• Mort du pape François : un pontificat marqué par un long combat en faveur des migrants
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/22/mort-du-pape-francois-un-pontificat-marque-par-un-long-combat-en-faveur-des-

    Le long combat du pape François pour défendre les migrants
    Par Julia Pascual
    C’est à Lampedusa, confetti italien de 20 kilomètres carrés en mer Méditerranée, que le pape François, mort lundi 21 avril à l’âge de 88 ans, avait effectué, le 8 juillet 2013, le premier voyage de son pontificat. Et c’est depuis cette île proche des côtes tunisiennes, assimilée à une porte de l’Europe, qu’il avait fustigé « l’indifférence » du monde au sort des migrants lors d’une messe suivie par plus de 10 000 personnes dans le petit stade de l’île.
    « Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence », avait-il lancé, évoquant « des immigrés morts en mer, sur ces bateaux qui, au lieu d’être un chemin de l’espérance, ont été une route vers la mort ». « Ne permettons pas que la “mare nostrum” ne se transforme en une désolante “mare mortum” », avait encore déclaré François. Depuis 2014, près de 32 000 personnes ont disparu en essayant de rejoindre le continent européen par la mer.
    « Ensemble, en tant qu’une unique famille humaine, nous sommes tous des migrants », considérait encore ce fils et petit-fils de migrants arrivés du Piémont en Argentine en 1929. « Au fil des ans, il a constamment plaidé pour un accueil digne et humain des migrants, condamnant fermement les politiques de rejet et qualifiant même de “péché grave” les tentatives systématiques de repousser les migrants », rappelait Marcela Villalobos Cid, coordinatrice pastorale de réseaux au sein de la Conférence des évêques de France, dans un texte paru en février.
    L’Argentin a martelé son message d’ouverture aux exilés, plaçant la question migratoire au cœur de son « programme pontifical » et multipliant les gestes symboliques. En 2016 et en 2021, il s’est rendu sur l’île grecque de Lesbos, autre porte d’entrée vers le continent et théâtre de nombreux naufrages. La première fois, après avoir prôné la solidarité, il était reparti avec, dans son avion, douze réfugiés syriens qui avaient bénéficié de couloirs humanitaires grâce à la communauté laïque Sant’Egidio.
    En 2016, il s’était également déplacé à Ciudad Juarez, à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis − en février, il s’était encore attiré les foudres de la Maison Blanche en condamnant, dans une lettre adressée aux évêques américains, les expulsions massives de migrants voulues par Donald Trump −, et, en septembre 2023, lors de sa venue à Marseille en clôture des Rencontres méditerranéennes, il avait dénoncé le « fanatisme de l’indifférence » face aux naufrages, remerciant les humanitaires qui sauvent des vies en mer, condamnant les politiques prompts à les en empêcher.
    « Ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas, ils cherchent un accueil », avait-il encore affirmé, ramenant la migration à un simple « fait de société ». Dans la troisième encyclique de son pontificat, Fratelli tutti, parue en octobre 2020, le pontife argentin était longuement revenu sur le traitement réservé aux migrants, marqué par le repli sur soi et le manque de fraternité. Il avait alors dénoncé les chrétiens qui considèrent que les migrants sont « dotés de moins d’humanité », faisant « prévaloir certaines préférences politiques sur les convictions profondes de leur foi : la dignité inaliénable de chaque personne indépendamment de son origine, de sa couleur ou de sa religion ». Il y affirmait qu’« une ouverture saine ne porte jamais atteinte à l’identité », car « une culture vivante ne copie pas ou ne reçoit pas simplement, mais intègre les nouveautés à sa façon ».
    Des positions qui n’ont pas manqué de froisser une partie des catholiques. « S’il y a un domaine où le discours du pape dérange plus que tout autre, c’est probablement celui de l’immigration où l’Eglise est souvent restée confinée au registre de l’assistance et de la charité », écrivait le politologue Vincent Geisser dans la revue trimestrielle Migrations société en 2017 (« François, pape des migrants ? »). Il considère que François voit dans le migrant « l’incarnation par excellence de la figure du pauvre ».
    « Il a toujours regardé le monde par le bas, à partir des plus pauvres », corrobore Valérie Régnier, vice-présidente de Sant’Egidio, qui a développé son programme de couloirs humanitaires à partir de l’homélie de Lampedusa. Depuis sa mise en place en 2016, plus de 8 000 réfugiés ont été accueillis, à travers des voies légales, en Italie, en France et en Belgique.
    « Quand le pape a dénoncé la mondialisation de l’indifférence, il nous a encouragés à réfléchir face à une culture du repli, du rejet des autres », retrace Mme Régnier. « C’est une boussole dans nos actions, abonde le président du Secours catholique, Didier Duriez. Nous prônons un accueil inconditionnel depuis 1946 et nous recevons beaucoup de migrants dans nos 80 accueils de jour, dont celui de Calais. Donc, quand le pape rappelle ce devoir d’accueil, c’est important. »

    #Covid-19#migrant#migration#vatican#pape#mondialisation#droit#sante#protection

  • « L’#hypocrisie des #puces_électroniques#made_in_France” »

    Relocaliser l’industrie numérique, telle que la production de puces électroniques, est un #leurre. #Quartz, #silicium, #cobalt... viennent du Sud global. « Le #numérique est une #technologie_impériale », résume notre chroniqueuse.

    C’était un mot qui faisait souffler un vent d’idéalisme, un mot de contre-sommet plus que de journal télévisé : « relocaliser ». Dans les années 2000, les altermondialistes voulaient « relocaliser l’économie ». Défendre la menuiserie de bois local contre la production mondialisée d’Ikea, soutenir l’agriculture paysanne contre la monoculture d’exportation. Le monde entier était devenu la base logistique des multinationales. Relocalisation et coopération s’opposaient à ce libre-échange impérial qui permet d’obtenir de l’huile de palme d’Indonésie ou du soja d’Amazonie cultivé sur les terres ancestrales des peuples autochtones.

    Mais en vingt ans, et plus encore depuis le Covid, « relocaliser » est devenu un mantra du patronat. Ce sont désormais les #multinationales qui demandent à l’État de les aider à rapatrier certaines activités « stratégiques ». Entre-temps, le sens du mot a complètement changé. Le but est aujourd’hui de « sécuriser les #chaînes_d’approvisionnement » : aider l’industrie à avoir sous le coude #matières_premières et #composants.

    Imaginez qu’un missile tombe sur Taïwan où se trouvent les principales fonderies de semiconducteurs, ces puces électroniques présentes dans le moindre objet du quotidien (Il y en a 160 dans un téléphone, plus de 3 500 dans une voiture hybride [1]). Voilà qui mettrait à l’arrêt la production de voitures, de drones, de satellites, d’objets connectés et d’armement (la France étant le deuxième exportateur d’armes du globe).

    Les multinationales n’ont pas subitement décidé qu’un autre monde était possible et qu’elles devaient exploser en millions de coopératives locales. C’est plutôt que, pour elles, la planète n’est plus cette base logistique commodément aménagée par les politiques de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. L’hégémonie occidentale est terminée. Il y a plusieurs empires en concurrence pour les ressources et les marchés. Tous veulent des #métaux, des #semiconducteurs, etc. pour produire peu ou prou les mêmes objets.

    #Dépendance à un vaste tissu économique mondialisé

    C’est dans ce contexte que les députés européens ont voté en juillet 2023 le #Chips_Act. Objectif : produire sur le continent 20 % de la demande européenne de semiconducteurs. À #Crolles, près de #Grenoble, l’État va consacrer 2,9 milliards du #Plan_France_Relance pour augmenter les capacités de l’usine #STMicroelectronics, un groupe franco-italien dont le siège est en Suisse.

    Une usine de semiconducteurs est-elle relocalisable comme la production de chaussettes, qu’on peut approvisionner en laine de brebis du causse d’à côté ? En quoi consiste la production de puces électroniques ? À cette question, le #collectif_Stop_Micro a consacré toute une enquête (https://stopmicro38.noblogs.org/post/2024/11/01/ce-que-signifie-relocaliser), publiée en amont des rencontres organisées à Grenoble du 28 au 30 mars avec Les Soulèvements de la Terre.

    Décrivant les étapes de la production d’une puce électronique, ce document d’une quarantaine de pages illustre « le degré de dépendance de l’industrie de la #microélectronique à un vaste tissu économique mondialisé ». « Les produits made in France de ST sont en réalité de purs produits de la #mondialisation capitaliste, et ne pourraient exister sans elle », conclut-il.

    Fondé en 2022, #Stop_Micro s’oppose à l’agrandissement des usines de puces électroniques, deux sites industriels situés en Isère qui consommeront bientôt plus d’#eau et d’#électricité qu’une ville de 200 000 habitants. Ces besoins colossaux s’expliquent par le degré de #miniaturisation des composants. Sur la moindre puce de quelques millimètres sont gravés des dizaines de milliards de #transistors dont chacun est « 10 000 fois plus fin qu’un cheveu humain », précise l’Esia, l’association européenne des semiconducteurs, dans une brochure. De l’#eau_potable ultrapure est nécessaire pour laver les plaquettes de silicium et les débarrasser de contaminants présents à l’échelle nanométrique.

    Milliards de #subventions_publiques

    Pourtant, malgré leur consommation de ressources, les usines de STMicroelectronics à Crolles et de #Soitec à #Bernin « ne produisent formellement même pas “des puces” », selon le collectif. En résumant beaucoup, disons qu’une puce électronique commence avec l’extraction de quartz dans une carrière puis sa transformation en silicium métal dans de hauts fourneaux. Pour atteindre le niveau de pureté de 99,9999999 % requis pour les semiconducteurs, il faut y ajouter de nombreuses étapes impliquant produits chimiques et hautes températures pour obtenir des lingots de silicium monocristallin ultrapur qui sont ensuite découpés en galettes très fines (#wafers).

    Ce n’est qu’à ce stade qu’interviennent les usines grenobloises. Elles reçoivent ces galettes pour y graver « par photolithographie (dans l’esprit d’une photo argentique mais en autrement plus complexe), des milliards de transistors et circuits miniatures ». À la sortie de ces usines, la puce n’existe pas encore comme objet séparé, précise Stop Micro. C’est dans d’autres sites en Asie qu’elles sont découpées, testées et préparées individuellement de façon à pouvoir être intégrées à des circuits électroniques. Ces usines « relocalisées » en Isère au moyen de milliards de subventions publiques ne sont donc qu’une étape parmi des dizaines d’autres, réparties sur toute la planète.

    Autre exemple : une minuscule puce peut contenir des dizaines de métaux différents : arsenic, tantale, titane, antimoine, gallium…. #Intel, le plus grand vendeur de semiconducteurs au monde, a travaillé pendant six ans pour retracer la provenance du #cobalt qu’il utilise afin de comprendre s’il est extrait dans des zones de guerre en République démocratique du Congo. L’entreprise n’y est parvenue qu’en partie, alors que le cobalt n’est qu’un seul de tous les métaux utilisés.

    Le fait que STMicro, à Crolles, ait plus de 6 600 fournisseurs directs donne une idée de la complexité des process mis en œuvre sur ce gigantesque site. « La fabrication de semiconducteurs est l’activité de fabrication la plus complexe que l’on connaisse actuellement », résume l’Esia. « Avant d’atteindre le stade du produit final, une puce peut faire 2,5 fois le tour du monde et traverser 80 frontières ».

    Des chaînes d’approvisionnement d’une complexité inouïe

    Il y a des technologies emblématiques de certaines formes politiques. Le métier à tisser mécanique, par exemple, cristallise le capitalisme industriel anglais du XIXe : le coton produit en Inde, les usines textiles de Manchester alimentées au charbon, les cotonnades vendues aux marchands d’esclaves africains. La puce de silicium, elle, est emblématique de l’hégémonie néolibérale des puissances occidentales des années 2000.

    Elle nécessite de maîtriser des chaînes d’approvisionnement d’une complexité inouïe, réparties sur des dizaines de pays. C’est la pax americana qui a rendu possible la Silicon Valley. Si cette domination mondiale n’avait pas existé, naturelle au point de passer pour « la fin de l’Histoire », si le monde n’avait pas été cet espace de libre-échange commodément organisé pour achalander les multinationales, il ne serait venu à l’idée de personne de numériser toutes les activités humaines.

    Car au fond, est-il bien raisonnable de rendre une société entière dépendante, pour sa survie, d’un objet qui repose sur l’activité de centaines de mines aux quatre coins du monde, qui franchit en moyenne 80 frontières avant d’atteindre le stade du produit final ? Le numérique est une #technologie impériale. Que devient-il quand l’empire vole en éclats ?

    Pour promouvoir l’activité de ses entreprises, l’Esia souligne que les semiconducteurs sont indispensables « aux soins médicaux critiques », « aux infrastructures d’eau », « à l’agriculture durable qui nourrit le monde ». Faut-il en conclure que tout doit être mis en œuvre pour trouver des terres rares, des galettes de silicium ou du cobalt ? Ou, au contraire, que l’hôpital, la distribution d’eau et l’agriculture devraient absolument pouvoir fonctionner sans informatique ? Qu’il est follement inconséquent de laisser les services essentiels à la merci de la moindre cyberattaque ou rupture d’approvisionnement.

    C’est tout ce qui sépare la quête d’#autonomie et de #sobriété, dont nous avons besoin pour nous protéger autant que pour rendre le monde plus juste, des politiques actuelles de « #souveraineté_industrielle » qui, en augmentant notre dépendance à des technologies impériales, nous condamnent à la guerre des ressources.

    https://reporterre.net/L-hypocrisie-des-puces-electroniques-made-in-France
    #puces #relocalisation #industrie

  • Les diamantaires anversois, inquiets, ne veulent pas de tarifs douaniers européens contre Trump VRT - Anne François

    Les droits de douane supplémentaires à l’importation annoncés par le président américain Donald Trump provoquent une grande incertitude dans le secteur anversois du diamant. De nombreux diamantaires se posent des questions sur leur exportation vers les Etats-Unis. « Nous craignons de devoir payer les droits de douane plus élevés des pays dont proviennent les diamants bruts », explique Ine Tassignon de l’Antwerp World Diamond Centre.

    « Ces dernières heures, notre téléphone ne cesse de sonner et notre boite de courrier électronique déborde. Les diamantaires belges qui font du commerce avec les Etats-Unis se posent beaucoup de questions sur les tarifs douaniers », précise Ine Tassignon. L’Antwerp World Diamond Centre craint que les USA n’imposent des droits de douane plus élevés sur les diamants venant d’Anvers que les 20% annoncés pour l’Europe.


    « Le diamant est réellement un produit mondial. Une pierre brute du Botswana peut être taillée en Inde et vendue à un client de New York via Anvers. Mais pour chacun de ces pays, les Etats-Unis ont annoncé un droit de douane différent : 37% pour le Botswana, 26% pour l’Inde », indique Ine Tassignon.

    L’Antwerp World Diamond Centre suspecte que les USA appliqueront toujours les tarifs de douane à l’importation les plus élevés. « La semaine dernière, un diamantaire belge a dû payer des droits de douane à l’importation de 25% parce que sa pierre précieuse brute venait du Canada », révèle Ine Tassignon. Le Centre y voit un précédent et veut rapidement obtenir des précisions.

    Appel à l’UE : pas de tarifs réciproque sur les diamants
    Les Etats-Unis sont les plus gros acheteurs de diamants taillés. En plus de cela, le plus important laboratoire de reconnaissance, pour la certification des diamants, se trouve à New York.

    « Ce qui signifie que de nombreux diamants bruts sont envoyés d’Anvers vers les Etats-Unis, avant d’être réexpédiés vers Anvers. Il y a énormément de circulation allant dans les deux sens », souligne Ine Tassignon.

    C’est la raison pour laquelle le secteur anversois du diamant appelle la Commission européenne à ne pas imposer de tarifs douaniers réciproques sur le commerce des diamants depuis les USA vers l’Europe. « Cela créerait des barrières supplémentaires qui ne nous feront que du mal ».

    Source : https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2025/04/03/les-diamantaires-anversois-inquiets-ne-veulent-pas-de-tarifs-d
    #douane #diamants #Anvers #économie #frontières #mondialisation #en_vedette #ue

  • La centralité discrète de #Trabzon dans le #commerce mondial « entre pauvres »
    https://metropolitiques.eu/La-centralite-discrete-de-Trabzon-dans-le-commerce-mondial-entre-pau

    Loin des dynamiques de #mondialisation les plus visibles, l’anthropologue Alain Tarrius évoque les réseaux mondiaux de l’économie souterraine et comment ils se sont un temps structurés au bénéfice de Trabzon, ville turque de la #mer_Noire. Entretien réalisé par Antoine Fleury et Jean-François Pérouse. Lorsqu’on parle de mondialisation, les premières images qui viennent à l’esprit sont souvent celles des places financières ou des multinationales. Depuis plusieurs décennies, Alain Tarrius et ses collègues #Entretiens

    / Trabzon, mer Noire, mondialisation, pauvreté, mobilité, commerce, #transport, #Méditerranée

    #pauvreté #mobilité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_entretien_tarrius.pdf

  • Quand le capitalisme fait sécession · Haud Guéguen
    https://www.terrestres.org/2024/04/02/quand-le-capitalisme-fait-secession

    À propos de Quinn Slobodian, Crack-Up Capitalism : Market Radicals and the Dream of a World Without Democracy, Dublin, Penguin Books, 2023, 352 pp.

    .... si Les Globalistes se terminait dans les années 1990, avec cette apogée du projet globaliste qu’est la création, à Genève, de l’OMC (et avec les premières manifestations de crise de la globalisation), c’est ici un phénomène en apparence contradictoire qui se trouve pris pour point de départ : une tendance à la « perforation » (p. 16) ou à la « fragmentation » (p. 18) du monde que Slobodian décèle à travers la multiplication toujours croissante du principe de la « zone » économique spéciale – liminairement définie comme une « enclave creusée dans une nation et libérée des formes ordinaires de régulation » (p. 13) – dont il montre qu’elle s’initie à partir des années 1970 dans la colonie anglaise de Hong Kong, et dont la carte qu’il en dresse à l’échelle mondiale n’en dénombre pas moins que 5400 à l’heure actuelle.

    En faisant le choix de s’installer dans cette « histoire du passé récent et de notre présent troublé » (p. 19) qu’est celle des quatre dernières décennies, il s’agit ainsi de s’attacher à ce qui n’est en réalité pas tant le contraire que l’autre face de la globalisation néolibérale : ce que Slobodian désigne comme le processus de « zonification » ou la prolifération d’espaces visant à l’optimisation du capital au moyen d’une neutralisation de la démocratie, dont l’auteur souligne qu’elle ne s’opère pas tant contre les États qu’elle ne s’opère au moyen de leur propre coopération. Des zones franches aux paradis fiscaux, des charters cities et des gated communities aux start-up nations ou aux utopies de la Silicon Valley, c’est donc une certaine tendance du capitalisme contemporain à faire « sécession » – ou, dit autrement, à se fortifier en se mettant à l’abri de tout contrôle démocratique – que Slobodian nous invite à regarder de plus près en s’attachant à la multiplicité de ces « enclaves » et des figures qui les promeuvent (de Milton, David et Patri Friedman à Murray Rothbard ou Peter Thiel pour ne citer que quelques-uns des plus connus).

    [...]
    .... en racontant ce qu’on pourrait se risquer à appeler cette « histoire des vainqueurs », Slobodian donne à voir une tendance dont il interroge la logique propre et les scénarios futurs qu’elle esquisse en montrant comment, à travers toutes ces expérimentations et conformément au projet politique qui les soutient, la valorisation de la liberté économique va de pair avec une désactivation de toute liberté politique. Une telle fétichisation de la liberté économique ne s’accompagnant pas seulement d’un conservatisme raciste ou sociobiologique (...) mais de formes plus ou moins assumées de néo-colonialisme (l’idée étant d’appréhender la fondation de nouvelles « zones » comme la conquête de nouveaux territoires supposant une main d’oeuvre au moindre prix et privée de droits).

    L’ « utopie » que dessine la tendance capitaliste à la « zonification » (p. 99) du monde est donc celle d’un monde où la notion même de droit se trouve entièrement transférée du plan politique au plan économique. Mais, comme le souligne très finement Slobodian à propos des rêves sécessionnistes d’une figure de la Silicon Valley comme Valaji Srinivasan (auteur d’un ouvrage intitulé The Network State : How to Start a New Country), c’est aussi celle de ce qu’on pourrait appeler un monde non terrestre, puisque c’est en réalité la question des ressources qui se trouve occultée (...)

    https://seenthis.net/messages/1032891
    #Quinn_Slobodian #capitalisme #État #zones_franches #histoire_contrefactuelle #géographie_politique #Ciskei #libertariens #liberté_économique

    • Quinn Slobodian, historien : « Il faut oublier cette idée reçue selon laquelle le capitalisme et la démocratie se renforcent mutuellement »

      L’historien estime (...) que la démocratie est menacée par l’évolution de l’économie, et notamment par la réalisation d’un rêve ultralibéral : la multiplication des zones économiques spéciales échappant aux règles démocratiques. Propos recueillis par Pascal Riché

      Après avoir exploré l’histoire intellectuelle du néolibéralisme dans Les Globalistes (Seuil, 2022), Quinn Slobodian, historien canadien spécialiste de l’histoire globale et professeur à l’université de Boston, poursuit son enquête sur cette école de pensée dans Le Capitalisme de l’apocalypse ou le rêve d’un monde sans démocratie (Seuil, 384 pages, 25,50 euros).

      Le titre original de votre livre est « Crack-Up Capitalism », le capitalisme à fragmentation. Que désigne cette expression ?

      Elle nous invite d’abord à réfléchir à la géographie du capitalisme d’aujourd’hui. Le capitalisme a été marqué ces dernières décennies non seulement par l’intégration des échanges (la mondialisation), mais aussi par la création d’une variété gigantesque d’instances destinées à favoriser les investisseurs et leurs profits : zones économiques spéciales, ports francs, parcs d’affaires…

      La deuxième utilisation du terme « crack-up capitalism » est plus normative. Elle renvoie à la vision de libertariens radicaux qui, depuis l’économiste Friedrich Hayek jusqu’à l’investisseur Peter Thiel, rêvent de l’effondrement du système des Etats-nations. Ils imaginent un monde post-démocratique et même post-nations. L’humanité serait organisée en villes privées – ce qu’ils appellent des charter states (« Etats à charte ») –, dans lesquelles le principe de gouvernance ne serait plus « un homme, une voix ». Elles seraient gouvernées comme des entreprises.

      Ce fantasme correspond-il déjà à une réalité ?

      En partie. Aujourd’hui, on compte plus de 6 000 zones économiques spéciales, au cœur de la production et des flux financiers, à l’échelle mondiale. De même, les gated communities (« communautés fermées ») aux Etats-Unis, qui n’existaient quasiment pas il y a un demi-siècle, se comptent par dizaines de milliers aujourd’hui.

      Une réorganisation de la vie humaine est donc bien en cours. Savoir si elle prépare un monde « post-Etat-nation » reste une question ouverte. Mon livre tente de comprendre pourquoi des personnalités issues de l’élite rêvent d’une telle dystopie.

      Ces zones, dans l’esprit de ces idéologues, sont des outils pour se passer des Etats. Mais à la fin du livre, vous dites qu’elles sont en fait des outils au service de ces derniers : Chine, Arabie saoudite, Dubaï… N’est-ce pas paradoxal ?

      Il y a toujours une dialectique entre les utopies et la réalité dans laquelle elles s’inscrivent. Le socialisme utopique au XIXe siècle était une façon de lire les mutations qui avaient alors lieu : l’essor de la classe ouvrière, la production de masse… De même, les anarcho-capitalistes et libertariens radicaux d’aujourd’hui voient, dans un monde de contractuels, de chauffeurs Uber, de médias sociaux et de cryptomonnaies, ce que pourrait être un autre futur politique si ces tendances étaient accélérées. Le fait est que la multiplication des zones spéciales ne semble pas près de provoquer l’effondrement des Etats-nations.

      Il est plus difficile de se débarrasser des Etats que de la démocratie…

      Absolument ! De ce point de vue, il faut oublier cette idée reçue – et relativement récente – selon laquelle le capitalisme et la démocratie se renforcent mutuellement. Joseph Schumpeter, dans les années 1940, était convaincu, comme d’autres alors, que l’avènement de la démocratie signifierait la fin du capitalisme, car les citoyens utiliseraient leur vote pour collectiviser les moyens de production. A l’inverse, des penseurs comme Milton Friedman, dans les années 1970, étaient sceptiques à l’idée que le capitalisme allait de pair avec la démocratie. Ils arguaient qu’un excès de démocratie conduisait à des inefficacités et que cela ralentissait la production. Friedman admirait alors Hongkong, un territoire qui était davantage géré comme une entreprise que comme un pays.

      Le récit habituel que l’on fait de l’après-guerre froide est plein de clichés et de platitudes : le triomphe de la démocratie, un mouvement vers une plus grande intégration supranationale, le succès du multilatéralisme, et, globalement, un progrès…

      C’est la rhétorique de « la fin de l’histoire », selon le titre du fameux livre de Francis Fukuyama, en 1992…

      Oui ! Mais contrairement à ce récit, la démocratie et le capitalisme ne sont pas allés de pair. La priorité donnée à la liberté économique plutôt qu’à la liberté politique – ce pourrait être une définition du néolibéralisme – a conduit à considérer comme des modèles des endroits comme Singapour ou Hongkong, dont les traditions démocratiques sont faibles ou nulles.

      Dans le processus de nation branding – les efforts pour attirer touristes et investisseurs –, l’existence d’élections libres ou même d’une liberté d’expression compte très peu. Dans les classements d’attractivité internationaux, Dubaï obtient des scores très élevés, même s’il fonctionne comme une autocratie clanique, même s’il repose sur une main-d’œuvre quasi esclavagisée, même s’il se classe très bas en termes de liberté de la presse ou d’égalité des genres. Que de telles places aient pu devenir les archétypes de ce qu’est un « bon Etat » au XXIᵉ siècle en dit long sur notre civilisation.

      Le capitalisme sans démocratie est-il un modèle solide ?

      Oui, et ce n’est pas nouveau. La première mondialisation, à la fin du XIXᵉ siècle, fonctionnait sur la base de l’étalon-or, mais aussi sur celle de l’absence de suffrage universel : pour rétablir la parité de la monnaie, on pouvait toujours réduire les salaires ou provoquer des vagues de chômage.

      Dans les années 1970, lorsque les banques de la City de Londres ou de Wall Street cherchaient des pays emprunteurs, elles considéraient que le risque était le plus faible dans des endroits comme l’Allemagne de l’Est, la Tchécoslovaquie ou l’URSS. Elles étaient ravies de prêter de l’argent à des pays non démocratiques, et même socialistes. Les démocraties étaient vues comme des sources d’insécurité pour les investisseurs. Les nouveaux droits qui ont été adoptés à l’aube du XXIᵉ siècle concernent surtout la sécurité des investisseurs, les droits du capital, la protection de la propriété privée…

      Comment Donald Trump s’inscrit-il dans le récit que vous présentez ?

      Son nationalisme économique semble certes aller à l’encontre de la fragmentation mondiale que je décris. Mais il défend aussi des politiques qui accélèrent la fragmentation de son pays : des responsabilités importantes (avortement, contrôle des armes, financement de l’éducation…) sont laissées aux Etats. Cela prépare une intensification de la concurrence entre eux. Par ailleurs, Donald Trump plaide pour la création de villes privées, les freedom cities (« cités de liberté »). Il a aussi poussé des initiatives comme celles d’Elon Musk pour créer des villes d’entreprises, permettant aux entrepreneurs d’élaborer leurs propres législations. Cette tendance devrait s’accentuer.

      La Chine, pays au pouvoir autoritaire, s’appuie également sur les zones économiques spéciales que vous décrivez.

      La Chine est l’acteur le plus important dans cette histoire du « capitalisme crack-up ». C’est l’émulation créée par Hongkong, dans le sud de la Chine puis dans d’autres régions, qui a permis au pays de connaître une croissance spectaculaire au cours des dernières décennies. On comprend mal ce modèle si on le perçoit comme « centralisé ». Le génie de la direction politique chinoise a été de décentraliser une grande partie des décisions économiques au niveau de ces zones économiques spéciales.

      Cela a permis de laisser une latitude importante aux investisseurs étrangers et aux entrepreneurs locaux. Les expérimentations réussies étaient ensuite reproduites dans de nouvelles zones… La Chine représente un mélange extraordinaire de contrôle public et d’initiative privée, qui a été admiré par de nombreux libertariens.

      Avec l’initiative « Ceinture et route » (Belt and Road Initiative), la Chine a tenté d’externaliser les zones le long des routes commerciales de l’ancien empire. Elle a reproduit en quelque sorte le modèle des enclaves, utilisé jadis par l’Empire britannique avec ses comptoirs de la péninsule Arabique jusqu’au détroit de Singapour. Comme au XIXᵉ siècle, on ne cherche pas à conquérir de vastes territoires, on se concentre sur des points stratégiques.

      Comment les démocraties peuvent-elles empêcher « l’économie de l’apocalypse » ?

      L’Europe est un endroit fascinant où la bataille est menée. L’Union européenne (UE) a été conçue pour assurer une concurrence non faussée, ce qui passait par l’élimination de la course au moins-disant fiscal ou social provoquée par des zones spéciales. Cependant, les pays d’Europe de l’Est, qui ont rejoint l’UE plus tard, ont continué à utiliser des zones pour attirer les investissements. La Pologne est devenue une seule grande zone économique spéciale : le pays entier offre des traitements de faveur. La Hongrie, supposée nationaliste et populiste, crée également des zones spéciales pour attirer les investissements coréens. En Italie, Matteo Salvini et Giorgia Meloni s’y sont mis aussi, dans le sud du pays…
      Ces initiatives nourrissent une confrontation en Europe, avec pour enjeu l’équité de la concurrence et la primauté de l’Etat de droit. L’UE est en tout cas bien placée pour résister à l’attrait des nouveautés clinquantes comme les cryptomonnaies ou autres gadgets censés fournir une prospérité « à la Dubaï ». Elle n’est pas impressionnée par les bulles de hype que souffle la Silicon Valley.

      « Le Capitalisme de l’apocalypse », de Quinn Slobodian : les trous noirs d’un système économique

      Le point de départ du livre fascinant de l’historien canadien Quinn Slobodian Le Capitalisme de l’apocalypse (Seuil, 384 pages, 25,50 euros) est une phrase de #Peter_Thiel, lors d’une conférence de 2009 : « Si nous voulons plus de liberté, nous devons augmenter le nombre de pays. » Alors âgé de 41 ans, le fondateur de PayPal imaginait un monde utopique, libéré des Etats, composé de milliers de cités et autres entités connectées. Eh bien, on y est presque, démontre Quinn Slobodian.

      L’avenir que décrivait le célèbre investisseur, en partie, est déjà là. Le monde contemporain est constellé de milliers de trous noirs creusés par les détenteurs de capital depuis une cinquantaine d’années. Des micro-Etats, des zones économiques spéciales, des paradis fiscaux, des villes privées… « Pour comprendre l’économie mondiale, il faut apprendre à voir les vides », écrit l’auteur, qui nous emmène les examiner de près : en Asie (Chine), en Amérique latine (Honduras), en Europe (Liechtenstein) en Afrique (Somalie), au Moyen-Orient (Dubaï) ou encore dans le métavers… Le point commun de ces milliers de zones est leur absence de démocratie. Et c’est aussi l’excitation qu’elles provoquent dans l’imagination des fondamentalistes du marché.

      A travers le tableau qu’il peint, l’historien déroule une histoire des idées, de celles qui font fantasmer un groupe d’intellectuels et d’entrepreneurs anarcho-capitalistes, dont Thiel est un archétype. L’univers privatisé dont rêvent tous ces disciples néolibéraux de Friedrich Hayek est une monstrueuse dystopie dans laquelle le citoyen disparaît au profit du business. Il apparaît au fil de ce récit coloré que le véritable adversaire de ce groupe de libertariens fortunés et influents n’est pas l’Etat (qui leur est utile à bien des égards), mais la démocratie, cette empêcheuse d’accumuler en rond.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/20/quinn-slobodian-historien-il-faut-oublier-cette-idee-recue-selon-laquelle-le

      #histoire #récit #démocratie #économie #libertariens #anarcho-capitalistes #mondialisation #territoire_entreprise #État_entreprise #tourisme #investisseurs #Dubaï #Hong_Kong #Chine #villes_privées #villes_entreprises #dystopie #Empire_britannique #Europe #Pologne #note_de_lecture

  • Des #enseignants mondialisés ?
    https://laviedesidees.fr/Des-enseignants-mondialises

    Suivant une perspective internationale, Xavier Dumay montre l’émergence d’un champ des politiques de régulation de la profession enseignante où cohabitent des agents publics et privés animés par des intérêts différents mais co-construisant les réformes liées au recrutement, à la formation et à la mobilité des personnels.

    #Société #marché_du_travail #mondialisation
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250108_enseignants.pdf

    • En France, bien qu’il existe des mécanismes qui favorisent l’homogénéisation, dans la formation initiale notamment, et bien que les politiques ne remettent pas en question de manière franche le statut d’emploi, on observe malgré tout un processus d’hétérogénéisation de la profession enseignante. La première raison tient à une dualisation croissante du marché de l’emploi, du fait du recours croissant aux #contractuel·les. En une dizaine d’années, leur part dans le total des enseignant·es du second degré est passée de 4 à 8 ou 9 %. Cela ne semble pas une évolution très marquée, mais elle l’est pourtant si l’on prend en compte la lenteur du renouvellement de la profession du fait de la longue durée des carrières. Lorsque l’on examine les seuls néo-recrutements, la part des contractuel·les atteint ainsi 25 à 30 % – avec cependant de grandes variations en fonction des académies et des disciplines.

      [...] Ensuite, le phénomène de dualisation du statut évoqué précédemment ne s’accompagne pas d’une ségrégation massive entre les enseignant·es contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, à savoir que les enseignant·es contractuel·les se concentreraient davantage dans les établissements défavorisés, dans l’enseignement professionnel et dans les académies peu attractives. On constate plutôt un phénomène de « démarginalisation », de banalisation des contractuel·les dans le système éducatif. Cela signifie qu’elles et ils se retrouvent dans tous les types d’établissements, tous les niveaux d’enseignement, presque toutes les disciplines, tout autant les disciplines générales que professionnelles. Je voudrais toutefois noter une exception importante, qui est celle de la présence accrue des enseignant·es contractuel·les dans les établissements du réseau d’éducation prioritaire. La dualisation rampante de la profession enseignante en France pose donc des enjeux à la fois en termes d’efficacité globale du système scolaire, au vu de la place croissante occupée par les enseignant·es contractuels dans l’ensemble du système scolaire, mais aussi des enjeux d’inégalités sociales d’éducation, étant donné leur ségrégation dans le segment spécifique des établissements du réseau d’éducation prioritaire.

  • Alliances et accumulation - Comprendre la conflictualité entre les États-Unis d’Amérique, la Chine et la Russie à travers les flux mondiaux de capitaux | #Benjamin_Bürbaumer, Terrains/Théories, 2024
    https://journals.openedition.org/teth/5747

    En ancrant notre raisonnement dans la démarche proposée par #Nicos_Poulantzas, cet article permet d’illustrer une limite spatiale à la supervision étatsunienne du capitalisme global. Nous montrons, données à l’appui, que la #bourgeoisie_intérieure issue du territoire des États-Unis d’Amérique existe aujourd’hui avant tout à l’échelle transatlantique. Dès lors, les tensions internationales actuelles, mais aussi la solidité du bloc transatlantique réunissant l’hégémon étatsunien et les pays membres de l’Union européenne, peuvent être comprises par la présence ou non d’une bourgeoisie intérieure assurant l’interpénétration d’intérêts économiques et politiques partagés à travers les frontières des États-nations. L’argument fondamental de ce texte est que l’absence de bourgeoisie intérieure favorable au capital étatsunien tant en Russie qu’en Chine facilite la crispation de la politique mondiale. C’est ainsi que l’économie politique internationale de N. Poulantzas fournit un instrument explicatif structurel pour comprendre à quel point les tensions politiques, qui secouent actuellement le monde, sont associées au processus d’accumulation du capital. À condition d’en faire bon usage : l’explication de la guerre en Ukraine ou encore celle de la rivalité sino-étatsunienne ne saurait se résumer aux effets de structure, mais, sans prise en compte de cette dernière, toute tentative d’explication est d’avance vouée à l’échec – tel est du moins le point de vue poulantzassien.

    #impérialisme

  • Trump contre la #chine : refuser les explications simplistes
    https://lvsl.fr/trump-contre-la-chine-refuser-les-explications-simplistes

    Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche annonce de nouvelles perturbations dans les rapports entre Pékin et Washington. Nommé secrétaire d’Etat, le sénateur Marco Rubio entend durcir le ton face à la Chine. Il se dit prêt à armer Taiwan et à renforcer les barrières douanières contre les produits chinois. Il faut cependant […]

    #Comment_la_Chine_change_le_monde #Les_États-Unis,une_puissance_menacée ? #Benjamin_Bürbaumer #États-Unis #Le_capitalisme_contre_la_mondialisation #Piège_de_Thucydide #Protectionnisme

    • La faiblesse politique du #capital_transnational américain en Chine ne repose toutefois pas seulement sur ses stratégies de rentabilité. Les politiques de l’Etat chinois ont également joué un rôle décisif. A la différence des pays ouest-européens qui ont accueilli à bras ouverts les investissements américains, la Chine a exercé un contrôle étroit sur l’ouverture économique. Tout d’abord, seule une partie de l’économie chinoise a pu faire l’objet d’une acquisition étrangère.

      Tout au long de la libéralisation, les autorités ont procédé à une restructuration des entreprises d’Etat qui a abouti à la formation de conglomérats monopolistiques dans des secteurs cruciaux, comme les ressources naturelles, les télécommunications, la finance et les travaux publics. Parmi les 500 plus grandes entreprises chinoises en 2012, on comptait 310 entreprises publiques, qui représentaient 80 % du chiffre d’affaires et 90 % des profits de cette liste. Les trente premières places de ce classement étaient toutes occupées par des entreprises sous contrôle étatique qui faisaient partie des plus grandes firmes mondiales. Les dirigeants de ces entreprises stratégiques sont membres du PCC et soumis à un système de rotation. Le chercheur Kevin Lin souligne a ce propos que « cette rotation constante entre les entreprises d’Etat et les postes au sein de l’Etat-Parti pour les cadres dirigeants vise précisément à empêcher la formation d’une classe de cadres capitalistes qui identifie ses intérêts avec ceux de ses homologues du secteur privé et des sociétés transnationales ».

      Les travaux empiriques sur les conseils d’administration confirment cette analyse. Tandis que, dans les multinationales occidentales, les dirigeants siègent fréquemment dans plusieurs entreprises en même temps, la Chine se tient à l’écart de telles pratiques. Au contraire, « la mondialisation des sociétés transnationales chinoises et de l’élite des affaires chinoise a été modeste », et on observe « une relation inextricable entre les firmes transnationales chinoises et l’Etat-Parti chinois ». En somme, le capital chinois ne se mélange pas avec le capital transnational occidental et se trouve particulièrement en phase avec les priorités politiques de l’Etat-Parti. Reste le capital privé. Dès les débuts de la libéralisation, le PCC a accordé une attention particulière à ce groupe social dont il soupçonnait que les intérêts étaient en décalage par rapport à sa politique. Le PCC ne s’y trompait pas totalement.

      C’est précisément du fait de l’importance de la règlementation sur l’environnement économique que beaucoup de propriétaires d’entreprises ont choisi de peser de l’intérieur, depuis que le PCC leur a ouvert l’adhésion en 2001. Désormais, un milliardaire chinois sur trois est membre du Parti et presque tous disposent d’excellents contacts informels avec l’Etat. Plus généralement, 95 des 100 plus grandes firmes privées sont sous le contrôle d’une personne impliquée dans l’Etat-Parti. Mais les relations entre le capital chinois et son Etat ne sont pas que formelles et purement instrumentales. Elles sont aussi affectives. Cette double dimension est au cœur de ce que le politologue Christopher McNally appelle l’ « encastrement épais » des détenteurs de capital dans l’Etat-Parti.

      Le résultat, c’est que des « interactions fréquentes, des sentiments de familiarité et de confiance, ainsi qu’un sentiment d’appartenance à un même groupe […] ont permis d’aligner étroitement les intérêts des détenteurs de capitaux prives chinois sur ceux de l’Etat-Parti ». On note bien le lien de subordination : les entreprises sont encastrées dans l’Etat-Parti. A ce titre, ce dernier est en mesure de déjouer des tentatives de coalition entre sociétés privées. Le PCC semble donc bien avoir réussi à canaliser les intérêts des entreprises privées. Finalement, la profondeur des échanges économiques transpacifiques n’a pas produit le rapprochement politique espéré par les présidents américains. Aucun organe de planification commun ni fraction transpacifique du capital, sur laquelle un tel rapprochement pourrait s’appuyer, n’a émergé. Au lieu d’être organiquement imbriquées comme le sont l’Europe et les Etats-Unis, les grandes puissances pacifiques restent extérieures l’une à l’autre. Chacune conserve ses intérêts propres, qui se situent de plus en plus sur une trajectoire de collision. Et la Chine, tenue par l’impératif de stabiliser sa propre dynamique d’accumulation par la conquête des marches mondiaux, en est venue à questionner l’organisation même de la #mondialisation.

  • « Excédent et déplacement, réfugiés et migrants » - des nouvelles du front
    http://dndf.org/?p=21568#more-21568

    Cet article vise à développer la notion de “population excédentaire” en tant que caractérisation des masses sans emploi. Il s’agit notamment des masses de travailleurs précaires exclus de la relation salariale formelle et des masses de personnes qui, en raison de la paupérisation capitaliste, ne sont visibles que sous des catégories générales (réfugiés, migrants). Les catégories générales de réfugiés et de migrants sont des catégories descriptives abstraites qui nécessitent une analyse concrète des “populations excédentaires” dans la dynamique différentielle du capitalisme mondial.

    Traduction en français d’un article diffusé sur cette page :
    https://globaldialogue.isa-sociology.org/articles/surplus-and-displacement-refugees-and-migrants

    #populations_excédentaires #surnuméraires #capitalisme #colonisation #mondialisation #prolétarisation #analyse_marxiste #valorisation #accumulation #reproduction (du #Capital)

  • Apple Lost a Tax-Dodging Battle, but It’s Winning the War
    https://jacobin.com/2024/10/apple-ireland-tax-avoidance-ecj

    Comment l’Irlande et Apple pillent les autres pays de l’Union Europénne

    2.10.2024 by Brian O’Boyle - Last month, the European Court of Justice issued one of the biggest tax rulings in history, forcing Apple to pay €13 billion to Ireland. But firms like Apple have already teamed up with Irish government officials to devise new ways of avoiding taxes.

    On September 10, the European Court of Justice (ECJ) issued its ruling in the biggest antitrust case in history. Eight years after the European Commission found that Ireland had given illegal tax advantages to Apple, the ECJ confirmed that “Ireland granted Apple illegal state aid which Ireland is now required to recover.”

    This judgment overturned a 2020 decision by the lower European General Court to annul the original ruling by the commission. The ECJ’s ruling is also definitive, meaning that Ireland must now collect €13 billion (plus interest) from profits that were made by an Apple subsidiary known as Apple Sales International (ASI) between 2004 and 2014.

    This is a windfall that most Irish people are more than happy to receive. For the Irish establishment, on the other hand, it comes with a nasty sting in the tail, as it confirms that the state’s Revenue Commissioners allowed the world’s biggest corporation (by stock market valuation) to gain competitive advantages from using Ireland to shelter their profits. In other words, it confirms that Ireland was one of the world’s major tax havens at least until 2015.
    Special Arrangements

    It was to avoid this reputational damage that Ireland originally decided to fight the ruling from the European Commission. Rather than accept the windfall following a long phase of domestic austerity, the Irish government threw more than €10 million of public money into convincing the commission that it was not entitled to any of ASI’s more than €110 billion profits, even though all of the sales were booked through Ireland.

    To make its case, the Irish government sent an ex–attorney general, Paul Gallagher, to argue that the European case was “fundamentally flawed, confused and inconsistent.” Gallagher’s argument centered on the low-value nature of Apple’s manufacturing operation in Cork. He claimed that it was “astonishing” for the commission to allocate taxes from ASI’s non-US profits to Ireland, since the intellectual property in question was produced in the United States while the customers were mostly located in Europe, North Africa, and the Middle East.

    Gallagher went on to argue that by allocating the profits to Ireland in this way, the commission had overreached into Irish taxation policy, breaching Ireland’s national sovereignty in the process. But why were profits that had no economic relationship to Apple’s Irish operation routed through Ireland in the first place, and did the commission actually breach Ireland’s competencies around taxation? Answering these questions brings us into the heart of Apple’s unique arrangement with the Irish establishment.

    The genesis of the European Commission case was a slip of the tongue by Apple CEO Tim Cook in 2013. Appearing before a US Senate committee on Apple’s offshore activities, Cook referred to a special “tax incentive arrangement” that Apple had received from the Irish Revenue Commissioners as far back as 1991 and renewed again in 2007.

    This was an incredible admission to make in public, as it strongly suggested that Apple had a special deal with the Irish tax authorities. It also implied that one of the world’s most successful companies may have received a competitive advantage over its rivals. This set Europe’s competition commissioner, Margrethe Vestager, on the case.

    By the time Cook appeared in front of the Senate committee, it was an open secret that Ireland was allowing major US corporations to avoid their taxes. Most US companies were using a Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) tool known as the “Double Irish.” But Apple seemed to have an even better arrangement created in the years before the legal provisions for the “Double Irish” were enacted.
    Race to the Bottom

    Apple’s relationship with Ireland goes back to 1980, when the company was looking for a European base to make their products. At the time, Ireland offered US corporations a 10 percent “Exports Sales Tax Relief Scheme” on their profits. However, when this special rate was challenged in the European courts, Apple found that it could only avail itself of the scheme until 1990.

    In 1991, the company sent three letters to the Revenue Commissioners proposing a new arrangement that would ensure that Apple continued to benefit from unusually low taxes in the Irish Republic. Its aim was to guarantee that its tax liability would never go beyond an agreed limit set in the low single figures. An official memo, issued to the US Senate committee and seen by the European Commission, stated the following:

    Since the early nineties, the government of Ireland has calculated Apple’s taxable income in such a way as to produce an effective rate in the low single digits. . . . The rate has varied from year to year, but since 2003 it has been 2 percent or less.

    This was the smoking gun that Vestager’s team had been looking for. Taking a case against companies using the “Double Irish” would have been next to impossible, as this avoidance strategy was part of Ireland’s taxation policy. The power to determine tax rates and regulations is jealously guarded by European member states who compete for mobile capital flows by offering different rates.

    Larger European states often express frustration at the EU’s tax-haven economies (Ireland, the Netherlands, and Luxembourg). But tax competition has worked overall for Europe’s elites, who have seen their costs fall significantly over the last twenty-five years. While Europe certainly wants more of the value that accrues to mainly US technology corporations, its decision-makers seem willing to tolerate all but the most blatant tax-avoidance strategies, as those strategies drive down the costs of doing business and shift the tax burden away from elites and onto workers. This chart from the International Monetary Fund gives us the general pattern of corporate taxes in the neoliberal era.

    This deal was different, however, as Apple had asked for a special guarantee to artificially calculate their taxes in such a way that they would pay very little to the Revenue Commissioners. This granted them unique competitive advantages over other corporations. The fact that Cook had explained this under oath meant that the European Commission could convict Apple of receiving illegal state aid — and implicitly convict Ireland of being a tax haven in the process.

    Paul Gallagher’s claim that the commission had strayed into Irish taxation law is therefore revealing for what it doesn’t say. Everyone knew that Ireland was offering unfair tax advantages to major corporations, but it was only because Apple deviated from the general “Double Irish” avoidance tool that the commission could convict them.

    There has never been a commission case against Ireland’s use of the “Double Irish,” as this was tolerated as part of Ireland’s taxation offering until it became politically toxic when Apple was exposed. Apple had a side deal from the Revenue Commissioners: since this couldn’t be written into Irish law, it could be defined as illegal state aid and a distortion of the Single Market.
    Double or SIngle?

    The substance of the arrangement was also important. To ensure that Apple received maximum benefit from their “special arrangement,” they set up Apple Operations Europe (AOE), from which they created a subsidiary known as Apple Sales International (ASI). Both had rights to share intellectual property with their American parent, allowing vast profits to be funneled into Ireland without any connection to their Irish manufacturing operation.

    In the ten years from 2004 to 2014, ASI was deemed to have made €110.8 billion in profits from the sale of iPhones that were produced in China using IP that was created in California. It was these profits that the European Commission eventually homed in on. In the traditional “Double Irish,” corporations establish two Irish companies (hence the name). One is responsible for the sales of the parent company’s products outside the United States, while the other owns the non-US intellectual property (IP) of the parent company.

    The arrangement worked because the Revenue Commissioners allowed companies to send their profits out of Ireland if they declared that their “command and control center” was overseas. So, all a corporation had to do was

    Set up two Irish incorporated companies (IRL 1 and IRL 2).
    Funnel the proceeds of their non-US sales into IRL 1 — this held the licenses to sell the products and was usually registered for Irish taxes.
    Turn any profits made by IRL 1 into royalties owed to IRL 2 for IP owned by IRL2 and rented to IRL1.
    Declare that IRL 2 is controlled overseas.
    Move the profits out of IRL 2, usually to a state that charged a zero rate of corporate tax.

    This scheme worked so well because it dovetailed perfectly with the needs of US corporations. The Internal Revenue Service (IRS) changed its rules in 1996 to allow US companies to separate their domestic profits from those made abroad, provided they paid their foreign taxes in a legitimate (non-tax-haven) country. In response, Ireland’s 1997 Taxes and Consolidation Act was designed to allow US firms to incorporate in a “legitimate economy” but still send their profits to a zero-tax destination.

    As far as the IRS was concerned, Irish-incorporated companies paid their taxes in the Republic of Ireland. But the Irish Revenue Commissioners allowed companies controlled from abroad to send their profits overseas (often to a Caribbean island). By 2007, this arrangement was open to Apple as well. Yet the firm chose to establish two branches inside Apple Sales International instead of having two separate companies (IRL 1 and IRL 2) to avoid their taxes. One branch was responsible for most of Apple’s non-US sales, while the other had a license to sell Apple’s intellectual property and held its board meetings in Bermuda.

    If these had been two separate companies, Apple might well have won the case. But since they were two branches of the same company (ASI), the commission could argue that the sales function overrode the fact that the second branch held its board meetings abroad. They were further able to argue that ASI was substantially an Irish company and should therefore pay its taxes in Ireland.

    This brings us back to the arguments of Paul Gallagher, who wanted to argue that the profits should go back to the US headquarters responsible for creating the intellectual property without explaining why they had been routed through Ireland in the first place. Apple thought it had a more secure arrangement that avoided the obvious weaknesses associated with the “Double Irish.” However, it was these special features that made it vulnerable to the charges of illegal state aid.
    Making Allowances

    Apple wrote to the European Commission in the early months of 2015 confirming that it had closed the BEPS tool associated with ASI. They confirmed that the company would no longer be used to funnel profits into Ireland using IP that was primarily held in the US and that they would no longer abuse the discrepancy between Irish law and US law to make their profits effectively “stateless.”

    What they didn’t say, however, was that they were in the process of creating an even more effective BEPS tool by moving their non-US intellectual property fully into Ireland. In the early part of 2015, Apple moved roughly €335 billion worth of IP into Ireland, causing an enormous distortion of the national accounts. Because the Revenue Commissioners defined these assets as capital investment, they obliged the state to declare that Irish GDP had grown by 26.3 percent in 2015 — a figure that later had to be revised upward to 32.4 percent.

    This caused derision among economic commentators, with Paul Krugman famously labeling the announcement as a case of “Leprechaun Economics.” But this momentary reputational damage was a price worth paying, as Apple and Ireland jointly realized that their original mistake was to operate outside the terms of tolerated tax avoidance written into the tax code of a European member state.

    The Irish government once again facilitated Apple in its onshoring maneuver, this time by increasing tax allowances for intangible assets — the very assets that Apple was onshoring — from 80 percent to 100 percent. In other words, Apple now had €335 billion worth of (supposed) investment costs that it could use to obtain tax deductions from the Irish Revenue Commissioners.

    The new Capital Allowances for Intangible Assets (CAIA) works so well because it was created by the Irish state to deal with assets that are extremely hard to value and extremely hard to regulate. Most tax codes allow deductions for investment in capital assets to allow companies to pay their costs before their revenues are defined as profits. If a company buys a piece of machinery for €1 million that will depreciate over a ten-year period, then the company can claim 10 percent of the cost of that asset each year for a decade. But the extension of this principle to intangible assets has proven wide open to abuse.
    Appropriate Structuring

    For one thing, intangible assets are usually produced in one arm of a major corporation and sold to another arm for what is known as a transfer price. These internal prices are notoriously difficult to measure objectively, and they have consistently been (ab)used to shift profits out of higher-tax jurisdictions into lower-tax alternatives.

    Even more important, the value of intangible assets is extremely hard to assess objectively. KPMG informed its investors that companies with a stock market value of €1 billion and tangible assets of €100 million can legitimately argue that the difference is down to their intangible investment:

    A hypothetical company with an equity market capitalisation of €1,000 million, but tangible assets of €100 million, can argue that the gap of €900 million represents its intangible asset base, which can be legally created and appropriately located. . . . Ireland’s Capital Allowances for Intangible Assets Programme enables these intangible assets to be turned into tax deductible charges. . . . With appropriate structuring, the intergroup acquisition financing for the purchase of these intangible assets can also be used to further amplify the quantum of tax deductible charges.

    We have no way of knowing how much Apple actually spent to create the assets they valued at €335 billion. But we do know that they were not created in its Irish operation — remember that Gallagher’s case was based on the Cork operation being low value added — and that they were moved into Ireland for no other reason than to gain deductions in taxation.

    In other words, an ex–attorney general was arguing that Apple should not pay Irish taxes on IP that was not produced in Ireland at the very same time as Apple was claiming tax deductions for these same assets through the Irish tax code. This speaks to the craven nature of the Irish state but also to the ultimate duplicity of the European elites.

    After all, the commission took a case against Apple for receiving state aid until 2014, but not after that point. It did so knowing that the company was subsequently receiving even better advantages from 2015 onward through a CAIA scheme that would not be investigated.
    The Green Jersey

    To increase the attractiveness of its decision, Apple also set up a second holding company, this time in Jersey, which lends money to the Irish operation to purchase its IP from America. Jersey levies no taxes on the interest that Apple’s Irish-based holding company pays to its Jersey-based counterpart — thus giving Apple further deductions and prompting tax justice campaigners to label this new scheme the “Green Jersey.”

    The success of Apple’s CAIA tax avoidance tool is evident in the enormous jump in allowances for capital investment that corporations have been claiming since the scheme was first enacted in 2015. It is also clear from the enormous increase in corporate tax receipts that the Irish government is now collecting. Table 1 captures the details.

    *Note — The Capital Allowances for 2022 are a slightly better measure of the overall intangible assets deduction than previous years as the methodology has been tweaked to exclude more of the nonintangible assets that are part of the deductions for the earlier years.

    The CAIA scheme is better for Ireland and better for its corporate partners. It dispenses with the obvious fiction of allowing companies to incorporate in Ireland while paying taxes in a foreign country. It also gives corporations almost limitless ways to write down their taxes against costs for IP produced anywhere in the world.

    Capital allowances for intangible assets have jumped 700 percent since 2011 while the Irish state’s tax take has increased by 442 percent over the same period. Apple and Ireland may have lost the battle, but they have continued to win the war against legitimate taxation. In the neoliberal era, the ability of elites to use tax competition to drive down the burdens placed on capital has proved to be more important than stamping out the tax avoidance that inevitably goes along with this competition.
    New World Order?

    Ireland responded to the ECJ ruling in typical fashion. Understanding the need to accept the ruling without antagonizing either the European courts or the corporations that benefit from Ireland’s tax regime, the Department of Finance said that it would “respect the judgement” and move to recover the unpaid taxes, even while it rejected the ultimate claims upon which the case had been won.

    These were carefully chosen words. The Irish elites never wanted to collect taxes they had helped Apple to shelter. However, faced with a ruling from the highest court in the European Union, their strategy has been to accept the money with as little fanfare as possible; to downplay any sense that Ireland has benefited from the judgement; and to forcefully claim — in an obviously contradictory manner — that the state has already changed the law to stop the tax avoidance at the center of the case.

    “Nothing to see” and “don’t expect much” were the key elements of the Irish state’s messaging around the issue, as the government’s official statement reveals:

    The Apple case involved an issue that is now of historical relevance only; the Revenue opinions date back to 1991 and 2007 and are no longer in force; and Ireland has already introduced changes to the law regarding corporate residence rules and the attribution of profits to branches of non-resident companies operating in the State.

    This statement is necessarily deceitful, but it could only have been written with the connivance of ruling classes well beyond Ireland itself. Having suffered reputational damage through the ECJ decision, the Department of Finance is desperate to convey the impression that any tax avoidance that may have occurred was inadvertent from its perspective and has not been happening since 2015.

    It also wants to put across the message that the state has moved decisively to close down loopholes that it had no part in creating. In reality, as we have seen, the Revenue Commissioners have exchanged a less effective BEPS tool based on its bogus residency rules for a more effective one based on capital allowances.

    The European Commission knows this, as does every serious analyst of the Irish taxation system. But it will not take effective action against the CAIA scheme without the active involvement of the US authorities. The problem is that the scheme rewards the world’s most powerful corporations — corporations that have their political centers in the US and can use innovations in technology and digitization to strategically place their intellectual property in low-tax jurisdictions.

    Faced with this reality, it seems that the European establishment is torn. The major states (particularly Germany and France) are losing substantial revenues to US shareholders through offshore economies within the EU. European decision-makers also recognize that US corporations have benefited disproportionately from the current system of international taxation.

    This helps explain why the EU initially wanted a 3 percent tax on the entire global sales of major technology corporations, before the Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) BEPS initiative effectively torpedoed this proposal. The “Twin Pillars” of the BEPS agreement are meant to tackle the new reality of transfer pricing and intellectual property by linking the taxes of the world’s biggest corporations more closely to where they perform their economic activity (Pillar One) and by imposing a minimum global tax rate of 15 percent on companies with annual revenue in excess of €750 million (Pillar Two).
    Biden’s Bluff

    Joe Biden has been a vocal supporter of these ideas, but his position often feels more of a rhetorical strategy to differentiate the Democrats from Donald Trump than a genuine move to reduce the advantages enjoyed by US corporations. Both Biden and Kamala Harris have promised that they will stop the global race to the bottom on corporate taxation, and the US system has become marginally less favorable to corporations through the 2017 Global Intangible Low Tax Income (GILTI) measures and the Inflation Reduction Act of 2022. However, the US has yet to sign up to either pillar of the BEPS proposal, even though the agreement is nearly a decade old.

    Any change to the law would require a majority in the House of Representatives as well as the Senate. This means the Democrats can promise change in the run-up to November’s presidential election, secure in the knowledge that their ability to deliver on such pledges will not be tested until after the election is over. At that stage, no matter who comes out on top, neither Harris nor Trump seems likely to have an outright majority in both Houses. With the Republicans implacably opposed to any changes that would disadvantage US corporations, the chances of US lawmakers giving the green light for BEPS are slim.

    Irish policymakers have made roughly the same calculation. While they have signed up to a 15 percent tax as the least bad option for Pillar Two, compared with an EU proposal for a digital tax on sales, they are more confident that Pillar One (which would threaten Ireland’s status as a tax haven) will never see the light of day. This is why they continue hiding in plain sight, offering tax advantages to global corporations as part of their wider strategy to compete for mobile investment and high-paying jobs.

    Apple and Ireland have been compelled to accept that they jointly constructed a tax haven to avoid taxes that should have been paid until 2015. But they have not yet been forced to stop their ongoing practice of tax avoidance in any meaningful way. For that to happen, it will require more than a few tweaks in international corporate law — we will need a far more militant working class that puts our rulers under pressure in Ireland and elsewhere.

    Contributors

    Brian O’Boyle is the author, with Kieran Allen, of Tax Haven Ireland, Durkheim: A Critical Introduction, and Austerity Ireland. He lectures in economics at St Angela College, National University of Ireland, Galway, and is editor of the Irish Marxist Review.

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    #Irlande #Union_Europénnen #EU #USA #évasion_fiscale #capitalisme #mondialisation

  • Préjugé ! « Les immigrés veulent islamiser l’Europe »

    Derrière le préjugé de « l’#islamisation » de l’Europe se trouvent des stéréotypes anciens contre l’islam et les musulmans ainsi que des enjeux mémoriels autour de la colonisation et de la décolonisation. À cela s’ajoutent des théories d’extrême droite complotistes, comme celle du « grand remplacement ».

    Voici les ingrédients du cocktail :
    Mettre une bonne dose de crainte de la #mondialisation (sans trop savoir pourquoi, ça fait drôlement peur).
    Ajouter une grosse pincée de #racisme.
    Arroser le tout de #religion.
    Saupoudrer d’un peu de « grand remplacement ».
    Et vous obtenez un préjugé : « Les immigrés veulent islamiser l’Europe ».

    L’Europe à l’aune des décolonisations

    « Derrière cette peur d’une islamisation de la France ou de l’Europe par une ’#invasion' d’immigrés musulmans, il y a, sous-jacent, un certain nombre de préjugés : l’islam ne serait pas compatible avec la #culture_européenne, les musulmans constitueraient un groupe homogène qui chercherait à imposer sa culture et sa religion aux pays hôtes », explique l’historien #John_Tolan. À ces #stéréotypes anciens contre l’islam et contre les musulmans s’ajoute une #mémoire, encore vive et pas tout à fait pacifiée, celle de la #colonisation et de la #décolonisation. Ce préjugé, comme bien souvent, se nourrit d’histoire. Il mobilise #Charles_Martel qui arrête les Arabes à #Poitiers en #732, les #Ottomans qui font le #siège_de_Vienne en #1529 et #Charles_de_Gaulle, en 1962, qui craint que #Colombey-les-Deux-Églises ne devienne « #Colombey-les-Deux-Mosquées ».

    La peur d’une islamisation de l’Europe naît au lendemain de la #Seconde_Guerre_mondiale, quand l’industrie européenne en manque de main d’œuvre bon marché fait venir en masse des immigrés, bien souvent issus des anciennes colonies : des Indiens et des Pakistanais vers le Royaume-Uni, des Maghrébins et des Sénégalais vers la France, et des Turcs, vers la Belgique et l’Allemagne. Les mêmes questionnements surgissent : faut-il les intégrer à la communauté nationale ou les laisser à part, dans l’idée d’un départ à plus ou moins court terme ?

    Le « grand remplacement », une théorie complotiste

    La question se pose différemment à partir des années 1970, quand s’affirme un #islam_politique. De nouvelles craintes apparaissent, attisées par des délires complotistes. Les élites européennes, évidemment corrompues, favoriseraient ce mouvement, prêtes à vendre leur civilisation pour une poignée de pétro-dollars. Un pacte secret aurait même été signé avec la Ligue arabe afin d’islamiser l’Europe. Une littérature raciste et complotiste alimente ces théories. C’est là que l’on retrouve l’essayiste d’extrême droite #Renaud_Camus, qui publie en 2011 Le Grand Remplacement.

    Ces théoriciens, issus de l’#extrême_droite conspirationniste, ne visent pas seulement les musulmans mais aussi ceux qu’ils considèrent comme leur complices, qu’ils appellent les #islamo-gauchistes. Leurs écrits conduisent à de terribles passages à l’acte, comme par exemple, toujours en 2011, #Anders_Breivik qui attaque de jeunes militants travaillistes sur l’île d’Utøya en Norvège et provoque la mort de 85 personnes. Breivik ne visait pas des musulmans mais celles et ceux qui, selon lui, organisaient la « #colonisation_islamique » de l’Europe.

    La théorie complotiste du « grand remplacement », en soit intenable, repose sur une idée fausse : une Europe historiquement homogène par sa population, sa religion. « Il est certain que l’Europe de 2072 ne sera pas celle de 2022, tout comme celle de 2022 n’est pas celle de 1972. Mais l’Europe ne sera submergée ni par l’immigration ni par l’islamisation », explique John Tolan. Sinon par une invasion de #peurs et de préjugés !

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/histoire-des-prejuges/prejuge-les-immigres-veulent-islamiser-l-europe-4609034
    #préjugés #idées_reçues #migrations #islam #grand_remplacement #croyances #narration #islamo-gauchisme #complotisme #idées-reçues

  • #Pesticides – Un #colonialisme_chimique

    Un essai percutant pour comprendre la gravité du problème des pesticides pour la #santé_humaine et l’#environnement, et remettre en cause le modèle agro-industriel mondial dominant et profondément inégal.

    Les pesticides, présents dans l’eau et l’alimentation de toute la population ou presque, font désormais partie de notre quotidien. Cet usage massif, nocif pour la santé humaine et l’environnement, est une conséquence directe de la mainmise de l’agro-industrie qui domine physiquement et idéologiquement toute la planète.

    Dans ce scénario mondial, le #Brésil occupe une place spéciale : il est le plus grand consommateur mondial de pesticides, lesquels sont produits en majorité par des #multinationales européennes. L’Europe exporte ainsi ces poisons qu’elle ne veut plus chez elle, et intoxique les corps et les terres étrangères. Cynique colonialisme chimique…

    Mais par l’#effet_boomerang de la #mondialisation, ces pesticides reviennent sur notre continent par le biais des #produits_agricoles brésiliens, dans un cercle d’#empoisonnement qu’il convient de briser en interdisant ces produits ici et là-bas.

    https://www.anacaona.fr/boutique/pesticides-un-colonialisme-chimique
    #colonialisme #agro-industrie #industrie_agro-alimentaire

    • « L’agriculture brésilienne intéresse démesurément les industries agrochimiques européennes »

      Dans « Pesticides. Un colonialisme chimique », la géographe Larissa Mies Bombardi pointe la responsabilité de l’agrobusiness européen dans le désastre des écosystèmes brésiliens et l’intoxication des populations autochtones. Entretien.

      C’estC’est un petit livre au titre coup de poing. Pesticides. Un colonialisme chimique, sorti cet hiver aux éditions Anacaona, nous fait prendre conscience, cartes et chiffres à l’appui, de la proximité du désastre causé par l’agriculture brésilienne. Dopée aux pesticides, permise par une déforestation à grande échelle, cette agriculture est très liée à la nôtre : c’est de là que vient le soja qui nourrit, en France, les élevages intensifs de porcs et de volailles… Et c’est là que sont exportés quantité de produits chimiques fabriqués en Europe, depuis longtemps interdits sur nos sols.

      L’autrice, Larissa Mies Bombardi, est géographe. Il y a trois ans, elle a dû quitter son pays, le Brésil, pour se réfugier en Belgique. Son travail dérange. À partir d’une cartographie des quantités épandues de pesticides et du nombre de personnes affectées par ces produits, elle établit des liens directs entre utilisation de produits phytosanitaires et pathologies humaines, et raconte la profonde asymétrie entre les pays producteurs de pesticides et ceux qui les consomment. Mediapart a pu la rencontrer à l’occasion de son passage à Paris. Entretien.

      Mediapart : Vous êtes exilée en Belgique. Pourquoi ?

      Larissa Mies Bombardi : En 2016-2017, alors que j’étais en postdoctorat en Écosse, j’ai travaillé à la réalisation d’un grand atlas, de plus de cent cinquante cartes, sur l’impact des pesticides au Brésil sur les femmes, les enfants et les populations autochtones. J’y ai mis en évidence des « cercles d’empoisonnement », en lien avec les quantités de pesticides autorisées pour chaque culture au Brésil. Et pour chaque agrotoxique fabriqué en Europe mais interdit sur place, j’indiquais les exportations vers le Brésil.

      Cet atlas a d’abord été publié en portugais. En 2019, il a été traduit en anglais par l’université de São Paolo, puis mis en ligne sur leur site. C’est à ce moment-là que tout a basculé. Ma carrière a été attaquée. On m’a accusée de vouloir abîmer l’image de l’agriculture brésilienne durable et de mentir. C’était difficile à supporter émotionnellement.

      Mais c’est allé plus loin. Au lendemain d’une interview dans un journal télévisé, où je dénonçais les pulvérisations aériennes de pesticides, j’ai reçu par e-mail les menaces de quelqu’un se présentant comme « pilote de l’aviation agricole ». Ce genre de message s’est ensuite multiplié. Après avoir pris connaissance de mon atlas, le directeur d’une grande chaîne suédoise de supermarchés bio a par ailleurs décidé de boycotter les produits brésiliens.

      Agrotoxique : le Brésil devrait exporter ce mot.

      Plusieurs personnes m’ont conseillé de quitter le pays, puis il y a eu le covid et la fermeture des frontières. En août 2020, j’ai été séquestrée pendant plusieurs heures avec ma mère dans notre maison. Nous avons été enfermées dans la salle de bain pendant que trois hommes mettaient la maison sens dessus dessous, et mon ordinateur a été emporté. C’est là que j’ai dû me décider à quitter le Brésil. Il a fallu encore attendre la réouverture des frontières, et l’acceptation de ma candidature pour un postdoctorat à l’Université libre de Bruxelles. J’ai réussi à partir avec mes deux enfants en avril 2021.

      Avez-vous l’intention de revenir un jour au Brésil ?

      Y vivre pour l’instant est inenvisageable pour moi, mes recherches continuent de me mettre en danger. Pour des événements cependant, j’y retourne si l’on peut me garantir une sécurité. C’était le cas pour une conférence organisée le 27 juin à Brasília avec l’Alliance internationale sur les standards de pesticides [Ipsa, une organisation soutenue par l’ONU qui milite pour un cadre international de régulation des pesticides et vise, sur le long terme, l’élimination progressive de ces substances – ndlr] à laquelle j’ai pu me rendre, grâce à une protection assurée par le Mouvement des sans-terre.

      Une autre conférence se tiendra à Bruxelles en octobre. Nous cherchons à obtenir l’interdiction, au niveau mondial, des épandages aériens de pesticides, ainsi que des substances les plus toxiques. Il faut que les mêmes règles s’appliquent dans tous les pays.

      « En plus d’être le triste champion du monde de l’utilisation d’agrotoxiques, le Brésil se classe également parmi les pays où le taux de violence dans les campagnes est le plus élevé, et est en tête du classement des assassinats de défenseur·es de l’environnement, avec 342 meurtres entre 2012 et 2021 », écrivez-vous. Le climat d’hostilité à l’égard de la cause écologique et du monde militant n’a-t-il pas changé après la fin de l’ère Bolsonaro et le retour de Lula au pouvoir ?

      Lula a créé ce ministère des droits humains, avec un programme spécial pour les victimes de persécution. Il y a une reconnaissance des conflits et de la vulnérabilité. Mais les violences continuent dans le pays, le danger est toujours là.

      Votre atlas fournit la matière de votre livre publié chez Anacaona. À partir de quelles données avez-vous travaillé ?

      J’ai utilisé les données du ministère de la santé brésilien sur les populations intoxiquées qui se sont rendues à l’hôpital. Ce sont des données accessibles au Brésil, contrairement à la France et à plusieurs pays européens. Une ONG européenne, PAN [Pesticide Action Network – ndlr], se bat d’ailleurs pour obtenir cette transparence.

      Dans la majeure partie des cas, il s’agit d’intoxication aiguë : le produit a été respiré ou s’est retrouvé en contact avec la peau des gens.

      Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le problème est beaucoup plus vaste. Il y a énormément de maladies de Parkinson, de problèmes hormonaux… Mais comme ces pathologies sont multifactorielles, il est difficile de les relier à un seul phénomène. On estime que, pour un cas déclaré, cinquante ne le sont pas. Et seulement 5 % des cas enregistrés concernent des maladies chroniques.

      En outre, dans les questionnaires médicaux, la question de la profession n’apparaît pas. Autrement dit, on ne sait pas s’il s’agit d’agriculteurs ou d’agricultrices.

      Tout cela n’est guère étudié au Brésil. Dans les écoles de médecine, par exemple, la toxicologie au travail n’est pas une discipline obligatoire.

      J’ai croisé ces données avec les chiffres d’utilisation de pesticides par État, région et commune. J’ai superposé tout ça, et cela montre combien les populations des zones agricoles sont touchées par les pesticides. Le Mato Grosso [État du centre-ouest qui partage une frontière avec la Bolivie – ndlr], avec ses gigantesques cultures de soja, est la région où l’on trouve le plus de victimes.

      Dans votre livre, vous parlez d’« agrotoxiques » plutôt que de pesticides ou de produits phytosanitaires. Pourquoi ce choix lexical ?

      Le terme a été créé à la fin des années 1970 par l’agronome brésilien Adilson Paschoal. Depuis, il est dans notre loi et dans notre Constitution. Il est d’une importance politique capitale, car il dit que la substance, en soi, est toxique. Le Brésil devrait exporter ce mot !

      Pesticide – pesticida en portugais –, selon moi, est un mauvais terme. Peste, en portugais, désigne une maladie, un animal nuisible, mais aussi le diable. Comme dans d’autres langues, cela donne à ce mot une connotation erronée.

      Nous avons des technologies modernes, un processus de déforestation […] et un génocide des populations autochtones.

      Le Brésil est le pays au monde qui consomme le plus d’agrotoxiques. C’est peut-être pour cela qu’on a réussi à définir plus justement le problème. Cela dit, il y a eu des tentatives pour changer les termes de la loi. Dans le cadre du « paquet empoisonné » – ensemble de textes négocié sous Bolsonaro, surnommé ainsi par ses détracteurs –, une proposition avait été d’intituler la nouvelle loi « loi des défenseurs agricoles » ou « loi des pesticides ». Le texte, qui accélère les processus d’homologation des produits, a été malheureusement adopté. Mais Lula a mis son veto au changement de terme.

      Pouvez-vous nous donner quelques ordres de grandeur sur la consommation de produits chimiques dans l’agriculture brésilienne ?

      En 2023, le Brésil a consommé 700 000 tonnes d’agrotoxiques, pour environ 92 millions d’hectares de terres agricoles. On est sur une pente ascendante. La quantité a augmenté de 78 % en dix ans. Dans le même temps, elle a diminué de 3 % en Europe [qui compte environ 162 millions d’hectares de terres agricoles – ndlr].

      Y a-t-il une prise de conscience dans le pays de la toxicité de ces produits ?

      Oui, elle se développe depuis une dizaine d’années. Un mouvement important s’est formé autour d’une campagne nationale « contre les agrotoxiques et pour la vie », elle-même liée au mouvement des paysans sans terre. Des liens se sont noués avec d’autres entités de la société civile : associations de consommateurs, WWF, Greenpeace… Toutes ces organisations travaillent ensemble et, désormais, pour beaucoup de candidates et candidats aux élections municipales, ce sujet fait partie de leur programme.

      Votre livre fait explicitement référence à Karl Marx. Qu’apporte-t-il dans l’analyse que vous faites aujourd’hui de la consommation de pesticides du Brésil ?

      Dans la section du Capital intitulée « L’accumulation primitive du capital », Marx raconte ce moment où les paysannes et paysans écossais sont expulsés, au cours du processus d’enclosure qui supprime les cultures pour les transformer en pâturages. Cela ressemble beaucoup à ce qui se passe dans les campagnes brésiliennes encore aujourd’hui.

      Je me sers également des idées de Rosa Luxemburg, pour qui les formes de travail qui accompagnent le développement du capitalisme ne sont pas nécessairement des formes de travail capitalistes. C’est ainsi que l’esclavage est contemporain du développement des relations de travail moderne.

      Ces auteurs m’aident à comprendre ce moment complexe que nous vivons au Brésil. Nous avons, dans le même temps, des technologies modernes, un processus de déforestation, des relations de travail analogues à de l’esclavage, et un génocide des populations autochtones. Tout cela pour les intérêts des grandes multinationales productrices de pesticides.

      Des multinationales qui perpétuent un schéma colonialiste… « La pulvérisation de pesticides n’est ainsi que la dernière modalité de la violence historique exercée contre les populations autochtones et paysannes au Brésil », écrivez-vous.

      Oui, et sur cette lecture coloniale, je m’inspire des travaux du géographe Porto-Gonçalves. Il parle notamment de « colonialité » pour décrire la structure sociale de l’Amérique latine, où une portion minime de la population contrôle une part énorme des terres, et où les propriétaires fonciers sont surreprésentés dans les institutions politiques et judiciaires. Ces sociétés se sont structurées sur l’inégalité et l’exclusion : les esclaves étaient exclus de la terre. En bénéficient une petite élite et des intérêts économiques extérieurs.

      Comme les exportations brésiliennes de canne à sucre au XVIIe siècle, le modèle agro-exportateur du pays aujourd’hui intéresse démesurément les industries agrochimiques européennes, et ces entreprises exercent un lobby directement sur le Congrès brésilien. La France et l’Union européenne, en exportant des produits interdits chez elles, sont également responsables de cette situation.

      Quelles sont ces cultures que l’on arrose de pesticides ?

      Plus de 50 % des agrotoxiques utilisés au Brésil le sont pour le soja OGM. Ensuite, on trouve le maïs, la canne à sucre, le coton, puis le pâturage.

      La molécule la plus utilisée est le glyphosate, avec un autre herbicide, le 2.4-D [un composant de l’« agent orange », utilisé à large échelle durant la guerre du Vietnam – ndlr]. On trouve également en grandes quantités l’herbicide atrazine et l’insecticide acéphate, tous deux depuis longtemps interdits en Europe.

      Les aliments produits au Brésil et exportés vers le Vieux Continent contiennent des résidus de ces produits : la contamination ne concerne donc pas seulement la population brésilienne.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/170724/l-agriculture-bresilienne-interesse-demesurement-les-industries-agrochimiq

  • Die große Migration der Millionäre
    https://www.telepolis.de/features/Die-grosse-Migration-der-Millionaere-9774932.html


    Die Reichtumsuhr für Deutschland am 29.09.2012. Foto : Bernd Schwabe in Hannover, CC BY-SA 3.0

    La migration des millionaires et milliardaires est une aubaine pour les pays d’acceuil et une petite catastrophe pour leurs pays d’origine. Cet article explique les gains et pertes des pays comcernées en première ligne. Ni l’Allemagne ni la France y sont mentionnés. Autrement les chiffres sont impressionnantes si on est ni banquier ni économiste ni riche.

    24.6.2024 von Uwe Kerkow - Viele Millionäre verlassen ihre Heimat, obwohl sie dort reich geworden sind. Wo kommen sie her, was sind ihre Motive und wo gehen sie hin? Und hat das Konsequenzen für Herkunfts- und Aufnahmeländer?

    Viele Millionäre verlassen ihre Heimat, obwohl sie dort reich geworden sind. Wo kommen sie her, was sind ihre Motive und wo gehen sie hin? Und hat das Konsequenzen für Herkunfts- und Aufnahmeländer?

    Kapitalflucht ist ein altbekanntes Problem der Weltwirtschaft. Weniger bekannt ist dagegen, dass auch viele Kapitaleigner, vulgo Millionäre, ihre Heimat verlassen, obwohl sie dort ihr Glück gemacht haben.

    Der Henley Private Wealth Migration Report 2024 zeigt, dass in diesem Jahr voraussichtlich weltweit 128.000 Millionäre ihr Heimatland verlassen werden. Damit wird der bisherige Rekord aus dem letzten Jahr von 120.000 Reichen deutlich übertroffen.

    Diese wachsende Migration von vermögenden Privatpersonen (high-net-worth individuals, HNWI) spiegelt einen Trend der breiteren Wohlstandsmigration, die durch geopolitische Spannungen, wirtschaftliche Unsicherheit und soziale Umwälzungen angetrieben wird.
    128.000 Reiche auf der Suche nach grüneren Gefilden

    Die auffällige Millionärsmigration hat weitreichende Folgen sowohl für die Länder, die sie verlassen, als auch für die, in die sie ziehen. Jedes Land sieht sich mit spezifischen Herausforderungen konfrontiert, die sich auf die Migrationsmuster der Millionäre auswirken.

    Die zehn Länder, aus denen 2024 voraussichtlich die meisten Millionäre abwandern werden:
    1. China -15.200
    2. UK -9.500
    3. Indien -4.300
    4. Südkorea -1.200
    5. Russland -1.000
    6. Brasilien -800
    7. Südafrika -600
    8. Taiwan -400
    9. Nigeria -300
    10. Vietnam -300

    Die Abwanderung von Millionären ist auf eine Kombination von mehreren Faktoren zurückzuführen, darunter die Suche nach einem besseren Lebensstil, einer sichereren Umgebung und dem Zugang zu erstklassigen Gesundheits- und Bildungsdiensten. Wirtschaftliche und politische Stabilität sind entscheidend dafür, um vermögende Einzelpersonen im Land zu halten.
    Wirtschaftliche und politische Stabilität entscheiden

    Davonziehende Reiche sind eine wichtige Quelle für Deviseneinnahmen, da sie verständlicherweise dazu neigen, ihr Geld mitzunehmen, wenn sie in ein Land ziehen. Außerdem sind etwa 20 Prozent von ihnen Unternehmer und Firmengründer, die im Zielland möglicherweise neue Unternehmen gründen und damit Arbeitsplätze schaffen. Der Prozentsatz der Unternehmer und ihnen steigt bei den Centi-Millionären und Milliardären auf über 60 Prozent.

    Die zehn Länder, in die 2024 voraussichtlich die meisten Millionäre zuwandern werden:
    1. VAE +6.700
    2. USA +3.800
    3. Singapur +3.500
    4. Kanada +3.200
    5. Australien +2.500
    6. Italien +2.200
    7. Schweiz +1.500
    8. Griechenland +1.200
    9. Portugal +800
    10. Japan +400

    Diese Länder verzeichnen teilweise beträchtliche Nettozuflüsse von vermögenden Personen und profitieren von den wirtschaftlichen Beiträgen und der Schaffung von Arbeitsplätzen, die reiche Einzelpersonen zusätzlich einbringen. Daher betreiben eine ganze Reihe von Ländern aktive Politiken, die Millionäre und Milliardäre anlocken sollen.

    Beispiellos ist in dieser Hinsicht sicher die Vermögenspolitik der Vereinigten Arabischen Emirate (VAE). In weniger als fünf Jahren hat das Scheichtum einen regulatorischen Rahmen geschaffen, der Vermögenden eine Reihe von maßgeschneiderten Lösungen bietet, um ihr Geld zu schützen, zu erhalten und zu mehren. Dazu gehört vor allem der Einkommenssteuersatz von null Prozent und die entsprechenden Visa Programme. Doch auch der im Land gebotene Luxus und die verkehrstechnisch günstige Lage sind attraktiv.

    „Außergewöhnliche Beiträge zur Volkswirtschaft“

    Auch andere Länder werben um die Reichen, darunter viele südeuropäische Staaten. So hat etwa Portugal Golden Residence Permit Program aufgelegt und Griechenland ein Golden Visa-Program.

    Laut Berliner Zeitung hat Griechenland aufgrund dieses Programms allein 2023 etwa 2,5 Mrd. Euro Direktinvestitionen erhalten. In der Folge haben die immobilienpreise in Griechenland stark angezogen und die Regelung musste deutlich verschärft werden.

    Spanien verfügt über ein Residence by Investment Program und Malta bietet ein spezielles Einbürgerungsverfahren mit ständiger EU-Staatsbürgerschaft für „außergewöhnliche Leistungen und Beiträge zur Volkswirtschaft“.

    Südeuropa und Steueroasen dick im Geschäft

    Selbstverständlich bieten auch traditionelle Steueroasen, etwa in der Karibik, ähnliche Programme an. Da sind unter anderem die Citizenship by Investment Programme von Antigua und Barbuda und von Grenada, die die Reichen und ihre Familien locken sollen.

    Dass ein Land wie Indien dieses Jahr voraussichtlich einen Nettoverlust von 4.300 Millionären hinnehmen muss, ist jedoch wohl kaum auf Faktoren wie geopolitische Spannungen und wirtschaftliche Unsicherheit zurückzuführen. Hier dürften vor allem Fragen der Lebensqualität und auch des Umweltschutzes im Vordergrund stehen.

    „Indiens Position in der globalen Vermögensmigrationslandschaft unterstreicht die Notwendigkeit für eine Politik, die wirtschaftliche Stabilität und Wachstum begünstigt“, schreibt die indische Economic Times, und spart damit die sozialen, politischen und ökologischen Ursachen für die Migration von Millionären aus.
    Mahnendes Beispiel Großbritannien

    Aber wenn schon die Armen keine Stimme haben, ist vielleicht wenigstens der Rückzug der Reichen ein Menetekel für die betroffenen Länder, damit deren Politiker die eingeschlagenen Entwicklungspfade überdenken. Großbritannien ist das mahnende Beispiel.

    Die Abwanderung von voraussichtlich mehr als doppelt so vielen Millionären von der Insel wie aus ganz Indien muss als Alarmzeichen gelten und ist wohl vornehmlich dem Verfall der öffentlichen Institutionen im Vereinigten Königreich geschuldet.

    #mondialisation #libéralisme #nantis #migration #impôts

  • https://mariewyttenbach.com/desinfox

    –—
    Sur les doubles/triples comptages des passages aux #frontières :




    voir aussi :
    #Seeing_double ? How the EU miscounts migrants arriving at its borders
    https://seenthis.net/messages/705957

    Sur l’appel d’air...

    #préjugés #migrations #réfugiés #immigration #BD #bande_dessinée #fact-checking #ressources_pédagogiques #afflux #invasion #immigration_massive #liquide #vagues #discours #chiffres #statistiques #Frontex #passages #mondialisation #globalisation #sur-médiatisation #surestimation #perception #chiffres_relatifs #chiffres_absolus #welfare_state #aides_sociales #shopping_social #appel_d'air #protection_sociale #accès_aux_soins #régularisation #sans-papiers #à_lire #économie #peur #fantasmes

    ping @karine4 @_kg_

    –-

    ajouté à la métaliste sur le lien entre #économie (et surtout l’#Etat_providence) et la #migration... des arguments pour détruire l’#idée_reçue : « Les migrants profitent (voire : viennent POUR profiter) du système social des pays européens »...
    https://seenthis.net/messages/971875

    • Welfare and social protection: What is the link with secondary migration? Evidence from the 2014-crisis hit Italian region of Lombardy

      Evidence on the relationship between secondary international migration and welfare state (or formal protection) support is currently limited. Also, the experience of financial support from semiformal and informal social protection networks has seen limited inclusion in current reflections on secondary mobility patterns such as onward and return migration. Our study analyses the relationship between support from formal, informal and semiformal social protection and short-term secondary migration intentions. The study uses open-access data from the Regional Observatory for Integration and Multiethnicity of Lombardy (Italy) and adopts a competing-risk framework through multinomial logistic regression. Our data do not support the hypothesis of an ex-post “magnetic effect” of the Italian formal social protection on its beneficiaries: individuals on formal welfare are more prone to onward and return migration. However, the positive relationship observed between welfare entitlements and onward migration intentions cannot rule out any effect of welfare magnetism from more generous welfare systems. Monetary aid received from Italian friends is negatively related to return intention. At the same time, economic support from foreign-born friends is correlated to return migration. We interpret results according to social network theory. Economic support and social capital from bridging networks can act as an ex-post integration-driven magnet. Bonding social capital from ties with migrants in Italy cannot secure the migrants’ stay in Italy. However, it can support return migration. Networks providing bonding transnational social capital, and expressed in the form of financial support from relatives living abroad, are instead positively correlated to both forms of secondary migration.

      https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/psp.2469

    • Immigration et appel d’air : anatomie d’un fantasme
      https://www.youtube.com/watch?v=XnRPLS8Crnk


      #Clément_Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et les enjeux politiques. Dimanche 12 novembre : le début de l’examen au Sénat du projet de loi immigration. Parmi les mesures phares de ce texte : la régularisation des immigrés sans papiers qui travaillent dans les métiers « en tension ».

      C’est l’une des mesures les plus discutées au sein du projet de loi immigration : l’article qui prévoit la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Les parlementaires Les Républicains en ont fait une ligne rouge : en aucun cas ils ne voteront le texte si cette mesure en fait partie. Or, la Première ministre a besoin de leur soutien si elle désire s’éviter un nouveau 49-3. Autant dire que les négociations s’annoncent serrées.

      Ce qui est intéressant, ce sont les arguments qui sont utilisés pour pourfendre cette mesure. Et notamment un argument, répété ad nauseam par les élus LR, mais aussi par le Rassemblement national : régulariser les immigrés sans papiers qui travaillent d’ores et déjà sur le territoire, cela créerait un « appel d’air », voire une « pompe aspirante », qui inciterait toujours plus d’exilés à tenter de rentrer illégalement sur notre territoire.

      Aucun accroissement des flux migratoires

      Il se trouve que cette question a été bien travaillée par la science politique. Nous avons, par exemple, un article très important qui a été publié en décembre 2020 par trois chercheurs : Joan Monras, Elias Ferran, Javier Vazquez-Grenno. Il a même été mise à jour en avril 2023, pour intégrer les données les plus récentes. Ce papier se penche sur la décision, prise par le gouvernement espagnole en 2005, de régulariser 600 000 exilés extra-européens. Bilan : près de 20 ans plus tard, aucun accroissement des flux migratoires n’a été constaté. Aucun appel d’air. Mêmes observations pour ce qui s’est produit aux Etats-Unis en 1986 : l’Immigration Reform and Control Act a permis à trois millions d’immigrés de régulariser leur situation. Résultat : toutes les études ont montré que cette décision n’avait pas entraîné une augmentation de l’immigration.

      Plus généralement, aucun article de recherche n’a jamais montré l’existence d’un prétendu « appel d’air » à la suite d’une campagne de régularisation. D’autant qu’il faut, en l’occurrence, être précis sur la mesure proposée par le gouvernement. Les individus concernés doivent justifier de trois ans de présence sur le territoire, avoir travaillé huit mois au cours des derniers 24 mois, dans un secteur en tension, le tout pour obtenir un titre de séjour d’un an renouvelable : cela n’a rien d’une régularisation massive !

      Ceux qui s’opposent à cette mesure mettent aussi en avant un risque pour l’économie. Mais là aussi, cette question a été tranchée. Un gros travail de synthèse a été réalisé, pour Sciences Po, par Hélène Thiollet et Florian Oswald. On observe que, certes, pour les emplois les moins qualifiés, l’immigration peut entraîner, à court terme, une pression sur les salaires. Mais ce n’est ni systématique, ni pérenne. À l’échelle de l’économie dans son ensemble, l’immigration a au contraire un impact soit neutre, soit positif. Quant aux campagnes de régularisation, elles ont un effet bénéfique pour les finances publiques, puisqu’elles font rentrer un surcroît de cotisations patronales dans les caisses de l’Etat. En plus, bien sûr, de sortir de la précarité des hommes et des femmes qui travaillent, sont intégrés, bien souvent payent des impôts, et contribuent à la vie de notre société.
      Peurs et fantasmes

      C’est précisément tout le problème des débats sur l’immigration : certaines positions ne sont étayées ni par des faits, ni par des preuves, mais par des peurs et des fantasmes. On pourrait d’ailleurs évoquer le cas de l’AME, l’aide médicale d’Etat pour les immigrés sans papiers, dont le Sénat vient aussi de voter la suppression – au motif, là aussi, qu’elle créerait un appel d’air. On sait pourtant que le vrai problème de l’AME, c’est plutôt que ceux qui devraient en bénéficier ne la demandent pas : d’après le dernier rapport de Médecins Du Monde, plus de 80% des personnes éligibles à l’AME n’y ont pas recours. Avec des conséquences évidemment dramatiques pour ces personnes, qui finissent par accumuler de graves retards de soin. Mais aussi des conséquences négatives pour notre système de santé et pour les finances publiques, puisque, comme l’ont rappelé de nombreux médecins, il vaut toujours mieux prendre en charges les pathologies le plus tôt possible.

      Tout le problème, c’est que le gouvernement a tendance à céder devant ces arguments, aussi contestables soient-ils. Le président Macron a d’ores et déjà restreint l’AME, en 2019, quand il a décidé d’en conditionner l’accès au fait de prouver trois mois de présence sur le territoire, contre l’avis des professionnels de santé. Nous verrons bien quel sera le texte qui ressortira, in fine, des débats parlementaires. Mais si l’on se fie à la manière dont ils ont commencé, on peut craindre que les passions n’y triomphent, hélas, sur la raison.

      https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/entre-les-lignes/chronique-immigration-et-appel-d-air-anatomie-d-un-fantasme_6150630.htm

  • Des centaines de médicaments génériques pourraient ne plus être vendus en Europe à cause d’irrégularités
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/06/20/en-europe-des-centaines-de-medicaments-generiques-sont-sur-la-sellette-a-cau

    Les Etats membres doivent, sur demande de Bruxelles, suspendre la commercialisation des produits visés jusqu’à leur mise en conformité, mais ils peuvent y surseoir. En France, 72 médicaments sont concernés. Une décision est attendue d’ici le 24 juin.

    Par Zeliha Chaffin
    Publié aujourd’hui à 08h24, modifié à 09h27

    Temps de Lecture 3 min.

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    URBS

    Casse-tête en vue pour les Etats membres de l’Union européenne (UE). La Commission européenne a notifié aux Vingt-Sept la suspension des autorisations de mise sur le marché de plusieurs centaines de médicaments génériques commercialisés sur le continent. Bruxelles, qui se fonde sur un avis émis par l’Agence européenne des médicaments (EMA), invoque « l’insuffisance des preuves concernant la fiabilité des données d’essai », en particulier des études de bioéquivalence, qui visent à démontrer qu’un médicament générique libère la même quantité de substance active dans l’organisme que le médicament de référence qu’il copie.
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    Les laboratoires pharmaceutiques sont sommés d’y mettre bon ordre au plus vite en fournissant de nouvelles données scientifiques conformes aux exigences de qualité européennes. Problème : la liste des médicaments notifiés, à laquelle aucun Etat membre n’échappe, est longue. L’EMA compte près de 2 250 références touchées, l’Allemagne arrivant en tête avec 208 références, devant les Pays-Bas (188), le Portugal (112) et la France (98).

    En pratique, le chiffre est plus réduit, nombre d’entre elles concernant un même médicament vendu sous des présentations (gélules, comprimés, injections, poudre à diluer…), des dosages et dans des pays différents. Ainsi, pour la France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) recense tout compte fait 72 génériques affectés.
    Mettre en péril

    Malgré tout, refaire des études de bioéquivalence nécessite du temps, et l’injonction de la Commission pourrait mettre en péril l’équilibre déjà précaire de l’approvisionnement en produits de santé sur le continent. Faut-il retirer de la vente les génériques listés, au risque de créer des pénuries de médicaments délétères pour les patients, ou maintenir sur le marché ces produits aux dossiers réglementaires non conformes en attendant leur régularisation ? Bruxelles laisse le choix à chaque Etat membre de décider, produit par produit de la conduite à suivre, en donnant la possibilité de reporter la suspension de deux ans pour les génériques jugés « d’une importance cruciale au niveau national », et dont les alternatives existantes pourraient ne pas être disponibles en quantités suffisantes.
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    L’Hexagone n’a pas encore tranché. L’ANSM doit se prononcer sur les 72 génériques identifiés en France avant le 24 juin. Parmi les traitements sur la sellette figurent plusieurs antirétroviraux, utilisés dans le traitement de l’infection par le VIH (sida), des antidiabétiques (metformine, sitagliptine, vildagliptine), des anticancéreux ciblant des cancers du sein, du pancréas ou du sang, des antiépileptiques (topiramate, lacosamide), mais aussi des génériques de l’olanzapine, indiqués dans les troubles bipolaires et la schizophrénie, de la betahistine (contre les vertiges) ou encore du propofol, un anesthésique courant à l’hôpital, et du tadalafil, copie du médicament de référence Cialis, connu pour ses effets similaires au très populaire Viagra.
    Inspection de routine

    L’autorité de santé indique qu’ « il n’y a pas de risque identifié pour les patients traités par l’un de ces médicaments », dont beaucoup sont commercialisés depuis de nombreuses années. L’agence est actuellement en train d’évaluer la situation au cas par cas en concertation avec les laboratoires pharmaceutiques. Une grande partie des principaux génériqueurs opérant sur le territoire, dont Biogaran, Viatris, Sandoz, Arrow ou EG Labo, ont au moins un médicament inscrit sur la liste de l’EMA. Informés de la procédure européenne depuis plusieurs mois, certains ont toutefois d’ores et déjà soumis les résultats de nouvelles études de bioéquivalence. Les éventuelles suspensions pourraient, en conséquence, être moins nombreuses qu’anticipées.
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    La décision de Bruxelles frappe par l’importance du nombre de médicaments et de laboratoires pharmaceutiques (plus d’une centaine de génériqueurs, petits ou grands, sur tout le continent). Comment l’expliquer ? Pour cela, il faut remonter au point de départ en Inde, dans les bureaux de Synapse Labs.
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    L’histoire débute en novembre 2020. L’agence espagnole du médicament mène alors une inspection de routine dans les locaux de la société indienne, installée à Pune dans la région du Maharashtra. Le sous-traitant ne fabrique pas de médicaments, mais il fournit pour les laboratoires pharmaceutiques, dont de très nombreux industriels vendant leurs traitements en Europe, des services de recherche et développement allant de la conduite d’essais cliniques à la réalisation d’études de pharmacovigilance ou de bioéquivalence. A ce titre, l’entreprise est soumise aux contrôles des autorités sanitaires des différents pays dans lesquels ses clients opèrent. Ces dernières peuvent ainsi venir s’y assurer que les prestations effectuées respectent les normes internationales de bonnes pratiques.
    Forte dépendance

    Lors de sa visite en 2020, le gendarme du médicament espagnol relève cependant des irrégularités « jetant de sérieux doutes sur la validité et la fiabilité des données des études » dans les dossiers de bioéquivalence examinés de 2009 à 2019, note un rapport de l’EMA. Une nouvelle inspection du sous-traitant indien en novembre 2022 confirme les observations constatées deux ans plus tôt. L’agence espagnole alerte alors l’Agence européenne des médicaments le 27 juin 2023.
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    S’ensuivent plusieurs mois d’échanges entre l’autorité de santé de l’UE et Synapse Labs, au cours desquels l’EMA examine minutieusement les dossiers litigieux, avant de recommander, le 21 mars, la suspension des autorisations de mise sur le marché d’une partie des génériques testés par Synapse Labs qui sont commercialisés en Europe. Deux mois plus tard, le 24 mai, l’avis de l’EMA se transforme finalement en injonction de la Commission européenne.

    L’affaire met surtout en exergue une faiblesse bien connue de l’industrie pharmaceutique, à savoir sa forte dépendance à quelques gros fournisseurs ou prestataires mondiaux, aux différents maillons de la chaîne du médicament. A l’image de la fabrication de principes actifs, concentrée pour certaines molécules très consommées, dans les mains d’une poignée d’industriels. Pour éviter l’écueil, certains laboratoires diversifient leurs sources. Mais cela a un coût que tous ne veulent pas, ou parfois ne peuvent pas, assumer.

    Zeliha Chaffin

    #Santé_publique #Médicaments #Industrie_pharmaceutique #Génériques #Tests #Mondialisation

  • L’audition calamiteuse du patron de Boeing devant le Sénat des Etats-Unis : « Vous êtes payé à quoi faire ? »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/06/19/au-senat-americain-l-audition-calamiteuse-du-patron-de-boeing_6241338_3234.h

    Pendant toute l’audition, la première depuis l’incident d’Alaska Airlines, le président de #Boeing a asséné des généralités, alors qu’aux problèmes de conception par les bureaux d’ingénieurs des 737 MAX s’est ajouté le problème de fabrication industrielle qui a conduit à l’arrachage, début janvier, d’une porte bouchon d’un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines – les vis enlevées pour une réparation n’avaient pas été remises en place.

    Réponses lénifiantes

    Récemment, on a appris que du titane contrefait produit par un obscur sous-traitant chinois avait été utilisé dans le fuselage des avions Boeing et Airbus, mais Boeing n’en avait rien su, car le matériel était fourni par un fournisseur de fournisseur. « Notre culture est loin d’être parfaite, mais nous prenons des mesures et nous progressons », a répété M. Calhoun. « Vous et votre conseil d’administration avez un devoir envers vos actionnaires, mais ils seront profondément mal servis si vous ne parvenez pas à corriger le tir et à vous attaquer à la cause profonde de cette culture de sécurité défaillante », avait déclaré d’emblée le sénateur démocrate du Connecticut et président de l’audition, Richard Blumenthal.

    L’hallali a été donné par le sénateur républicain du Missouri Josh Hawley, qui a demandé à M. Calhoun s’il méritait sa rémunération de 32,8 millions de dollars (environ 30,6 millions d’euros). « Une hausse de 45 % », a rappelé M. Hawley. « Vous êtes payé à quoi faire ? », a demandé le sénateur, qui a énuméré ses griefs face aux réponses lénifiantes du PDG.

    « Vous faites l’objet d’une enquête pour falsification des rapports d’inspection du 787. Boeing fait l’objet d’une enquête criminelle pour le vol d’Alaska Airlines. Vous avez fait l’objet d’une enquête du ministère de la justice pour conspiration criminelle visant à frauder la FAA [Federal Aviation Administration]. Tout cela relève de votre mandat », a accusé le sénateur, qui a fini par expliquer ce à quoi était, selon lui, payé M. Calhoun.

    « Vous vous concentrez sur ce pour quoi vous avez été embauché, c’est-à-dire que vous faites des économies. Vous éliminez les procédures de sécurité. Vous vous en prenez à vos employés. Vous supprimez des emplois parce que vous essayez de tirer le maximum de profit possible de cette entreprise. Vous exploitez Boeing jusqu’à la moelle », a accusé Hawley, qui a enfin demandé au patron pourquoi il n’avait pas démissionné.

    Les candidats ne se pressent pas

    « Sénateur, je m’en tiens à cela. Je suis fier d’avoir accepté ce poste. Je suis fier de notre bilan en matière de sécurité », a osé M. Calhoun. (...)

    • Etats-Unis : des familles de victimes de crashes de Boeing réclament une amende de près de 25 milliards de dollars
      https://www.lemonde.fr/international/article/2024/06/19/etats-unis-des-familles-de-victimes-de-crashes-de-boeing-reclament-une-amend

      Le patron de Boeing, Dave Calhoun, avait reconnu, la veille, la « gravité » de la situation concernant la qualité de la production du constructeur. Mais il avait également assuré, devant une commission d’enquête du sénat américain, que des progrès avaient d’ores et déjà été effectués. Présents dans le public lors de cette audition, des proches de victimes des crashes des Boeing 737 MAX 8, de la compagnie indonésienne Lion Air en 2018 et d’Ethiopan Airlines en 2019, brandissaient des photos des disparus. Ces deux accidents avaient causé la mort de 346 personnes au total.

      Paul Cassell, le représentant des familles des victimes, a justifié dans une lettre adressée au ministère américain de la justice, la somme demandée à Boeing. « Puisque le crime de Boeing est le crime le plus mortel d’une entreprise dans l’histoire des Etats-Unis, une amende maximale de plus de 24 milliards de dollars est légalement justifiée et clairement adéquate », a-t-il écrit, dans ce communiqué consulté par l’Agence France-Presse.
      Menace de poursuites pénales
      Longue de 32 pages, la lettre détaille les calculs effectués pour arriver à cette somme. Elle précise que « 14 à 22 milliards de dollars de l’amende pourraient être mises en sursis à la condition que Boeing dédie ces fonds à un contrôleur indépendant et à des améliorations liées aux programmes de conformité et de sécurité ». (...)

    • « Le rachat de Spirit AeroSystems ou la souveraineté version Boeing », Philippe Escande
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/06/24/le-rachat-de-spirit-aerosystems-ou-la-souverainete-version-boeing_6243296_32
      CHRONIQUE

      Il n’y a pas que les politiques qui s’intéressent à la souveraineté. Par les temps incertains qui courent, chacun se préoccupe de la maîtrise de son propre destin avec la conviction que ce contrôle passe désormais par une volontaire reprise en main. Pour un pays cela passe par le rapatriement à l’intérieur de ses frontières de sociétés ou d’usines. Pour les entreprises par une réintégration à l’intérieur d’une même maison de ses anciens fournisseurs. C’est dans cet esprit que Boeing, qui n’en finit pas d’accumuler les catastrophes, a décidé d’en finir avec sa politique très extrémiste de fabrication à l’extérieur des pièces de ses avions pour les produire dans ses propres usines. Symbole de cette nouvelle pratique forcée par les événements, le projet de rachat de son fournisseur d’ailes et de fuselages Spirit AeroSystems, coupable d’être responsable de l’arrachage de la porte de secours d’un appareil en janvier 2024. Une activité installée au Kansas dont il s’était séparé en 2005. La souveraineté aéronautique version Boeing.

      Mais ce retour à demeure pose un petit problème. Libérée de sa maison mère, achetée par un fonds d’investissement, puis cotée en Bourse, Spirit est devenue, par rachats successifs, une entreprise mondiale fournissant de multiples clients dont le principal concurrent de Boeing, Airbus. Celui-ci, n’entendant pas les choses de la même oreille, s’est invité dans les négociations. Résultat, les deux géants vont se partager les dépouilles de l’un de leurs plus gros fournisseurs, qui emploie près de 18 000 personnes dans le monde. Selon l’agence Reuters, confirmée par le Financial Times et Bloomberg, l’accord devrait être annoncé cette semaine, sauf pépin de dernière minute. Airbus récupérera notamment les sites irlandais, écossais, anglais et français, qui produisent pour ses A220, A320 et A350.

      L’externalisation peut coûter cher

      Ce n’est pas la première fois que se pose la question des frontières d’une entreprise. Ces dernières ont toujours évolué comme le capitalisme depuis plus de deux siècles, en suivant la pente de la spécialisation des tâches, gage de plus grande efficacité et de développement de la concurrence. Les pays ont fait de même, le phénomène s’accélérant avec la #mondialisation. Le cas de Boeing en est la plus parfaite illustration. Créée en 1916, la firme constitue, en 1929, un énorme conglomérat réunissant la fabrication de moteurs (Pratt & Whitney), d’avions et même une compagnie aérienne.

      Les autorités ordonnent la séparation en 1934, donnant leur indépendance aux sociétés Boeing, United Technologies (moteurs) et United Airlines. Mondialisation aidant, Boeing, au début des années 2000, est allé plus loin en cédant ses fabrications de composants pour ne garder que l’assemblage. Une version atténuée de l’#entreprise sans #usine, qui a abouti au démantèlement progressif de nombreux grands conglomérats mondiaux. Mais ce que l’on gagne en productivité, on risque de le perdre en supervision. Comme la désindustrialisation pour les pays, l’#externalisation peut coûter cher dès qu’elle devient hors de contrôle. Que faire soi-même ? Que déléguer et comment ? Voilà une question sans cesse renouvelée. Et sans réponse définitive.

  • Protocole sur le commerce numérique de la ZLECAf : Des problèmes critiques dévoilés | bilaterals.org
    https://www.bilaterals.org/?protocole-sur-le-commerce&lang=fr

    Très intéressant de voir comment le capitalisme numérique vit grâce à l’imposition de règles d’exception. Et comment leur capacité de lobbying fait qu’ensuite les États acceptent ces règles d’exception, au nom de projets futurs (même si depuis 20 ans, on sait que les promesses cachent souvent un deal avec le diable).

    9 April 2024

    Protocole sur le commerce numérique de la ZLECAf : Des problèmes critiques dévoilés

    Dans les eaux troubles de l’économie numérique, où l’innovation technologique dépasse les cadres réglementaires, la version finale du projet de protocole sur le commerce numérique de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), divulguée le 9 février 2024, soulève de profondes inquiétudes.

    Champ d’application et préoccupations

    Le protocole vise à libéraliser le commerce électronique et l’économie numérique en Afrique, mais les règles proposées restreindraient le droit des gouvernements africains à réglementer dans l’intérêt public. Les États africains pourraient être traduits devant un organe de règlement des différends et jugés responsables s’ils introduisent de nouvelles lois qui limitent la capacité des entreprises du secteur technologique à opérer dans un environnement presque non réglementé, même face à de nouvelles preuves scientifiques.

    Le champ d’application du protocole s’étend bien au-delà du commerce numérique intra-africain, suscitant la crainte que des pays plus développés n’exploitent ses dispositions sans concessions réciproques. Ce champ d’application étendu, qui comprend des mesures telles que le commerce sans papier, risque de permettre aux acteurs mondiaux de piétiner les économies africaines. Les grandes entreprises, telles que Google, Amazon, Meta, Alibaba et Temu, pourraient en sortir gagnantes.

    Le texte comprend également des clauses précédemment rejetées par les États-Unis lors des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur le commerce électronique parce qu’elles limitaient leur capacité à réglementer. Bien que les intérêts des États-Unis soient sans doute différents de ceux des Etats africains, de telles dispositions pourraient rendre les nations africaines vulnérables à des pratiques de concurrence déloyale.

    En outre, l’article 46 du protocole stipule que les parties à la ZLECAf « élaboreront, après l’adoption du présent protocole, [plusieurs] annexes », notamment sur les transferts transfrontaliers de données, la divulgation des codes sources et des technologies financières. Cependant, le protocole ne précise pas le contenu de ces annexes, alors que leur contenu pourrait avoir un impact significatif sur la manière dont le commerce numérique est mené sur le continent. Le texte principal de la ZLECAf définit la procédure d’entrée en vigueur de l’accord et des protocoles, mais ne mentionne pas les annexes (article 23). Il est donc difficile de savoir quand ces annexes seront finalisées et si elles feront l’objet d’un débat démocratique ou si elles seront négociées à huis clos, après l’entrée en vigueur des protocoles.

    Atteinte au droit de réglementer

    L’un des aspects les plus controversés du protocole réside dans les restrictions sévères qu’il impose à l’autonomie réglementaire, qui vont même au-delà des restrictions imposées par les accords de libre-échange antérieurs des États-Unis. Cela représente une menace sérieuse pour divers cadres réglementaires, y compris ceux qui régissent des secteurs clés tels que la finance.

    Les gouvernements africains, déjà aux prises avec des paysages réglementaires labyrinthiques, sont confrontés à un dilemme. De nombreuses lois et réglementations existantes peuvent être en porte-à-faux avec le protocole, ce qui jette le doute sur l’efficacité de la gouvernance dans des domaines multiples.

    L’article 4, qui traite du droit de réglementer, pose un problème flagrant. Tout en accordant prétendument ce droit, la formulation du protocole le laisse ouvert à l’interprétation, ce qui risque d’entraver l’efficacité de l’action réglementaire. Par exemple, le mot « légitime » a été interprété par les tribunaux de l’OMC, ou des tribunaux d’arbitrage dans le cadre d’accords sur le commerce et l’investissement, comme signifiant le respect de bonnes pratiques réglementaires communément reconnues, qui excluent en général les considérations politiques ou éthiques du processus d’élaboration des réglementations par les pouvoirs publics et favorisent les intérêts des entreprises. La charge de la preuve incombe à la partie défenderesse, qui doit démontrer qu’elle n’a pas imposé d’obstacles « non nécessaires » au commerce.

    Le protocole aurait pu inclure des exclusions spécifiques pour protéger efficacement le droit des États à réglementer, comme celle que l’on trouve dans le chapitre sur le commerce numérique de l’accord commercial entre la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne, qui exclut les mesures prises par la Nouvelle-Zélande pour protéger les droits des populations autochtones. En outre, la charge de la preuve incomberait au demandeur. Mais l’objectif du protocole semble avoir délibérément exclu des exceptions fortes, laissant aux gouvernements le risque d’être bridés par des règles juridiques opaques qui entravent leur capacité à protéger le bien public et à poursuivre des objectifs politiques appropriés.

    Interdiction des droits de douane sur les produits numériques

    L’article 6.1 stipule que l’interdiction des droits de douane sur les produits numériques est soumise à l’annexe sur les règles d’origine, ce qui suscite des inquiétudes quant à la perte de revenus pour les pays africains. De nombreux pays en développement taxent encore les produits importés à la frontière par le biais de droits de douane ou de taxes. Cela permet de générer des recettes pour financer les gouvernements et les services publics. En 1996, les membres de l’OMC ont convenu d’une interdiction temporaire des droits de douane sur les transmissions électroniques. Cette interdiction a été prolongée tous les deux ans. En 2020, ce moratoire a coûté aux pays africains plus de 2 milliards de dollars de pertes de revenus. L’ambiguïté entourant l’inclusion de grandes entreprises numériques telles qu’Amazon, Netflix ou Spotify renforce les inquiétudes relatives à la perte potentielle de revenus à laquelle les pays africains pourraient être confrontés, car il est devenu très courant de télécharger des livres, des films, de la musique et d’autres contenus par voie électronique, plutôt que d’en acheter des copies physiques.

    Permettre les flux de données transfrontaliers

    Les entreprises du secteur technologique s’intéressent tout particulièrement aux transactions de données à données, la collecte, le stockage et la vente de données personnelles à travers les frontières étant devenus la pierre angulaire de leurs activités. Ces données ne façonnent pas seulement l’expérience des individus, elles ont aussi une immense valeur pour divers domaines, notamment les assurances, l’éducation et les fournisseurs de soins de santé, les créanciers et les agences gouvernementales. Toutefois, au-delà de l’individu, le véritable cœur de cette économie numérique réside dans les ensembles de données et de métadonnées colossaux qui alimentent les algorithmes à la base du profilage, du ciblage et de l’analyse prédictive. L’article 20 du protocole numérique de la ZLECAf impose des flux de données transfrontaliers illimités, une disposition qui va à l’encontre des réglementations existantes de nombreux gouvernements africains. Le protocole stipule également qu’une annexe spécifique définira plus précisément les règles relatives aux flux de données, mais aucun calendrier n’a été fixé pour son élaboration. Tout en promouvant en apparence l’intégration numérique, cette partie du protocole pose des défis importants aux gouvernements qui cherchent à réglementer le paysage numérique et à protéger les données personnelles. Cela soulève des questions essentielles en matière de protection de la vie privée, de réglementation et de gouvernance démocratique à l’ère du numérique.

    Restrictions sur la localisation des données

    Les restrictions de l’article 22 sur la localisation des données constituent un obstacle direct à l’intérêt national, à la protection de la vie privée et aux lois sur la sécurité de nombreux pays africains. En limitant la capacité des gouvernements à faire respecter les exigences en matière de localisation des données, le protocole menace tout contrôle réglementaire réel. Les entreprises de technologie décrivent les exigences de « localisation forcée », telles que l’obligation d’utiliser des serveurs situés dans les pays où elles opèrent, comme des « barrières » au commerce numérique. En résistant à ces exigences, elles cherchent à garder le contrôle sur l’endroit où les données sont stockées, en optant souvent pour des juridictions aux réglementations plus souples, comme les États-Unis. Toutefois, cette position est en contradiction directe avec les lois sur la localisation des données appliquées par de nombreux pays africains, dont le Botswana, le Kenya, le Nigeria et d’autres, qui imposent le stockage local des données pour diverses raisons, telles que la sécurité, le respect des obligations fiscales et la protection de la vie privée. Ces réglementations servent des intérêts gouvernementaux plus larges en permettant une gestion efficace des crises, la régulation financière et l’application de la loi.

    Contraintes relatives à la propriété intellectuelle

    Le protocole introduit une disposition controversée limitant la capacité des gouvernements à exiger l’accès aux codes sources (article 24.1). Cette restriction, qui va au-delà de ce qu’exige l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), impose d’importantes protections de la propriété intellectuelle. Les pays non membres de l’OMC, ainsi que les pays les moins avancés d’Afrique, devront se conformer à cette clause ADPIC+. Or, les gouvernements ont besoin d’accéder aux codes sources ou de les transférer pour diverses raisons, comme l’application des lois sur la concurrence, les réglementations fiscales, la surveillance du secteur financier, la sécurité automobile, la réglementation des jeux d’argent, la facilitation des procédures judiciaires, la gestion des marchés publics et le transfert de technologies. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle a été critiquée par les États-Unis, qui ont retiré leur soutien aux négociations de l’OMC sur le commerce électronique, craignant qu’elle n’étouffe les options réglementaires, en particulier à la lumière des progrès de l’intelligence artificielle (IA). Ce clivage souligne un débat plus large sur l’équilibre des pouvoirs entre les entités privées et les régulateurs.

    Le dilemme des technologies émergentes

    L’article 34.1 promet de faciliter l’adoption des technologies émergentes et avancées, mais derrière cette façade se cache un champ de mines potentiel. L’avènement des technologies émergentes et avancées a révélé des risques et des problèmes inhérents, en particulier lorsque la perspective des progrès technologiques futurs nous est inconnue. Cependant, le champ d’application étendu de cet accord ne permet pas de faire la distinction entre les innovations bénéfiques et les technologies potentiellement nuisibles. Les récents incidents liés à l’IA, qu’il s’agisse des préoccupations de ChatGPT en matière de protection de la vie privée, ou des appels téléphoniques robotisés générés par l’IA et manipulant l’opinion publique, mettent en évidence les dangers de l’IA. Alors que les gouvernements sont confrontés aux répercussions des incertitudes liées aux innovations à venir, la nécessité d’une réglementation plus stricte devient de plus en plus urgente.

    Problèmes de mise en œuvre

    Les mécanismes d’application du protocole de règlement des différends de la ZLECAf soulèvent des inquiétudes quant à l’influence des entreprises multinationales. Des cas antérieurs ont montré la manière dont ces sociétés peuvent subtilement façonner les procédures judiciaires, ce qui soulève des questions concernant l’intégrité du processus de règlement des différends. Par exemple, par le passé, de grandes entreprises ont incité des gouvernements à poursuivre des litiges en leur faveur, dans le cadre de l’OMC. Des sociétés telles que Google, Amazon et Meta pourraient potentiellement financer des procès contre des gouvernements africains pour non-respect des dispositions du protocole qui bénéficient à leurs intérêts. À mesure que le paysage du commerce numérique évolue, il sera essentiel de naviguer à travers la complexité des interactions entre les accords commerciaux, l’influence des entreprises et la souveraineté des gouvernements, afin de protéger les intérêts des nations africaines.

    L’urgence d’un débat public plus large sur la ZLECAf et ses conséquences néfastes pour les populations africaines

    Sous la promesse que le commerce numérique apportera croissance économique et emplois, le protocole de commerce numérique de la ZLECAf sacrifie les protections de la souveraineté réglementaire. Les entreprises du secteur technologique devraient en être les principales bénéficiaires, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes quant à la nécessité de défendre les intérêts publics et l’autonomie réglementaire nationale.

    La ZLECAf a été négocié dans le secret depuis sa création. Très peu de personnes en Afrique sont au courant de ses conséquences, et sans parler de son existence. Le protocole sur le commerce numérique confirme cette tendance et souligne le besoin urgent d’un débat public plus large sur l’accord de libre-échange et son impact potentiellement préjudiciable sur la vie des populations africaines. Un accord commercial fondé en grande partie sur des concepts néolibéraux issus des pays du Nord, qui ont contribué à l’accroissement des inégalités, des tensions sociales et économiques, de la dégradation de l’environnement et du changement climatique, ne peut être la réponse aux différents défis auxquels le continent est confronté.

    #Commerce_numérique #Afrique #Mondialisation

  • Why Sanctions Haven’t Hobbled Russia - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2024/02/16/briefing/russian-sanctions.html

    After Russia invaded Ukraine in 2022, Western nations imposed the most extensive sanctions and trade restrictions in history on Moscow. Today, Russia appears to be doing OK.

    Its economy is growing steadily. Russia can’t buy much from the West but has found new providers for drones, surveillance gear, computer chips and other gear. Its oil and gas sales are still strong, despite attempts to stop them. Russian officials say they have plenty of money to pay for their war.

    Moscow’s continued strength is a humbling result for the U.S. and its allies. These nations make up more than half of the global economy, and they tried to weaponize their influence over trade and finance to weaken Russia. They hoped to make President Vladimir Putin a pariah and maybe even stop the war. Today, I’ll explain why those efforts have fallen short — and whether they can be made to work again.

    #Mondialisation #Géopolitique #Russie #Economie

  • #Pénuries : des grains de sable dans la machine

    Depuis le 17 janvier, on trouve dans toutes les bonnes librairies le dernier #livre de notre contributeur #Renaud_Duterme. #Mondialisation, réseaux d’#approvisionnement, goulots d’étranglement… Voici, en quelques paragraphes, un aperçu du contenu de « Pénuries. Quand tout vient à manquer » (éd. Payot).

    Pénurie. Un mot que l’on croyait appartenir au passé. Mais que plusieurs événements (pandémie de Covid-19, blocage du canal de Suez, guerre en Ukraine) ont fait revenir sur le devant de l’actualité. Énergie, matières premières, denrées alimentaires, médicaments, matériaux de construction, pièces automobiles, puces électroniques, main d’œuvre, aucun secteur ne semble épargné par cette tendance préoccupante.

    Un approvisionnement sous tension

    La quasi-totalité des biens que nous achetons et utilisons nous parviennent via des #chaînes_d’approvisionnement aussi longues que complexes. Elles sont composées de multiples maillons, allant de l’extraction de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) et leur transformation, jusqu’à l’acheminement vers les rayons des supermarchés, en passant par la fabrication, l’entreposage et, bien sûr, le transport. Le tout fonctionnant en #flux_tendu (la logique de stock ayant laissé la place à un acheminement quotidien), principalement grâce au développement de la #conteneurisation et du #transport routier. Le maître mot de cette #logistique est la #fluidité. Le moindre grain de sable peut gripper toute la machine, a fortiori s’il n’est pas résorbé rapidement.

    Car mondialisation capitaliste oblige, les différentes étapes de ces chaînes d’approvisionnement ont été de plus en plus éloignées les unes des autres, augmentant les risques de #perturbations par #effet_domino. Conflits, catastrophes naturelles, aléas climatiques, grèves, attentats, cyber-attaques, épidémies, autant d’événements pouvant « gripper » un maillon de la chaîne (voire plusieurs) et par là provoquer des goulots d’étranglement remettant en question le fonctionnement même de l’#économie. Ces #goulots semblent se multiplier depuis quelques années et il est fort probable que cela ne soit qu’un début, tant de nombreuses ruptures se dessinent, causées par des limites géophysiques (épuisement des ressources), des dérèglements climatiques (sécheresses et inondations), la chute des rendements agricoles, des tensions socio-économiques (mouvements sociaux, grèves, manque de main d’œuvre, vieillissement de la population, montée des replis identitaires) ou encore géopolitiques (guerres et conflits divers).

    Rien que ces derniers mois, on peut évoquer l’assèchement du canal de Panama engendrant une réduction du nombre de navires pouvant l’emprunter quotidiennement ; les attaques des Houthis en mer Rouge contre des navires commerciaux, ce qui a contraint de nombreux armateurs à faire contourner l’Afrique à leurs navires ; ou encore les grèves et les blocages émanant du monde agricole qui, s’ils accentuaient, pourraient priver certains territoires d’approvisionnement divers. Rappelons que les cent premières villes de France ont seulement trois jours d’autonomie alimentaire, avec 98% de leur nourriture importée[1].

    Jusqu’ici, les tensions ont été en partie surmontées et n’ont pas débouché sur des ruptures majeures, matérialisées par des pénuries durables. Mais leur multiplication est un phénomène inquiétant et l’analyse objective des risques laisse supposer une aggravation et surtout une interconnexion entre des phénomènes a priori distincts les uns des autres. C’est d’autant plus vrai qu’un couac peut engendrer des perturbations bien plus longues que le problème en tant que tel, les retards s’accumulant à chaque étape, le redémarrage de la machine pouvant mettre plusieurs mois, voire années, pour retrouver la fluidité qui fait sa raison d’être.

    Ironie du sort, ces tensions impactent de nombreux éléments sans lesquels la logistique elle-même serait impossible. Les palettes, conserves, conteneurs, véhicules, emballages et cartons sont aussi fabriqués de façon industrielle et nécessitent des composants ou des matières souvent issus de pays lointains et dont le transport et les procédés de fabrication impliquent de grandes quantités d’énergie et de ressources (métaux, bois, eau, etc.).

    Idem pour la main d’œuvre nécessaire au bon fonctionnement des infrastructures qui nous entourent. La colère des agriculteurs est là pour nous rappeler que ces dernières dépendent in fine de travailleurs agricoles, de chauffeurs (deux professions qui ont bien du mal à trouver une relève auprès des jeunes générations), mais aussi d’employés de supermarché, d’exploitants forestiers, d’ouvriers du bâtiment, de magasiniers d’entrepôts logistiques, etc.

    Le ver était dans le fruit

    Ces #vulnérabilités sont loin d’être une fatalité et découlent d’une vision de la mondialisation au sein de laquelle les forces du marché jouissent d’une liberté quasi-totale, ce qui a engendré une multinationalisation des entreprises, la création de zones de libre-échange de plus en plus grandes et la mainmise de la finance sur les grands processus productifs. Des principes se sont peu à peu imposés tels que la spécialisation des territoires dans une ou quelques productions (particulièrement visible en ce qui concerne l’agriculture) ; la standardisation à outrance permettant des économies d’échelles ; la liberté des mouvements de capitaux, engendrant des phénomènes spéculatifs à l’origine de la volatilité des prix de nombreuses matières premières ; la mise en concurrence de l’ensemble des territoires et des travailleurs ; et bien sûr l’interdépendance mutuelle.

    Ces principes entrainent des conséquences dramatiques chez un nombre croissant de personnes, entraînant une perte de légitimité du système en place, ce qui risque également d’alimenter des tensions sociales et géopolitiques déjà existantes, perturbant un peu plus ces chaînes logistiques. À titre d’exemple, les politiques de fermeture des frontières prônées par de plus en plus de gouvernements national-populistes priveraient les pays qui les appliquent de milliers de travailleurs, conduisant à des pénuries de main d’œuvre dans de nombreux secteurs.

    Démondialiser les risques

    En outre, avoir un regard global sur nos systèmes d’approvisionnement permet de (re)mettre certaines réalités au cœur des analyses. Il en est ainsi de cycles de production concernant les différents objets qui nous entourent. De l’origine des composants nécessaires à leur fabrication. Des impacts écologiques et sociaux présents à toutes les étapes de ces cycles. Des limites du recyclage. De la fable que constitue le découplage[2], cette idée selon laquelle il serait possible de croître économiquement tout en baissant les impacts environnementaux. Des limites physiques et sociales auxquelles va se heurter la poursuite de notre consommation.

    Pour ce faire, il importe de populariser de nombreux concepts tels que l’#empreinte_matière (qui tente de calculer l’ensemble des ressources nécessaires à la fabrication d’un bien), l’#énergie_grise et l’#eau_virtuelle (respectivement l’énergie et l’eau entrant dans les cycles d’extraction et de fabrication d’un produit), le #métabolisme (qui envisage toute activité humaine à travers le prisme d’un organisme nécessitant des ressources et rejetant des déchets), la #dette_écologique (qui inclut le pillage des autres pays dans notre développement économique) ou encore l’#extractivisme (qui conçoit l’exploitation de la nature d’une façon comptable).

    Et par là aller vers plus d’#autonomie_territoriale, en particulier dans les domaines les plus élémentaires tels que l’#agriculture, l’#énergie ou la #santé (rappelons qu’environ 80% des principes actifs indispensables à la plupart des médicaments sont produits en Chine et en Inde)[3].

    Dans le cas contraire, l’#anthropocène, avec ses promesses d’abondance, porte en lui les futures pénuries. Le monde ne vaut-il pas mieux qu’un horizon à la Mad Max ?

    https://blogs.mediapart.fr/geographies-en-mouvement/blog/300124/penuries-des-grains-de-sable-dans-la-machine

    #pénurie #mondialisation #globalisation

    • Pénuries. Quand tout vient à manquer

      Comment s’adapter aux ruptures qui nous attendent dans un monde en contraction

      Saviez-vous que la plupart des villes ne survivraient que deux à trois jours sans apport extérieur de nourriture ? Qu’un smartphone nécessite des métaux rares issus des quatre coins du monde ? Et que 80% des principes actifs nécessaires à la fabrication de nos médicaments sont produits en Chine et en Inde ? La quasi-totalité des biens que nous achetons parviennent jusqu’à nous via des chaînes d’approvisionnement aussi complexes que lointaines, de l’extraction et la transformation de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) à l’acheminement de produits finis vers nos supermarchés. Ce qui, mondialisation capitaliste oblige, augmente les risques de vulnérabilité de ces chaînes par effet domino.
      Nous expérimentons déjà ces pénuries que nous vivons mal, habitués à une société de flux ininterrompu. Or elles vont s’aggraver du fait de l’épuisement des ressources, des dérèglements climatiques, des tensions socio-économiques et géopolitiques. Demain, nous allons manquer de riz, de cuivre, de pétrole... Il est donc urgent de nous y préparer et d’envisager un autre système économique afin de rendre nos villes et nos vies plus autonomes et résilientes.

      https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/p%C3%A9nuries-9782228934930

  • Le #fascisme #libéral / 2000

    "Au #Mexique, la défaite, à l’élection présidentielle du 2 juillet, du candidat du Parti de la révolution institutionnelle (PRI), au pouvoir depuis soixante et onze ans, laisse le pays ébranlé. La victoire de M. Vicente Fox, du Parti d’action nationale (PAN), constitue un véritable séisme. La chute du PRI représente la fin d’un style de pouvoir fondé sur la tricherie et la corruption. Mais le succès du PAN, de tradition ultracatholique et proaméricaine, comme hier, en Autriche, celui du parti de M. Jörg Haider, ou demain, en Italie, celui de M. Silvio Berlusconi allié à M. Gianfranco Fini, marquent l’apparition, à l’échelle internationale, d’une nouvelle droite, contradictoire mélange d’extrême droite et de néolibéralisme. Le sous-commandant Marcos rappelle dans quel contexte — celui de la « globalisation fragmentée » — se produit la naissance de cette nouvelle droite. (...)

    #politique #monde #changement #alternative #mondialisation #diplomatie #société #seenthis #vangauguin

    https://www.monde-diplomatique.fr/2000/08/MARCOS/1936

  • L’homme d’#affaires le plus riche d’#Afrique a perdu plusieurs milliards de dollars en 2023

    Comme quoi la taille de la #teub et la taille du #cerveau n’ont rien à voir...

     :-D :-D :-D

    #économie #politique #finance #Monde #mondialisation #piège_à_cons #société #alternatives #seenthis #vangauguin #t_as_pas_cent_balles

    « Le milliardaire nigérian #Aliko_Dangote a vu sa #fortune chuter de 3,6 milliards de dollars au cours des 12 mois écoulés, selon l’indice Bloomberg Billionaires.
    Le coût des actifs d’Aliko Dangote, fondateur et propriétaire du groupe éponyme, a enregistré une baisse 3,6 milliards de dollars depuis le début de l’année, relate Bloomberg dans son classement des milliardaires Billionaires Index.
    Malgré une forte reprise l’année précédente, en 2023, la valeur nette du milliardaire nigérian a baissé de 18,7 milliards de dollars (à la date du 31 décembre 2022) à 15,1 milliards au 31 décembre 2023. (...) »

    https://fr.sputniknews.africa/20231231/lhomme-daffaires-le-plus-riche-dafrique-a-perdu-plusieurs-milliar

  • Nos chats sont-ils des terreurs écologiques ?

    “Les chats sont une #catastrophe pour la #biodiversité. Les chiens sont une catastrophe pour le climat” a affirmé le 13 décembre, sur TF1, le chercheur médiatique #François_Gemenne, ancien membre du GIEC et enseignant à Science Po Paris. En disant cela, il a admis lui-même aborder un sujet sensible, susceptible de déclencher la colère des téléspectateurs. Et cela n’a pas loupé : la séquence a été largement commentée sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens – y compris d’autres écologistes – rappelant qu’il y avait beaucoup à faire, par exemple s’en prendre aux grands bourgeois et leur train de vie délirant, avant de s’intéresser à l’impact de nos chats et de nos chiens sur la biodiversité et le #climat. Oui mais ne serions-nous pas des défenseurs de la planète en carton-pâte si nous ne considérions pas honnêtement la #responsabilité des animaux les plus populaires et les plus mignons sur ce qu’il nous arrive ?

    1 – La destruction de la biodiversité a plusieurs causes

    Quand on pense à l’écologie, on pense d’abord au sujet du réchauffement climatique dû à l’impact des activités humaines carbonés. Mais il y a d’autres sujets à prendre en compte parmi lesquels la baisse très rapide de la biodiversité (quantité d’espèces différentes sur la planète). Elle est en chute libre car de nombreux êtres vivants disparaissent du fait de la transformation, par les activités humaines, de leur environnement. C’est pourquoi on parle d’une “#sixième_extinction_de_masse” : une grande partie des espèces qui peuplent la terre pourrait disparaître prochainement. Selon l’Office Français de la Biodiversité, un établissement public créé récemment pour promouvoir la sauvegarde de ces espèces, 68 % des populations de vertébrés (mammifères, poissons, oiseaux, reptiles et amphibiens) ont disparu entre 1970 et 2016, soit en moins de 50 ans. Et rien qu’en 15 ans, 30% des oiseaux des champs ont disparu, ainsi que 38% des chauves-souris. Si jamais on s’en fout royalement de ces animaux, on peut se rappeler que tout est lié et que ces disparitions ont des conséquences sur nos vies, car chacune de ces espèces jouent un rôle au sein d’un #écosystème, et que certaines peuvent ensuite prendre le dessus et devenir envahissantes…

    La France a un rôle particulier à jouer car elle est le 6e pays du monde à héberger des espèces menacées. Qu’est-ce qui, chez nous, contribue à cette #extinction_de_masse ? Comme partout, le #changement_climatique joue un rôle important en déstabilisant la vie et la reproduction de nombre d’espèces. Ensuite, la pollution de l’air, de l’eau et du sol est considérée par l’ONG WWF comme la première cause de perte de biodiversité dans le monde. On peut également citer la transformation de l’usage des #sols, avec le développement de l’agriculture intensive et l’étalement urbain : le premier transforme la végétation, par exemple en détruisant les #haies pour augmenter les surfaces cultivables par des engins de plus en plus gros, ce qui dégomme des lieux de vie pour nombres d’espèces, en particulier les insectes et les rongeurs, dont la disparition affecte ensuite les oiseaux.

    Il faut aussi mentionner la surexploitation des animaux, via la #pêche_intensive mais aussi la #chasse, bien que sur cette dernière activité, le débat fasse rage dans le cas de la France : les défenseurs de la chasse estiment qu’elle contribue à préserver la biodiversité, puisque les chasseurs “régulent” certaines espèces potentiellement envahissantes et relâchent dans la nature des animaux qu’ils élèvent le reste de l’année. Les lobbies de chasseurs dépensent beaucoup d’argent et de temps pour imposer cette réalité dans le débat public, allant jusqu’à dire que les chasseurs sont “les premiers écologistes de France”, mais les faits sont têtus : seuls 10% des oiseaux relâchés par leurs soins survivent car ils sont désorientés, incapables de se nourrir correctement et pas autonome. Quiconque vit en zone rurale connaît le spectacle navrant de ces faisans et autres bécasses qui errent au bord des routes, attirés par la présence humaine, en quête de nourriture… Quant à la “régulation” des #espèces_invasives, il semble que cela soit en grande partie une légende urbaine : “La grande majorité des animaux tués à la chasse, approximativement 90 ou 95 % n’ont pas besoin d’être régulés” explique le biologiste Pierre Rigaud au Média Vert.

    2 – Les espèces invasives, produits du #capitalisme mondialisé

    Mais dans la liste des causes de la baisse de la biodiversité, il faut mentionner l’impact très important des espèces invasives introduites par l’homme dans la nature – on arrive à nos chatons. Dans son dernier rapport, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES, qui représente 130 gouvernements et publie des rapports réguliers) établit que la “présence cumulative d’#espèces_exotiques s’est accrue de 40% depuis 1980, et est associée à l’intensification des échange commerciaux ainsi qu’à la dynamique et aux tendances démographiques”. Parce que la “#mondialisation” est passée par là, ou, pour le dire clairement, que la #colonisation et la mise sous régime capitaliste du monde entier a eu lieu au cours du XXe siècle, des espèces circulent d’un continent à l’autre et parviennent dans des endroits où elles commettent de gros dégâts sur les espèces endémiques (“endémique” : qui vit dans un lieu donné. S’oppose à “exotique”).

    Le cas du #frelon_asiatique est très symptomatique : cette espèce a débarqué en France, vraisemblablement dans un conteneur venu de Chine, il y a 20 ans et nuit depuis largement à la biodiversité, notamment aux abeilles. 2004, c’est le début de l’intensification des #échanges_commerciaux avec l’Asie du fait de la délocalisation de toute une partie de la production industrielle en Chine, au grand bonheur des entreprises européennes et de leurs profits. Au passage, ils nous ont ramené le frelon.

    Mais nos animaux préférés seraient aussi en cause : les chats sont des mangeurs d’#oiseaux et ont effectivement, comme le dit François Gemenne, une part de responsabilité dans la baisse de la biodiversité… Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’ils provoquent autant de mortalité en France et en Belgique que… nos #fenêtres, contre lesquelles les oiseaux se cognent et meurent… Selon le Muséum d’Histoire Naturelle, interrogé par France Info, les chats ne sont pas les principaux responsables de la disparition des oiseaux car ”Leur raréfaction tient avant tout à la disparition des #insectes et la perte d’habitat. Le chat représente toutefois une pression supplémentaire importante sur une population fragilisée.” Ce serait en #ville et sur les #îles que l’impact des chats serait important, et non dans les campagnes, où il est “un prédateur parmi d’autres”.

    3 – Accuser les chats pour préserver les capitalistes ?

    Lorsque l’on regarde les principaux facteurs de chute de la biodiversité dans le monde, on constate que tout à avoir des décisions humaines. Quel type d’#agriculture développons-nous ? Comment construisons-nous nos villes ? A quelle fréquence faisons-nous circuler les marchandises et les animaux entre les différentes parties du monde ? Quelles activités polluantes décidons-nous de réduire et lesquelles nous choisissons de garder ? On est donc très loin d’une simple équation scientifique : face à un problème comme la sixième extinction de masse, ce sont des décisions collectives potentiellement très conflictuelles que nous devons prendre. Qui arrête son activité ? Qui la poursuit ? Qui va continuer à gagner de l’argent ? Qui va devoir perdre une activité très rentable ?

    Puisque le pouvoir, en France comme dans le monde, appartient aux défenseurs du capitalisme, la décision est pour l’instant la suivante : ce qui génère du profit doit continuer à pouvoir générer plus de profit. L’#agriculture_intensive doit donc continuer et se développer. C’est pourquoi, depuis 50 ans, 70% des haies et des #bocages, refuges de biodiversité, ont disparu, et le phénomène s’accélère. Car les lobbies de l’#agriculture_industrielle ont sévi et, encore récemment, ont obtenu de pouvoir continuer leur jeu de massacre. La #pollution des sols et de l’air ? Elle continue. Le #glyphosate, cet #herbicide qui dégomme les insectes et rend les animaux malades, a été autorisé pour 10 années de plus par l’Union Européenne, pour continuer à produire davantage sur le plan agricole, une production qui sera en grande partie exportée et qui contribuera au grand jeu des profits de l’#agroalimentaire

    Les villes et les villages peuvent continuer de s’étendre et c’est flagrant en zone rurale : puisque le marché du logement est dérégulé et qu’il est plus profitable de construire sur terrain nu que de réhabiliter de l’ancien dans les centre-bourgs, les périphéries des petites villes s’étendent tandis que les centres se meurent… L’#étalement_urbain, qui fait reculer la biodiversité, s’étend sous la pression du #marché_immobilier. Là encore, c’est un choix en faveur du capitalisme et au détriment de la biodiversité… Et inutile de parler du réchauffement climatique : la COP 28, dont la délégation française comprenait Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnergies, s’est soldée par un “accord pitoyable”, pour reprendre les mots de Clément Sénéchal, spécialiste du climat, dans Politis. Mais François Gemenne, lui, s’en est réjoui avec enthousiasme.

    Le consensus des dirigeants du monde entier est donc le suivant : il ne faut donner aucune véritable contrainte aux marchés qui prospèrent sur la destruction des espèces vivantes sur cette planète. Et en France, puissance agricole, ce constat est encore plus flagrant.

    Alors, que nous reste-t-il ? Les #décisions_individuelles. Ce pis-aller de l’#écologie_bourgeoise qui consiste finalement à dire : “bon, on a tranché, on ne va pas toucher au train-train du capitalisme qui nous plaît tant mais par contre on va vous demander à vous, citoyens, de faire des efforts pour la planète”. Mais attention : sans trop mentionner la consommation de #viande, le seul “#petit_geste” qui a un impact très significatif parce que la consommation de viande est en moyenne la troisième source d’émission carbone des Français (avant l’avion). Les industriels de la viande veillent au grain et ne veulent surtout pas qu’on se penche là-dessus.

    Parler des animaux domestiques s’inscrit dans cette veine-là. Bien sûr que, dans l’absolu, les chats et les chiens ont un impact sur la biodiversité et sur le climat. Car tout a un #impact. Mais d’une part cet impact reste marginal et d’autre part il est non systémique. Certes, le capitalisme a trouvé un bon filon pour faire du profit sur le dos de nos amours pour ces animaux qui apportent de la joie et du bonheur chez de nombreuses personnes, il suffit d’entrer dans une animalerie pour cela : la diversité des aliments, des jouets, des accessoires, le tout dans des couleurs chatoyantes pour appâter le maître bien plus que le chien… Mais lorsque l’on parle des chats qui mangent des oiseaux, on ne parle pas du capitalisme. Pire, on en profite pour masquer l’impact bien plus significatif de certaines activités. Les chasseurs, qui dépensent de lourds moyens pour influencer le débat public et ne reculent devant aucun argument ne s’y sont pas trompés : #Willy_Schraen, le président de la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) a tenté d’orienter, en 2020, l’attention du public sur l’impact des chats, qu’il accuse, ironie du sort, de trop chasser et qu’il a appelé à piéger. Aucune solidarité dans la profession !

    4 – Sortir du discours écolo bourgeois : un mode d’emploi

    Les chats sont bel et bien des chasseurs mais il existe des solutions pour limiter leur impact sur la biodiversité : stériliser le plus souvent possible pour éviter leur prolifération, les faire sortir uniquement à certaines heures de la journée ou… jouer davantage avec eux durant la journée. Pas sûr que les mêmes solutions fonctionnent pour réduire l’impact de la FNSEA, de TotalEnergies, de Lactalis, de la CMA CGM et de tous les milliardaires français : le patrimoine de 63 d’entre eux, en France, émettent autant de gaz à effet de serre que la moitié de la population française.

    Pour amuser vos petites boules de poils, la rédaction de Frustration recommande l’arbre à chat. Pour amuser vos petits milliardaires on recommande la visite de l’épave du Titanic dans un sous-marin peu étanche

    Comment utiliser efficacement son temps d’antenne quand on est un scientifique médiatique comme #François_Gemenne ? On peut se faire mousser en se payant un petit bad buzz par la #culpabilisation des individus possédant un chat. Ou bien on peut prioriser les sujets, étant entendu que dans l’absolu, oui, toutes les activités humaines polluent et ont un impact sur la biodiversité. Comment procéder ?

    - Aller du plus systémique au moins systémique : critiquer le capitalisme (ou ses sous-catégories : marché immobilier, #agro-industrie, industrie pétrolière etc.), qui conduit les entreprises et les individus à chercher la production permanente et l’exploitation permanente dans un monde aux ressources finies, plutôt que les chats, qui se contentent de vivre et de paresser sans chercher à performer ou faire preuve de leur respect de la “valeur travail”.
    - Aller du plus impactant au moins impactant : oui, la nourriture des chiens pollue, mais l’industrie de la viande dans le monde est une bombe climatique. Mais peut-être est-il moins gênant de vexer Frolic et Royal Canin que Fleury Michon et Fabien Roussel ?
    – Aller du plus superflu au moins superflu : dans l’ordre, commencer à interdire les yachts et les vols en jet privé avant de s’en prendre à la voiture individuelle serait une bonne chose. Sans quoi, personne ne comprend la demande d’un effort à forte conséquence sur son mode de vie quand, pour d’autres, ce sont les loisirs qui seraient visés.

    Ensuite, puisqu’il faut trancher, que ces choix se fassent démocratiquement. Pour préserver la biodiversité, préfère-t-on interdire la chasse ou limiter le nombre de chats par personne ? Veut-on sortir du modèle agricole productiviste orienté vers la production de viande ou interdire les chiens ? Et si on rappelait au passage que les #animaux_de_compagnie sont parfois la seule famille des personnes seules et fragilisées, notamment parmi les personnes pauvres, et qu’ils fournissent des services à la population, non quantifiable sur le plan financier ?

    Bref, préférez-vous en finir avec les chatons ou avec la bourgeoisie ? De notre côté, la réponse est toute trouvée.

    https://www.frustrationmagazine.fr/chats-ecologie

    #chats #chat #écologie #animaux_domestiques #industrie_agro-alimentaire #priorité #à_lire