the influxes of recent years. Ironically, it will be harder to re-integrate returning refugees and irregular migrants back home as returnees will be viewed as potential risks to public health.

    What about the EU: can it protect the precious achievements of free movement and the Schengen area? The EU’s legal framework in fact requires restrictions to free circulation in the event of a public health emergency. Article 8 of the Schengen Borders Code sets out the conditions under which public health threats justify refusal of entry. Thorough checks are stipulated for third country nationals. All persons, EU and non-EU, currently only permitted to cross Schengen’s external borders for essential travel, are subject to systematic screening. To this, the European Commission added on 30 March that member states should put in place exit screening and refuse travel even to those possibly exposed to Covid-19, whether they test positive or not. To ensure the future health of inward EU mobility, an information-sharing revolution between European public administrations is required, including better and more inter-connected databases.

    The pandemic will reframe the Union’s previously irreconcilable debates on migration and asylum. Asylum application numbers across the Union are in freefall and will be far below the 714,200 of the previous year. The recent migrant surges at the Greek-Turkish border have ended as Turkey introduces travel restrictions between its own provinces. The Central Mediterranean route is becalmed as the infection starts to spread in Libya. Irregular arrivals to Spain remain an issue but are manageable for now. Conversely, many of the Union’s member states face an immediate race against time to adapt the labour market sectors that depend on intra-EU commuters, seasonal agricultural workers and a mix of both European and third country migrants, especially in healthcare. Therefore, the importance of a functioning, secure EU external border will be clearer, but so too the need for a workable system of international labour migration into the single market.

    Migrants and mobile workers were the unsung heroes of 30 years of global expansion of goods and services that began with the fall of the Berlin Wall in 1989. Nobody knows yet whether Covid-19 represents the dying kick of that era or more of a short, sharp correction. It is a question of endurance, effective adaptation and the timeline towards effective levels of vaccination. In the interim, governments face a very nervous juggling act between guarding public well-being, reviving the economy, and spurring the international cooperation necessary if there is to be something upon which to build after this disease has exited our lives.

    https://www.icmpd.org/news-centre/news-detail/expert-voice-covid-19-migration-in-the-age-of-biosecurity
    #liberté_de_circulation #mobilité #liberté_de_mouvement #asile #migrations #réfugiés #coronavirus #covid-19

    ping @karine4 @isskein @thomas_lacroix

  • Vieillir avec un #permis_F

    Amaram vit en Suisse depuis 19 ans au bénéfice d’un permis F. Son statut précaire ne lui permet pas de voyager notamment pour se rendre en Angleterre y rendre visite à ses proches. Elle n’a aucune famille dans son entourage direct et elle vit solitairement les dernières années de sa vie. Les autorités refusent de la régulariser aux motifs qu’elle ne parle pas bien le français et qu’elle n’est pas autonome financièrement.

    https://www.youtube.com/watch?v=3T4254NtkAI&feature=youtu.be


    #admission_provisoire #témoignage #Exilia_Films #mobilité #immobilité #vieillesse #autonomie #asile #migrations #réfugiés #audio