Qui sait vraiment comment on peut vivre cela au tréfonds de soi ? Qui sait le doute qui doit vous saisir, jusqu’à vous saisir de l’envie de douter de tout ? Ali Chanfi s’appelait Ali Chanfi jusqu’à il y a quelques mois. Le jour où il a été convoqué par la police aux frontières, son père, ou plutôt celui qu’il croyait être son père, pressé par les enquêteurs, lui a livré un secret : il s’appelle en fait Mohamed Bacari.
Oui, il était bien né le 10 septembre 1968 aux Comores, mais jamais personne ne lui avait fait la confidence que son père était mort quelques semaines après sa naissance. Singulière trajectoire. Et surtout que son oncle lui avait tout donné, ou prêté, selon le degré de générosité que l’on accepte de grimper sur l’échelle de la vie : son nom, le plus clair de son temps passé à s’en occuper, le silence fondateur pour toute construction personnelle, l’amour, beaucoup d’amour, mais c’est ainsi qu’allait naître une incroyable histoire.
Soupçonné d’usurpation d’identité
Soupçonné d’usurpation d’identité, Mohamed Bacari, qui réside à la cité des Oliviers (13e), apprend donc ce jour-là, entre deux policiers, à l’âge de 44 ans, ce lourd secret de famille. Cela ne l’a nullement empêché de vivre, mais aujourd’hui, la roue tourne et la justice le montre du doigt, l’accuse d’escroquerie. Pourtant, cet homme s’est engagé pour la France. Il dispose de papiers qui font de lui le soldat Chanfi.
Il a même obtenu la médaille de la Défense nationale. La Caisse d’allocations familiales lui réclame cependant des indemnités pour l’obtention de prestations indues, prise du nom d’un tiers et escroquerie entre 2009 et 2012, mais Ali Chanfi alias Mohamed Bacari argue de sa bonne foi. Il n’empêche.Le 18 décembre 2012, il est condamné par le tribunal correctionnel de Marseille à un an de prison.