Cette semaine, dans le journal Haaretz, l’article de l’ancien directeur du Mossad Shabtai Shavit donnait des indications utiles sur la pensée et la stratégie d’un certain segment très influent des élites sionistes libérales.
Dans mon précédent article, j’ai examiné ce que Shavit avait à dire sur les BDS, le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël, dirigé par des Palestiniens. L’ancien chef de l’espionnage estimait que les BDS faisaient partie de « la masse critique des menaces à notre encontre ».
Un second aspect remarquable de l’article, c’est qu’il argumentait explicitement en faveur d’une alliance ouverte avec des dictatures tyranniques, financées par les États-Unis, dans le Moyen-Orient, et « dirigées par l’Arabie saoudite et l’Égypte ». De façon grotesque, Shavit qualifie ces régimes d’oppression d’« États arabes modérés ».
Quelle mauvaise plaisanterie ! La monarchie absolue de l’Arabie saoudite est le pire État intégriste islamique, le plus fanatique et le plus puissant au monde. Des décennies de soutien solide de la part des États-Unis et du Royaume-Uni à ce régime despotique rendent ridicule la prétention de l’Occident de vouloir combattre les forces du sectarisme et de l’intégrisme religieux quand il part en guerre contre l’« État islamique » en Syrie et en Irak, ou contre les Talibans en Afghanistan.
En fait, les États-Unis et le Royaume-Uni ne s’opposent à ces entités que pour des raisons cyniques de pouvoir – il se fait qu’elles constituent de petites menaces, mais bien réelles, contre l’hégémonie régionale des États-Unis. Le régime saoudien a la même idéologie que l’« État islamique », mais avec une stratégie différente, proaméricaine.
Voici quelques mois, le chercheur et activiste saoudien dissident Faud al-Ibrahim a montré dans un article important publié dans le journal libanais al-Akhbar que le groupe « État islamique » partage exactement la même vision déformée de l’Islam que l’État saoudien, le wahhabisme.
Bien qu’al-Qaïda et, plus tard, l’« État islamique » rejettent aujourd’hui l’État saoudien, cette querelle porte sur des différences avant tout mineures et/ou tactiques plutôt que théologiques ou idéologiques. Ces opposants « l’ont critiqué [Ibn Saoud, fondateur de l’État] parce qu’il avait négligé l’obligation de djihad » et qu’il avait introduit des innovations (bidah) comme la transmission sans fil et le télégraphe dans le pays de l’Islam ».
En outre, « les sites internet de l’État islamique (...) révèlent l’identité idéologique du groupe (...), les écrits de Mohammed ibn Abdelwahhab [cofondateur de l’État saoudien], comme Le livre de l’unicité, L’élucidation des équivoques, Les détracteurs de l’islam et autres, sont distribués dans les zones sous contrôle de l’État islamique et sont enseignés et expliqués dans des classes privées de religion tenues par le département éducatif de l’organisation ».
Voilà le type de régime que les élites « libérales » israéliennes comme Shavit considèrent comme « modéré » - un régime aux bases idéologiques identiques à celles des tueurs fanatiques du prétendu État islamique.