• Des médecins s’inquiètent déjà au 19e siècle des effets des #pesticides sur la #santé

    Si l’usage des pesticides s’est généralisé dans les années 1960, il avait commencé bien avant, explique l’historienne des sciences #Nathalie_Jas. Dès le 19e siècle, des médecins se sont aussi inquiétés de leurs effets sur la santé. Entretien.
    Basta ! : Quand a commencé l’usage des pesticides en agriculture ?

    Nathalie Jas : Dès la fin du 18e siècle, des savants et des représentants de l’élite agricole ont essayé d’utiliser des produits chimiques en agriculture. À partir des années 1830, une industrie des engrais se développe aux États-Unis et dans les pays européens. Ce mouvement est étroitement lié à des formes d’intensification de la production agricole qui se mettent d’abord en place dans les zones qui s’urbanisent et s’industrialisent.

    Dans ces territoires, les agriculteurs doivent alors produire plus, en étant moins nombreux, pour nourrir les personnes qui ont quitté les campagnes. L’utilisation de produits chimiques comme les insecticides, anti-parasitaires ou anti-cryptogamiques (c’est-à-dire les antifongiques, contre les champignons, ndlr) en agriculture est ainsi initié dès la première moitié du 19e siècle puis se répand dans la viticulture ou la production de certains fruits. Ce processus ne va jamais cesser.

    Après la Seconde Guerre mondiale, et en particulier dans les années 1960, on assiste à une accélération de l’industrialisation de l’agriculture qui repose, entre autres, sur l’usage des pesticides. Les transformations profondes qui s’opèrent à ce moment-là s’inscrivent dans différentes dynamiques initiées antérieurement, à commencer par la longue confrontation avec des problèmes sanitaires, que ce soit pour les végétaux ou les animaux, qui restaient sans véritables solutions. Par exemple, dès la fin du 18e siècle, on a cherché à utiliser des substances chimiques pour la conservation des semences et des récoltes attaquées par des champignons ou des insectes.

    Est-ce la course au rendement agricole qui a poussé à l’utilisation toujours plus poussée des pesticides ?

    Des textes d’agronomes au début du vingtième siècle décrivent bien les conséquences phytosanitaires des logiques d’intensification que requièrent des cultures orientées vers le rendement. Des formes de monoculture se mettent en place, avec des choix de variétés qui ne sont pas forcément les plus résistantes face aux insectes, aux maladies et champignons. La monoculture réduisant les possibilités de stratégie agronomiques, on se tourne, avec plus ou moins de succès, vers des produits chimiques afin de limiter les dégâts.

    À partir du dernier tiers du 19e siècle, les marchés globaux se développent, notamment avec l’arrivée du chemin-de-fer et des bateaux à vapeur. Cette densification des échanges de produits agricoles s’accompagne d’un accroissement conséquent des circulations de pathogènes, d’insectes, d’adventices. De nouveaux problèmes phytosanitaires s’installent dans des régions où ils n’étaient pas présents auparavant.

    C’est le cas du très célèbre phylloxéra, un puceron venu des États-Unis et, qui, en une trentaine d’années détruit l’ensemble du vignoble européen. Une solution efficace via un système de greffe est mise au point à la fin des années 1870 à Montpellier. Elle n’est cependant adoptée qu’à la fin du 19e siècle, après plus d’une vingtaine d’années d’utilisation massive de produits chimiques pulvérisés sans succès et avec le soutien de l’État. Cette histoire est une illustration parmi d’autres de l’importance qu’a pu prendre la lutte chimique en agriculture avant la Seconde Guerre mondiale, dans certains secteurs agricoles au moins.

    Cette émergence de la chimie dans l’agriculture s’accompagne-t-elle de tentatives de réglementations, liées à la peur de l’empoisonnement collectif ?

    C’est ce que l’on appelle les législations sur les substances vénéneuses, qui ont une très longue histoire, antérieure même au 18e siècle. Ces législations ont été revues et développées à différentes époques. Au-delà de la question de la consommation de produits alimentaires potentiellement contaminés, on trouve des traces de l’inquiétude de médecins, d’agronomes et de chimistes du 19e face aux conséquences sur la santé des ouvriers et ouvrières agricoles et des paysans et paysannes de l’utilisation de produits chimiques.

    Ainsi, à la fin du 19e siècle, ce qui est considéré comme le premier manuel de « médecine agricole » rédigé par un médecin, décrit les maux de santé rencontrés en milieu agricole et rural. Quelques pages sont consacrées à l’utilisation de produits chimiques pour protéger les récoltes et les animaux, et sur les effets délétères de ces produits sur la santé de ceux et celles qui y sont exposés.

    L’ordonnance de 1846, qui vise à encadrer les multiples usages de l’arsenic en agriculture, est-elle appliquée ?

    À cette époque, on utilisait des produits à base d’arsenic pour traiter les semences et les cultures, et lutter contre certaines maladies cutanées animales comme la gale, qui pouvaient rendre les animaux très malades et engendrer d’importantes pertes. Cet usage s’est notamment développé parmi certains éleveurs de moutons qui plongeait leurs bêtes dans des bains d’arsenic. Il y avait aussi un usage domestique pour lutter contre les mouches.

    Dans les années 1840, les autorités publiques s’inquiètent des empoisonnements criminels alimentaires à l’arsenic. Pour tenter de lutter contre ce qui est présenté comme un problème majeur de sécurité publique, elles ont inclus cette préoccupation dans la législation les « substances vénéneuses » via un article d’une ordonnance royale de 1846 qui la réforme.

    L’usage des « composés arsenicaux » est interdit en 1846 sur les cultures et les récoltes ainsi que dans la sphère domestique. Mais cette ordonnance continue à autoriser l’usage de ces produits pour le bain des animaux. Les autorités considèrent alors que pour les semences, il y a des solutions alternatives, mais qu’il n’en existe pas pour les animaux. C’est une première manifestation de ce que j’appelle une « politique de segmentation » pour les produits chimiques toxiques utilisés en agriculture.

    Cette politique est toujours structurante : les politiques publiques différencient les mesures appliquées à ces produits suivant les produits, mais aussi suivant l’usage qui en est fait. Ce qui est intéressant aussi avec la législation de 1846, c’est qu’elle n’est pas appliquée. Les écarts plus ou moins importants aux normes prescrites par les réglementations portant sur les toxiques en agriculture que l’on désigne comme pesticides après la Seconde Guerre mondiale sont aussi très structurants dans le long terme.

    Est-ce aussi ce qui s’est passé pour la vigne ?

    La vigne est soumise à de nombreuses problématiques phytosanitaires que l’on a très tôt cherché à solutionner en utilisant des produits chimiques : produits à base de cuivre, nicotine (dont les stocks nationaux sous la Troisième République font l’objet d’une répartition départementale âprement négociée, votée chaque année au Parlement), souffre, arsenicaux notamment. Le cas du phylloxéra montre bien que le réflexe « produits chimiques » étaient déjà bien installé dans certains secteurs agricoles dans le dernier tiers du 19e siècle. Ce que le cas du phylloxéra nous enseigne aussi, c’est que ce réflexe était aussi le produit de l’activité voire de l’activisme d’un ensemble d’acteurs : des élites viticoles, mais aussi des industries.

    Mais à cette époque, ce n’était pas forcément les industries fabricant les produits chimiques qui conduisaient ce que l’on appellerait aujourd’hui du lobbying. En France, ce secteur était alors très éclaté, et peu organisé. Les entreprises qui organisent la promotion des solutions chimiques auprès des autorités publiques et agricoles afin de lutter contre le phylloxera, c’est la compagnie ferroviaire PLM (pour Paris Lyon Marseille), qui assure le transport de produits et de pulvérisateurs mais aussi l’entreprise Vermorel, alors le premier fabricant de pulvérisateurs du pays.

    Bien que la crise du phylloxera ait été solutionnée par le greffage, la viticulture n’a pas alors remis en cause l’utilisation de produits chimiques dans la lutte phytosanitaire. Au contraire, le coût pour replanter les vignes était conséquent : la vigne est donc devenue à la fin du 19e siècle une importante culture qui reposait sur la minimisation des risques de perte de récoltes. La logique de la solution chimique va se poursuivre.

    En 1916, en plein milieu de la Première Guerre mondiale, une autre loi encadrant l’usage des pesticides voit le jour. Qu’apporte-elle de nouveau ?

    Le décret-loi du 14 septembre 1916 concernant l’importation, le commerce, la détention et l’usage des substances vénéneuses est une législation très importante qui ne concerne pas principalement l’agriculture, mais qui jette les bases d’un ensemble de règles qui encadrent encore aujourd’hui l’usage des pesticides.

    Ce texte mentionne par exemple l’obligation d’avoir un local séparé et fermé pour stocker les produits définis réglementairement comme toxiques ou dangereux et utilisés en agriculture, l’obligation de mentionner des informations précises sur les étiquettes des sacs ou des bidons contenants ces produits ou encore l’obligation de porter des vêtements de protection pour manipuler ou épandre les produits, vêtements qui devaient être enlevés et lavés systématiquement après chaque utilisation. Les employeurs étaient tenus d’informer les ouvriers et les ouvrières agricoles des dangers des produits utilisés. Et ces travailleurs et travailleuses devaient avoir des endroits où se laver avant de repartir à leur domicile

    Pourquoi les préoccupations pour la santé publique apparaissent à ce moment-là dans les débats politiques ?

    Il y a plusieurs raisons. La fin du 19e siècle et le début du 20e siècle ont été marqués par un ensemble de luttes ouvrières visant, entre autres, à supprimer l’utilisation de certains produits toxiques dans les industries. De ces luttes ont résulté des législations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui ne concernaient pas le secteur agricole.

    Cependant, certains médecins hygiénistes et chimistes toxicologues, forts de leur expérience du milieu industriel, s’inquiètent de l’utilisation de certains toxiques en agriculture, au premier rang desquels les arsenicaux. Ils craignent ce qu’ils nomment l’épidémie d’« arsenicisme à venir » résultant d’expositions répétées à de petites doses (la cancérogénicité de l’arsenic n’est pas encore identifiée) via le travail agricole, la contamination des habitations par les travailleurs et travailleuses agricoles (et donc des enfants) et l’alimentation.

    Au-delà, ils s’interrogent aussi des effets sur la faune, notamment les abeilles. Par ailleurs, les préfets sont préoccupés par la circulation de produits à base d’arsenicaux non seulement interdits mais pouvant aussi contaminer les aliments. Des intoxications collectives visibles retentissantes confirment cette préoccupation.

    Les interpellations de l’État sont suffisamment importantes pour qu’il intervienne. Sa réponse, via le décret-loi de 1916 tente d’articuler développement de l’agriculture à la protection de la santé publique via l’instauration de réglementations qui encadrent les usages. Non seulement l’efficacité de ces mesures n’est pas évaluée, mais aucun moyen n’est alloué pour s’assurer de leur mise en œuvre. Elles restent donc largement ignorées.

    Est-ce en vertu de ce pragmatisme économique et industriel que la notion « d’usage contrôlé » fait son entrée dans la loi ?

    La notion d’ « usage contrôlé » est postérieure mais c’est bien cette logique qui guide le décret-loi de 1916. Il établit trois tableaux dans lesquels les substances sont classées. Les substances qui ne sont classées dans aucun des trois tableaux ne sont pas soumises au décret-loi. On trouve des substances utilisées en agriculture à des fins vétérinaires ou phytosanitaires dans les tableaux A (substances toxiques) et C (substances dangereuses). Les substances classées dans ces tableaux sont soumises à des réglementations spécifiques qui encadrent leur commercialisation, leur détention et leurs usages et qui visent à protéger la santé publique.

    La loi dit que les produits classés comme A, qui sont considérés comme les plus toxiques, ne sont théoriquement pas autorisés à être utilisés en agriculture. C’était le cas des arsenicaux. Le décret-loi institue cependant un système dérogatoire au bénéfice de certains arsenicaux. Il est à noter que des systèmes similaires se mettent alors en place dans d’autres pays et que ce type de classement des substances chimiques suivant leur toxicité qui organise leur encadrement réglementaire se retrouve aujourd’hui dans de nombreuses législations internationales, dont la législation européenne.

    Ce système dérogatoire va être largement utilisé dans l’entre-deux-guerres, et le nombre de produits utilisés ne va cesser de croître...

    Oui, il va y avoir une extension des dérogations à d’autres substances en fonction de ce qui est considéré comme étant des urgences. C’est le cas de l’arseniate de plomb, qui était totalement interdit en 1916 et qui est autorisé dans l’entre-deux-guerres via un système dérogatoire pour lutter contre les invasions de doryphores sur les pommes de terre.

    Si les médecins hygiénistes s’indignent, les agronomes et nombre d’agriculteurs considèrent alors que c’est l’unique solution pour préserver les récoltes de pommes de terre qui est un aliment essentiel dans l’Entre-deux guerre. De nombreux autres produits sont utilisés, le souffre, le cuivre et la nicotine déjà évoqués mais aussi les huiles de pétrole ou des produits comme la chloropicrine, issus des recherches sur les gaz de guerre. À partir des années 1930, de nouveaux produits font leur apparition sur les marchés par exemple pour la désinfection des semences (dont le Zyklon B, utilisé dans les chambres à gaz par les nazis) ou des herbicides élaborés à partir de produits pétroliers.

    Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, il y a une accélération de la structuration des industries phytosanitaires. Co-construite avec l’État, cette structuration et cet encadrement de l’usage des pesticides ne riment pas nécessairement avec une meilleure protection des usagers. Pourquoi ?

    Avant la Seconde Guerre mondiale, il existait une multitude de petites entreprises qui produisaient des insecticides, des anti-parasitaires, des produits anti-cryptogamiques voir des herbicides. On ne parlait pas encore de pesticides. Ces entreprises avaient mauvaise réputation car la qualité de leurs produits n’étaient pas contrôlée et et encore moins réglementée, à l’exception des produits à base de cuivre.

    Les plus grosses entreprises dont celles qui constituèrent ensuite Rhône-Poulenc et Péchiney – les deux très grandes entreprises françaises des pesticides post Seconde Guerre mondiale, ainsi que Vermorel, le gros fabricant français de pulvérisateurs – étaient d’un avis différent. Elles voulaient gagner en crédibilité pour développer leur marché. Elles ont donc travaillé avec certains haut-fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, des scientifiques convaincus par la lutte chimique et des représentants du monde agricole.

    https://basta.media/des-medecins-s-inquietent-des-le-19e-siecle-des-effets-des-pesticides-sur-l
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  • Planter 1 milliard d’arbres : comment le plan de #Macron rase des #forêts

    Le projet du gouvernement de planter #1_milliard_d’arbres est « une #supercherie », dénoncent des associations. D’après des documents obtenus par Reporterre, il servirait à financer des #coupes_rases et à industrialiser la filière.

    L’État plante des arbres pour mieux raser des forêts. C’est la réalité cachée du projet de plantation de 1 milliard d’arbres vanté par Emmanuel Macron. Dix-huit mois après son annonce en grande pompe, au lendemain des incendies de l’été 2022, le plan qui avait pour ambition de « renouveler 10 % de la forêt française » et de « #réparer_la_nature » montre un tout autre visage : les millions d’euros d’argent public déversés dans la filière servent de prime aux coupes rases et transforment des forêts diversifiées en #monocultures_résineuses. Une situation qui inquiète gravement les associations écologistes.

    D’après les documents officiels du ministère de l’Agriculture, que Reporterre a pu consulter, 50 millions d’arbres ont déjà été plantés, sur 35 935 hectares. Dans de nombreuses régions, les conditions dans lesquelles se sont déroulés ces chantiers posent problème.

    Les documents indiquent que 15 millions de plants d’arbres auraient été replantés sur 10 000 hectares de forêts qualifiées de « pauvres » par le gouvernement. Ces forêts rasées étaient en réalité « saines et bien portantes », assure l’association Canopée, qui a enquêté sur le terrain. Des coupes rases sur 6 500 hectares auraient même été réalisées en zone Natura 2000. Sur ces surfaces dévolues d’ordinaire à la protection du vivant, 1 500 hectares auraient été ensuite plantés exclusivement en #pins_douglas, une essence prisée par les industriels.

    Adapter la forêt aux besoins de l’industrie

    « On nage en plein délire, s’emporte Bruno Doucet, chargé de campagnes au sein de l’association. Alors même qu’il y a urgence à préserver les forêts, on les rase pour les transformer en #champs_d’arbres. » Les associations écologistes dénoncent un « coup de communication » et « un projet mégalomane ». Le milliard d’arbres plantés aurait vocation non pas à aider la forêt à affronter le dérèglement climatique, mais à l’adapter aux besoins de l’#industrie. « Si tous les arbres du plan “1 milliard d’arbres” sont plantés dans les mêmes conditions, cela signifierait que 200 000 hectares de forêts saines et vivantes seraient rasés d’ici 2032 », ajoute-t-il.

    « La #biodiversité a peu à peu été rejetée au second plan pour prioriser la #récolte_de_bois et les #fonctions_productives de la forêt », regrette de son côté Christophe Chauvin, pilote du réseau forêt à France Nature Environnement (FNE). En septembre 2023, plusieurs ONG écologistes [1] alertaient déjà sur les dérives en cours. « La stratégie s’est éloignée de l’enjeu qui en a initié l’élaboration », écrivaient-ils dans un rapport. « La restauration des écosystèmes » et le « renforcement de la résilience des forêts » ont été délaissés au profit d’une logique simpliste et comptable qui privilégie « les #plantations_en_plein », c’est-à-dire les #plantations après coupes rases, prévenaient-ils.

    « Plutôt que de protéger les peuplements existants, en les enrichissant et en travaillant avec finesse, les industriels préfèrent tout couper pour les substituer à d’autres essences, du #résineux majoritairement, qu’ils jugent plus résistant et plus intéressant économiquement », observe Christophe Chauvin.

    Plus de 80 % des arbres sont plantés après une coupe rase

    Selon un rapport du Conseil supérieur de la forêt et du bois, un organisme ministériel, les plantations en plein, donc après coupes rases, représenteraient près de 80 % des opérations à effectuer pour atteindre la cible du milliard d’arbres, et donc se feraient en lieu et place d’anciennes forêts. Seuls 7 % des arbres plantés viendraient s’ajouter aux forêts existantes, principalement sur des terres agricoles abandonnées. À TF1, le ministère de l’Agriculture a tenu à préciser que « l’objectif du milliard d’arbres ne visait pas à créer de nouvelles forêts, mais bien à renouveler celles déjà existantes ».

    « #Renouveler », ou plutôt « #transformer » la forêt et « #abattre » des parcelles entières pour y #replanter de jeunes arbres. Ce que le ministère assume auprès de Reporterre : « France Relance s’adresse à des forêts malades ou non adaptées au changement climatique. Il est donc normal que les plantations en plein soient très majoritaires. Les coupes rases sont essentiellement sanitaires », assure-t-il.

    Les grandes #coopératives_forestières en embuscade

    Concrètement, 35 935 hectares ont été replantés de 2021 à 2023 pour un coût de 150 millions d’euros, d’après la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Le #pin_maritime et le #douglas ont été les principales essences replantées sur d’anciennes #forêts_feuillues et les plantations après coupes rases ont représenté 32 046 hectares (soit 89 % de la surface totale). Ces chantiers lourds et coûteux ont été portés en grande majorité par les coopératives forestières, des entreprises qui plaident pour l’#industrialisation de la filière.

    « Ce plan favorise une logique prométhéenne »

    Selon le document de la DGPE, les #coopératives ont capté plus du tiers des #subventions totales, le reste est allé aux particuliers et aux propriétaires (parfois eux-même en lien avec des coopératives). « Le #plan a constitué un effet d’aubaine pour asseoir leur #modèle_productiviste. Ces acteurs se sont accaparé l’argent public pour leur business », dénonce Bruno Doucet. La plus grande coopérative, #Alliance_Forêts_Bois, critiquée pour ses méthodes destructrices des écosystèmes, a même perçu 10 % des subventions. C’est en #Nouvelle-Aquitaine, dans la forêt des #Landes — où l’entreprise est hégémonique —, qu’il y a d’ailleurs eu le plus de #reboisements. À l’inverse, les experts et gestionnaires indépendants qui privilégient souvent d’autres méthodes sylvicoles plus proches de la nature n’ont reçu que des miettes. Ils ne représentent que 7 % des dossiers soutenus par les pouvoirs publics.

    « Ce plan favorise une logique prométhéenne, soutient Christophe Chauvin, c’est une négation de l’#écologie et de ses équilibres. On croit à la toute-puissance de l’intervention humaine et à celles des machines. C’est soit naïf, soit complètement opportuniste. »

    « Si une forêt est pauvre, il faut l’enrichir, pas la détruire »

    Au cœur des polémiques résident les critères d’attribution de ces #aides. Pour être éligible aux #subventions et pouvoir replanter sa forêt au nom du milliard d’arbres, il faut que son peuplement soit considéré comme « dépérissant »,« vulnérable » ou « pauvre ».

    Pour l’État, un « #peuplement_dépérissant » est une forêt où 20 % des arbres seraient morts après une catastrophe naturelle ou une attaque de pathogènes. Une forêt « vulnérable » est une forêt que l’on suppose menacée à terme par le réchauffement climatique avec des essences jugées fragiles comme le châtaignier ou le hêtre. Tandis qu’un peuplement est considéré comme « pauvre », lorsque sa valeur économique est inférieure à 15 000 euros l’hectare, soit environ trois fois son coût de plantation.

    Ces définitions font l’objet de vifs débats. Les ONG écologistes jugent trop faible le curseur de 20 % pour un peuplement dépérissant. Par exemple, dans une forêt composée à 80 % de chênes sains et à 20 % d’épicéas attaqués par des scolytes, le propriétaire pourrait légalement tout raser, toucher des subventions et dire qu’il participe au grand projet du milliard d’arbres.

    Les peuplements dits « vulnérables » suscitent aussi des controverses. Sans nier les conséquences du réchauffement climatique sur les forêts — la mortalité des arbres a augmenté de 80 % en dix ans —, la vulnérabilité d’un massif reste très difficile à établir. Elle dépend de multiples facteurs et repose aussi sur le scénario climatique auquel on se réfère, à +2 °C, +4 °C, etc.

    « Il faut être vigilant quant à ces projections, prévient Marc Deconchat, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). On ne sait pas exactement comment les essences vont survivre ou non. On connaît encore mal leur capacité d’adaptation et d’évolution génétiques. »

    Les modèles qui prédisent une migration vers le nord de certaines essences d’arbres indigènes ou leur disparition reposent sur des moyennes générales, avec des échelles parfois très grossières. « Quand on regarde de manière plus subtile, en prenant en compte les variations de pente, le type de sol ou d’orientation au soleil, le risque de disparition est très variable, affirme Marc Deconchat. Ce ne sont d’ailleurs pas uniquement les essences qui sont en cause, mais aussi le mode de #sylviculture qui leur est associé. »

    Un exemple de #maladaptation

    C’est surtout le terme de « #peuplement_pauvre » qui provoque l’ire des écologistes. Cette expression servirait de prétexte pour tout ratiboiser. Selon les calculs de plusieurs forestiers et écologistes, près de 95 % des forêts françaises auraient une valeur sur pied inférieur à 15 000 euros l’hectare. Avec ce critère, quasiment toute la forêt métropolitaine pourrait donc être considérée comme pauvre et être remplacée par des plantations.

    Dans un documentaire, le journaliste Hugo Clément montre comment des parcelles de forêts #feuillues diversifiées considérées comme pauvres ont été rasées, partout à travers la #France, avec ce type d’argumentaire. Le #bois a été transformé en #broyat pour partir ensuite en fumée, nourrir des chaudières ou faire de l’électricité. « C’est une supercherie, un non-sens écologique et climatique. Une forêt pauvre, il faut l’enrichir, pas la détruire », enchérit Christophe Chauvin.

    Les défenseurs de l’environnement craignent que ce plan de 1 milliard d’arbres ne soit finalement qu’un exemple de maladaptation au changement climatique. Ils rappellent que les #monocultures sont plus fragiles que les vieilles forêts face aux aléas naturels. 38 % des plantations de jeunes arbres sont morts l’an dernier à cause de la sécheresse. La coupe rase est aussi décriée pour ses conséquences climatiques. « Elle est à éviter autant que possible et ne doit être utilisée qu’en dernier recours », déclare le climatologue Philippe Ciais. Dans une expertise scientifique commandée par le ministère de la Transition écologique, soixante-dix chercheurs affirment que « les principaux effets des coupes rases sur le milieu physique et chimique sont généralement négatifs et globalement bien documentés, notamment sur la structure, la fertilité et le stockage de carbone des sols, la biodiversité, l’érosion ou encore la qualité des cours d’eau ».

    « Dans une période de restriction budgétaire où le ministre de l’Économie appelle à faire la chasse aux dépenses inutiles, on peut se demander légitimement si ce plan n’en fait pas partie », déclare Bruno Doucet. Jusqu’à 2032, l’État souhaite mobiliser 8 à 10 milliards d’euros pour planter son milliard d’arbres.

    https://reporterre.net/1-milliard-d-arbres-plantes-le-mensonge-de-Macron-Le-milliard-d-arbres-d
    #déforestation

  • Résister à la #monoculture_minière. Retour sur la #lutte de #Skouriès en #Grèce

    Du 15 au 24 juillet 2022, les opposant·es à la mine de Skouriès, dans la région de la #Chalcidique en Grèce, organisaient le 9e camp contre l’extractivisme intitulé « 10 jours de lutte et de liberté ». Une centaine d’activistes se sont ainsi réunis autour de projections, d’ateliers et de débats pour partager leurs expériences et leurs réflexions. L’occasion de revenir sur l’une des luttes sociales qui a marqué l’histoire contemporaine de la Grèce.

    Lancé au début des années 2000, le projet de #mine à ciel ouvert de Skouriès prévoit la création d’une mine d’#or et de #cuivre, d’une surface totale de 55 km², creusée au cœur du #mont_Kalavos. La concession est attribuée à l’entreprise canadienne #Eldorado_Gold qui, pendant 20 ans, va extraire les résidus d’or que contient encore la mine (0,82 grammes par tonne de roche extraite) et d’autres minéraux. Les conséquences environnementales de cette exploitation inquiètent les habitant·es : destruction d’une partie de la #forêt, redirection des cours d’eau et assèchement du mont Kavalos pour protéger la mine des inondations, pollution de l’air et de l’eau par le cyanure utilisé pour extraire l’or, #acidification des eaux de drainage à cause de l’#arsenic et du #plomb rejetés par les roches fracturées, etc. Depuis 16 ans, les opposant·es se battent ainsi contre la destruction de leur environnement et pour la liberté de définir, elles et eux-mêmes, leurs modes de vie et de subsistance.

    Alexandra, Ellie, Yannis et Giorgos font partie du comité de lutte de Megali Panayia (#CLMP). Situé au cœur de la péninsule de Chalcidique, à une centaine de kilomètres de Thessalonique, ce village de 2600 habitant·es est l’un des plus impactés par le projet de mine de Skouriès. Nous verrons, avec les membres du CLMP, que l’implantation du projet engage à la fois une profonde transformation de l’environnement local mais également des relations économiques et sociales qui s’y nouent. Pour se maintenir et empêcher la mobilisation des habitant·es, le projet de réouverture de la mine doit en effet devenir leur unique horizon. Nous chercherons ainsi à comprendre comment l’État grec et l’entreprise Eldorado Gold tentent d’imposer une monoculture minière en Chalcidique. Comment les habitant·es se sont-iels organisé·es pour y résister et à quelles épreuves la mobilisation a-t-elle dû faire face ?

    Cet article s’appuie sur un entretien collectif mené en juillet 2022 lors du camp organisé chaque année par le CMLP. À l’instar des soirées d’information et des débats qui ont régulièrement lieu dans les villes et les villages de la région de Macédoine, le camp « 10 jours de lutte et de liberté » vise à entretenir une mobilisation qui a souffert des décisions politiques des gouvernements de droite et de gauche, de la répression de la lutte et des désaccords stratégiques internes au mouvement. Une partie des habitant·es de la province d’Aristote, engagée dans la lutte depuis plus d’une décennie, résiste pourtant toujours contre le projet de mine de Skouriès et plus largement, nous le verrons, contre le monde qui va avec l’extractivisme. En analysant l’impact du projet sur les relations sociales et économiques des habitant·es de la région, cet article entend ainsi contribuer à entretenir la mémoire et à faire connaître l’actualité d’une lutte qui se poursuit à l’écart de la scène médiatique. Je tiens à remercier les membres du CMLP pour leur accueil chaleureux, leurs témoignages et la relecture des épreuves de ce texte.
    L’imposition d’une mono-culture minière

    À la sortie du village de Palaiochori, s’ouvre une route flambant neuve dont le gris de l’asphalte et le jaune des marquages tranchent avec le vert profond de la forêt et l’argile rouge feu de la terre dans laquelle elle a été creusée. Les rares véhicules que l’on y croise appartiennent pour la plupart aux ouvriers de la mine. Et pour cause, comme une allégorie de la mono-culture économique qui s’impose dans la région, la route n’a qu’une destination, le complexe construit par Hellas Gold.

    Les mines de Chalcidique, qui ont constitué la principale source de revenus du Royaume de Macédoine (VIIe s.-168 av. J.C.) et financé les expéditions militaires d’Alexandre le Grand (356-323 av. J.C.), ont attiré la convoitise de tous les régimes qui lui ont succédé. Si, comme le reconnaissent les opposant·es, la région est ainsi marquée par une véritable « culture minière », l’exploitation des mines ne s’impose cependant comme un modèle exclusif qu’à partir des années 1970. L’économie locale est alors basée sur des pratiques diversifiées associant l’agriculture, l’élevage, l’apiculture et la sylviculture. L’exploitation minière est maintenue à une petite échelle et les ouvriers alternent les mois de travail à la mine avec les activités saisonnières.

    En octobre 1973, le gouvernement de la junte militaire dirigé par Georgios Papadopoulos, engage une réforme de l’industrie minière qui sera conservée par le gouvernement démocratique instauré un an plus tard, à la chute de la dictature des colonels. La nouvelle loi encadre l’économie des régions minières : il est désormais interdit d’y développer des activités capables de concurrencer celles du secteur minier (notamment le tourisme). Les contrats signés par les ouvriers leur permettent cependant toujours de cumuler travail à la mine et travail agricole. En 1978, une grande grève éclate dans les mines de Kassandre. Les grévistes sont rapidement licenciés. Quatre ans plus tard, le gouvernement grec et l’Entreprise Grecque des Produits Chimiques et Fertilisants (GCCP & Fertilizers LTD), qui exploite les mines de Chalcidique depuis 1945, rappellent les mineurs en leur proposant un nouveau contrat : en échange de conditions de travail (4 heures d’extraction sur les 8 heures journalières) et de salaires exceptionnels, les ouvriers doivent se consacrer exclusivement à l’activité minière.

    En mars 1988, l’organisation marxiste-léniniste 17 Novembre, un des principaux groupes de lutte armée de l’époque, assassine le directeur de la GCCP & Fertilizers LTD, Alexandre Athanasiadis Bodosakis. Une partie de l’activité des mines de Kassandre est interrompue et plus de 900 ouvriers sont licenciés. Les anciens mineurs se tournent alors de nouveau vers les activités traditionnelles qu’ils avaient délaissées et la municipalité d’Aristote devient une des régions principales de la production apicole en Grèce (en 2011, on compte près de 50000 ruches).

    En 1995, le gouvernement lance l’idée d’une exploitation coordonnée, à l’échelle industrielle, des trois « mines de Kassandre » (Olympia, Stratoni et Skouriès), par une filiale de l’entreprise canadienne Kinross, TVX Gold. La résistance, menée par les habitant·es d’Olympias et des autres villages du golfe de Strymonikos, et le rejet du permis environnemental nécessaire à la poursuite de l’exploitation, conduit cependant les investisseurs à se retirer. En 2002, le Conseil d’État annule le projet, TVX Gold fait faillite et 472 mineurs se retrouvent au chômage. L’événement retarde les plans du gouvernement qui n’abandonne pas pour autant son idée initiale. L’État rachète ainsi rapidement la concession des mines de Kassandre et les revend à une entreprise créée pour l’occasion, Hellas Gold, détenue à 95 % par la firme canadienne Eldorado Gold et à 5 % par le magnat grec de la presse et du BTP, Fotios Bobolas.

    L’accord passé entre l’État grec et Hellas Gold, stipule que les activités susceptibles de gêner l’extraction minière ou d’entrer en contradiction avec les intérêts de l’entreprise ne peuvent pas s’établir dans les environs de la mine (tourisme, agriculture, énergies renouvelables). Le contrat prévoit en outre que Hellas Gold dispose d’un accès prioritaire et illimité à l’eau. Pour Ellie, comme pour ses camarades, c’est là l’une des conséquences principales du projet : « C’est une privatisation déguisée de l’eau. Cette montagne alimente la moitié de la Chalcidique en eau. Si l’entreprise veut tout utiliser, personne ne peut l’en empêcher. Et alors, on sera obligé d’acheter l’eau au supermarché. »

    L’agriculture sera l’une des premières activités impactées par cette rareté organisée et par la pollution aux sulfures de plomb et d’arsenic des nappes phréatiques et des cours d’eau. D’autres le sont déjà. À Stratoni, la pêche et la baignade sont interdites sur près de 2 kilomètres autour du rivage. À Olympias, les éleveurs sont légalement contraints de mélanger le lait de leurs chèvres avec du lait acheté à d’autres régions pour diminuer le pourcentage de métaux lourds qu’il contient. Les professions artisanales aussi disparaissent : électriciens et plombiers ne peuvent plus survivre comme indépendants et entrent donc au service de la mine ou quittent la région.

    La loi sur les territoires miniers, l’interdiction pour les ouvriers de cumuler plusieurs activités économiques, l’accaparement de l’eau et les pollutions, participent ainsi à la construction de ce que les membres du CMLP qualifient de « mono-culture minière ». Les habitant·es sont peu à peu placé·es dans la dépendance d’Hellas Gold qui s’impose comme l’unique employeur de la région.
    La mine au cœur du village

    Les opposant·es comprennent bien les raisons qui poussent des centaines de personnes à s’enrôler à la mine. Dans un pays étranglé par la crise économique, par la dette et les pressions de l’Union Européenne, « un mec qui a une famille et qui n’a pas de boulot, qui ne sait pas s’il va pouvoir travailler la semaine prochaine, il va faire tout ce qu’il peut pour protéger sa famille. Il ne va pas se révolter », m’explique Ellie. Or, Hellas Gold promet l’embauche rapide de centaines de mineurs et des salaires élevés. En 2012, près de 1200 personnes sont déjà employées. Les travaux n’ont pas commencé et elles n’ont pas de tâches assignées. Il ne s’agit en effet pas de répondre aux besoins réels de l’entreprise mais de limiter la résistance, en manageant les relations locales, en entrant au cœur du village.

    Les mineurs ne sont d’ailleurs pas choisis au hasard. L’entreprise recrute principalement dans les villages où l’activité touristique est proscrite par la loi de 1973 et dans les familles de tradition minière. Elle vise plus particulièrement les chômeurs de longue durée, les personnes endettées et les proches des opposant·es. Elle a même tenté de recruter ces derniers en leur proposant les postes les plus élevés. Ce « chantage au travail » clive la société locale1. En divisant les villages, les familles, les groupes d’ami·es, Hellas Gold tente de déplacer le conflit qui oppose les habitant·es à la mine, de transformer la controverse qu’elle a générée en une querelle civile.

    L’entreprise organise ainsi des séminaires destinés à apprendre aux mineurs à « gérer » la contestation et soutient officieusement l’organisation de manifestations en faveur du projet des mines de Kassandre. Le 20 mars 2012, lors d’une action de blocage de la route organisée par les opposant·es pour empêcher les experts archéologues de conduire des recherches exploratoires, près de 500 mineurs débarquent de bus estampillés « Hellas Gold », attaquent la manifestation et détruisent la cabane qui sert de point de ralliement au mouvement. Dans les années qui suivent, des groupes de mineurs se rassemblent régulièrement derrière les lignes de police lors des manifestations organisées par les opposant·es.

    Il faut ici remarquer le rôle joué par l’association des syndicats des mineurs de fonds et de surface des mines de Kassandre (OME) qui militent en faveur du projet porté par Hellas Gold. L’entreprise les utilise régulièrement comme levier pour réclamer l’allégement des contraintes politiques qui limitent son action. À plusieurs reprises, la maison-mère Eldorado Gold menace en effet de suspendre ses investissements en Grèce et de licencier ses employé·es si l’État n’accélère pas les procédures d’attribution des permis nécessaires au lancement de la mine. Au lieu de demander des comptes à la compagnie, les syndicats de mineurs se mobilisent alors contre le gouvernement et contre les opposant·es au projet.

    C’est par exemple le cas en 2015, lorsque le gouvernement formé par le parti de gauche Syriza annonce vouloir ré-évaluer l’impact environnemental de la mine de Skouriès. Bien que cette procédure ne remette pas fondamentalement en question le projet de développement des mines de Kassandre, Eldorado Gold annonce qu’elle licenciera 600 personnes à Skouriès et 500 à Olympias si le permis n’est pas rapidement réinstauré. Les syndicats publient aussitôt une adresse au gouvernement et organisent des manifestations en Chalcidique et à Athènes. Les banderoles et les bus affrétés pour permettre aux ouvriers de rejoindre la capitale sont (une fois encore officieusement) financés par l’entreprise.

    Le chantage au travail et la pression exercée par les syndicats permettent ainsi à Hellas Gold de créer une véritable mobilisation dirigée, non pas contre l’entreprise, mais contre les activistes qui s’opposent au projet des mines de Kassandre.
    La carotte et le bâton : l’alternative des élections et de la répression

    Une vingtaine de villages de la municipalité d’Aristote sont divisés entre les défenseurs de la mine et ses opposant·es qui s’organisent au sein d’un mouvement anti-mine dont fait partie le Comité de lutte de Megali Panagia. Cette assemblée ouverte, créée en 2006, lors du lancement par Hellas Gold du plan d’étude préalable au développement de la mine de Skouriès, se fonde sur des principes anti-capitalistes, anti-autoritaires et auto-gestionnaires.

    En 2012, Hellas Gold obtient le permis d’exploiter la mine de Skouriès après la validation, par le Conseil d’État, d’une étude d’impact environnemental controversée, au motif qu’il s’agit d’un « investissement particulièrement avantageux pour l’économie nationale ». Les conséquences de la crise économique et les pressions de l’Union Européenne ne sont pas étrangères à cette décision. La mobilisation explose et de grandes manifestations sont organisées avec les assemblées de soutien de Thessalonique, la deuxième ville de Grèce, située à une centaine de kilomètres de Skouriès. Le 4 novembre 2012, 7000 personnes défilent dans les rues du centre-ville. Le 9 mars 2013, elles sont plus de 12000.

    Des dizaines de comités locaux sont également créés dans la région d’Aristote mais leurs modes d’organisation et leurs motivations divergent. Certain·es habitant·es des villages touristiques entendent surtout protéger leurs investissements tandis que d’autres, partisan·nes du parti de gauche Syriza, souhaitent profiter de sa nouvelle notoriété nationale pour mobiliser une région qui ne dispose encore d’aucun groupe politique organisé. Le Comité de lutte de Megali Panagia n’exclut pas la discussion avec ces comités qui défendent une approche moins radicale de la lutte, davantage orientée vers l’idéal de la démocratie participative. La synthèse entre l’approche auto-gestionnaire et la perspective citoyenne s’avère pourtant difficile.

    En 2014, les comités citoyens suggèrent de participer aux élections municipales afin de destituer le maire de la municipalité d’Aristote, Christos Pachtas, ardent promoteur du projet des mines de Kassandre, et de le remplacer par un représentant de la lutte. Celui-ci ne pourra agir sans consulter l’assemblée générale des opposant·es : « L’assemblée devait être le véritable maire, l’outil, le véhicule », m’explique Ellie « Nous, on n’y croyait pas trop… ». Les membres du Comité de lutte de Megali Panagia, inquiet·es de la possible institutionnalisation du mouvement, rejettent l’idée mais « la pression était forte, c’était difficile de vraiment s’opposer à ce processus », ajoute Alexandra, « Nous on vote jamais dans notre assemblée mais on nous disait : ‘Vous êtes des anarchistes, vous votez pas, vous faites du mal à votre village.’ On nous poussait à voter pendant les assemblées générales ».

    Les comités citoyens décident ainsi de se focaliser sur la préparation des élections. La liste portée par le mouvement l’emporte mais le maire élu, Giannis Michos, quitte son poste quelques mois plus tard pour se consacrer à la gestion de l’entreprise de logistique qu’il dirige. Selon Ellie, la participation du mouvement aux élections municipales a eu d’importantes conséquences pour la mobilisation : « On a perdu de vue notre but initial. On s’est concentré sur les moyens de gagner l’élection et pas sur les moyens d’arrêter la mine ».

    Un événement national va lui aussi influencer le mouvement. En janvier 2015, Syriza remporte les élections législatives. Le parti, qui en avait fait l’un de ses arguments de campagne, suspend le permis d’exploitation d’Hellas Gold et demande une nouvelle évaluation de l’impact environnemental de son mode d’extraction. La compagnie menace alors, nous l’avons vu, de supprimer près de 1100 postes et pousse ainsi les syndicats de mineurs à se mobiliser. En janvier 2016, la cour administrative annule la décision du gouvernement et réinstaure le permis d’Hellas Gold. La déception est immense parmi les opposant·es qui avaient voté pour le parti en espérant l’annulation du projet. Les comités citoyens, qui s’étaient focalisés sur la possibilité d’une intervention politique, municipale et nationale, se démobilisent peu à peu.

    À cela s’ajoutent l’intense répression du mouvement, dont les manifestations sont régulièrement interrompues par les gaz lacrymogènes et les grenades assourdissantes, et le harcèlement policier et juridique des opposant·es (plus de 600 personnes seront traduites en justice) qui instillent un climat de terreur dans la région. L’un des événements les plus marquants est certainement l’enquête conduite, au mois de mars 2013, dans le village de Ierissos, à la suite d’une action de sabotage lors de laquelle des machines de chantier avaient été détruites. La police débarque alors dans le village et arrête près d’une centaine de personnes à qui elle impose un prélèvement ADN. Alexandra insiste sur l’impact de ce type d’interventions policières : « Très peu de gens se battent encore, beaucoup d’habitants ont peur de parler, de dire ce qu’ils pensent vraiment de la mine ».
    « No mining ! Nowhere ! » : combattre la nécropolitique

    Pourtant, si toutes les organisations citoyennes ont aujourd’hui cessé leur activité, le Comité de lutte de Megali Panagia continue à résister. « On a commencé tout seul et on est de nouveau quasiment seul, mais on a aussi retrouvé la dynamique d’auto-gestion autour de laquelle on s’était rassemblés », remarque Alexandra. « On va continuer, et pas seulement pour nous », ajoute-t-elle, « ce n’est que le premier d’un ensemble de projets de mines à ciel ouvert qu’ils veulent implanter en Chalcidique et en Macédoine. Ici, c’était un test, ils voulaient voir s’ils pouvaient casser la résistance, faire accepter le projet par la société locale. Ils essaient de paver la voie pour ce qui s’annonce ». Officiellement, Eldorado Gold compte en effet développer au moins deux autres projets de mines à ciel ouvert : Perama et Sapes, tous deux situés dans la région de la Thrace, au nord-ouest du pays.

    Il ne s’agit ainsi pas uniquement, pour les membres du CMLP, de défendre la municipalité d’Aristote contre les conséquences délétères de l’extractivisme mais de s’opposer à une logique économique et sociale globale. Ellie m’explique ainsi qu’iels ne croient pas à la possibilité d’un extractivisme durable :

    « La mine a apporté plus de peine, de souffrance et de pauvreté qu’elle n’a jamais apporté de conforts et de richesses. Au début de la mobilisation, en 2006, une pédiatre, une femme, a dit quelque chose de très important : « Je ne suis pas originaire de Megali Panagia mais je me suis mariée ici et j’y vis depuis les années 1980. Parce que je suis pédiatre, je suis entrée dans presque toutes les maisons du village. La première chose que j’ai remarqué quand je suis entrée dans vos maisons, c’est la richesse du salon. Un nouveau canapé, un nouveau frigo, de nouveaux meubles… La seconde image, la réalité cachée, était dans la chambre à coucher… Les bouteilles d’oxygène du mineur malade… » »

    L’impact environnemental et sanitaire du projet des mines de Kassandre, et la répression de la contestation, participent de ce que le politologue Achille Mbembe qualifie de « nécropolitique »2. Michel Foucault analyse la « biopolitique », qui vise l’accroissement de la vitalité de la population (par la prise en charge médicale, l’amélioration des conditions de vie et de l’hygiène publique), comme une forme moderne de gouvernement fondée sur le développement d’un contrôle individualisé des corps et des comportements. Mbembe montre cependant qu’elle s’adosse à une forme plus archaïque de souveraineté qui replace la mort au centre de l’organisation sociale : la nécropolitique est le pouvoir de décider quelles vies méritent d’être protégées et quelles vies peuvent être sacrifiées au bénéfice de la vitalité des premières.

    Dans son étude sur la lutte contre la construction de la centrale nucléaire de Kudankulam, en Inde, Raminder Kaur explique ainsi que l’exercice de la biopolitique concerne surtout les habitant·es relativement aisé·es des centres urbains3. La nécropolitique se dirige quant à elle davantage vers les marges péri-urbaines et rurales dont les habitant·es sont considéré·es comme une donnée accessoire par le récit dominant. Or, c’est bien cet enjeu de justice territoriale que soulève les membres du CMLP lorsqu’iels insistent, avec Ellie, sur la dimension politique de leur lutte : « Ce que nous voulons c’est l’arrêt total des mines de Chalcidique pour que la région trouve d’autres moyens, invente d’autres modes de vie. Nous voulons décider, par nous-mêmes, de ce que nous allons faire de nos villages ! »

    La politique de l’État grec ne va cependant pas dans ce sens. En février 2021, le gouvernement signe un nouveau contrat avec Hellas Gold stipulant qu’il abandonne l’ensemble de ses créances sur l’entreprise, que celle-ci dispose d’une liberté totale dans le choix de ses méthodes d’extraction et que le traitement des plaintes environnementales sera effectué par des auditeurs privés engagés par la firme.

    Dans ce contexte, comment trouver les ressources pour poursuivre la lutte ? « On a rencontré des gens qui se battent dans le monde entier, des gens incroyables venus de la zad en France, du No-Tav en Italie, d’Atenco au Mexique, de Standing Rock aux États-Unis, et pleins d’autres… Ce sont eux qui nous donnent la force de continuer ! », m’explique Yannis en souriant, « On partage nos expériences, nos luttes, pour qu’il n’y ait plus d’extractivisme nulle part ! »

    Pour plus d’informations sur le CMLP et la lutte contre le projet de mine de Skouriès, visiter epitropiagonapanagias.blogspot.com (http://epitropiagonapanagias.blogspot.com) ou la page Facebook.

    https://www.terrestres.org/2023/01/26/resister-a-la-monoculture-miniere-retour-sur-la-lutte-de-skouries-en-gre
    #résistance #extractivisme

  • #Ikea, le seigneur des forêts

    Derrière son image familiale et écolo, le géant du meuble suédois, plus gros consommateur de bois au monde, révèle des pratiques bien peu scrupuleuses. Une investigation édifiante sur cette firme à l’appétit démesuré.

    C’est une des enseignes préférées des consommateurs, qui équipe depuis des générations cuisines, salons et chambres d’enfants du monde entier. Depuis sa création en 1943 par le visionnaire mais controversé Ingvar Kamprad, et au fil des innovations – meubles en kit, vente par correspondance, magasins en self-service… –, la petite entreprise a connu une croissance fulgurante, et a accompagné l’entrée de la Suède dans l’ère de la consommation de masse. Aujourd’hui, ce fleuron commercial, qui participe pleinement au rayonnement du pays à l’international, est devenu un mastodonte en expansion continue. Les chiffres donnent le tournis : 422 magasins dans cinquante pays ; près d’un milliard de clients ; 2 000 nouveaux articles au catalogue par an… et un exemplaire de son produit phare, la bibliothèque Billy, vendu toutes les cinq secondes. Mais le modèle Ikea a un coût. Pour poursuivre son développement exponentiel et vendre toujours plus de meubles à bas prix, le géant suédois dévore chaque année 20 millions de mètres cubes de bois, soit 1 % des réserves mondiales de ce matériau… Et si la firme vante un approvisionnement responsable et une gestion durable des forêts, la réalité derrière le discours se révèle autrement plus trouble.

    Greenwashing
    Pendant plus d’un an, les journalistes d’investigation Xavier Deleu (Épidémies, l’empreinte de l’homme) et Marianne Kerfriden ont remonté la chaîne de production d’Ikea aux quatre coins du globe. Des dernières forêts boréales suédoises aux plantations brésiliennes en passant par la campagne néo-zélandaise et les grands espaces de Pologne ou de Roumanie, le documentaire dévoile les liens entre la multinationale de l’ameublement et l’exploitation intensive et incontrôlée du bois. Il révèle comment la marque au logo jaune et bleu, souvent via des fournisseurs ou sous-traitants peu scrupuleux, contribue à la destruction de la biodiversité à travers la planète et alimente le trafic de bois. Comme en Roumanie, où Ikea possède 50 000 hectares de forêts, et où des activistes se mobilisent au péril de leur vie contre une mafia du bois endémique. Derrière la réussite de l’une des firmes les plus populaires au monde, cette enquête inédite éclaire l’incroyable expansion d’un prédateur discret devenu un champion du greenwashing.

    https://www.arte.tv/fr/videos/112297-000-A/ikea-le-seigneur-des-forets
    #film #film_documentaire #documentaire #enquête
    #greenwashing #green-washing #bois #multinationale #meubles #Pologne #Mazovie #Mardom_House #pins #Ingvar_Kamprad #délocalisation #société_de_consommation #consumérisme #résistance #justice #Fondation_Forêt_et_citoyens #Marta_Jagusztyn #Basses-Carpates #Carpates #coupes_abusives #exploitation #exploitation_forestière #consommation_de_masse #collection #fast-furniture #catalogue #mode #marketing #neuro-marketing #manipulation #sous-traitance #chaîne_d'approvisionnement #Sibérie #Russie #Ukraine #Roumanie #accaparement_de_terres #Agent_Green #trafic_de_bois #privatisation #Gabriel_Paun #pillage #érosion_du_sol #image #prix #impact_environnemental #FSC #certification #norme #identité_suédoise #modèle_suédois #nation_branding #Estonie #Lettonie #Lituanie #lobby #mafia_forestière #coupes_rases #Suède #monoculture #sylviculture #Sami #peuples_autochtones #plantation #extrême_droite #Brésil #Parcel_Reflorestadora #Artemobili #code_de_conduite #justice #responsabilité #abattage #Nouvelle-Zélande #neutralité_carbone #compensation_carbone #maori #crédits-carbone #colonisation

    • #fsc_watch

      This site has been developed by a group of people, FSC supporters and members among them, who are very concerned about the constant and serious erosion of the FSC’s reliability and thus credibility. The group includes Simon Counsell, one of the Founder Members of the FSC; Hermann Edelmann, working for a long term FSC member organisation; and Chris Lang, who has looked critically at several FSC certifications in Thailand, Laos, Brazil, USA, New Zealand, South Africa and Uganda – finding serious problems in each case.

      As with many other activists working on forests worldwide, we share the frustration that whilst the structural problems within the FSC system have been known for many years, the formal mechanisms of governance and control, including the elected Board, the General Assembly, and the Complaints Procedures have been highly ineffective in addressing these problems. The possibility of reforming – and thus ‘saving’ – the FSC through these mechanisms is, we feel, declining, as power within the FSC is increasingly captured by vested commercial interest.

      We feel that unless drastic action is taken, the FSC is doomed to failure. Part of the problem, in our analysis, is that too few FSC members are aware of the many profound problems within the organisation. The FSC Secretariat continues to pour out ‘good news stories’ about its ‘successes’, without acknowledging, for example, the numerous complaints against certificates and certifiers, the cancellation of certificates that should never have been awarded in the first place, the calls for FSC to cease certifying where there is no local agreement to do so, the walk-outs of FSC members from national processes because of their disillusionment with the role of the economic chamber, etc. etc. etc.

      There has been no honest evaluation of what is working and what is not what working in the FSC, and no open forum for discussing these issues. This website is an attempt to redress this imbalance. The site will also help people who are normally excluded from the FSC’s processes to express their views and concerns about the FSC’s activities.

      Please share your thoughts or information. Feel free to comment on our postings or send us any information that you consider valuable for the site.

      UPDATE (25 March 2010): A couple of people have requested that we explain why we are focussing on FSC rather than PEFC. Shortly after starting FSC-Watch we posted an article titled: FSC vs PEFC: Holy cows vs the Emperor’s new clothes. As this is somewhat buried in the archives, it’s reproduced in full here (if you want to discuss this, please click on the link to go to the original post):
      FSC vs PEFC: Holy cows vs the Emperor’s new clothes

      One of the reasons I am involved in this website is that I believe that many people are aware of serious problems with FSC, but don’t discuss them publicly because the alternative to FSC is even worse. The alternative, in this case is PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes) and all the other certification schemes (Cerflor, Certflor, the Australian Forestry Standard, the Malaysian Timber Certification Council and so on). One person has suggested that we should set up PEFC-Watch, in order “to be even-handed”.

      The trouble with this argument is that PEFC et al have no credibility. No NGOs, people’s organisations or indigenous peoples’ organisations were involved in setting them up. Why bother spending our time monitoring something that amounts to little more than a rubber stamp? I can just see the headlines: “Rubber stamp PEFC scheme rubber stamps another controversial logging operation!” Shock, horror. The Emperor is stark bollock naked, and it’s not just some little boy pointing this out – it’s plain for all to see, isn’t it?

      One way of countering all these other schemes would be to point out that FSC is better. But, if there are serious problems with FSC – which there are, and if we can see them, so can anyone else who cares to look – then the argument starts to look very shaky.

      FSC standards aren’t bad (apart from Principle 10, which really isn’t much use to anyone except the pulp and paper industry). They say lots of things we’d probably want forest management standards to say. The trouble is that the standards are not being applied in practice. Sure, campaign against PEFC, but if FSC becomes a Holy Cow which is immune to criticism (not least because all the criticism takes place behind closed doors), then we can hardly present it as an alternative, can we?…”

      By the way, anyone who thinks that PEFC and FSC are in opposition should read this interview with Heiko Liedeker (FSC’s Executive Director) and Ben Gunneberg (PEFC’s General Secretary). In particular this bit (I thought at first it must be a mix up between FSC and PEFC, or Liedeker and Gunneberg):

      Question: As a follow-up question, Heiko Liedeker, from your perspective, is there room ultimately for programs like the Australian Forestry Standard, Certfor and others to operate under the FSC umbrella?

      Heiko Liedeker: Absolutely. FSC was a scheme that was set-up to provide mutual recognition between national standard-setting initiatives. Every national initiative sets its standard. Some of them are called FSC working groups, some of them are called something else. In the UK they are called UKWAS. We’ve been in dialogue with Edwardo Morales at Certfor Chile. They are some of the FSC requirements listed for endorsement, we certainly entered into discussion. We’ve been in discussion with the Australian Forestry Standard and other standard-setting initiatives. What FSC does not do is, it has one global scheme for recognizing certification. So we do not, and that’s one of the many differences between FSC and PEFC, we do not require the development of a certification program as such. A standard-setting program is sufficient to participate in the network.

      https://fsc-watch.com

    • Complicit in destruction: new investigation reveals IKEA’s role in the decimation of Romania’s forests

      IKEA claims to be people and planet positive, yet it is complicit in the degradation and destruction of Romania’s forests. A new report by Agent Green and Bruno Manser Fonds documents this destruction and presents clear requests to the furniture giant.

      A new investigative report (https://www.bmf.ch/upload/Kampagnen/Ikea/AG_BMF_report_IKEA_web_EN.pdf) by Agent Green and Bruno Manser Fonds shows a consistent pattern of destructive logging in IKEA-linked forests in Romania, with massive consequences for nature and climate. The findings are based on an analysis of official documents and field investigations of nine forest areas in Romania. Seven of them are owned by the IKEA-related company Ingka Investments and two are public forests supplying factories that produce for IKEA. The analysis uncovers over 50 suspected law violations and bad forest management practices. Biodiversity rich forest areas cut to the ground, intensive commercial logging conducted in ecologically sensitive or even old-growth forests without environmental assessments, dozens of meters deep tractor roads cutting through the forest are just a few of the issues documented.

      Most of the visited forests are fully or partially overlapping with EU protected areas. Some of these forests were strictly protected or under low-intensity logging before Ingka took over. Now they are all managed to maximize wood extraction, with no regard to forest habitats and their vital role for species. Only 1.04% of the total Ingka property in Romania are under a strict protection regime and 8.24% under partial protection. This is totally insufficient to meet EU goals. The EU biodiversity strategy requires the protection of a minimum of 30% of EU land area, from which 10% need to be strictly protected. One key goal is to strictly protect all remaining primary and old-growth forests in the EU.

      At the press conference in Bucharest Gabriel Păun, President of Agent Green, stated: “IKEA/Ingka seem to manage their forests like agricultural crops. Letting trees grow old is not in their culture. Removing entire forests in a short period of time is a matter of urgency for IKEA, the tree hunter. The entity disregards both the written laws and the unwritten ways of nature. IKEA does not practice what they preach regardless of whether it is the European Union nature directives, Romanian national legislation, or the FSC forest certification standard. But as a company with revenues of billions of Euros and Romania’s largest private forest owner, IKEA / Ingka should be an example of best practice.”

      Ines Gavrilut, Eastern Europe Campaigner at the Bruno Manser Fonds, added: “It is high time that IKEA started to apply its declared sustainability goals. IKEA could do so much good if it really wanted to set a good example as a forest owner, administrator, and large wood consumer in Romania and beyond. Needs could also be covered without resorting to destructive logging, without converting natural forests into plantations – but this requires tackling difficult issues such as the core of IKEA’s business model of “fast furniture”. Wood products should not be for fast consumption but should be made to last for decades.”

      Agent Green and Bruno Manser Fonds urge IKEA and the Ingka Group to get a grip on their forest operations in Romania to better control logging companies, not to source wood from national or natural parks, to effectively increase protection and apply forestry close to nature in own forests, to ensure full traceability and transparency of the IKEA supply chain, and allow independent forest oversight by civil society and investigative journalists.

      In August 2021, Agent Green published its first report documenting destruction in IKEA-linked forests in Romania. In May 2023, Agent Green and Bruno Manser Fonds sent an open letter of concern to the Ingka Group and IKEA Switzerland. BMF also started a petition demanding IKEA to stop deforestation in Romania’s protected forest areas and other high conservation value forests.

      The ARTE documentary IKEA, the tree hunter brilliantly tells the story of the real cost of IKEA furniture, the uncontrolled exploitation of wood and human labour.

      https://bmf.ch/en/news/neue-untersuchung-belegt-ikeas-beteiligung-an-der-waldzerstorung-in-rumanien-256

      #rapport

  • « La vraie #souveraineté_alimentaire, c’est faire évoluer notre #modèle_agricole pour préparer l’avenir »

    Professeur à l’université Paris-Saclay AgroParisTech, l’économiste de l’environnement #Harold_Levrel estime que le concept de « souveraineté alimentaire » a été détourné de sa définition originelle pour justifier un modèle exportateur et productiviste.

    Hormis les denrées exotiques, dans la plupart des secteurs, la #production_agricole nationale pourrait suffire à répondre aux besoins des consommateurs français, sauf dans quelques domaines comme les fruits ou la volaille. Or, les #importations restent importantes, en raison d’un #modèle_intensif tourné vers l’#exportation, au risque d’appauvrir les #sols et de menacer l’avenir même de la production. D’où la nécessité de changer de modèle, plaide l’économiste.

    Comment définir la souveraineté alimentaire ?

    Selon la définition du mouvement altermondialiste Via Campesina lors du sommet mondial sur l’alimentation à Rome en 1996, c’est le droit des Etats et des populations à définir leur #politique_agricole pour garantir leur #sécurité_alimentaire, sans provoquer d’impact négatif sur les autres pays. Mais les concepts échappent souvent à ceux qui les ont construits. Mais aujourd’hui, cette idée de solidarité entre les différents pays est instrumentalisée pour justifier une stratégie exportatrice, supposée profiter aux pays du Sud en leur fournissant des denrées alimentaires. Le meilleur moyen de les aider serait en réalité de laisser prospérer une #agriculture_vivrière et de ne pas les obliger à avoir eux aussi des #cultures_d’exportation. Au lieu de ça, on maintient les rentes de pays exportateurs comme la France. Quand le gouvernement et d’autres parlent d’une perte de souveraineté alimentaire, ça renvoie en réalité à une baisse des exportations dans certains secteurs, avec un état d’esprit qu’on pourrait résumer ainsi : « Make French agriculture great again. » Depuis le Covid et la guerre en Ukraine, la souveraineté alimentaire est devenue l’argument d’autorité pour poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures.

    Nous n’avons donc pas en soi de problème d’#autonomie_alimentaire ?

    Ça dépend dans quel domaine. Les défenseurs d’un modèle d’exploitation intensif aiment à rappeler que notre « #dépendance aux importations » est de 70 % pour le #blé dur, 40 % pour le #sucre, et 29 % pour le #porc. Mais omettent de préciser que nos taux d’auto-approvisionnement, c’est-à-dire le rapport entre la production et la consommation françaises, sont de 123 % pour le blé dur, 165 % pour le sucre, et 99 % pour le porc. Ça signifie que dans ces secteurs, la production nationale suffit en théorie à notre consommation, mais que l’on doit importer pour compenser l’exportation. Il y a en réalité très peu de produits en France sur lesquels notre production n’est pas autosuffisante. Ce sont les fruits exotiques, l’huile de palme, le chocolat, et le café. On a aussi des vrais progrès à faire sur les fruits tempérés et la viande de #volaille, où l’on est respectivement à 82 et 74 % d’auto-approvisionnement. Là, on peut parler de déficit réel. Mais il ne serait pas très difficile d’infléchir la tendance, il suffirait de donner plus d’aides aux maraîchers et aux éleveurs, qu’on délaisse complètement, et dont les productions ne sont pas favorisées par les aides de la #Politique_agricole_commune (#PAC), qui privilégient les grands céréaliers. En plus, l’augmentation de la production de #fruits et #légumes ne nécessite pas d’utiliser plus de #pesticides.

    Que faire pour être davantage autonomes ?

    A court terme, on pourrait juste rebasculer l’argent que l’on donne aux #céréaliers pour soutenir financièrement les #éleveurs et les #maraîchers. A moyen terme, la question de la souveraineté, c’est : que va-t-on être capable de produire dans dix ans ? Le traitement de l’#eau polluée aux pesticides nous coûte déjà entre 500 millions et 1 milliard d’euros chaque année. Les pollinisateurs disparaissent. Le passage en #bio, c’est donc une nécessité. On doit remettre en état la #fertilité_des_sols, ce qui suppose d’arrêter la #monoculture_intensive de #céréales. Mais pour cela, il faut évidemment réduire certaines exportations et investir dans une vraie souveraineté alimentaire, qui nécessite de faire évoluer notre modèle agricole pour préparer l’avenir.

    https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/la-vraie-souverainete-alimentaire-cest-faire-evoluer-notre-modele-agricol
    #agriculture_intensive #industrie_agroalimentaire

  • Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France

    Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.

    Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.

    La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

    Le mythe de la dépendance aux #importations

    De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

    Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

    D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

    Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

    Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

    Voir la #productivité de façon multifonctionnelle

    S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?

    Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?

    La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

    – la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,

    – le renouvellement des #pollinisateurs,

    – le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,

    – le renouvellement de la #fertilité_des_sols,

    – la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

    – ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

    Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

    La #diversification pour maintenir des rendements élevés

    Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.

    Les ingrédients de cette diversification sont connus :

    – augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,

    – renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,

    - réduction du #labour,

    - diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,

    - ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.

    Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

    Les sérieux atouts de l’agriculture biologique

    Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

    C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.

    C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

    Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

    Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

    Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs

    Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

    Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

    Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

    Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

    Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

    Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

    Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.

    Le bio, impensé de la politique agricole française

    Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

    L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

    La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

    Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.

    Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

    Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

    Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

    https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
    #foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
    #à_lire #ressources_pédagogiques

  • #Inde : dans les champs du #Pendjab, la colère s’enracine

    Depuis leur soulèvement en 2021, les paysans du sous-continent sont revenus aux champs. Mais dans le grenier à #blé du pays, la révolte gronde toujours et la sortie de la #monoculture_intensive est devenue une priorité des #syndicats_agricoles.

    « Nous sommes rassemblés parce que la situation des agriculteurs est dans l’impasse. Dans le Pendjab, les paysans sont prisonniers de la monoculture du blé et du #riz, qui épuise les #nappes_phréatiques », explique Kanwar Daleep, président du grand syndicat agricole #Kisan_Marzoor. À ses côtés, ils sont une centaine à bloquer la ligne de train qui relie la grande ville d’Amritsar, dans le Pendjab, à New Delhi, la capitale du pays. Au milieu d’immenses champs de blé, beaucoup sont des paysans sikhs, reconnaissables à leur barbe et à leur turban.

    C’est d’ici qu’est parti le plus grand mouvement de contestation de l’Inde contemporaine. Pour s’opposer à la #libéralisation du secteur agricole, des paysans du Pendjab en colère puis des fermiers de toute l’Inde ont encerclé New Delhi pacifiquement mais implacablement en décembre 2020 et en 2021, bravant froids hivernaux, coronavirus et police. En novembre 2021, le premier ministre Narendra Modi a finalement suspendu sa #réforme, dont une des conséquences redoutées aurait été la liquidation des tarifs minimums d’achat garantis par l’État sur certaines récoltes.

    « Depuis cette #révolte historique, les agriculteurs ont compris que le peuple avait le pouvoir, juge #Sangeet_Toor, écrivaine et militante de la condition paysanne, basée à Chandigarh, la capitale du Pendjab. L’occupation est finie, mais les syndicats réclament un nouveau #modèle_agricole. Ils se sont emparés de sujets tels que la #liberté_d’expression et la #démocratie. »

    Pour Kanwar Daleep, le combat entamé en 2020 n’est pas terminé. « Nos demandes n’ont pas été satisfaites. Nous demandons à ce que les #prix_minimums soient pérennisés mais aussi étendus à d’autres cultures que le blé et le riz, pour nous aider à régénérer les sols. »

    C’est sur les terres du Pendjab, très plates et fertiles, arrosées par deux fleuves, que le gouvernement a lancé dans les années 1960 un vaste programme de #plantation de semences modifiées à grand renfort de #fertilisants et de #pesticides. Grâce à cette « #révolution_verte », la production de #céréales a rapidement explosé – l’Inde est aujourd’hui un pays exportateur. Mais ce modèle est à bout de souffle. Le père de la révolution verte en Inde, #Monkombu_Sambasivan_Swaminathan, mort en septembre, alertait lui-même sur les dérives de ce #productivisme_agricole forcené.

    « La saison du blé se finit, je vais planter du riz », raconte Purun Singh, qui cultive 15 hectares près de la frontière du Pakistan. « Pour chaque hectare, il me faut acheter 420 euros de fertilisants et pesticides. J’obtiens 3 000 kilos dont je tire environ 750 euros. Mais il y a beaucoup d’autres dépenses : l’entretien des machines, la location des terrains, l’école pour les enfants… On arrive à se nourrir mais notre compte est vide. » Des récoltes aléatoires vendues à des prix qui stagnent… face à un coût de la vie et des intrants de plus en plus élevé et à un climat imprévisible. Voilà l’équation dont beaucoup de paysans du Pendjab sont prisonniers.

    Cet équilibre financier précaire est rompu au moindre aléa, comme les terribles inondations dues au dérèglement des moussons cet été dans le sud du Pendjab. Pour financer les #graines hybrides et les #produits_chimiques de la saison suivante, les plus petits fermiers en viennent à emprunter, ce qui peut conduire au pire. « Il y a cinq ans, j’ai dû vendre un hectare pour rembourser mon prêt, raconte l’agriculteur Balour Singh. La situation et les récoltes ne se sont pas améliorées. On a dû hypothéquer nos terrains et je crains qu’ils ne soient bientôt saisis. Beaucoup de fermiers sont surendettés comme moi. » Conséquence avérée, le Pendjab détient aujourd’hui le record de #suicides de paysans du pays.

    Champs toxiques

    En roulant à travers les étendues vertes du grenier de l’Inde, on voit parfois d’épaisses fumées s’élever dans les airs. C’est le #brûlage_des_chaumes, pratiqué par les paysans lorsqu’ils passent de la culture du blé à celle du riz, comme en ce mois d’octobre. Cette technique, étroitement associée à la monoculture, est responsable d’une très importante #pollution_de_l’air, qui contamine jusqu’à la capitale, New Delhi. Depuis la route, on aperçoit aussi des fermiers arroser leurs champs de pesticides toxiques sans aucune protection. Là encore, une des conséquences de la révolution verte, qui place le Pendjab en tête des États indiens en nombre de #cancers.

    « Le paradigme que nous suivons depuis les années 1960 est placé sous le signe de la #sécurité_alimentaire de l’Inde. Où faire pousser ? Que faire pousser ? Quelles graines acheter ? Avec quels intrants les arroser ? Tout cela est décidé par le marché, qui en tire les bénéfices », juge Umendra Dutt. Depuis le village de Jaito, cet ancien journaliste a lancé en 2005 la #Kheti_Virasat_Mission, une des plus grandes ONG du Pendjab, qui a aujourd’hui formé des milliers de paysans à l’#agriculture_biologique. « Tout miser sur le blé a été une tragédie, poursuit-il. D’une agriculture centrée sur les semences, il faut passer à une agriculture centrée sur les sols et introduire de nouvelles espèces, comme le #millet. »

    « J’ai décidé de passer à l’agriculture biologique en 2015, parce qu’autour de moi de nombreux fermiers ont développé des maladies, notamment le cancer, à force de baigner dans les produits chimiques », témoigne Amar Singh, formé par la Kheti Virasat Mission. J’ai converti deux des quatre hectares de mon exploitation. Ici, auparavant, c’était du blé. Aujourd’hui j’y plante du curcuma, du sésame, du millet, de la canne à sucre, sans pesticides et avec beaucoup moins d’eau. Cela demande plus de travail car on ne peut pas utiliser les grosses machines. Je gagne un peu en vendant à des particuliers. Mais la #transition serait plus rapide avec l’aide du gouvernement. »

    La petite parcelle bio d’Amar Singh est installée au milieu d’hectares de blé nourris aux produits chimiques. On se demande si sa production sera vraiment « sans pesticides ». Si de plus en plus de paysans sont conscients de la nécessité de cultiver différemment, la plupart peinent à le faire. « On ne peut pas parler d’une tendance de fond, confirme Rajinder Singh, porte-parole du syndicat #Kirti_Kazan_Union, qui veut porter le combat sur le plan politique. Lorsqu’un agriculteur passe au bio, sa production baisse pour quelques années. Or ils sont déjà très endettés… Pour changer de modèle, il faut donc subventionner cette transition. »

    Kanwar Daleep, du Kisan Marzoor, l’affirme : les blocages continueront, jusqu’à obtenir des garanties pour l’avenir des fermiers. Selon lui, son syndicat discute activement avec ceux de l’État voisin du Haryana pour faire front commun dans la lutte. Mais à l’approche des élections générales en Inde en mai 2024, la reprise d’un mouvement de masse est plus une menace brandie qu’une réalité. Faute de vision des pouvoirs publics, les paysans du Pendjab choisissent pour l’instant l’expectative. « Les manifestations peuvent exploser à nouveau, si le gouvernement tente à nouveau d’imposer des réformes néfastes au monde paysan », juge Sangeet Toor.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/inde-dans-les-champs-du-pendjab-la-colere-s-enracine
    #agriculture #monoculture #résistance

  • Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »

    Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.

    Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.

    Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).

    Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?

    Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.

    En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?

    « Israël mène une #guerre_totale à une population civile »

    Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.

    Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?

    La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.

    Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.

    L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».

    Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie

    Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.

    Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.

    Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?

    C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.

    Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.

    La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.

    « Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »

    À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.

    Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?

    Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.

    « Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »

    Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.

    Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?

    Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.

    https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
    #agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie

    • La toile carcérale. Une histoire de l’enfermement en Palestine

      Dans les Territoires palestiniens, depuis l’occupation de 1967, le passage par la prison a marqué les vécus et l’histoire collective. Les arrestations et les incarcérations massives ont installé une toile carcérale, une détention suspendue. Environ 40 % des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes depuis 1967. Cet ouvrage remarquable permet de comprendre en quoi et comment le système pénal et pénitentiaire est un mode de contrôle fractal des Territoires palestiniens qui participe de la gestion des frontières. Il raconte l’envahissement carcéral mais aussi la manière dont la politique s’exerce entre Dedans et Dehors, ses effets sur les masculinités et les féminités, les intimités. Stéphanie Latte Abdallah a conduit une longue enquête ethnographique, elle a réalisé plus de 350 entretiens et a travaillé à partir d’archives et de documents institutionnels. Grâce à une narration sensible s’apparentant souvent au documentaire, le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteure à la rencontre des protagonistes de cette histoire contemporaine méconnue.

      https://livres.bayard-editions.com/livres/66002-la-toile-carcerale-une-histoire-de-lenfermement-en-pal
      #livre

  • Spéciale forêt : en France, elle « est aujourd’hui dans un mauvais état de conservation écologique »
    https://www.youtube.com/watch?v=wxeUVoTIDkA


    Sylvain Angerand, ingénieur forestier et fondateur de l’association Canopée, Régine Touffait, ingénieure forestière à la direction des risques naturels de la forêt à l’ONF et Gilles Boeuf, biologiste et ancien président du Musée d’histoire naturelle, évoquent l’état des forêts françaises à 8h20.

  • Defending Earth’s terrestrial #microbiome | Nature Microbiology
    https://www.nature.com/articles/s41564-022-01228-3

    (PDF https://research.vu.nl/ws/files/213168201/Defending_Earth_s_terrestrial_microbiome.pdf
    Via « naked capitalism »)

    [T]here is an emerging realization that Earth’s microbial biodiversity is under threat.

    Here we advocate for the conservation and restoration of soil microbial life, as well as active incorporation of microbial biodiversity into managed food and forest landscapes, with an emphasis on soil fungi.

    We analyse 80 experiments to show that native soil microbiome restoration can accelerate plant biomass production by 64% on average, across ecosystems. Enormous potential also exists within managed landscapes, as agriculture and forestry are the dominant uses of land on Earth.

    Along with improving and stabilizing yields, enhancing microbial biodiversity in managed landscapes is a critical and underappreciated opportunity to build reservoirs, rather than deserts, of microbial life across our planet.

    As markets emerge to engineer the ecosystem microbiome, we can avert the mistakes of aboveground ecosystem management and avoid microbial #monocultures of single high-performing microbial strains, which can exacerbate ecosystem vulnerability to pathogens and extreme events.

    Harnessing the planet’s breadth of microbial life has the potential to transform ecosystem management, but it requires that we understand how to monitor and conserve the Earth’s microbiome.

    #sols #marché

  • Le nocciole turche (e chi le raccoglie) ostaggio del mercato

    La Turchia primo produttore globale. Ieri il presidente Erdogan ha annunciato il prezzo base per il 2022. Produttori e sindacati denunciano i guasti del monopolio Ferrero.

    La Turchia è il numero uno a livello mondiale nella produzione della nocciola. Seguita in seconda posizione dall’Italia. Ma nel 2021, mentre in Italia la produzione calava del 70%, in Turchia si registrava un aumento radicale. Una crescita che tuttavia non si è tradotta in un equo e proporzionale guadagno per i produttori. Nel 2015 la Turchia ha prodotto 240.134 tonnellate di nocciola e dalla vendita ha incassato circa 3 miliardi di dollari; nel 2021 la produzione è salita a 344.370 tonnellate, eppure l’incasso è sceso a 2.2 miliardi. Secondo le analisi di mercato, le inchieste giornalistiche e i report dei sindacati la situazione è il risultato del monopolio che l’azienda italiana Ferrero ha costruito negli anni in Turchia, in collaborazione con il governo centrale.

    ALI EKBER YILDIRIM, che scrive sul portale di notizie Dunya, sostiene che questa situazione è dovuta al fatto che a stabilire il prezzo della nocciola è la stessa Ferrero, che controlla circa il 70% del mercato nazionale. Ovviamente il fatto che dal 2003, gradualmente, lo Stato abbia deciso di non comprare più dai contadini le nocciole a prezzo garantito – è la prima volta che accade dalla fondazione della Repubblica – limitandosi a stabilire un prezzo minimo, ha permesso all’acquirente principale di arrivare a controllare il mercato più velocemente e a dettare le sue regole.

    «L’approccio che utilizza Ferrero nell’interfacciarsi con i produttori è quello di creare dei contratti stagionali, ovvero Ferrero scrive sul contratto il prezzo e le condizioni d’acquisto, ma qualora qualcosa non andasse come previsto, sarebbe facilmente il produttore a uscirne penalizzato». A parlare della situazione è Seyit Aslan, segretario generale del più grande sindacato del comparto alimentare, Gida-Is. «In questo settore – prosegue – i fattori naturali generano la quantità e la qualità del prodotto. Per esempio se parliamo del nord della Turchia, si tratta di una zona soggetta a vari fenomeni climatici estremi, quindi alla fine del raccolto il produttore si trova spesso a dover gestire notevoli perdite economiche».

    «NEL 2021 – PROSEGUE ASLAN – la nostra delegazione sindacale insieme ad alcuni membri del ministero del Lavoro ha fatto un grosso lavoro di monitoraggio sul campo. Le condizioni di lavoro sono estremamente precarie, i lavoratori prima di tutto sono stagionali e senza contratto, le loro condizioni abitative consistono semplicemente in tende, senza una lavanderia e nemmeno un servizio igienico. Ci sono parecchi lavoratori minorenni che nel periodo di impiego non seguono il ciclo scolastico. Ovviamente nelle zone di produzione non esiste nessun tipo di controllo».

    Il leader sindacale sottolinea il fatto che lungo la costa del Mar Nero per raccogliere le nocciole arrivano tanti lavoratori dal sud-est del paese. Sono spesso cittadini poveri e curdi che subiscono in questo periodo di lavoro numerosi atti di discriminazione. Secondo Aslan ciò che si vede nei media turchi è una piccolissima parte di quello che devono affrontare questi lavoratori, che per via di un’opportunità lavorativa di breve durata non si sentono di denunciare gli abusi. Nella raccolta delle nocciole in Turchia è dominante il sistema del caporalato, denuncia Aslan. Inoltre le persone qui sono obbligate a produrre o le nocciole o il tè, perché nella regione ormai impera il sistema della monocoltura.

    «IL SISTEMA CONTRATTUALE che ha deciso di adottare Ferrero, senza nessun tipo di intervento dello Stato, in questi ultimi due anni possiamo dire che è diventato un elemento estremamente penalizzante – aggiunge Aslan – considerando la profonda crisi economica. Per esempio i fertilizzanti, il costo del lavoratore e le tasse sono molto più alte rispetto agli anni precedenti. Dunque è evidente che la Ferrero abbia costruito un monopolio nel settore in Turchia adottando dei meccanismi dannosi».

    Da quando è entrata nel mercato turco, l’azienda italiana ha comprato diversi piccoli attori del settore, alcuni dal passato discutibile, e anche questo l’ha aiutata a diventare il numero uno del settore. Nel 2018 il partito politico Mhp e successivamente nel 2021 il Chp hanno chiesto al Comitato antitrust di aprire un’indagine perché avevano registrato «comportamenti e scelte mafiose» da parte della Ferrero.

    IERI IL PRESIDENTE ERDOGAN nella città di Ordu ha comunicato il prezzo d’acquisto della nocciola, visto il periodo della raccolta: 54 lire turche al chilo (2,95 euro). Secondo Aslan e secondo i produttori con la crisi economica profonda e con queste condizioni di lavoro estremamente precarie la cifra dovrebbe essere al di sopra della soglia delle 80 lire (4,35 euro).

    Questa è la condizione in cui si trova il produttore numero uno delle nocciole, grazie a un governo che crea le basi dello sfruttamento. Pian piano la produzione agricola viene distrutta e la dignità umana calpestata.

    https://ilmanifesto.it/le-nocciole-turche-e-chi-le-raccoglie-ostaggio-del-mercato

    #Turquie #noisettes #Ferrero #multinationales #globalisation #mondialisation #industrie_agro-alimentaire #Nutella #prix #monopole #conditions_de_travail #travail #caporalato #monoculture #agriculture

  • 5 questions à Roland Riachi. Comprendre la #dépendance_alimentaire du #monde_arabe

    Économiste et géographe, Roland Riachi s’est spécialisé dans l’économie politique, et plus particulièrement dans le domaine de l’écologie politique. Dans cet entretien, il décrypte pour nous la crise alimentaire qui touche le monde arabe en la posant comme une crise éminemment politique. Il nous invite à regarder au-delà de l’aspect agricole pour cerner les choix politiques et économiques qui sont à son origine.

    https://www.carep-paris.org/5-questions-a/5-questions-a-roland-riachi
    #agriculture #alimentation #colonialisme #céréales #autosuffisance_alimentaire #nationalisation #néolibéralisme #Egypte #Soudan #Liban #Syrie #exportation #Maghreb #crise #post-colonialisme #souveraineté_nationale #panarabisme #militarisme #paysannerie #subventions #cash_crop #devises #capitalisme #blé #valeur_ajoutée #avocats #mangues #mondialisation #globalisation #néolibéralisme_autoritaire #révolution_verte #ouverture_du_marché #programmes_d'ajustement_structurels #intensification #machinisation #exode_rural #monopole #intrants #industrie_agro-alimentaire #biotechnologie #phosphates #extractivisme #agriculture_intensive #paysans #propriété_foncière #foncier #terres #morcellement_foncier #pauvreté #marginalisation #monoculture #goût #goûts #blé_tendre #pain #couscous #aide_humanitaire #blé_dur #durum #libre-échange #nourriture #diète_néolibérale #diète_méditerranéenne #bléification #importation #santé_publique #diabète #obésité #surpoids #accaparement_des_terres #eau #MENA #FMI #banque_mondiale #projets_hydrauliques #crise_alimentaire #foreign_direct_investment #emploi #Russie #Ukraine #sécurité_alimentaire #souveraineté_alimentaire

    #ressources_pédagogiques

    ping @odilon

  • Aux arbres, citoyens ! : dans le #Morvan, des résistants achètent la forêt pour la sauver

    « Il faut sauver ce qui peut encore l’être » : dans le Morvan, des citoyens rachètent des forêts traditionnelles de #chênes, #hêtres et autres #châtaigniers pour empêcher leur #destruction au profit d’#arbres_résineux, plus rentables mais « catastrophiques » pour la #biodiversité.

    Plus rien ne se dresse sur la colline dénudée. Au milieu de l’ancienne forêt devenue désert, la statue de Saint Marc, où les randonneurs se reposaient à l’ombre, garde dorénavant un cimetière de troncs couchés attendant d’être ramassés. « C’est une catastrophe écologique et visuelle », enrage Régis Lindeperg, de l’association Adret Morvan qui lutte contre l’enrésinement. Dans cette parcelle du Vieux Dun (#Nièvre), une vingtaine d’hectares d’#épicéas viennent d’être coupés.

    « Les coupes rases libèrent du carbone, assèchent les sources et appauvrissent les sols, ce qui empêche plus d’une ou deux replantations. Les sylviculteurs scient la branche sur laquelle ils sont assis », raille M. Lindeperg. « En un siècle, on aura tout grillé », abonde Frédéric Beaucher, qui défend la « vraie » forêt, de #feuillus, contre les rangs d’oignon de pins « plus proches du champ de maïs » en terme de biodiversité, selon Régis Lindeperg.

    Contre les « planteurs de résineux », qui représentent selon lui une bonne partie des propriétaires forestiers ou des sylviculteurs du Morvan, M. Beaucher a créé en 2015 #Le_Chat_Sauvage, un groupement forestier de citoyens prêts à acheter des feuillus, et ainsi « sauver ce qui peut encore l’être ». « On a maintenant 120 hectares de forêts et plus de 500 sociétaires ».

    Roger Denis est de ceux-là. En 45 ans de médecine de campagne à parcourir le Morvan, ce retraité de 69 ans a vu « le #paysage se modifier » et a investi plus de 10.000 euros dans le Chat Sauvage.

    Jadis marginaux, les #résineux représentent 47% des 155.000 hectares de forêts du Morvan, selon des chiffres de 2016 du Parc naturel régional (PNR). Et « le phénomène s’accélère », assure Jean-Sébastien Halliez, maire PS de Brassy (Nièvre). « Sur la commune, il existe peut-être une dizaine de coupes rases. Il y a une dizaine d’années, il n’y en avait qu’une de temps en temps ».

    – « Une goutte d’eau » -

    Entre 2005 et 2016, 4.270 ha de feuillus ont été rasés et 10.860 ha de résineux plantés, selon le parc régional. C’est que le calcul est simple, explique Tristan Susse, expert forestier : le #pin_Douglas, résineux préféré dans le Morvan, « produit 400 m3 l’hectare, à 60-70 euros le m3, le feuillu 100 m3 et pour 50 euros le m3 en moyenne ».

    Le cours du #Douglas a de plus quasiment doublé en deux ans, notamment en raison de la mode des #constructions_en_bois. « Si on ne fait rien, on ne voit pas ce qui empêcherait l’enrésinement total du Morvan », avertit Sylvain Mathieu, président du PNR et vice-président PS de Bourgogne-Franche-Comté en charge de la forêt.

    « La seule solution est une loi interdisant les #coupes_rases, comme en Suisse », répond Lucienne Haèse, 80 ans et figure historique du mouvement. En 2003, cette pionnière a créé à Autun (Saône-et-Loire) le #Groupement_forestier_pour_la_sauvegarde_des_feuillus_du_Morvan (#GFSFM), premier du genre en France.

    Aujourd’hui, le GFSFM, en charge du sud du Morvan, a 350 ha et 970 sociétaires. Avec Le Chat Sauvage, son petit-frère dans le nord, cela fait moins de 500 ha. « Oui, c’est une goutte d’eau », reconnaît M. Beaucher. « Mais cela permet d’interpeller. Et ça fonctionne : il y a une prise de conscience ».

    De plus en plus de petits propriétaires vendent leurs forêts aux groupements citoyens « pour qu’elles échappent à l’#enrésinement », affirme Mme Haèse. Et certains forestiers assurent avoir évolué, comme la Société forestière, qui gère 6.900 ha dans le Morvan.

    « Depuis deux ans, la Société forestière n’a programmé aucune transformation de feuillus en résineux au sein du #parc_du_Morvan », affirme ainsi Amaury Janny, directeur pour la région centre. La surface de #monocultures de résineux va même « diminuer », selon lui, car les replantations vont dorénavant se faire avec un « mélange de trois #essences » et non plus seulement du Douglas par exemple.

    https://www.ipreunion.com/france-monde/reportage/2021/09/19/aux-arbres-citoyens-dans-le-morvan-des-resistants-achetent-la-foret-pour-

    #forêt #résistance #France #déforestation #pins #collectivisation

    –-

    On en parlait déjà en 2016 sur seenthis :
    Contre l’enrésinement du #Morvan, des habitants ont créé un groupement forestier pour protéger leurs #forêts.
    https://seenthis.net/messages/515235

  • #Résurgence holocénique contre plantation anthropocénique

    La « soutenabilité » est le rêve de transmettre une #terre_habitable aux générations futures, humaines et non-humaines. Cet article soutient qu’une soutenabilité digne de ce nom exige la #résurgence d’un modèle multi-espèces, en résistance aux tendances de la #colonisation_capitaliste qui transforme tout en #plantations de #monoculture. Pour affronter les défis de l’Anthropocène, nous devons faire davantage attention aux #socialités qui se trament entre les espèces, socialités dont nous dépendons tous. Aussi longtemps que nous maintenons une séparation imperméable entre nous et tout ce qui n’est pas humain, nous faisons de la soutenabilité un concept cruel relevant de l’#esprit_de_clocher. Nous perdons de vue le tramage commun qui rend possible la vie sur Terre des #humains avec les #non-humains. De toutes façons, maintenir cette #séparation ne fonctionne pas : les efforts des investisseurs pour réduire tous les autres êtres au statut d’actifs ont généré de terrifiantes écologies, que je qualifie ici de #proliférations_anthropocéniques.

    https://www.cairn.info/revue-multitudes-2018-3-page-77.htm
    #soutenabilité #anthropocène #humain #non-humain #Anna_Tsing #écologie #extinction #prédation #matsutake

  • De plastique et d’os | Benoît Godin
    http://cqfd-journal.org/De-plastique-et-d-os

    Bon élève autoproclamé de la transition verte, le Portugal a autorisé en octobre 2019 l’extension de monocultures intensives sous plastique en plein milieu d’un parc naturel. La surface des sols occupés par d’interminables serre-tunnels pourrait bientôt y tripler. Encore une fois, la défense d’intérêts financiers ouvre le champ, en toute connaissance de cause, à un désastre écologique. Tout autant qu’humains. Ici comme ailleurs, l’espoir vient des populations qui, localement, organisent la lutte. Source : CQFD

  • Vers des jours heureux... | Le Club de Mediapart

    https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/280420/vers-des-jours-heureux

    Un virus inconnu circule autour de la planète depuis le début de l’année. Péril mortel et invisible, nous obligeant à nous écarter les uns des autres comme si nous étions dangereux les uns pour les autres, il a retourné les tréfonds des sociétés comme on retourne un gant et il a mis au grand jour ce que l’on tentait jusqu’ici de masquer. Sans doute provoque-t-il un nombre important de morts et met-il sous une lumière crue les limites des systèmes de santé des pays développés, y compris les plus riches d’entre eux. Sans doute, ailleurs, expose-t-il les populations de pays plus pauvres à un extrême danger, les contraignant pour se protéger à accomplir une obligation impossible, le confinement. Mais ceci n’est que la surface des choses.

    Le gant retourné donne à voir la voie périlleuse dans laquelle le monde se trouve engagé depuis des décennies. En mettant les services hospitaliers sous contrainte budgétaire, là où ils étaient développés, et en les négligeant là où ils sont insuffisants, les responsables politiques affolés se sont trouvés pris de court devant l’arrivée de la pandémie. En France, l’impréparation criante à ce type d’évènements, la liquidation coupable de la réserve de masques, la délocalisation de l’industrie pharmaceutique avec pour seule raison la recherche de profits plus grands, la faiblesse des moyens de la recherche scientifique, mettent le gouvernement en situation d’improvisation. En prenant le chemin du confinement dont il ne sait comment sortir, il s’est engagé dans la voie d’une mise en cause radicale des libertés publiques. S’étant privé des autres moyens de protection de la population, il bénéficie d’un acquiescement forcé de cette dernière. Pour le cas où cet acquiescement manquerait, un discours moralisateur et culpabilisant se déploie. Et pourtant, partout, d’innombrables initiatives contredisent l’individualisme entretenu par le modèle économique et social et témoignent de la permanence de la fraternité entre les humains.

    Mais le gant retourné fait apparaître aussi, au moins aux yeux les plus lucides, que la réponse aux enjeux auxquels l’humanité dans son ensemble est en ce moment confrontée, ne saurait être une addition de politiques nationales, encore moins si ces politiques tentent de se mener en vase clos. Il y manquera toujours une part, celle de la communauté des humains qui ne peut refuser plus longtemps de se voir pour ce qu’elle est : une communauté de destin, ce qu’Hannah Arendt nommait une association politique d’hommes libres.

    Ainsi, derrière la crise sanitaire qui est au premier plan, avec la crise économique qui s’amorce et la catastrophe écologique en cours, c’est une crise de civilisation qui émerge enfin. Le monde entièrement dominé par le système capitaliste qui ne cesse de creuser les inégalités et de détruire la nature, est aujourd’hui un bateau ivre qui n’a d’autre horizon que son naufrage à travers des violences insoupçonnées.

    S’il est encore temps de reprendre les commandes, alors ce séisme inédit est l’occasion que le monde doit saisir pour rompre enfin avec sa destruction largement amorcée et inventer une société entièrement différente. Ainsi, ayant conjuré la terreur de l’inconnu, les peuples danseront de joie sur les décombres du vieux monde qui menaçait de les emporter.

    Pour cela, il faut :

    – ne pas tricher avec les constats qu’il y a lieu de faire ;
    – mesurer les risques d’une sortie de crise orientée à un retour à la situation antérieure ou à d’autres dérives ;
    – saisir cette opportunité pour poser les fondements radicalement différents d’une société mondiale juste et viable.

    #covid-19 #le_monde_d_après

  • Le coronavirus, « un boomerang qui nous revient dans la figure » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/220320/le-coronavirus-un-boomerang-qui-nous-revient-dans-la-figure?onglet=full

    La pandémie de #Covid-19 est-elle liée à la déforestation et aux destructions d’écosystèmes ? Des liens existent, même s’ils sont parfois indirects, selon les chercheurs. L’extension des #monocultures contribue à façonner un monde propice à la diffusion de ce type de #virus.

  • Huile de palme à la Mède : plainte contre le #greenwashing de #Total - Greenpeace France
    https://www.greenpeace.fr/espace-presse/huile-de-palme-a-la-mede-plainte-contre-le-greenwashing-de-total

    Le site industriel de Total à La Mède fabrique des #agrocarburants principalement à partir d’huile de palme et est autorisé à importer 650 000 tonnes d’huiles par an. Cela entraîne un bond non négligeable de la consommation d’huile de palme en France, ce qui est problématique quand on sait que la production d’huile de palme est l’une des principales causes de #déforestation en Asie du Sud-Est [1]. La #monoculture du #palmier_à_huile contribue à la perte de la #biodiversité, à la destruction de milieux naturels remarquables et à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre par la déforestation induite [2].

    #climat #mensonges

  • Café et climat : La culture du café face aux effets du changement climatique - Toute l’actualité des Outre-mer à 360° - Toute l’actualité des Outre-mer à 360°
    http://outremers360.com/economie/cafe-et-climat-la-culture-du-cafe-face-aux-effets-du-changement-climat

    Le #café compte environ 80 espèces (#Typica, #Maragogype, #Bourbon, #Blue_Mountain ou #Mundo_Novo….) , mais ce sont l’#Arabica et le #Robusta qui s’imposent. L’arabica – un marché évalué à 16 milliards de dollars – est le plus consommé au monde et pourrait disparaître à l’état sauvage d’ici 2080. Car aujourd’hui, c’est toute la production d’Amérique centrale qui se trouve menacée par la rouille orangée causée par un champignon. Mais la rouille n’est pas la seule menace pour le café. La chaleur a favorisé les attaques dans les zones d’altitude, liée à l’appauvrissement génétique des plantations. A son origine, en #Ethiopie, le café sauvage poussait à l’ombre. Dès le 14ème siècle au #Yemen, on le remet au soleil, et la moitié du café dans le monde aujourd’hui est cultivée industriellement, en plein soleil, comme au #Brésil. « Les jours de ces #méthodes de production pourraient être comptés, en raison des changements climatiques » nous met en garde Hervé Etienne (CIRAD).

    #climat #monoculture

  • #Africa_Rising documentary

    From Clover films and film maker #Jamie_Doran, comes a documentary examining the failure of western policies towards Africa and rethinking the role of western aid workers on the continent.

    Narrated by Tilda Swinton, Africa Rising takes a look at the benefits of ’Self Help’ in Ethiopia, a country potentially rich in resources, looking to find its own way out of poverty.

    https://www.youtube.com/watch?v=kYS7T9UMrsA


    #film #documentaire #Afrique #développement #aide_au_développement #coopération_au_développement #Ethiopie #self-help #pauvreté #Afrique #famine #sécheresse #monoculture #agriculture #seasonal_hunger #malnutrition #cash_crops #semences #femmes #genre #micro-crédit #Sodo_region #syndrome_de_la_dépendance #dépendance_de_l'aide_internationale #santé #self-aid #désertification #self-help_Sodo #coopérative #coopérative_agricole #éducation

  • Un exploitant de caoutchouc déloge des fermiers libériens – Pain pour le prochain
    https://painpourleprochain.ch/un-exploitant-de-caoutchouc-deloge-des-fermiers-liberiens

    Le #caoutchouc est un produit lucratif. Polyvalent, il est employé dans la fabrication de pneus, de préservatifs, de vêtements d’extérieur ou encore de matelas. La demande ayant plus que doublé ces vingt dernières années, le groupe luxembourgeois #Socfin a décidé d’agrandir ses plantations en #Afrique de l’Ouest afin de pouvoir commercialiser davantage de caoutchouc naturel par le biais de sa filiale #Sogescol, établie à Fribourg. Pour les villages situés autour de la plantation, cette extension a eu des conséquences dévastatrices.

    « On nous a dit que l’arrivée de l’entreprise améliorerait nos vies. […]. À l’époque nous ne savions pas que [la plantation], loin d’être une bénédiction, serait un réel enfer, » résume un paysan. Nombreux sont ceux qui ont perdu les #terres agricoles dont dépendait leur survie du fait de l’extension de ces #monocultures de caoutchouc qui ont, par ailleurs, détruit des #forêts sacrées et des cimetières et rendu plus difficile l’accès à l’#eau. Une multitude de villageois racontent que leur eau a été polluée par les #pesticides utilisés dans les #plantations.

    #hévéa

  • #Penan Community Mapping: Putting the Penan on the map
    https://www.youtube.com/watch?v=KwGdEzh1e3w


    #cartographie #visualisation #peuples_autochtones

    #vidéo reçue via la mailing-list du Bruno Manser Fonds (26.12.2018):

    Chères amies, chers amis du Bruno Manser Fonds,

    Que diriez-vous d’une brève pause durant les fêtes ? Alors prenez-vous 12 minutes et apprenez comment les Penan sauvent la forêt pluviale avec des cartes topographiques.

    Avec la publication de 23 #cartes_topographiques de la forêt pluviale par le Bruno Manser Fonds, soudainement les Penan prennent vie sur la carte. Sur les documents du gouvernement, les rivières dans la zone penane n’ont pas de nom et les arbres utilisés par les Penan pour récolter le poison à flèches ou pour fabriquer des sarbacanes ne sont même pas signalés. Pour le gouvernement, les Penan ne disposent d’aucun droit sur leur forêt traditionnelle. C’est là qu’interviennent les cartes que nous avons publiées : elles démontrent les #droits_territoriaux des Penan et constituent un précieux instrument dans la lutte contre les sociétés forestières, qui défrichent illégalement la #forêt.

    Apprenez dans le bref #documentaire comment ces cartes servent la #forêt_pluviale et les autochtones ! Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir à visionner la vidéo !

    Notre travail de cartographie a éveillé un grand enthousiasme en #Malaisie. D’autres villages de Penan, de même que d’autres groupes ethniques, se sont adressés à nous en nous demandant également de soutenir la cartographie de leur forêt pluviale. Ils souhaitent, au moyen des cartes, faire cesser les défrichages et la mise en place de plantations de #palmiers_à_huile sur leurs terres.

    #déforestation #cartographie_participative #huile_de_palme #cartographie_communautaire #résistance #Bornéo #visibilité #Sarawak #Baram #biodiversité #répression #community_mapping #empowerment

    –-------------

    Quelques citations tirées de la vidéo...

    Rainer Weisshaidinger, of the Bruno Manser Fonds:

    “When we came to the Penan area, the maps we had were from the British. They were quite good in telling us the topography, but there were no names. It was empty maps. The British cartographers did not have the chance to go to the communities, so very few rivers had names in these maps”

    #toponymie #géographie_du_vide #vide #cartographie_coloniale #colonialisme #post-colonialisme #exploitation

    “Joining the Federation of Malaysia on 16th of September 1963, Sarawak was granted self-government free from the British colonial administration. However, the government undertook no effort to map the interior areas. This lead to unfair and unsustainable #exploitation of the land and its people”
    #terre #terres

    Voici un exemple des cartes officielles:


    Comme on dit dans la vidéo: il n’y avait pas de mention des rivières ou des montagnes, ou des noms de villages...

    Simon Kaelin, of the Bruno Manser Founds:

    “The perspective from the government for this area... It was an empty area, for logging activity, for palm oil activity. Open for concessions and open for making big money”

    #extractivisme #concessions #déforestation

    Lukas Straumann, of the Bruno Manser Founds:

    “If you have a map with every river, having names (...) you see that it has been used for hundered years, it makes a really big difference”
    "The Penan started mapping their lands back in the 1990s, when they heard from indigenous people in #Canada that they have been very successful in claiming back their lands from the Canadian government, with maps

    Rainer Weisshaidinger, of the Bruno Manser Fonds:

    “To understand why these maps are important for the Penan community, it is because there is the Penan knowledge inside these maps”

    #savoir #connaissance

    Bateudah, community mapper:

    “Our work is to map the land. This is very important because it makes our community’s boundaries visibile”

    Rose Melai, community mapper:

    "All that is important in the forest is on the maps.

    The Penan worked about 15 years on their map...
    Au total, ils ont produit 23 cartes.
    Voici le coffret avec les cartes:

    Sophie Schwer, of the Bruno Manser Fonds:
    When they started, they relied in easy techniques, like skatch mapping and just the compass:

    But in the end they used the state-of-the art mapping #drones to present and show where their settlements are, so that they could no longer be neglected by the government.

    Le “mapping drone”:

    Peter Kallang, indigenous activist:

    “Community mapping can help to eliminate or reduce the #corruption, because you have everything there in black and white. It is so transparent. So when the government gives timber licences, when it overlaps with these, we can see from the map”

    #transparence

    Rainer Weisshaidinger, of the Bruno Manser Fonds:
    “The map of the government, they represent the government’s perspective, which means: nobody is in this area. The Penan map represents the Penan perspective on their own area. If you look at these maps, you will see that the Penan are living in this area. On each of these maps, it’s not only a topographic knowledge, there is a small history specific of this area. Below that, the drone images are very important, because it is very easy to mark one point. In order to give credibility to these maps, it was very important for the Penan to also be able to fly over their own villages to get the images of their villages.”


    L’histoire du village marquée sur la carte:

    L’image prise par les drones:

    Les cartes sont signées par les #empreintes_digitales des cartographes autochtones:

    Les empreintes digitales servent aussi à “valider” (c’est le mot utilisé dans le documentaire) les cartes.

    Un cartographe autochtone:

    “With these maps we document our history. Our myths and legends stay alive. The next generation will remember our way of life long after our elders have passed on”.

    #mythes #légendes #histoire #mémoire

    #ressources_pédagogiques (mais malheureusement la vidéo est disponible uniquement avec des sous-titres en anglais)
    #géographie_politique

    ping @reka @odilon

    Et je suis sure que ça intéresse aussi @_kg_

  • Les champignons, une menace silencieuse sur la santé et l’alimentation humaine
    https://www.lemonde.fr/long-format/article/2018/09/17/les-champignons-une-menace-silencieuse_5356331_5345421.html

    Les pesticides épandus en masse pour protéger les récoltes des attaques fongiques ont engendré des résistances, y compris chez des souches qui infectent l’homme et font 1,6 million de morts par an.


    Faites le test : demandez autour de vous quel champignon présente le plus de danger pour l’humain. Neuf personnes sur dix choisiront l’amanite phalloïde. Erreur on ne peut plus funeste. Avec ses quelques dizaines de décès en Europe les pires années, le « calice de la mort » devrait faire figure d’amateur dans la planète mycète.

    De même que le moustique surpasse de loin tous les animaux réputés féroces, les vrais tueurs, chez les champignons, sont microscopiques, méconnus et autrement plus meurtriers que notre vénéneuse des forêts. Cryptococcus, pneumocystis, aspergillus et candida : chaque année, chacune de ces grandes familles tue plusieurs centaines de milliers de personnes. Selon les dernières estimations du Gaffi (le Fonds global d’action contre les infections fongiques), les pathologies associées feraient au moins 1,6 million de victimes annuelles, soit presque autant que la tuberculose (1,7 million), la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. « Des estimations basses », précise le professeur David Denning, directeur exécutif du Gaffi et chercheur à l’université de Manchester.

    D’autant qu’elles ne prennent nullement en compte le poids des attaques fongiques dans les désordres alimentaires mondiaux. Les deux principales pathologies du blé, la septoriose et la rouille noire, toutes deux provoquées par un champignon, feraient baisser la production mondiale de 20 %. La production ainsi perdue suffirait à nourrir 60 millions de personnes. Etendues à l’ensemble des cultures agricoles, c’est 8,5 % de la population mondiale, soit environ 600 millions de personnes, selon des chiffres publiés en 2012, qui pourraient garnir leurs assiettes si les lointains cousins de la truffe épargnaient les récoltes.


    Taches de septoriose sur des feuilles de blé tendre en France.

    Il faut dire que les champignons sont partout. Sur nos poignées de porte et au bord de nos baignoires, à la surface des aliments que nous ingérons comme dans l’air que nous respirons. Essentiels au cycle du vivant, ils digèrent les déchets et les recyclent en énergie disponible. Sans eux, pas de compost ni d’engrais naturels, pas de roquefort ni de vins doux. Encore moins de pénicilline, ce premier antibiotique né de l’appétit des moisissures penicillium pour les bactéries. Précieux pour l’ordre végétal, donc, et pour la plupart sans danger pour les humains. « Sur les quelque 1,5 million d’espèces estimées, quelques centaines ont la capacité de survivre dans notre organisme, souligne le professeur Stéphane Bretagne, chef du laboratoire de mycologie de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, et directeur adjoint du Centre national de référence (CNR) des mycoses invasives de l’Institut Pasteur. En plaçant notre corps à 37 degrés, l’évolution nous a mis à l’abri de la plupart des champignons. Les autres, quand tout va bien, sont éliminés par notre système immunitaire. »

    En avril 2012, pourtant, un inquiétant « Fear of Fungi » (« La peur des champignons ») barrait la « une » de la prestigieuse revue Nature. Sept scientifiques britanniques et américains y décrivaient l’explosion d’infections virulentes parmi les plantes et les animaux. On croyait, depuis la grande famine irlandaise (1845-1852) et les épidémies d’oïdium (1855) puis de mildiou (1885) qui détruisirent l’essentiel de la vigne française, que les grands périls agricoles étaient derrière nous. Eh bien non, répondaient-ils : la pression fongique sur les cinq principales cultures vivrières ne cesse de s’intensifier. Le blé, donc, mais aussi le riz, assailli dans 85 pays par la pyriculariose, avec des pertes de 10 % à 35 % des récoltes. Idem pour le soja, le maïs et la pomme de terre. « Si ces cinq céréales subissaient une épidémie simultanée, c’est 39 % de la population mondiale qui verrait sa sécurité alimentaire menacée », explique Sarah Gurr, du département des sciences végétales de l’université d’Oxford, une des signataires de l’article.

    Les champignons ne s’en prennent pas qu’à l’agriculture, rappelaient les chercheurs. Reprenant la littérature, ils constataient que 64 % des extinctions locales de plantes et 72 % des disparitions animales avaient été provoquées par des maladies fongiques. Un phénomène amplifié depuis le milieu du XXe siècle : le commerce mondial et le tourisme ont déplacé les pathogènes vers des territoires où leurs hôtes n’ont pas eu le temps d’ériger des défenses. Les Etats-Unis ont ainsi perdu leurs châtaigniers, l’Europe a vu ses ormes décimés. Les frênes sont désormais touchés : arrivée d’Asie il y a quinze ans, la chalarose a ainsi frappé la Pologne, puis toute l’Europe centrale. Elle occupe désormais un tiers du territoire français. Seule chance : Chalara fraxinea ne supporte pas la canicule. La maladie a donc arrêté sa progression et commencerait même à reculer.

    Les animaux sont encore plus durement atteints. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 40 % des espèces d’amphibiens sont aujourd’hui menacées, des dizaines auraient disparu. Premier responsable : Batrachochytrium dendrobatidis, alias Bd. Depuis vingt ans, le champignon venu de Corée a décimé grenouilles et crapauds en Australie et sur l’ensemble du continent américain. Son cousin Bsal, lui aussi arrivé d’Asie, cible salamandres et tritons européens avec une mortalité proche de 100 %. Aux Etats-Unis, un autre champignon, le bien nommé Geomyces destructans, poursuit son carnage auprès des chauves-souris. La maladie du museau blanc touche près de la moitié du pays et aurait tué plusieurs millions de chiroptères.


    Dans le Vermont, aux Etats-Unis, des chauves-souris brunes sont frappées par la maladie du museau blanc.

    Coraux et tortues dans les mers, abeilles, oies et perroquets dans les airs… la liste est longue. « Il ne fait guère de doute que ces pathologies sont de plus en plus nombreuses, affirme, statistiques à l’appui, Matthew Fisher, du département des maladies infectieuses de l’Imperial College de Londres, premier signataire de la publication de 2012. Depuis notre article, il y a eu une prise de conscience, mais la situation s’est détériorée. »

    Aussi en mai, Matthew Fisher et Sarah Gurr ont récidivé, cette fois dans Science, en s’adjoignant les services du Suisse Dominique Sanglard. Biologiste à l’université de Lausanne, il traque « l’émergence mondiale de résistance aux antifongiques » en incluant dans le tableau les pathologies humaines. Des maladies « longtemps négligées, souligne-t-il. D’abord, elles étaient moins fréquentes que les pathologies bactériennes ou virales. Ensuite, elles frappent des patients immunodéprimés – dont les défenses ne sont plus capables de contenir les champignons –, pas des sujets sains. Enfin, un champignon, c’est beaucoup plus complexe qu’une bactérie, beaucoup plus proche de nous aussi, donc plus difficile à combattre sans attaquer nos propres cellules. »

    « Un champignon, c’est beaucoup plus proche de nous qu’une bactérie, donc plus difficile à combattre sans attaquer nos propres cellules », Dominique Sanglard université de Lausanne

    L’épidémie de sida, dans les années 1980, a commencé à modifier la donne. « Les patients immunodéprimés se sont mis à mourir massivement de pneumocystoses ou de cryptococcoses », se souvient Olivier Lortholary, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Necker et directeur adjoint du CNR mycoses invasives à l’Institut Pasteur. Si l’accès aux trithérapies a permis de limiter l’hécatombe dans les pays occidentaux, il n’en va pas de même ailleurs dans le monde. Selon les dernières statistiques du Gaffi, plus de 535 000 malades du sida meurent encore chaque année, victimes d’une infection fongique associée. « C’est sans doute plus, insiste David Denning. Certaines pathologies fongiques pulmonaires sont prises pour des tuberculoses. »

    Mycologue au CHR de Cayenne, Antoine Adenis en sait quelque chose. La forte présence de la leishmaniose dans le département avait conduit le service de dermatologie à analyser toutes les plaies des patients séropositifs. « Nous avons découvert la présence de l’histoplasmose un peu par hasard », raconte-t-il. Les médecins ont alors systématiquement recherché le champignon histoplasma et découvert qu’il constituait la première cause de décès des malades du sida en Guyane. Au Suriname voisin, réputé vierge de champignons, il a découvert que « 25 % des hospitalisés VIH étaient touchés ». Le médecin a ensuite étendu son étude à toute l’Amérique latine. Le résultat a stupéfié la communauté : selon un article publié en août, dans The Lancet, le champignon y tuerait quelque 6 800 personnes par an, plus que la tuberculose, réputée première cause de mortalité associée au sida.

    Les champignons et leurs spores ne se contentent pas d’attaquer les porteurs du VIH. « Ils compliquent toutes les pathologies respiratoires quand ils ne les provoquent pas », explique David Denning. Asthme sévère, aspergilloses broncho-pulmonaires allergiques ou chroniques… « Cela représente plus de 14 millions de personnes dans le monde et au moins 700 000 décès par an », assure le médecin britannique.


    Un adolescent anglais atteint par une teigne résistante aux antifongiques.

    Enfin, il y a les pathologies dites « hospitalières ». « Chimiothérapies, greffes de moelle, transplantations d’organes, biothérapies… La médecine moderne, comme l’augmentation de la durée de la vie, multiplie la quantité de malades immunodéprimés dans les hôpitaux, analyse Tom Chiller, chef de la branche mycoses du Centre de contrôle des maladies américain (CDC). Beaucoup ont déjà en eux des champignons qui trouvent là l’occasion de prospérer, ou ils les rencontrent à l’hôpital. Tous représentent des cibles idéales. » Une fois les pathogènes dans le sang, le pronostic devient effrayant. A l’échelle mondiale, le taux de mortalité parmi le million de malades traités avoisinerait les 50 %. « En France, depuis quinze ans, le taux reste entre 30 % et 40 % pour les candidoses, entre 40 % et 50 % pour les aspergilloses, indique Stéphane Bretagne. Désespérément stable. » « Et l’incidence des candidoses systémiques augmente de 7 % chaque année, renchérit son collègue Olivier Lortholary. Même si c’est en partie dû à l’augmentation de la survie des patients de réanimation aux attaques bactériennes, c’est une vraie préoccupation, ma principale inquiétude avec les champignons émergents souvent multirésistants. »

    Résistances et émergences : l’hôpital de Nimègue, aux Pays-Bas, et son équipe de recherche en mycologie, en sont devenus les références mondiales. En 1999, le centre y a enregistré le premier cas de résistance d’une souche d’Aspergillus fumigatus aux azoles, la principale classe d’antifongiques. Puis les cas se sont multipliés. « Et ça ne cesse de croître, souligne Jacques Meis, chercheur au centre néerlandais. Dans tous les hôpitaux des Pays-Bas, la résistance dépasse les 10 %, et atteint jusqu’à 23 %. » Avec pour 85 % des patients infectés la mort dans les trois mois.


    L’inhalation des spores d’« Aspergillus fumigatus » peut entraîner une infection invasive des poumons et des bronches, souvent fatale.

    Les scientifiques n’ont pas mis longtemps à désigner un suspect : les horticulteurs. Aux Pays-Bas, champions de l’agriculture intensive, le traitement standard des tulipes consiste à en plonger les bulbes dans un bain d’azoles. Longtemps, les organisations agricoles ont plaidé non coupables. Mais à travers le monde, les preuves se sont multipliées. A Besançon, où ont été mis en évidence les deux premiers cas français d’aspergilloses résistantes chez un agriculteur et un employé de la filière bois, les mêmes souches mutantes ont été trouvées dans les champs du malade et dans plusieurs scieries de la région. « Les agriculteurs ne visent pas les mêmes champignons, mais les fongicides qu’ils emploient ne font pas la différence, ils rendent résistants les pathogènes humains », explique Laurence Millon, chef du service de parasitologie-mycologie du centre hospitalier de Besançon. « L’histoire se répète, soupire Matthew Fisher. L’usage massif des antibiotiques par les éleveurs a développé les résistances des bactéries humaines. L’emploi à outrance des fongicides par les cultivateurs fait de même avec les champignons. »

    « L’usage massif des antibiotiques par les éleveurs a développé les résistances des bactéries humaines. L’emploi à outrance des fongicides par les cultivateurs fait de même avec les champignons », Matthew Fisher, Imperial College de Londres

    Le monde agricole se trouve pris entre deux menaces. D’un côté, la résistance toujours plus importante de champignons dopés par le changement climatique conduit à multiplier les traitements phytosanitaires. « Cette année, dans les vignes du sud de la France, la pression fongique était telle qu’au lieu des onze traitements annuels moyens – ce qui est déjà beaucoup –, les vignerons en ont délivré entre quinze et dix-sept », constate Christian Huygue, directeur scientifique agriculture de l’Institut national de la recherche en agronomie (INRA). La faute à un printemps exceptionnellement pluvieux et un été particulièrement sec. Mais aussi à l’adaptation des champignons à tout ce que le génie humain invente de produits phytosanitaires. Depuis les années 1960, l’industrie s’en est pris successivement à la membrane des cellules du champignon, à leur paroi, à leur ARN ou à leur respiration… Cinq classes d’antifongiques ont ainsi été mises au point. « Trois étaient vraiment efficaces, résume Sabine Fillinger, généticienne à l’INRA. Les strobilurines rencontrent des résistances généralisées. De plus en plus de produits azolés connaissent le même sort. Il reste les SDHI [inhibiteur de la succinate déshydrogénase], mais ils commencent à y être confrontés et ça va s’aggraver. »

    De plus en plus impuissants face aux pathogènes, les fongicides agricoles se voient aussi accusés de menacer la santé humaine. Des chercheurs de l’INRA et de l’Inserm ont ainsi lancé un appel dans Libération, le 16 avril, afin de suspendre l’usage des SDHI. Le dernier-né des traitements n’entraverait pas seulement la respiration des cellules de champignons ; par la même action sur les cellules animales et humaines, il provoquerait des « encéphalopathies sévères » et des « tumeurs du système nerveux ». L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a décidé d’examiner l’alerte. Elle s’est d’autre part autosaisie afin de vérifier l’éventuelle toxicité humaine de l’époxiconazole. « Cet azole est l’une des dernières substances actives sur le marché, nous en utilisons 200 tonnes par an en France, mais c’est également un reprotoxique de catégorie 1 [affecte la fertilité], la plus préoccupante, et un cancérigène de catégorie 2 », indique Françoise Weber, directrice générale déléguée au pôle produits réglementés de l’Anses. Un avis négatif de la France pourrait peser en vue de la réévaluation du produit au niveau européen, prévue en avril 2019.

    A l’INRA comme à l’Anses, on jure avoir comme nouvel horizon une agriculture sans pesticide. Développement de nouvelles variétés, diversification des cultures, morcellement des paysages et « anticipation des pathologies nouvelles que le changement climatique fait remonter vers le nord et que le commerce mondial apporte d’Asie », insiste Christian Huygue. Du blé tendre aux laitues ou aux bananes, nombre de cultures font face à des pathogènes émergents. Des champignons nouveaux frappent également les humains. Dans les services hospitaliers, le dernier diable s’habille en or. Découvert au Japon en 2009 et intrinsèquement résistant à tous les traitements, Candida auris flambe particulièrement dans les hôpitaux indiens, pakistanais, kényans et sud-africains. La France semble jusqu’ici épargnée. Mais cinq autres champignons à « résistance primaire » y ont fait leur nid, totalisant 7 % des infections invasives à Paris, là encore chez les immunodéprimés.


    Plants de banane attaqués par la fusariose au Cameroun

    Plus inquiétant peut-être, de nouvelles infections invasives touchent des patients dits immunocompétents. Aux Etats-Unis, la « fièvre de la vallée » ne cesse de progresser. Pour la seule Californie, les coccidioïdes cachés dans la terre, relâchés à la faveur de travaux d’aménagement ou agricoles, ont contaminé 7 466 personnes en 2017. Au CDC d’Atlanta, on ne dispose d’aucune statistique nationale mais on parle de « centaines » de morts.

    Moins meurtrière mais terriblement handicapante, une nouvelle forme de sporotrichose touche des dizaines de milliers de Brésiliens. Partie de Rio, elle a conquis le sud du pays et gagne le nord, essentiellement transmise par les chats. « L’épidémie est hors de contrôle », assure Jacques Meis. Et que dire de ces ouvriers de Saint-Domingue qui nettoyaient une conduite d’usine remplie de guano de chauves-souris ? « Ils étaient 35, jeunes, aucun n’était immunodéprimé, raconte Tom Chiller, qui a publié le cas en 2017 dans Clinical Infectious Diseases. Trente sont tombés malades, 28 ont été hospitalisés. » Le diagnostic d’histoplasmose n’a pas tardé. Neuf ont été admis en soins intensifs. Trois sont morts.

    Cette hécatombe mondiale n’a rien d’une fatalité, assurent les scientifiques. « La médecine moderne augmente les populations à risque, admet David Denning. Mais en améliorant le diagnostic et l’accès aux traitements, en développant la recherche, en réservant à la santé humaine les nouvelles molécules qui finiront par apparaître, on doit pouvoir réduire considérablement la mortalité des infections. »

    Doux rêve, répond Antoine Adenis. « La mycologie reste le parent pauvre de la microbiologie », regrette-t-il. Ainsi, pour la première fois cette année, Laurence Millon n’aura pas d’interne dans son service de Besançon. Et David Denning, qui gère son Gaffi avec des bouts de ficelle, de soupirer : « Quand un malade leucémique meurt d’une infection fongique, tout le monde parle du cancer à l’enterrement, personne des champignons. Et à qui pensez-vous que l’on fait les dons ? »