• Marwa Fatafta مروة فطافطة sur X 
    https://twitter.com/marwasf/status/1752460765435457617

    “We killed thousands of Amaleks”

    “Morally every Arab is a suspect”

    “To be moral is to kill all terrorists after investigating them. To be moral is to flatten and conquer all parts of the land of Israel”

    https://video.twimg.com/amplify_video/1752452726179389442/vid/avc1/720x1280/FLf-opoTMXExHR2_.mp4?tag=14

    #morale_sioniste

  • C’est « marrant », sur FB, cette tendance à voir la haine facilement chez les autres...
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    #haine #médias #politique #démagogie #censure #morale #société #marabout #dialogue #culture #civilisation #éducation

  • Digression sur les boomers - [A Contretemps, Bulletin bibliographique]
    http://acontretemps.org/spip.php?article1018

    Il y a quelque temps déjà, sur le parvis du théâtre de la Commune (Aubervilliers), un soir de printemps, quelques cultureux à la conscience écologiste aiguisée dissertaient, en bande, sur l’état du monde. Vague, polie, morale, la parole « bienveillante » y circulait sans que personne, à aucun moment, ne haussât jamais le ton. Le groupe était jeune, avenant, inclusif et probablement intersectionnel. Accompagnée d’une amie qui, par son âge et ses activités, aurait pu en faire partie, et mu par curiosité, je m’agrégeai à ce cercle, en me contentant d’écouter, quand, du haut de sa quarantaine distinguée, une militante de l’écologie gnangnan que je voyais pour la première fois de ma vie, s’adressa à moi et s’exprima en ces termes : « C’est votre génération, Monsieur, celle des boomers, qui a fait de ce monde dont vous avez profité cette terre brulée dont nous avons héritée. » Au vu de mon rapport plutôt distant depuis toujours au productivisme et à la consommation, la visée généralisante d’une telle accusation me fit sourire, mais jaune. Ma réplique cassa, pour sûr, la bienveillante ambiance de ce cénacle bobo : « Je pourrais vous proposer, Madame la Procureure, de comparer nos bilans carbone en sachant d’avance que, même si le vôtre a du retard sur le mien, je suis sûr que vous le dépassez déjà, et de loin. Quant au poids de culpabilité dont vous me chargez sans me connaître, sachez qu’il ne prouve que votre arrogante bêtise ! » Un léger brouhaha de désapprobation conféra enfin à cette assemblée de bien-pensants un peu de vie.

    #boomers #crise_climatique #écologie

    • « Sais-tu, camarade, que la production annuelle du plastique, qui est une catastrophe mondiale, est passée de 25 millions de tonnes en 1968 à 150 millions en 1998, soit durant l’âge adulte des boomers, puis de 200 millions en 2002 à 360 millions en 2020. La production et la pollution est donc quinze fois plus importante à l’époque où les gens nés en 2000 ont vingt ans qu’à celle où les gens nés en 1948 avaient le même âge. Même rapporté à l’accroissement de la population, ce rapport prouve que les individus consomment en moyenne beaucoup plus de plastique aujourd’hui qu’il y a soixante ans. Si l’on s’en tient à l’Europe, l’accroissement est aussi spectaculaire. En moyenne un millénium de vingt-trois ans consomme beaucoup plus de plastique qu’un boomer qui avait le même âge en 1968. Ce qui prouve, in fine, qu’une analyse qui mettrait toute une génération statistisée dans un même sac d’opprobre est absurde. De même, entre 2005 et 2020, la consommation de textile a doublé. En Europe on achète en moyenne 25 kg de vêtements par an et par personne ! On pourra arguer que la part de la consommation de textile a baissé dans le budget des ménages depuis 1960, mais au vu de la chute des prix, cela n’enlève rien à l’accroissement de la quantité de vêtements. Le problème est que le textile est un gros pollueur et un gros consommateur d’eau. Le développement de la seconde main et des livraisons commandées via Internet, et donc avec des transports en sus, ne fait que déplacer les problèmes environnementaux. La surconsommation de textile neuf ou d’occasion est un défi culturel, en somme. Il faut faire comme moi : inverser les valeurs et valoriser le vieux, le démodé ou le rapiécé plutôt que le neuf. Pas dur, vois-tu comme je suis beau pour soixante-dix-huit balais ? »

      Le Temps du Plastique.
      https://www.youtube.com/watch?v=hYYetNlz-fw

      #morale #jeunisme #consommation #surconsommation

  • Internationalisme et anti-impérialisme aujourd’hui

    http://www.palim-psao.fr/2023/10/internationalisme-et-anti-imperialisme-aujourd-hui-par-moishe-postone-ine

    [...] je propose de comprendre la propagation de l’antisémitisme et des formes antisémites apparentées de l’islamisme, à l’image de celles présentes chez les Frères musulmans égyptiens et leur branche palestinienne, le Hamas, comme la diffusion d’une idéologie anticapitaliste fétichisée, qui prétend donner un sens à un monde perçu comme menaçant. Même si cette idéologie a été attisée et aggravée par Israël ou la politique israélienne, sa caisse de résonance réside dans le déclin relatif du monde arabe sur fond d’une transition structurelle profonde du fordisme au capitalisme mondial néolibéral. Le résultat est un mouvement populiste anti-hégémonique profondément réactionnaire et dangereux, notamment pour tout espoir de politique progressiste au Moyen-Orient. Cependant, au lieu d’analyser cette forme de résistance réactionnaire dans le but de soutenir des formes de résistance plus progressistes, la gauche occidentale l’a soit ignorée, soit rationalisée comme une réaction regrettable mais compréhensible à la politique israélienne et aux États-Unis. Cette manifestation d’un refus de voir s’apparente à la tendance à concevoir l’abstrait (la domination du capital) dans les termes du concret (l’hégémonie américaine). J’affirme que cette tendance constitue l’expression d’une impuissance profonde et fondamentale, tant conceptuelle que politique.

    • L’une des ironies de la situation actuelle est qu’en adoptant une position anti-impérialiste fétichisée, l’opposition aux États-Unis ne s’adossant plus à un soutien à un changement progressiste, les libéraux et les progressistes ont permis à la droite néoconservatrice américaine de s’approprier, voire de monopoliser, ce qui a traditionnellement été le langage de la gauche : le langage de la démocratie et de la libération.

      […]

      Alors que pour la génération précédente, s’opposer à la politique américaine impliquait encore de soutenir explicitement des luttes de libération considérées comme progressistes, aujourd’hui, s’opposer à la politique américaine est en soi considéré comme anti-hégémonique. Il s’agit là paradoxalement d’un héritage malheureux de la Guerre froide et de la vision dualiste du monde qui l’accompagne. La catégorie spatiale du « camp » a remplacé les catégories temporelles des possibilités historiques et de l’émancipation en tant que négation historique déterminée du capitalisme. Cela n’a pas seulement conduit à un rejet de l’idée du socialisme comme dépassement historique du capitalisme, mais aussi à un déséquilibrage de la compréhension des évolutions internationales.

      […]

      La Guerre froide semble avoir effacé de la mémoire le fait que l’opposition à une puissance impériale n’était pas nécessairement progressiste et qu’il existait aussi des anti-impérialismes fascistes. Cette distinction s’est estompée pendant la Guerre froide, notamment parce que l’Union soviétique a conclu des alliances avec des régimes autoritaires, en particulier au Moyen-Orient, comme les régimes du Baas en Syrie et en Irak, qui n’avaient pas grand-chose en commun avec les mouvements socialistes et communistes. Au contraire, l’un de leurs objectifs était de liquider la gauche dans leurs propres pays. Par la suite, l’anti-américanisme est devenu un code progressiste en soi, bien qu’il y ait toujours eu des formes profondément réactionnaires d’anti-américanisme à côté des formes progressistes.

      #campisme #anti-impérialisme

    • Il est significatif qu’une telle attaque n’ait pas été menée il y a deux ou trois décennies par des groupes qui avaient toutes les raisons d’être en colère contre les États-Unis, comme les communistes vietnamiens ou la gauche chilienne. Il est important de comprendre l’absence d’une telle attaque, non pas comme un hasard, mais comme l’expression d’un principe politique. Pour ces groupes, une attaque visant en premier lieu des civils demeurait hors de leur horizon politique.

      […]

      Il existe une différence fondamentale entre les mouvements qui ne choisissent pas comme cible une population civile au hasard (comme le Viêt-Minh, le Viêt-Cong et l’ANC) et ceux qui le font (comme l’IRA, Al-Qaïda ou le Hamas). Cette différence n’est pas simplement tactique, elle est hautement politique, car la forme de la violence et la forme de la politique sont en relation l’une avec l’autre. Cela signifie que la nature de la société et de la politique futures sera différente selon que les mouvements sociaux militants feront ou non une distinction entre les objectifs civils et militaires dans leur pratique politique. S’ils ne le font pas, ils ont tendance à mettre l’accent sur l’identité. Cela les rend radicalement nationalistes dans le sens le plus large du terme, car ils travaillent avec une distinction ami/ennemi qui essentialise une population civile en tant qu’ennemie et rend ainsi impossible la possibilité d’une coexistence future. C’est pourquoi les programmes de ces mouvements ne proposent guère d’analyses socio-économiques visant à transformer les structures sociales (à ne pas confondre avec les institutions sociales que ces mouvements mettent en partie à disposition). Dans ces cas, la dialectique de la guerre et de la révolution du xxe siècle se transforme en une subordination de la « révolution » à la guerre. Ce qui m’intéresse ici, cependant, a moins à voir avec de tels mouvements qu’avec les mouvements d’opposition actuels dans les métropoles et leurs difficultés évidentes à faire la distinction entre ces deux formes différentes de « résistance ».

      Joseph Andras disait cela aussi dans ces dernières interviews ou textes

      #morale #terrorisme #civils

  • #Judith_Butler : Condamner la #violence

    « Je condamne les violences commises par le #Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un #massacre terrifiant et révoltant », écrit Judith Butler avant d’ajouter qu’« il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute #condamnation nécessite un refus de comprendre, de #peur que cette #compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre #capacité_de_jugement ».

    Les questions qui ont le plus besoin d’un #débat_public, celles qui doivent être discutées dans la plus grande urgence, sont des questions qui sont difficiles à aborder dans les cadres existants. Et même si l’on souhaite aller directement au cœur du sujet, on se heurte à un cadre qui fait qu’il est presque impossible de dire ce que l’on a à dire. Je veux parler ici de la violence, de la violence présente, et de l’histoire de la violence, sous toutes ses formes. Mais si l’on veut documenter la violence, ce qui veut dire comprendre les #tueries et les #bombardements massifs commis par le Hamas en Israël, et qui s’inscrivent dans cette histoire, alors on est accusé de « #relativisme » ou de « #contextualisation ». On nous demande de condamner ou d’approuver, et cela se comprend, mais est-ce bien là tout ce qui, éthiquement, est exigé de nous ? Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant. Telle a été et est encore ma réaction première. Mais elle n’a pas été la seule.

    Dans l’immédiateté de l’événement, on veut savoir de quel « côté » sont les gens, et clairement, la seule réaction possible à de pareilles tueries est une condamnation sans équivoque. Mais pourquoi se fait-il que nous ayons parfois le sentiment que se demander si nous utilisons les bons mots ou comprenons bien la situation historique fait nécessairement obstacle à une #condamnation_morale absolue ? Est-ce vraiment relativiser que se demander ce que nous condamnons précisément, quelle portée cette condamnation doit avoir, et comment décrire au mieux la ou les formations politiques auxquelles nous nous opposons ?

    Il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement. Mais que faire s’il est moralement impératif d’étendre notre condamnation à des #crimes tout aussi atroces, qui ne se limitent pas à ceux mis en avant et répétés par les médias ? Quand et où doit commencer et s’arrêter notre acte de condamnation ? N’avons-nous pas besoin d’une évaluation critique et informée de la situation pour accompagner notre condamnation politique et morale, sans avoir à craindre que s’informer et comprendre nous transforme, aux yeux des autres, en complices immoraux de crimes atroces ?

    Certains groupes se servent de l’histoire de la violence israélienne dans la région pour disculper le Hamas, mais ils utilisent une forme corrompue de raisonnement moral pour y parvenir. Soyons clairs. Les violences commises par #Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à #Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un #régime_colonial et à l’#apartheid, et qui, privé d’État, est apatride.

    Mais quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard (Harvard Palestine Solidarity Groups) publient une déclaration disant que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques mortelles du Hamas contre des cibles israéliennes, ils font une erreur et sont dans l’erreur. Ils ont tort d’attribuer de cette façon la #responsabilité, et rien ne saurait disculper le Hamas des tueries atroces qu’ils ont perpétrées. En revanche, ils ont certainement raison de rappeler l’histoire des violences : « de la #dépossession systématique des terres aux frappes aériennes de routine, des #détentions_arbitraires aux #checkpoints militaires, des séparations familiales forcées aux #assassinats ciblés, les Palestiniens sont forcés de vivre dans un #état_de_mort, à la fois lente et subite. » Tout cela est exact et doit être dit, mais cela ne signifie pas que les violences du Hamas ne soient que l’autre nom des violences d’Israël.

    Il est vrai que nous devons nous efforcer de comprendre les raisons de la formation de groupes comme le Hamas, à la lumière des promesses rompues d’Oslo et de cet « état de mort, à la fois lente et subite » qui décrit bien l’existence des millions de Palestiniens vivant sous #occupation, et qui se caractérise par une #surveillance constante, la #menace d’une détention sans procès, ou une intensification du #siège de #Gaza pour priver ses habitants d’#eau, de #nourriture et de #médicaments. Mais ces références à l’#histoire des Palestiniens ne sauraient justifier moralement ou politiquement leurs actes. Si l’on nous demandait de comprendre la violence palestinienne comme une continuation de la violence israélienne, ainsi que le demandent les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard, alors il n’y aurait qu’une seule source de #culpabilité_morale, et même les actes de violence commis par les Palestiniens ne seraient pas vraiment les leurs. Ce n’est pas rendre compte de l’autonomie d’action des Palestiniens.

    La nécessité de séparer la compréhension de la violence omniprésente et permanente de l’État israélien de toute justification de la violence est absolument cruciale si nous voulons comprendre quels peuvent être les autres moyens de renverser le #système_colonial, mettre fin aux #arrestations_arbitraires et à la #torture dans les prisons israéliennes, et arrêter le siège de Gaza, où l’eau et la nourriture sont rationnés par l’État-nation qui contrôle ses frontières. Autrement dit, la question de savoir quel monde est encore possible pour tous les habitants de la région dépend des moyens dont il sera mis fin au système colonial et au pouvoir des colons. Hamas a répondu de façon atroce et terrifiante à cette question, mais il y a bien d’autres façons d’y répondre.

    Si, en revanche, il nous est interdit de parler de « l’#occupation », comme dans une sorte de Denkverbot allemand, si nous ne pouvons pas même poser le débat sur la question de savoir si le joug militaire israélien sur la région relève du #colonialisme ou de l’#apartheid_racial, alors nous ne pouvons espérer comprendre ni le passé, ni le présent, ni l’avenir. Et beaucoup de gens qui regardent le carnage dans les médias sont totalement désespérés. Or une des raisons de ce #désespoir est précisément qu’ils regardent les #médias, et vivent dans le monde sensationnel et immédiat de l’#indignation_morale absolue. Il faut du temps pour une autre #morale_politique, il faut de la patience et du courage pour apprendre et nommer les choses, et nous avons besoin de tout cela pour que notre condamnation puisse être accompagnée d’une vision proprement morale.

    Je m’oppose aux violences que le Hamas a commises, et ne leur trouve aucune excuse. Quand je dis cela, je prends une position morale et politique claire. Je n’équivoque pas lorsque je réfléchis sur ce que cette condamnation implique et présuppose. Quiconque me rejoint dans cette position se demande peut-être si la condamnation morale doit reposer sur une compréhension de ce qui est condamné. On pourrait répondre que non, que je n’ai rien besoin de connaître du Hamas ou de la Palestine pour savoir que ce qu’ils ont fait est mal et pour le condamner. Et si l’on s’arrête là, si l’on se contente des représentations fournies par les médias, sans jamais se demander si elles sont réellement utiles et exactes, et si le cadre utilisé permet à toutes les histoires d’être racontées, alors on se résout à une certaine ignorance et l’on fait confiance aux cadres existants. Après tout, nous sommes tous très occupés, et nous n’avons pas tous le temps d’être des historiens ou des sociologues. C’est une manière possible de vivre et de penser, et beaucoup de gens bien-intentionnés vivent effectivement ainsi, mais à quel prix ?

    Que nous faudrait-il dire et faire, en revanche, si notre morale et notre politique ne s’arrêtaient pas à l’acte de condamnation ? Si nous continuions, malgré tout, de nous intéresser à la question de savoir quelles sont les formes de vie qui pourraient libérer la région de violences comme celles-ci ? Et si, en plus de condamner les crimes gratuits, nous voulions créer un futur dans lequel ce genre de violences n’aurait plus cours ? C’est une aspiration normative qui va bien au-delà de la condamnation momentanée. Pour y parvenir, il nous faut absolument connaître l’histoire de la situation : l’histoire de la formation du Hamas comme groupe militant, dans l’abattement total, après Oslo, pour tous les habitants de Gaza à qui les promesses de gouvernement autonome n’ont jamais été honorées ; l’histoire de la formation des autres groupes palestiniens, de leurs tactiques et de leurs objectifs ; l’histoire enfin du peuple palestinien lui-même, de ses aspirations à la liberté et au #droit_à_l’autodétermination, de son désir de se libérer du régime colonial et de la violence militaire et carcérale permanente. Alors, si le Hamas était dissous ou s’il était remplacé par des groupes non-violents aspirant à la #cohabitation, nous pourrions prendre part à la lutte pour une Palestine libre.

    Quant à ceux dont les préoccupations morales se limitent à la seule condamnation, comprendre la situation n’est pas un objectif. Leur indignation morale est à la fois présentiste et anti-intellectuelle. Et pourtant, l’indignation peut aussi amener quelqu’un à ouvrir des livres d’histoire pour essayer de comprendre comment un événement comme celui-ci a pu arriver, et si les conditions pourraient changer de telle sorte qu’un avenir de violence ne soit pas le seul avenir possible. Jamais la « contextualisation » ne devrait être considérée comme une activité moralement problématique, même s’il y a des formes de contextualisation qui sont utilisées pour excuser ou disculper. Est-il possible de distinguer ces deux formes de contextualisation ? Ce n’est pas parce que certains pensent que contextualiser des violences atroces ne sert qu’à occulter la violence ou, pire encore, à la rationaliser que nous devrions nous soumettre à l’idée que toute forme de contextualisation est toujours une forme de #relativisme_moral.

    Quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard disent que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques du Hamas, ils souscrivent à une conception inacceptable de la responsabilité morale. Il semble que pour comprendre comment s’est produit un événement, et ce qu’il signifie, il nous faille apprendre l’histoire. Cela veut dire qu’il nous incombe tout à la fois d’élargir la perspective au-delà de la terrible fascination du moment et, sans jamais nier l’horreur, de ne pas laisser l’#horreur présente représenter toute l’horreur qu’il y a à représenter, et nous efforcer de savoir, de comprendre et de nous opposer.

    Or les médias d’aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, ne racontent pas les horreurs que vivent les Palestiniens depuis des décennies, les bombardements, les tueries, les attaques et les arrestations arbitraires. Et si les horreurs des derniers jours ont pour les médias une importance morale plus grande que les horreurs des soixante-dix dernières années, alors la réaction morale du moment menace d’empêcher et d’occulter toute compréhension des #injustices_radicales endurées depuis si longtemps par la Palestine occupée et déplacée de force.

    Certains craignent, à juste titre, que toute contextualisation des actes violents commis par le Hamas soit utilisée pour disculper le Hamas, ou que la contextualisation détourne l’attention des horreurs perpétrées. Mais si c’est l’horreur elle-même qui nous amenait à contextualiser ? Où commence cette horreur et où finit-elle ? Si les médias parlent aujourd’hui de « guerre » entre le Hamas et Israël, c’est donc qu’ils proposent un cadre pour comprendre la situation. Ils ont, ainsi, compris la situation à l’avance. Si Gaza est comprise comme étant sous occupation, ou si l’on parle à son sujet de « prison à ciel ouvert », alors c’est une autre interprétation qui est proposée. Cela ressemble à une description, mais le langage contraint ou facilite ce que nous pouvons dire, comment nous pouvons décrire, et ce qui peut être connu.

    Oui, la langue peut décrire, mais elle n’acquiert le pouvoir de le faire que si elle se conforme aux limites qui sont imposées à ce qui est dicible. S’il est décidé que nous n’avons pas besoin de savoir combien d’enfants et d’adolescents palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Gaza cette année ou pendant toutes les années de l’occupation, que ces informations ne sont pas importantes pour comprendre ou qualifier les attaques contre Israël, et les assassinats d’Israéliens, alors il est décidé que nous ne voulons pas connaître l’histoire des violences, du #deuil et de l’indignation telle qu’est vécue par les Palestiniens.

    Une amie israélienne, qui se qualifie elle-même d’« antisioniste », écrit en ligne qu’elle est terrifiée pour sa famille et pour ses amis, et qu’elle a perdu des proches. Et nous devrions tous être de tout cœur avec elle, comme je le suis bien évidemment. Cela est terrible. Sans équivoque. Et pourtant, il n’est pas un moment où sa propre expérience de l’horreur et de la perte de proches ou d’amis est imaginé comme pouvant être ce qu’une Palestinienne éprouve ou a éprouvé de son côté après des années de bombardement, d’incarcération et de violence militaire. Je suis moi aussi une Juive, qui vit avec un #traumatisme_transgénérationnel à la suite des atrocités commises contre des personnes comme moi. Mais ces atrocités ont aussi été commises contre des personnes qui ne sont pas comme moi. Je n’ai pas besoin de m’identifier à tel visage ou à tel nom pour nommer les atrocités que je vois. Ou du moins je m’efforce de ne pas le faire.

    Mais le problème, au bout du compte, n’est pas seulement une absence d’#empathie. Car l’empathie prend généralement forme dans un cadre qui permette qu’une identification se fasse, ou une traduction entre l’expérience d’autrui et ma propre expérience. Et si le cadre dominant considère que certaines vies sont plus dignes d’être pleurées que d’autres, alors il s’ensuit que certaines pertes seront plus terribles que d’autres. La question de savoir quelles vies méritent d’être pleurées fait partie intégrante de la question de savoir quelles sont les vies qui sont dignes d’avoir une valeur. Et c’est ici que le #racisme entre en jeu de façon décisive. Car si les Palestiniens sont des « #animaux », comme le répète Netanyahu, et si les Israéliens représentent désormais « le peuple juif », comme le répète Biden (englobant la diaspora juive dans Israël, comme le réclament les réactionnaires), alors les seules personnes dignes d’être pleurées, les seules qui sont éligibles au deuil, sont les Israéliens, car la scène de « guerre » est désormais une scène qui oppose les Juifs aux animaux qui veulent les tuer.

    Ce n’est certainement pas la première fois qu’un groupe de personnes qui veulent se libérer du joug de la #colonisation sont représentées comme des animaux par le colonisateur. Les Israéliens sont-ils des « animaux » quand ils tuent ? Ce cadre raciste de la violence contemporaine rappelle l’opposition coloniale entre les « civilisés » et les « animaux », qui doivent être écrasés ou détruits pour sauvegarder la « civilisation ». Et lorsque nous rappelons l’existence de ce cadre au moment d’affirmer notre condamnation morale, nous nous trouvons impliqué dans la dénonciation d’une forme de racisme qui va bien au-delà de l’énonciation de la structure de la vie quotidienne en Palestine. Et pour cela, une #réparation_radicale est certainement plus que nécessaire.

    Si nous pensons qu’une condamnation morale doive être un acte clair et ponctuel, sans référence à aucun contexte ni aucun savoir, alors nous acceptons inévitablement les termes dans lesquels se fait cette condamnation, la scène sur laquelle les alternatives sont orchestrées. Et dans ce contexte récent qui nous intéresse, accepter ce cadre, c’est reprendre les formes de #racisme_colonial qui font précisément partie du problème structurel à résoudre, de l’#injustice intolérable à surmonter. Nous ne pouvons donc pas refuser l’histoire de l’injustice au nom d’une certitude morale, car nous risquerions alors de commettre d’autres injustices encore, et notre certitude finirait par s’affaisser sur un fondement de moins en moins solide. Pourquoi ne pouvons-nous pas condamner des actes moralement haïssables sans perdre notre capacité de penser, de connaître et de juger ? Nous pouvons certainement faire tout cela, et nous le devons.

    Les actes de violence auxquels nous assistons via les médias sont horribles. Et dans ce moment où toute notre attention est accaparée par ces médias, les violences que nous voyons sont les seules que nous connaissions. Je le répète : nous avons le droit de déplorer ces violences et d’exprimer notre horreur. Cela fait des jours que j’ai mal au ventre à essayer d’écrire sans trouver le sommeil, et tous les gens que je connais vivent dans la peur de ce que va faire demain la machine militaire israélienne, si le #discours_génocidaire de #Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ou par d’autres tueries de masse de Palestiniens. Je me demande moi-même si nous pouvons pleurer, sans réserve aucune, pour les vies perdues à Tel-Aviv comme pour les vies perdues à Gaza, sans se laisser entraîner dans des débats sur le relativisme et sur les #fausses_équivalences. Peut-être les limites élargies du deuil peuvent-elles contribuer à un idéal d’#égalité substantiel, qui reconnaisse l’égale pleurabilité de toutes les vies, et qui nous porte à protester que ces vies n’auraient pas dû être perdues, qui méritaient de vivre encore et d’être reconnues, à part égale, comme vies.

    Comment pouvons-nous même imaginer la forme future de l’égalité des vivants sans savoir, comme l’a documenté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, que les militaires et les colons israéliens ont tué au minimum 3 752 civils palestiniens depuis 2008 à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Où et quand le monde a-t-il pleuré ces morts ? Et dans les seuls bombardements et attaques d’octobre, 140 enfants palestiniens ont déjà été tués. Beaucoup d’autres trouveront la mort au cours des actions militaires de « #représailles » contre le Hamas dans les jours et les semaines qui viennent.

    Ce n’est pas remettre en cause nos positions morales que de prendre le temps d’apprendre l’histoire de la #violence_coloniale et d’examiner le langage, les récits et les cadres qui servent aujourd’hui à rapporter et expliquer – et interpréter a priori – ce qui se passe dans cette région. Il s’agit là d’un #savoir_critique, mais qui n’a absolument pas pour but de rationaliser les violences existences ou d’en autoriser d’autres. Son but est d’apporter une compréhension plus exacte de la situation que celle proposée par le cadre incontesté du seul moment présent. Peut-être d’autres positions d’#opposition_morale viendront-elles s’ajouter à celles que nous avons déjà acceptées, y compris l’opposition à la violence militaire et policière qui imprègne et sature la vie des Palestiniens dans la région, leur droit à faire le deuil, à connaître et exprimer leur indignation et leur solidarité, à trouver leur propre chemin vers un avenir de liberté ?

    Personnellement, je défends une politique de #non-violence, sachant qu’elle ne peut constituer un principe absolu, qui trouve à s’appliquer en toutes circonstances. Je soutiens que les #luttes_de_libération qui pratiquent la non-violence contribuent à créer le monde non-violent dans lequel nous désirons tous vivre. Je déplore sans équivoque la violence, et en même temps, comme tant d’autres personnes littéralement stupéfiées devant leur télévision, je veux contribuer à imaginer et à lutter pour la justice et pour l’égalité dans la région, une justice et une égalité qui entraîneraient la fin de l’occupation israélienne et la disparition de groupes comme le Hamas, et qui permettrait l’épanouissement de nouvelles formes de justice et de #liberté_politique.

    Sans justice et sans égalité, sans la fin des violences perpétrées par un État, Israël, qui est fondé sur la violence, aucun futur ne peut être imaginé, aucun avenir de #paix_véritable – et je parle ici de paix véritable, pas de la « #paix » qui n’est qu’un euphémisme pour la #normalisation, laquelle signifie maintenir en place les structures de l’injustice, de l’inégalité et du racisme. Un pareil futur ne pourra cependant pas advenir si nous ne sommes pas libres de nommer, de décrire et de nous opposer à toutes les violences, y compris celles de l’État israélien, sous toutes ses formes, et de le faire sans avoir à craindre la censure, la criminalisation ou l’accusation fallacieuse d’antisémitisme.

    Le monde que je désire est un monde qui s’oppose à la normalisation du régime colonial israélien et qui soutient la liberté et l’autodétermination des Palestiniens, un monde qui réaliserait le désir profond de tous les habitants de ces terres de vivre ensemble dans la liberté, la non-violence, la justice et l’égalité. Cet #espoir semble certainement, pour beaucoup, impossible ou naïf. Et pourtant, il faut que certains d’entre nous s’accrochent farouchement à cet espoir, et refusent de croire que les structures qui existent aujourd’hui existeront toujours. Et pour cela, nous avons besoin de nos poètes, de nos rêveurs, de nos fous indomptés, de tous ceux qui savent comment se mobiliser.

    https://aoc.media/opinion/2023/10/12/condamner-la-violence

    ici aussi : https://seenthis.net/messages/1021216

    #à_lire #7_octobre_2023 #génocide

    • Palestinian Lives Matter Too: Jewish Scholar Judith Butler Condemns Israel’s “Genocide” in Gaza

      We speak with philosopher Judith Butler, one of dozens of Jewish American writers and artists who signed an open letter to President Biden calling for an immediate ceasefire in Gaza. “We should all be standing up and objecting and calling for an end to genocide,” says Butler of the Israeli assault. “Until Palestine is free … we will continue to see violence. We will continue to see this structural violence producing this kind of resistance.” Butler is the author of numerous books, including The Force of Nonviolence: An Ethico-Political Bind and Parting Ways: Jewishness and the Critique of Zionism. They are on the advisory board of Jewish Voice for Peace.

      https://www.youtube.com/watch?v=CAbzV40T6yk

  • La rivoluzione palestinese del 7 ottobre

    «Mi diressi verso Suha che prese Hanin, dicendo: “Non stare via troppo a lungo”. L’abbracciai, insieme alla piccola: “Non ti preoccupare… come gli uomini della Comune, noi invadiamo il cielo!” (…) Avevamo superato lo scoglio dell’autocontrollo, non avevamo versato neppure una lacrima, nessuno di noi aveva pianto».

    (da “Non metterò il vostro cappello” di Ahmed Qatamesh)

    Quando non si ha più niente, si è pronti per condividere tutto.

    La rivoluzione per la liberazione della Palestina del 7 ottobre ha mostrato come esseri umani – espropriati da oltre 75 anni di ogni elemento essenziale all’esistenza – possano condividere l’impossibile, ovvero mettere in ginocchio una potenza nucleare, non solo militarmente ma anche mozzandone la fiducia nel teismo colonialista e razzista.

    La rivoluzione del 7 ottobre ha reinventato leggi fisiche. Ha insegnato che ci si può tirare fuori dalla fossa più profonda del pianeta – quella dove i palestinesi sono stati sepolti dai sionisti e dagli occidentali – senza alcun punto d’appoggio.

    Unico appiglio – interiore e politico, sarebbe meglio dire con Alì Shariati di «spiritualità politica» – è la coscienza assoluta che servare vitam per servire il colone, sopravvivere cioè sottovivere, è il più grande errore che il colonizzato possa compiere nei propri confronti e verso i figli che verranno.

    I nuovi venuti al mondo debbono temere più della morte la vita scuoiata, spogliata fino a tendini e nervi di ciò che umano. Vale in particolar modo per gli oppressi palestinesi, ma anche per i giovani sottomessi dal presente liberista in Occidente.

    L’esistenza schiacciata ritrova significato soltanto nel sollevarsi contro il carnefice. Alzandosi dalla polvere, sorvola muri di segregazione e valichi d’acciaio, abbraccia cieli proibiti, si congiunge carnalmente con le nuvole più morbide per fecondarle e donare inattese stirpi ribelli a ogni terra.

    I guerriglieri di Gaza sui deltaplani sono diventati folate di vento e grida che hanno sovvertito il tempo, hanno dipinto un’immagine di liberazione tra le più elevate della recente storia dell’umanità.

    Un quadro immortale di gioia che nessun palestinese, nessuna donna, nessun uomo schiavizzato dal totalitarismo liberale, si leverà mai dallo sguardo.

    Un’autentica preghiera visiva da recitare con gli occhi di fronte a ogni sopruso subito.

    L’atterraggio sul suolo violentato dai colonizzatori è una nascita per i combattenti. E non si viene alla luce senza coprirsi di sangue. Non ci si libera da un’eterna brutalità senza violenza. Lo sa chiunque conosca la storia dalla parte dei reclusi nell’inferno terreno. In un istante, qualsiasi legame con la vile morale liberale viene bruciato e gli ultimi in rivolta, come abili ramai, maneggiando quel fuoco possono forgiare una naturale e istintiva verità senza diseguaglianze.

    «Quest’uomo nuovo comincia la sua vita d’uomo dalla fine; si considera come un morto in potenza. Sarà ucciso: non è soltanto che ne accetta il rischio, è che ne ha la certezza; quel morto in potenza ha perso sua moglie, i suoi figli; ha visto tante agonie che vuol vincere piuttosto che sopravvivere» ha lasciato scritto incontestabilmente Frantz Fanon.

    Nella gioia nichilista e al contempo creatrice di un futuro imprevedibile senza catene né limiti, il luminoso incantevole sorriso dei rivoluzionari traspare dalla keffiyeh arrotolata sul viso, e invita alla danza sopra i carrarmati nemici. I mostri che travolgevano bambini e insorti, adesso sono schiacciati dai salti di un intero popolo sprigionato.

    E la rivoluzione palestinese prosegue, nonostante i bombardamenti e l’ennesima, incessante strage di gazawi, con la Knesset che trema per i razzi lanciati dalle macerie, con il segretario di stato americano e l’eletto primo boia tra i boia sionisti rinchiusi in un bunker.

    Avanza di giorno in giorno nelle piazze delle città arabe, del Sudamerica e degli stati che il dispotismo capitalista si ostina a denominare Europa. Unite da quella che una volta ho definito «lotta contro questa vita».

    Le parole d’ordine dei movimenti seguono lo straripare palestinese. Scuotono, irridono vie e strade dominate dal profitto di pochi prescelti. Non hanno alcun riflesso della falsa pacificazione imposta ovunque, uccidendo in nome della democrazia e dei valori superiori d’Occidente. Chiedono la liberazione totale della Palestina. Senza concessioni ai sionisti.

    Ne vale la pena rispetto al massacro che gli oppressori compiono a Gaza senza tregua?

    Ne vale la pena davanti al profilarsi deciso della quarta fase del processo secolare e mai finito della Nakba, per citare Joseph Massad, ovvero l’azione terminale che ha come obiettivo lo sterminio ultimo dei palestinesi?

    Sì, perché l’atto storico della Resistenza Palestinese ha una potenza offensiva culturale, oltre che militare, sinora mai vista. L’accelerazione improvvisa dello scontro è una concreta possibilità di salvezza, in confronto a una sentenza di morte di massa in quotidiana esecuzione da decenni. Per loro, e per noi che abitiamo altre sponde del mediterraneo.

    Una sovversione che va oltre la logica utilitarista e tatticista della guerra e non può essere volgarmente chiamata “guerra”.

    Come per i rari urti che fanno irrompere una nuova concezione dell’umano, va adoperata la parola “rivoluzione”.

    A ogni latitudine, questo moto spinge donne e uomini condannati per sempre all’infimo rango a ritrovare la lotta per «una vita profonda».

    Superando il concetto marxista di «arcano della produzione», colgono, svelano l’arcano della distruzione su cui si regge il liberismo. Impulsivamente, animati da una «luxuria mentis» temeraria, vogliono fermarlo.

    Come le migliori rivoluzioni, quella palestinese del 7 ottobre ha l’effetto di far cadere, una a una, le maschere dei nemici.

    A cominciare dal trucco pesante delle garanzie democratiche che si scioglie, scoprendo il volto autoritario e discriminatorio dell’Unione Europea.

    In tanti lo avevamo già scorto nella guerra contro i migranti e gli ultimi sui gradini della scala sociale.

    Ora, per chiunque, è difficile negare la mostruosità repressiva delle dodici stelle di Bruxelles e Strasburgo, sempre più simili a dodici stelle di David.

    *

    Quando non si è più niente, si perde tutto e non si persuade più nessuno.

    Israele e l’Occidente, con il minuscolo stato italiano, sono scossi da una paura incontrollabile. Neanche i detentori delle leve del potere provano a dare credibilità all’interminabile messinscena dell’invincibilità e della democrazia.

    Nello stato d’occupazione, i coloni con doppia nazionalità non sono rassicurati nemmeno dalla rappresaglia su Gaza con ospedali rasi al suolo, bombe a grappolo e fosforo bianco. Finalmente si mettono in fila negli aeroporti per abbandonare la terra che hanno usurpato.

    La république, dopo la lucente e giovanissima insurrezione dell’estate, ha il giusto sentore di poter essere la prossima a venire sommersa dall’onda della rivoluzione del 7 ottobre. Vieta le mobilitazioni in solidarietà con la Palestina e arresta ed espelle Mariam Abu Daqqa, voce nitida del Fronte Popolare. Ormai non si nasconde più: è basata sul suffragio dei mercati e sulla libertà, eguaglianza e fraternità tra banchieri, predatori e assassini in nome dell’extraprofitto.

    La Deutsche Republik militarizza le scuole, i quartieri popolati da immigrati, fa passare l’ultimo libro di Adania Shani dalla premiazione a Francoforte all’indice, proibisce di indossare la keffiyeh e sventolare la bandiera della Palestina. Dal 19 ottobre, a Berlino, manifestanti arabi e tedeschi hanno fatto intendere che non staranno a lungo immobili.

    La repubblica italiana intimidisce inutilmente gli studenti che sostengono la Resistenza Palestinese. Manganella chi contesta gli amici d’Israele a Livorno e Roma. Si prepara all’imminente stagione repressiva, dispensando allarmi bomba fasulli e chiudendo le frontiere laddove possibile. Atti utili a stabilire una condizione d’emergenza che renderà lecito punire il movimento che di minuto in minuto prende forma.

    Questa paura legalizzata di perdere tutto conduce i media dei regimi liberisti dell’Unione Europea a tentare di ridurre la rivoluzione palestinese del 7 ottobre a un’azione terroristico-religiosa, a tracciare parallelismi demenziali con l’11 settembre, il Bataclan, l’Isis e chi ha più benzina da versare sul falò psicotico dello scontro di civiltà, più ne butti.

    Peccato per loro che buona parte dei giovani abbia capito, in ogni angolo del pianeta, che c’è soltanto uno scontro di civiltà: quello tra dominanti e incatenati, tra sfruttatori e sfruttati.

    Una propaganda arabofoba, islamofoba, misoxena, pericolosa, da contrastare con intelligenza, ma assolutamente stantia e prevedibile.

    Se le parole del potere sono logore, in disfacimento, non sono da meno le frasi di tanti «professori di morale» che affermano di schierarsi con i palestinesi. Però dopo aver condannato «i nazisti» di Hamas equiparandoli ai «nazisti» di Tel Aviv, e aver classificato la rivoluzione del 7 ottobre come «un pogrom». Coloro che sono stati visionari interpreti del marxismo occidentale ricorrono dunque alla stessa espressione usata da Rishi Sunak, il primo ministro inglese, fautore della deportazione e dell’assassinio su vasta scala dei migranti che attraversano il canale della Manica.

    Davvero i «disorientatori» della sinistra pacificata non comprendono che nello stato d’insediamento coloniale israeliano non esistono “civili”?

    Davvero non sanno che coloni, armati fino ai denti, assaltano regolarmente le case dei palestinesi e li uccidono?

    Davvero non conoscono la storia fondamentale e preziosa di Hamas al punto di lasciarsi sgocciolare dalla bocca una simile infamia?

    Davvero non immaginano che la Resistenza Palestinese è unita dal 2021 nelle sue diverse componenti e che Hamas è la parte prevalente?

    Davvero non si rendono conto che la Palestina dell’ottobre 2023 rappresenta per le nuove generazioni ciò che il Vietnam (e i Vietcong avevano un’etica guerriera non meno intransigente rispetto a quella della Resistenza Palestinese) ha rappresentato nella loro epoca?

    Non sono ignoranti, se non nell’anima. Semplicemente gli piacciono i palestinesi – ritorniamo ancora a Fanon – quando sono «inferiorizzati», quando sono vittime da contare sul pallottoliere della morte. Perché i palestinesi devono restare, all’immancabile bagno di sangue quotidiano, un’occasione per sentirsi occidentali differenti e buoni.

    Hanno quindi terrore della rivoluzione del 7 ottobre che porta tanti tra i nostri figli a rifiutare e sputare sull’idea razzista, suprematista – da loro sempre magnificata – di fittizia identità europea. La vera progenitrice, persino più del nazionalismo genocida statunitense, del colonialismo israeliano.

    Hanno accettato di essere «uomini viventi miseramente», asserirebbe Pierre Clastres, e non riescono a nuotare in quest’alluvione sovversiva.

    Il loro linguaggio rifugge la logica disgiuntiva della realtà (o – o, o sto con una parte o sto con l’altra parte), reitera l’ipocrita e noto meccanismo del distanziarsi.

    «I professori di morale» oggi, dopo il 7 ottobre, non sono più niente.

    Lo dimostra l’abusato florilegio di congiunzioni negative. «Né con Hamas, né con Israele, né con chi uccide, ma con la Palestina», è l’insensata formula. Quasi che i militanti di Hamas provenissero da una galassia lontana e non godessero, come detto, dell’appoggio consistente del popolo palestinese.

    Lo imparino nella sinistra legalitaria: Allāhu akbar non è il grido di battaglia dei terroristi. È un richiamo consapevole all’inconsistenza del reale e delle nostre pietose ossessioni.

    La Rivoluzione Palestinese è solo iniziata il 7 ottobre.

    È una cesura col passato meravigliosamente e tragicamente irreversibile.

    Le donne e gli uomini della Comune invadono il cielo.

    https://www.osservatoriorepressione.info/la-rivoluzione-palestinese-del-7-ottobre
    #7_octobre_2023 #révolution_palestinienne #révolution #survivre #sousvivre #soumission #oppression #Gaza #totalitarisme_libéral #violence #brutalité #révolte #morale_libérale #subversion #France #Allemagne #Italie #peur #propagande

  • Le Moyen-Orient crie justice – La chronique de #Joseph_Andras

    Nous accueillons régulièrement l’écrivain Joseph Andras pour une chronique d’actualité qui affûte nos armes et donne du style à nos frustrations.

    Deux États bombardent deux peuples en cet instant. Au #Kurdistan syrien et en #Palestine. Chaque heure qui passe nous mine. Mais nos mots n’ont pas le moindre sens là-bas. S’ils en ont un, ça n’est qu’ici. Ceci oblige à parler droit, c’est-à-dire à parler juste. Tout intellectuel, disait Edward W. Saïd, a pour fonction de refuser « les formules faciles ». La rigueur est la seule chose qui reste quand le sang coule au loin.

    Deux populations colonisées

    Le Kurdistan est historiquement colonisé par les États turc, iranien, irakien et syrien. Le Kurdistan irakien, dirigé par un pouvoir corrompu et autoritaire, a gagné son autonomie et mène de nos jours une politique de collaboration zélée avec Ankara. Le Kurdistan syrien a conquis, par la voie révolutionnaire, une autonomie précaire et conduit, laborieusement, une politique inspirée par les principes post-marxistes du KCK, plateforme des forces révolutionnaires kurdes au Moyen-Orient. Le Kurdistan turc vit sous occupation et a vu ses résistants brutalement écrasés dans les années 2015 et 2016. Le Kurdistan iranien, acteur majeur du dernier soulèvement en date contre la dictature théocratique iranienne, vit lui aussi sous occupation. L’État turc, bâti sur la négation du génocide arménien, a longtemps nié l’existence même des Kurdes : leur langue était proscrite, leurs porte-paroles abattus ou incarcérés, leur culture traquée. Dans les années 1990, ce sont environ 4 000 villages et hameaux kurdes qui ont été rasés. « Nous avons opté pour la règle de la terreur et de l’anéantissement », a ainsi déclaré Hanefi Avci, un temps chef-adjoint du Bureau du renseignement de la Direction générale de la sûreté.

    La Palestine est, aux côtés, notamment, du Kurdistan et du #Sahara_occidental, l’une des dernières colonies de par le monde. Elle végète aujourd’hui, de l’aveu même de Tamir Pardo, ancien chef du Mossad, en situation d’apartheid. L’État israélien, officialisé après le génocide des Juifs d’Europe, s’est construit sur le nettoyage ethnique de la Palestine : s’il était besoin, nombre d’historiens israéliens l’ont confirmé. « Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place… », a confié Ben Gourion dans sa correspondance, le 5 octobre 1937. Ce nettoyage ethnique reposait sur une idéologie coloniale, autrement dit raciste, arguant qu’il n’existait aucun peuple sur cette terre. Or un peuple existait et, depuis 1948, celui-ci est déplacé, spolié, massacré, assassiné, parqué, détenu en masse. La Cisjordanie et la bande de Gaza sont emmurées avec la collaboration des « démocraties » occidentales, étasunienne au premier chef. Les colonies dévorent chaque année toujours plus de terres. L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas – qui, selon Amnesty International, relève de l’« État policier » – n’a plus aucune légitimité aux yeux de la population palestinienne : elle n’est, pour reprendre les mots du militant socialiste israélien Michel Warschawski, qu’un « instrument au service de l’occupation ». L’actuel gouvernement de Netanyahu, ouvertement fasciste et raciste, a accompli l’exploit de jeter dans la rue des centaines de milliers d’opposants israéliens.
    Deux puissances coloniales alliées

    Trois jours après l’opération Déluge al-Aqsa co-orchestrée par le Hamas le 7 octobre, Erdoğan a dénoncé le siège de la bande de Gaza : « Où sont donc passés les droits de l’Homme ? » Et, de fait : l’ONU vient de rappeler que le droit international l’interdit en ce qu’il constitue une « punition collective » attentatoire aux civils. Gaza agonise sous le phosphore blanc en l’attente d’une possible invasion terrestre. Sauf que : Erdoğan est bien le dernier à pouvoir parler. La Turquie est « la plus grande prison au monde pour les journalistes » (Amnesty) et son gouvernement bombarde actuellement le Kurdistan syrien. Des infrastructures civiles sont à terre : hôpitaux, écoles, stations électriques, stations de pompage d’eau, barrages, silos à grain, fermes, stations services, installations pétrolières, usines… Deux millions de personnes sont privées d’eau et d’électricité. Les hôpitaux sont saturés ; on compte pour l’heure près de 50 morts, dont une dizaine de civils.

    Le prétendu soutien de l’État turc à la Palestine est une farce, grossière avec ça. La Turquie est le quatrième partenaire commercial d’Israël, avec un commerce bilatéral en hausse de 30 % en 2021. La ministre israélienne de l’Économie et de l’Industrie du gouvernement Bennett-Lapid a fait état, l’an dernier, de « l’engagement d’Israël à approfondir les liens économiques avec la Turquie ». L’État turc, membre clé de l’OTAN, a acheté des drones israéliens pour lutter contre le PKK, chef de file de la résistance socialiste kurde. En 2018, il a envahi le Kurdistan syrien fort d’une centaine de chars M60-A1 modernisés par l’industrie israélienne (et du concours d’anciens combattants de Daech) : le canton nord-syrien d’Afrîn, majoritairement kurde, vit depuis sous occupation militaire. Abdullah Öcalan, leader du PKK incarcéré depuis deux décennies, disait déjà en mars 1998 : « Les Turcs ont conclu un accord avec Israël pour tuer les Kurdes. »

    « Les Turcs ont conclu un accord avec Israël pour tuer les Kurdes.”
    Abdullah Öcalan, leader du PKK

    Au lendemain de l’opération ordonnée par le Hamas, Yeşil Sol Parti, le Parti de la gauche verte implanté en Turquie, a publié un communiqué titré : « La paix ne viendra pas au Moyen-Orient tant que les problèmes palestinien et kurde ne seront pas résolus ». Tout en réprouvant « le meurtre de civils » et « la torture de cadavres », l’organisation kurde a apporté son soutien à « la lutte du peuple palestinien pour la liberté » et condamné « l’occupation de la Palestine par Israël ». Quelle issue au carnage ? Une « solution démocratique et juste ». C’est que les résistances kurde et palestinienne sont liées par le sang versé depuis les années 1980 : le PKK et l’OLP ont combattu cote à cote contre l’occupation israélienne. Can Polat, cadre kurde de la révolution nord-syrienne, avait ainsi déclaré à l’écrivain palestinien Mazen Safi : « Le point important, mon frère et camarade, est que les facteurs qui nous lient sont mille fois plus importants que les facteurs qui nous divisent, en dépit des tyrans, des agents et des racistes. Victoire sur Jérusalem occupée. »
    Résister

    Résister à l’oppression est légitime. Y résister par les armes l’est aussi. Le droit international ne dit rien d’autre : la résolution 37/43 de l’Assemblée générale des Nations Unies a, le 3 décembre 1982, réaffirmé « la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance, l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la domination coloniale et étrangère, de l’occupation étrangère, par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ».

    Les populations kurdes et palestiniennes ont déployé un nombre incalculable de modalités de lutte, non violentes et violentes : grèves de la faim, marches, recours juridiques et institutionnels, guérilla, attentats. L’ennemi, comme l’a indiqué Nelson Mandela dans Un long chemin vers la liberté, détermine toujours le cadre du combat. « Nous avons utilisé toutes les armes non violentes de notre arsenal – discours, délégations, menaces, arrêts de travail, grèves à domicile, emprisonnement volontaire –, tout cela en vain, car quoi que nous fassions, une main de fer s’abattait sur nous. Un combattant de la liberté apprend de façon brutale que c’est l’oppresseur qui définit la nature de la lutte, et il ne reste souvent à l’opprimé d’autres recours que d’utiliser les méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur. » Le « pacifisme » de Mandela, longtemps présenté comme « terroriste » par les puissances capitalistes, est un mythe. Les États coloniaux turc et israélien qualifient à leur tour la résistance de « terrorisme ».
    La fin et les moyens

    Résister est légitime. Mais il est des moyens de résistance qui le sont moins. Le PKK s’engage de longue date à ne frapper que les cibles militaires et policières. Quand, par malheur, un civil perd la vie au cours d’une opération, sa direction présente sans délai ses excuses aux familles. Öcalan a reconnu que des femmes et des enfants étaient tombés sous les coups de son mouvement et promis en avoir « souffert », assurant que leur mort avait eu lieu lors d’échanges de tirs : « ce n’était pas intentionnel ». Georges Habbache, fondateur socialiste du FPLP palestinien, a quant lui confié dans les années 2000 : « Nous sommes opposés à tout acte terroriste gratuit qui frappe les civils innocents. […] [L]a vie humaine a une trop grande valeur pour que j’approuve ces attentats-kamikazes [palestiniens]. »

    Le 7 octobre, des soldats et des policiers israéliens ont été pris pour cible par les combattants du Hamas, du Jihad islamique, du DFLP et du FPLP. Nul ne saurait le dénoncer, sauf à ratifier l’apartheid et la colonisation militaires. Mais le Hamas a également fait le choix de frapper des civils. On dénombre à l’heure qu’il est la mort de 1 300 Israéliens. Parmi eux, 260 festivaliers et nombre de civils : le kibboutz Be’eri comptait des enfants, celui de Kfar Aza aussi. Un massacre qui tord le cœur. Il s’agit donc de parler droit, à l’instar de Rima Hassan, fondatrice franco-palestinienne de l’Observatoire des camps de réfugiés : « Que ça soit clair, il est moralement inacceptable de se réjouir de la mort de civils ». Et de préciser : « Le faire c’est oublier les principes qui nous engagent dans la perspective d’une paix qui doit nous sauver ». Frapper les civils, c’est affaiblir la résistance. Dans ses mémoires Récits de la longue patience, Daniel Timsit, militant communiste du FLN algérien, a raconté avoir confectionné des engins explosifs pour le compte du mouvement indépendantiste. Les bombes visaient l’armée française occupante. « Mais quand ont eu lieu les premiers attentats terroristes dans la ville, ça a été atroce ! » Plus loin il ajoutait : « La fin ne justifie pas les moyens. L’utilisation consciente de moyens immoraux pourrit l’âme, et le cycle infernal se constitue. »

    « La fin ne justifie pas les moyens. L’utilisation consciente de moyens immoraux pourrit l’âme, et le cycle infernal se constitue.”
    Daniel timsit, militant communiste du fln algérien

    La morale n’est pas un à-côté de la lutte : elle a toujours été son cœur battant. « Si nous voulons changer le monde, c’est aussi, et peut-être d’abord, par souci de moralité », avançait un texte collectif initié, en 1973, par le militant anticolonialiste et trotskyste Laurent Schwartz. De fait : les révolutionnaires livrent partout bataille pour la dignité, la liberté, la justice et l’égalité. En un mot pour l’émancipation. L’amoralisme n’est que la grammaire de l’ordre en place. Aucune guerre n’est « propre » et toutes les causes justes, on le sait, on ne le sait même que trop, ont pu à l’occasion se faire injustes : des communards ont exécuté dix hommes de foi, rue d’Haxo, en dépit des protestations de Vallès ; l’IRA provisoire a tué 12 civils en frappant l’établissement La Mon House Hostel (puis s’en est excusée) ; la branche armée de l’ANC sud-africain a posé une bombe à quelques pas de Church Square, tuant et blessant des civils (puis s’en est excusée) ; etc. L’injustice occasionnelle n’invalide en rien la cause juste ; elle l’amoindrit. Car ce qu’il reste à l’occupé qu’on écrase, disait Edward W. Saïd, c’est justement « la lutte morale ». Le PKK s’y évertue et, au Kurdistan syrien, les prisonniers de Daech sont maintenus en vie. Il ne saurait être question d’idéalisme abstrait mais de morale concrète – révolutionnaire, aurait dit Hô Chi Minh. Elle engage les militants, non sans d’immenses difficultés, et, peut-être plus encore, ceux qui, sans craindre pour leur vie, prennent par internationalisme position sur ces questions. Saïd poursuivait : il est du ressort des intellectuels « de soulever des questions d’ordre moral ». C’est en toute cohérence que le penseur palestinien, pourfendeur de l’occupation israélienne et de la collaboration palestinienne, s’est continûment levé contre la mise à mort des civils. « Je me suis toujours opposé au recours de la terreur », rappelait-il en 1995. Les attentats sont « moralement ignobles » et « stratégiquement nuls ». Toucher des enfants est « une abomination qui doit être condamnée sans conditions ».
    Le Hamas

    Il se trouve que le Hamas se réclame de l’idée révolutionnaire. Or révolutionnaire il ne l’est pas. Car l’idée révolutionnaire n’est rien d’autre que l’idée démocratique enfin réalisée. Le Hamas, dont les menées antidémocratiques ne sont plus à démontrer, ne constitue pas une force d’émancipation. « On sait même que les Israéliens ont soutenu Hamas au début pour affaiblir les courants laïcs et démocratiques de la résistance palestinienne. Bref, l’islam politique a été construit par l’action systématique de l’impérialisme soutenu bien entendu par les forces réactionnaires locales obscurantistes », a rappelé en 2006 l’économiste socialiste Samir Amin, contempteur résolu de l’islamisme en ce qu’il ne « peut être un adversaire authentique de la mondialisation capitaliste-impérialiste ». Enfant des Frères musulmans né au lendemain de la première Intifada, le Hamas s’est d’abord montré favorable à la fondation d’un État islamique. En 1993, il appelait dans un mémorandum à la « Guerre sainte » contre l’occupant et se dressait, dans sa charte fondatrice (amendée depuis), contre « l’idée laïque » telle que portée par l’OLP. Son ancrage contre-révolutionnaire était ouvertement revendiqué dans la charte en question : les Juifs, lisait-on, étaient à l’œuvre derrière la Révolution française et le communisme… L’antisémitisme est une triple trahison : de la cause humaine, palestinienne et révolutionnaire. Humaine, voilà qui se passe de commentaire ; palestinienne, car la guerre en cours n’oppose pas des Arabes et des Juifs mais une population colonisée, à la fois musulmane et chrétienne, et un régime d’apartheid ; révolutionnaire, car que serait cette tradition sans l’inestimable contribution juive ? À un projet raciste – « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » –, l’antiracisme fournit l’unique réponse.

    En toute logique, le Hamas témoigne son admiration pour Erdoğan et a encouragé, par la voix de Khaled Mechaal, l’opération de nettoyage ethnique kurde entreprise à Afrîn. Aucun partisan de l’égalité ne peut se montrer solidaire d’un ennemi de l’égalité. Il en va d’une élémentaire cohérence politique. Bien des Palestiniens ont mis en évidence le problème que pose le Hamas au sein du mouvement de libération. Lisons Edward W. Saïd, en 1995 : « Le Hamas et le Jihad islamique ne sauraient constituer une alternative : leur pensée réductrice, leur vision réactionnaire et leurs méthodes irrationnelles ne peuvent en aucun cas servir l’avènement d’un ordre social acceptable. » Lisons Mustapha Barghouti, fondateur de Palestinian National Initiative, dénonçant en 2004 « le fondamentalisme du Hamas ». Lisons Mahmoud Darwich, évoquant deux ans plus tard les succès électoraux de l’organisation islamiste : « Quand on défend une Palestine plurielle et laïque, on ne peut que craindre pour les droits des femmes, pour les jeunes et pour les libertés individuelles. » Lisons Georges Habbache, à la même époque : « Le modèle islamiste comporte beaucoup de points négatifs ; en termes de choix de société, notre vision est différente, notamment sur la question de la femme. Aujourd’hui, à Gaza, certains aspects sociaux de la vie quotidienne sont inquiétants. » Lisons enfin Leïla Khaled, figure socialiste de la lutte armée, en 2014 : « Le Hamas estime que la Palestine est un endroit sacré qui appartient aux musulmans, ce qui va à l’encontre de nos opinions ».

    “L’antisémitisme est une triple trahison : de la cause humaine, palestinienne et révolutionnaire.’‘
    joseph andras

    On ne saurait, tant s’en faut, réduire la question palestinienne à celle du Hamas. La Palestine était assujettie avant sa création ; elle continuera de l’être quand bien même celui-ci disparaîtrait. Le point central, c’est l’occupation. C’est l’apartheid. C’est, depuis 1948, la spoliation sans fin. Le Hamas n’en est pas moins une force palestinienne incontournable. Il est un acteur de la guerre et, à ce titre, quantité de ses opposants palestiniens savent qu’il faudra bien compter avec lui pour entrevoir quelque issue. Le Hamas est une maladie de l’occupation. Sa funeste résultante. Enfermez une population, privez-la de tout espoir, déchiquetez-la : les démocrates, mécaniquement, s’épuisent. « On a rendu Gaza monstrueux », vient de déclarer le cinéaste israélien Nadav Lapid. Bombarder la bande de Gaza, comme l’État israélien n’a de cesse de le faire, ajoute seulement à l’horreur. Ces bombardements pointent « officiellement » le Hamas ; ce dernier, supposément affaibli, vient pourtant de diligenter une opération militaire d’une envergure inégalée. Depuis 2008, quatre guerres ont été menées contre ce minuscule ghetto asphyxié. Une cinquième est en cours. L’opération Plomb durci a tué 1 315 Palestiniens – 65 % de civils, dont plus de 400 enfants. L’opération Pilier de défense a tué plus de 100 Palestiniens – dont 66 civils. L’opération Bordure protectrice a tué au moins 245 enfants. Au 12 octobre 2023, on compte plus de 1 400 morts, dont 447 enfants. Autant de crimes sans noms. Une vie, pourtant, ne paraît pas valoir une vie en Occident « démocratique ». Personne n’a allumé la tour Eiffel pour eux. Personne ne leur a apporté un « soutien inconditionnel ». Personne n’a organisé de minutes de silence en leur mémoire. Car, comme vient de l’admettre le « philosophe » Raphaël Enthoven : « Je pense qu’il faut marquer cette différence, que c’est même très important de la faire. Là encore, ça n’est pas commensurable. » Une franchise emblématique : l’esprit colonial au grand jour.
    Deux solutions politiques

    Un jour, comme toujours, les armes seront rangées. Ce jour n’est pas venu. Les forces d’émancipation kurdes ne se lassent pas de le scander, jusqu’en France : « Solution politique pour le Kurdistan ! » Le PKK a de longue date proposé un plan de paix et, par suite, le désarmement complet de ses unités. Tout est prêt sur le papier ; l’État turc s’y refuse et Erdoğan a mis un terme aux derniers pourparlers. Le PKK – et avec lui le parti de gauche HDP, quoique sous des modalités différentes, réformistes et légalistes – réclame l’autonomie des territoires kurdes au sein des frontières constituées. Non un État-nation indépendant, comme il le souhaitait originellement, mais le respect démocratique de la vie culturelle, linguistique et politique kurde dans les quatre portions du Kurdistan historique. « On ne peut concevoir de solution plus humaine et modeste », note Öcalan du fond de sa prison. La réélection d’Erdoğan au mois de mai repousse à nouveau l’espoir de la paix. Mais une solution, qui passera par la libération du leader du PKK, existe bel et bien sur la table – aux internationalistes de l’appuyer à leur façon.

    En Palestine, la fameuse « solution à deux États » est caduque de l’aveu de tous les analystes informés : une fable pour plateaux de télévision et discutailleries diplomatiques. Expansion coloniale oblige, un État palestinien – auquel le Hamas a finalement consenti – n’est plus à même de voir le jour. La Cisjordanie est totalement disloquée et aucune continuité territoriale n’est assurée avec Gaza. Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrits, a lui-même reconnu en juillet 2023 que « le rêve arabe d’un État en Cisjordanie n’est plus viable ». Il ne reste aux Palestiniens que deux alternatives : « renoncer à leurs aspirations nationales » (et vivre en Israël en tant qu’individus) ou « émigrer » dans un pays arabe. Pourtant, parmi les ruines, demeure une solution : un État « commun » ou « binational ». Perspective incommode, à l’évidence. Certainement pas réalisable dans l’immédiat. Mais des gens de justice s’y rallient de part et d’autre. En 2001, Michel Warschawski a publié l’ouvrage Israël-Palestine le défi binational : il invitait, sur le modèle sud-africain, à tourner la page de l’apartheid par « un État unitaire ». La décennie suivante, l’historien israélien Ilan Pappé y appelait à son tour : « décolonisation, changement de régime et solution à un État ». De leur vivant, Georges Habbache et Edward W. Saïd sont allés dans le même sens : le premier a loué « un État démocratique et laïc » comme « seule solution » ; le second indiqué que les Israéliens et les Palestiniens vivaient dans une promiscuité quotidienne telle qu’une séparation étatique n’avait aucun sens. Pour que le sang ne coule plus, reste à bâtir un espace de « citoyens égaux en paix sur une même terre ».

    “Un jour, comme toujours, les armes seront rangées“
    joseph andras

    Ici, oui, nous ne pouvons rien. Tout juste nous faire l’écho malaisé des voix démocratiques en lutte. C’est peu. Mais ce peu-là, entre les cris et l’hystérie médiatique française, vaut peut-être un petit quelque chose si l’on aspire à la libération des peuples.

    https://www.frustrationmagazine.fr/moyen-orient

    #colonisation #Hamas #nettoyage_ethnique #colonisation #résistance #oppression #lutte #7_octobre_2023 #droit #civils #paix #morale #guerre #révolution #idée_révolutionnaire #démocratie #émancipation #islam_politique #impérialisme #islamisme #Frères_musulmans #Intifada #antisémitisme #Palestine #Israël #apartheid #occupation #Gaza #bombardements #opération_Plomb_durci #opération_Pilier #opération_Bordure_protectrice #solution_à_deux_États #Etat_binational

    #à_lire

  • ★ KROPOTKINE : LA MORALE ANARCHISTE - Socialisme libertaire

    L’histoire de la pensée humaine rappelle les oscillations du pendule, et ces oscillations durent déjà depuis des siècles. Après une longue période de sommeil arrive un moment de réveil. Alors la pensée s’affranchit des chaînes dont tous les intéressés — gouvernants, hommes de loi, clergé — l’avaient soigneusement entortillée. Elle les brise. Elle soumet à une critique sévère tout ce qu’on lui avait enseigné et met à nu le vide des préjugés religieux, politiques, légaux et sociaux, au sein desquels elle avait végété. Elle lance la recherche dans des voies inconnues, enrichit notre savoir de découvertes imprévues ; elle crée des sciences nouvelles.
    Mais l’ennemi invétéré de la pensée — le gouvernant, l’homme de loi, le religieux — se relèvent bientôt de la défaite. Ils rassemblent peu à peu leurs forces disséminées ; ils rajeunissent leur foi et leurs codes en les adaptant à quelques besoins nouveaux. Et, profitant de ce servilisme du caractère et de la pensée qu’ils avaient si bien cultivé eux-mêmes, profitant de la désorganisation momentanée de la société, exploitant le besoin de repos des uns, la soif de s’enrichir des autres, les espérances trompées des troisièmes — surtout les espérances trompées — ils se remettent doucement à leur œuvre en s’emparant d’abord de l’enfance par l’éducation (...)

    #Kropotkine #morale #anarchisme #religions #philosophie #émancipation...

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    https://www.socialisme-libertaire.fr/2023/07/kropotkine-la-morale-anarchiste.html

  • Immigration : une autre voie est possible, nécessaire, urgente

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de #Gérald_Darmanin, la France s’illustre encore dans le #repli, le #rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaire, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. Quelques réflexions alternatives sur la « #misère_du_monde » et son « #accueil », parce qu’on ne peut plus se rendre complice de cinq mille morts chaque année.

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de Gérald Darmanin, la France s’illustre encore dans le repli, le rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaires, et alors que s’annonce l’examen parlementaire d’un projet de loi plus brutal et liberticide que jamais, signé par le même Darmanin, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. C’est ce à quoi s’efforce Pierre Tevanian dans le texte qui suit. Dans la foulée de son livre « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort->, co-signé l’an passé avec Jean-Charles Stevens, et à l’invitation de la revue Respect, qui publie le 21 septembre 2023 un numéro intitulé « Bienvenue » et intégralement consacré à l’accueil des migrants, Pierre Tevanian a répondu à la question suivante : de quelle politique alternative avons-nous besoin ? De son article intitulé « Repenser l’accueil, oser l’égalité », le texte qui suit reprend les grandes lignes, en les développant et en les prolongeant.

    *

    Lorsqu’en juillet 2022 nous mettions sous presse notre ouvrage, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, l’association Missing Migrants recensait 23801 morts en méditerranée pour la décennie passée, ainsi que 797 morts aux frontières Nord et Est de la « forteresse Europe ». Un an plus tard, l’hécatombe s’élève à 20 089 morts en méditerranée et 1052 au Nord et à l’Est [Chiffres produits le 20 septembre 2023]. Soit 5340 vies de plus en un an, fauchées par une politique concertée qui, adossée à ce simple dicton sur la « misère du monde », s’arroge insolemment le monopole de la « raison » et de la « responsabilité ».

    C’est de là qu’il faut partir, et là qu’il faut toujours revenir, lorsqu’on parle d’ « immigration » et de « politique d’immigration ». C’est à ce « reste » consenti de la « gestion » technocratique des « flux migratoires » que nous revenons constamment, opiniâtrement, dans notre livre, afin de ré-humaniser un débat public que cinq décennies de démagogie extrémiste – mais aussi de démagogie gouvernante – ont tragiquement déshumanisé.

    L’urgence est là, si l’on se demande quelle politique alternative doit être inventée, et tout le reste en découle. Il s’agit de libérer notre capacité de penser, mais aussi celle de sentir, de ressentir, d’être affectés, si longtemps verrouillées, intimidées, médusées par le matraquage de ce dicton et de son semblant d’évidence. Ici comme en d’autres domaines (les choix économiques néolibéraux, le démantèlement des services publics et des droits sociaux), le premier geste salutaire, celui qui détermine tous les autres mais nécessite sans doute le principal effort, est un geste d’émancipation, d’empowerment citoyen, de sortie du mortifère « TINA » : « There Is No Alternative ».

    Le reste suivra. L’intelligence collective relèvera les défis, une fois libérée par ce préalable nécessaire que l’on nomme le courage politique. La question fatidique, ultime, « assassine » ou se voulant telle : « Mais que proposez-vous ? », trouvera alors mille réponses, infiniment plus « réalistes » et « rationnelles » que l’actuel « pantomime » de raison et de réalisme auquel se livrent nos gouvernants. Si on lit attentivement notre livre, chaque étape de notre propos critique contient en germe, ou « en négatif », des éléments « propositionnels », des pistes, voire un « programme » alternatif tout à fait réalisable. On se contentera ici d’en signaler quelques-uns – en suivant l’ordre de notre critique, mot à mot, du sinistre dicton : « nous » - « ne pouvons pas » - « accueillir » - « toute » - « la misère du monde ».

    Déconstruire le « nous », oser le « je ».

    Tout commence par là. Se re-subjectiver, diraient les philosophes, c’est-à-dire, concrètement : renouer avec sa capacité à penser et agir, et pour cela s’extraire de ce « on » tellement commode pour s’éviter de penser (« on sait bien que ») mais aussi s’éviter de répondre de ses choix (en diluant sa responsabilité dans un « nous » national). Assumer le « je », c’est accepter de partir de cette émotion face à ces milliers de vies fauchées, qui ne peut pas ne pas nous étreindre et nous hanter, si du moins nous arrêtons de l’étouffer à coup de petites phrases.

    C’est aussi se ressouvenir et se ré-emparer de notre capacité de penser, au sens fort : prendre le temps de l’information, de la lecture, de la discussion, de la rencontre aussi avec les concernés – cette « immigration » qui se compose de personnes humaines. C’est enfin, bien entendu, nourrir la réflexion, l’éclairer en partant du réel plutôt que des fantasmes et phobies d’invasion, et pour cela valoriser (médiatiquement, politiquement, culturellement) la somme considérable de travaux scientifiques (historiques, sociologiques, démographiques, économiques, géographiques [Lire l’Atlas des migrations édité en 2023 par Migreurop.]) qui tous, depuis des décennies, démentent formellement ces fantasmagories.

    Inventer un autre « nous », c’est abandonner ce « nous national » que critique notre livre, ce « nous » qui solidarise artificiellement exploiteurs et exploités, racistes et antiracistes, tout en excluant d’office une autre partie de la population : les résidents étrangers. Et lui substituer un « nous citoyen » beaucoup plus inclusif – inclusif notamment, pour commencer, lorsqu’il s’agit de débattre publiquement, et de « composer des panels » de participants au débat : la dispute sur l’immigration ne peut se faire sans les immigré·e·s, comme celle sur la condition féminine ne peut se faire sans les femmes.

    Ce nouveau « nous » devra toutefois être exclusif lui aussi, excluant et intolérant à sa manière – simplement pas avec les mêmes. Car rien de solidement et durablement positif et inclusif ne pourra se construire sans un moment « négatif » assumé de rejet d’une certaine composante de la « nation française », pour le moment « entendue », « comprise », excusée et cajolée au-delà de toute décence : celle qui exprime de plus en plus ouvertement et violemment son racisme, en agressant des migrant·e·s, en menaçant des élu·e·s, en incendiant leurs domiciles. Si déjà l’autorité de l’État se manifestait davantage pour soutenir les forces politiques, les collectifs citoyens, les élus locaux qui « accueillent », et réprimer celles qui les en empêchent en semant une véritable terreur, un grand pas serait fait.

    Reconsidérer notre « impuissance »… et notre puissance.

    Nous ne « pouvons » pas accueillir, nous dit-on, ou nous ne le pouvons plus. L’alternative, ici encore, consisterait à revenir au réel, et à l’assumer publiquement – et en premier lieu médiatiquement. La France est la seconde puissance économique européenne, la sixième puissance économique du monde, et l’un des pays au monde – et même en Europe – qui « accueille », en proportion de sa population totale, le moins de réfugié·e·s ou d’étranger·e·s. Parmi des dizaines de chiffres que nous citons, celui-ci est éloquent : 86% des émigrant·e·s de la planète trouvent refuge dans un pays « en développement ». Ou celui-ci : seuls 6,3% des personnes déplacées trouvent refuge dans un pays de l’Union européenne [Ces chiffres, comme les suivants, sont cités et référencés dans notre livre, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, op. cit.].

    Reconsidérer notre puissance, c’est aussi, on l’a vu, se rendre attentif au potentiel déjà existant : publiciser les initiatives locales de centres d’accueil ou de solidarités plus informelles, dont il est remarquable qu’elles sont rarement le fait de personnes particulièrement riches. C’est aussi défendre cette « puissance d’accueil » quand elle est menacée par des campagnes d’extrême droite, la valoriser au lieu de la réprimer. C’est donc aussi, très concrètement, abroger l’infâme « délit de solidarité » au nom duquel on a persécuté Cédric Herrou et tant d’autres. Aucun prétexte ne tient pour maintenir ce dispositif « performatif » (qui « déclare » l’accueil impossible, par l’interdit, afin de le rendre impossible, dans les faits). « Filières mafieuses », sur-exploitation des travailleurs sans-papiers, « marchands de sommeil » : tous ces fléaux sociaux pourraient parfaitement être combattus avec un arsenal légal délesté de ce sinistre « délit de solidarité » : le Droit du travail, le Droit du logement, et plus largement tout l’appareil pénal qui réprime déjà toute forme de violence, d’extorsion et d’abus de faiblesse.

    Repenser l’accueil, oser l’égalité.

    Si notre livre combat le rejet et valorise la solidarité, il critique pourtant la notion d’accueil ou celle d’hospitalité, telle qu’elle est mobilisée dans notre débat public. Pour une raison principalement : en entretenant la confusion entre le territoire national et la sphère domestique, le paradigme de l’hospitalité encourage les paniques sociales les plus irrationnelles (à commencer par le sentiment d’ « invasion »), mais aussi les régressions autoritaires les plus nocives (ce fameux « On est chez nous ! », qui assimile les étranger·e·s, fussent-ils ou elles titulaires d’un logement qui leur est propre, d’un bail ou d’un titre de propriété, à des intrus qui nous placent en situation de « légitime défense »). Ce qui est ainsi évacué du débat, c’est ni plus ni moins qu’un principe constitutionnel : le principe d’égalité de traitement de toutes et tous sur le territoire d’une république démocratique. Plusieurs dispositifs légaux, ici encore, seraient à abroger, parce qu’ils dérogent à ce principe d’égalité : la « double peine » , les « emplois réservés » – sans parler de la citoyenneté elle-même, qui gagnerait à être, comme dans la majorité des pays européens, ouvertes au moins partiellement aux résident·e·s étranger·e·s.

    Enfin, bien en deçà de ces mesures tout à fait réalisables, une urgence s’impose : avant de se demander si l’on va « accueillir », on pourrait commencer par laisser tranquilles les nouveaux arrivants. À défaut de les « loger chez soi », arrêter au moins de les déloger, partout où, avec leurs propres forces, à la sueur de leur front, ils ou elles élisent domicile – y compris quand il s’agit de simples tentes, cabanons et autres campements de fortune.

    Repenser le « tout », assumer les droits indivisibles

    Là encore la première des priorités, celle qui rend possible la suite, serait une pédagogie politique, et avant cela l’arrêt de la démagogie. Car là encore tout est connu, établi et documenté par des décennies de travaux, enquêtes, rapports, publiés par des laboratoires de recherche, des institutions internationales – et même des parlementaires de droite [Nous citons dans notre ouvrage ces différents rapports.].

    Il suffirait donc que ce savoir soit publicisé et utilisé pour éclairer le débat, en lieu et place de l’obscurantisme d’État qui fait qu’actuellement, des ministres continuent de mobiliser des fictions (le risque d’invasion et de submersion, le « coût de l’immigration », mais aussi ses effets « criminogènes ») que même les élus de leurs propres majorités démentent lorsqu’ils s’attèlent à un rapport parlementaire sur l’état des connaissances en la matière. Nous l’avons déjà dit : à l’échelle de la planète, seules 6,3% des personnes déplacées parviennent aux « portes de l’Europe » – et encore ce calcul n’inclut-il pas la plus radicale des « misères du monde », celle qui tue ou cloue sur place des populations, sans possibilité aucune de se déplacer. Cette vérité devrait suffire, si l’on osait la dire, pour congédier toutes les psychoses sur une supposée « totalité » miséreuse qui déferlerait « chez nous ».

    À l’opposé de cette « totalité » factice, prétendument « à nous portes », il y a lieu de repenser, assumer et revendiquer, sur un autre mode, et là encore à rebours de ce qui se pratique actuellement, une forme de « totalité » : celle qui sous-tend l’universalité et l’indivisibilité des droits humains, et du principe d’égalité de traitement : « tout » arrivant, on doit le reconnaître, a droit de bénéficier des mêmes protections, qu’il soit chrétien, juif ou musulman, que sa peau soit claire ou foncée, qu’il vienne d’Ukraine ou d’Afghanistan. Le droit d’asile, les dispositifs d’accueil d’urgence, les droits des femmes, les droits de l’enfant, le droit de vivre en famille, les droits sociaux, et au-delà l’ensemble du Droit déjà existant (rappelons-le !), ne doit plus souffrir une application à géométries variables.

    Il s’agit en l’occurrence de rompre, au-delà des quatre décennies de « lepénisation » qui ont infesté notre débat public, avec une tradition centenaire de discrimination institutionnelle : cette « pensée d’État » qui a toujours classé, hiérarchisé et « favorisé » certaines « populations » au détriment d’autres, toujours suivant les deux mêmes critères : le profit économique (ou plus précisément le marché de l’emploi et les besoins changeants du patronat) et la phobie raciste (certaines « cultures » étant déclarées moins « proches » et « assimilables » que d’autres, voire franchement « menaçantes »).

    Respecter la « misère du monde », reconnaître sa richesse.

    Il n’est pas question, bien sûr, de nier la situation de malheur, parfois extrême, qui est à l’origine d’une partie importante des migrations internationales, en particulier quand on fuit les persécutions, les guerres, les guerres civiles ou les catastrophes écologiques. Le problème réside dans le fait de réduire des personnes à cette appellation abstraite déshumanisante, essentialisante et réifiante : « misère du monde », en niant le fait que les migrant·e·s, y compris les plus « misérables », arrivent avec leurs carences sans doute, leurs traumas, leurs cicatrices, mais aussi avec leur rage de vivre, leur créativité, leur force de travail, bref : leur puissance. Loin de se réduire à une situation vécue, dont précisément ils et elles cherchent à s’arracher, ce sont de potentiels producteurs de richesses, en tant que travailleurs et travailleuses, cotisant·e·s et consommateurs·trices. Loin d’être seulement des corps souffrants à prendre en charge, ils et elles sont aussi, par exemple, des médecins et des aides-soignant·es, des auxiliaires de vie, des assistantes maternelles, et plus largement des travailleurs et des travailleuses du care – qui viennent donc, eux-mêmes et elles-mêmes, pour de vrai, accueillir et prendre en charge « notre misère ». Et cela d’une manière tout à fait avantageuse pour « nous », puisqu’ils et elles arrivent jeunes, en âge de travailler, déjà formé·es, et se retrouvent le plus souvent sous-payé·es par rapport aux standards nationaux.

    Là encore, la solution se manifeste d’elle-même dès lors que le problème est bien posé : il y a dans ladite « misère du monde » une richesse humaine, économique notamment mais pas seulement, qu’il serait intéressant de cultiver et associer au lieu de la saboter ou l’épuiser par le harcèlement policier, les dédales administratifs et la surexploitation. L’une des mises en pratique concrète de ce virage politique serait bien sûr une opération de régularisation massive des sans-papiers, permettant (nous sommes là encore en terrain connu, éprouvé et documenté) de soustraire les concerné·e·s des « sous-sols » de l’emploi « pour sans-papiers », véritable « délocalisation sur place », et de leur donner accès aux étages officiels de la vie économique, ainsi qu’au Droit du travail qui le régit.

    Il y a enfin, encore et toujours, ce travail de pédagogie à accomplir, qui nécessite simplement du courage politique : populariser le consensus scientifique existant depuis des décennies, quelles que soit les périodes ou les espaces (états-unien, européen, français, régional), concernant l’impact de l’immigration sur l’activité et la croissance économique, l’emploi et les salaires des autochtones, l’équilibre des finances publiques, bref : la vie économique au sens large. Que ces études soient l’oeuvre d’institutions internationales ou de laboratoires de recherche, elles n’ont cessé de démontrer que « le coût de l’immigration » est tout sauf avéré, que les nouveaux arrivant·e·s constituent davantage une aubaine qu’une charge, et qu’on pourrait donc aussi bien parler de « la jeunesse du monde » ou de « la puissance du monde » que de sa « misère ».

    Redevenir moraux, enfin.

    Le mot a mauvaise presse, où que l’on se trouve sur l’échiquier politique, et l’on devrait s’en étonner. On devrait même s’en inquiéter, surtout lorsque, comme dans ce « débat sur l’immigration », il est question, ni plus ni moins que de vies et de morts. Les ricanements et les postures viriles devraient s’incliner – ou nous devrions les forcer à s’incliner – devant la prise en considération de l’autre, qui constitue ce que l’on nomme la morale, l’éthique ou tout simplement notre humanité. Car s’il est à l’évidence louable de refuser de « faire la morale » à des adultes consentants sur des questions d’identité sexuelle ou de sexualité qui n’engagent qu’elles ou eux, sans nuire à autrui, il n’en va pas de même lorsque c’est la vie des autres qui est en jeu. Bref : l’interdit de plus en plus impérieux qui prévaut dans nos débats sur l’immigration, celui de « ne pas culpabiliser » l’électeur lepéniste, ne saurait être l’impératif catégorique ultime d’une démocratie saine.

    Pour le dire autrement, au-delà de la « misère » que les migrant·e·s cherchent à fuir, et de la « puissance » qu’ils ou elles injectent dans la vie économique, lesdit·es migrant·e·s sont une infinité d’autres choses : des sujets sociaux à part entière, doté·e·s d’une culture au sens le plus large du terme, et d’une personnalité, d’une créativité, irréductible à toute appellation expéditive et englobante (aussi bien « misère » que « richesse », aussi bien « charge » que « ressource »). Et s’il n’est pas inutile de rappeler tout le potentiel économique, toute l’énergie et « l’agentivité » de ces arrivant·e·s, afin de congédier les fictions anxiogènes sur « l’invasion » ou « le coût de l’immigration », il importe aussi et surtout de dénoncer l’égoïsme sordide de tous les questionnements focalisés sur les coûts et les avantages – et d’assumer plutôt un questionnement éthique. Car une société ne se fonde pas seulement sur des intérêts à défendre, mais aussi sur des principes à honorer – et il en va de même de toute subjectivité individuelle.

    Le réalisme dont se réclament volontiers nos gouvernants exige en somme que l’on prenne en compte aussi cette réalité-là : nous ne vivons pas seulement de pain, d’eau et de profit matériel, mais aussi de valeurs que nous sommes fiers d’incarner et qui nous permettent de nous regarder dans une glace. Personne ne peut ignorer durablement ces exigences morales sans finir par le payer, sous une forme ou une autre, par une inexpugnable honte. Et s’il est précisément honteux, inacceptable aux yeux de tous, de refuser des soins aux enfants, aux vieillards, aux malades ou aux handicapé·e·s en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il devrait être tout aussi inacceptable de le faire lorsque lesdit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·e·s viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte inhumanité.

    https://blogs.mediapart.fr/pierre-tevanian/blog/220923/immigration-une-autre-voie-est-possible-necessaire-urgente

    #complicité #Pierre_Tevanian #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #migrations #réfugiés #asile #déshumanisation #There_is_no_alternative (#TINA) #alternative #courage_politique #intelligence_collective #raison #réalisme #re-subjectivation #émotion #fantasmes #phobie #invasion #fantasmagorie #nationalisme #résidents_étrangers #nous_citoyen #racisme #xénophobie #impuissance #puissance #puissance_d’accueil #délit_de_solidarité #solidarité #extrême_droite #performativité #égalité #hospitalité #paniques_sociales #principe_d'égalité #double_peine #emplois_réservés #citoyenneté #hébergement #logement #pédagogie_politique #fictions #obscurantisme_d'Etat #droits_humains #égalité_de_traitement #lepénisation #débat_public #discrimination_institutionnelle #discriminations #déshumanisation #richesse #régularisation #sans-papiers #économie #morale #éthique #humanité #agentivité #potentialité_économique #valeurs
    #ressources_pédagogiques

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    • « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : la vraie histoire de la citation de #Michel_Rocard reprise par #Macron

      Le président de la République a cité, dimanche 24 septembre, la célèbre phrase de Rocard. L’occasion de revenir sur une déclaration à laquelle on a souvent fait dire ce qu’elle ne disait pas.

      C’est à la fois une des phrases les plus célèbres du débat politique français, mais aussi l’une des plus méconnues. Justifiant la politique de fermeté vis-à-vis des migrants arrivés à Lampedusa, Emmanuel Macron a déclaré hier : « On a un modèle social généreux, et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »

      https://twitter.com/TF1Info/status/1706009131448983961

      La citation est un emprunt à la déclaration de Michel Rocard. La droite aime à citer cette phrase, ce qui est une manière de justifier une politique de fermeté en matière d’immigration en citant un homme de gauche. Tandis que la gauche a souvent tendance à ajouter que le Premier ministre de François Mitterrand avait ajouté un volet d’humanité en rappelant que la France devait aussi « prendre sa part » (ou « s’y efforcer »), et donc que sa formule, loin d’être un appel à la fermeture des frontières, était en réalité un appel à l’accueil.

      En réalité, comme Libération l’avait expliqué en détail il y a quelques années, les choses sont moins simples. Contrairement à ce que la gauche aime dire, cette déclaration de Michel Rocard n’était, initialement, pas vraiment humaniste, et était invoquée par le responsable socialiste pour justifier la politique draconienne vis-à-vis de l’immigration du gouvernement d’alors.

      On retrouve la trame de cette formule dans un discours prononcé le 6 juin 1989 à l’Assemblée nationale (page 1 797 du document) : « Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles », déclare ce jour-là Michel Rocard, avant d’ajouter qu’il faut « résister à cette poussée constante ». Il n’est nullement question alors d’un quelconque devoir de prendre part à cet afflux.

      A l’époque, le climat est tendu sur la question de l’immigration. L’exclusion d’un collège de Creil de trois élèves musulmanes ayant refusé d’ôter leur foulard a provoqué, en octobre 1989, un vif débat national. En décembre, le FN écrase la législative partielle de Dreux. Les discours sur l’immigration se durcissent. Celui du PS n’échappe pas à la règle, d’autant que la gauche se voit reprocher d’être revenue sur les lois Pasqua. François Mitterrand déclare dans une interview à Europe 1 et Antenne 2, le 10 décembre 1989, que le « seuil de tolérance » des Français à l’égard des étrangers « a été atteint dans les années 70 ». Se met en place le discours qui va être celui du PS pendant quelques années. D’un côté, une volonté affichée de promouvoir l’intégration des immigrés réguliers en place (c’est en décembre 1989 qu’est institué le Haut Conseil à l’intégration). De l’autre côté, un objectif affirmé de verrouiller les flux migratoires, avec un accent mis sur la lutte contre l’immigration clandestine, mais pas seulement. Dans la même interview à France 2 et Europe 1, Mitterrand explique ainsi que le chiffre de « 4 100 000 à 4 200 000 cartes de séjour » atteint selon lui en 1982 ne doit, « autant que possible, pas être dépassé ».

      C’est dans ce contexte, le 3 décembre 1989, que Michel Rocard prononce la formule qui restera dans les mémoires. Michel Rocard est l’invité d’Anne Sinclair dans l’émission Sept sur sept sur TF1. Il précise la nouvelle position de la France en matière d’immigration et le moins qu’on puisse dire c’est que ses propos sont musclés. La France se limitera au respect des conventions de Genève, point final, explique-t-il : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […] Il faut savoir qu’en 1988 nous avons refoulé à nos frontières 66 000 personnes. 66 000 personnes refoulées aux frontières ! A quoi s’ajoutent une dizaine de milliers d’expulsions du territoire national. Et je m’attends à ce que pour l’année 1989 les chiffres soient un peu plus forts. »

      Après l’émission, Michel Rocard décline la formule à l’envi lors de ses discours les mois suivants, pour justifier de sa politique d’immigration. Le 13 décembre 1989, il déclare ainsi à l’Assemblée nationale : « Puisque, comme je l’ai dit, comme je le répète, même si comme vous je le regrette, notre pays ne peut accueillir et soulager toute la misère du monde, il nous faut prendre les moyens que cela implique. » Et précise les moyens en question : « Renforcement nécessaire des contrôles aux frontières », et « mobilisation de moyens sans précédent pour lutter contre une utilisation abusive de la procédure de demande d’asile politique ».

      Il la répète quelques jours plus tard, le 7 janvier 1990, devant des socialistes d’origine maghrébine réunis à l’occasion d’un colloque sur l’immigration. « J’ai beaucoup réfléchi avant d’assumer cette formule. Il m’a semblé que mon devoir était de l’assumer complètement. Aujourd’hui je le dis clairement. La France n’est plus, ne peut plus être, une terre d’immigration nouvelle. Je l’ai déjà dit et je le réaffirme, quelque généreux qu’on soit, nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », martèle-t-il devant un parterre d’élus pas très convaincus. Avant de conclure : « Le temps de l’accueil de main-d’œuvre étrangère relevant de solutions plus ou moins temporaires est donc désormais révolu. » Le reportage de France 2 consacré au colloque insiste sur le silence qui s’installe alors dans l’auditoire, avec un gros plan sur le visage dubitatif de Georges Morin, en charge du Maghreb pour le PS et animateur des débats.

      Le Premier ministre recycle son élément de langage dans un discours sur la politique d’immigration et d’intégration prononcé dans l’hémicycle le 22 mai 1990 : « Nous ne pouvons pas – hélas – soulager toutes les misères de la planète. » Le gouvernement reprendra aussi à son compte la petite phrase rocardienne, à l’image de Lionel Stoléru, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du Plan, qui, face à Jean-Marie Le Pen sur la Cinq le 5 décembre 1989, déclare : « Le Premier ministre a dit une phrase simple, qui est qu’on ne peut pas héberger toute la misère du monde, ce qui veut dire que les frontières de la France ne sont pas une passoire et que quel que soit notre désir et le désir de beaucoup d’êtres humains de venir nous ne pouvons pas les accueillir tous. Le problème de l’immigration, c’est essentiellement ceux qui sont déjà là… » On retrouve le double axe de la politique que revendique le gouvernement : effort pour intégrer les immigrés qui sont présents et limitation au maximum de toute nouvelle immigration.

      Il faudra attendre le 4 juillet 1993 pour une rectification tardive de Michel Rocard, en réaction à la politique anti-immigration de Charles Pasqua, raconte Thomas Deltombe, auteur d’un essai sur l’islamophobie dans les médias, dans un article du Monde diplomatique : « Laissez-moi lui ajouter son complément, à cette phrase », déclare alors Rocard dans Sept sur sept. « Je maintiens que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. La part qu’elle en a, elle prend la responsabilité de la traiter le mieux possible. »

      Trois ans plus tard, dans une tribune publiée dans le Monde du 24 août 1996 sous le titre « La part de la France », l’ex-Premier ministre assure que sa formule a été amputée et qu’elle s’accompagnait à l’époque d’un « [la France] doit en prendre fidèlement sa part ». Ce qu’il répète dans les pages de Libé en 2009, affirmant ainsi que sa pensée avait été « séparée de son contexte, tronquée, mutilée » et mise au service d’une idéologie « xénophobe ». Pourtant, cette seconde partie — censée contrebalancer la fermeté de la première — reste introuvable dans les archives, comme le pointait Rue89 en 2009. Une collaboratrice de Michel Rocard avait alors déclaré à la journaliste : « On ne saura jamais ce qu’il a vraiment dit. Lui se souvient l’avoir dit. En tout cas, dans son esprit, c’est ce qu’il voulait dire. Mais il n’y a plus de trace. On a cherché aussi, beaucoup de gens ont cherché mais on n’a rien. »

      Quelques années plus tard, en 2013, le chroniqueur de France Inter Thomas Legrand (désormais à Libération) a reposé la question à Michel Rocard, qui a alors assuré avoir retrouvé le texte d’un discours prononcé en novembre 1989 lors du cinquantenaire de la Cimade (Comité inter-mouvement auprès des évacués) . C’est là, affirme le Premier ministre, que la phrase aurait été prononcée. Voici ce que Rocard dit avoir déclaré : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite décemment la part qu’elle ne peut pas ne pas prendre. » Sauf que le verbatim de son discours n’a jamais été publié. Le site Vie publique ne donne qu’un résumé très sommaire de son intervention (« mise en cause du détournement du droit d’asile et importance de la rigueur dans l’admission des réfugiés »).

      Mais que ces mots aient été, ou pas, prononcés, devant la Cimade, ne change rien au fait qu’entre 1989 et 1990, la phrase a bien été assénée par Michel Rocard sans cette seconde partie, comme une justification de sa fermeté vis-à-vis de l’immigration. Et non comme un encouragement à l’accueil des immigrés.

      https://www.liberation.fr/checknews/on-ne-peut-pas-accueillir-toute-la-misere-du-monde-la-vraie-histoire-de-l
      #Emmanuel_Macron

  • Voila comment est présentée la première femme de Camus sur Wikipédia.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Camus#cite_ref-Onfray,_201273_33-0

    En juin 1934, il épouse Simone Hié (1914-1970), starlette algéroise enlevée à son ami Max-Pol Fouchet S 16. Toxicomane, elle le trompe souvent et leur mariage s’effrite rapidement S 17,S 18.

    Dis moi juste :
    – Est-ce que jamais un mari sera présenté ainsi sur la fiche de sa femme ?

    – Et quand une femme est séduite par un autre homme, elle serait enlevée au précédent ? Comme pour les viols des Sabines en fait ? Elle décide de rien ?

    – Et quand ça s’effrite, est-ce que le gâteau est pas bien cuit, ou que les morceaux de plâtre collent plus ensemble ?

    Ah ben, en ajoutant le lien je vois :/ Ref Onfray

    #sexisme #femme_de #wikipedia #voicipedia #morale_de_droite #morale_sexuelle #morale_toxicologique #morale_masculine

    • Apparemment pour faire le portrait dégradant de la punk à chien Simone Hié en 3 lignes, il faut relier toxico et salope.
      Dommage ; après 5 minutes de recherche sur le net, https://gw.geneanet.org/albonfil?lang=fr&n=hie&oc=0&p=simone

      On y apprend que les parents de Simone Hié vivent à Alger, sa mère est ophtalmo et son père contrôleur général des postes et qu’elle a 20 ans quand elle épouse Camus en 1934.

      Elle tomba malade durant son enfance, époque où l’on soigna ses douleurs avec de la morphine, dont elle restera dépendante toute sa vie.

      C’est un peu différent, non ?

    • oui mais comme c’est pas écrit dans un journal pipol, c’est pas une bonne référence ; et ça ressemble un peu trop à de l’ « original research » ; même sourcé, ça passe pas. Merci qui ?

      Tu as essayé de mettre à jour la page wikipédia ?

  • Kelsen face à la théologie politique
    https://laviedesidees.fr/Hans-Kelsen-Religion-seculiere

    La pensée politique moderne est-elle tributaire de la théologie chrétienne ? Non, protestait Hans Kelsen qui défendit le positivisme normativiste contre son ancien élève Eric Voegelin, qui voulait intégrer la #morale et la #religion dans le #droit. La traduction inédite de son ouvrage est un événement. À propos de : Hans Kelsen, Religion séculière. Une polémique contre la mésinterprétation de la #Philosophie sociale, de la science et de la politique moderne en tant que ‘‘nouvelles religions’’, éditions Kimé

    #théologico-politique #philosophie_politique

  • Une #voiture_autonome doit-elle tuer un bébé ou une grand-mère ?
    http://carfree.fr/index.php/2023/06/21/une-voiture-autonome-doit-elle-tuer-un-bebe-ou-une-grand-mere

    En 2014, des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont conçu une expérience appelée « Moral Machine. » L’idée était de créer une plateforme semblable à un jeu qui permettrait de Lire la suite...

    #Insécurité_routière #monde #morale #mort #recherche #sécurité_routière #sociologie #technologie

  • Maria Mies, Avons-nous besoin d’une nouvelle « économie morale » ?, 1991
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/06/04/mies-economie-morale-fr

    Le soi-disant développement n’est pas un processus d’évolution d’un stade inférieur à un stade supérieur, mais un processus de polarisation dans lequel certains deviennent de plus en plus riches parce qu’ils rendent les autres de plus en plus pauvres. Il y a 200 ans, le monde occidental n’était que cinq fois plus riche que les pays pauvres d’aujourd’hui. En 1960, ce rapport était déjà de 20 pour un, et en 1983 il était de 46 pour un, les pays riches étant 46 fois plus riches que les pays pauvres [Trainer]. La richesse des pays riches croît toujours plus vite et, dans un monde limité, cela signifie qu’elle croît aux dépens des autres, de ce que je continue à appeler des colonies : la nature, les femmes, les pays dits du « tiers monde ».

    Si l’on vise la durabilité, il faut alors en finir avec le marché mondial industriel et le modèle de croissance axé sur le profit. Ce dépassement est, comme l’a montré de manière convaincante Vandana Shiva, pour les pauvres, pour les femmes et les enfants des pays et régions pauvres, une question de survie. Ils luttent explicitement contre le « développement » et la modernisation parce qu’ils savent que ce développement va détruire les fondement de la pérennité de leur existence – leur accès aux biens communs : la terre, l’eau, l’air, les forêts, leurs communautés, leur culture. Ce sont eux qui doivent payer le prix du développement industriel urbain et masculin.

    #Maria_Mies #économie #capitalisme #développement #croissance #colonialisme #morale #subsistance #histoire

  • Les #mines, une histoire du #paternalisme

    Sous l’impulsion des compagnies privées qui se partageaient l’exploitation des gisements de #charbon en #France, une population de #mineurs s’est stabilisée à un endroit et pour plusieurs générations.

    C’est une longue histoire de l’#exploitation qui commence il y a plus de deux siècles, quand des #compagnies_minières embauchent des centaines, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, tout un peuple minier, qu’on installe près des puits de mines de charbon. En possédant les logements, les écoles, les clubs sportifs ou encore les églises, ces compagnies privées organisent la vie quotidienne et le destin des mineurs, avec sa #morale, son #éducation et sa #religion.

    « Être mineur, c’était la garantie d’un salaire, d’un logement, du chauffage en hiver, de l’éducation pour les enfants et de l’accès à la coopérative minière pour les achats ». L’historienne Marion Fontaine explique d’ailleurs : “Si l’on ne prend pas en compte la dangerosité du métier, en termes de vie quotidienne, dans les années 1870-1880, il vaut mieux être un mineur qu’un ouvrier du textile. Mais cette protection a un coût. Elle a un prix énorme, car elle rend les ouvriers extrêmement dépendants de ces largesses patronales”.

    Ainsi, en contrepartie, les mineurs doivent #respect et #obéissance aux #patrons. Un véritable système de #paternalisme_patronal que nous raconte le géographe Simon Edelblutte : “L’industriel va subvenir aux besoins des ouvriers, il les paye et leur assure le logement, ainsi que certains loisirs, l’éducation des enfants, et cetera. Mais si vous aviez des problèmes au travail, si vous vous syndiquiez, et que le patron n’était pas content, non seulement vous pouviez perdre votre travail, mais vous pouviez perdre votre logement aussi, c’était donc une manière de vous contrôler.”

    Mais face à cette omniprésence des compagnies, la #solidarité minière s’organise peu à peu et résiste.

    Du porion à l’ingénieur, des gardes des mines au grand bureau, la #surveillance et le contrôle de la main d’œuvre est plus ou moins stricte selon les zones.

    C’est dans le Nord Pas de Calais que l’on fait ici notre immersion.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/les-mines-une-histoire-du-paternalisme-5306611
    #contrôle #patronat #résistance
    #audio #podcast

  • 9 mars 1952 : mort d’Alexandra Kollontaï

    [et non 1974, comme indiqué par erreur sur marxists.org]

    Textes : https://marxists.org/francais/kollontai/index.htm

    1909
    – Les problèmes de la prostitution
    – Les bases sociales de la question féminine

    1912 Le #prolétariat international et la guerre

    1916 Les internationalistes veulent-ils une scission ?

    1917 Nos tâches

    1918
    – La famille et l’Etat communiste
    – Avant-propos à « La lutte des travailleuses pour leurs droits »
    – Discours aux femmes travailleuses

    1919
    – Résolution sur le rôle des femmes travailleuses

    1920
    – La Journée Internationale des Femmes
    – L’Affranchissement de la femme

    1921 L’#Opposition_Ouvrière
    – Thèses sur la #morale_communiste dans le domaine des relations conjugales
    – La dernière esclave
    – La Conférence des Organisatrices-Communistes des Femmes de l’Orient
    – La #propagande parmi les femmes : rapport au Congrès de l’#Internationale_Communiste
    – Conférences à l’université Sverdlov sur la #libération_des_femmes

    1922
    – L’arrivée de Lénine à Petrograd

    1923
    – Place à l’Éros ailé ! (Lettre à la jeunesse laborieuse)

    1925 Article autobiographique
    – Premiers souvenirs sur Lénine

    1926
    – But et valeur de ma vie (extrait)

    1946
    – En pensant aux grandes choses, Lénine...
    s.d.
    – Lénine et le premier Congrès des femmes travailleuses
    – Lénine et les étoiles
    – La Première allocation
    – Lénine à #Smolny
    – Au Commissariat du peuple à l’Assistance publique
    – La voix de #Lénine

    #éphéméride #alexandra_kollontaï #bolchévik #révolution_russe #féminisme #marxisme #militante_féministe #communisme_révolutionnaire #féministe #amour_libre #amour_camaraderie #internationalisme

  • L’impérialisme woke Chris Hedges - Investig’action

    Chris Hedges nous explique brillamment pourquoi l’antiracisme et le féminisme, lorsqu’ils ne visent pas à combattre l’oppresseur au nom des opprimés, se révèlent être de grosses arnaques. Articulées uniquement sur des postures morales, la politique identitaire et la diversité promues par la classe dominante servent en réalité à rendre les structures de domination plus présentables. Les réactionnaires et l’extrême droite leur donnent la réplique, tandis qu’on passe à côté de l’essentiel. Nos oligarques ne pourraient pas rêver mieux. (IGA)


    Photo : Identity Politics – by Mr. Fish

    La politique identitaire et la diversité vont-elles résoudre le délabrement social, économique et politique qui ronge les États-Unis ? Le meurtre brutal de Tyre Nichols par cinq policiers de Memphis devrait suffire à faire imploser ce fantasme. Non seulement ces officiers sont noirs – tout comme Tyre Nichols, mais le service de police de la ville est dirigé par Cerelyn Davis, une femme noire elle aussi. Pourtant, rien de tout cela n’a aidé Nichols, nouvelle victime du lynchage policier des temps modernes.

    Les militaristes, les grands patrons, les oligarques, les politiciens, les universitaires et les conglomérats médiatiques se font les champions de la politique identitaire et de la diversité. Et pour cause, ces concepts ne font rien pour résoudre les injustices systémiques ni le fléau de la guerre permanente qui accablent les États-Unis. Cela occupe les progressistes et les personnes instruites avec un activisme bon marché qui non seulement se révèle inefficace, mais qui en plus exacerbe le fossé entre les privilégiés et une classe ouvrière en profonde détresse économique. Les nantis reprochent aux démunis leurs mauvaises manières, leur racisme, leurs écarts de langage et leur vulgarité, tout en ignorant les causes profondes de leur détresse économique. Les oligarques ne pourraient pas rêver de mieux.

    La vie des Amérindiens s’est-elle améliorée à la suite de la législation imposant l’assimilation et la révocation des titres fonciers tribaux imposées par Charles Curtis, le premier vice-président amérindien ? Sommes-nous mieux lotis depuis que l’on trouve à la Cour suprême Clarence Thomas, un noir qui au passage, s’oppose à la discrimination positive ? Ou avec Victoria Nuland, une autre femme qui est en fait un véritable faucon de guerre du département d’État ? Notre poursuite de la guerre permanente est-elle plus acceptable parce que Lloyd Austin, un Afro-Américain, est secrétaire à la Défense ? L’armée est-elle plus humaine parce qu’elle accepte les soldats transgenres ? Les inégalités sociales, et l’État de surveillance qui les maintiennent, sont-elles plus douces parce que Sundar Pichai – né en Inde – est le PDG de Google et d’Alphabet ? L’industrie de l’armement s’est-elle améliorée parce que Kathy J. Warden, une femme, est PDG de Northop Grumman, et qu’une autre femme, Phebe Novakovic, est PDG de General Dynamics ? Les familles des travailleurs sont-elles mieux loties avec Janet Yellen comme secrétaire au Trésor, alors qu’elle encourage l’augmentation du chômage et la « précarité de l’emploi » ? L’industrie cinématographique se porte-t-elle mieux depuis qu’une cinéaste, Kathryn Bigelow, a réalisé « Zero Dark Thirty », véritable agit-prop pour la CIA ? À propos de la CIA justement, jetez un coup d’œil à cette publicité de recrutement. Elle résume l’absurdité de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

    Les régimes coloniaux trouvent des dirigeants indigènes dociles – « Papa Doc » François Duvalier en Haïti, Anastasio Somoza au Nicaragua, Mobutu Sese Seko au Congo, Mohammad Reza Pahlavi en Iran – prêts à faire leur sale boulot pendant qu’ils exploitent et pillent les pays qu’ils contrôlent. Pour contrecarrer les aspirations populaires à la justice, les forces de police coloniales commettent régulièrement des atrocités au nom des oppresseurs. Les combattants indigènes de la liberté qui se battent en faveur des pauvres et des marginaux sont généralement chassés du pouvoir ou assassinés, comme ce fut le cas du leader indépendantiste congolais Patrice Lumumba et du président chilien Salvador Allende. Le chef lakota Sitting Bull a été abattu par des membres de sa propre tribu, qui faisaient partie des forces de police de la réserve de Standing Rock. Si vous vous rangez du côté des opprimés, vous finirez presque toujours par être traité comme eux. C’est pourquoi le FBI, ainsi que la police de Chicago, a assassiné Fred Hampton. Ils sont très certainement impliqués aussi dans le meurtre de Malcolm X, qui qualifiait les quartiers urbains appauvris de « colonies intérieures ». Les forces de police militarisées aux États-Unis fonctionnent comme des armées d’occupation. Les policiers qui ont tué Tyre Nichols ne sont pas différents de ceux des réserves indiennes et des forces de police coloniales.

    Nous vivons sous une espèce de colonialisme d’entreprise. Les moteurs de la suprématie blanche ont construit les formes de racisme institutionnel et économique qui maintiennent les pauvres dans la pauvreté. Mais ils sont aujourd’hui dissimulés derrière des personnalités politiques attrayantes telles que Barack Obama, qualifié par Cornel West de « mascotte noire pour Wall Street ». Ces visages de la diversité sont sélectionnés et contrôlés par la classe dirigeante. Obama a été formé et promu par la machine politique de Chicago, l’une des plus sales et des plus corrompues du pays.

    « C’est une insulte aux mouvements organisés par tous ceux que ces institutions prétendent vouloir inclure », me disait en 2018 Glen Ford, le défunt rédacteur en chef de The Black Agenda Report. « Ces institutions écrivent le scénario. C’est leur feuilleton. Et elles choisissent les acteurs, les visages noirs, bruns, jaunes ou rouges qu’elles veulent. »

    Glenn Ford a qualifié ceux qui promeuvent la politique identitaire de « représentationalistes » qui « veulent voir certains Noirs représentés dans tous les secteurs du leadership, dans tous les secteurs de la société. Ils veulent des scientifiques noirs. Ils veulent des stars de cinéma noires. Ils veulent des universitaires noirs à Harvard. Ils veulent des Noirs à Wall Street. Mais c’est juste une représentation. C’est tout. »

    Le fardeau que fait peser le capitalisme sur ces personnes que les « représentationalistes » prétendent représenter nous dévoile toute l’ampleur de l’arnaque. Ainsi, les Afro-Américains ont perdu 40 % de leur richesse depuis l’effondrement financier de 2008, en raison de l’impact disproportionné de la baisse du capital immobilier, des prêts prédateurs, des saisies et des pertes d’emploi. Ils ont le deuxième taux de pauvreté le plus élevé (21,7 %), après les Amérindiens (25,9 %), suivis des Hispaniques (17,6 %) et des Blancs (9,5 %), selon le Bureau du recensement et le ministère de la Santé et des Services sociaux des États-Unis. En 2021, 28% des enfants noirs et 25% des enfants amérindiens vivaient dans la pauvreté, suivis des enfants hispaniques à 25 % et des enfants blancs à 10 %. Près de 40 % des sans-abri du pays sont des Afro-Américains, bien que les Noirs représentent environ 14 % de notre population. Ce chiffre n’inclut pas les personnes vivant dans des logements délabrés, surpeuplés ou chez des parents ou amis en raison de difficultés financières. Le taux d’incarcération des Afro-Américains est près de cinq fois supérieur à celui des Blancs.

    La politique identitaire et la diversité permettent aux pseudo-progressistes de se vautrer dans une supériorité morale larmoyante lorsqu’ils fustigent, censurent et écartent ceux qui ne se conforment pas linguistiquement au discours politiquement correct. Ce sont les nouveaux Jacobins. Ce jeu dissimule leur passivité face aux abus des multinationales, au néolibéralisme, à la guerre permanente et à la réduction des libertés civiles. Ils ne se confrontent pas aux institutions qui orchestrent l’injustice sociale et économique. Ils cherchent à rendre la classe dirigeante plus acceptable. Avec le soutien du parti démocrate, les médias libéraux, le monde universitaire et les plateformes des réseaux sociaux de la Silicon Valley diabolisent les victimes du coup d’État des multinationales et de la désindustrialisation. Ils forment leurs principales alliances politiques avec ceux qui embrassent la politique identitaire, qu’ils soient à Wall Street ou au Pentagone. Ils sont les idiots utiles de la classe milliardaire, des croisés de la morale qui élargissent les divisions au sein de la société. Des divisions que les oligarques au pouvoir encouragent pour maintenir leur contrôle.

    La diversité est importante. Mais la diversité, lorsqu’elle est dépourvue d’un programme politique qui combat l’oppresseur au nom des opprimés, n’est que de la poudre aux yeux. Il s’agit d’intégrer une infime partie des personnes marginalisées par la société dans des structures injustes et dans le but de perpétuer ces structures.

    Une classe où j’ai donné cours dans une prison de haute sécurité du New Jersey a écrit « Caged », une pièce de théâtre sur leur vie. La pièce a été jouée pendant près d’un mois au Passage Theatre de Trenton, dans le New Jersey, où elle a fait salle comble presque tous les soirs. Elle a ensuite été publiée par Haymarket Books. Les 28 élèves de la classe ont insisté pour que l’agent pénitentiaire de l’histoire ne soit pas blanc. C’était trop facile, disaient-ils. C’eût été une ruse qui aurait permis aux gens de simplifier et même d’ignorer l’appareil oppressif des banques, des multinationales, de la police, des tribunaux et du système carcéral. En effet, tous intègrent la diversité dans leurs procédures de recrutement. Or, ces systèmes d’exploitation et d’oppression internes doivent être ciblés et démantelés, peu importe qui ils emploient.

    Mon livre, « Our Class : Trauma and Transformation in an American Prison« , s’appuie sur l’expérience de l’écriture de la pièce pour raconter l’histoire de mes étudiants et transmettre leur profonde compréhension des forces et des institutions répressives qui se sont dressées contre eux, leurs familles et leurs communautés. Vous pouvez voir mon interview en deux parties avec Hugh Hamilton sur « Our Class » ici et ici.

    La dernière pièce d’August Wilson, « Radio Golf« , annonçait la direction que prendraient la diversité et les politiques identitaires dépourvues de conscience de classe. Dans cette pièce, Harmond Wilks, un promoteur immobilier diplômé de l’Ivy League, est sur le point de lancer sa campagne pour devenir le premier maire noir de Pittsburgh. Sa femme, Mame, cherche à devenir l’attachée de presse du gouverneur. Wilks navigue dans l’univers de l’homme blanc, un univers rempli de privilèges, d’affaires, de quêtes de statut et de golf. Il doit aseptiser et nier son identité. Vice-président de la Mellon Bank, Roosevelt Hicks est le partenaire commercial de Wilks. Ils étaient colocataires à l’université de Cornell. Alors qu’ils font pression sur les autorités municipales pour qu’elles déclarent un quartier insalubre et leur permettent ainsi de développer un projet à plusieurs millions de dollars, un personnage dit à Hicks :

    Tu sais ce que tu es ? Ça m’a pris un moment pour le savoir. Tu es un négro. Les Blancs se trompent et te traitent de nègre, mais ils ne savent pas ce que je sais. Je connais la vérité. Je suis un nègre. Les négros sont la pire chose dans la création de Dieu. Les nègres ont du style. Les négros sont aveugles. Un chien sait qu’il est un chien. Un chat sait qu’il est un chat. Mais un négro ne sait pas qu’il est un négro. Il pense qu’il est un homme blanc.

    De terribles forces prédatrices rongent le pays. Les grands patrons, les militaristes et leurs mandarins politiques sont l’ennemi. Notre tâche n’est pas de les rendre plus attrayants, mais de les écraser. Il y a parmi nous d’authentiques combattants de la liberté, de toutes les ethnies et de tous les milieux. Leur intégrité ne leur permet pas de servir ce système de totalitarisme inversé qui a détruit notre démocratie, qui a appauvri la nation et qui a perpétué les guerres sans fin. La diversité est un atout lorsqu’elle sert les opprimés, mais une escroquerie lorsqu’elle sert les oppresseurs.
     
    Chris Hedges est un journaliste lauréat du prix Pulitzer qui a été correspondant à l’étranger pendant quinze ans pour le New York Times, où il a occupé les postes de chef du bureau du Moyen-Orient et du bureau des Balkans. Il a auparavant travaillé à l’étranger pour le Dallas Morning News, le Christian Science Monitor et NPR. Il est le présentateur de l’émission The Chris Hedges Report.

    Source originale : Scheer Post - Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

    #Afro-Américains #diversité #morale #hypocrisie #antiracisme et le féminisme #Diabolisation #Islamophobie #inégalités_sociales #représentation

  • #Sémiologie : la #police dans l’épicentre de la #violence

    Compte tenu des preuves et des liens de ces mêmes #symboles avec les milieux extrémistes et violents, la négligence du gouvernement et de la hiérarchie s’accorde dans une résolution ; celle de l’acceptation de la violence et l’#extrémisme chez la police républicaine.

    Le pouvoir d’un symbole réside dans sa capacité à produire du sens et à communiquer ce sens. Loin d’être une entité floue, le sens réfère à quelque chose d’extérieur à soi, plus exactement un objet, qui devient existant par le truchement d’une relation interpersonnelle.

    C’est au travers d’une large panoplie de #signes, #insignes, symboles, #slogans, etc, que des policier·ères visiblement sans honte ni crainte de leur hiérarchie, affichent publiquement, leur amour de la violence, du thème de la vengeance, et parfois, du racisme, de la mort, voire des idéologies fascistes ou nazis.

    Dans le monde des images, certaines nous font sourire, d’autres nous font pleurer, provoquent le choc, la peur, l’incompréhension ou l’amour et l’espoir. La sémiologie a pour objectif de cerner le sens général qui se dégage quand on voit un logo, un insigne, et de prévoir les réactions sensorielles ou émotionnelles occasionnées.

    Les expert·es s’appuient sur le fait que les symboles ne viennent pas de nulle part, ils portent une histoire. Ces armoiries, logos, blasons, symboles, drapeaux, couleurs et formes, ont été depuis la nuit des temps, un moyen de communication, chargés d’une puissance conceptuelle mais aussi émotionnelle dont émanent valeurs éthiques et morales.

    La production et la circulation de formes symboliques constituent des phénomènes centraux dans la recherche en sciences sociales et les psychologues sociaux ont plus particulièrement étudié les processus par lesquels le sens est construit, renforcé et transformé dans la vie sociale.

    L’intérêt pour la fonction symbolique a permis l’émergence de nouveaux courants de recherche conceptuel et empirique dédiés à la compréhension de l’engagement des individus quand ils construisent du sens sur le monde dans lequel ils vivent et communiquent avec d’autres à ce sujet.

    Ces écussons, comme celui dans l’image suivante, en contact avec les citoyenne·s, se traduisent par un réflexe inconscient pour la majorité et un terrible constat pour les plus informés. D’une manière ou d’une autre, une signification se crée automatiquement, malgré la volonté de chacun·e.

    En rapport à la politique des symboles, chez le·a policier·ère tout est une représentation. Selon l’écrivain Arnaud-Dominique Houte "Au-delà de l’utilité pratique du costume, policiers et gendarmes affichent une prestance militaire qui renforce leur prestige. Mais ils montrent aussi qu’ils travaillent en toute transparence, en assumant leurs actes et en se plaçant au service du public". Le code vestimentaire du policier, son armement et sa posture font état d’une logique d’autorité et d’obéissance à la loi. Juger le port de ces écussons qui "appellent à la mort" comme inoffensifs ou insignifiants, comme l’excuse parfois la hiérarchie, révèle de la négligence politique. Si chaque interaction entre le public et la police "doit être conçue comme une expérience socialisatrice" contribuant à consolider la confiance et la légitimité de l’action policière, en quoi le port de tels symboles additionne un point positif à l’équation ?

    Devoir d’obéissance bafoué ou négligence de la hiérarchie ?

    La loi est précise. Néanmoins des policiers continuent à exhiber dans l’exercice de leurs fonctions et sur la place publique, leur affection aux "symboles repères" associés aux néo-nazis et à l’extrême droite. Au cours des dernières années, à plusieurs reprises, la police a été dans le collimateur de l’opinion publique consécutivement à la quantité importante de scandales qui ont émergés dans les médias et les réseaux sociaux. Comme pour les violences policières, de plus en plus de citoyens et de journalistes commencent à capter des images des insignes qui ornent parfois l’équipement de la police.

    Au large dossier des photos de cagoules/foulards tête-de-mort, écussons, tatouages, locutions, s’ajoutent les enquêtes de StreetPress ou Mediapart qui ont révélé, l’existence de groupes Facebook ou Whatsapp, où des policiers pour se divertir, nourrissent la violence virtuelle et propagent du racisme et du suprémacisme blanc à travers les réseaux sociaux. Le port de ces symboles pendant le temps de travail devient-il un prolongement des convictions politiques quotidiennes de certains policiers ?

    Selon la terminologie gouvernementale, ce sont des "signes faibles" d’une tendance vers "l’idéologie de la violence" qui s’intensifie dans la police et qui, coïncidence ou pas, s’aligne sur un mandat répressif, l’escalade de la violence, la logique punitive et liberticide. Une tendance politique favorisée et propagée par la Macronie ou des syndicats de police, synchrone aux logiques d’extrême droite, et qui malheureusement, modèle la doctrine des forces de l’ordre, ses intérêts et ses croyances. Enfin, elle matérialise un nouveau monde libéral, où légitimer la violence apparaît être plus qu’une nécessité mais une obligation.

    A la vue du défilé de scandales associés aux symboles d’extrême droite dans la police, il est difficile de croire que les policier·ères concerné·es puissent utiliser ces symboles par pure naïveté. Une simple recherche sur internet et il est possible de trouver facilement des informations qui attestent de l’utilisation de ces mêmes symboles par l’extrême droite, en France et notamment aux États-Unis. Frédéric Lambert, Professeur des universités et de l’Institut français de presse, également chercheur en Sémiologie et sémiotique des images d’information et de communication, nous explique très pragmatiquement que :

    « Les représentants de la loi et les professionnels qui doivent faire appliquer la loi, dont les policiers, travaillent pour l’État français. À ce titre, ils doivent porter les signes de l’institution qu’ils représentent, un uniforme réglementaire. Si certains policiers s’autorisent d’ajouter à leur tenue de service des signes qui ne sont pas autorisés, ils deviennent hors-la-loi eux-mêmes.

    Hélas cette dérive a pu s’observer en France, et l’on a vu des policiers municipaux porter le symbole du Punisher, héros de bande dessinée, puis insigne de certains groupe militarisés nazis, adopté par certains policiers aux États Unis. Deux remarques : les récits fictionnels envahissent nos réalités sociales, et il faudrait à ces policiers et à leur tutelle revenir dans la réalité de la justice sociale. La République française peut rêver mieux que de voir ses représentants porter des menaces en forme de tête de mort. Les signes au sein de la vie sociale sont bien trop importants pour que des policiers même municipaux s’en saisissent avec arrogance. »

    A chaque scandale, un rappel à la loi. Des policier·ères de différentes compagnies (police nationale, CRS ou BAC) se sont vus demander de respecter le code de déontologie et de retirer leurs écussons non-réglementaires. Néanmoins, malgré tous ces rappels et articles de presse, le Ministre de l’Intérieur et les préfets de police, n’arrivent pas à purger ces agents qui méprisent les principes de la neutralité politique.

    Le ministère de l’Intérieur Christophe Castaner en 2018, interpellé par Libération, au sujet d’un écusson ΜΟΛΩΝ ΛΑΒΕ, du grec - "viens prendre" sur l’uniforme d’un policier, clarifie.

    « Le RGEPN (règlement de la police nationale, ndlr) prohibe le port sur la tenue d’uniforme de tout élément, signe, ou insigne, en rapport avec l’appartenance à une organisation politique, syndicale, confessionnelle ou associative. On ne sait pas à quelle référence l’insigne renvoie, mais il ne devrait pas figurer sur l’uniforme du CRS. »

    Ces dérives ne devraient pas exister. Cependant, depuis 2018, nous avons recensé plus d’une vingtaine de cas où les policiers affichent explicitement des insignes, signes, drapeaux, cagoules ou écussons à têtes de mort, tee-shirts BOPE (Batalhão de Operações Policiais Especiais - Brazil), etc ; symboles de référence majoritairement chez l’extrême droite, mais aussi chez les nationalistes, intégristes, militaristes, hooligans, etc.

    La tête de mort Punisher, le Totenkopf moderne.

    Le Punisher est un héros issu des comics Marvel, ancien soldat du corps des Marines, consumé par le désir de vengeance suite à l’assassinat de sa famille dans le Central Park. Il fut créé par le scénariste Gerry Conway en 1974.

    Le crâne ou tête-de-mort, a été utilisé dans plusieurs domaines depuis la Grèce antique soit dans le milieu littéraire, où il était associé à la sagesse, ou dans le milieu médical, funèbre, etc. L’un des premiers récits enregistré du "crâne et des os croisés" remonte à l’histoire militaire allemande et à la guerre de Trente Ans, lorsque les soldats bavarois, connus sous le nom "d’Invincibles", portaient des uniformes noirs avec des Totenkopfs blancs sur leurs casques.

    La tête-de-mort sera utilisée ainsi par les forces militaires allemandes à partir du XVIIe siècle jusqu’aux Nazis, où elle sera reconnue comme un "symbole de terreur", inscrit dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.

    Dans un monde belliqueux dédié à la violence et à la mort, les symboles qui visent à inspirer la peur, l’horreur et la terreur, passent de main en main, d’époque en époque, et se répandent dans les forces militaires en guerre partout dans le monde.

    Le surprenant by-pass est que les forces militaires post-WorldWar II (en ce qui touche le War-Comics comme source de moral pour le troupes), éviteront de s’inspirer directement de la Totenkopf Nazie "crâne et des os croisés" étant donnée la charge historique ; mais le feront sous la forme de la tête-de-mort symbole du Punisher. Un malheureux choix, car elle aussi s’inspire de la Totenkopf Nazie, comme l’a révélé le magazine Forbes dans l’article :The Creator Of ‘The Punisher’ Wants To Reclaim The Iconic Skull From Police And Fringe Admirers.

    Parallèlement, la tête de mort nazie, continuera à être utilisé par des groupuscules extrémistes de droite et néo-nazis aux États-Unis, comme l’a démontré l’organisation ADL (Anti-Defamation League, créée 1913) dans une de ses enquêtes Bigots on Bikes-2011.

    Ce processus de récupération des symboles des personnages DC Comics et Marvel par des forces militaires pendant les guerres d’Irak et d’Afghanistan, appelés "Morale Patches non-réglementaires", fascine et donne encore aujourd’hui lieu à des thèses et des mémoires universitaires.

    Dans une étude pour la Loyola University of Chicago, Comics and Conflict : War and Patriotically Themed Comics in American Cultural History From World War II Through the Iraq War ; Cord A. Scott, cerne le moment ou la tête de mort Punisher commence à décorer les uniformes militaires pendant la guerre en Irak.

    (en 2003, NDLR), une unité de Navy SEAL en Irak a conçu des patchs avec l’emblème du crâne au centre, avec le slogan “God will judge our enemies we’ll arrange the meeting – Dieu jugera nos ennemis, nous organiserons la réunion.” Cela était cohérent avec le rôle original du personnage : comme une arme pour punir les coupables de leurs crimes contre la société, une mission qui reste la même qu’ils soient mafieux ou fedayin.

    Au fil de l’histoire, l’utilisation de la tête-de-mort Punisher ne se restreint pas aux forces militaires mais, au contraire, elle va se propager d’abord chez l’extrême droite puis dans la police américaine.

    Le phénomène s’extrapole en Europe vers 2010 et les premières photos de policier·ères français·es portant la tête de mort, datent de 2014, à Nantes. Cependant, des dizaines de policier·ères furent photographié depuis, affichant l’écusson, des foulards ou t-shirts avec la tête-de-mort Punisher.

    Récemment, dans une interview pour le Huffingtonpost, Gerry Conway l’auteur du comic Punisher, regrette le fait que cet insigne soit utilisé par les forces de police en France. Il explique pourquoi :

    “C’est assez dérangeant pour moi de voir les autorités porter l’emblème de ‘Punisher’ car il représente l’échec du système judiciaire. Ce symbole, c’est celui de l’effondrement de l’autorité morale et sociale. Il montre que certaines personnes ne peuvent pas compter sur des institutions telles que la police ou l’armée pour agir de manière juste et compétente”.

    Il est important de reconnaitre que la symbolique derrière ces insignes est très méconnue d’une grande partie de la population. Dans une situation où la police intervient, le calme, le respect et la neutralité religieuse, politique, de genre, sont des valeurs exigées pour éviter l’escalade de la violence. Lorsqu’un·e citoyen·ne face à la police aperçoit une tête-de-mort sur la tenue d’uniforme du policier et la locution « Le pardon est l’affaire de Dieu - notre rôle est d’organiser la rencontre » , que peut-ielle interpréter ? Une menace, un appel à la mort ?

    Le port de cet écusson bafoue le principe constitutionnel de neutralité auquel sont astreints tous les agents publics, ainsi que le code de la sécurité intérieure, lequel précise à son article R515-3 : « Les agents de police municipale s’acquittent de leurs missions dans le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales et des lois. ». De plus,L’affirmation « nous organisons la rencontre » est extrêmement inquiétante.

    Notre histoire, nos symboles, le ressort du repli identitaire.

    Le rapprochement entre la tête-de-mort Punisher et l’ancienne locution du commandant Arnaud-Amalric en 1209, " Tuez-les. Le Seigneur connaît ceux qui sont les siens", reprise et modifiée en "Dieu jugera nos ennemis, nous organisons la rencontre" n’est pas une coïncidence. Ces deux cultures qui semblent complètement éloignées, s’unissent dans un univers commun, celui du suprémacisme blanc, du nationalisme, du pan-européanisme et de la guerre des religions.

    Retrouvé, le fil perdu, l’histoire de ce "Morale Patche" Punisher avec sa locution qui fait référence aux croisades, se construit d’abord par la croissante islamophobie après les attentats de 2001 en Amérique. Puis il se matérialise pendant les incursions militaires en Irak et en Afghanistan. Dans l’image suivante, issue du magazine 1001mags-2009-Afganistan 2005, une panoplie d’écussons racistes, suprémacistes, font revivre à nouveau les croisades au Moyen Orient.

    L’affection identitaire aux Templiers et l’éloge des croisades catholiques au cœur de l’extrême droite sont bien connus. L’aspect inquiétant et qui semble de plus en plus une preuve que l’extrême droite s’investit dans les rangs policiers se dessine lorsque que nous corroborons que les deux idolâtrent les mêmes symboles.

    La dernière tragédie qui a frappé les agents de la paix doit sans l’ombre d’un doute interroger le Ministre de l’Intérieur sur l’utilisation de ce type de écussons. Un templier sur le bras d’un policier et un homme qui les attaque et leur crie "Allah Akbar", ne sont pas une pure coïncidence. La hiérarchie de police est responsable pour ce genre de dérives.

    A Paris, un agent de la BAC se balade comme un gangster à côté des manifestants, avec son holster super personnalisé et son tatouage représentant le bouclier du Captain America. Ce dernier renvoie d’abord à l’identité chrétienne puis au nationalisme. Historiquement, les guerriers Templiers ont anéanti la menace musulmane en Europe et au Moyen-Orient et ont permis au christianisme de se renouveler. Mais, ce policier ignore-t-il que les croisades ont fauché quelques 3.000.000 de vies en près de 200 ans ? Les croisades sont-elles vraiment un événement à glorifier et faire valoir dans la police ? Sommes-nous là devant un policier islamophobe ?

    A Marseille à l’été 2019, un autre policier de la BAC, qui au-delà de porter ses grenades (CS et GMD) dans les poches arrières de son pantalon, de manière non-réglementaire, exhibe ses tatouages. Le tatouage sur son bras droit est un des symboles les plus connus du christianisme, le Chrisme ("le Christ") avec l’Α-Alpha et l’Ω-Omega (le Christ est le début et la fin).

    Lorsqu’un.e citoyen.ne face à la police aperçoit le holster avec un guerrier templier, ou des tatouages chrétiens, cela peut être choquant et déclencher la peur. Encore pire, pour les communautés musulmanes en France, les réfugié·es, les sans-papiers, les gens du voyage, souvent victimes de contrôles au faciès par la police.

    Pour conclure ce sujet, qu’il s’agisse des Templiers ou du Punisher, tous deux exacerbent la violence, la vengeance, la suprématie blanche, des valeurs religieuses et l’éthique occidentale. Un code de conduite qui a été dans l’histoire imposé au monde à travers la violence, la mort, la colonisation et évidemment l’assimilation. En fin de compte, la grande question reste : quel est l’objectif de ces forces de l’ordre qui portent ces symboles dans la police républicaine ?

    Spartiates, les gardiens de la paix se trompent

    Ces agents de la police aveuglé·es par le repli identitaire, deviennent des Templiers mais aussi des Spartiates. Le "Force et Honneur" répondant à l’inspiration romaine, le “si vis pacem para bellum”, le ΜΟΛΩΝ ΛΑΒΕ et d’autres slogans repris depuis longtemps par l’extrême droite, débordent au sein de la police. D’autres agents arborent aussi la fleur de lys, symbole de la monarchie française et de la chrétienté.

    Pendant l’année de 2018, plusieurs symboles associés à l’Antiquité seront identifiés sur la tenue d’uniforme de policier·ères. En mai, sur une photo du journaliste Taha Bouhafs, on voit un CRS qui décore son uniforme avec l’insigne, ΜΟΛΩΝ ΛΑΒΕ, du grec - "viens prendre", référence à la bataille des Thermopyles. Un insigne, comme le "Lambda", très en vogue chez les groupuscules d’extrême droite comme la "Génération Identitaire".

    Dans le cas des écussons décorés avec le casque spartiate et qui définissent les unités d’intervention, ils sont pour la plupart réglementés et autorisées par les services de police. L’amalgame est plus insidieux, puisque le casque spartiate est utilisé en Grèce par les forces militaires, mais aussi par la police depuis plusieurs siècles. Le problème que pose l’utilisation de ce symbole nationaliste est que ces signes et insignes sont devenues depuis une cinquantaine d’années des slogans du lobby pro-arme américain, le symbole de milices, mais est aussi très répandu dans l’extrême droite haineuse.

    Le portrait plus angoissant et pervers de cet amour aux symboles est la violence que va avec. La hiérarchie se trompe et les gardiens de la paix aussi, quand ils acceptent de porter ce genre de symboles sans les questionner.

    La création de l’uniforme et des insignes, avaient comme objectif primaire le renforcement de l’image sociale et psychologique des anciens Sergents ou la Maréchaussée, et à partir du XIXe siècle des policiers, dans l’office de la répression et obéissance à la loi. Porter un écusson du roi était un symbole d’autorité, de la même façon que porter la Totenkopf dans le nazisme aspirait à la terreur.

    L’insigne officiel d’une des compagnies présentes le jour où les lycéen·nes de Mantes la Jolie ont été mis à genoux, portait l’écusson avec le casque spartiate. Effectivement, on parle de violence et de punition "in situ ", valeurs très éloignées de l’idée de gardien de la paix.

    Sur Checknews de Libération, au sujet du casque spartiate : “Rien d’étonnant à cela, puisque selon la préfecture des Yvelines, il s’agit « depuis très longtemps » de l’insigne officiel de la CSI (compagnie de sécurisation et d’intervention) du département, qui est intervenue hier. « C’est une compagnie de maintien de l’ordre, ils travaillent parfois avec des casques. Ils ont un casque sur leur uniforme, quel est le problème ? », dit la préfecture.”

    Un autre article du Figaro, Une petite ville bretonne s’inquiète d’une possible réunion néonazie, qui touche le sujet des franges radicales de l’extrême droite, identifie le même casque spartiate comme symbole de la “division nationaliste“.

    En Amérique, le mouvement suprémaciste blanc Identity Evropa, n’échappe pas au scan de PHAROS. Lors des manifestations de Berkeley en avril 2017, la plate-forme colaborative PHAROS (espace où les érudits et le public en général, peuvent s’informer sur les appropriations de l’antiquité gréco-romaine par des groupes haineux) explique que ces symboles sont utilisés par “les partisans de la théorie du « génocide blanc », soutenant des opinions anti-gay, anti-immigrés, antisémites et anti-féministes”., sont les mêmes symboles ou le même drapeau raciste “confédéré” affiché par des agents de police en France.

    Si dans le passé ces écussons spartiates avaient un sens, aujourd’hui leur utilisation parait complètement réactionnaire, et même dangereuse. Permettre que ce genre de concepts violents soit associé au travail des "gardiens de la paix" reflète un énorme manque de respect pour la profession, mais aussi pour la population française.

    Compte tenu des preuves et des liens de ces mêmes symboles avec les milieux extrémistes et violents, la négligence du gouvernement et de la hiérarchie s’accorde dans une résolution ; celle de l’acceptation de la violence et de l’extrémisme au sein de la police républicaine.

    Article sur : https://www.lamuledupape.com/2020/12/09/semiologie-la-police-dans-lepicentre-de-la-violence

    https://blogs.mediapart.fr/ricardo-parreira/blog/091220/semiologie-la-police-dans-l-epicentre-de-la-violence

    #vengeance #mort #tête_de_morts #racisme #fascisme #nazisme #écussons #signification #politique_des_symboles #légitimité #confiance #loi #code_vestimentaire #symboles_repères #néo-nazis #extrême_droite #suprémacisme_blanc #signes_faibles #idéologie #forces_de_l'ordre #France #dérive #Punisher #CRS #BAC #police_nationale #déontologie #neutralité_politique #uniforme #ΜΟΛΩΝ_ΛΑΒΕ #RGEPN #dérives #Batalhão_de_Operações_Policiais_Especiais (#BOPE) #Totenkopf #Marvel #Gerry_Conway #crâne #peur #horreur #terreur #Anti-Defamation_League (#ADL) #Morale_Patches_non-réglementaires #escalade_de_la_violence #Templiers #croisades #Captain_America #tatouages #Chrisme #Α-Alpha #Ω-Omega #contrôles_au_faciès #Spartiates #Force_et_Honneur #slogans #Lambda #génération_identitaire #nationalisme

    ping @karine4

    déjà signalé en 2020 par @marielle :
    https://seenthis.net/messages/890630

  • « Une obligation vaccinale n’avait plus de sens »
    https://www.lessentiel.lu/fr/story/une-obligation-vaccinale-navait-plus-de-sens-396749639939

    LUXEMBOURG – L’absence d’obligation de se faire vacciner au Covid-19 est plutôt bien perçue dans le secteur des soins, au lendemain des annonces des experts.

    « Ce serait une bonne chose que le vaccin ne devienne pas obligatoire », indique Marine*, aide-soignante, au lendemain de l’annonce du groupe d’experts préconisant une obligation vaccinale pour les plus de 50 ans, mais pas pour le personnel du secteur des soins. Les virologues et infectiologues estiment que le vaccin protège des formes graves mais trop peu du virus, ce qui empêche la stratégie du bouclier sanitaire. Le Conseil de gouvernement évoquera le sujet vendredi, et effectuera ses annonces plus tard.


    Les experts ne préconisent plus d’obligation vaccinale au Covid-19 dans le secteur des soins.

    L’Association nationale des infirmières et infirmiers du Luxembourg (ANIL) estime qu’une obligation vaccinale pour les soignants, préconisée par les mêmes experts en janvier, « n’avait plus de sens pour le secteur des soins aujourd’hui, car les faits montrent qu’une vaccination ne peut pas empêcher une infection ».

    « Une obligation morale à se faire vacciner »
    L’organisation professionnelle se réjouit donc du nouvel avis des experts et insiste sur « les mesures sanitaires élémentaires, enseignées pendant notre formation ». Marine* reconnaît que « sur ce sujet, il y a différents points de vue » dans la profession : « Bien sûr, nous avons le souci de nos patients, souligne-t-elle. Mais très peu ont été vraiment malades du Covid récemment. Moi, j’ai eu trois doses et pour le moment cela suffit. C’est mon avis aujourd’hui et beaucoup de mes collègues sont sur la même ligne. Peut-être qu’il évoluera si à l’avenir les cas s’aggravent ».

    Éric, un médecin hospitalier, ne partage pas ce point de vue. Tout en reconnaissant que « le vaccin n’empêche pas les infections et donc ne participe pas au bouclier sanitaire », il avance des raisons éthiques : « Je persiste à croire qu’il y a une obligation morale à se faire vacciner quand on est soignant. Ou alors on a mal choisi son métier ! ».

    #morale #vaccins #covid #covid-19 #coronavirus #soignantes #soignants #experts

  • Activision Blizzard employees say HR department failed them
    https://www.axios.com/activision-blizzard-harassment-lawsuit-hr-da4f678a-510c-4975-9d64-f5d744aa5c0

    Following a lawsuit filed by California against Activision Blizzard, allegations of harassment, misconduct, and assault continue to emerge from people who point to the company’s HR department as being part of the larger problem.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #activision_blizzard #harcèlement #envirnonement_toxique #ressources_humaines #j_allen_brack #andrew_buczacki #éthique #morale #valeurs

  • « Pas de #justice, pas de littérature »
    https://laviedesidees.fr/Pas-de-justice-pas-de-litterature.html

    Les relations entre la #littérature et le #droit ont longtemps été considérées sous l’angle du droit d’auteur, de la représentation imaginaire de l’univers juridique, et des procès d’écrivains. La critique judiciaire, telle que la pratique Caroline Julliot, fait émerger une nouvelle vérité des textes en convoquant des créatures de fiction au tribunal.

    #Arts #morale
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202201_julliot.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20220121_julliot.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20220121_julliot.pdf

  • Grand débat : Y aurait il assez de place sur les murs du Pentagone pour inscrire les actes « inhumains » des US depuis 70 ans ?

    "Crise des migrants : Washington dit « préparer » de nouvelles sanctions contre les actes « inhumains » en Biélorussie"

    https://www.lci.fr/international/en-direct-crise-migratoire-frontiere-bielorussie-pologne-belarus-washington-dit-

    #inhumain #Washington #Biélorussie #Etats_Unis #morale #politique #droits_de_l_homme_américain #international #monde #société #totalitarisme #changement #vangauguin