14 ans après, toujours là ! | Se défendre de la police
▻https://collectif8juillet.wordpress.com/2023/02/18/14-ans-apres-nous-sommes-toujours-la
Nous venons d’apprendre par voix de presse la décision du tribunal administratif de condamner l’État à indemniser Joachim suite aux blessures qui lui ont été infligées il y a maintenant 14 ans.
Le 8 juillet 2009, la police a tiré dans le tas. Une date parmi tant d’autres. Une histoire de violences policières parmi tant d’autres. Celle-ci s’est passée à Montreuil, le soir d’une expulsion d’un bâtiment occupé en centre-ville : La clinique. Un lieu d’organisation collective, un lieu d’habitation, un lieu où beaucoup d’entre nous ont tenté de se réapproprier ce dont ce monde ne cesse de nous déposséder.
Une manière de faire exister de la solidarité quand toutes les décisions administratives et sociales usent de la violence pour servir les intérêts économiques des spéculateurs. Quand les lois entravent la liberté de chacun et chacune de s’installer ou de circuler pour mieux les exploiter.
Une manière de se défendre contre la violence que l’ont subi, quand nous sommes contrôlé.e.s alors que nous n’avons pas de papiers, quand nous devons nous justifier pour pouvoir accéder aux droits et à la santé, quand nos indemnisations chômage nous sont retirées, quand les loyers augmentent et que nous ne pouvons plus nous loger.
Ce soir du 8 juillet 2009, c’est sur tout cela qu’ils ont tiré.
Au moins six personnes ont été blessées. Elles ont porté plainte. En novembre 2016, 7 années après, trois policiers tireurs ont été condamnés à des peines de 7 à 15 mois de sursis, assortis de l’interdiction de porter une arme pendant 12 à 18 mois. Le tribunal n’a pas retenu la légitime défense invoquée par leurs avocats. Le tribunal ne reconnaît donc pas les soi-disant violences de la part des manifestants décrites par les policiers pour justifier leurs tirs.
Les policiers ont fait appel de cette décision. Deux d’entre eux sont condamnés en appel à 7 et 18 mois de prison avec sursis et 12 et 24 mois d’interdiction de port d’armes. Le tribunal ne condamne toutefois pas les policiers à verser les dommages et intérêts aux victimes, alors que l’une d’entre elles a l’oeil crevé.
Une procédure au tribunal administratif est ouverte Contre l’État et la chaîne de commandement des policiers.
Le 2 février 2023, soit 14 ans après et après deux renvois, le tribunal administratif se saisit du dossier.
[...] une dépêche AFP reprise par plusieurs journaux rend publique la décision du tribunal [▻https://seenthis.net/messages/991024]. Alors que ni la personne concernée ni l’avocat n’en ont été informés.
L’information qu’on retiendra est la responsabilité que le tribunal impute à la victime quant à sa blessure.
« Le tribunal administratif a toutefois réduit le montant du préjudice, le faisant passer d’une estimation initiale de 150 500 euros à 105 350 euros, du fait de « l’imprudence fautive de la victime » qui a pris part à un « regroupement ayant montré une attitude agressive puis ayant été à l’origine de violences à l’encontre des forces de l’ordre ».
Quel que soit le montant de l’indemnisation, aucune somme d’argent ne pourra réparer ce que nous avons subi. Rien ne pourra venir soulager les blessures invisibles que nous devons encore aujourd’hui panser.
Vivre avec cela et avec ce que nous sommes, c’est aussi souffrir de voir les autres avancer. C’est une blessure qui frappe nos intimités. Rien ne sera jamais à la hauteur de ce qu’ils nous ont infligé. Jamais.
L’indécence de cette décision nous dépasse. Elle veut rappeler à tous ceux et toutes celles qui demain vont mener des actions au TA, leur propre part de responsabilité. Et cela, même si l’État est condamné.
Une stratégie bien connue. Celle de l’agresseur. Celui qui frappe doit justifier son geste. Si son geste est injustifiable, il invoquera la responsabilité de la personne qu’il vient de frapper. Pour que tout le monde accepte l’inacceptable.
C’est ce que cette décision nous dit. Soumettez-vous à l’inacceptable.
Personne n’est responsable lorsqu’elle subit l’oppression instituée. Les histoires de luttes nous le racontent, aujourd’hui reprises et institutionnalisées, par ceux-là mêmes qui, hier, voulaient nous faire croire le contraire.
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