• Strong Economy Poses Recruitment Challenge for the U.S. Army – Foreign Policy
    https://foreignpolicy.com/2018/12/03/strong-economy-poses-a-recruitment-challenge-for-the-us-army

    The healthy state of the U.S. economy is posing a challenge for the U.S. Army, which is struggling to lure young people away from the hot job market and into military service.

    For the first time since the height of the Iraq War 13 years ago, the U.S. Army failed to reach it recruitment goals for the year, falling thousands of troops short of the target. The issue is especially troubling at a time when President Donald Trump is promising to expand the military.
    […]
    Foreign Policy: In September, the Army announced that it failed to meet its recruiting goal of 76,500 new recruits for fiscal year 2018 by 8.5 percent. What are you doing to beef up the Army’s recruitment numbers?

    [Army Secretary] Mark Esper ]a former defense industry executive]: We missed our numbers last year, but I was proud that we still put quality over quantity. Despite the miss, we actually had the highest retention rates in the last 10 or 11 years, and we recruited more soldiers, 70,000, than we did in that same time period.

    #moins_de_chômage_moins_de_recrues

  • #UDC : ceux qui toujours disent non

    Au moment où l’UDC perd sur une initiative identitaire, la retraite de la politique de #Toni_Brunner signe symboliquement la fin d’une période, écrit notre chroniqueur Yves Petignat.

    Toni Brunner aura été un vrai bonheur pour l’UDC. Carré de propos, jovial et nature, porte-parole fidèle de la pensée de Christoph Blocher, le paysan aubergiste d’Ebnat-Kappel aura présidé, durant huit ans, de 2008 à 2016, une #droite nationale-conservatrice à laquelle tout réussissait : élections, votations, initiatives populaires. Au moment où l’UDC perd sur une #initiative identitaire pour elle, la souveraineté et l’autodétermination, sa retraite de la politique à 44 ans signe symboliquement la fin d’une période. Celle où son parti dictait l’agenda politique grâce à l’immigration, à la crise de l’asile, à la peur de l’islam. Celle aussi où l’agressivité hargneuse, étrangère aux mœurs helvétiques, divisait le pays jusqu’au sein du gouvernement.

    Réadaptation du contenu

    Reconquête du deuxième siège au Conseil fédéral, renvoi des étrangers criminels, interdiction des minarets, frein à l’immigration, l’UDC n’a pas seulement atteint un sommet aux élections de 2015 avec 29,5% des voix, elle a surtout imposé sa vision isolationniste au reste du pays. Il lui suffisait alors d’être le parti qui toujours dit non. Toni Brunner jette l’éponge tandis que l’échec programmé des négociations européennes va contraindre tous les dirigeants politiques, y compris ceux de la droite isolationniste, à repenser leur stratégie. Alors que l’UDC, avec l’appui libéral-radical, ne peut plus échapper aux responsabilités du pouvoir. Au moment encore où, dans les cantons et plus particulièrement en Suisse romande et dans les zones périurbaines de Zurich ou d’Argovie, l’UDC enregistre ses premiers revers. Certes, il ne faut pas s’attendre à un brusque affaissement électoral en 2019. Mais cela nécessitera une réadaptation du contenu et du style politiques. La tentative de sobriété de la campagne du 25 novembre en était un avant-goût. Raté.

    Le discours monomaniaque sur l’#immigration a servi. Il fait de moins en moins effet. Les Suisses ont d’autres soucis, comme l’indiquent les sondages et le baromètre CS des préoccupations des Suisses. La hausse continue des coûts de la #santé et des #primes_maladie ainsi que la #prévoyance_vieillesse viennent largement en tête, y compris chez les jeunes. Seuls les électeurs de l’UDC continuent à placer la migration avant, même si les chiffres de l’#asile et ceux de l’immigration ont chuté. Or, bien que parti de gouvernement, l’UDC n’a pas de proposition sur l’#assurance_maladie ou la stabilisation de l’#AVS. Contrairement aux partis populistes européens, comme le Rassemblement national en France, l’UDC n’a pas de #discours_social. Ni environnemental ou économique d’ailleurs. Sinon celui, ultralibéral, de la #responsabilité_individuelle et du #moins-d’Etat.

    Cesser d’être à l’image de son maître

    Ce parti va devoir aussi réviser sa rhétorique anti-européenne. Certes, dans un premier temps, il baignera dans l’euphorie de l’échec inévitable des négociations avec l’#UE sur l’accord institutionnel. Mais, selon les effets politiques et économiques, face au risque de marginalisation des universités et chercheurs suisses, devant les difficultés d’#exportation des entreprises sur le marché européen, il lui faudra offrir aux Suisses d’autres solutions créatives. Abandonner le jeu de l’#opposition_systématique pour redéfinir nos relations avec l’UE. A défaut, même majoritaire, il continuera à se plaindre d’ostracisme. Mais un parti protestataire peut-il, sans se renier, cesser d’être à l’image de son maître à penser, « der Geist, der stets verneint », l’esprit qui toujours dit non ?

    https://www.letemps.ch/opinions/udc-toujours-disent-non
    #Suisse #populisme #extrême_droite #migrations #réfugiés #anti-Europe #université

  • ’Remarkable’ decline in fertility rates - BBC News
    https://www.bbc.com/news/health-46118103

    There has been a remarkable global decline in the number of children women are having, say researchers.

    Their report found fertility rate falls meant nearly half of countries were now facing a “baby bust” - meaning there are insufficient children to maintain their population size.

    The researchers said the findings were a “huge surprise”.

    And there would be profound consequences for societies with “more grandparents than grandchildren”.

    #démographie #taux_de_fertilié #moins_de_bébés

  • Écoutes publiques — Novembre
    http://www.acsr.be/ecoutes-publiques-novembre

    Le demi grand cœur de Michel Bergé Olivier Chevillon et Christophe Rault | 2017 | 48 min | documentaire Le 10/11 à 15h30 dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) Le 25/11 à 13h : Babelmet Café programmé dans le cadre du #Mois_du_doc Des chemins de traverse Cabiria Chomel[...]

    #Ecoutes_collectives #Babelmet_café #Barricades_asbl #C.C._Jacques_Franck #La_vieille_chéchette #RIDM

  • 5 Tote in 5 Monaten - Die Verzweiflung der Taxifahrer in New York City - Wirtschaft - Bild.de
    https://www.bild.de/geld/wirtschaft/taxifahrer/5-tote-taxi-fahrer-in-5-monaten-55590206.bild.html

    von: Simon Schütz veröffentlicht am 18.06.2018 - 16:12 Uhr

    Fahren Sie manchmal Taxi? Dann wird Ihnen diese Geschichte ans Herz gehen. Fünf Taxifahrer in New York City haben sich dieses Jahr das Leben genommen, weil ihr Job sie fertiggemacht hat.

    Ihr Einkommen reichte kaum zum Leben. Sie hatten keine Perspektive auf bessere Zeiten. Ein Taxifahrer hinterließ vor seinem Selbstmord eine Facebook-Nachricht über den Druck in seinem Beruf – dabei ging es auch um den Wettbewerb mit Uber. Ein anderer erwähnte in seinem Abschiedsbrief den „desaströsen“ Zustand des Gewerbes.

    Ihre Kollegen klagen über schreckliche Zustände: Manche Taxifahrer sind obdachlos, weil sie sich keine Wohnung leisten können; andere sind durch die vielen Nachtfahrten erblindet, wie ein Taxifahrer dem amerikanischen Magazin „New York City Patch“ schilderte.

    Der Grund: Die Situation für Taxifahrer in US-Metropolen hat sich mit dem Markteintritt von Uber, Lyft und anderen Konkurrenten drastisch verändert.

    Die amerikanischen Start-ups Uber und Lyft sind Fahrdienste: Fahrer ruft und bezahlt man über eine Handy-App. Die Fahrten sind meist deutlich billiger als reguläre Taxi-Fahrten, die wenigsten Fahrer sind Profis.

    Die amerikanischen Start-ups Uber und Lyft sind Fahrdienste: Fahrer ruft und bezahlt man über eine Handy-App. Die Fahrten sind meist deutlich billiger als reguläre Taxi-Fahrten, die wenigsten Fahrer sind Profis.

    ► Diese App-Fahrdienste haben den amerikanischen Markt revolutioniert. In New York City fahren inzwischen mehr als 60.000 Uber-Autos durch die Stadt – die Anzahl der regulären Taxis aber ist gesetzlich auf etwa 13.500 begrenzt, wie die „New York Times“ berichtet.

    ► Der Druck auf die Nachfrage hat dazu geführt, dass sich die Löhne der Taxifahrer extrem verringert haben – um bis zu 30 Prozent.

    Da helfe es auch nicht, dass manche Fahrer inzwischen 70 Stunden die Woche arbeiten, wie Bhairavi Desai, Geschäftsführer der New Yorker Taxi-Vereinigung, beklagt.

    Taxi-Lizenzen waren einmal die „weltbeste Geldanlage“

    Ein weiterer Grund für die zunehmende Verzweiflung: Der Wert der Taxi-Lizenzen („taxi medallions“) ist drastisch gesunken.

    ► Im Jahr 2011 titelte die „Wirtschaftswoche“ noch, dass New Yorker Taxi-Lizenzen die „weltbeste Geldanlage“ seien. Ihr Wert war seit 1980 jährlich um acht Prozent gestiegen – solche Renditen bietet sonst kaum eine Anlage.

    Viele Taxifahrer haben ihre Lizenz auf Pump erworben, sahen ihn ihnen eine Art Rente. Doch mit Uber und Lyft änderte sich alles.

    ► Während die Lizenzen vor Markteintritt der Konkurrenz teilweise für eine Million Dollar gehandelt wurden, sind sie inzwischen auf einen Wert von 175 000 Dollar gesunken! Das berichtet die „New York Times“.

    Die Politik scheint gegenüber Uber und Co. machtlos. New Yorks Bürgermeister Bill de Blasio versuchte 2015, gegen Uber vorzugehen und dem Fahrdienstanbieter Grenzen zu setzen. Doch er scheiterte.

    Inzwischen gibt es zunehmend Unmut über die Situation der Taxifahrer, die begonnen haben, lautstark zu demonstrieren.

    Uber-Chef will Hilfsfonds für Taxifahrer

    Inzwischen hat Uber-CEO Dara Khosrowshahi (49) reagiert. Er hat in der „New York Post“ vorgeschlagen, dass New York in Zukunft eine Gebühr auf alle App-basierten Fahrdienste erheben sollte. Die Einnahmen könnten dann in einen Fonds fließen, um Taxifahrern in Not zu helfen.

    ► „Die Dinge haben sich verändert“, sagte Khosrowshahi. Wenn man den Betroffenen dabei helfen könne, ein besseres und angemessenes Leben zu führen, dann wolle man das tun. „Wir wollen nicht Teil des Problems sein“, stellte der Uber-Chef klar.

    Die Idee des Fonds sei ihm gekommen, nachdem er über die Selbstmorde der NYC-Taxifahrer gehört habe.

    ► Für Desai, Geschäftsführer der New Yorker Taxi-Vereinigung, ist die Idee jedoch des Uber-Chefs ein „Schlag ins Gesicht“.

    Taxifahrer wollten keinen Hilfsfonds. Viel wichtiger sei es, ihnen ein ausreichendes Einkommen zu sichern und ihre Jobs zu schützen – durch entsprechende Regulierung.

    Wie ist die Situation in Deutschland?

    „In Deutschland ist die Situation komplett anders. Uber bzw. Lyft sind in Deutschland verboten“, erklärt Thomas Grätz, Geschäftsführer des Deutschen Taxi- und Mietwagenverbands, auf BILD-Nachfrage.

    Dem US-Unternehmen wurde es 2014 gerichtlich verboten, seinen Service mit privaten Fahrern anzubieten – mit Verweis auf das Personenbeförderungsgesetz.

    Dennoch sehen sich auch die deutschen Taxifahrer bedroht. Aktuell macht VW mit dem Modellprojekt „Moia“ den Taxi-Unternehmern in Hamburg Konkurrenz.

    Die Idee: Fahrgäste können einen schwarzen Multivan per Smartphone bestellen, sich den Wagen mit anderen Passagieren teilen – eine Art Sammeltaxi.

    Grätz dazu: „Wir sehen uns durch Modelle wie das Moia-Konzept im Hamburg extrem bedroht. Moia ist letztlich eine Marktverdrängung, die nicht nur auf die Taxi-Branche Auswirkungen haben wird, sondern auch auf die Nutzung der öffentlichen Verkehrsmittel.“

    Über die Uber-Plattform werden in Berlin und München nur noch professionelle Fahrer vermittelt: Das sind zum einen normale Taxifahrer (UberTaxi), aber beispielsweise in Berlin auch Fahrer des Limousinendienstes Rocvin, die über einen entsprechenden Personenbeförderungsschein verfügen.

    Grätz stellt klar, man wolle sich gegenüber neuen Modellen nicht verschließen: „Am Taxi-Sharing sind wir sehr interessiert. Wir sehen das als Chance. Wir erwarten, dass das Taxi-Sharing neue Kunden erschließen wird. Dass Leute, die sich sonst ein Taxi alleine nehmen, nun teilen werden, halten wir für eher unwahrscheinlich. Es geht vielmehr um neue preissensible Kunden, die hier eine Möglichkeit sehen, Geld zu sparen.“

    Das Einkommen der deutschen Taxifahrer hat sich im Vergleich zu dem der amerikanischen Kollegen nicht verschlechtert. „Die Einkommensentwicklung ist stabil. Wahrscheinlich ist das Einkommen insgesamt sogar etwas gestiegen, aufgrund des eingeführten Mindestlohns“, sagte Grätz zu BILD.

    #Uber #Taxi #USA #New_York #Moia #Deutschland

    • Leserkommentar :

      der Text in der BILD enthält im unteren Teil Falschaussagen:

      – UBER ist in Deutschland nicht verboten, nur UBER Pop.

      – Das Hauptproblem in Berlin, dass Mietwagen aus dem Umlanf für UBER fahren und die Rückkehrpflicht regelmäßig mißachen, wird nicht erwähnt.

      – Der Satz, dass „im Vergleich mit den USA“ das Einkommen von Berliner TaxifaherInnen sich nicht verringert habe, ist zynisch: In Berlin hat sich noch niemand vor dem, Rathaus erschossen, und vermutlich ist der Umsatzrückgang geringer. Es sind laut Taxi Deutschland aber immerhin 8% im letzten Jahr!

  • http://desordre.net/bloc/vie/reprise/index.htm

    A Song For Diane Arbus

    La Vie est l’une des plus anciennes rubriques du Désordre. Et aussi celle qui a le plus souvent changé de forme et d’aspect. Dans un premier temps, il s’agissait d’un collage de 600 pixels de large et à l’époque, 2003, ça paraissait large. Deux ans plus tard je me permettais une de ces audaces, on passait à 800 pixels de large, de la folie furieuse ! avant de passer au stade avancé de la démence : 1000 pixels de large. C’était autrefois.

Il y a ensuite eu la période dite de l’avalanche (sans doute l’une des réalisations du Désordre, avec la collaboration indispensable d’@archiloque, que je préfère), mois après mois, les photos prises tous les jours s’affichaient suivant un principe de sélection, de taille, de placement dans la page et d’opacité aléatoires, tout un chacun avait le sentiment de voir plus ou moins la même chose alors que personne ne voyait la même chose, ce qui est devenu un des principes directeurs du Désordre, c’en est même à se demander si cela n’a pas atomisé sa communauté de visiteurs et visiteuses. 

En 2016, j’ai ralenti le rythme de mes prises de vue, bien obligé le matériel a lâché, au bout de 300000 prises de vue, il paraît que c’est inespéré, foutue obsolescence programmée, quand je pense que de temps en temps juste pour en entendre le son il m’arrive de déclencher mon vieux 6X6 et ça continue très bien de fonctionner.

    Et du coup il manquait de nombreuses images pour faire une avalanche.

    J’ai tenté une formule dont je ne peux pas dire qu’elle m’a donné beaucoup de satisfaction, avec la raréfaction des images j’ai imaginé un défilement et une lecture plus lentes, soutenues par une bande-son-collage à la bonne franquette.

    En 2017 là j’ai carrément arrêté de prendre des photographies. J’ai tenté de le refaire un peu avec une série d’images que j’ai intitulée les #moindres_gestes. Une centaine d’images en six mois.

    C’est devenu les #flux_detendus, je ne me servais même plus de mon appareil-photo mais, on aura tout vu, de mon téléphone de poche.

    Bref j’étais dans une certaine forme d’arrêt à la fois libérateur et inquiétant dans mon travail de plasticien. C’était même à se demander si ce truc de jeune primo-romancier à 52 ans ne m’avait pas un peu monté à la tête.

    Et puis j’ai rangé mon garage-atelier. Ce faisant je suis tombé sur une ancienne image que j’avais affichée sur une sorte de tableau magnétique et qui avait été recouverte par quantité d’autres images et autres documents, principalement des listes et des listes de listes. Cette image n’est pas anodine. Tant s’en faut. Il s’agit d’une image du mur du fond de l’atelier de Diane Arbus avant déménagement complet de son atelier à sa mort. Et potentiellement avant destruction. C’était au-dessus de son lit. Elle y collait toutes sortes d’images, des tirages, des épreuves refusés, des bouts d’essai, des articles de journaux, des images de presse, tout un monde curieux qu’elle faisait et défaisait tous les mois. A la recherche inconsciente de nouvelles voies. En 1971 elle souffrait particulièrement de ne pas parvenir après les images d’Halloween dans une institution d’accueil de personnes handicapées mentales, à renouveler son travail, de lui trouver des formes nouvelles, alors elle tentait de ces grands collages imaginant que dans l’entrechocs entre deux ou trois images, elle trouverait de nouveaux chemins.

    Les raisons de son suicide à la fin de 1971 lui appartiennent entièrement et il ne me viendrait pas à l’esprit de penser que cette désespérance artistique ait joué un rôle dans son terrible suicide. En revanche quand j’ai pris connaissance de ce mur dont il ne restait qu’une seule image, la dernière du dernier état de ce mur, je me suis dit fort tristement qu’elle avait eu sous les yeux, tous les jours, une solution tout à fait valable à ce blocage de créativité qui la faisant tant souffrir, à savoir un immense collage de la taille d’un mur, elle en produisait de la sorte un par mois, quel dommage qu’elle n’ait pas pensé en faire une œuvre à part entière, quel dommage qu’elle n’y ait pas pensé pour son propre bien-être et quel dommage qu’elle n’y ait pas pensé, nous privant de la sorte de ce qui aurait vraisemblablement été des œuvres majeures.

    Toutes proportions mal gardées, j’ai affiché cette image du dernier mur de Diane Arbus dans un coin du garage il y a des années sur le tableau magnétique des projets en cours, comme une exhortation personnelle à garder les yeux ouverts sur la totalité de mon environnement et de ne rien négliger comme nouvelle piste. Et puis cette image s’est retrouvée enfouie sous d’autres, elle a disparu de mon regard en même temps que son exhortation à justement garder les yeux ouverts. Et, naturellement, en rangeant le garage cet été, je suis presque immédiatement tombé dessus et cela m’a donné l’idée d’une sorte de collage mensuel de tout ce qui pouvait retenir mon regard. Pêle-mêle. Sans ordre. Advienne que pourra.

    A Song For Diane Arbus.

  • La restauration du Désordre

    L’année dernière j’ai mis fin à une expérience et un travail vieux de dix sept ans, le Désordre. Pour tout dire j’étais assez fâché (et quand De Jonckheere fâché, lui toujours faire ainsi). J’étais fâché à la fois contre moi-même et contre certaines forces occultes que j’identifiais avec difficulté. Pour ce qui est des forces occultes, je ne sais pas si ce sont les bénéfices parfois inescomptés de la psychanalyse (oui, je suis allé refaire une petite partie du vieux jeu juif viennois, la quatrième), ou l’intervention quasi divine d’un ange roux (si le pauvre @jsene savait que je pense parfois à lui en ces termes), toujours est-il que d’une part j’ai compris que je ne pouvais continuer de vivre jusqu’à la mort tel un Don Quichotte du Val-de-Marne et que je ne pouvais pas de la sorte laisser en plan, agonisant dans un fossé sur le bord de la route un enfant de dix sept ans dont j’étais malgré tout le père, le Désordre.

    Naturellement, à cette introduction, vous aurez compris que je n’ai pas tout à fait perdu cette habitude mienne de tout exagérer et donc vous allez voir comme c’est simple.

    Les quatre grands derniers travaux du Désordre ont tous les trois été réalisés sous la forme Ursula qui fait la part belle d’une part aux fichiers sonores et aussi aux images animées, à la vidéo. Or, il y a cinq ans, je m’y suis mal pris pour les intégrer, j’ai choisi une voie privée (et donc propriétaire), celle du Flash et cette erreur aurait pu et dû être fatale. Et j’espère pouvoir m’en rappeler jusqu’à la fin de mes jours. En effet pour pouvoir lire fichiers sonores et vidéo, j’avais recours à de petits lecteurs en Flash, c’était d’ailleurs une torture de code à installer et pire, pour ce qui est des fichiers vidéo, cela supposait une exportation des fichiers vidéos dans un format Flash (.flv) qui en soit était un poème (et requérait l’emploi d’un petit utilitaire au fonctionnement capricieux, pour parler poliment, que de souvenirs !). Et, de la sorte j’aurais donc produit pas loin de cinq cents fichiers vidéo dont la lisibilité n’a pas cessé de décliner les cinq dernières années. Autrefois hégémonique, ce format propriétaire est finalement tombé en désuétude pour ne plus être lisible qu’au prix de réels efforts de la part des visiteuses et des visiteurs de sites à maintenir leur propre navigateur équipé d’extensions de plus en plus exotiques.

    Le comprenant l’année dernière à un moment d’une certaine lassitude par ailleurs (comme il en est arrivé d’autres pendant la route sinueuse du Désordre), j’ai fini par capituler, cela tombait bien je venais de fermer la parenthèse de Qui ça ? (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/index.htm ) qui elle même me permettait de fermer celle d’Ursula ( http://www.desordre.net/bloc/ursula/2014/index.htm ) et les parenthèses s’enchâssant les unes dans les autres, cela ressemblait fort à la fin du Désordre. Dont acte. Pour ne rien arranger, Guy, mon ordinateur s’appelle Guy, pouvait dûment exiger son départ à la retraite, mon appareil-photo, après avoir déclenché 300.000 fois a poussé un dernier râle que j’ai pu enregistrer in extremis avec l’appareil enregistreur qui n’avait jamais été conçu pour vivre au fond d’une besace de photographe dans la promiscuité d’objectifs et autres ustensiles certains contondants, l’enregistreur était kaputt aussi.

    C’est là que l’ange roux est intervenu et qu’il a parlé et il m’a tenu à peu près ce langage

    ``<audio src=« mon_fichier_audio.mp3 » controls></audio>``

    Et

    ``<video width=« xxx » height=« xxx » controls><source src=« mon_fichier_video_mp4" type="video/mp4"></video>``

    Ce qui veut dire qu’en html5, la nouvelle norme universelle du langage html, on peut enfin directement intégrer sons et vidéos dans le code, sans passer par le folklore d’un lecteur importé.

    Et ça change tout.

    Pour ce qui était de l’intégration des fichiers sonores, je voyais bien comment en m’y prenant avec un peu de dextérité, en faisant des rechercher/remplacer de portions de codes, je pouvais m’en sortir, et c’est ce que j’ai fait sans trop de grande difficulté. N’était-ce qu’en n’ayant plus mis les pieds dans les arborescences du Désordre depuis plus d’un an, j’avais un peu oublié certaines de mes façons personnelles de ranger les choses selon un principe de la libre association qui s’il est vivement encouragé par mon analyste est moins payant en informatique.

    Pour les fichiers vidéos c’était une autre paire de manches parce que le format .flv n’était pas interprétable, il fallait repasser tous les fichiers .flv en .mp4 ce qui ne se fait pas sans une certaine perte de qualité, notamment du son et notamment de l’image. Et là inutile de dire que la perspective de reprendre une à une les cinq cents séquences vidéo du Désordre n’avait rien d’engageante (j’avais déjà par le passé écopé le navire avec une passoire plus d’une fois, je savais un peu la dépense de ce genre de campagnes). J’ai malgré tout décidé de m’y mettre (on reconnaît l’idiot au fait qu’il regarde le doigt du sage quand il montre la lune ou quand il ne recule pas à l’idée de reprendre 500 séquences vidéo, certaines au noms de fichiers peu clairs dispersés sur une dizaine de disques durs externes) . Fichiers après fichiers et insertions de balise cohérente après insertions de balises cohérentes. A la main. De la folie. Pure. 

    Et pour le son c’est pareil et même que cela permet des démarrages du son automatique dès le chargement de la page autrement qu’avec un script qui fait appel à certaines fonctionnalités pas très constantes du serveur, on codait de ces trucs au millénaire précédent. 

    « Et voilà le travail ! », suis-je tenté de m’écrier (un peu) immodestement. Pour marquer le coup j’ai inséré une vidéo et un son sur la page d’accueil du Désordre (http://www.desordre.net ). 

    Il y a par ailleurs quelques rubriques dans lesquelles ce travail de restauration est assez payant, ce sont, notamment les formes Ursula, la première, Ursula elle-même (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2014/index.htm ), puis le journal de Février (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2015/index.htm ), Arthrose (http://www.desordre.net/bloc/ursula/arthrose/index.htm ) et enfin Qui ça ? (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/index.htm )

    Je me suis d’ailleurs aperçu que je n’avais pas fini Février. Il reste une centaine de pages auxquelles il faudrait que je mette la main.

    Et à vrai dire il y a plein de trucs comme ça qui ne sont pas vraiment finis dans le Désordre, ça n’étonnera personne. Je ne fais pas de promesses, mais je vais essayer. Et, qui sait ? j’aurais peut-être de nouveau envie d’ajouter de nouvelles pages à cette affaire (je dois dire que de reprendre certaines parties endommagées du site me fait toucher du doigt ce plaisir curieux qui a été le mien pendant les vingt dernières années, ou presque, de triturer du code pour raconter des histoires, fussent des histoires dans lesquelles on s’égare, moi le premier), notamment avec les deux ou trois trucs que je brouillonne dans Seenthis. Les #flux_détendus, #De_la_Dyslexie_créative, les #Moindres gestes, #Mon_Oiseau_bleu et d’autres que je brouillonne ailleurs encore, _Frôlé par un V1 et Les Anguilles les mains mouillées, ou encore My Favorite Favorite Things. Bref Désordre peut être pas entièrement mort. On verra bien. 

    #retour_au_desordre

  • « Changer de système ne passera pas par votre caddie »

    En rendant cheap la nature, l’argent, le travail, le care , l’alimentation, l’énergie et donc nos vies - c’est-à-dire en leur donnant une #valeur_marchande - le capitalisme a transformé, gouverné puis détruit la planète. Telle est la thèse développée par l’universitaire et activiste américain #Raj_Patel dans son nouvel ouvrage, intitulé Comment notre monde est devenu cheap (Flammarion, 2018). « Le capitalisme triomphe, non pas parce qu’il détruit la nature, mais parce qu’il met la nature au travail - au #moindre_coût », écrit Patel, qui a pris le temps de nous en dire plus sur les ressorts de cette « #cheapisation » généralisée.

    Raj Patel est professeur d’économie politique à l’université du Texas d’Austin. À 46 ans, c’est aussi un militant, engagé auprès de plusieurs mouvements, qui a travaillé par le passé pour la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce. Logique, quand on sait qu’il se définit lui-même comme « socialiste », ce qui « n’est pas facile au Texas », nous précise-t-il dans un éclat de rire. Patel a déjà écrit sur les crises alimentaires, dont il est un expert. Il signe aujourd’hui un nouvel ouvrage, Comment notre monde est devenu cheap, co-écrit avec Jason W. Moore, historien et enseignant à l’université de Binghampton.

    Ces deux universitaires hyper-actifs y développent une nouvelle approche théorique pour appréhender l’urgence dans laquelle nous nous trouvons, mêlant les dernières recherches en matière d’#environnement et de changement climatique à l’histoire du capitalisme. Pour eux, ce dernier se déploie dès le XIVème siècle. Il naît donc avec le #colonialisme et la #violence inhérente à l’#esclavage, jusqu’à mettre en place un processus de « cheapisation » généralisé, soit « un ensemble de stratégies destinées à contrôler les relations entre le capitalisme et le tissu du vivant, en trouvant des solutions, toujours provisoires, aux crises du capitalisme ». Une brève histoire du monde qui rappelle, sur la forme, la façon dont Yuval Harari traite l’histoire de l’humanité, mais avec cette fois une toute autre approche théorique, que Raj Patel n’hésite pas à qualifier de « révolutionnaire ».

    Entretien autour de cette grille de lecture, qui offre également quelques perspectives pour sortir de ce que les auteurs appellent le « #Capitalocène », grâce notamment au concept d’ « #écologie-monde ».

    Usbek & Rica : Des scientifiques du monde entier s’accordent à dire que nous sommes entrés depuis un moment déjà dans l’ère de l’#Anthropocène, cette période de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre. Mais vous allez plus loin, en parlant de « Capitalocène ». Le capitalisme serait donc la cause de tous nos problèmes ?

    Raj Patel : Si vous avez entendu parler de l’Anthropocène, vous avez entendu parler de l’idée selon laquelle les humains sont en grande partie responsables de la situation désastreuse de notre planète. À ce rythme, en 2050, il y aura par exemple plus de plastique que de poissons dans les océans. Si une civilisation survient après celle des humains, les traces qui resteront de notre présence seront le plastique, la radioactivité liée aux essais nucléaires, et des os de poulet. Mais tout cela n’est pas lié à ce que les humains sont naturellement portés à faire. Il y a quelque chose qui conduit les humains à cette situation. Et si vous appelez cela l’Anthropocène, vous passez à côté du fond du problème. Ce n’est pas l’ensemble des comportements humains qui nous conduit à la sixième extinction. Il y a aujourd’hui beaucoup de civilisations sur Terre qui ne sont pas responsables de cette extinction de masse, et qui font ensemble un travail de gestion des ressources naturelles formidable tout en prospérant. Et ces civilisations sont souvent des populations indigènes vivant dans des forêts.

    Mais il y a une civilisation qui est responsable, et c’est celle dont la relation avec la nature est appelée « capitalisme ». Donc, au lieu de baptiser ces phénomènes Anthropocène, appelons-les Capitalocène. Nous pouvons ainsi identifier ce qui nous conduit aux bouleversements de notre écosystème. Il ne s’agit pas de quelque chose d’intrinsèque à la nature humaine, mais d’un système dans lequel évolue un certain nombre d’humains. Et ce système nous conduit vers une transformation dramatique de notre planète, qui sera visible dans l’étude des fossiles aussi longtemps que la Terre existera.

    Vous établissez, avec votre co-auteur, une histoire du capitalisme fondée sur sept choses « cheap ». Quelles sont-elles, et comment êtes vous parvenus à cette conclusion ?

    Dans ce livre, nous évoquons les sept choses que le capitalisme utilise pour éviter de payer ses factures. C’est d’ailleurs une définition courte du capitalisme : un système qui évite de payer ses factures. C’est un moyen de façonner et de réguler les relations entre individus, et entre les humains et la reste de la vie sur Terre. Ces sept choses sont la nature « cheap », l’argent « cheap », le travail « cheap », le care « cheap », l’alimentation « cheap », l’énergie « cheap » et les vies « cheap ». Nous sommes parvenus à cette conclusion en partie grâce à un raisonnement inductif fondé sur l’histoire, mais aussi en s’intéressant aux mouvements sociaux d’aujourd’hui. Par exemple, le mouvement Black Lives Matter ne proteste pas uniquement contre l’inégalité historique qui résulte de l’esclavage aux Etats-Unis. Ses membres se penchent aussi sur le changement climatique, l’équité entre les genres, le travail, la réforme agraire ou la nécessaire mise en place de meilleurs systèmes alimentaires et de systèmes d’investissement solidaires qui permettraient à des entreprises d’émerger.

    C’est une approche très complète, mais l’idée qui importe dans la structuration des mouvements sociaux est celle d’intersectionnalité. Et on peut identifier nos sept choses « cheap » dans presque tous les mouvements intersectionnels. Tous les mouvements visant à changer l’ordre social se tiennent à la croisée de ces sept choses.

    Vous expliquez que la nourriture est actuellement peu chère, mais que cela n’a pas été le cas à travers l’histoire. Dans votre introduction, vous prenez pour exemple les nuggets de MacDonald’s pour illustrer votre théorie des sept choses « cheap ». Pourquoi ?

    Il n’a pas toujours été possible d’obtenir un burger ou quelques chicken nuggets pour un euro ou deux. Au XIXème siècle, les ouvriers anglais dépensaient entre 80 et 90% de leurs revenus en nourriture. Aujourd’hui, nous consacrons à peu près 20% à l’alimentation. Quelque chose a changé. Et le nugget est devenu un fantastique symbole la façon dont le capitalisme évite de payer ses factures.

    Reprenons nos sept choses « cheap ». La nature « cheap » nous permet de retirer un poulet du monde sauvage et de le modifier en machine à produire de la viande. Cette approche de la nature est assez révélatrice de la façon dont le capitalisme opère. La deuxième chose, c’est le travail : pour transformer un poulet en nugget, il vous faut exploiter des travailleurs. Et partout dans le monde, ces ouvriers avicoles sont extrêmement mal payés. Une fois que les corps de ces ouvriers sont ruinés par le travail à la chaîne, qui va veiller sur eux ? Généralement, cela retombe sur la communauté, et particulièrement sur les femmes. C’est cela que j’appelle le « cheap care ». Les poulets sont eux-mêmes nourris grâce à de la nourriture « cheap », financée par des milliards de dollars de subventions. L’énergie « cheap », c’est-à-dire les énergies fossiles, permet de faire fonctionner les usines et les lignes de production. Et l’argent « cheap » permet de faire tourner l’ensemble, parce que vous avez besoin de taux d’intérêt très bas, et que les grandes industries en obtiennent des gouvernements régulièrement. Et enfin, vous avez besoin de vies « cheap » : il faut reconnaître que ce sont les non-blancs qui sont discriminés dans la production de ce type de nourriture, mais aussi que les consommateurs sont considérés comme jetables par l’industrie.

    Vous insistez sur le fait que le capitalisme est né de la séparation entre nature et société, théorisée notamment par Descartes. Et que cette naissance a eu lieu au XIVème siècle, dans le contexte de la colonisation. On a donc tort de dire que le capitalisme est né avec la révolution industrielle ?

    Si vous pensez que le capitalisme est né au cours de la révolution industrielle, vous êtes en retard de trois ou quatre siècles. Pour que cette révolution advienne, il a fallu beaucoup de signes avant-coureurs. Par exemple, l’idée de la division du travail était déjà à l’oeuvre dans les plantations de cannes à sucre à Madère à la fin du XIVème siècle ! Toutes les innovations dont on pense qu’elles proviennent de la révolution industrielle étaient déjà en place quand les Portugais ont apporté la production de sucre, l’esclavage et la finance à Madère.

    Quant à la division du monde entre nature et société, il s’agit là du péché conceptuel originel du capitalisme. Toutes les civilisations humaines ont une façon d’opérer une distinction entre « eux » et « nous », mais séparer le monde entre nature et société permet de dire quels humains peuvent faire partie de la société, et d’estimer qu’on est autorisé à exploiter le reste du monde. Les colons arrivant en Amérique considéraient ceux qu’ils ont baptisé « Indiens » comme des « naturales ». Dans une lettre à Isabelle Iʳᵉ de Castille et Ferdinand II d’Aragon, Christophe Colomb se désole de ne pouvoir estimer la valeur de la nature qu’il a devant lui aux Amériques. Il écrit aussi qu’il reviendra avec le plus d’esclaves possibles : il voit certains hommes et la nature comme des denrées interchangeables car ils ne font pas partie de la société. Cette frontière entre nature et société est propre au capitalisme, et c’est pourquoi il peut utiliser les ressources fournies par la nature tout en la considérant comme une immense poubelle.

    Le capitalisme fait partie, selon vous, d’une écologie-monde, un concept forgé par votre co-auteur. En quoi ?

    Nous nous inspirons de Fernand Braudel et du concept d’économie-monde. En résumé, l’historien explique que si l’on veut comprendre comment fonctionne le monde, on ne peut pas prendre l’Etat-nation comme unité fondamentale d’analyse. Il faut comprendre que cet endroit est défini par son rapport aux autres endroits, tout comme les humains sont définis par leurs relations aux autres humains. On doit également penser au système dans lequel le pays que l’on étudie se trouve.

    L’économie n’est qu’une façon de penser la relation entre les humains et le tissu du vivant. Par exemple, Wall Street est une façon d’organiser le monde et la nature. Les traders qui y travaillent font de l’argent en faisant des choix, et en les imposant via la finance et la violence qui lui est inhérente. Le tout pour structurer les relations entre individus et entre les humains et le monde extra-naturel. Ce que nous faisons, c’est que nous replaçons tout cela dans son écologie, et c’est pourquoi le concept d’écologie-monde fait sens. Si vous vous intéressez à la façon dont les humains sont reliés les uns aux autres, vous devez choisir la focale d’analyse la plus large possible.

    Vous dites qu’il est plus facile d’imaginer la fin du la planète que la fin du capitalisme. Pourquoi ?

    J’expliquais dernièrement à mes étudiants que nous avons jusqu’à 2030 si l’on veut parvenir à une économie neutre en carbone. Et ils étaient désespérés et désemparés. Ce désespoir est un symptôme du succès du capitalisme, en cela qu’il occupe nos esprits et nos aspirations. C’est pourquoi il est, selon moi, plus facile d’envisager la fin du monde que celle du capitalisme. On peut aller au cinéma et y admirer la fin du monde dans tout un tas de films apocalyptiques. Mais ce qu’on ne nous montre pas, ce sont des interactions différentes entre les humains et la nature, que certaines civilisations encore en activités pratiquent actuellement sur notre planète.

    Je vis aux Etats-Unis, et tous les matins mes enfants doivent prêter serment et répéter qu’ils vivent dans « une nation en Dieu » [NDLR : « One nation under God »]. Mais les Etats-Unis reconnaissent en réalité des centaines de nations indigènes, ce que l’on veut nous faire oublier ! Tous les jours, on nous apprend à oublier qu’il y existe d’autres façons de faire les choses, d’autres possibilités. Cela ne me surprend pas que certains estiment impossible de penser au-delà du capitalisme, même si les alternatives sont juste devant nous.

    Parmi ces alternatives, il y en a une qui ne trouve pas grâce à vos yeux : celle du progrès scientifique, incarnée en ce moment par certains entrepreneurs comme Elon Musk.

    Ce que je ne comprends pas, c’est que ceux que nous considérons comme nos sauveurs sont issus du passé. Beaucoup pensent qu’Elon Musk va sauver le monde, et que nous allons tous conduire des Tesla dans la joie. Mais si on regarde ce qui rend possible la fabrication des Tesla, on retrouve nos sept choses « cheap » ! Les travailleurs sont exploités, notamment ceux qui travaillent dans les mines pour extraire les métaux rares nécessaires aux batteries. Et Musk lui-même s’attache à éliminer les syndicats... Je suis inquiet du fait que l’on fonde nos espoirs sur ces messies.

    Des initiatives comme celle du calcul de son empreinte écologique ne trouvent pas non plus grâce à vous yeux. Pourquoi ?

    Parce qu’il s’agit d’un mélange parfait entre le cartésianisme et la pensée capitaliste. C’est une façon de mesurer l’impact que vous avez sur la planète en fonction de vos habitudes alimentaires ou de transport. À la fin du questionnaire, on vous livre une série de recommandations personnalisées, qui vous permettent de prendre des mesures pour réduire votre empreinte écologique. Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir de mal à ça ? Evidemment, je suis d’accord avec le fait qu’il faudrait que l’on consomme moins, particulièrement dans les pays développés.

    Pourtant, présenter le capitalisme comme un choix de vie consiste à culpabiliser l’individu au lieu de condamner le système. C’est la même logique qui prévaut derrière la façon dont on victimise les individus en surpoids alors que leur condition n’a pas grand chose à voir avec leurs choix individuels, mais plutôt avec leurs conditions d’existence. On ne pourra pas non plus combattre le réchauffement climatique en recyclant nos déchets ! Du moins, pas uniquement. En mettant l’accent sur le recyclage, on sous-estime l’immensité du problème, mais aussi notre propre pouvoir. Parce que si vous voulez changer de système, ça ne passera pas par ce que vous mettez dans votre caddie, mais par le fait de s’organiser pour transformer la société. Et c’est l’unique façon dont une société peut évoluer. Personne n’est allé faire les courses de façon responsable pour mettre un terme à l’esclavage ! Personne n’est sorti de chez lui pour acheter de bons produits afin que les femmes obtiennent le droit de vote ! Tout cela dépasse le niveau des consommateurs. Il va falloir s’organiser pour la transformation, c’est la seule façon de combattre.

    C’est pour ça que le dernier mot de votre livre est « révolution » ?

    Si nous continuons comme ça, la planète sur laquelle nous vivons sera en grande partie inhabitable. Si je vous dis que j’ai l’idée révolutionnaire de transformer le monde pour le rendre inhabitable, vous me répondrez qu’il faudrait que j’évite de faire ça. Le problème, c’est que si je vous dis que j’ai l’idée révolutionnaire de se détourner du capitalisme pour vivre mieux qu’aujourd’hui, vous me diriez la même chose. On choisit sa révolution. Soit on essaye de maintenir les choses comme elles sont, avec leur cortège d’exploitation, de racisme et de sexisme, la sixième extinction de masse, et la transformation écologique pour prétendre que tout va bien se passer. Soit on accueille le changement à venir, et on tente de s’y connecter.

    Les systèmes sociaux meurent rapidement. Le féodalisme a par exemple disparu pendant une période de changement climatique et d’épidémies. Plusieurs expériences ont été tentées pour remplacer le féodalisme, et parmi elles, c’est le capitalisme qui a gagné. Ce que je veux dire, c’est que nous pouvons choisir le monde que nous voulons construire maintenant pour être capables de supporter l’après-capitalisme. On peut choisir sa révolution, mais la chose qu’on ne peut pas choisir, c’est de l’éviter. Le capitalisme nous rend aveugles à la révolution qu’il opère lui-même à la surface de la planète en ce moment.

    Donc, selon vous, il faudrait se tourner vers le concept d’écologie-monde pour reprendre espoir ?

    Une partie de ce que l’on voulait faire avec Comment notre monde est devenu cheap, c’était d’articuler théoriquement ce qui est déjà en train d’advenir. Je suis très inspiré par ce que met en place le mouvement paysan La Via Campesina. Ce mouvement international qui regroupe des petits paysans fait un travail incroyable, notamment en Amérique du Sud, en promouvant l’agroécologie.

    L’agro-écologie est un moyen de cultiver la terre qui est totalement à l’opposé de l’agriculture industrielle. Au lieu de transformer un champ en usine en annihilant toute la vie qui s’y trouve, vous travaillez avec la nature pour mettre en place une polyculture. Cela vous permet de lutter contre le réchauffement en capturant plus de carbone, et de vous prémunir contre ses effets en multipliant le type de récoltes. Enfin, vous vous organisez socialement pour soutenir le tout et gérer les ressources et leur distribution, ce qui ne peut se faire sans combattre le patriarcat. Voilà un exemple de mouvement fondé autour d’une lutte contre l’OMC et qui a évolué en une organisation qui combat les violences domestiques, le patriarcat et le réchauffement climatique. C’est un exemple concret, et presque magique, d’intersection entre les choses « cheap » que nous évoquons dans notre livre. Et tout cela est rendu possible parce que le mouvement est autonome et pense par lui-même, sans s’appuyer sur de grands espoirs, mais sur l’intelligence de chaque paysan.

    Votre livre compte 250 pages de constat, pour 10 pages de solution. Est-ce qu’il est vraiment si compliqué que ça d’accorder plus de place aux solutions ?

    Il y a déjà des organisations qui travaillent sur des solutions. Mais pour comprendre leur importance et pourquoi elles se dirigent toutes vers une rupture d’avec le capitalisme, on s’est dit qu’il était de notre devoir de regrouper un certain nombre d’idées qui parcourent le monde universitaire et le travail de nos camarades au sein des mouvements sociaux. Notre rôle me semble être de théoriser ce qui se passe déjà, et de nourrir nos camarades intellectuellement. Et ces sept choses « cheap » pourraient être une nouvelle manière d’appréhender nos systèmes alimentaires et tout ce que l’on décrit dans l’ouvrage, mais pas seulement. Le cadre théorique pourrait aussi s’appliquer à la finance, au patriarcat ou au racisme, et permettre aux mouvements en lutte de se rendre compte qu’il faut qu’ils se parlent beaucoup plus. Nous n’avions pas l’objectif de faire un catalogue de solutions, encore moins un programme politique : beaucoup d’acteurs engagés font déjà de la politique, et c’est vers eux qu’il faut se tourner si vous voulez changer les choses maintenant, sans attendre l’effondrement.

    https://usbeketrica.com/article/changer-de-systeme-ne-passera-pas-par-votre-caddie
    #intersectionnalité #mouvements_sociaux #post-capitalisme #capitalisme #alternatives #nature #responsabilité #résistance

    • Comment notre monde est devenu cheap

      « Cheap » ne veut pas simplement dire « bon marché ». Rendre une chose « #cheap » est une façon de donner une valeur marchande à tout, même à ce qui n’a pas de #prix. Ainsi en va-t-il d’un simple nugget de poulet. On ne l’achète que 50 centimes, alors qu’une organisation phénoménale a permis sa production : des animaux, des plantes pour les nourrir, des financements, de l’énergie, des travailleurs mal payés…
      Déjà, au XIVe siècle, la cité de Gênes, endettée auprès des banques, mettait en gage le Saint Graal. Christophe Colomb, découvrant l’Amérique, calculait ce que valent l’eau, les plantes, l’or… ou les Indiens. Au XIXe siècle, les colons britanniques interdisaient aux femmes de travailler pour les cantonner aux tâches domestiques gratuites. Jusqu’à la Grèce de 2015, qui remboursait ses dettes en soldant son système social et ses richesses naturelles.
      Le capitalisme a façonné notre monde : son histoire, d’or et de sang, est faite de conquêtes, d’oppression et de résistances. En la retraçant sous l’angle inédit de la « cheapisation », Raj Patel et Jason W. Moore offrent une autre lecture du monde. De cette vision globale des crises et des luttes pourrait alors naître une ambition folle : celle d’un monde plus juste.

      https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/documents-temoignages-et-essais-d-actualite/comment-notre-monde-est-devenu-cheap

      #livre

  • We won’t save the Earth with a better kind of disposable coffee cup

    We must challenge the corporations that urge us to live in a throwaway society rather than seeking ‘greener’ ways of maintaining the status quo.
    Do you believe in miracles? If so, please form an orderly queue. Plenty of people imagine we can carry on as we are, as long as we substitute one material for another. Last month, a request to Starbucks and Costa to replace their plastic coffee cups with cups made from corn starch was retweeted 60,000 times, before it was deleted.

    Those who supported this call failed to ask themselves where the corn starch would come from, how much land would be needed to grow it, or how much food production it would displace. They overlooked the damage this cultivation would inflict: growing corn (maize) is notorious for causing soil erosion, and often requires heavy doses of pesticides and fertilisers.

    The problem is not just plastic: it is mass disposability. Or, to put it another way, the problem is pursuing, on the one planet known to harbour life, a four-planet lifestyle. Regardless of what we consume, the sheer volume of consumption is overwhelming the Earth’s living systems.
    Retailers likely to face backlash for failing to curb plastic use, survey finds

    Don’t get me wrong. Our greed for plastic is a major environmental blight, and the campaigns to limit its use are well motivated and sometimes effective. But we cannot address our environmental crisis by swapping one overused resource for another. When I challenged that call, some people asked me, “So what should we use instead?”

    The right question is, “How should we live?” But systemic thinking is an endangered species.

    Part of the problem is the source of the plastic campaigns: David Attenborough’s Blue Planet II series. The first six episodes had strong, coherent narratives but the seventh, which sought to explain the threats facing the wonderful creatures the series revealed, darted from one issue to another. We were told we could “do something” about the destruction of ocean life. We were not told what. There was no explanation of why the problems are happening and what forces are responsible, or how they can be engaged.

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    Amid the general incoherence, one contributor stated: “It comes down, I think, to us each taking responsibility for the personal choices in our everyday lives. That’s all any of us can be expected to do.” This perfectly represents the mistaken belief that a better form of consumerism will save the planet. The problems we face are structural: a political system captured by commercial interests, and an economic system that seeks endless growth. Of course we should try to minimise our own impacts, but we cannot confront these forces merely by “taking responsibility” for what we consume. Unfortunately, these are issues that the BBC in general and David Attenborough in particular avoid. I admire Attenborough in many ways, but I am no fan of his environmentalism. For many years, it was almost undetectable. When he did at last speak out, he avoided challenging power – either speaking in vague terms or focusing on problems for which powerful interests are not responsible. This tendency may explain Blue Planet’s skirting of the obvious issues.

    The most obvious is the fishing industry, which turns the astonishing life forms the rest of the series depicted into seafood. Throughout the oceans, this industry, driven by our appetites and protected by governments, is causing cascading ecological collapse. Yet the only fishery the programme featured was among the 1% that are in recovery. It was charming to see how Norwegian herring boats seek to avoid killing orcas, but we were given no idea of how unusual it is.

    Even marine plastic is in large part a fishing issue. It turns out that 46% of the Great Pacific garbage patch – which has come to symbolise our throwaway society – is composed of discarded nets, and much of the rest consists of other kinds of fishing gear. Abandoned fishing materials tend to be far more dangerous to marine life than other forms of waste. As for the bags and bottles contributing to the disaster, the great majority arise in poorer nations without good disposal systems. But because this point was not made, we look to the wrong places for solutions.

    From this misdirection arise a thousand perversities. One prominent environmentalist posted a picture of the king prawns she had bought, celebrating the fact that she had persuaded the supermarket to put them in her own container rather than a plastic bag, and linking this to the protection of the seas. But buying prawns causes many times more damage to marine life than any plastic in which they are wrapped. Prawn fishing has the highest rates of bycatch of any fishery – scooping up vast numbers of turtles and other threatened species. Prawn farming is just as bad, eliminating tracts of mangrove forests, crucial nurseries for thousands of species.

    We are kept remarkably ignorant of such issues. As consumers, we are confused, bamboozled and almost powerless – and corporate power has gone to great lengths to persuade us to see ourselves this way. The BBC’s approach to environmental issues is highly partisan, siding with a system that has sought to transfer responsibility for structural forces to individual shoppers. Yet it is only as citizens taking political action that we can promote meaningful change.

    The answer to the question “How should we live?” is: “Simply.” But living simply is highly complicated. In Aldous Huxley’s Brave New World, the government massacred the Simple Lifers. This is generally unnecessary: today they can safely be marginalised, insulted and dismissed. The ideology of consumption is so prevalent that it has become invisible: it is the plastic soup in which we swim.

    One-planet living means not only seeking to reduce our own consumption, but also mobilising against the system that promotes the great tide of junk. This means fighting corporate power, changing political outcomes and challenging the growth-based, world-consuming system we call capitalism.

    As last month’s Hothouse Earth paper, which warned of the danger of flipping the planet into a new, irreversible climatic state, concluded: “Incremental linear changes … are not enough to stabilise the Earth system. Widespread, rapid and fundamental transformations will likely be required to reduce the risk of crossing the threshold.”

    Disposable coffee cups made from new materials are not just a non-solution: they are a perpetuation of the problem. Defending the planet means changing the world.


    https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/sep/06/save-earth-disposable-coffee-cup-green
    #société_de_la_consommation #consommation #consumérisme #plastique #publicité #moins_consommer

  • Pour le moment Julian Turner, Stanley Meyer, Phillip et Jimmy Brown ne me proposent rien de très nouveau, ils et elles se répètent pas mal (perte de poids et repousse des cheveux pour le jour de commémoration des morts et mortes au combat, et d’ailleurs je crois que c’est aujourd’hui), je vais sans doute attendre qu’ils et elles renouvellent leurs offres.

    #les_poètes_du_spam

    A cette occasion je me rends compte que je dois peut-être une explication à celles et ceux qui me suivent. Il y a un an à peu près, j’ai mis un terme à l’expérience du Désordre (http://www.desordre.net) à laquelle j’avais travaillé pendant dix-sept ans. Et cela ne me manque pas du tout (je crois qu’ilé tait vraiment temps d’arrêter, j’ai rarement pris d’aussi sages décisions de toute ma vie), à l’exception d’une toute petite chose de rien du tout : je n’ai plus de cahier de brouillon.

    J’ai fini le Désordre avec #qui_ça (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/index) que j’ai en partie brouillonné sur seenthis et du coup, le pli pris, j’ai commencé à me serir un peu de seenthis comme d’un cahier de brouillon pour de nouveaux projets, tels que #mon_oiseau_bleu ou encore les #moindres_gestes.

    L’avenir dira si par exemple Mon Oiseau bleu, mêlé à un autre texte écrit au même moment pourra devenir un livre, c’est un texte qui désormais dans mon ordinateur a une allure très différente de celle des brouillons que je laisse sur seenthis.

    J’spère sincèrement que ce faisant je ne dénature pas de trop les fonctions vitales de notre #Facebook_bio bref que je me comporte en hôte délicat.

  • Novartis a versé 400’000 dollars à une société liée à l’avocat de Trump RTS - mre - 9 Mai 2018

    La défense de l’actrice porno Stormy Daniels a révélé mardi que Novartis avait versé de l’argent à une société liée à l’avocat de Donald Trump. Le géant suisse a été contacté par le procureur spécial Mueller à ce sujet.

    La société Essential Consultants, contrôlée par Michael Cohen, a reçu entre fin 2017 et début 2018 quatre versements de 100’000 dollars en provenance de Suisse, révèle un document rendu public par l’avocat de Stormy Daniels.


    L’avocat de Stormy Daniels souligne que les versements ont eu lieu juste avant une rencontre à Davos entre Donald Trump et le future CEO de Novartis

    "En février 2017, Novartis a conclu un contrat d’un an avec #Essentiel_Consultants peu de temps après l’élection du président Trump. L’accord s’est concentré sur les questions de politique de santé aux États-Unis, a expliqué à reuters mercredi Novartis, qui a précisé que l’accord « a expiré en février 2018 ».

    La même société qui a payé pour le silence de Stormy Daniels
    Le groupe bâlois a affirmé avoir été contacté par l’équipe du procureur spécial Robert Mueller, qui enquête sur une éventuelle collusion entre l’équipe de campagne de Trump et Moscou : « Novartis a coopéré et transmis toutes les informations demandées et considère cette affaire comme close ».

    Essential Consultants est la structure qui a payé 130’000 dollars à #Stormy_Daniels en échange de son silence sur une relation supposée avec Donald Trump.


    #novartis #big_pharma #industrie_pharmaceutique #corruption #lobbying #capitalisme #pharmacie #influence #trump #etats-unis #international #donald_trump #usa #états-unis #metoo #balancetonporc #moiaussi #me_too

  • Repenser la critique du capitalisme à partir de la domination sociale du temps et du travail. Entretien de Moishe Postone avec Stephen Bouquin et Anselm Jappe
    http://www.palim-psao.fr/article-repenser-la-critique-du-capitalisme-a-partir-de-la-domination-soc

    S.B. : Est-ce que la domination sociale inclut ou exclut une opposition ou des formes de résistances ?

    M. P. : Tout d’abord, je n’aime pas trop la notion de « résistance » car elle semble suggérer que la société est une totalité unie et qu’il y aurait des zones résiduelles qui ne seraient pas totalement dominées par le capital. Je pense que ce n’est pas une bonne interprétation de ce qu’est la société moderne. Cette notion de « résistance », surtout quand elle est utilisée à la manière foucaldienne, nous conduit à étudier les hôpitaux psychiatriques et les prisons en y cherchant à y retrouver des modes de refus, des « résistances ». La même chose vaut pour le « tiers monde » et ainsi de suite, avec l’idée qu’il s’agirait d’espaces qui ne seraient pas subsumés [par le capital]. A l’inverse de cette manière de voir, je pense que le capitalisme a en lui-même généré des possibilités qu’il ne peut réaliser et c’est cet écart entre ce que le capitalisme génère et ce qu’il satisfait réellement qui ouvre un espace d’opposition (discontent). Au lieu de se fonder sur ce qui n’existe plus, il s’agit alors d’une opposition basée sur ce qui pourrait être mais qui n’advient pas. La notion de résistance est, à mon avis, complètement non dialectique. En plus, elle implique aussi de distinguer les bonnes et les mauvaises formes de résistance, mais sur quelle base ? Comment dire que le fondamentalisme chrétien est une « mauvaise résistance » et qu’autre chose serait une « bonne résistance » ?

    S. B. : Quel mot préférez-vous alors ?

    M. P. : Opposition, « discontent » et aussi désir d’un changement fondamental. La notion de résistance n’implique pas la transformation, il s’agit juste de tenir à distance, de nager sous la glace si vous voulez. Cette notion devient d’autant plus populaire que les résistances se font rares.

    S.B. : Je ne suis pas d’accord avec vous. Il y a plusieurs acceptions et si certaines tendent à mélanger toutes sortes de conduites sociales, y compris fonctionnelles ou indispensables à la reproduction sociale, on ne doit pas mépriser l’action qui consiste à mettre des grains de sable dans les rouages, qui expriment une dissidence, même de manière clandestine. Je pense ici aux travaux de l’anthropologue James Scott… C’est aussi une manière de dire que la domination n’est jamais absolue ni définitive. Ce n’est pas rien de penser cela car beaucoup ne voient que les machineries de contrôle et la force des automatismes sociaux.

    M. P. : C’est vrai, mais cet usage du mot est plutôt marginal. Pour ma part, j’essaie de pousser la réflexion en avant. Je pense que le capital génère aussi des possibilités et l’idée de résistance ne permet pas de penser dans ce sens-là. Surtout, aux Etats-Unis, on la voit partout et certains écrivent même que tel ou tel show télévisé, c’est de la résistance. C’est ridicule. Tout ce qui n’est pas robotisé serait de la résistance ? Quand on se promène avec son froc sur les chevilles, ce serait alors de la résistance ?

    S. B. : Mais quid du sabotage, du freinage ? Ce sont quand-même des conduites qui s’opposent pratiquement à l’exploitation, à l’extorsion de la survaleur ? Ce sont-là des expériences et une ressource possible pour l’action collective.

    M. P. : D’accord, mais le freinage ou le sabotage ne sont pas des propositions gagnantes (winning proposition), elles n’offrent que la possibilité d’atténuer ce qui existe. Personne ne nie la capacité d’agir, enfin aux USA en tout cas, rares sont ceux qui défendent cette idée. Le problème fondamental est celui des représentations unidimensionnelles de la réalité sociale, incapables de saisir les possibilités émancipatoires de la société elle-même, à partir de ce que le capitalisme génère, en tant que mouvement permanent de destruction créatrice. C’est bien le problème de Foucault qui est allé le plus loin dans cette acception des résistances comme mode d’actualisation du pouvoir, comme conduites auto-défaillantes. Je pense que Marx va plus loin et qu’il est bien meilleur [rire].

    #Moishe_Postone #Marx #critique_de_la_valeur #temps #travail #critique_du_travail #capitalisme #philosophie