• Trump 2.0 : interdire de dire pour mieux empêcher de penser

    Le New York Times a compilé plus de 200 mots que la nouvelle administration Trump aimerait bannir des documents et sites web officiels, dont « femme », « racisme » ou encore « pollution » (https://seenthis.net/messages/1102535). Des mots liés au genre, aux minorités sexuelles ou ethniques, ainsi qu’au changement climatique. Cette liste bouleverse la communauté scientifique et universitaire mondiale, mais les attaques sur la langue font partie de l’arsenal habituel des totalitarismes.

    Le 7 mars dernier, le New York Times publiait la liste des mots déconseillés « déconseillés » par l’administration Trump pour l’ensemble des acteurs publics des États-Unis, sans distinction. En ces temps de sidération où les impérialismes et les totalitarismes reviennent à la mode, on pourrait prendre le risque confortable d’analyser cet épisode trumpiste en citant le fameux roman 1984, de George Orwell, et les liens qu’il y tisse entre langue et idéologie. Cette analogie est partiellement pertinente et montre surtout que nous avons plus que jamais besoin des sciences du langage pour comprendre les dérives populistes de nos démocraties.
    L’arme du langage, un classique des régimes totalitaires

    De nombreux travaux en sciences du langage, dans une grande variété d’approches et de domaines, ont assez largement montré que les attaques sur la langue font partie de l’arsenal habituel des totalitarismes : il s’agit en effet de s’attacher uniquement aux symboles et de leur faire prendre toute la place, pour effacer progressivement toute forme de nuance et de sens des mots. On préfère donc les références vagues et généralisantes, qui offrent une forme de « prêt à réagir » commode, en excitant les émotions et les affects, et qui ne s’embarrassent pas de complexité.

    Bien sûr, les régimes totalitaires européens ont été maintes fois étudiés pour comprendre leur rapport au langage. En effet, il s’agit par le langage de transmettre l’idéologie du pouvoir en place, d’utiliser certains effets de style rhétoriques pour détourner l’attention et imposer une vision du monde par la force et, ce faisant, de créer une véritable ingénierie linguistique qui a ensuite pour but d’inhiber certains comportements et de favoriser la dissémination des croyances autorisées par le pouvoir en place. Ces éléments se vérifient un peu partout – que l’on parle d’Hitler, de Staline, de Mussolini, de Poutine ou bien encore de Trump.
    La langue, instrument du pouvoir trumpien : mots interdits, livres interdits et langue nationale

    Alors bien sûr, si l’on revient très précisément à la liste des mots interdits, et que l’on se focalise exclusivement dessus, force est de constater que l’on y retrouve une liste assez incroyable de notions : même des termes comme « genre », « femme », « pollution », « sexe », « handicap », « traumatisme » ou « victime » se retrouvent visés.

    Mais s’en étonner, c’est ignorer la construction d’un véritable programme antiwoke qui anime les franges républicaines radicales depuis plusieurs années déjà. Et cette réalité concerne tous les pays du monde, car il s’agit ici du programme d’une véritable internationale réactionnaire qui s’inscrit dans une patiente évolution politique et économique, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans le paradigme du capitalisme néolibéral international.

    De ce fait, tout ceci n’est donc pas qu’une histoire de mots. En réalité, dès le début du nouveau mandat de Trump, son administration s’est attaquée au langage sous toutes ses formes. Ainsi, l’interdiction d’une grande variété de livres dans les écoles et les bibliothèques a atteint de nouveaux sommets et, le 2 mars dernier, Trump a signé un décret pour faire de l’anglais la langue officielle des États-Unis – une manière claire d’affirmer la suprématie blanche et anglo-saxonne (une antienne classique des communautés WASP – pour White Anglo-Saxon Protestant, ndlr ) sur les autres communautés états-uniennes, en mettant ainsi de côté la langue espagnole et son essor considérable aux États-Unis, notamment.
    Attaquer la langue, c’est attaquer la science

    Si l’on revient à cette fameuse liste de mots, on remarque également qu’une grande majorité d’entre eux est en lien direct avec les sciences humaines et sociales et les sciences de l’environnement, et ce, de manière éclatante – sans parler des connexions évidentes avec les sphères militantes progressistes.

    Une rapide analyse par le logiciel Tropes, notamment, permet de mettre en lumière les grands champs thématiques ciblés par cette liste, à savoir l’environnement, la diversité, la justice et les inégalités sociales, la santé et le handicap, la dimension psychoaffective, la sexualité, les discriminations et, bien sûr, le langage.

    On retrouve dans cette liste, outre des généralités confondantes de stupidité (comment simplement éliminer le mot « féminin » des politiques publiques), les thématiques centrales des recherches en sciences humaines et sociales et en sciences de l’environnement – thématiques qui ont à la fois été partagées par les sphères activistes et par des décisions politiques progressistes. Le plus intéressant est ce que cette liste nous dit du logiciel idéologique du musko-trumpisme : un masculinisme raciste, sexiste, transphobe, suprémaciste et climaticide qui se moque des inégalités sociales et de leurs conséquences économiques et communautaires, tout en étant antiscience et pro-ingénierie.

    En effet, le concept de « matière noire sémantique » montre que les mots absents nous disent autant de choses que les mots présents. Une mise en miroir commode qui montre donc que si la liste évacue le mot « féminin (female) », c’est que le mot « masculin (male) » semble considéré comme important et central. Ce petit exercice peut se faire avec n’importe quel terme et montre l’étendue du programme idéologique de ce nouveau mandat du président Trump.

    Mais il ne s’agit pas que de mots ; en lien avec cette liste, des actions politiques très concrètes sont menées. Par exemple, le fait que cette liste de mots interdits soit suivie du licenciement de la scientifique en chef de la Nasa, à savoir la climatologue Katherine Calvin, n’est pas une coïncidence.
    « Aucune chance que ça arrive en France » – vraiment ?

    Vu de France, l’accélération dystopique que représente la présidence de Trump pourrait paraître lointaine, si elle ne s’accompagnait pas d’une progression des thèmes de l’extrême droite partout en Europe, ainsi que d’une influence croissante de Poutine sur les vies de nos démocraties (et sur l’avenir de l’Europe, bien évidemment).

    Et pourtant, sans aller jusqu’à une interdiction langagière officielle, on entend les mêmes petites musiques s’élever doucement, lorsque le président Macron rend les sciences sociales coupables « d’ethnicisation de la question sociale », quand l’ancien ministre Blanquer nourrit une obsession pour l’« islamogauchisme » qui serait partout tout en restant indéfinissable – ou quand certains intellectuels, non spécialistes mais forts de leurs opinions, confondent science et sentiment personnel dans un colloque contre le wokisme, tout en ciblant délibérément les travaux des sciences humaines et sociales, en se vautrant dans la création d’un think tank qui se donne des airs d’observatoire scientifique.

    Si l’Histoire des États-Unis et celle de la France n’ont pas grand-chose en commun, mis à part le creuset idéologique des Lumières et le sentiment d’avoir une mission universaliste à accomplir auprès du reste du monde, il n’en reste pas moins que le modèle républicain, dans sa version la plus homogénéisante de l’universalisme, est souvent tentée d’interdire – surtout quand il s’agit de femmes ou de personnes issues de la communauté musulmane, comme cela a été le cas avec la désolante polémique du burkini.

    S’attaquer aux mots est donc tout à fait à notre portée – surtout pour un pays qui a longtemps maltraité ses langues régionales et dont les représentants s’enfoncent régulièrement dans la glottophobie, pour reprendre les travaux de Philippe Blanchet sur le sujet. En tout état de cause, la cancel culture ne vient pas toujours de là où l’on croit – et interdire de dire les termes, c’est empêcher d’accéder au réel.

    https://theconversation.com/trump-2-0-interdire-de-dire-pour-mieux-empecher-de-penser-252129

    #liste #mots #vocabulaire #USA #interdiction #liste

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    voir aussi ce (long) fil de discussion :
    Federal health workers terrified after ’DEI’ website publishes list of ’targets’
    https://seenthis.net/messages/1096801

  • La guerre à l’#accès_aux_droits des étrangers

    Pour les avocats spécialisés en #droit_des_étrangers, la tâche est ardue. Ils occupent une position dominée dans leur champ, les lois évoluent très vite, et une nouvelle forme de #violence se fait jour, y compris contre les magistrats : des campagnes diffamatoires par des médias d’extrême droite – jusqu’à rendre publics les noms des « coupables de l’invasion migratoire ».
    Le gouvernement Bayrou, dans une continuité incrémentale avec l’orientation répressive déjà actée par les gouvernements Attal puis Barnier, est entré dans une #guerre ouverte contre les étrangers.

    L’arsenal lexical et juridique déployé en témoigne : de la #rhétorique de la « #submersion » à l’enterrement du #droit_du_sol à #Mayotte, en passant par la restriction drastique des conditions pour l’#admission_exceptionnelle_auséjour, l’attitude belliqueuse de l’exécutif et de ses alliés dans l’hémicycle n’a de cesse de s’affirmer et de s’assumer, quitte à remettre en cause l’#État_de_droit qui, selon Bruno Retailleau, ne serait désormais ni « intangible, ni sacré ».

    Il faut dire aussi que le vent xénophobe qui souffle sur l’Europe ne fait qu’encourager ces choix nationaux décomplexés : le Nouveau Pacte européen sur l’asile et l’immigration, adopté au printemps 2024 et dont le Plan français de mise en œuvre n’a pas été rendu public malgré les diverses sollicitations associatives, a déjà entériné le renforcement des contrôles aux frontières extérieures, la banalisation de l’#enfermement et du #fichage des étrangers[1],dans un souci de résister « aux situations de #crise et de #force_majeure ».

    C’est donc dans ce contexte politique hostile, caractérisé entre autres par une effervescence législative remarquable qui les oblige à se former constamment, que les avocats exercent leur métier. Ainsi, défendre les droits des personnes étrangères est difficile, d’abord et avant tout parce qu’ils en ont de moins en moins.

    Deuxièmement, les conditions pour exercer le métier afin de défendre ce qui reste de ces #droits peuvent être difficiles, notamment à cause des contraintes multiples d’ordre économique, symbolique ou encore procédural. Tout d’abord, ces professionnels savent qu’ils pratiquent un droit doublement « des pauvres » : d’une part, cette matière est plutôt dépréciée par une grande partie des collègues et magistrats, car souvent perçue comme un droit politique et de second rang, donnant lieu à des contentieux « de masse » répétitifs et donc inintéressants (on aurait plutôt envie de dire « déshumanisants ») ; d’autre part, ces mêmes clients ont souvent réellement des difficultés financières, ce qui explique que la rémunération de leur avocat passe fréquemment par l’#Aide_Juridictionnelle (AJ), dont le montant est loin d’évoluer suivant le taux d’inflation.

    Concernant les obstacles d’ordre procédural, la liste est longue. Que ce soit pour contester une décision d’éloignement du territoire ou une expulsion de terrain devenu lieu de vie informel, le travail de l’avocat doit se faire vite. Souvent, il ne peut être réalisé dans les temps que grâce aux collaborations avec des bénévoles associatifs déjà débordés et à bout de souffle, mais proches des situations de terrain, et donc seuls à même de collecter les nombreuses pièces à déposer pour la demande de l’AJ ou encore pour apporter les preuves des violences subies par les justiciables lors d’évacuations ou d’interpellations musclées. Pour gagner ? Pas autant de fois qu’espéré : les décisions de #justice décevantes sont légion, soit parce qu’elles interviennent ex post, lorsque la #réparation du tort n’est plus possible, soit parce qu’elles entérinent l’#impunité des responsables d’abus, soit parce que, même lorsqu’elles donnent raison aux plaignants, elles ne sont pas exécutées par les préfectures, ou encore elles ont peu de pouvoir dissuasif sur des pratiques policières ou administratives récidivantes.

    Enfin, même lorsque des droits des étrangers existent toujours sur le papier, en faire jouir les titulaires est un parcours du combattant : l’exemple de la #dématérialisation des services publics est un exemple flagrant. Assurément, Franz Kafka en aurait été très inspiré : toutes les démarches liées au #droit_au_séjour des étrangers doivent désormais se faire en ligne, alors que dans certaines préfectures l’impossibilité de prendre un rendez-vous en des temps compatibles avec le renouvellement du #titre_de_séjour fait plonger dans l’#irrégularité beaucoup de personnes parfois durablement installées et insérées professionnellement en France.

    Même la Défenseure des droits, dans un rapport rendu public le 11 décembre 2024, a épinglé l’#Administration_numérique_des_étrangers_en_France (#ANEF) en pointant du doigt sa #responsabilité en matière d’« #atteintes_massives » aux droits des usagers. Parmi ces derniers, les étrangers sont de plus en plus nombreux à faire appel à des avocats censés demander justice en cas de risque ou de perte du droit au séjour à la suite des couacs divers en #préfecture, dans sa version numérique ou non, comme dans le cas des « #refus_de_guichet ». Et encore une fois, pour les avocats il s’agit d’intenter des #procédures_d’urgence (les #référés), qui engorgent la #justice_administrative à cause de dysfonctionnements généralisés dont les responsables sont pourtant les guichets de ce qui reste du #service_public.

    Ces dysfonctionnements sont au cœur d’une stratégie sournoise et très efficace de #fabrication_de_sans-papiers, et les craintes des personnes étrangères sont d’ailleurs bien fondées : avec l’entrée en vigueur de la nouvelle #loi_immigration, dite Darmanin, les refus ou pertes de titre de séjours sont assorties d’obligations de quitter le territoire français (#OQTF), avec, à la clé, le risque d’enfermement en #Centre_de_Rétention_Administrative (#CRA) et d’#éloignement_du_territoire.

    Au vu du nombre grandissant d’étrangers déjà en situation irrégulière ou craignant de le devenir, des nouvelles entreprises privées y ont vu un marché lucratif : elles vendent en effet à ces clients potentiels des démarches censées faciliter leur #régularisation ou encore l’accès à la nationalité française. À coup de pubs sur les réseaux sociaux et dans le métro, puis de slogans aguicheurs (« Devenez citoyen français et démarrez une nouvelle vie ! ») et de visuels bleu-blanc-rouges, ces entreprises facturent des prestations de préparation de dossier à plusieurs centaines voire milliers d’euros, sans toutefois vérifier systématiquement l’éligibilité de la personne au titre demandé et donc sans même garantir le dépôt effectif du dossier[2].Qui sont donc ces magiciens autoproclamés des procédures, qui se font payer à prix d’or ? Les équipes sont présentées sur les sites de ces entreprises comme étant composées d’« experts spécialisés en démarches administratives », et encore de « conseillers dévoués ». Si l’accompagnement d’un avocat est nécessaire ou souhaité, mieux vaut aller voir ailleurs avant d’avoir signé le premier chèque…

    Les temps sont donc troubles. Et ils le sont aussi parce que les vrais professionnels du droit, celles et ceux qui ne cessent de se mettre à jour des derniers changements législatifs ou procéduraux, et de travailler en essayant de tenir les délais de plus en plus serrés de la justice (au rabais) des étrangers, sont ouvertement menacés.

    Le cas du hors-série n° 1 du magazine Frontières est exemplaire d’une attitude fascisante et décomplexée, déterminée à jeter le discrédit sur les avocats, les #magistrats et les #auxiliaires_de_justice (accompagnés bien sûr des ONG, associations, et universitaires « woke »), coupables de défendre les droits de celles et ceux que la fachosphère voudrait bien rayer de la catégorie de justiciables : les #étrangers. Discrédit qui devient #menace et #mise_en_danger, lorsque les noms, les prénoms, la fonction et le lieu d’exercice de ces maîtres à abattre sont rendus publics : en effet, ces supposés coupables du « #chaos_migratoire » sont explicitement identifiés dans ces pages. Plus précisément, plusieurs dizaines d’« #avocats_militants », profitant des dossiers de l’aide juridictionnelle pour « passer des vacances au soleil toute l’année », sont nommément pris à parti. Les magistrats ne sont pas épargnés dans cette cabale, et le magazine les épingle également.

    Plusieurs sonnettes d’alarme ont été tirées, du Conseil des barreaux européens (CCBE) au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTA) : cette dernière instance relevant du Conseil d’État, généralement très discrète, s’est exprimée publiquement le 11 février dernier pour dénoncer sans ambiguïté les injures et menaces proférées nominativement à l’encontre d’avocats et #juges, ainsi que la mise en cause de l’#indépendance et de l’#impartialité de la justice administrative, estimant que « toutes les suites pénales susceptibles d’être engagées doivent l’être ». La matière pour le faire ne semble pas manquer, et des #plaintes avec constitution de partie civile ont déjà été déposées par le passé par des magistrats, donnant lieu à des contentieux pénaux dont certains sont encore en cours. Mais face à la montée des récriminations violentes contre les juges « rouges », plusieurs juridictions s’organisent pour attribuer la #protection_fonctionnelle à leur personnel.
    Et ce n’est pas bon signe.

    Malgré le soutien de #Gérald_Darmanin aux magistrats menacés, dans ses nouvelles fonctions de Ministre de la Justice, son homologue de l’Intérieur a repris un vieux cheval de bataille qui revient à fustiger la supposée « #confiscation_du_pouvoir_normatif » par les juridictions européennes ou nationales : en défendant la légitimité du #non-respect_du_droit lorsqu’il est considéré incompatible avec les principes nationaux, une brèche de plus a été ouverte par #Bruno_Retailleau pour qui « on doit changer la loi. Aujourd’hui, on a quantité de règles juridiques qui ne protègent pas la société française ».

    En réalité, Gérald Darmanin doit en partager le raisonnement, puisque, lorsqu’il était lui-même à l’Intérieur, il avait osé autoriser l’expulsion d’un ressortissant Ouzbèke soupçonné de radicalisation malgré la décision contraire de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), pour ensuite être débouté par le juge des référés du Conseil d’État qui avait enjoint sa réadmission. Ce #contrôle_juridictionnel est considéré par un nombre croissant d’élus, et d’internautes violents, comme excessif et nuisible à l’efficacité du maintien de l’ordre. De là à traiter les avocats et magistrats « fautifs » de trop brider les ambitions sécuritaires du gouvernement comme des ennemis intérieurs, il n’y a qu’un pas.

    Les plus optimistes pourront toujours considérer le #Conseil_Constitutionnel comme le dernier rempart vis-à-vis des risques d’ingérence de l’exécutif sur le judiciaire. Mais que peut-on attendre de cette institution et de son #impartialité, lorsque l’on sait que les « Sages » sont souvent d’anciens professionnels de la politique, peu ou pas formés au droit, dont #Richard_Ferrand, à peine nommé, est un exemple parfait ?

    L’histoire nous le dira. En attendant, il serait opportun de penser à faire front.

    https://aoc.media/analyse/2025/03/16/la-guerre-a-lacces-aux-droits-des-etrangers
    #mots #vocabulaire #terminologie #Etat_de_droit #xénophobie #contrôles_frontaliers #avocats #juges_rouges
    ping @reka @isskein @karine4

  • De l’#économie_de_guerre à la #guerre_sociale

    Pour financer le projet de #réarmement européen, le pouvoir et le camp néolibéral convoquent l’économie de guerre. Mais derrière cette appellation, ils pensent à tout autre chose qu’à une mobilisation des moyens économiques pour la sécurité du pays : imposer par la ruse leur agenda d’#austérité sociale.

    L’expression est désormais dans tous les discours. Elle sature même l’espace public. Du matin au soir, responsables politiques, économistes, observateurs géopolitiques convoquent « l’économie de guerre » pour souligner la gravité du moment.

    L’appellation est si claire qu’elle ne paraît appeler ni précision ni contestation. L’humiliation publique du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, par Donald Trump et son vice-président, J. D. Vance, les doutes qui planent sur la solidité de l’alliance transatlantique alimentent un climat de peur et d’angoisse partout en Europe. Chaque État membre a compris l’urgence de se réarmer et d’affirmer la #sécurité et l’indépendance du continent. Pourtant, dans aucun pays, en dehors de la France, on ne parle d’économie de guerre. Les autres États préfèrent évoquer des plans de réarmement, de renforcement de leurs capacités militaires, de sécurité.

    Avec raison, selon un connaisseur du monde de la défense, irrité par le détournement des concepts, la « grandiloquence inutile » des débats en France : « Mais de quoi parle-t-on ? Nous ne sommes pas en guerre. Il ne s’agit pas de consacrer l’essentiel de nos ressources à la guerre comme en 1914 mais d’augmenter les #dépenses_militaires pour les porter à 3-3,5 % du PIB. Pendant toute la guerre froide jusqu’en 1994, la France a consacré 5 % de son PIB à sa défense. On ne parlait pas alors d’économie de guerre. »

    Une économie sous le contrôle de l’État

    De nombreux travaux ont été menés par des historiens et des économistes sur les économies de guerre, un sujet malheureusement très fréquent dans l’histoire. Même s’il y a eu de nombreuses évolutions dans le temps, tous relèvent des caractéristiques précises dans les économies de guerre modernes.

    Cela peut paraître une évidence, mais il faut quand même l’énoncer : une économie de guerre s’applique à un pays en guerre, comme en Ukraine actuellement. Le conflit entraîne des pénuries, des ruptures dans les approvisionnements (énergie, produits alimentaires, matières premières) qui amènent le pouvoir à mobiliser toutes ses ressources pour assurer sa défense et sa sécurité.

    « La première grande mobilisation moderne, c’est la levée en masse au moment de la Révolution. Mais l’économie de guerre au sens actuel intervient avec l’industrialisation qui amène des guerres totales », explique Cédric Mas, historien militaire*. La guerre de 1914 est l’exemple le plus souvent cité : l’ensemble des moyens humains, économiques et financiers ont été alors mobilisés pour assurer la défense du pays. Alors qu’il n’existait pas d’impôt sur le revenu en France, l’épargne française fut requise pour payer l’effort de guerre, sous la direction de l’État.

    Car à circonstances exceptionnelles, moyens et mesures exceptionnels. « La défense ne peut plus être faite en laissant le libre jeu au marché, à la concurrence », rappelle Cédric Mas. Les besoins militaires, les ruptures et les pénuries dans les approvisionnements amènent le pouvoir à prendre des mesures coercitives pour répondre aux demandes des armées et assurer la défense du pays et sa survie.

    « Dans une économie en guerre, la production et la consommation se retrouvent organisées par l’État », résume Éric Monnet, directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’École d’économie de Paris. « L’économie de guerre, c’est la subordination de l’appareil productif et des importations à l’effort militaire », complète Éric Dor, professeur d’économie à l’Ieseg School. En un mot, tout est décidé et orienté par l’État. L’économie devient totalement administrée, sous la conduite d’entités centralisées.

    Cette prise en main par l’État des moyens économiques se traduit souvent par des dispositions complémentaires drastiques comme la fin de la liberté de circulation des capitaux, le rationnement de certains produits, un contrôle des prix, voire une fixation autoritaire des prix. Ces mesures sont souvent accompagnées de taxations exceptionnelles contre les « profiteurs de guerre ».

    La seule énumération de ces mesures ne laisse aucun doute sur le sujet : ce n’est pas à ce cadre réglementaire que se réfèrent les responsables politiques et certains économistes lorsqu’ils convoquent actuellement l’économie de guerre dans leurs propos. La plus petite disposition qui marquerait les prémices d’un retour à une économie administrée leur ferait pousser des cris d’orfraie.
    Dans les pas du rapport Draghi

    Le plan de réarmement européen n’imagine d’ailleurs pas cela. Il s’inscrit, sans le dire explicitement, dans la continuité du rapport Draghi. Présenté à l’automne, celui-ci pointait la nécessité d’une reprise en main rapide des États membres, d’une relance des investissements productifs et dans la recherche, sous peine de disqualification européenne face à la Chine et aux États-Unis. Nombre de responsables européens avaient applaudi, déclarant que le rapport Draghi devait devenir la « feuille de route » de l’Union européenne (UE). Avant d’ajouter : « Mais il y a le veto allemand. »

    Le revirement stratégique du futur chancelier allemand, Friedrich Merz, appelant son pays et l’Union à devenir indépendants des États-Unis et à assumer la défense du continent a provoqué un électrochoc. Brusquement, nombre de verrous qui pesaient sur la zone euro ont sauté. Les dépenses d’investissement militaires, comme le demandait la France depuis deux décennies, pourraient ne plus être comptabilisées dans les règles du traité de Maastricht. L’utilisation de fonds européens pourrait être rendue possible.

    Surtout, l’Allemagne se dit prête à abandonner sa politique économique restrictive et à lancer un vaste plan de relance d’investissements dans la défense et les infrastructures stratégiques. Un changement attendu depuis quinze ans, mais qui reste conditionné à l’adoption d’une réforme constitutionnelle brisant les règles d’airain sur le déficit budgétaire.

    Saisissant ce moment unique, la Commission européenne pousse les feux. Même si les chiffres annoncés sont loin des efforts préconisés par le rapport Draghi, ils s’inscrivent dans cet esprit. Ils entérinent un effort massif d’investissement pour la défense et les infrastructures stratégiques. Le rapport prévoit aussi un recours massif à l’épargne privée européenne, censée poser les fondements d’une union de l’épargne et des capitaux. Un succédané de l’Union bancaire que Mario Draghi et les responsables européens appellent de leur vœu.
    Les leçons du plan Biden

    « Tel qu’il est présenté à ce stade, il pourrait s’apparenter à un vaste plan de relance industriel européen à partir de la défense », analyse Éric Monnet. Alors que les économies européennes sont en stagnation depuis une décennie, que le continent est menacé de déclassement industriel, l’idée de saisir l’urgence du moment et d’utiliser les dépenses militaires considérées comme un puissant levier de recherche, d’innovation et de soutien industriel, pour assurer à la fois la sécurité du continent et remettre l’économie européenne sur les rails, fait sens.

    Est-ce un des objectifs poursuivis par l’UE ? Beaucoup de flou, d’incertitudes, d’ambiguïtés demeurent. Au point que certains redoutent que, passé les déclarations martiales, celles-ci n’aboutissent qu’« à des paroles verbales », et qu’une fois de plus l’Europe ne soit pas au rendez-vous.

    Car au-delà des annonces, un cadre précis doit être dressé. En matière de défense, c’est la commande publique qui donne normalement l’impulsion. Mais qui décidera, l’UE, les États ou les industriels ? L’Union européenne est-elle prête à mettre entre parenthèses son principe de « libre concurrence » pour donner une préférence européenne, voire nationale dans certains cas ? En un mot, y aura-t-il une organisation, une planification pour mener ce projet de réarmement européen ?

    Les réponses à ces questions sont essentielles pour la suite. Car les leçons du vaste plan de réindustrialisation lancé par Joe Biden au travers de plusieurs programmes (Inflation reduction Act, Chips Act, Renewable energy and efficency Act) doivent être tirées. Malgré les centaines de milliards de dollars apportés par le Trésor américain, les retombées ont été jugées insuffisantes par les Américains. L’échec relatif de ce plan a participé à la réélection de Donald Trump.

    Pour l’économiste James Galbraith, la déception du plan Biden découle d’une faute originelle : le refus d’intervention étatique. À la différence du New Deal lancé par Roosevelt, Joe Biden a refusé d’engager le pouvoir étatique et les ressources publiques pour définir, arrêter, contrôler les productions et les techniques nécessaires, préférant s’en remettre aux entreprises privées pour faire ces arbitrages. Or celles-ci décident des productions, des technologies à mettre en œuvre en fonction de leurs intérêts, du profit et du pouvoir qu’elles peuvent en escompter, pas en fonction de l’intérêt général.

    Le plan européen risque d’être confronté aux mêmes ambiguïtés, faute d’éclaircissements. À cela s’ajoute une autre inconnue, de taille : l’appareil industriel européen est-il en capacité de répondre aux besoins de défense européens ? Face à l’urgence invoquée, les milliards que l’UE entend demander à l’épargne privée européenne ne vont-ils pas se transformer en achats massifs d’équipements américains ou autres, avec de faibles retombées pour le continent ?
    L’agenda inchangé du néolibéralisme

    Alors que l’Europe pourrait s’engager dans une transformation existentielle, on attendrait des échanges sérieux, des éclaircissements approfondis. Des débats ont commencé dans d’autres pays sur les buts et les modalités de ce projet. En France, rien de tel.

    La nécessité d’augmenter les dépenses militaires que les gouvernements successifs ont négligées pendant plus de vingt ans ne fait pas débat. La question de savoir comment mobiliser de nouvelles ressources dans un contexte de délabrement budgétaire et d’endettement massif après huit années de macronisme mérite, elle, d’être analysée, discutée, arbitrée. Et ne peut se satisfaire de réponses simplistes.

    Mais pour le pouvoir, tout se résume pour l’instant à un seul slogan : l’économie de guerre. La peur et l’urgence étant censées éteindre toutes les réflexions.

    « Il est difficile de parler d’austérité, de réforme. Tout cela ne passe plus auprès de la population. Mais le logiciel néolibéral reste inchangé. Comme au moment du covid, ils mobilisent le champ lexical militaire pour faire passer des mesures qui ne passeraient pas autrement », relève Cédric Mas.

    Au nom de la défense de la nation face à l’impérialisme russe, le camp néolibéral est reparti sans attendre en campagne. « Augmenter le temps de travail, restreindre l’accès à l’assurance-chômage, partir en retraite plus tard, simplifier radicalement la vie des entreprises, libérer l’innovation sont désormais des impératifs sécuritaires », s’est empressé d’écrire l’économiste Nicolas Bouzou, régulièrement rémunéré par les entreprises du CAC 40 pour publier des études « positives ».

    Depuis, c’est le concours Lépine des propositions de réformes, plus brutales et régressives les unes que les autres. Tout y passe : l’âge et le financement de la retraite, la énième réforme de l’assurance-chômage, le temps de travail, les services publics, l’environnement... Le tout sur fond de déréglementation absolue, de suppression des normes, des règles, des lois qui brident l’énergie, qui entravent la liberté du capital. C’est-à-dire l’inverse d’une économie de guerre.

    Par ruse, ce qui est présenté comme un impératif de sécurité face à la montée des tensions géopolitiques avec la Russie et aux incertitudes américaines se transforme en une guerre sociale. Ce qui pourrait devenir un plan de relance militaire et industriel européen se décline à nouveau sous forme d’austérité et de régression, pour le seul profit du capital.
    L’indispensable adhésion

    Sans aucune prise de distance, Emmanuel Macron a repris cet agenda, le même qu’il décline depuis huit ans. Tout en appelant à la mobilisation et à l’unité, il a tenu à souligner d’emblée que les augmentations de dépenses militaires seraient faites « sans impôt », mais avec des « réformes », appelant tous les corps sociaux à lui donner des idées.

    Cette obstination du chef de l’État à défendre « quoi qu’il en coûte » tous les préceptes néolibéraux, qui ont pourtant démontré leurs failles, voire leur faillite, depuis plus d’une décennie ne peut que surprendre. Surtout pour un responsable qui ne cesse de prôner le changement, la mobilité intellectuelle face aux événements du monde.

    Comment peut-il croire que ces régressions sociales qu’il avance depuis huit ans et qui suscitent un rejet grandissant pourront brusquement être acceptées sous le motif de la sécurité ? Comment penser faire l’unité quand il exonère par avance, au mépris des fondements de la République, les puissances d’argent de toute contribution à la sécurité et à la défense du pays ? Plus prosaïquement, comment espérer mobiliser l’argent des Français quand dans le même temps le gouvernement nourrit une insécurité sociale à tous les niveaux, qui ne peut qu’alimenter la défiance ?

    « Dans toutes les économies de guerre, il y a un élément indispensable pour soutenir la mobilisation des ressources et la cohésion d’un pays : c’est l’adhésion de la population. Sinon, cela se transforme en révolte ou en rejet. C’est ce qui s’est passé en 1918 en Russie », rappelle Éric Monnet. En plantant d’emblée un cadre déséquilibré, renforçant des inégalités déjà galopantes, Emmanuel Macron risque de ne jamais trouver cette adhésion.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/090325/de-l-economie-de-guerre-la-guerre-sociale
    #macronisme #France #guerre #néolibéralisme #mots #vocabulaire #terminologie #industrialisation #plan_de_réarmement_européen #réarmement_européen #rapport_Draghi #Allemagne #infrastructures_stratégiques #déficit_budgétaire #épargne_privée #relance_industriel #économie #réindustrialisation #plan_Biden #champ_lexical #réformes_sociales #déréglementation #ruse #régressions_sociales

  • Federal health workers terrified after ’DEI’ website publishes list of ’targets’

    The site calls out workers who have been involved with DEI initiatives. A majority are Black.

    Federal health workers are expressing fear and alarm after a website called “#DEI_Watch_List” published the photos, names and public information of a number of workers across health agencies, describing them at one point as “targets.”

    It’s unclear when the website, which lists mostly Black employees who work in agencies primarily within the Department of Health and Human Services, first appeared.

    “Offenses” for the workers listed on the website include working on diversity, equity and inclusion initiatives, donating to Democrats and using pronouns in their bios.

    The website, a government worker said, is being circulated among multiple private group chats of federal health workers across agencies, as well as through social media links.

    The site also reached Dr. Georges Benjamin, the executive director of the American Public Health Association, who learned about it Tuesday evening when a federal health worker sent it to him.

    “This is a scare tactic to try to intimidate people who are trying to do their work and do it admirably,” Benjamin said. “It’s clear racism.”

    A government worker said they found out theirs was among the names on the website Tuesday afternoon after a former co-worker sent them the link on social media.

    “It’s unnerving,” said the person, who requested anonymity because of safety concerns. “My name and my picture is there, and in 2025, it’s very simple to Google and look up someone’s home address and all kinds of things that potentially put me at risk.”

    “I don’t know what the intention of the list is for,” the person said. “It’s just kind of a scary place to be.”

    On Tuesday evening, the site listed photos of employees and linked to further information about them under the headline “Targets.” Later Tuesday night, the headline on each page had been changed to “Dossiers.”

    The site lists workers’ salaries along with what it describes as “DEI offenses,” including political donations, screenshots of social media posts, snippets from websites describing their work, or being a part of a DEI initiative that has been scrubbed from a federal website.

    Benjamin suggested the acts of online harassment are criminal. “Law enforcement should look into them.”

    A person who isn’t on the list but works at a federal health agency called the website “psychological warfare.” The link, this person said, is being circulated in their private group chat of federal health workers, causing some to “freak out.”

    It’s hard to gauge, the worker said, whether it’s a legitimate threat. “I don’t know anything about the organization doing this or their parent association. People are just paranoid right now.”

    A note at the bottom of the website says, “A project of the American Accountability Foundation.” That group is a conservative watchdog group.

    It’s not the first time the group has created such a list. In December, it sent Pete Hegseth, then the nominee for defense secretary, a list of names of people in the military whom it deemed too focused on diversity, equity and inclusion, the New York Post reported at the time.

    Neither the American Accountability Foundation nor HHS immediately responded to requests for comment.

    The website comes after a bruising two weeks for public health workers. Employees at the #Centers_for_Disease_Control_and_Prevention say they have received “threatening” memos from the #Department_of_Health_and_Human Services directing them to terminate any activities, jobs and research with any connection to diversity, equity and inclusion — and turn in co-workers who don’t adhere to the orders. HHS oversees federal health agencies, including the CDC and the #National_Institutes_of_Health.

    “The tone is aggressive. It’s threatening consequences if we are not obedient. It’s asking us to report co-workers who aren’t complying,” said a CDC physician who wasn’t authorized to speak to reporters. “There’s a lot of fear and panic.”

    NBC News reviewed one of the memos, which directed employees to “review all agency position descriptions and send a notification to all employees whose position description involves inculcating or promoting gender ideology that they are being placed on paid administrative leave effective immediately.”

    The result, staffers said, is paranoia.

    “I know of people who have been put on administrative leave for perceived infractions related to these ambiguous memos. People are thinking if I put one foot wrong, I’m just going to be fired,” another CDC physician said.

    In one case, a potluck luncheon among co-workers was hastily canceled for fear it would be seen as a way to promote cultural diversity.

    Despite the harassment, public health employees said they remain committed to their work.

    “If I leave, who’s going to replace me?” a CDC physician said. “If nobody replaces me and enough of us leave, then who’s going to be doing the public health work?”

    https://www.nbcnews.com/health/health-news/federal-health-workers-terrified-dei-website-publishes-list-targets-rcna190
    #liste #cibles #USA #Etats-Unis #it_has_begun #fonctionnaires #intimidation #inclusion #diversité #équité #santé #menaces #santé_publique #délation #DEI

    • Higher Ed Fights Back Against Trump’s #DEI_Order

      The American Association of University Professors and others argue in a new lawsuit that the executive orders violate the Constitution.

      College professors and university diversity officers are teaming up with nonprofits and local governments to challenge President Trump’s executive orders that target diversity, equity and inclusion programs in the federal government, higher education and the private sector. Those orders, they argue, violate the U.S. Constitution and have already caused much uncertainty on college campuses.

      The American Association of University Professors, the National Association of Diversity Officers in Higher Education and other groups argue in a lawsuit filed Monday that the orders exceed executive legal authority, violate both the First and Fifth Amendments, and threaten academic freedom and access to higher education for all. They want a judge to declare that the executive orders are unconstitutional and to block the government from further enforcement.

      “In the United States, there is no king,” the plaintiffs say in the 40-page complaint. “In his crusade to erase diversity, equity, inclusion, and accessibility from our country, President Trump cannot usurp Congress’s exclusive power of the purse, nor can he silence those who disagree with him by threatening them with the loss of federal funds and other enforcement actions.”

      Filed in the U.S. District Court in Maryland, the lawsuit is the first to target the DEI-related orders. Numerous states and nonprofits, however, have sued the Trump administration to challenge other executive actions taken during the president’s first two weeks in office, including his attempt to freeze trillions of dollars in federal grants and loans.

      The academic organizations involved in this DEI case are represented by Democracy Forward, the same pro bono legal group that was first to successfully challenge the federal funding freeze. Asian Americans Advancing Justice, another nonprofit civil rights group, also is representing the plaintiffs.

      The executive orders at issue in this lawsuit aim to end what Trump sees as “illegal discrimination” and “wasteful” programs. Institutions that don’t comply could face financial penalties or federal investigations.

      Although AAUP has openly discouraged universities from engaging in “anticipatory obedience,” which it defined as “acting to comply in advance of any pressure to do so,” several colleges and universities have already taken action in an attempt to avoid rebuke from the Trump administration. That includes canceling a Lunar New Year event and removing references to DEI from college websites.

      Trump’s orders are not the first of their kind. They build on a number of laws recently passed in Republican-led states that ban DEI offices and programs in colleges and universities and aim to take those efforts nationwide. Colleges in states like Alabama, Florida, Iowa, Texas and Utah have taken action to comply with those laws, laying off staff and shutting down cultural centers. In some states, such as Kentucky and Michigan, public colleges dissolved certain DEI standards or full offices before legislation passed.

      Regardless of the state-by-state scenarios, groups like NADOHE say they will continue to fight for DEI protection, as such programs are crucial to fulfilling the mission of higher education. Getting rid of DEI, NADOHE says, would send a chilling shock wave throughout academia and lead to increased harassment, discrimination and violence across campuses.

      “By attacking the important work of diversity, equity and inclusion offices at educational institutions, the order seeks to dismantle critical support systems for historically underrepresented students,” NADOHE president Paulette Granberry Russell told Inside Higher Ed after Trump signed the second DEI order. “This would limit workforce preparation and stifle efforts to address systemic inequities. This order depicts diversity, equity and inclusion as divisive when, in reality, these initiatives aim to ensure opportunity for all.”
      What Does the Lawsuit Say?

      The lawsuit is focused on two executive orders that Trump issued during his first 48 hours in office.

      The first order directed federal agencies to get rid of all federal diversity offices and positions and end any “equity-related” grants and contracts. Numerous DEI staffers have since lost their jobs, and dozens of general staff members from the Education Department who attended any DEI training in the past have been put on administrative leave.

      The lawsuit alleges that Trump exceeded his legal authority in issuing that order, as Congress—not the president—has authority over the federal government’s purse strings. Therefore, the plaintiffs argue, Trump does not have the power to unilaterally terminate equity-related grants and contracts “without express statutory authority.”

      The second order, signed Jan. 21, more directly impacts higher education. It calls on all agencies—including the Department of Education—to “enforce our longstanding civil-rights laws and to combat illegal private-sector DEI preferences, mandates, policies, programs, and activities.” It also orders the attorney general and the education secretary to create guidance for colleges and universities on how to comply with the 2023 Supreme Court ruling against affirmative action, and for the secretary to investigate up to nine colleges that have endowments worth more than $1 billion as part an effort “to deter DEI programs or principles.

      The lawyers argue that both orders are overly vague. Neither defines terms such as “DEI,” “illegal DEIA” or “equity.” As a result, they argue, colleges, universities and other institutions have not been given fair guidance as to what is prohibited and what they could be indicted and face penalties for, violating the plaintiffs’ right to due process under the Fifth Amendment. “The lack of definitions necessarily requires people of common intelligence to guess as to what is prohibited,” the lawsuit states. It goes on to suggest that by ordering the investigation of “illegal DEIA” practices at up to nine colleges without first defining the term, the president has granted agencies “carte blanche authority to implement the order discriminatorily.”

      The plaintiffs also argue that the second order violates the First Amendment, discouraging free speech and academic freedom around DEI-related topics on campus—dampening the public service role of academia as a marketplace of ideas. “The Constitution protects the right of scholars, teachers, and researchers to think, speak, and teach without governmental interference,” the plaintiffs write. “The ‘essentiality of freedom in the community of American universities is almost self-evident’ and educators play a ‘vital role in a democracy’.”
      Can Trump ‘Avoid Running Afoul’?

      AAUP president Todd Wolfson said the association is committed to fighting for a higher education system that’s accessible to all, regardless of background. He went on to describe Trump’s orders as “destructive” and said that eliminating DEI at public institutions would threaten the democratic purpose of higher ed.

      “Trump’s orders are about controlling the range of ideas that can be discussed in the classroom, limiting and censoring faculty and students, and codifying into law the prejudices of the past,” he said in a statement to Inside Higher Ed. “These are attempts at authoritarianism that this nation has overcome before. We will do so again.”

      But Tyler Coward, lead counsel for government affairs at the Foundation for Individual Rights and Expression, a First Amendment advocacy group, isn’t so sure. He said in an email statement that Trump’s executive orders on DEI “appear to avoid running afoul of the First Amendment,” but in a more detailed analysis memo, FIRE warns that “implementation should proceed carefully.”

      “Overzealous enforcement could threaten free speech by, for example, indirectly chilling a professor from sharing their positive views of affirmative action policies or leading to investigation of a government grantee for a social media post expressing personal support for DEI initiatives,” the foundation wrote.

      Neither Coward nor the foundation at large, however, commented on the lawsuit’s standing as far as violations of the Fifth Amendment or the separation of powers.

      “We are concerned that the executive order about gender ideology could be used to censor speech on sex and gender,” Coward said. “FIRE is closely watching how federal agencies interpret and enforce the executive orders to ensure the government doesn’t infringe on constitutionally protected speech.”

      https://www.insidehighered.com/news/government/2025/02/05/higher-ed-organizations-sue-against-trumps-dei-orders

      #mots #vocabulaire
      #diversité #équité #inclusion #accessibilité

    • Trump Takes Aim at DEI in Higher Ed

      The executive order doesn’t have an immediate impact on DEI programs at colleges and universities, but experts worry about a chilling effect.

      One of President Donald Trump’s latest executive orders aims to end “illegal” diversity, equity and inclusion policies and could upend programs that support underrepresented groups on college campuses.

      Whether the order, signed late Tuesday night, will be effective is not clear, some experts cautioned Wednesday. Others celebrated it as the end of DEI in America.

      The order calls on all agencies to “enforce our longstanding civil-rights laws and to combat illegal private-sector DEI preferences, mandates, policies, programs, and activities,” though it doesn’t define DEI. Additionally, the order directs the attorney general and education secretary—neither of whom have been confirmed—to create guidance for colleges and universities on how to comply with the 2023 Supreme Court ruling, which banned the use of race-conscious admissions policies.

      The order should not, however, have any immediate impact on higher ed, as most provisions require agency action.

      Higher education experts and diversity, equity and inclusion advocates say it’s difficult to know how far Trump’s latest order against DEI will actually go, but they are certain it represents an attempt to reverse more than 50 years of civil rights work to promote equal access to the American education system.

      University stakeholders add that Trump’s ultimate goal is to amplify culture war issues and create a dichotomy between merit and hard work and programs that celebrate diversity and promote equitable access.

      “What I see is a broad attempt to remove everything that is associated with long-standing institutional efforts to desegregate the U.S. government and institutions like colleges and universities that are entangled with the government through federal financial aid,” said Brendan Cantwell, a professor of education at Michigan State University.

      But anti–diversity, equity and inclusion activists and conservative politicians, on the other hand, see Tuesday’s order as a positive change that reminds colleges to teach students how to think rather than what to think.

      “For too long, social justice warriors crusaded to mandate DEI in every corner of America. Instead of merit, skills, and ability, DEI devotees pushed policies that are antithetical to American exceptionalism,” Republican representative and House education committee chair Tim Walberg said in a statement. “From the classroom to the board room, Americans have felt the negative effects.”

      Christopher Rufo, a senior fellow at the conservative Manhattan Institute, said deconstruction of DEI is impending.

      “Tomorrow morning, the general counsels for every major corporation and university are going to be reading President Trump’s executive orders on DEI and figuring out how they can avoid getting ruined by federal civil rights lawyers,” he wrote on X. “Huge changes imminent.”

      Trump’s latest DEI action builds upon other related orders regarding sex, race and equity that he signed in the first two days of his second term, but this one has the highest likelihood of directly impacting higher education.

      That’s in part because the order designates any institution that receives federal financial aid as a subcontractor. As subcontractors, colleges’ employment, procurement and contracting practices “shall not consider race, color, sex, sexual preference, religion, or national origin in ways that violate the nation’s civil rights laws,” according to the order.

      Additionally, the Education Department must pick up to nine colleges that have endowments worth more than $1 billion to investigate as part an effort “to deter DEI programs or principles.” Harvard University, other Ivy League institutions and more than two dozen other colleges would be on the list for a potential inquiry.

      ‘The DEI Party Is Over’

      Across the board, policy experts that Inside Higher Ed spoke with say that while it is clear what Trump seeks to do, it is uncertain exactly what will actually come to pass. They called the order’s language broad and said much of its consequences will depend on what levers the department pulls for compliance, among other factors.

      Jon Fansmith, senior vice president of government relations and national engagement for the American Council on Education, said in a webinar Wednesday that though the executive orders have created uncertainty, the directives don’t change federal law and are subject to lawsuits.

      “The things we are talking about aren’t absolutes,” he said. “There’s a lot of understandable concern, but some things haven’t changed.”

      On the other hand, Adam Kissel, a visiting fellow of higher education reform at the conservative Heritage Foundation, said the order’s implications are very clear.

      “Colleges and universities, as well as other institutions, are on notice that the DEI party is over,” he said.

      One way that the Trump administration can try to ensure the “DEI party” is fully brought to a halt is by telling colleges that the Supreme Court’s ruling on race-conscious admissions policies extends to any scholarship program or student support services that are geared toward a specific race or ethnic group. Colleges that don’t comply could risk their access to federal financial aid.

      Some legal analysts and Republican officials have argued that the Supreme Court’s ruling also bars scholarships, internships and other educational programs that take race into account. The Biden administration disagreed and said the ruling only affected admissions.

      Kissel said he is “200 percent sure” the Trump administration has the ability to extend the ruling to more than just admissions.

      “The Supreme Court said discrimination is wrong and illegal under the equal protection clause as well as Title VI of the Civil Rights Act of 1964,” he said. And “when we’re talking about nondiscrimination, I think SCOTUS was very clear that the broad interpretation is correct.”

      Kissel expects that the Trump administration will tie DEI compliance to both research grants and Title IV of the Higher Education Act of 1965, which authorizes federal financial aid programs. He believes they have clearance to do so as DEI is, in his view, discriminatory and colleges accessing federal funds cannot discriminate.
      ‘Pre-Emptive Compliance’

      Regardless of the clarity level, a key factor that could determine the impact of the DEI order is how university leaders respond.

      Cantwell said the response from leaders will depend on whether the university is private and what state it’s located in. He expects the order to carry more force at public colleges in Republican-led states. The government has the least control over private universities, he said, and though some dollars come from the federal government, much of higher ed funding is allocated at the state level, giving local lawmakers the most leverage on whether to enforce Trump’s rules.

      Although blue states that disagree with the president’s order may be less likely than red states to pass legislation reinforcing the guidelines, some universities could act on their own. Some institutions, such as the University of Michigan, have already started to rethink their DEI programs in an effort to pre-emptively comply with federal directives.

      “[The case of Michigan] does hint at some wariness,” Cantwell said. “And that wariness and sort of pre-emptive compliance, even absent direct threats from the federal or state government, might be somewhat universal. But I also think we will definitely see lots of variation by state.”

      Sarah Hubbard, a Republican elected regent at the University of Michigan, said the latest executive order shows that Trump is “doing exactly what he said he’d do” and should be a sign that more steps need to be taken in order for Michigan and other public institutions to avoid losing billions in federal funds.

      Michigan has already repealed the use of diversity statements in the hiring process and adopted a policy of institutional neutrality but has not directly cut staff or funding for any of its highly criticized DEI programs. Those decisions would be made in the upcoming budget cycle.

      “Not speaking on behalf of the board … I hope that we will be doing more to realign our campus toward need-based scholarships and removing overbearing DEI bureaucracy,” Hubbard said.
      A Chilling Shock Wave

      Some higher education experts—particularly those working in and around DEI departments—are bracing for it to have a “gigantic” impact on students and faculty.

      Kaleb Briscoe is an assistant professor of adult and higher education at the University of Oklahoma whose recent research has focused on the repercussions of DEI bans. She said that the order has already “sent shock waves,” adding that her phone is “blowing up about it.”

      Although the action does not explicitly say it will ban or restrict DEI programs like some state-level laws, Briscoe believes that Trump’s campaign messages and record from his first term speak loudly. Among other actions, Trump issued an executive order defunding any federally funded trainings or programs that promote race or sex “stereotyping” or “scapegoating.” (Former President Biden rescinded that order.)

      “The language within the executive order does not directly call for [banning DEI], but it doesn’t mean that it cannot be misinterpreted or used by policymakers to come up with additional bans,” she said.

      Shaun Harper, a professor of education, business and public policy and the founder of the University of Southern California’s Race and Equity Center, and an opinion contributor to Inside Higher Ed, said the order “will surely frighten” university administrators. It will likely lead to the pre-emptive hiding, renaming or discontinuation of their DEI initiatives, he added.

      “These leaders will be worried about losing their federal funding, which is exactly what DEI opponents want,” Harper said in an email to Inside Higher Ed. Heterosexual, Christian white men will likely feel supported and affirmed by Trump’s anti-DEI orders, as “too many of them have been tricked into misunderstanding DEI initiatives to be unfair, universal attacks,” he added.

      But in the meantime, Harper said that minority students will face increased harassment, discrimination and violence and will “be left stranded without justice.”

      Briscoe echoed Harper, adding that as the number of DEI-focused staff members dwindles, faculty members will be left to pick up the pieces.

      “We’re looking at a very uphill climb of faculty having to take on more student affairs, diversity professional roles,” she said. “Staff may not exist, but these student needs will have not changed.”

      Paulette Granberry Russell, president and CEO of the National Association of Diversity Officers in Higher Education, said the order is “deeply concerning,” mischaracterizes DEI and takes aim at the core mission of higher education.

      “By attacking the important work of diversity, equity and inclusion offices at educational institutions, the order seeks to dismantle critical support systems for historically underrepresented students,” she said. “This would limit workforce preparation and stifle efforts to address systemic inequities. This order depicts diversity, equity and inclusion as divisive when, in reality, these initiatives aim to ensure opportunity for all.”

      Granberry Russell added that while the order’s immediate impact will depend on how agencies enforce it, “it is already causing uncertainty and fear.”

      “I hope that university leaders will recognize that executive orders should not dictate the values and priorities of higher education institutions,” she said. “Many colleges and universities have long-standing commitments to fostering inclusive environments, and I hope they will continue to uphold these principles despite political headwinds.”

      https://www.insidehighered.com/news/government/politics-elections/2025/01/23/how-trumps-order-targeting-dei-could-affect-higher-ed
      #ESR #recherche #université #enseignement_supérieur

    • ’Unprecedented’: White House moves to control science funding worry researchers

      Darby Saxbe is worried her research funding might get canceled.

      People’s brains change when they become parents. She studies fathers’ brains, in particular, to understand which changes might underlie better parenting. And she wants to study a variety of brains.

      “If you want to understand the brain and biology changes of fathers, you don’t necessarily want to only look at white affluent fathers who are hanging out around a university, which is what a convenient sample might be composed of,” says the University of Southern California neuroendocrinologist. “That just makes for a better, more impactful research project.”

      So with a grant from the #National_Science_Foundation — a federal agency with a $9 billion annual #budget to fund research — she’s working to include more people from minority groups in her study.

      But her research proposal contained the words “diverse” and “underrepresented,” words that now appear on a list of hundreds of DEI-related terms that NSF is currently using to comb through tens of thousands of research grants. The process, described to NPR by two NSF officials who spoke on the condition of anonymity for fear of retribution from the administration, aims to flag research that may not comply with President Trump’s executive orders targeting diversity, equity and inclusion initiatives.

      This kind of scrutiny, along with other actions of the administration so far — freezing grants, clamping down on communications from federal agencies, taking down databases on women’s health, HIV and youth behaviors and purging some of DEI-related terms — represent to many scientists an extreme move to exert more presidential control over the kinds of science that get funded, and potentially who does it. If continued, it could represent a major departure from how science has been funded for decades.

      “This is totally unprecedented, nothing like this has ever happened,” says Neal Lane, who served as director of the NSF from 1993 to 1998. “NSF has a mandate to care about the workforce and ensure that all Americans have opportunities to participate in science,” he says. By targeting DEI, “they’re killing American science.”

      Since the 1990s, Congress has mandated that NSF weigh how its grants will boost the participation of women and minorities in science, in addition to the intellectual merits of the proposal. Now, the Trump administration is essentially saying they can’t follow that law.

      “President Trump was elected president, but in being elected president, the laws of the United States were not repealed and replaced with whatever he wants to do,” says Rep. Zoe Lofgren, D-Calif., ranking member of the U.S. House of Representatives Committee on Science, Space and Technology. “These are bipartisan efforts to make sure that we don’t miss smart people in the science enterprise across the United States.”

      But some say that considering diversity in grantmaking leads to worse science. Last October, Sen. Ted Cruz, R-Texas, said in a report that “NSF allocated over $2.05 billion to thousands of research projects that promoted neo-Marxist perspectives or DEI tenets” and suggested that it undermines “objective hard science.”

      “Intellectual diversity is welcome,” says Jonathan Butcher, a senior research fellow at the Heritage Foundation. “But judging the merits of an idea based on the description of the grant is far more important than figuring out where the people involved are literally coming from, in terms of racial background or country of origin.”
      Changing how science gets funded

      Presidents have the authority to set priorities in research funding, and have used this power. The Biden administration made a push for climate and cancer research, for instance, and George W. Bush’s administration prioritized energy research and the physical sciences. Congress allocates money to these priorities, and then the agencies work out the finer details.

      “Since World War II, science has been organized around this idea of peer review, that scientists understand what good science is and should make decisions about what we should be funding,” says Elizabeth Popp Berman, a sociologist who studies science at the University of Michigan.

      At NSF, that means program officers — often scientists who work at other institutions who come to NSF for temporary stints — manage a review process of proposals, with input from a range of scientists. The law dictates that NSF consider both the intellectual merit of a proposal and the “broader impacts” the research might enable, meaning how the research will benefit society.

      For decades, a key part of those potential benefits is how grants will boost the participation of women and underrepresented groups in science. Since 1997, Congress has required NSF to explicitly weigh such factors in its grantmaking. According to Suzanne Barbour, dean of the Duke University Graduate School and chair of NSF’s Committee on Equal Opportunities in Science and Engineering, that ultimately benefits the taxpayer.

      “There is a large emerging literature that suggests that teams have the largest array of voices, from different different backgrounds, different kinds of lived experiences, voices that perhaps have addressed problems from slightly different angles,” she says. “They’re more creative, they’re more successful and … ultimately are the kinds of teams that make the biggest discoveries.”

      Trump’s executive orders are squarely opposed to that mission. The agency is currently reviewing grants for DEI-related terms using, in part, a list from Sen. Cruz’s October 2024 report titled “How the Biden-Harris NSF Politicized Science,” according to NPR’s NSF sources.

      It’s unclear what will happen to flagged grants. NSF has resumed funding existing awards after freezing them in late January and says they “can not take action to delay or stop payment for active awards based solely on actual or potential non-compliance with the Executive Orders.” The NSF sources tell NPR that approximately 20% of grants were initially flagged, and that number could be further winnowed.

      In reviewing grants for DEI-related content and temporarily pausing payments, the agency seems to be prioritizing the executive order over its congressional mandate, a practice that contradicts internal guidance saying law takes precedence over executive orders when there’s a conflict.

      The Trump administration’s efforts to exert more control over science at NSF go beyond DEI. On Tuesday, staff were informed of plans to cut the agency’s headcount of about 1,700 by 25% to 50% over the next two months, according to NPR’s NSF sources. Staff were also informed that President Trump’s first budget request could slash the agency’s budget from $9 billion to $3 billion, first reported by ArsTechnica and confirmed by NPR, though the actual reduction negotiated by Congress may be different.

      “This administration appears to be not just setting priorities, but enforcing ideological conformity in a way that if your grant is studying something that’s not aligned with a particular view of the world, it’s just not going to be funded,” says Berman. “I think taking that away has the potential to undermine the whole scientific enterprise.”
      Worries about America’s competitive edge

      If the Trump administration continues aggressively targeting diversity initiatives in science and seeking to substantially cut funding, American science will look fundamentally different, says Berman.

      Whole academic fields could wither without federal funds, she says, especially if DEI is broadly defined. “This cuts across economics, psychology, sociology. In all these fields, there are whole chunks of the discipline that may just not be possible to carry on anymore,” says Berman.

      The moves have also sparked a culture of fear among many scientists. “This level of scrutiny is going to make research less collaborative, less competitive and less innovative,” says Diana Macias, an ecologist at the University of California, Berkeley, who is funded by an NSF grant. Bringing more people into science is “not just broadening for the sake of broadening, but it’s broadening for the sake of developing rigorous questions that help us really stay competitive.”

      Only about a quarter of NSF grant proposals win funding, and that’s after a rigorous application process. The idea that an awarded grant could get rescinded, or proposals not get funded for political reasons, makes many scientists uncomfortable and could ultimately lead some to quit or move outside the U.S.

      “I train graduate students and undergrads who want to pursue science careers,” says Saxbe. “It’s hard for me to think about how to encourage them when it seems like the very work that we do is so vulnerable to partisan attack.”

      Federal funding supports these trainees, many of whom ultimately go into the private sector. The NSF funds nearly 80% of fundamental computing research at universities, according to a recent statement from the Computing Research Association.

      Reduced funding could ultimately lead to a smaller skilled workforce to work on important issues in artificial intelligence, cybersecurity and more. That’s despite an insistence by close allies of the president, including Elon Musk, that the U.S. lacks enough homegrown talent to fill the tech industry’s demand for computer science professionals like software engineers and programmers.

      “The private sector does a lot of very important, primarily applied research and development. But they really don’t fund the same kind of research where you are really exploring the frontier,” says Lane, the former NSF director.

      “They can’t justify to their stockholders doing most of the things that the National Science Foundation does. If you take away federal support for science, science is dead in the United States. Nothing can replace that.”

      https://www.npr.org/sections/shots-health-news/2025/02/07/nx-s1-5289912/unprecedented-white-house-moves-to-control-science-funding-worry-researchers

      #science #projets_de_recherche

    • Offensive obscurantiste aux USA : Trump crée un « #bureau_de_la_foi » et #censure le monde universitaire

      Ces propos délirants sortent de la bouche de Paula White, la conseillère spirituelle du président américain depuis 2011. Vous ne la connaissez peut-être pas encore, mais son rôle a été prépondérant pendant la campagne de Trump : elle assure notamment la communication avec les courants intégristes religieux, très puissants aux États-Unis. Un habitant des États-Unis sur cinq se définit en effet comme évangéliste : une base électorale obscurantiste et essentielle pour Donald Trump.
      L’intégrisme chrétien au pouvoir

      Paula White est à présent à la tête d’un nouveau “Bureau de la foi” de la Maison blanche, chargé de renforcer la place de la religion dans la politique du pays. Cette dernière est connue pour ses appels à la haine homophobe ou raciste, déclarant que “l’antifascisme et Black Lives Matter sont l’antéchrist” ou encore “ce n’est pas OK de se faire avorter. Ce n’est pas OK de se marier avec quelqu’un du même sexe”. Ses propos fanatisés semblent sortis d’un autre âge.

      Paula White avait, entre autres joyeusetés, organisé une prière publique en janvier 2020 pour que “toutes les grossesses sataniques aboutissent à une fausse couche”. Cette illuminée aurait toute sa place sous l’inquisition du Moyen-Age, quand un tribunal ecclésiastique jugeait les hérétiques.

      Les mouvements chrétiens fondamentalistes américains considèrent Trump comme un “envoyé de Dieu”, dont la mission sacrée est de s’opposer aux satanistes – les “wokes”, les homosexuels… Il affirmait lui-même d’ailleurs avoir été “sauvé par Dieu” lors de la tentative de meurtre à laquelle il a échappé l’été dernier, pour qu’il guide le pays et lui rende sa grandeur. Une mission divine, exaltée par ses déclarations : “ramenons Dieu dans nos vies” a-t-il réclamé.

      Pourtant, le 1er amendement des États-Unis proclame la séparation de l’État et de la religion. Ces personnes qui se présentent comme les seules vraies gardiens de la Constitution des USA violent donc allègrement son premier amendement. Ces mouvements intégristes religieux constituent la base de l’extrême droite américaine : on les retrouve massivement lors de l’attaque du Capitole en 2021, où nombre de manifestants arboraient des t-shirts avec des symboles chrétiens.

      Dans le même registre, le nouveau secrétaire de la Défense des USA Pete Hegseth, qui est désormais l’un des hommes les plus puissants du pays, a fait inscrire « Jésus » en hébreu sur son bras, un tatouage réalisé à Bethléem, et une grande croix de Jérusalem sur sa poitrine, un symbole représentant une grande croix encerclé de croix grecques plus petites. Un symbole utilisé pendant les Croisades et représentant le royaume de Jérusalem établi par les croisés.

      Hegseth ne cache pas sa fascination pour cette période de conflit sanglant opposant les armées chrétiennes aux musulmans. Cet homme est un vétéran de la Garde nationale du Minnesota, un animateur de la chaine d’extrême droite Fox News, et adhère à une mouvance religieuse sectaire nommée Reconstructionnisme réformé, qui prône l’application de la loi chrétienne biblique à la société, un monde exclusivement dirigé par les hommes et une préparation au retour de Jésus.

      Doit-on s’étonner de voir l’obscurantisme religieux revenir sur le devant de la scène aux États-Unis ? Non. Il avance main dans la main avec le capitalisme sans limite dont rêvent Trump et son inséparable duo Elon Musk. La religion représente d’ailleurs un marché plus que rentable aux États-Unis : 1200 milliards de dollars en 2016.

      L’extrême-droite est étroitement liée aux milieux chrétiens dans de nombreux pays. L’économiste Samir Amin explique que “le capitalisme des monopoles contemporain, en crise, développe une offensive idéologique massive et systématique assise sur le recours au discours de la spiritualité”. Il estime que la faillite de la classe bourgeoise, qui avait massivement adhéré si ce n’est au nazisme ou au fascisme, tout du moins à la collaboration, avait permis aux classes ouvrières au lendemain de la seconde guerre mondiale de construire un rapport de force conséquent.

      Après guerre, le patronat était discrédité, le Parti Communiste était le premier parti dans de nombreux pays, dont la France et l’Italie, et les syndicats étaient de puissants contre-pouvoirs. Pour contrer cela, Washington a poussé à la création de nouveaux partis chrétiens-démocrates afin de résister à la menace communiste.

      Ces partis constituent aujourd’hui la droite traditionnelle dans de nombreux pays européens, remettant le débat autour de l’importance du christianisme comme base de la civilisation occidentale. On en voit la marque de nos jours dans la droite de nombreux pays européens, et la France n’est pas en reste : Macron a largement piétiné la laïcité ces dernières années, comme la cérémonie d’ouverture de Notre-Dame en a été encore l’exemple.

      Aujourd’hui, les partis fascisants qui arrivent au pouvoir dans de nombreux pays se réclament également d’un retour à la foi chrétienne. Mais une foi revisitée, vidée de sa spiritualité, transformée en show, mise en spectacle sur le modèle des évangélistes. Georgia Meloni se revendique “femme, italienne, et chrétienne”, faisant de cette identité un véritable programme politique. Viktor Orban se pose en défenseur des “valeurs chrétiennes”. Marine Le Pen se dit “extrêmement croyante”. Aux États-Unis, l’arrivée au pouvoir de Trump a scellé l’accord parfait entre extrême-droite, intégrisme religieux et capital.
      Guerre contre la science

      L’obscurantisme est défini comme l’attitude attribuée à ceux qui sont hostiles au progrès, au libre exercice de la raison, à la diffusion de l’instruction et du savoir. Cette percée des fondamentalistes religieux s’accompagne ainsi d’une attaque historique contre la science. L’un ne va pas sans l’autre.

      Un décret sur “L’abrogation Woke” a été publié par l’administration Trump il y a quelques jours. Le but ? Détruire toutes les politiques, programmes ou projets de recherche sur des sujets jugés “woke” et donc dangereux pour la sûreté de l’État : le réchauffement climatique et l’environnement, le genre, la diversité, la race, l’inclusion…

      Pour faire simple, une IA va pouvoir identifier des mots clés, au nombre de 120 pour le moment, afin de geler les financements, supprimer des publications… Reporterre dévoile par exemple que toute référence au réchauffement climatique a été purement et simplement effacée de sites internet fédéraux. Certaines pages ont carrément disparu, ne laissant qu’un »404 Not Found ». Parmi les 120 mots interdits, on retrouve “femme”, “préjugé”, “justice environnementale”, “accessibilité”.

      Autre conséquence dramatique : le CDC, le centre de contrôle des maladies, est la plus grosse agence gouvernementale étasunienne pour la santé publique. Une liste de 20 termes a été distribuée en interne afin de retirer ou d’éditer certaines informations, pourtant tout simplement vitales, du site. On trouve notamment dans cette liste les termes « transgenre », « LGBT », « personne enceinte », « biologiquement femme », « biologiquement homme »… Certaines pages sur le virus du SIDA ont également disparu.

      Au fil des siècles, les forces obscurantistes utilisaient l’autodafé afin de détruire les écrits que le pouvoir en place jugeait dangereux pour son propre pouvoir. Le plus célèbre est l’autodafé du 10 mai 1933 où 25.000 ouvrages considérés comme subversifs – auteurs marxistes, anarchistes, juifs…– furent consumés par les nazis. D’ailleurs, en 2023, des élus Républicains du Missouri s’étaient déjà mis en scène en train de brûler des livres considérés comme « woke » au lance-flamme.

      Si l’effacement de données en ligne paraît bien moins spectaculaire, il n’en est pas moins une tentative d’effacement total des pensées divergentes. Et il précède toujours d’autres violences.

      https://contre-attaque.net/2025/02/14/offensive-obscurantiste-aux-usa-trump-cree-un-bureau-de-la-foi-et-ce
      #université #foi

    • US science is feeling the Trump chill

      President Donald Trump’s assault on federal spending, climate science and diversity initiatives is fueling an existential crisis for the nation’s vast web of research institutions — and the scientists who power them.

      The administration is seeking to thwart research it considers a threat to Trump’s agenda — including anything connected to climate science or diversity, equity and inclusion, writes Chelsea Harvey. It has frozen billions of dollars in federal funding, paused grant reviews and cut critical support for university research.

      The language in Trump’s directives is so broad that universities and research institutions worry that projects that make mere mention of gender, race or equity could be on the chopping block. At least one university told researchers that even terms such as biodiversity could be flagged by AI-based grant review systems looking for DEI proposals.

      Republican Sen. Ted Cruz of Texas has added to the alarm by launching an online database last week identifying more than 3,400 grants funded by the National Science Foundation that he said promote “advanced neo-Marxist class warfare propaganda.”

      Federal courts have begun pushing back on some of Trump’s moves — by ordering an end to a sweeping funding freeze, for example — but the administration has been slow to comply and remained steadfast in its attempts to gut science agencies. The atmosphere of fear and confusion is leading some university supervisors to quietly advise faculty to censor their research proposals and other public-facing documents to comply with Trump’s directives.

      A professor at one U.S. university, who was granted anonymity, told Chelsea they were recently advised to remove terms including “climate change” and “greenhouse gas emissions” from research papers and other public documents.

      While past administrations have steered the focus of U.S. research in new directions — from nanotechnology to cancer research — those priorities were typically additive; they didn’t restrict research in other areas.

      Trump’s approach “will have long-term harmful consequences,” said Matt Owens, president of the Council on Government Relations, an association of academic research institutions.

      “One of our strengths as a nation is the federal government has invested across the board in curiosity-driven research, because over time this pays dividends,” he told Chelsea. “So an erosion of broad federal support for all areas of research will damage our ability to remain the global science and innovation leader.”

      Senior prosecutor quits over imperiled climate funds
      A top federal prosecutor in Washington resigned Tuesday rather than follow a Justice Department order to freeze a private bank account holding $20 billion of already allocated climate change funds, write Kyle Cheney, Josh Gerstein, Alex Guillén and Jean Chemnick.

      The resignation of Denise Cheung, the head of the criminal division in the U.S. attorney’s office in Washington, is one of the most dramatic outcomes yet from Trump’s effort to claw back congressionally authorized federal funding.

      Chung said interim U.S. Attorney Ed Martin demanded her resignation after she refused to order the bank to freeze the grants — a step she said is permitted only if prosecutors have “probable cause” to suspect a crime was committed. The Environmental Protection Agency placed the money at Citibank last year to fund a “green bank” created by Congress.

      Trump attacks 50 years of green rules

      The Trump administration is working to unwind almost five decades of rules crafted and imposed under the #National_Environmental_Policy_Act, a foundational statute widely known as the “magna carta” of environmental laws, writes Hannah Northey.

      The plan is to rescind all regulations that the Council on Environmental Quality has issued to implement the bedrock law since 1977, when then-President Jimmy Carter signed an order directing the agency to issue rules under NEPA.

      Trump’s oil ambitions face harsh realities

      Trump wants to “unleash” American energy. The problem: U.S. oil production growth is starting to dwindle, writes Mike Soraghan.

      The nation’s once-hot shale plays are maturing. It’s getting more expensive to get significant amounts of new oil out of the ground. Some observers expect production to level off in the coming years and then start to decline by the early 2030s. Soon enough, oil companies may need to “drill, baby, drill” just to keep up current production levels rather than boosting them.

      https://www.politico.com/newsletters/power-switch/2025/02/18/us-science-is-feeling-the-trump-chill-00204701

      #biodiversité #climat #changement_climatique #projets_de_recherche

    • The foundations of America’s prosperity are being dismantled

      Federal scientists warn that Americans could feel the effects of the new administration’s devastating cuts for decades to come.

      Ever since World War II, the US has been the global leader in science and technology—and benefited immensely from it. Research fuels American innovation and the economy in turn. Scientists around the world want to study in the US and collaborate with American scientists to produce more of that research. These international collaborations play a critical role in American soft power and diplomacy. The products Americans can buy, the drugs they have access to, the diseases they’re at risk of catching—are all directly related to the strength of American research and its connections to the world’s scientists.

      That scientific leadership is now being dismantled, according to more than 10 federal workers who spoke to MIT Technology Review, as the Trump administration—spearheaded by Elon Musk’s Department of Government Efficiency (DOGE)—slashes personnel, programs, and agencies. Meanwhile, the president himself has gone after relationships with US allies.

      These workers come from several agencies, including the Departments of State, Defense, and Commerce, the US Agency for International Development, and the National Science Foundation. All of them occupy scientific and technical roles, many of which the average American has never heard of but which are nevertheless critical, coordinating research, distributing funding, supporting policymaking, or advising diplomacy.

      They warn that dismantling the behind-the-scenes scientific research programs that backstop American life could lead to long-lasting, perhaps irreparable damage to everything from the quality of health care to the public’s access to next-generation consumer technologies. The US took nearly a century to craft its rich scientific ecosystem; if the unraveling that has taken place over the past month continues, Americans will feel the effects for decades to come.

      Most of the federal workers spoke on condition of anonymity because they were not authorized to talk or for fear of being targeted. Many are completely stunned and terrified by the scope and totality of the actions. While every administration brings its changes, keeping the US a science and technology leader has never been a partisan issue. No one predicted the wholesale assault on these foundations of American prosperity.

      “If you believe that innovation is important to economic development, then throwing a wrench in one of the most sophisticated and productive innovation machines in world history is not a good idea,” says Deborah Seligsohn, an assistant professor of political science at Villanova University who worked for two decades in the State Department on science issues. “They’re setting us up for economic decline.”
      The biggest funder of innovation

      The US currently has the most top-quality research institutes in the world. This includes world-class universities like MIT (which publishes MIT Technology Review) and the University of California, Berkeley; national labs like Oak Ridge and Los Alamos; and federal research facilities run by agencies like the National Oceanic and Atmospheric Administration and the Department of Defense. Much of this network was developed by the federal government after World War II to bolster the US position as a global superpower.

      Before the Trump administration’s wide-ranging actions, which now threaten to slash federal research funding, the government remained by far the largest supporter of scientific progress. Outside of its own labs and facilities, it funded more than 50% of research and development across higher education, according to data from the National Science Foundation. In 2023, that came to nearly $60 billion out of the $109 billion that universities spent on basic science and engineering.

      The return on these investments is difficult to measure. It can often take years or decades for this kind of basic science research to have tangible effects on the lives of Americans and people globally, and on the US’s place in the world. But history is littered with examples of the transformative effect that this funding produces over time. The internet and GPS were first developed through research backed by the Department of Defense, as was the quantum dot technology behind high-resolution QLED television screens. Well before they were useful or commercially relevant, the development of neural networks that underpin nearly all modern AI systems was substantially supported by the National Science Foundation. The decades-long drug discovery process that led to Ozempic was incubated by the Department of Veterans Affairs and the National Institutes of Health. Microchips. Self-driving cars. MRIs. The flu shot. The list goes on and on.

      In her 2013 book The Entrepreneurial State, Mariana Mazzucato, a leading economist studying innovation at University College London, found that every major technological transformation in the US, from electric cars to Google to the iPhone, can trace its roots back to basic science research once funded by the federal government. If the past offers any lesson, that means every major transformation in the future could be shortchanged with the destruction of that support.

      The Trump administration’s distaste for regulation will arguably be a boon in the short term for some parts of the tech industry, including crypto and AI. But the federal workers said the president’s and Musk’s undermining of basic science research will hurt American innovation in the long run. “Rather than investing in the future, you’re burning through scientific capital,” an employee at the State Department said. “You can build off the things you already know, but you’re not learning anything new. Twenty years later, you fall behind because you stopped making new discoveries.”

      A global currency

      The government doesn’t just give money, either. It supports American science in numerous other ways, and the US reaps the returns. The Department of State helps attract the best students from around the world to American universities. Amid stagnating growth in the number of homegrown STEM PhD graduates, recruiting foreign students remains one of the strongest pathways for the US to expand its pool of technical talent, especially in strategic areas like batteries and semiconductors. Many of those students stay for years, if not the rest of their lives; even if they leave the country, they’ve already spent some of their most productive years in the US and will retain a wealth of professional connections with whom they’ll collaborate, thereby continuing to contribute to US science.

      The State Department also establishes agreements between the US and other countries and helps broker partnerships between American and international universities. That helps scientists collaborate across borders on everything from global issues like climate change to research that requires equipment on opposite sides of the world, such as the measurement of gravitational waves.

      The international development work of USAID in global health, poverty reduction, and conflict alleviation—now virtually shut down in its entirety—was designed to build up goodwill toward the US globally; it improved regional stability for decades. In addition to its inherent benefits, this allowed American scientists to safely access diverse geographies and populations, as well as plant and animal species not found in the US. Such international interchange played just as critical a role as government funding in many crucial inventions.

      Several federal agencies, including the Centers for Disease Control and Prevention, the Environmental Protection Agency, and the National Oceanic and Atmospheric Administration, also help collect and aggregate critical data on disease, health trends, air quality, weather, and more from disparate sources that feed into the work of scientists across the country.

      The National Institutes of Health, for example, has since 2015 been running the Precision Medicine Initiative, the only effort of its kind to collect extensive and granular health data from over 1 million Americans who volunteer their medical records, genetic history, and even Fitbit data to help researchers understand health disparities and develop personalized and more effective treatments for disorders from heart and lung disease to cancer. The data set, which is too expensive for any one university to assemble and maintain, has already been used in hundreds of papers that will lay the foundation for the next generation of life-saving pharmaceuticals.

      Beyond fueling innovation, a well-supported science and technology ecosystem bolsters US national security and global influence. When people want to study at American universities, attend international conferences hosted on American soil, or move to the US to work or to found their own companies, the US stays the center of global innovation activity. This ensures that the country continues to get access to the best people and ideas, and gives it an outsize role in setting global scientific practices and priorities. US research norms, including academic freedom and a robust peer review system, become global research norms that lift the overall quality of science. International agencies like the World Health Organization take significant cues from American guidance.

      US scientific leadership has long been one of the country’s purest tools of soft power and diplomacy as well. Countries keen to learn from the American innovation ecosystem and to have access to American researchers and universities have been more prone to partner with the US and align with its strategic priorities.

      Just one example: Science diplomacy has long played an important role in maintaining the US’s strong relationship with the Netherlands, which is home to ASML, the only company in the world that can produce the extreme ultraviolet lithography machines needed to produce the most advanced semiconductors. These are critical for both AI development and national security.

      International science cooperation has also served as a stabilizing force in otherwise difficult relationships. During the Cold War, the US and USSR continued to collaborate on the International Space Station; during the recent heightened economic competition between the US and China, the countries have remained each other’s top scientific partners. “Actively working together to solve problems that we both care about helps maintain the connections and the context but also helps build respect,” Seligsohn says.

      The federal government itself is a significant beneficiary of the country’s convening power for technical expertise. Among other things, experts both inside and outside the government support its sound policymaking in science and technology. During the US Senate AI Insight Forums, co-organized by Senator Chuck Schumer through the fall of 2023, for example, the Senate heard from more than 150 experts, many of whom were born abroad and studying at American universities, working at or advising American companies, or living permanently in the US as naturalized American citizens.

      Federal scientists and technical experts at government agencies also work on wide-ranging goals critical to the US, including building resilience in the face of an increasingly erratic climate; researching strategic technologies such as next-generation battery technology to reduce the country’s reliance on minerals not found in the US; and monitoring global infectious diseases to prevent the next pandemic.

      “Every issue that the US faces, there are people that are trying to do research on it and there are partnerships that have to happen,” the State Department employee said.

      A system in jeopardy

      Now the breadth and velocity of the Trump administration’s actions has led to an unprecedented assault on every pillar upholding American scientific leadership.

      For starters, the purging of tens of thousands—and perhaps soon hundreds of thousands—of federal workers is removing scientists and technologists from the government and paralyzing the ability of critical agencies to function. Across multiple agencies, science and technology fellowship programs, designed to bring in talented early-career staff with advanced STEM degrees, have shuttered. Many other federal scientists were among the thousands who were terminated as probationary employees, a status they held because of the way scientific roles are often contractually structured.

      Some agencies that were supporting or conducting their own research, including the National Institutes of Health and the National Science Foundation, are no longer functionally operational. USAID has effectively shuttered, eliminating a bastion of US expertise, influence, and credibility overnight.

      “Diplomacy is built on relationships. If we’ve closed all these clinics and gotten rid of technical experts in our knowledge base inside the government, why would any foreign government have respect for the US in our ability to hold our word and in our ability to actually be knowledgeable?” a terminated USAID worker said. “I really hope America can save itself.”

      Now the Trump administration has sought to reverse some terminations after discovering that many were key to national security, including nuclear safety employees responsible for designing, building, and maintaining the country’s nuclear weapons arsenal. But many federal workers I spoke to can no longer imagine staying in the public sector. Some are considering going into industry. Others are wondering whether it will be better to move abroad.

      “It’s just such a waste of American talent,” said Fiona Coleman, a terminated federal scientist, her voice cracking with emotion as she described the long years of schooling and training she and her colleagues went through to serve the government.

      Many fear the US has also singlehandedly kneecapped its own ability to attract talent from abroad. Over the last 10 years, even as American universities have continued to lead the world, many universities in other countries have rapidly leveled up. That includes those in Canada, where liberal immigration policies and lower tuition fees have driven a 200% increase in international student enrollment over the last decade, according to Anna Esaki-Smith, cofounder of a higher-education research consultancy called Education Rethink and author of Make College Your Superpower.

      Germany has also seen an influx, thanks to a growing number of English-taught programs and strong connections between universities and German industry. Chinese students, who once represented the largest share of foreign students in the US, are increasingly staying at home or opting to study in places like Hong Kong, Singapore, and the UK.

      During the first Trump administration, many international students were already more reluctant to come to the US because of the president’s hostile rhetoric. With the return and rapid escalation of that rhetoric, Esaki-Smith is hearing from some universities that international students are declining their admissions offers.

      Add to that the other recent developments—the potential dramatic cuts in federal research funding, the deletion of scores of rich public data sets on health and the environment, the clampdown on academic freedom for research that appears related to diversity, equity, and inclusion and the fear that these restrictions could ultimately encompass other politically charged topics like climate change or vaccines—and many more international science and engineering students could decide to head elsewhere.

      “I’ve been hearing this increasingly from several postdocs and early-career professors, fearing the cuts in NIH or NSF grants, that they’re starting to look for funding or job opportunities in other countries,” Coleman told me. “And then we’re going to be training up the US’s competitors.”

      The attacks could similarly weaken the productivity of those who stay at American universities. While many of the Trump administration’s actions are now being halted and scrutinized by US judges, the chaos has weakened a critical prerequisite for tackling the toughest research problems: a long-term stable environment. With reports that the NSF is combing through research grants for words like “women,” “diverse,” and “institutional” to determine whether they violate President Trump’s executive order on DEIA programs, a chilling effect is also setting in among federally funded academics uncertain whether they’ll get caught in the dragnet.

      To scientists abroad, the situation in the US government has marked American institutions and researchers as potentially unreliable partners, several federal workers told me. If international researchers think collaborations with the US can end at any moment when funds are abruptly pulled or certain topics or keywords are suddenly blacklisted, many of them could steer clear and look to other countries. “I’m really concerned about the instability we’re showing,” another employee at the State Department said. “What’s the point in even engaging? Because science is a long-term initiative and process that outlasts administrations and political cycles.”

      Meanwhile, international scientists have far more options these days for high-caliber colleagues to collaborate with outside America. In recent years, for example, China has made a remarkable ascent to become a global peer in scientific discoveries. By some metrics, it has even surpassed the US; it started accounting for more of the top 1% of most-cited papers globally, often called the Nobel Prize tier, back in 2019 and has continued to improve the quality of the rest of its research.

      Where Chinese universities can also entice international collaborators with substantial resources, the US is more limited in its ability to offer tangible funding, the State employee said. Until now, the US has maintained its advantage in part through the prestige of its institutions and its more open cultural norms, including stronger academic freedom. But several federal scientists warn that this advantage is dissipating.

      “America is made up of so many different people contributing to it. There’s such a powerful global community that makes this country what it is, especially in science and technology and academia and research. We’re going to lose that; there’s not a chance in the world that we’re not going to lose that through stuff like this,” says Brigid Cakouros, a federal scientist who was also terminated from USAID. “I have no doubt that the international science community will ultimately be okay. It’ll just be a shame for the US to isolate themselves from it.”

      https://www.technologyreview.com/2025/02/21/1112274/the-foundations-of-americas-prosperity-are-being-dismantled

    • Sauver les données scientifiques de la purge numérique de l’administration Trump

      Peu après l’assermentation de Donald Trump, des milliers de pages web du gouvernement fédéral américain ont disparu. Heureusement, des chercheurs canadiens et américains avaient déjà archivé numériquement une bonne partie de ces sites.

      La Dre Angela Rasmussen n’en revient pas. Des milliers de pages des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) comportant des données inestimables sur la santé ont été retirées du web, à la demande de l’administration Trump.

      Cette virologue de l’Université de la Saskatchewan savait que la santé et la science seraient dans la mire de la nouvelle administration Trump.

      "Je n’aurais jamais pensé qu’on serait aussi rapidement dans une situation aussi orwellienne." (Une citation de Dre Angela Rasmussen, virologue et chercheuse à l’Université de la Saskatchewan)

      Lorsque cette chercheuse, d’origine américaine, a entendu d’un ami journaliste que les CDC retireraient sous peu des données scientifiques de son site, elle a contacté en urgence un ami bio-informaticien aux États-Unis.

      "Je lui ai demandé s’il pouvait cloner tout le site. Il pensait que je faisais des blagues. Mais j’étais très sérieuse."

      Avec moins d’une journée de préavis, les deux ont passé de longues heures à archiver le site.

      Ils sont ensuite entrés en contact avec Charles Gaba, un analyste de données sur la santé publique du Michigan, qui lui aussi avait commencé la même tâche, quelques jours plus tôt.

      Ils ont combiné leurs efforts pour archiver un maximum de pages et de bases de données, non seulement des CDC, mais aussi de l’Agence américaine des médicaments (FDA) et une partie du site de l’USAID, le programme qui a été sabré par Elon Musk et son « département de l’Efficience gouvernementale » (DOGE).

      "Je suis fâché. J’aurais dû commencer le travail plus tôt. J’avais réalisé dès le soir de l’élection qu’il y avait un risque qu’on efface des sites gouvernementaux. Dans l’urgence, on a peut-être manqué certaines choses", dit Charles Gaba.

      Mardi, un juge fédéral américain a délivré une ordonnance temporaire obligeant les CDC et la FDA de rétablir toutes les informations publiques sur leurs sites web.

      Selon l’administration Trump, le retrait de ces pages n’est pas nécessairement définitif, et elle affirme que les informations peuvent être consultées par l’entremise de la machine Wayback de l’Internet Archive.

      D’ailleurs, s’il est possible de le faire, c’est grâce au travail exhaustif d’Internet Archive, un organisme à but non lucratif qui archive des sites web et qui rend accessibles au public des copies de ces sites.

      Depuis 2004, dans le cadre du projet de librairie démocratique, toutes les pages web des gouvernements fédéraux canadien et américain sont systématiquement archivées au début et à la fin de chaque mandat.

      Le matériel provenant des États-Unis est sauvegardé sur des serveurs en Colombie-Britannique, au Canada, et celui du Canada, sur des serveurs aux États-Unis.

      L’archivage se fait grâce à une étroite collaboration entre Canadiens et Américains, explique Brewster Kahle, le fondateur d’Internet Archive.

      Par exemple, il y a aussi des professeurs de l’Université de Guelph et de l’Université de Toronto qui travaillent avec l’Environmental Data Governance Initiative (EDGI) pour préserver les données sur les changements climatiques de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis, rapporte CBC News (Nouvelle fenêtre).

      Pour Brewster Kahle, il est primordial de sauvegarder le maximum de documents, même s’ils semblent peu importants. "On ne sait jamais quand et pourquoi on en aura besoin."

      Les informations contenues sur les sites web gouvernementaux relèvent du domaine public et doivent être accessibles à tous, rappelle Brewster Kahle.

      "Cette information appartient aux Américains. Personne n’a le droit de la censurer ou de la retenir." (Une citation de Brewster Kahle, fondateur d’Internet Archive)

      Une crise en santé et en science

      La disparition des données inquiète particulièrement la Dre Rasmussen, qui est virologue.

      "Je n’exagère pas quand je dis que ça sera destructeur pour la santé publique."

      Par exemple, les données sur la propagation de la grippe aviaire aux États-Unis sont particulièrement importantes en ce moment pour le monde entier. "S’il y a une pandémie de H5N1, on pourrait prévenir des millions de morts."

      Et pourtant, le rapport hebdomadaire sur la mortalité n’a pas été publié comme prévu le 15 janvier. "C’est la première fois en 80 ans que ça arrive", dit Charles Gaba.

      De plus, avec la nomination de Robert F. Kennedy Jr. à la tête de la santé, qui tient depuis des années des propos antivaccins, la Dre Rasmussen craint que les informations qui seront accessibles soient davantage politiques que scientifiques. Déjà, les recommandations du comité sur l’immunisation ont disparu du site web des CDC.

      Charles Gaba craint que certaines bases de données ne soient plus mises à jour. Et, même si des données sont publiées, il se demande si elles seront valides. "Ils ont semé un doute. Je n’ai plus confiance."
      "Des autodafés numériques"

      Le retrait de milliers de pages web des sites gouvernementaux survient après une directive de l’administration Trump d’éliminer toute mention de diversité, d’inclusion ou d’équité. Toute page avec la mention de mots provenant d’une liste préétablie doit être retirée.

      "Ils effacent tout ce qui inclut ces mots, même sans contexte et sans discrimination. Ça touche tout le monde qui n’est pas un homme blanc hétérosexuel et chrétien." (Une citation de Charles Gaba, analyste de données sur la santé publique du Michigan)

      Ainsi, des pages sur la prévention des maladies chroniques, des lignes directrices pour le traitement de maladies sexuellement transmissibles, sur les signes avant-coureurs de la maladie d’Alzheimer, sur une formation pour prévenir les surdoses et sur des recommandations sur les vaccins destinés aux femmes enceintes, ont été supprimées.

      Le retrait comprend aussi des pages sur la violence faite aux femmes et aux personnes LGBTQ+, et sur la dépression post-partum.

      La Dre Ramussen est estomaquée. "On a retiré les données sur le VIH et la variole simienne parce que ça touche principalement des personnes marginalisées, des femmes, des personnes de la communauté LGBTQ+ et les personnes racisées. Ça place ces personnes dans une situation encore plus vulnérable."

      Pour elle, la diversité, l’équité, l’inclusion sont des valeurs au cœur de la santé publique.

      Charles Gaba ne mâche pas ses mots : en procédant de la sorte, l’administration Trump procède à des autodafés comme l’avait fait le régime nazi dans les années 1930. Cette fois, "ce sont des autodafés numériques".

      "Ils effacent ces informations parce qu’ils veulent prendre des décisions en fonction de leurs politiques, plutôt qu’en fonction des données probantes", déplore-t-il.

      Pour Brewster Kahle, il s’agit d’un moment de prise de conscience. "Ce sont dans des moments comme ça que les bibliothèques souffrent. Des livres sont bannis, les subventions pour les bibliothèques et archives sont réduites, on criminalise le travail des bibliothécaires."

      Cette tendance à vouloir effacer le passé numérique se produit partout dans le monde, affirme-t-il. Il dit aussi craindre la perte de plus en plus d’archives lors de catastrophes naturelles, dont le risque est multiplié par les changements climatiques.

      Pour la Dre Rasmussen, archiver toute cette information est sa façon de s’opposer aux décisions de l’administration Trump. "C’est ma façon de résister au fascisme."

      https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2140521/donald-trump-donnees-scientifiques-web

    • Donald Trump’s ‘war on woke’ is fast becoming a war on science. That’s incredibly dangerous

      Contrary to claims by the US president, we have found that diversity initiatives result in better scientists and greater progress.

      Donald Trump’s attacks on diversity, equality and inclusion (DEI) initiatives since his January inauguration have been intense, indiscriminate and escalating. A tragic plane crash was baselessly blamed on DEI. All DEI programmes within public bodies have been ended and private contractors face cancellation if they also don’t comply. Webpages that defend religious diversity in the context of Holocaust remembrance have been taken down.

      Science and academia have been particularly targeted. Universities are threatened with losing federal funding if they support DEI. Government reports and government-funded research are being held back if they include prohibited terms such as “gender”, “pregnant person”, “women”, “elderly”, or “disabled”. Grants funded by the National Institutes of Health are being cancelled if they address diversity, equality or inclusion in any form.

      What is more, this total “war on woke” (more accurately: “fight against fairness”) is happening in the UK as well as the US. Already, British companies and British watchdogs are abandoning their diversity drives. Tory leader Kemi Badenoch has described diversity initiatives as a “poison”.

      These attacks are rooted in wilful distortions of what DEI is all about. There are two big lies that need to be nailed. The first is that diversity and inclusion initiatives compromise the quality of employees by selecting incompetent candidates because of their minority group membership. The second is that DEI is a distraction that holds back success. Let’s consider each in turn, using the field of science itself as an example.

      The notion that DEI involves putting group membership before ability and leads to the appointment of incompetent candidates is a misrepresentation of what DEI initiatives are all about. Scientific ability is not restricted to one sex, ethnicity or religion, or to the able-bodied. Embracing diversity has the simple advantage of widening the pool of talent from which scientists are drawn. DEI initiatives are about ensuring that less competent members of the most privileged groups are not advantaged over more competent members of less privileged groups.

      Bias starts at school, particularly in the physical sciences, where both girls and boys consider these “boy subjects” by the time they are teenagers. Even once you start your academic career, bias affects grant funding decisions and publication rates. Women and minorities face additional barriers to career progression: for instance, both female and ethnic minority scientists receive less credit for their work than male or white scientists respectively. Bias affects whether you feel at home in the scientific workplace. Institutions that tackle the many workplace barriers for women and ethnic minorities (child-unfriendly working hours, tolerance of harassment, culturally insensitive socialisation practices) have higher retention rates among women and minority researchers. Diverse workplaces attract more diverse staff to apply for jobs – creating a positive feedback loop. And we know that scientific research teams and institutions that prioritise diversity perform better.

      As for the second myth that DEI is a barrier to success, diversity actually improves the quality of science. Evidence shows that scientific papers produced by ethnically diverse teams are more impactful than those written by homogeneous teams. Similarly, studies show that diverse teams consider more alternatives and make better decisions.

      Scientists from diverse backgrounds raise new research questions and priorities – especially questions that affect minoritised communities. The lack of women in the higher echelons of biomedical science has led to a comparative lack of research into menstrual and reproductive health problems. The lack of black scientists has led to a neglect of conditions that affect black people such as sickle cell disease. And when it comes to the intersection of “race” and sex, things are even worse. It is only in the last few years that it even became known that black and Asian women are much more likely to die in pregnancy or childbirth than white women.

      Medical sciences and social sciences have long suffered from a lack of diversity in research design, leading to worse medicine because findings do not apply to all populations. For example, clinical trials have tended to test treatments mainly on men and on white people, leading to poorer health outcomes for women or minorities. A diverse group of researchers makes members of minorities more willing to volunteer for trials and helps ensure diverse participant recruitment. This improves scientific validity. It also increases the trust of minorities in the outputs of research (say, the development of new vaccines) and hence the societal impact of the research (say, their willingness to get vaccinated).

      All in all, ensuring diversity and equality and inclusion among scientists makes for better scientists and better science. While our examples are drawn from science, they are true much more broadly. DEI initiatives are about ensuring that we always select the best irrespective of group membership, not about selecting by group membership irrespective of who is best. Science is fundamentally about discovering truth through rigorous, unbiased, transparent inquiry and narrow pools of talent or perspectives make that much harder. Therefore, DEI initiatives are necessary to achieving the core mission of science, not a distraction from it.

      https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/mar/26/donald-trump-war-on-woke-science-diversity

  • "Aucun indicateur ne donne raison à #François_Bayrou sur une prétendue submersion migratoire", selon le démographe #François_Héran

    Selon François Héran, professeur au Collège de France, démographe, spécialiste de l’immigration, les déclarations du Premier ministre français sur un « sentiment de #submersion_migratoire » sont infondées. La France, au regard des indicateurs démographiques, accueille sur son sol peu d’immigrés - comparée à d’autres pays européens.

    Le Premier ministre François Bayrou a soulevé l’indignation d’une partie de la classe politique en affirmant lundi soir que la France « approch[ait] » d’un « sentiment de submersion en matière d’immigration ». L’utilisation du mot « #submersion » - peu anodin - fait partie du vocable du Rassemblement national. Loin de se défendre de ce parallèle avec l’extrême droite, François Bayrou a réitéré ses propos le lendemain à l’Assemblée nationale en les restreignant toutefois à #Mayotte et à certains autres départements.

    Pour le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), Didier Leschi, le terme est impropre et maladroit. « Il n’y a pas de submersion migratoire, mais il y a des endroits où la concentration d’immigration pose des problèmes sociaux importants qu’il faut arriver à résoudre », a-t-il affirmé.

    Alors le terme est-il exagéré ?

    Selon les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), oui. En 2023, l’#Insee considérait que la population étrangère vivant en #France s’élevait à 5,6 millions de personnes, soit 8,2 % de la population totale, contre 6,5 % en 1975. Les étrangers représentent donc une large minorité. De plus, cette hausse n’a rien d’étonnant - elle se constate dans tous les pays développés.

    « L’immigration n’est pas incontrôlée »

    « L’immigration est perçue comme incontrôlée, comme un problème à résoudre, alors que c’est un phénomène démographique normal », expliquait déjà en septembre à InfoMigrants Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
    « La population mondiale augmente et donc il y a de plus en plus d’immigrés et les immigrés ont tendance à aller de plus en plus vers les pays de l’OCDE ».

    C’est aussi l’avis de François Héran, sociologue et démographe, professeur au Collège de France. « Aucun indicateur ne donne raison à François Bayrou sur une prétendue submersion migratoire », déclare-t-il à InfoMigrants. « Il y a une montée de l’immigration, oui, mais elle est modérée. C’est une poussée continue, pas exponentielle, une augmentation linéaire » qui a cours partout dans les pays développés de la planète.

    « En réalité, poursuit-il, l’immigration progresse au même rythme depuis des années, que ce soit sous les mandats de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande ou Emmanuel Macron. Rien ne sert de pointer du doigt le précédent président en dénonçant son bilan migratoire, cette augmentation n’a rien à voir avec les politiques françaises ».

    « Nous sommes dans le bas du tableau »

    Surtout, rappelle François Héran, la France accueille peu d’immigrés sur son sol au regard des autres pays européens. Selon une moyenne établie par l’OCDE, seul 1 % d’étrangers supplémentaires s’installent chaque année - pendant un an au moins - dans un pays riche (voir tableau ci-dessous).

    « La France est bien en dessous de cette moyenne : elle est à 0,5 %. Devant nous, il y a l’Allemagne à 0,6 %, la Suède à 0,8 %, l’Espagne à 1 %, la Belgique à 1,1 %, le Portugal à 1,2 %… Nous ne sommes pas en tête du tableau, mais plutôt dans les derniers ».

    Et de continuer en citant d’autres indicateurs. « Selon Eurostat aussi, la France n’est pas le pays le plus accueillant. Elle a une proportion de 13 % d’immigrés dans sa population totale [c’est à dire des étrangers, européens ou non, installés depuis au moins un an dans un autre pays que celui de leur naissance, ndlr] mais le Luxembourg est à un taux de 49 %, Malte de 23 %, l’Allemagne de 18 %… Là encore, nous ne sommes pas en tête du classement », ajoute François Héran.

    Même la référence à Mayotte du Premier ministre ne semble pas convaincre le démographe. « Oui, il y a une concentration forte d’immigrés dans certains territoires, comme à Mayotte, ou en Ile-de-France, ou dans certaines régions frontalières françaises. Mais si ces arrivées peuvent créer, je dirais, une émotion, elles ne correspondent pas à une submersion au regard des chiffres pris dans leur globalité ».

    À Mayotte, pour rappel, les autorités françaises exécutent de nombreuses expulsions vers les Comores voisines. En 2023, environ 24 000 reconduites à la frontière ont été effectuées, contre un peu plus de 25 000 l’année précédente, et 24 000 en 2021, selon les chiffres de la préfecture. Des chiffres plutôt stables et qui concernent aussi - dans une petite proportion - les Africains de la région des Grands lacs.

    Un sentiment « d’invasion » qui s’est installé dans les années 2000

    Reste que cette augmentation « continue » de l’immigration dans les pays riches donne du grain à moudre à certaines théories, notamment celle du « #grand_remplacement ». Cette théorie repose sur l’idée xénophobe que la population française serait peu à peu remplacée par une autre, en l’occurrence les populations africaines et les musulmans.

    Malgré la réalité des chiffres, les déclarations de François Bayrou résonnent comme une ouverture politique à l’extrême droite et elles dérangent une large partie de la classe politique à gauche. « Ce n’est pas avec un mot comme ça » que la « dynamique électorale du RN (...) sera cassée », a estimé sur LCI le politologue Jean-Yves Camus.

    La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet n’aurait, elle, « jamais tenu ces propos » qui la « gênent ». « On parle d’hommes et de femmes, de notre pays, la France qui, par son Histoire, par sa géographie, par sa culture, a toujours accueilli et s’est construite avec cette tradition ».

    https://www.infomigrants.net/fr/post/62526/aucun-indicateur-ne-donne-raison-a-francois-bayrou-sur-une-pretendue-s
    #migrations #statistiques #chiffres #fact-checking #idées_reçues #afflux #invasion #stéréotypes #mots #vocabulaire

    ping @karine4

    • La « submersion migratoire » ne correspond à aucune réalité scientifique

      Le premier ministre a évoqué, lundi 27 janvier sur LCI, le « sentiment de submersion » généré par l’immigration. Des propos qu’il a réitérés et assumés le lendemain, au sein de l’Assemblée nationale, indignant la gauche. Pourtant, les chiffres et les études sur le sujet démentent clairement cette idée. Entretien avec Tania Racho, spécialiste des questions relatives aux droits fondamentaux.

      Ce concept de submersion migratoire est-il fondé sur des données étayées par la recherche et des données institutionnelles sur les migrations ?

      Tania Racho : La réponse est non. En France, la population immigrée (les personnes nées à l’étranger et vivant en France) est de 10,7 %. Si on décompte parmi ces immigrés les personnes ayant la nationalité française, on arrive à 8,2 % des habitants sur le territoire national.

      Notons que, parmi ces 8,2 %, il y a à peu près 3,5 % d’Européens. Or souvent, derrière le mot étranger, on pense à des non-Européens qui ne représentent finalement que 6 % de la population française.
      Immigrés arrivés en France en 2022 selon leur continent de naissance

      La France est loin d’être le pays le plus accueillant en Europe pour les étrangers ou dans le monde d’ailleurs. En comparaison, c’est 15 % de la population américaine qui est immigrée, et 16 % en Suède.

      Derrière ces chiffres, il y a de nombreux statuts différents qui distinguent les étrangers. On parle souvent des primo-arrivants dans le discours politique. Or, ces arrivées sont relativement stables, avec à peu près 300 000 personnes par an. Parmi elles, un tiers sont des étudiants qui ont vocation à ne pas rester, un autre tiers correspond à l’immigration familiale. Le dernier tiers se décompose en immigration de travail et titres de séjour humanitaire délivrés pour les réfugiés.

      Il faut aussi prendre en compte le solde migratoire (ou accroissement migratoire) qui est la différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur un territoire (immigrants) et le nombre de personnes qui en sont sorties (émigrants). En 2023, le solde positif n’est que de 183 000 personnes.

      Est-ce que ces arrivées ont augmenté ?

      T.R : Les arrivées ont effectivement augmenté ces dix dernières années : en 2010 il y avait 8,5 % d’immigrés et en 2023 c’était 10,7 %. Par exemple, en 2010, on comptait 200 000 premiers titres de séjours délivrés, tandis qu’en 2023 c’est 300 000 : l’immigration a donc augmenté. Cela est lié à une dynamique globale : le phénomène de déplacement est plus important dans le monde, qu’il s’agisse d’une immigration organisée (étudiants, travailleurs, accords d’échanges entre pays) ou des déplacements forcés liés aux conflits. Lorsqu’une guerre éclate ou un conflit civil, les populations quittent leurs habitations le plus souvent pour un endroit proche, parfois dans le même pays.

      Lorsque le déplacement forcé implique de quitter son pays, il se traduit par une demande d’asile : il y en a eu 160 000 en 2023 en France. Le taux moyen de protection, c’est-à-dire la reconnaissance de statuts de réfugiés, se situe autour de 40 %. Les personnes concernées bénéficient alors d’un titre de séjour humanitaire, en tant que réfugiés. 60 000 personnes ont obtenu ce titre de séjour en 2023. En tout, il y a un peu plus de 500 000 réfugiés en France.

      Quid des personnes en situation irrégulière ?

      T.R : On ne connaît pas le chiffre exact correspondant à cette situation, mais une projection fondée sur les demandes d’aide médicale d’État (AME) nous permet d’évaluer leur nombre aux environ de 700 000 personnes. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’il n’y a eu que 30 000 régularisations de personnes en situation irrégulière en 2023 (comptées dans les premières délivrances de titres) dont un tiers par le travail et les deux tiers restants pour des situations familiales, ce qui est assez faible, en comparaison des 900 000 régularisations annoncées par l’Espagne par exemple.

      L’augmentation des arrivées justifie-t-elle le terme de « submersion » ?

      T.R : Encore une fois, non, avec 8,2 % d’étrangers en France et une augmentation des arrivées qui reste relative. D’ailleurs, le discours du premier ministre se situait selon lui au niveau du « ressenti » – il a parlé de « sentiment de submersion ».

      Mais ce sentiment ne correspond pas à la réalité, tout comme l’idée d’un « grand remplacement » ne repose sur aucune réalité. Ce concept vient de Renaud Camus, un penseur d’extrême droite qui a repris une étude des Nations unies des années 2000 indiquant que l’absence d’immigration poserait de grandes difficultés démographiques pour l’Europe et donc que l’immigration était nécessaire !

      Comment comprendre la persistance des discours politiques ou des sondages attestant de ce « sentiment » qu’il y a trop d’étrangers ?

      T.R : Ce qui est certain, c’est que les Français ont tendance à surestimer la population étrangère (23 % au lieu de 8,2 %), ce qui rejoint cette idée de sentiment de submersion mais qui n’est pas réel.

      Selon le démographe François Héran, cette mixité s’est effectivement renforcée depuis les années 1970. Il parle « d’infusion durable » avec un tiers des Français qui ont un parent ou un grand-parent immigré, ce qui laisse le temps de l’intégration. Il considère que « près d’un Français sur quatre a au moins un grand-parent immigré, ce qui permet un brassage diffus et évite un certain nombre de conflits. »

      Mais la surmédiatisation de certaines situations de migration a un impact important sur l’opinion. Par exemple, les personnes qui arrivent en situation irrégulière aux frontières de l’Union européenne, peuvent donner le « sentiment » que des flots de migrants débarquent en Europe.

      Dix mille ersonnes à Lampedusa c’est impressionnant, mais c’est une goutte d’eau à l’échelle européenne. D’ailleurs, les arrivées en bateau sont en baisse en 2024 par rapport à 2023. Dans l’ensemble, les personnes qui arrivent illégalement en Europe n’étaient que 355 000 personnes en 2023. Cela ne représente que 0,07 % de la population européenne.

      Quelle est votre conclusion sur cette polémique déclenchée par François Bayrou, mais qui s’inscrit dans une série déjà longue ?

      T.R : C’est le signe inquiétant d’une distanciation des personnalités politiques avec la réalité chiffrée et celle des études, de la recherche.

      https://theconversation.com/la-submersion-migratoire-ne-correspond-a-aucune-realite-scientifiqu

    • Immigration : les chiffres qui réfutent « la submersion migratoire »

      Toutes les données chiffrées indiquent que la France ne fait aucunement face à une immigration démesurée. Bien au contraire, de nombreux pays, en Europe et dans le monde, accueillent bien plus d’étrangers que l’Hexagone.

      En évoquant, fin janvier, à la télévision puis devant les députés, un prétendu « sentiment de submersion » migratoire, le premier ministre, François Bayrou, s’appuie sur une réalité : la surestimation de la proportion d’étrangers en France, par la population.

      La dernière étude d’Eurostat à ce sujet indique une différence de 15 points entre le pourcentage réel du nombre d’immigrés en France et celui estimé par les Français. En moyenne, au sein de l’Union européenne, la population pense « accueillir » 3,4 fois plus d’étrangers qu’il y en a en réalité et, selon cette même étude, la principale cause de cette surestimation est le fait du discours médiatique et de la crainte entretenue des immigrés sur le marché du travail.
      Le fantasme d’une immigration démesurée

      Le premier ministre connaît ces chiffres. C’est donc sciemment qu’il choisit de mener une politique migratoire davantage basée sur un « sentiment » que sur des données chiffrées.

      En réalité, la France est loin d’être confrontée à une immigration démesurée et non maîtrisée. Les personnes nées à l’étranger et vivant en France représentent 10,7 % de la population. Si on soustrait de ce pourcentage de personnes immigrées celles qui ont la nationalité française, on parvient à un taux de 8,2 % des habitants sur le territoire national.

      Parmi eux, 3,5 % sont des Européens. Les étrangers non européens ne représentent finalement que 6 % de la population française. On est bien loin du « grand remplacement » prédit par les pseudo-prophètes d’extrême droite auxquels François Bayrou a décidé de donner du crédit.

      La France est, par ailleurs, loin d’être le pays le plus accueillant. Les personnes nées à l’étranger représentent 15 % de la population aux États-Unis et 16 % en Suède, soit le double de la France.
      Spéculations sur les immigrants en situation irrégulière

      Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, 326 954 premiers titres de séjour ont été délivrés en 2023 par la France. Un chiffre stable par rapport aux années précédentes. Parmi ces « primo-arrivants », un tiers sont des étudiants qui, pour la plupart, repartiront après leurs études, 60 000 sont des réfugiés, accueillis dans un cadre humanitaire, et environ 40 000 sont issus d’une immigration de travail. Le dernier tiers correspond à de l’immigration familiale.

      Les prédicateurs xénophobes répondent généralement à ces réalités chiffrées par le fantasme d’un déferlement d’immigrés en situation irrégulière. En réalité, leur nombre exact n’est connu de personne. Mais, en s’appuyant sur l’enregistrement des demandes d’aide médicale d’État, on peut l’évaluer aux environ de 700 000 personnes.

      Un chiffre bien en dessous des 900 000 régularisations annoncées par l’Espagne quand la France, elle, n’en a, par ailleurs, effectué que 30 000 en 2023. Plus largement, les personnes arrivant illégalement en Europe n’étaient, selon l’agence Frontex, que 355 000 en 2023. C’est-à-dire 0,07 % du total de la population européenne. En clair, ceux qui parlent de « submersion migratoire » sont des menteurs.

      https://www.humanite.fr/societe/gouvernement-bayrou/immigration-les-chiffres-qui-refutent-la-submersion-migratoire

  • "Le travail de mémoire est une étape fondamentale dans la reconstruction de soi."

    Renée Dickason, professeure en civilisation et histoire contemporaine à l’Université Rennes 2, porte le projet aLPHa, lauréat en février 2023 de l’appel émergence TISSAGE. Ce financement va permettre de franchir une première étape dans l’impulsion d’un projet de création de #Mémorial vivant virtuel des survivant·es de viol(ence)s, sous le patronage du Pr. Dr. #Denis_Mukwege, prix Nobel de la Paix et Docteur Honoris Causa de l’Université Rennes 2.

    Votre projet, aLPHa, est lauréat de l’appel émergence TISSAGE (https://www.univ-rennes.fr/saps-tissage). C’est le premier jalon d’un projet plus vaste de création de « Mémorial vivant virtuel des survivant·es de viol(ence)s », sous le patronage du Pr. Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix. De quoi s’agit-il précisément ?

    Renée Dickason. Notre projet porte sur une réalité sociale lourde : les viols et les #violences faites aux femmes, aux enfants, aux vulnérables, abordés à travers les #témoignages de survivant·e·s (terme de Denis Mukwege) dans des situations de #guerres, de #conflits et de #paix.

    Face à ce problème de société prégnant, aux enjeux multiples, nous avons souhaité développer un agir collectif qui fasse société en nous concentrant sur la #libération_des_paroles, le #recueil des #mots substantialisant les #maux et la nécessaire #mise_en_mémoire de ces témoignages dans l’écriture d’une histoire singulière, plurielle et tout à la fois universelle.

    C’est dans ce cadre que nous avons déposé une réponse à l’appel à projets « émergence » de recherches participatives TISSAGE (Triptyque Science Société pour Agir Ensemble) : le projet aLPHa, qui a été retenu par le jury. Suite à la signature d’une convention bipartite, il est prévu que nous bénéficions d’un accompagnement financier d’amorçage d’un montant de 3 000 euros.

    aLPHa s’inscrit dans une dynamique globale autour de la lutte contre les #violences_genrées, en particulier celles à l’encontre des femmes, quel que soit le contexte culturel, géopolitique, social ou sociétal considéré, le phénomène étant universel.

    aLPHa a été imaginé comme un laboratoire co-partenarial d’expérimentations à ciel ouvert, qui constitue, en effet, un premier jalon, assez modeste car naissant, mais utile pour impulser un projet d’une envergure plus large qui nécessitera des financements pérennes, celui de la création progressive d’un Mémorial vivant virtuel des survivant·e·s de viol(ence)s, sous le patronage du Pr. Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix et Docteur Honoris Causa de l’Université Rennes 2 (octobre 2022).

    Dans le cadre du projet aLPHa, nous espérons tisser des liens, recueillir des soutiens et ouvrir nos collaborations à des acteurs locaux et régionaux de la société civile, à des associations sur les droits humains et/ou qui interviennent à différents stades de la #réparation, de la #reconstruction ou de l’#accompagnement des #victimes / survivant·e·s de viol(ence)s, ou encore à des entreprises responsables et sincères, des responsables du secteur privé sur le territoire breton et des élus locaux…

    Phénomènes malheureusement universels, les violences sexuelles sont des expériences banalisées et souvent réduites au silence. Elles présentent des similarités malgré la pluralité des contextes où elles ont lieu. Dans le cadre d’aLPHa, nous allons entamer une série d’entretiens de survivant·e·s, réfugié·e·s, exilé·e·s, migrant·e·s, accompagné·e·s et suivi·e·s dans différentes structures, à Rennes. Nous allons aussi organiser, avec plusieurs membres fondateurs de notre projet, un « atelier témoignages » avec des survivant·e·s congolaises et certain·e·s de celles et ceux qui les aident et les accompagnent.

    En prolongement, et dans un autre périmètre que celui du projet aLPHa, le recueil de témoignages se fera aussi sur les lieux des exactions ou dans des zones de tension ou dans des structures de prise en soins, de formation ou de réinsertion, dans un but cathartique individuel et collectif, et avec une visée de reconstruction personnelle et/ou historique des faits. Tous ces aspects sont à l’étude avec des collègues médecins et psychologues, dont l’expertise permettra de se prémunir des risques (non souhaités, à l’évidence) de re-traumatisations des victimes.

    Colliger des témoignages de survivant·e·s déplacé·e·s dans leur pays, des survivant·e·s ayant vécu ou vivant dans des camps et/ou recueilli·e·s dans des centres d’accueil ou de réinsertion nécessite des partenariats multiples, qui vont s’engager en parallèle et dans la poursuite d’aLPHa. Nous avons, à cet égard, commencé à établir des conventions de recherche entre l’Université Rennes 2 et des centres en République Démocratique du Congo et au Kenya. Cette dimension du projet est soutenue et sera cofinancée par plusieurs laboratoires de l’Université Rennes 2 (ACE, ERIMIT, LIDILE, LP3C, Tempora).
    Pourquoi est-il important de mettre en mémoire la parole des survivant·es ? Comment cette mémorialisation se construit-elle ?

    R. D. Pour les victimes, les survivant·e·s de violences sexuelles (excision, viol, esclavage…), celles qui font face à des contextes de conflits notamment, il s’agit de chercher à s’échapper en s’engageant sur les chemins de l’exil et à s’extraire du trauma(tisme) ; ceci alors que viennent s’entretisser plusieurs trajectoires de violences et de vulnérabilités. Le poids du trauma(tisme) est alourdi par la souffrance psychique surajoutée qui découle de prises en soins parcellaires, de handicaps cumulés, ou encore du déracinement, de l’arrachement, voire de l’errance culturels… une pluralité de facteurs renforçant le silence, l’impossible communicabilité autour des expériences vécues.

    Il nous est apparu, après plusieurs échanges avec des personnes ayant subi des violences sexuelles et après plusieurs rencontres et discussions avec le Professeur Docteur Denis Mukwege, que le travail de mémoire est une étape fondamentale dans la reconstruction de soi, que ce soit de manière individuelle ou collective.

    Mettre en mémoire la #parole des survivant·e·s est donc une étape nécessaire qui s’ajoute à d’autres mécanismes et préoccupations qui caractérisent, par exemple, la #justice_transitionnelle et les initiatives déployées dans la quête d’une #vérité_réparatrice, le plus souvent essentiellement basée sur la reconnaissance des exactions, des violations des #droits_humains.

    La #mémorialisation se construit en plusieurs phases : dévoilement, collecte, partage, puis analyse des témoignages.

    Étape indispensable pour contribuer à la fabrique de l’Histoire face aux omerta multiples, la mise en mots des maux, la « re-visibilisation » d’une histoire invisibilisée, occultée, la libération d’une parole enfouie, cachée, parfois interdite, prolongent un cheminement personnel thérapeutique.

    Vous l’avez compris, une partie de notre projet global réside dans la collecte mais aussi dans la création d’« archives vivantes », où les témoignages de rescapé·e·s, de survivant·e·s (toujours en vie, et c’est un point d’importance !) auront une place centrale. Quatre mots-clés sous-tendent toutes leurs trajectoires : trauma(tisme), réparation, reconstruction, mémoire.

    La mise en mémoire, la mémorialisation des expériences vécues des victimes, survivant·e·s de violences sexuelles dans le contexte d’une histoire « en train de s’écrire » seront croisées avec le regard des chercheurs impliqués.

    En révélant leur #vérité_subjective, les victimes qui témoignent seront actives dans leur processus de reconstruction et dans la mise en récit d’une histoire à la fois intime, personnelle et commune. Livrant leur #vécu et celui de leurs semblables, ces #personnes-histoires-témoins contribueront, ipso facto, outre à reprendre #confiance en elles-mêmes, à faire évoluer les mentalités et les regards portés sur les survivant·e·s et les violences. Ceci d’autant que ces témoignages auront vocation à être accessibles, à terme, à un public élargi, à travers le Mémorial vivant virtuel des survivant·e·s de viol(ence)s.

    Pouvez-vous nous expliquer en quoi votre recherche est interdisciplinaire et participative ?

    R. D. Nous sommes un groupe d’universitaires, de psychologues et de médecins, venant de divers horizons disciplinaires et de différents secteurs. Nos travaux, par essence, interdisciplinaires (histoire et civilisation, anthropologie, littérature, psychologie, traductologie, médecine…) ont une finalité réflexive et éducative. Notre but est de contribuer à assurer la transmission, la bascule vers une dynamique collective de mise en partage et en expression des #expériences_vécues, afin de construire une #transition_sociale pleinement partagée, vertueuse et inclusive.

    Nos intérêts communs convergent autour d’objectifs à visée transformationnelle, des objectifs de responsabilité sociale et de développement durable tels qu’identifiés par l’ONU, des objectifs centrés sur le respect de la dignité et des droits humains, la lutte contre les violences genrées, la bonne santé et le bien-être, l’égalité de traitement et de prises en soins, une éducation de qualité, une paix responsable et pérenne.

    La nature de nos objets de recherche nous amène à nous pencher sur les interactions entre sciences et société et sur les interactions avec le tissu socio-économique et culturel, la société civile, tant pour essaimer les résultats de nos travaux que pour éveiller à certaines réalités troublantes et nécessitant une prise de conscience citoyenne, première étape dans la résolution des problèmes. Cette dimension participative est, d’ailleurs, centrale au projet aLPHa.

    Soucieux de faire évoluer les regards, les comportements et les mentalités relatifs aux questions complexes des violences sexuelles, conformément aux termes de la Charte des sciences et recherches participatives en France, nous sommes toujours sensibles à la possibilité d’ouvrir de nouveaux horizons réflexifs, de développer diverses formes de production de connaissances scientifiques, que ce soit par le truchement des arts ou par le relai d’espaces de paroles ponctuels et/ou de rencontres plus systématiques ou grâce à des collaborations entre la communauté scientifique et la société civile, telles que définies par l’UNESCO ou par le Comité économique et social européen.

    Autre précision, nos travaux sont régis par une charte éthique. Les données personnelles collectées nécessitent, en effet, une vigilance particulière du fait de leur caractère sensible, voire intime, afin de protéger la vie privée des survivant·e·s et de recueillir leur consentement et leur accord informé.

    Dans ce projet de recueil et de mise en lumière de témoignages de survivant·es – qui n’est pas sans évoquer le travail journalistique –, qu’est-ce que l’expertise des chercheur·ses vient apporter ?

    R. D. Question vaste et très intéressante qui soulève une réflexion complexe quant à la porosité des apports du travail des journalistes d’investigation, ici, face à celui des chercheurs toutes disciplines confondues… Outre le fait que les missions des uns et des autres évoluent, les attentes que l’on peut avoir d’un article rédigé par un journaliste diffèrent de celles que suscite la contribution d’un chercheur… le dialogue entre le journaliste et le chercheur enrichit indéniablement les débats et aide à faire avancer nos pensées… Le travail journalistique peut ainsi venir en complément de celui du chercheur et surtout aider à la diffusion des résultats.

    Au gré des registres abordés, de la maïeutique discursive mobilisée, des mots à appréhender, de la finesse des ressentis exprimés et de la nature des maux à guérir, la recherche au sens large du terme est protéiforme. Le travail journalistique permet, en somme de « prendre le pouls » des sujets porteurs de sens, investis par les chercheurs et/ou la société civile, de donner à voir et de questionner la diversité des perspectives dans la modalité du traitement des sujets.

    Pour faire simple, et de manière générale, dans ce type de problématique sanitaire, humanitaire, humaniste, sociétale, des correspondances peuvent se faire jour entre travail journalistique d’investigation et travail de recherche. Cela passe, par exemple, par des méthodes d’observation, de recueil de données, de conduite d’enquêtes... Par contre, les modalités d’analyse et de diffusion diffèrent. Sensibiliser, documenter, analyser, informer, alerter font certes partie du travail du chercheur, mais sa focale n’est pas la même que celle du journaliste. Ceci d’autant que la posture du chercheur, son approche, ne sont pas les mêmes selon le champ d’expertise. L’ampleur des dispositifs mis en œuvre est aussi à souligner car si le chercheur peut travailler seul, généralement, ses résultats sont ceux d’un travail d’équipe et le travail mené s’inscrit dans le temps long. Ce temps long de la recherche est, à l’évidence, un marqueur de nos réflexions de recherche autour de la mémorialisation.

    Dans une démarche de recueil et de mise en lumière de témoignages de survivant·e·s, victimes de trauma(tisme)s, des précautions s’imposent. Il s’agit pour nous de conduire des entretiens en équipe interdisciplinaire comprenant la présence de médecins et de psychologues. Au-delà de la transmission d’informations, d’analyses et de connaissances, les recherches, se nourrissant de croisements disciplinaires multiples, peuvent ouvrir des horizons et être vecteurs d’innovation grâce aux propositions/préconisations émergeant du travail mené.

    Enfin, le travail de recherche se nourrit de la confrontation à l’expertise d’autres chercheurs, d’autres cadres analytiques. Dans cette perspective, les échanges lors de divers types de manifestations scientifiques (séminaires, colloques...) ainsi que la mise en dialogue par écrits interposés (publication d’articles, de monographies) contribuent à nourrir le perfectionnement des outils d’analyse et à renouveler les questionnements. Un autre niveau est celui des productions à destination d’un public élargi (vulgarisation, « traduction » du travail de recherche par les journalistes) qui, par les allers-et-retours générés, viennent alimenter la réflexion sur la pertinence, la justesse de la démarche de recherche.
    Au-delà de sa dimension de recherche, votre projet ambitionne de proposer à l’avenir une formation aux survivant·es de violences. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

    R. D. Notre projet global, au-delà d’aLPHa donc et en complément du Mémorial, ambitionne de proposer à l’avenir une formation aux survivant·e·s de violences, une formation à visée holistique (la perspective holistique est, d’ailleurs, au cœur du modèle Panzi

    de Denis Mukwege). Selon les financements que nous pourrons réunir, il nous semble important de donner à ces victimes, ces témoins, ces survivant·e·s, des outils pratiques pouvant les aider à évoluer dans leur parcours personnel, à différents stades, dans leur cheminement, leur reconstruction et leur permettre de se prendre en charge, de faire entendre leur voix, de co-construire leur histoire individuelle et collective, d’écrire une histoire des survivant·e·s de violences, de faire évoluer les mentalités et les comportements…

    En d’autres termes, l’idée ici est d’encourager et d’outiller les survivant·e·s, de leur donner des clés pour développer un empowerment et un leadership au féminin.

    Face à l’empire du silence, il s’agirait de leur donner la chance, que certains ont voulu briser…

    … de se relever

    … de reprendre confiance en elles/eux

    … de s’émanciper

    … de faire entendre leur voix

    … d’affirmer leur place dans la société

    … de devenir des leaders de demain

    …et ainsi pour citer Denis Mukwege, « de changer le cours de l’Histoire ».

    https://nouvelles.univ-rennes2.fr/article/travail-memoire-est-etape-fondamentale-dans-reconstruction-so
    #viols #violence #survivants #VSS

    ping @karine4 @_kg_ @cede

  • #Écriture_inclusive : le #point_médian supprime les #biais_de_genre

    C’est un fait scientifiquement établi : le #masculin_générique n’est pas neutre, il induit un biais de représentativité vers le masculin. Une nouvelle #étude de #psycholinguistique révèle que les #mots_épicènes limitent ce biais alors que le point médian le supprime totalement.

    Il y a un fait scientifique établi : le #masculin n’est pas neutre. L’utilisation du masculin générique induit un #biais_de_représentativité vers le masculin. Voici un exemple tiré d’une étude parue en 2008 : quand on demande à des volontaires des noms de candidats potentiels pour le poste de Premier ministre, les personnes interrogées citent plutôt des hommes. Alors que si on leur demande de citer des candidats ou des candidates potentielles, les sujets citent trois fois plus de femmes.

    L’écriture inclusive pour limiter ces biais de genre

    Certaines formulations biaisent ce qu’on croit comprendre de la phrase. Le but de l’écriture inclusive est justement d’anéantir ou de limiter au maximum ces effets et pour ça il y a plusieurs stratégies. Léo Varnet est chargé de recherche au CNRS au Laboratoire des Systèmes Perceptifs de l’ENS de Paris : "On distingue plusieurs grandes stratégies. Il y a la neutralisation qui inclut les termes épicènes, par exemple : les instrumentistes. Il n’y a pas de marque qui indique le genre, est-ce que ce sont des instrumentistes hommes ou des instrumentistes femmes. Et d’autre part, on a une autre stratégie d’écriture inclusive qui est la re-féminisation, qui peut prendre une forme double, comme les musiciens et les musiciennes, ou une forme à l’écrit avec un point médian qui est bien connu. Dans ce cas-là, ce seraient les musicien·ne·s. Donc une stratégie neutralisation dont les termes épicènes font partie et une stratégie de re-féminisation dont les formes doubles avec un point médian font partie."

    Tester ces stratégies en psycholinguistique

    Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont voulu tester l’efficacité de ces deux stratégies pour supprimer les biais du genre. Pour cela, la méthodologie utilisée est assez classique en psycholinguistique : on mesure le temps que les participants et participantes mettent à répondre à une question. En l’occurrence, est-ce que ces deux phrases forment une suite logique ? Je prends un exemple avec un terme épicène donc neutre : l’athlète passe la ligne d’arrivée. C’est la première phrase. Seconde phrase : elle s’effondre ensuite de fatigue. Ces deux phrases forment bien une suite logique.

    Le neutre n’est pas neutre

    La question est la suivante : met-on davantage de temps à répondre que oui, ces deux phrases peuvent se suivre, quand la seconde phrase commence par “elle” par rapport à quand elle commence par “il” ? Est-ce que notre cerveau conclut trop vite qu’un terme épicène comme athlète renvoie au masculin ?

    #Léo_Varnet, coauteur principal de cette étude parue dans Frontiers in Psychology : "Donc en fait, c’est exactement ça, c’est bien le cas. Les participants et participantes de l’étude mettent grosso modo une centaine de millisecondes de plus pour répondre quand la seconde phrase commence par "elle", alors que la première phrase contenait le mot l’athlète, donc sans marque de genre. Et donc c’est que la forme, l’épicène, "l’athlète", n’est pas complètement neutre pour le cerveau, on a tendance à supposer que cet athlète est un homme. Autrement dit, on a une représentation qui va être biaisée vers le masculin."

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-sciences/ecriture-inclusive-le-point-median-supprime-les-biais-de-genre-3732260
    #égalité #biais #genre #neutralité

    déjà signalé ici (@monolecte) :
    https://seenthis.net/messages/1081849
    et ici (@odilon) :
    https://seenthis.net/messages/1024990

    • Neutral is not fair enough: testing the efficiency of different language gender-fair strategies

      In many languages with grammatical gender, the use of masculine forms as a generic reference has been associated with a bias favoring masculine-specific representations. This article examines the efficiency of gender-fair forms, specifically gender-unmarked forms (neutralization strategy, e.g., “l’enfant”) and contracted double forms (re-feminization strategy, e.g., “un·e enfant”), in reducing gender biases in language. Extensive empirical research has shown that gender-fair forms have the potential to promote more gender-balanced representations. However, the relative efficiency of these strategies remains a subject of debate in the scientific literature. In order to explore these questions, two experiments were conducted in French. We analyzed the response times and percent correct scores using a sentence evaluation paradigm, where the participants had to decide whether a second sentence starting with a gendered personal pronoun (“il” or “elle”) was a sensible continuation of the first sentence written in a gender-fair form. Experiment 1 confirmed that gender-unmarked forms are not fully effective in neutralizing the masculine bias. In Experiment 2, a comparison was made between gender-unmarked forms and contracted double forms, to assess their respective abilities to generate more balanced representations. The findings indicated that contracted double forms are more effective in promoting gender balance compared to gender-unmarked forms. This study contributes to the existing scientific literature by shedding light on the relative efficiency of neutralization and re-feminization strategies in reducing gender biases in language. These results have implications for informing efforts to promote more inclusive and unbiased language practices.

      https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2023.1256779/full

    • Réponse aux réactions sur l’écriture inclusive

      Suite à la publication de notre article scientifique sur l’écriture inclusive, et à la communication qui a été faite autour de ces résultats dans des médias plus grand public (en particulier le site du CNRS, France Culture, Sciences et Avenir, et même Marie-Claire), j’ai reçu un certain nombre de réactions et de questions. Si l’on fait abstraction des commentaires attendus concernant mon supposé « wokisme », et autres noms d’oiseaux, la plupart des personnes ayant manifesté leur désaccord l’ont fait de façon respectueuse et sur la base d’un petit nombre d’arguments assez récurrents. Il me paraît donc utile de revenir sur ces critiques les plus fréquentes pour y répondre ici de façon apaisée.

      FAQ

      > Il ne s’agit que d’une étude isolée, à ce stade on ne peut pas affirmer de façon certaine que le masculin générique biaise nos représentations.

      Non, ce commentaire confond l’article que nous avons publié récemment, qui porte sur une comparaison de deux formes d’écriture inclusive, et l’état des connaissances en psycholinguistique concernant le masculin générique. Si les conclusions de notre étude ponctuelle peuvent tout à fait être remises en cause par des résultats ultérieurs, il y a en revanche un consensus scientifique quant à l’effet du masculin générique sur les représentations genrées (pour un résumé, voir par exemple cette présentation qui liste un certain nombre de publications sur le sujet). Il existe désormais un corpus fourni d’articles portant sur la compréhension du masculin générique et de l’écriture inclusive, et tous convergent sur la conclusion que le masculin générique n’est pas neutre, cognitivement parlant.

      > En français, il faut utiliser le masculin comme neutre, il y a des circulaires qui nous y obligent

      La discussion porte ici sur des faits scientifiques (mesure expérimentale de l’interprétation d’une forme d’écriture ou d’une autre par le cerveau humain). Les arguments légaux n’ont donc rien à apporter à cet aspect du débat, de la même façon qu’une circulaire affirmant que la Terre est plate ne changerait pas la rotondité de la planète, ou qu’on ne peut pas passer une loi pour démontrer la quadrature du cercle1.

      Notons au passage que les fameuses circulaire Edouard Philippe et circulaire Blanquer véhiculent en réalité des indications contradictoires : notamment, elles proscrivent « le recours à l’écriture dite inclusive » jugée inutile, mais imposent d’écrire « le candidat ou la candidate » ou « les inspecteurs et les inspectrices de l’éducation nationale » ce qui est déjà une reconnaissance que cette forme particulière d’écriture inclusive (la double flexion) participe de la promotion de l’égalité femmes/hommes.

      > « Le masculin fait le neutre », c’est une règle du français.

      Cet argument est à mon avis au cœur de la confusion actuelle, et mérite donc d’être développé.

      Est-ce que le masculin est neutre ? Cela dépend de ce que l’on entend exactement par là. Si la question concerne l’existence d’une règle grammaticale en français permettant de désigner un groupe mixte par un masculin, la réponse est « ça n’a pas toujours été le cas, mais actuellement oui ». Cependant, dans le débat actuel, le clivage ne porte pas tant sur l’existence de la règle que sur sa compréhension par le cerveau2. Autrement dit, il ne s’agit pas de savoir s’il est « autorisé » d’utiliser telle ou telle formulation (grammaire prescriptive) mais plutôt comment cette formulation va être interprétée (grammaire mentale).

      De façon peut-être un peu surprenante, la grammaire mentale stockée dans notre cerveau ne correspond pas forcément à celle des manuels de grammaire. Lors de la lecture, comme dans beaucoup d’autres tâches, notre cerveau utilise souvent des « raccourcis » plutôt que d’appliquer méthodiquement toutes les règles qui lui ont été enseignées lors de notre scolarité. Ainsi, pour prendre un exemple moins polémique que le masculin générique, la plupart des locuteurs et locutrices du français savent que le substantif « prénom » se décompose en un préfixe (« pré ») suivi d’un radical (« nom ») permettant de retrouver le sens étymologique du mot (« ce qui précède le nom de famille »). Cependant, lorsque nous lisons le mot « prénom », notre cerveau ne le redécompose pas pour en identifier le sens mais le traite plutôt comme un bloc. Il en va de même pour le masculin générique : il existe bien une règle de grammaire « le masculin fait le neutre », mais ce n’est pas cette règle que notre cerveau applique spontanément, qu’on le veuille ou non.

      > Utiliser le langage inclusif ne résoudra pas le problème des discriminations de genre au sein de la société. Il y a d’autres combats à mener.

      Effectivement, l’adoption du langage inclusif a peu de chances de dénouer d’un coup tous les problèmes liés au sexisme, et je ne pense pas que quiconque ait jamais prétendu cela. Il s’agit donc clairement d’un homme de paille rhétorique.

      Il est également important de rappeler que les auteurs et autrices de cette étude ne mènent pas un combat, mais un programme de recherche. Nous ne formulons pas de consignes concernant l’usage de la langue (contrairement à la très conservatrice Académie Française), et notre article se borne à étudier les effets d’une formulation ou d’une autre sur les représentations.

      > Cette expérience porte sur une situation vraiment particulière et peu courante : deux phrases qui s’enchaînent, la première contenant un terme en écriture inclusive et la seconde commençant par « il » ou « elle ». C’est très spécifique, qu’est-ce qui nous dit que ces phénomènes ont lieu de façon générale dans le langage ?

      Le protocole expérimental peut effectivement paraître un peu arbitraire car il s’agit justement d’un protocole, destiné avant tout à mettre en évidence et à mesurer un effet de façon robuste. La psycholinguistique est une science expérimentale et, en tant que telle, elle se concentre sur des situations peut-être peu courantes dans la vie de tous les jours mais qui permettent de tester des phénomènes de façon reproductible.

      Ceci étant précisé, il faut rappeler que la conclusion concernant le masculin générique ne repose pas sur une étude isolée mais sur un corpus de plus d’une trentaine d’études dans différentes langues et utilisant différentes méthodologies, qui sont unanimes sur la mesure d’un biais vers le masculin. Il est très rare d’avoir des résultats aussi cohérents, surtout en sciences cognitives, et cela suggère donc fortement que le phénomène n’est pas limité aux types de phrases ou aux mots utilisés dans l’étude.

      > L’étude montre une différence de temps de traitement de quelques centaines de millisecondes entre le féminin et le masculin, quelle est l’incidence sur la société d’un délai aussi infime ?

      Il s’agit effectivement d’une question importante, qui appelle une réponse en deux temps.

      Tout d’abord, il est tout à fait envisageable que ce délai, même court, puisse influencer certaines prises de décision rapide que nous effectuons dans la vie de tous les jours. On pense en premier lieu à des situations telles que le survol d’offres d’embauche, la sélection d’une candidature pour un poste, la réponse à des questionnaires, autant de situations où il a été montré que l’usage du masculin générique défavorise les femmes.

      Plus fondamentalement, il ne s’agit pas uniquement d’une question de temps de réflexion mais surtout de représentations. La chronométrie mentale (mesure des temps de réponse) est une méthodologie standard en psychologie cognitive permettant de mettre en évidence un déséquilibre dans le traitement par le cerveau de deux conditions expérimentales particulières, par exemple un dans l’accès aux représentations suite à la lecture d’un type de phrases ou d’un autre. Ce déséquilibre se traduit ensuite de multiples façons, selon les situations. Dans le cas du masculin générique, l’exemple le plus frappant en français est certainement l’étude de Markus Brauer et Michaël Landry en 2008 : si l’on demande, sous prétexte d’un sondage politique, de citer « tous les candidats » susceptibles d’accéder au poste de premier ministre, les personnes interrogées mentionnent 3 fois moins de noms de femmes que lorsqu’on leur demande de citer « les candidats et les candidates » à ce poste (Brauer & Landry, 2008). On voit sans peine comment ce déséquilibre dans les représentations peut ensuite avoir un impact sur la société en général. (Voir également la réponse à la question suivante)

      > Ce résultat est absurde : il suffit de réfléchir deux secondes pour comprendre que « les infirmiers » peut désigner un groupe comprenant des infirmières et que « l’athlète » peut être en fait une athlète.

      En effet, nous sommes tout à fait capables de modifier nos représentations spontanées moyennant un court délai de latence. L’étude porte justement sur la mesure de ce délai comme preuve de l’existence d’un biais des représentations spontanées en faveur du masculin.

      Pour citer la métaphore utilisée par Pascal Gygax, Ute Gabriel, et Sandrine Zufferey dans leur ouvrage « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » (Gygax et al., 2021) :

      Il faut essayer de s’imaginer le cerveau comme un espace rempli d’une multitude d’ampoules. Quand vous produisez ou entendez un mot (ou une idée), les ampoules qui correspondent à ce mot s’allument. Ces ampoules se réfèrent aussi bien aux lettres du mot qu’à son sens, qu’aux associations qu’il évoque, etc. Le fait est que toutes ces ampoules ne s’allument pas complètement, et en tout cas pas immédiatement. Ainsi, quand vous cherchez un mot pour décrire quelque chose, quelques ampoules vont s’allumer, un peu grésiller peut-être. […] Par exemple si je vous parle d’ « une bière que nous mettons dans la voiture », il est peu probable que vous pensiez tout de suite à un cercueil. Le lien entre « bière » et « boisson » est déjà allumé car ce lien est fréquent. En revanche, maintenant que nous venons de parler de « cercueil » (nous avons activé l’ampoule), si je vous dis que « nous mettons la bière dans la voiture », votre pensée n’est plus la même.

      La mesure des temps de réponses est l’un des outils à la disposition des psycholinguistes pour identifier quelles ampoules mettent du temps à s’allumer. Suite à la lecture d’un mot, il nous est possible, moyennant un peu plus de temps et d’énergie, de nous assurer que les bonnes ampoules sont allumées. Cela ne signifie cependant pas que le biais n’existe pas, mais uniquement que nous avons pris le temps de le compenser.

      Par ailleurs, notez que nous cherchons ici à corriger nos biais spontanés car nous savons que l’expérience porte sur le genre grammatical. Dans la vie de tous les jours, en revanche, nous ne prenons pas toujours le soin de « rectifier le tir » ainsi que l’indique par exemple l’expérience du sondage politique cité plus haut : les répondants et répondantes ne corrigent pas leur biais en faveur des hommes même lorsqu’on leur en laisse le temps.

      > Le point médian est imprononçable.

      Le point médian n’est pas destiné à être prononcé, mais doit être considéré comme une abréviation de la double flexion. À l’oral, le terme « un·e athlète » se prononce donc « un ou une athlète », de la même façon que « M. Durand » se prononce « monsieur Durand ».

      > Le point médian, je trouve ça très laid.

      Libre à vous. L’étude ne s’intéresse pas aux jugements esthétiques mais à la compréhension. Voir également la question suivante.

      > Le point médian devrait être banni car il pose des problèmes de lisibilité / complique la lecture pour les personnes dyslexiques / n’inclut pas les personnes non-binaires.

      Cet article ne prétend pas trancher la question du point médian, qui englobe des dimensions sociologiques et politiques largement hors de notre champ d’expertise, mais uniquement apporter un regard scientifique sur un aspect de la controverse : l’efficacité de différentes formes d’écriture inclusive pour mitiger les biais en faveur du masculin.

      D’autres considérations sont effectivement à prendre en compte pour juger de l’utilité ou non du point médian. Parmi elles, la question de l’inclusion des personnes non-binaires me semble tout à fait pertinente. La question de la lisibilité, en particulier pour les personnes dyslexiques, est également capitale même si, pour l’heure, les données scientifiques sur le sujet sont insuffisantes pour tirer des conclusions. Tant qu’il reste à l’état de conjecture sans fondement factuel, ce dernier argument ressemble singulièrement à un épouvantail agité par les opposants et opposantes de l’écriture inclusive3.

      > En [espagnol/allemand/anglais/italien] le genre grammatical de certains mots est différent du français. On n’a pourtant pas l’impression d’avoir une représentation du monde différente pour autant. Quand je pense à « la table » je ne pense pas à un utérus.

      Notre étude, ainsi que toutes celles que nous citons, ne portent pas sur le genre grammatical des objets mais uniquement des personnes. Il n’existe pas de termes épicènes pour les objets, et il n’y a pas non plus lieu d’utiliser un point médian.

      > L’Académie Française a dit que…

      Malheureusement, l’Académie Française n’a pas d’expertise en la matière : ainsi, à ma connaissance, aucun de ses membres n’est linguiste de formation ni ne publie d’articles dans des revues de linguistique. Je vous invite donc à vous appuyer sur des travaux d’experts et d’expertes reconnues, par exemple ceux du collectif des linguistes atterré·e·s, composé en majeure partie de chercheurs et de chercheuses du domaine.

      Ceci ne doit bien sûr pas laisser penser cependant que les linguistes sont unanimement en faveur de l’écriture inclusive. Certains arguments avancés sont d’ailleurs à mon sens tout à fait pertinents, mais ils sortent du cadre psycholinguistique de notre étude.

      > Il n’existe pas de preuve définitive que ces biais linguistiques ont de véritables conséquences sur la société.

      Un certain nombre d’études se sont intéressées à l’influence de la forme d’écriture dans des situations de lecture plus proches de la vie courante. Il a ainsi été montré que l’usage du masculin générique dans un questionnaire a un effet négatif sur l’évaluation par les répondantes de leur propre efficacité, chez les adultes (Vainapel et al., 2015) comme chez les adolescentes (Chatard-Pannetier et al., 2005), et que les annonces d’emploi rédigées en écriture inclusive aident à considérer la candidature de femmes, en particulier dans les métiers stéréotypés masculins (Gygax & Gabriel, 2008 ; Vervecken et al., 2015). Comme mentionné précédemment, ces effets entrent également en jeu lors de la réponse à des sondages politiques (Brauer & Landry, 2008 ; Stahlberg & Sczesny, 2001), mais aussi lorsqu’il s’agit de citer des acteurs et actrices, chanteurs et chanteuses, héros et héroïnes (Brauer & Landry, 2008 ; Stahlberg et al., 2001), ou encore de se représenter mentalement une personne ou un groupe (Brauer & Landry, 2008 ; Tibblin et al., 2023 ; Xiao et al., 2023).

      On peut discuter du degré de généralité de ces phénomènes, et notamment de s’il convient de les interpréter comme une forme de « déterminisme linguistique ». En revanche, le fait que le masculin générique engendre un biais favorisant les hommes dans un certain nombre de situations de la vie courante est incontestable.

      Conclusion : des objections valables et d’autres non

      La plupart des remarques qui m’ont été adressées reflètent d’authentiques interrogations auxquelles je suis ravi de pouvoir apporter des éléments de réponse. En revanche je note également une certaine mauvaise foi, consciente ou non, de la part d’un petit nombre personnes critiquant le langage inclusif de façon particulièrement bruyante.

      En premier lieu, j’aimerais souligner à nouveau que, contrairement à une idée largement diffusée, le masculin générique n’est pas considéré comme neutre par le cerveau. En l’état actuel des connaissances, l’affirmation que le masculin générique induit un biais des représentations vers le masculin spécifique est un fait établi, faisant l’objet d’un consensus scientifique. Remettre ce point en question s’apparente donc aujourd’hui à de la désinformation. Le fait que de prétendu·e·s expert·e·s n’hésitent pas à s’exprimer sur le sujet sans se donner la peine de se documenter sur les recherches et les données empiriques est révélateur de leur degré d’ « idéologie », pour reprendre un terme souvent utilisé contre les défenseurs et défenseuses de l’écriture inclusive.

      Par ailleurs, parmi les critiques de notre étude, certains et certaines remettent en cause le caractère scientifique de l’approche psycholinguistique en général. Ces personnes se réclament d’un niveau d’exigence scientifique supérieur en demandant un degré de preuve inaccessible (particulièrement aux sciences du vivant) ou des recherches irréalisables, et en affirmant que l’existence d’autres facteurs non pris en compte invalide le domaine d’étude. Ce comportement est la marque d’un biais de non-confirmation, qui consiste à fixer des normes plus strictes, voire inatteignables, pour les hypothèses qui vont à l’encontre de nos attentes : à vrai dire, les mêmes critiques pourraient être utilisées pour disqualifier l’intégralité des recherches en sciences cognitives, y compris les plus communément admises comme l’existence de biais cognitifs. Dans son livre « Le Sexe et la Langue » consacré à la dénonciation de l’écriture inclusive comme « manipulation militante prenant la langue en otage d’une manœuvre d’intimidation idéologique », le linguiste Jean Szlamowicz consacre quelques pages aux données psycholinguistiques. S’il concède du bout des lèvres que « certains chercheurs en psycholinguistique tentent des « expériences » pour prouver cette activation de représentations [de représentations masculines] », c’est pour préciser immédiatement que « quelle que soit l’expérience, on arrivera toujours à produire des chiffres et des corrélations ». Ceci illustre bien la stratégie consistant à disqualifier tout un champ de recherche dès lors que certains de ses résultats ne vont pas dans le sens de nos convictions.

      Ces deux attitudes consistant à nier un consensus scientifique, soit par simple omission soit en rejetant comme non-scientifique un domaine d’étude vieux de plus d’un siècle, rappellent les arguments du climato-négationnisme et d’autres formes de dénialisme. Avec de tels « inclusivo-sceptiques », la polémique sur le point médian a peu de chance de s’apaiser.

      Illustration : Photographie de Lawrence Schwartzwald « Reading Series – three women reading on a park bench in Washington square Park, October 4, 2013″.

      Références

      Brauer, M., & Landry, M. (2008). Un ministre peut-il tomber enceinte  ? L’impact du générique masculin sur les représentations mentales. L’Année psychologique, 108(2), 243‑272.

      Chatard-Pannetier, A., Guimont, S., & Martinot, D. (2005). Impact de la féminisation lexicale des professions sur l’auto-efficacité des élèves  : Une remise en cause de l’universalisme masculin  ? L’Année psychologique, 105(2), 249‑272. https://doi.org/10.3406/psy.2005.29694

      Gygax, P., & Gabriel, U. (2008). Can a Group of Musicians be Composed of Women ? Generic Interpretation of French Masculine Role Names in the Absence and Presence of Feminine Forms. Swiss Journal of Psychology, 67(3), 143‑151. https://doi.org/10.1024/1421-0185.67.3.143

      Gygax, P., Zufferey, S., & Gabriel, U. (2021). Le cerveau pense-t-il au masculin  ?  : Cerveau, langage et représentations sexistes. Le Robert.

      Stahlberg, D., & Sczesny, S. (2001). Effekte des generischen Maskulinums und alternativer Sprachformen auf den gedanklichen Einbezug von Frauen. [Effect of the generic use of the masculine pronoun and alternative forms of speech on the cognitive visibility of women.]. Psychologische Rundschau, 52, 131‑140. https://doi.org/10.1026/0033-3042.52.3.131

      Stahlberg, D., Sczesny, S., & Braun, F. (2001). Name Your Favorite Musician  : Effects of Masculine Generics and of their Alternatives in German. Journal of Language and Social Psychology, 20(4), 464‑469. https://doi.org/10.1177/0261927X01020004004

      Tibblin, J., Weijer, J. van de, Granfeldt, J., & Gygax, P. (2023). There are more women in joggeur·euses than in joggeurs  : On the effects of gender-fair forms on perceived gender ratios in French role nouns. Journal of French Language Studies, 33(1), 28‑51. https://doi.org/10.1017/S0959269522000217

      Vainapel, S., Shamir, O. Y., Tenenbaum, Y., & Gilam, G. (2015). The dark side of gendered language  : The masculine-generic form as a cause for self-report bias. Psychological Assessment, 27(4), 1513‑1519. https://doi.org/10.1037/pas0000156

      Vervecken, D., Gygax, P., Gabriel, U., Guillod, M., & Hannover, B. (2015). Warm-hearted businessmen, competitive housewives ? Effects of gender-fair language on adolescents’ perceptions of occupations. Frontiers in Psychology, 6. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2015.01437

      Xiao, H., Strickland, B., & Peperkamp, S. (2023). How Fair is Gender-Fair Language ? Insights from Gender Ratio Estimations in French. Journal of Language and Social Psychology, 42(1), 82‑106. https://doi.org/10.1177/0261927X221084643

      http://dbao.leo-varnet.fr/2023/12/19/reponse-aux-reactions-sur-lecriture-inclusive

      #réponses #FAQ #arguments #argumentaire

    • Langage inclusif : pour le #cerveau, le neutre n’est pas neutre

      Il est désormais bien établi que l’utilisation du masculin générique engendre des représentations mentales déséquilibrées en faveur du masculin. Pour autant, toutes les formes d’écriture inclusive sont-elles aussi efficaces pour contrer ce biais ? Dans une étude récente parue dans la revue Frontiers in Psychology, une équipe de scientifiques a démontré que les formulations neutres, sans marque de genre grammatical, ne permettent pas d’éliminer complètement le biais vers le masculin, au contraire des formes doubles qui mentionnent à la fois le masculin et le féminin.

      Depuis quelques décennies, le langage inclusif suscite régulièrement de vifs débats de société. Dans ce contexte, la psycholinguistique — la science qui s’intéresse à la compréhension du langage par le cerveau — permet d’apporter un regard scientifique sur certains aspects de ce sujet polémique.

      Jusqu’à présent, les recherches dans le domaine se sont essentiellement concentrées sur les effets du masculin générique : par exemple, dire « les chanteurs » pour désigner un groupe composé de femmes et d’hommes. De nombreuses études ont montré de façon répétée et dans plusieurs langues que, même si la grammaire autorise une interprétation générique du masculin, cette règle engendre dans notre cerveau des représentations mentales majoritairement masculines. En parallèle, d’autres travaux comparant le masculin générique avec différentes formes de langage inclusif ont conclu que ce dernier permettait de susciter des représentations moins biaisées en faveur du masculin. Dans leur étude, Léo Varnet, chargé de recherche CNRS au Laboratoire des systèmes perceptifs1 , Elsa Spinelli, membre du Laboratoire de psychologie et de neurocognition2 et Jean-Pierre Chevrot, membre du Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles3 , ont exploré plus avant les différences entre deux stratégies d’écriture inclusive : la neutralisation du genre (par exemple, dire « les choristes » au lieu de « les chanteurs ») et la re-féminisation (par exemple : « les chanteurs et les chanteuses », ou « les chanteur·euse·s » en utilisant le point médian).

      Cette étude s’appuie sur un protocole expérimental particulier permettant de détecter des différences fines dans le temps mis par le cerveau pour traiter le genre des mots. Une liste de vingt-deux mots épicènes — c’est-à-dire sans marque de genre grammatical — commençant par une voyelle et non-stéréotypés a été sélectionnée, parmi lesquels « enfant », « adulte », ou encore « architecte ». Deux phrases étaient présentées successivement aux participants et participantes de l’expérience, qui devaient juger si la seconde phrase, commençant par « il » ou « elle », était une continuation correcte de la première. Cette première phrase contenait l’un des mots épicènes, soit dans une forme neutre (par exemple : « L’architecte surveille les travaux en cours »), soit dans une forme double utilisant le point médian (par exemple : « Un·e architecte surveille les travaux en cours »). Les scientifiques ont étudié en particulier le temps nécessaire au cerveau pour conclure que la seconde phrase commençant par « il » ou « elle » était compatible avec la première.

      Les résultats de la première expérience indiquent que les formes neutres ne permettent pas de contrecarrer totalement le biais en faveur du masculin. Ainsi, par exemple, le mot « l’adulte » n’a pas de genre grammatical défini, pourtant les participants et participantes de l’étude l’interprètent plus facilement comme un adulte de genre masculin, et mettent donc légèrement plus de temps à identifier qu’il peut également s’agir d’une adulte. Ceci indique que, même en l’absence de toute marque de genre, notre cerveau présente un biais par défaut en faveur du masculin. Les auteurs et autrices de l’étude proposent plusieurs interprétations en soulignant notamment que les termes épicènes sont majoritairement employés au masculin (ainsi, « enfant » est souvent employé dans des phrases reposant sur le masculin générique comme « Ils attendent un enfant »). Ceci pourrait expliquer pourquoi les locuteurs et locutrices du français ont ensuite tendance à associer majoritairement les termes épicènes au genre masculin.

      Dans un second temps, la même expérience a été reproduite en utilisant cette fois le point médian. Les résultats obtenus indiquent que le déséquilibre de temps de traitement entre le masculin et le féminin était alors totalement éliminé : la présence explicite des marques masculine et féminine force le cerveau à considérer les deux alternatives.

      Cette étude éclaire à quel point le cerveau est profondément affecté par le biais de genre dans le langage : il tend à présupposer le masculin même face à des phrases n’employant pas le masculin générique. La stratégie de re-féminisation qui fait apparaître les formes masculines et féminines des mots (par exemple, « Françaises, Français ») apparaît donc la plus efficace pour susciter des représentations mentales équilibrées.

      https://www.inshs.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/langage-inclusif-pour-le-cerveau-le-neutre-nest-pas-neutre

      signalé ici (@touti)
      https://seenthis.net/messages/1023975

  • #Évacuations de #Libye : l’interminable #attente des migrants dans le #centre_de_transit de #Gashora au #Rwanda

    Depuis septembre 2019, le Rwanda accueille dans le centre de Gashora, à l’est du pays, des demandeurs d’asile évacués par l’#ONU des prisons libyennes. Depuis le pays est-africain, ces exilés attendent ensuite que leur dossier d’asile soit traité par un pays occidental. Irshad, jeune Darfouri, fait partie de ces « #évacués », mais son attente à Gashora s’éternise. Reportage.

    « Ne vous inquiétez pas, je vous trouverai », nous a assuré Irshad au téléphone alors que nous descendions du minibus au carrefour principal de Gashora, une petite ville située à 40 km au sud-est de Kigali, au Rwanda. Le jeune homme, de nationalité soudanaise, nous a rapidement fait signe en venant à notre rencontre sur la seule route bitumée de la ville. « Vous avez de la chance d’être venus maintenant, la route est enfin construite », sourit-il. « Elle est moins cahoteuse ».

    Irshad est l’un des 600 réfugiés du centre de transit de Gashora, qui accueille les migrants évacués de Libye dans le cadre d’un programme onusien appelé « #Mécanisme_de_transit_d'urgence » (#ETM). Mis en place par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (#HCR) en 2019, ce programme vise à évacuer les publics vulnérables des centres de détention libyens, de les installer dans le centre rwandais, puis de les transférer dans un pays occidental – où leur dossier d’asile est accepté. ETM prévoit aussi la possibilité de rentrer dans son pays d’origine ou même de rester au Rwanda.

    Sur la route principale de Gashora, ville située dans une région pauvre et encore meurtrie par le génocide d’il y a 30 ans, le revêtement de bitume a lui aussi été financé par le HCR. Nous marchons sur l’asphalte avec Irshad avant d’arriver devant la porte du #centre_de_transit. Le jeune homme nous invite à le suivre à l’étage d’un des bâtiments, dans une cafeteria avec vue sur la route flambant neuve. Nous apprenons qu’il s’agit du seul endroit à Gashora où les demandeurs d’asile du centre se retrouvent pour discuter et tuer le temps. Murs bleu turquoise et chaises en paille. Contrairement aux autres cafés du village, celui-ci ne sert pas de bière. « Et le cuisinier est érythréen », précise Irshad, nous faisant comprendre que la nourriture est bien meilleure ici que dans le reste du village.
    « J’ai des amis qui ont été acceptés en France et aux États-Unis »

    Le centre de Gashora est perçu par le HCR comme une réponse à la crise libyenne. Il permet dans le cadre du programme ETM d’offrir aux réfugiés un temps de répit au Rwanda avant de partir vers un pays tiers. Irshad, originaire du Darfour, attend cette fameuse réinstallation. Mais son transfert temporaire à Gashora s’est transformé en une attente permanente.

    Il pensait pourtant que quitter le Rwanda ne serait qu’une question de temps. « J’ai des amis qui ont été acceptés en France et aux États-Unis », explique-t-il. Un jeune Érythréen assis à côté de lui, dans le café, doit quitter Gashora le jour même. Sa demande d’asile a été acceptée en France.

    Mais pour Irshad, rien. Depuis son arrivée en 2022 au centre, il n’a toujours pas été « accepté » par un pays tiers. Sa demande de #réinstallation au Canada pour rejoindre sa sœur a été refusée il y a quelques mois. On ne lui a pas donné de raison, ni offert la possibilité de faire appel de la décision.

    Les pays tiers peuvent, en effet, refuser certains dossiers. Les demandeurs d’asile doivent alors recommencer les procédures à zéro, depuis le Rwanda, et déposer un nouveau dossier de réinstallation vers un autre État. Cela peut prendre des mois voire des années.

    « Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle ma demande vers le Canada a été refusée. Je vais devoir faire un nouveau dossier ailleurs, et cela risque de prendre des années […] Des demandeurs d’asile se trouvent à Gashora depuis l’ouverture de l’ETM en 2019 […] Ils essuient refus sur refus et n’ont d’autre choix que d’attendre et de continuer à déposer des demandes », continue le Soudanais.

    Un parcours du combattant déploré par les ONG. « En théorie, les gens ne sont pas censés rester plus de six mois, ici. Ceux qui sont orientés vers Gashora sont des personnes vulnérables et qui devraient avoir de fortes chances d’obtenir le statut de réfugié », explique R.S., un responsable d’une ONG internationale, sous couvert d’anonymat.

    L’enfer libyen

    Irshad a hâte de rejoindre un pays occidental et de laisser les traumatismes de son exil derrière lui. Le jeune Soudanais raconte son histoire, semblable à mille autres avant lui : il a rejoint la Libye avec son grand frère en 2018 avant d’être brutalement séparé de lui. « Nous sommes montés dans deux embarcations différentes pour rejoindre l’Europe. La sienne a rejoint l’Italie, la mienne a été interceptée par les gardes-côtes libyens », explique-t-il. Irshad réessaiera sept fois la traversée, en vain.

    Chacune des interceptions en mer l’a conduit en prison. En Libye, les autorités envoient automatiquement les migrants arrêtés en Méditerranée dans des centres de détention – où les exactions, les tortures, les viols sont légion. « Vous ne quittez la prison que si vous payez. Si vous ne pouvez pas payer, ils vous forcent à travailler. Vous devez essayer de rester en vie jusqu’à ce que quelqu’un paie pour vous ou qu’ils vous laissent partir », détaille-t-il en référence aux gardiens – ou aux milices - qui gèrent ces géôles libyennes.

    Autour de nous, d’autres personnes prennent des chaises et s’installent à notre table. Ce sont des amis d’Irshad, ils sont originaires d’Érythrée, de Somalie du Soudan : ils se sont tous rencontrés à Gashora. Ils se joignent à la conversation. Leurs témoignages sur les mois passés en Libye font écho à l’histoire d’Irshad. Certains montrent les cicatrices laissées par les tortures qu’ils ont subies en détention, des marques luisantes sur leurs bras, leurs jambes et leur dos.

    C’est aussi pour tenter de rompre ce cycle de violences que l’ONU a ouvert le centre de transit de Gashora. « J’ai accepté le programme du HCR parce que tout est mieux que d’être en Libye », continue Irshad. « Mais je ne savais pas que je resterais coincé ici pendant des années ».

    « Il ne fait aucun doute qu’il vaut mieux être transféré au Rwanda que de rester en détention en Libye », explique de son côté l’humanitaire R.S. « Mais l’ETM n’est pas la solution miracle. C’est un moyen d’essayer de répondre en urgence à la situation dramatique qui prévaut en Libye. Mais ce n’est pas un exemple à suivre ». Sans compter que le centre de Gashora ne compte que 600 places. L’ONU estimait en décembre 2023 que le nombre de migrants en Libye dépassait les 700 000.

    Le Rwanda, une alternative fiable pour les Européens

    Aujourd’hui, de nombreux pays de l’Union européenne (UE) considèrent le Rwanda comme un partenaire potentiel dans leur politique migratoire - alors même que le régime de Paul Kagame fait l’objet d’une surveillance internationale pour ses atteintes aux droits de l’Homme.

    En juillet dernier, le nouveau Premier ministre travailliste du Royaume-Uni, Keir Starmer, a mis fin au controversé « Plan Rwanda » qui prévoyait d’envoyer les migrants arrivés illégalement par « small boats » au Rwanda. Malgré l’échec de cet accord, l’externalisation de l’asile vers des pays tiers est toujours une option envisagée par de nombreux États membres de l’UE. L’Italie, par exemple, construit actuellement deux centres de détention en Albanie pour traiter les demandes d’asile des personnes secourues en mer.

    En mai dernier, les ministres de l’Intérieur de 15 États membres de l’UE ont même signé une lettre adressée à Ylva Johansson, alors commissaire européenne aux Affaires intérieures, décrivant l’externalisation de l’asile vers des « pays tiers sûrs » comme une solution à la migration irrégulière. Ils ont également cité l’ETM comme un modèle de « solution durable ».

    Mais le pays plait-il vraiment aux exilés ? Bien que le programme ETM offre la possibilité d’un séjour permanent au Rwanda, aucune des 2 000 personnes passées par Gashora n’a choisi d’y rester. « Personne ne veut rester au Rwanda », déclare Irshad, en regardant ses camarades. « Ce n’est pas parce que le Rwanda n’est pas sûr », poursuit-il. « Le Rwanda est très sûr si vous ne créez pas d’ennuis. Le problème, c’est qu’on n’a aucune certitude. Quelles garanties avons-nous que nous ne serons pas renvoyés au Soudan ? »
    "Pas de travail au Rwanda"

    L’autre obstacle réside dans le manque de perspectives professionnelles et économiques. « Il n’y a pas de travail pour les réfugiés au Rwanda. C’est un fait », affirme Irshad.

    Les demandeurs d’asile du camp de Gashora ne sont pas autorisés à travailler, même si nombre d’entre eux se rendent dans les villes voisines et arrondissent l’allocation hebdomadaire qui leur est versée en travaillant au noir. "Vous savez combien je touche pour une journée de travail à Kigali ? demande Irshad. « 2 000 francs rwandais [environ 1,5 dollar américain]. Ici, un paquet de cigarettes coûte 1 500 francs rwandais. Comment pouvez-vous survivre ainsi ? »

    « Je suis reconnaissant [envers l’ONU et le Rwanda] de m’avoir permis de quitter la Libye. Mais faire venir des migrants depuis l’Europe jusqu’ici pour traiter leur demande d’asile, c’est une très mauvaise idée. Les Rwandais ont du mal à trouver du travail. Comment peut-on s’attendre à ce que des réfugiés traumatisés par l’exil, qui ne connaissent pas le pays, ne parlent pas la langue puissent le faire ? »

    https://www.infomigrants.net/fr/post/60501/evacuations-de-libye--linterminable-attente-des-migrants-dans-le-centr

    ping @karine4 @_kg_

    • Citation :

      Depuis septembre 2019, le Rwanda accueille dans le centre de Gashora, à l’est du pays, des demandeurs d’asile évacués par l’#ONU des prisons libyennes. Depuis le pays est-africain, ces exilés attendent ensuite que leur dossier d’asile soit traité par un pays occidental. Irshad, jeune Darfouri, fait partie de ces « #évacués », mais son attente à Gashora s’éternise.

      Voilà un nouveau mot à ajouter à la liste de #mots pour désigner les personnes en migration : « évacués »
      –—

      ajouté à la métaliste sur les mots de la migration :
      https://seenthis.net/messages/414225
      #vocabulaire #terminologie #mots

  • Une #culture_du_viol à la française

    –-> À l’occasion du procès des viols de Mazan, les livre est mis en accès libre

    Du « troussage de domestique » à la « liberté d’importuner »

    « La culture du viol touche toutes les cultures, tous les pays. Elle présente cependant des particularités bien spécifiques selon le milieu dans lequel elle s’exprime et se développe. En #France, chaque fois que la question des #violences_sexuelles est posée dans le débat public, les mêmes réticences s’expriment. Certains s’élèvent pour dénoncer l’horrible #moralisme_réactionnaire qui voudrait condamner la #liberté_sexuelle si chèrement acquise, nuire à l’identité amoureuse nationale en important le #puritanisme au pays des libertés. Avec un vocable bien choisi et une certaine #hypocrisie, on évoque l’#amour_à_la_française en termes de #galanterie, de #courtoisie ou de #libertinage. On loue nos #traditions, l’attention portée aux femmes et la sophistication de nos jeux de #séduction. Derrière ce charmant #vocabulaire, la réalité est beaucoup moins glamour. »

    Dans cet essai documenté et novateur, l’autrice analyse et définit les violences sexuelles, déboulonne toutes nos #idées_reçues et bat en brèche l’argumentaire #déresponsabilisant les violeurs. Elle insiste sur les spécificités hexagonales du concept de « culture du viol », démythifie le patrimoine littéraire et artistique, et démontre, point par point, qu’il est possible de déconstruire les #stéréotypes_de_genre et d’éduquer les hommes à ne pas violer.

    https://www.editionslibertalia.com/catalogue/hors-collection/une-culture-du-viol-a-la-francaise

    #terminologie #mots #littérature #art #éducation #viols #livre #Valérie_Rey-Robert

    déjà signalé par @biggrizzly ici : https://seenthis.net/messages/1072792

  • Via il Papa e Mattarella, a Trieste i migranti tornano a dormire all’addiaccio. E il prefetto scopre la Bora: “Moduli Onu inutili”

    Dopo anni di inerzia istituzionale e migliaia di richiedenti asilo all’addiaccio nonostante la legge imponga la loro accoglienza, lo scorso giungo era stata annunciata la soluzione. La 50a edizione delle Settimane sociali dei cattolici italiani si sarebbe tenuta a Trieste, dal 3 al 7 luglio, alla presenza del Capo dello Stato, Sergio Mattarella, e di Papa Francesco, che aveva annunciato di voler incontrare i richiedenti accampati nel famigerato Silos, il fatiscente edificio accanto alla stazione cittadina, di proprietà della Coop, già magazzino portuale ai tempi dell’Impero austroungarico. Per evitare che il pontefice mostrasse al mondo il degrado che il Comune denunciava pur senza muovere un dito, il sindaco Roberto Dipiazza decise di firmare l’ordinanza di sgombero del Silos dove i migranti della rotta balcanica accampavano da anni tra fango, topi, freddo e immondizia. L’alternativa? L’ampliamento di una struttura esistente grazie ai moduli abitativi forniti dalle Nazioni Unite, da installare esternamente, e un “elevato turnover” con trasferimenti più assidui e costanti verso le altre regioni. La farsa – è già tempo di chiamarla così – è durata appena un mese. Già ad agosto, infatti, i trasferimenti sono tornati a diradarsi, mentre l’ampliamento dei posti tardava ad arrivare e, dopo l’iniziale trasferimento delle persone sgomberate dal Silos, i nuovi arrivati ricominciavano a finire sulla strada.

    Oggi, mercoledì 18 settembre, a Trieste ci sono 125 richiedenti asilo in mezzo alla strada, comprese famiglie con bambini piccolissimi. Per anni si sono accampati nel rudere del Silos, spesso restandoci per mesi. Il Comune lo ha sempre chiamato “degrado”, negando soluzioni che, a detta del sindaco, attirerebbero altri migranti. Il flusso in arrivo a Trieste dalla rotta balcanica è in calo, in linea con i numeri dell’anno scorso. Costante anche la volontà di due terzi dei migranti di voler proseguire, per lo più verso altri Paesi europei, lasciando la città già a poche ore dall’arrivo. Secondo il rapporto “Vite abbandonate”, i numeri non possono considerarsi quelli di un’emergenza, vista la media di 5 richieste d’asilo presentate al giorno in una città di 200 mila abitanti. Complice il rallentamento dei trasferimenti dei richiedenti verso altre regioni, nel 2023 si sono contate anche 500 persone lasciate contemporaneamente all’addiaccio. Ma l’imminente visita di Mattarella e del Papa sblocca la situazione. Lo scetticismo non manca, visto che i nuovi posti in località Campo Sacro sono ancora tutti da realizzare e dal cilindro non è uscito che un pugno di container targati Onu. Si lascia passare luglio e intanto la piazza antistante la stazione, quella piazza della Libertà ribattezzata Piazza del mondo dai volontari presenti quotidianamente, si riempie di attivisti e scout venuti da ogni parte d’Italia per incontrare i migranti, richiedenti o transitanti che fossero. Poi il repentino calo delle temperature e le piogge di settembre, un doloroso bagno di realtà: i posti non ci sono e i richiedenti in strada sono di nuovo tanti, ora al freddo. Il punto lo ha fatto la prefettura di Trieste lunedì scorso, convocando sindaco, volontari e associazioni cittadine. E svelando finalmente il mistero dei container dell’Onu, arrivati già ai primi di luglio e mai installati. La ragione? Un evento imponderabile: le raffiche di Bora. Tanto che qualcuno tra i presenti alla riunione si è chiesto se non sia più sciocco chi i moduli li ha inviati o chi se li è fatti mandare per poi accorgersi, a mesi di distanza, che erano inservibili perché potevano ribaltarsi. Flop a parte, di soluzioni per i richiedenti nemmeno l’ombra. Anzi, prefettura e comune si sono limitati a chiederne ad associazioni e volontari. “Non è forse questa la vostra missione?”, è stato detto loro chiedendo di trovare soluzioni indipendenti e autogestite. In altre parole, senza contributi pubblici. Quanto ai transitanti, gli stranieri intenzionati a proseguire il viaggio, la linea è quella dura di sempre: non esistono.

    Assente alla riunione nonostante le promesse, il sindaco Dipiazza è intanto ripartito con le accuse ai volontari che in piazza Libertà distribuiscono cibo, cure, coperte e sacchi a pelo a chi la Bora si prepara ad affrontarla in mezzo a una strada. Dipiazza è da sempre convinto che un pasto caldo e una coperta termica costituiscano un pull factor, cioè una calamita che spinge i migranti a mettersi in viaggio. Come se chi parte dalla Siria o dall’Afghanistan fosse mosso dalla prospettiva di un piatto di minestra offerto davanti alla stazione di Trieste. Così il primo cittadino si guarda bene dal fornire servizi igienici e chiude anche il sottopassaggio davanti alla stazione, unico riparo dalle intemperie. “La Regione Fvg ha elargito oltre un miliardo di contributi nell’ultimo assestamento di bilancio. Non un solo euro è andato per questo dramma che si svolge ogni giorno a Trieste. Invece di vergognarsi delle condizioni in cui queste persone sono costrette a vivere a Trieste – ha scritto il consigliere regionale di Open Sinistra Fvg Furio Honsell – si spendono soldi per sprangare sottopassaggi: restiamo umani”. Un appello che il meteo costringe a tradurre molto concretamente. L’associazione Linea d’Ombra, in piazza da anni per curare i piedi piagati dalla rotta balcanica e a volte le ferite inferte dalle polizie di confine, in queste ore chiede di contribuire con giubbotti e sacchi a pelo trasportabili. Sulla pagina Facebook di Lorena Fornasir, fondatrice dell’associazione, le immagini recenti assomigliano di nuovo a quelle degli anni passati. “Procedere, oltre che con i trasferimenti, con più posti a Campo Sacro, e facendo in modo che le associazioni non vadano più in quella piazza a portare loro di tutto e di più”, ha rilanciato il sindaco Dipiazza. Fornasir ribatte: “Indegne dichiarazioni di chi ha chiuso i due unici gabinetti, di chi abbandona in strada neonati, madri, famiglie transitanti, profughi già identificati che non riescono a entrare in accoglienza, profughi che la questura rimanda di giorno in giorno, di settimana in settimana. Questo è lo scandalo, la vergogna, l’indegnità. Abbiamo salvato delle vite. Curiamo i feriti, li ricopriamo a causa del freddo, li sfamiamo grazie a una rete di comunità, associazioni, persone solidali di tutta Italia. Trieste è stata la vetrina dello scandalo del Silos, continua ad esserlo per lo scandalo dell’abbandono in strada”.

    https://www.ilfattoquotidiano.it/2024/09/19/via-il-papa-e-mattarella-a-trieste-i-migranti-tornano-a-dormire-alladdiaccio-e-il-prefetto-scopre-la-bora-moduli-onu-inutili/7698412

    #Trieste #Italie #SDF #sans-abrisme #sans-abri

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    Et un mot:
    #transitanti —> trasitants
    #mots #vocabulaire #terminologie

    –> ajouté à la métaliste sur les mots de la migration:
    https://seenthis.net/messages/414225

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    Si lascia passare luglio e intanto la piazza antistante la stazione, quella #piazza_della_Libertà ribattezzata #Piazza_del_mondo dai volontari presenti quotidianamente, si riempie di attivisti e scout venuti da ogni parte d’Italia per incontrare i migranti, richiedenti o transitanti che fossero.

    #toponymie_migrante

  • #ENTRE_DEUX_MONDES

    Ce polar est monstrueusement humain, « forcément » humain : il n’y a pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre, il y a juste des peurs réciproques qui ne demandent qu’à être apaisées.
    Bouleversant

    Fuyant un régime sanguinaire et un pays en guerre, Adam a envoyé sa femme Nora et sa fille Maya à six mille kilomètres de là, dans un endroit où elles devraient l’attendre en sécurité. Il les rejoindra bientôt, et ils organiseront leur avenir.
    Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu’il découvre, en revanche, c’est un monde entre deux mondes pour damnés de la Terre entre deux vies. Dans cet univers sans loi, aucune police n’ose mettre les pieds.
    Un assassin va profiter de cette situation.
    Dès le premier crime, Adam décide d’intervenir. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est flic, et que face à l’espoir qui s’amenuise de revoir un jour Nora et Maya, cette enquête est le seul moyen pour lui de ne pas devenir fou.

    Bastien est un policier français. Il connaît cette zone de non-droit et les terreurs qu’elle engendre. Mais lorsque Adam, ce flic étranger, lui demande son aide, le temps est venu pour lui d’ouvrir les yeux sur la réalité et de faire un choix, quitte à se mettre en danger.

    http://www.michel-lafon.fr/livre/1921-Entre_deux_mondes.html
    #migrations #asile #réfugiés #Calais #Jungle #campement #livre #polar #Olivier_Norek #violence

    • Citation :

      - Bon, je crois qu’on est d’accord pour dire que tous ces types dans la Jungle fuient la guerre ou la famine. On n’est pas sur une simple migration économique mais sur un exil forcé. Ce serait un peu inhumain de leur coller une procédure d’infraction à la législation sur les étrangers et de les renvoyer chez eux. On passerait pour qui ? Mais d’un autre côté, c’est plutôt évident que personne ne veut se soucier de leur accueil puisqu’on les laisse dans une décharge aux limites de la ville. Alors on leur a créé le statu de ‘#réfugiés_potentiels’.
      – C’est la première fois que j’entends ça, concéda Bastien en enfournant un euro dans la machine à café du palier.
      – Cherchez pas, ça n’existe nulle part ailleurs et dans aucun texte de loi. C’est du fait maison Calais, spécialité locale. En gros, avec ce statut bâtard, on ne eut pas les interpeller. Logique, si on refuse de les intégrer en France, ce n’est pas pour les faire rentrer dans le système judiciaire. Mais on ne leur donne pas non plus la qualité complète de réfugiés, sinon, il faudrait s’en occuper. Donc avec cette appellation de réfugiés potentiels, ni on ne les arrête, ni on ne les aide. On les laisse juste moisir tranquilles en espérant qu’ils partiront d’eux-mêmes.

      (pp.108-109)
      Voilà un nouveau mot à ajouter à la liste de #mots pour désigner les personnes en migration : « réfugiés potentiels »
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      ajouté à la métaliste sur les mots de la migration :
      https://seenthis.net/messages/414225
      #vocabulaire #terminologie #mots

  • Non chiamiamoli “scafisti”
    https://www.meltingpot.org/2024/04/non-chiamiamoli-scafisti

    Per capire meglio perché i cosiddetti scafisti vengono criminalizzati, dobbiamo partire da una premessa chiara. La chiusura delle frontiere rende impossibile attraversare i confini d’Europa in modo legale e sicuro, pertanto le persone in movimento devono intraprendere viaggi sempre più difficili e pericolosi. Per questo, le persone sono costrette ad affidarsi alle organizzazioni di trasporto e facilitazione della traversata verso le coste dell’Europa meridionale. Questo sistema è la diretta conseguenza della chiusura dei confini, non è la causa del movimento delle persone. Al di là della propaganda dei politici, chi sono veramente i cosiddetti scafisti? Quale è il loro (...)

  • A la frontière franco-italienne, des refoulements « illégaux » de migrants, dénonce la Défenseure des droits

    Dans une décision-cadre inédite, au terme de deux ans d’instruction, la Défenseure des droits dénonce des violations « systématiques » des droits des personnes par les autorités françaises, en particulier des demandeurs d’asile et des mineurs isolés. Des #privations_de_liberté « arbitraires » et « indignes » sont aussi épinglées.

    C’est une décision inédite de la Défenseure des droits, Claire Hédon, qui est rendue publique jeudi 25 avril. Pour la première fois, cette autorité administrative indépendante s’est penchée avec exhaustivité sur les pratiques de la France à sa frontière avec l’Italie. Depuis 2015, des contrôles y ont été rétablis, qui contreviennent au principe de libre circulation des personnes dans l’espace Schengen, mais qui sont sans cesse justifiés auprès de la Commission européenne par la menace terroriste et les flux migratoires irréguliers en Europe.

    Pendant près de deux ans, la Défenseure a enquêté sur la façon dont ces contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne (UE) sont réalisés, en se rendant notamment aux postes de police de Menton (Alpes-Maritimes) et de Montgenèvre (Hautes-Alpes), en épluchant les registres des services, en visitant les locaux dans lesquels les personnes sont retenues, en interrogeant les préfectures et les forces de l’ordre. Ses conclusions sont cinglantes : « Les droits des personnes migrantes font l’objet de violations massives », soulignent les équipes de Mme Hédon auprès du Monde.

    En 2023, plus de trente mille refus d’entrée ont été réalisés à la frontière franco-italienne, quasi exclusivement au motif que les personnes n’avaient pas de document de voyage ou de titre de séjour. Sur 184 pages, les observations de la Défenseure des droits détaillent des contrôles, des interpellations, des privations de liberté et des renvois en Italie de migrants. Pour elle, ces refoulements sont « illégaux ».

    La Défenseure a par exemple constaté que des refus d’entrée sont opposés à des personnes contrôlées en dehors des points de passage frontaliers formellement identifiés. Elles se trouvent donc déjà sur le territoire français et devraient en conséquence se voir appliquer d’autres procédures de contrôle.

    Contrôles « discriminatoires »

    Sur le principal point de passage, la gare de Menton-Garavan, qui concentre « 70 % à 80 % des interpellations », Mme Hédon a aussi observé des contrôles « discriminatoires, fondés sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée », mais aussi des palpations systématiques sans qu’un danger potentiel objectif ait été identifié, y compris sur des mineurs et à la vue du public.

    Une fois les personnes contrôlées amenées au poste de la police aux frontières, qu’il s’agisse de celui de Menton ou de Montgenèvre, la Défenseure des droits considère qu’elles sont éloignées sans tenir compte de leur situation individuelle et donc de façon indiscriminée et systématique, au mépris en particulier de leur souhait de demander l’asile. Mme Hédon s’étonne que les autorités « assument » de procéder ainsi. « Cette pratique illégale est pleinement avalisée par la hiérarchie des forces de police ainsi que par l’autorité préfectorale », souligne-t-elle, dénonçant « une violation durable et systématique du droit d’asile à la frontière franco-italienne ».

    Les violations des droits de l’enfant sont également largement documentées. La Défenseure des droits considère que la police doit immédiatement orienter vers l’aide sociale à l’enfance des départements les jeunes se disant mineurs isolés. En lieu et place de quoi, la police aux frontières procède à des « opérations d’identification judiciaires » : elle relève leurs empreintes et consulte plusieurs fichiers biométriques. De même, lorsque les mineurs présentent des documents d’état civil tels que des actes de naissance, ceux-ci ne sont pas pris en compte. A tel point que la police fait figurer des dates de naissance différentes sur les refus d’entrée qu’elle édicte.

    « Appréciation » de l’âge des mineurs

    Dans les Alpes-Maritimes, une expérimentation est menée avec le conseil départemental depuis 2019. Des effectifs sont présents au sein des locaux de police de Menton pour procéder à une « appréciation » de l’âge des jeunes, à travers un entretien de quelques minutes. Un entretien dont les enjeux ne sont pas précisés aux personnes et qui fait l’objet d’un compte rendu qui n’est pas relu par le jeune, pas plus que celui-ci n’est informé de la possibilité de saisir un juge des enfants s’il conteste l’évaluation de son âge. Pour la Défenseure, ce protocole expérimental est illégal. De même, Mme Hédon a constaté que, si la police italienne refusait de reprendre le jeune, la police française avait pour pratique de le laisser libre en lui notifiant une obligation de quitter le territoire. Un procédé jugé, là encore, illégal.

    De façon plus générale, la Défenseure des droits a constaté que la police privait de liberté les personnes interpellées, pendant parfois toute une nuit en raison de la fermeture des services de police italiens. Les locaux préfabriqués utilisés pour, officiellement, des « mises à l’abri » de migrants, sont en réalité des lieux d’enfermement « arbitraire », puisque les personnes n’y bénéficient pas des droits afférents. Le juge n’y exerce aucun contrôle, les personnes n’ont pas accès à un avocat et les conditions matérielles d’enfermement sont qualifiées d’« indignes », en raison notamment de l’exiguïté des lieux, du manque d’hygiène, de lits et de matelas, d’aération ou encore de séparation entre les mineurs et les adultes.

    Surtout, la Défenseure des droits rappelle que, depuis une décision du Conseil d’Etat du 2 février (qui répercute un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 septembre 2023), le droit applicable aux étrangers à une frontière intérieure a été clarifié. La justice a ainsi rappelé que les éloignements devaient suivre une procédure de remise à l’Italie bien précise (prévue par un accord bilatéral de 1997, dit « de Chambéry »). Ces précisions de droit ont des implications importantes sur les pratiques de la police.

    Aménager des locaux spécifiques

    Les personnes contrôlées à la frontière peuvent ainsi faire l’objet, si elles se trouvent en situation irrégulière, d’une retenue administrative pour vérification de leur droit au séjour. Mais la Défenseure rappelle que ni les demandeurs d’asile ni les mineurs non accompagnés ne peuvent être placés en retenue administrative (car alors ils ne sont pas en situation irrégulière mais doivent être orientés, les premiers vers un guichet de demande d’asile et une véritable mise à l’abri, les seconds vers l’aide sociale à l’enfance pour une procédure d’évaluation). Les demandes d’asile formulées par les personnes étrangères « doivent être transmises sans délai à l’autorité préfectorale, et sans autres vérifications », insiste la Défenseure.

    Mme Hédon profite de sa décision pour se pencher sur les conséquences éventuelles de la loi relative à l’immigration adoptée en décembre 2023 et promulguée début 2024, et qui prévoit le placement en rétention administrative des demandeurs d’asile lorsqu’ils présentent un « risque de fuite ». Pour la Défenseure, cette rétention ne saurait s’appliquer de façon systématique aux migrants à la frontière et devrait faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité au fond.

    Quant aux personnes en situation irrégulière placées en retenue administrative, la Défenseure des droits rappelle que cette retenue ne peut excéder vingt-quatre heures, que des locaux spécifiques doivent être aménagés à cette fin, qui respectent la dignité des personnes, que le procureur doit être systématiquement averti, et qu’il doit en outre autoriser toute consultation du fichier automatisé des empreintes digitales, que les personnes doivent être informées, dans une langue qu’elles comprennent, de la possibilité d’avoir un avocat, qu’un procès-verbal de fin de retenue doit leur être notifié ainsi qu’une décision écrite de remise à l’Italie, pays qui doit formellement donner son accord à cette remise. « Aujourd’hui, rappellent les équipes de la Défenseure des droits, nous n’avons pas de garantie sur un changement de système. »

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/04/25/a-la-frontiere-franco-italienne-des-refoulements-illegaux-de-migrants-denonc

    #frontière_sud-alpine #asile #migrations #réfugiés #frontières #Italie #France #Vintimille #renvois #expulsions #défenseur_des_droits #contrôles_frontaliers #Hautes-Alpes #Alpes_Maritimes #Montgenèvre #violations_massives #refus_d'entrée #interpellations #refoulements #push-backs #droit_d'asile #illégalité #mineurs #enfants #âge #retenue_administrative

    –-> et ce terme "illégaux" mis entre guillemets... pourtant les #refoulements sont illégaux. C’est l’article 33 de la convention sur les réfugiés qui le dit, c’est le #principe_de_non-refoulement...
    #illégalité #terminologie #mots #vocabulaire

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    ajouté à la métaliste autour de la Création de zones frontalières (au lieu de lignes de frontière) en vue de refoulements :
    https://seenthis.net/messages/795053

    • Respect des droits des personnes migrantes à la frontière intérieure franco-italienne : le Défenseur des droits publie une décision-cadre

      Le Défenseur des droits publie ce jour une décision-cadre sur le respect des droits des personnes contrôlées et interpellées à la frontière intérieure franco-italienne, par les forces de sécurité françaises, dans les départements des Alpes-Maritimes et des Hautes-Alpes.

      Le franchissement des frontières de l’Union européenne (UE) est régi par le règlement européen dit code frontières Schengen, qui distingue d’un côté, les « frontières extérieures » de l’UE, et de l’autre, les « frontières intérieures » entre deux États membres de l’UE. Le franchissement de chaque catégorie de frontières obéit à des conditions qui lui est propre. Concernant les frontières intérieures, le principe est la libre circulation des personnes. Le droit de l’UE assure ainsi l’absence de tout contrôle des personnes aux frontières intérieures, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’elles franchissent ces frontières. Cependant, depuis 2015, la France a rétabli les contrôles à ces frontières, en faisant application d’une exception prévue par le code frontières Schengen mais strictement encadrée.

      La #décision-cadre n°2024-061 (https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=50351) s’inscrit dans le cadre du traitement de réclamations individuelles adressées à l’institution par les personnes concernées et par l’intermédiaire d’associations. Elle est le résultat d’une instruction contradictoire menée auprès des autorités mises en cause et de la mise en œuvre des pouvoirs d’enquête et d’intervention de l’institution. À ce titre, la Défenseure des droits a effectué un déplacement avec ses équipes à Montgenèvre et Briançon les 10 et 11 février 2022. Les services de l’institution ont également mené une vérification sur place du 10 au 13 avril 2023 à Menton, au sein des locaux de la police aux frontières (PAF) et à des points de passage autorisés.

      Cette décision intervient dans un contexte inédit, dans lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 4e ch., 21 septembre 2023) et le Conseil d’État (CE, section du contentieux, 2ème et 7ème ch.) ont récemment réaffirmé l’obligation pour les États membres de l’Union européenne, d’appliquer les garanties juridiques minimales prévues par la directive européenne dite retour aux personnes qui sont interpellées à la frontière intérieure, afin que leurs droits fondamentaux soient respectés.

      De manière préoccupante, cette décision-cadre conclut à l’existence de procédures et pratiques qui ne sont pas conformes à la directive retour, au droit européen et au droit national. Elle conclut également à des atteintes substantielles et multiples aux droits des personnes interpellées, à partir du moment où elles sont contrôlées, jusqu’à leur éloignement du territoire.

      Des procédures de refus d’entrée contraires au droit de l’UE

      Le Défenseur des droits constate que les personnes interpellées font l’objet d’une procédure de refus d’entrée qui ne respecte pas les garanties juridiques minimales de la directive retour telles que le recours à une procédure équitable et transparente, impliquant notamment un examen de la situation individuelle de la personne, la motivation des décisions en fait et en droit ou encore l’accès à l’interprétariat. Ces atteintes concernent un nombre de personnes d’autant plus important que la procédure est mise en œuvre sur une zone frontalière très étendue et imprécise, ce qui est en contradiction avec le droit européen.
      Une privation de liberté hors de tout cadre juridique

      Un grand nombre de personnes interpellées se retrouvent enfermées pendant plusieurs heures, voire une nuit entière, dans des locaux présentés comme des espaces de « mise à l’abri », sans fondement légal et dans des conditions indignes. Plus inquiétant encore, parmi ces personnes se trouvent des personnes vulnérables, notamment des familles, des mineurs et des demandeurs d’asile.
      Des obstacles au droit d’asile

      Concernant les demandeurs d’asile, le Défenseur des droits constate notamment que si la personne est considérée comme « non entrée » sur le territoire, elle fait l’objet d’un refus d’entrée et aucune demande d’asile n’est prise en compte. Cette pratique largement assumée est ouvertement contraire au droit d’asile, et constitue une entrave grave, généralisée et durable à l’accès à la procédure d’asile à la frontière franco-italienne.
      De lourdes atteintes aux droits des mineurs

      Concernant les mineurs, le Défenseur des droits relève de lourdes atteintes à leurs droits, qu’ils soient ou non accompagnés, en violation de l’intérêt supérieur de l’enfant et des droits des mineurs, et des garanties de la directive retour. Les procédures mises en place entravent notamment l’accès des mineurs non accompagnés à la protection de l’enfance.

      Au regard de l’ensemble de ses constats et conclusions alarmants, la Défenseure des droits formule une série de recommandations qu’elle adresse au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et aux préfectures concernées. Elle appelle à faire cesser, dans les plus brefs délais, les procédures et pratiques constatées et à mettre fin aux atteintes multiples portées aux droits des personnes qui sont contrôlées et interpellées à la frontière franco-italienne.

      https://www.defenseurdesdroits.fr/respect-des-droits-des-personnes-migrantes-la-frontiere-interieur

    • La France accusée de « violations systématiques » des droits des migrants à sa frontière avec l’Italie

      Une enquête très documentée publiée jeudi par la Défenseure des droits souligne des « violations systématiques » par les autorités françaises des droits des personnes migrantes souhaitant entrer sur le territoire depuis l’Italie, ainsi que des privations de liberté « arbitraires et indignes ».

      En 2023, 30 000 refus d’entrées ont été notifiés à des personnes que la police a ensuite refoulées sur le territoire italien. Dans bon nombre de cas, ces refoulements étaient illégaux. C’est ce qu’a pu constater la Défenseure des droits Claire Hédon au terme d’une enquête de deux ans, en se rendant avec ses équipes à la frontière franco-italienne. Cette « décision-cadre », un document qui fait partie des moyens d’action de la Défenseure des droits, a été publiée jeudi 25 avril et adressée au ministère de l’Intérieur.

      L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe) constate ces violations des droits sur le terrain depuis huit ans. « On était encore en observation à la frontière la semaine dernière, précise son président Alexandre Moreau. Ce qu’on observe, c’est qu’il n’y a toujours pas d’interprètes dans les procédures de vérification de séjour. Il n’y a pas d’information sur la procédure appliquée aux personnes, il n’y a pas d’avocat et donc pas d’assistance juridique. Il n’y a pas non plus d’information sur la procédure d’asile. Or un certain nombre de personnes fuient des situations qui leur justifieraient un besoin de protection internationale au-dessus de l’asile, il n’y a pas de toute cette explication et c’est encore pire pour les mineurs isolés. »
      Atteintes aux droits des enfants pour les mineurs non accompagnés

      Le cas des mineurs non accompagnés est particulièrement mis en lumière dans l’enquête de la Défenseure des droits. Selon la loi, une personne migrante se déclarant mineure doit notamment être prise en charge par les services départementaux de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Or, les pratiques de la police française aux frontières (PAF) ne reflètent pas les procédures prévues, estime Alexandre Moreau.

      « Lorsqu’on procède à une vérification du séjour pour les mineurs, on doit leur permettre un temps de répit. Mais on observe qu’il n’y a pas ce temps de répit immédiatement. Quand il y a interpellation, il y a examen. L’examen ne dure même pas 30 minutes. On ne leur explique pas pourquoi ils doivent répondre à ces questions et quels en sont les enjeux. Systématiquement, on s’aperçoit que la minorité, elle, est contestée et donc le doute ne profite pas à la minorité. Et on ne leur explique pas, par exemple, qu’ils ont droit à un avocat, qu’ils ont droit aussi de saisir le juge des enfants pour contester la décision de majorité. Or, les mineurs isolés ne sont jamais, jamais, jamais en situation irrégulière sur le territoire. »
      Privations de liberté arbitraires

      Une fois interpellées, « un grand nombre de personnes se retrouvent enfermées pendant plusieurs heures, voire toute une nuit », souligne l’enquête. Cela sous prétexte d’être « mises à l’abri », avant d’être reconduites de l’autre côté de la montagne par la police italienne. « On n’est ni dans une zone d’attente, ni dans un centre de rétention, indique Alexandre Moreau. C’est une procédure complètement illégale et arbitraire d’un enfermement dans des préfabriqués, donc en plus dans des conditions complètement indignes. Et on ne sait pas exactement dans quel cadre juridique la police pratique cet enfermement. Elle parle de mise à l’abri, mais c’est tout un code particulier qui n’est pas non plus lui-même respecté. »

      Parmi la longue liste d’entraves constatées par la Défenseure des droits dans ce rapport de 180 pages, le lieu même des contrôles policiers pose question. Les points de contrôles doivent être déclarés à la Commission européenne, condition sine qua non au rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen. Or, à plusieurs reprises, des personnes exilées ont été interceptées à d’autres endroits que ceux officiellement prévus dans les textes.
      Le rétablissement des frontières intérieures justifié par un attentat à Moscou

      Le droit européen permet effectivement aux États membres de l’espace Schengen, dont la libre-circulation des personnes est un principe clef, de rétablir les contrôles à titre exceptionnel et pour une durée de six mois.

      Depuis 2015, en raison d’une menace terroriste après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, la police française aux frontières a activement repris du service. Depuis, le rétablissement des contrôles est sans cesse renouvelé, motivé par des événements aussi variés que la pandémie de Covid-19 en 2020, ou l’organisation de la Coupe du monde de Rugby en 2023.

      L’autorisation actuelle prend fin le 30 avril 2024. Au 1er mai, de nouveaux arguments ont été notifiés à la Commission européenne : la tenue des Jeux Olympiques et paralympiques à Paris et l’attentat de Moscou du 22 mars dernier.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/56698/la-france-accusee-de-violations-systematiques-des-droits-des-migrants-

    • Migrations à la frontière franco-italienne : comment la loi est utilisée pour déplacer les montagnes

      Imaginez. La vie chez vous – en Syrie, en Guinée, au Bangladesh, en Turquie – est devenue trop dangereuse. Après y avoir longuement réfléchi, vous prenez donc la décision de partir, de quitter votre pays. Vous avez déjà tenté plusieurs fois d’obtenir un visa pour faire le voyage en sécurité, sans succès. Votre destination : la France. C’est là qu’une cousine peut vous accueillir le temps de la procédure pour obtenir l’asile, puis de reconstruire votre vie. Il ne vous reste donc que de « tenter l’aventure », voilà comment vous définissez le voyage entre vous, comme le soulignent les universitaires Cécile Canut et Alioune Sow dans un texte publié il y a dix ans.

      Vous êtes ainsi contraint de traverser des montagnes, des déserts, des rivières et des mers de manière « illégalisée ». C’est ainsi que le chercheur Harald Bauder suggère de définir les parcours qui se font de manière clandestine. Vous arrivez par voie terrestre ou maritime aux portes de l’Europe début décembre 2023. Vous vous apprêtez à entrer en Grèce, Italie ou Espagne, des pays membres de l’Union européenne et par ce fait soumis aux règles communes de l’espace Schengen.

      C’est une agente des polices aux frontières (PAF) du pays en question qui contrôle si vous avez les papiers requis – un passeport avec un visa valable pour l’espace Schengen – pour passer la frontière dite « extérieure » de l’Union européenne (UE). Vous ne les avez pas, mais vous savez par contre que, pour déposer une demande d’asile, les papiers ne sont pas nécessaires. L’agente devant vous incarne l’autorité nationale, elle agit au nom de l’État, qui est souverain dans le contrôle des flux migratoires et dans la fixation des conditions d’entrée et de séjour des personnes étrangères sur son sol.

      Pourtant, il y a des normes qui priment, et l’agente devrait le savoir. C’est notamment le cas du principe dit « de non-refoulement ». Celui-ci limite cette liberté de principe pour les personnes qui demandent l’asile, soit celles qui font une requête de protection contre une persécution subie dans leur pays. C’est l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés (ou Convention de Genève) qui interdit l’expulsion d’« un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée ».

      Vous décidez donc de manifester votre intention de demander l’asile. Vous êtes enfermé dans un hotspot, un de ces centres d’enregistrement mis en place dès 2015 par l’UE dans le but d’identifier, d’évaluer et de trier les personnes exilées arrivant sur le territoire européen. Vous avez de la chance, vous y restez seulement quelques jours et vous trouvez le moyen de continuer le voyage. Vous êtes en Italie, mais vous êtes surtout sur le sol de l’Union européenne, un espace de libre circulation, pensiez-vous. Fini les contrôles systématiques aux frontières dites « intérieures » depuis mars 1995. Théoriquement.
      Des contrôles accrus

      Dans la pratique, les choses sont différentes. Un compatriote vous a averti : pas possible de passer par l’une des innombrables infrastructures qui permettent de franchir rapidement les Alpes et se rendre en France, où vous attend votre cousine.

      En effet, les contrôles aux frontières ont été réinstaurés par l’Hexagone depuis 2015. Pour faire cela, la France a dû les justifier sur la base d’une « menace grave à l’ordre public » et de la « sécurité ». C’est le seul pays européen à les avoir mis en place sans interruption, depuis 2015.

      Dernière prolongation obtenue, celle qui couvrira la période allant du 1er mai au 31 octobre 2024, dont voici les raisons évoquées :

      « Les Jeux olympiques et paralympiques organisés en France durant l’été 2024, qui augmentent considérablement le risque pour la sécurité nationale, une menace terroriste intensifiée, l’attentat de Moscou du 22 mars 2024 revendiqué par l’État islamique, une pression migratoire constante aux frontières extérieures de l’espace Schengen, une augmentation significative des franchissements irréguliers notamment en provenance de Turquie et d’Afrique du Nord, une pression sur le système d’accueil. »

      Désormais, depuis donc 2015, les frontières sont surveillées et militarisées. Si vous choisissez de passer par l’un des postes-frontière officiels vous serez contrôlé, arrêté, puis expulsé en Italie. Il faut tenter par des passages alternatifs, par les chemins de montagne, vous suggère le même compatriote.
      Vous n’avez qu’un sac en plastique avec des papiers administratifs

      4 janvier 2024. Vous changez de train à Turin pour vous rendre à Oulx, dans le Val de Suse. Là, vous êtes accueilli une nuit au Rifugio Fraternità Massi, un lieu où vous pouvez dormir et manger.

      Des bénévoles vous donneront des habits adaptés pour la traversée via le col de Montgenèvre jusqu’à Briançon. Vous-même n’avez qu’un sac en plastique avec des papiers administratifs, une photo de votre mère et de vos sœurs et frères, un téléphone portable. Le reste, vous l’avez perdu durant votre long périple et vous n’avez évidemment pas de chaussures adaptées pour marcher dans la montagne.

      Au refuge, on vous recommandera les sentiers les moins dangereux si vous décidez de contourner le poste-frontière. Vous suivez les conseils. Vous vous mettez en marche, la nuit vers 2h du matin. Vous voyez en contrebas les lumières dans les maisons de vacances du village de Montgenèvre.

      Vous marchez depuis cinq heures dans le froid et la nuit. Vous avez souvent l’impression de refaire le même chemin plusieurs fois, et vous ne savez pas si vous êtes déjà en France ou encore en Italie. Soudain, vous voyez trois personnes en uniforme. Ils viennent vers vous et ils vous ordonnent de vous arrêter.

      Vous obéissez. Vous êtes amené au poste-frontière de Montgenèvre et là, sans vous poser aucune question, on vous donne un papier, un « refus d’entrée ». Après des formalités avec la police italienne, qui a pris vos empreintes digitales, vous êtes remis à la Croix-Rouge qui vous ramène à Oulx. La bénévole tient à vous dire que vous avez eu de la chance, que vous êtes passé « au bon moment », dans un moment dans lequel le droit semble enfin être respecté, mais elle ajoute : « Les règles et les pratiques aux frontières changent rapidement, on ne sait pas de quoi le demain sera fait ».

      Une procédure, dans ces conditions, illégale. Vous le savez maintenant que vous êtes arrivé à Grenoble, là où vous avez trouvé un refuge temporaire. Une bénévole d’une association vous a expliqué que ce changement est dû à un arrêt publié le 2 février 2024 par le Conseil d’État.

      C’est grâce à cette décision que le droit semble maintenant être respecté à la frontière haute alpine. En effet, une compatriote est passée par le même chemin que vous il y a quelques jours, et elle a pu se présenter au poste-frontière, expliquer aux gardes-frontière son intention de demander l’asile à la France et elle a ainsi pu continuer son chemin jusqu’à Briançon, en toute sécurité et sans peur d’être pourchassée dans les montagnes. La bénévole tient à souligner :

      « Les règles et les pratiques aux frontières changent rapidement, on ne sait pas de quoi le demain sera fait ».

      Avant cette date, les décisions des forces de l’ordre se fondaient sur une vague indication géographique ; et c’était cette interprétation de votre localisation dans l’espace qui comptait et décidait de votre sort.
      Une microgéographie cruciale

      Cette microgéographie importe bien plus qu’elle ne le semble, comme le montre un rapport récent de la Défenseure des droits. Cette dernière prend la forme d’une décision-cadre publiée en avril 2024 et portant sur la frontière franco-italienne dite « haute » (Montgenèvre/Hautes-Alpes) ainsi que sur celle dite « basse » (Menton/Alpes-Maritimes).

      C’est en se fondant sur des visites sur place – qui ont eu lieu à Montgenèvre et Briançon les 10 et 11 février 2022 et du 10 au 13 avril 2023 à Menton – et sur des décisions de justice que la Défenseure des droits a rendu sa décision cadre. Celle-ci permet ensuite à l’institution de régler un litige, préconiser des recommandations ou sanctionner.

      Dans ce cadre-ci, elle a constaté que les pratiques étaient non conformes au droit, notamment en analysant quel régime juridique est appliqué en cas d’interpellation des personnes dans ces régions frontalières.

      Les régimes qui les régissent ne sont pas les mêmes : le « régime frontière extérieure » ou le « régime territoire », selon que la personne est considérée comme ayant franchi la frontière, ou pas.

      Dans le premier cas, la décision porte sur la non-autorisation à accéder au territoire national. Dans le deuxième, les gardes-frontière estiment en revanche que la personne est bel et bien rentrée sur le territoire, mais qu’elle y séjourne de manière irrégulière. Si, dans le premier cas, elle se voit notifier un refus d’entrée, dans le deuxième, c’est une décision de renvoi selon la directive européenne dite « retour » qui s’applique et qui est légalement « autrement plus contraignante », comme l’affirme la Défenseure des droits.

      Il devrait pourtant être simple de juger si une personne se trouve sur le territoire national, il suffit de constater si elle est en deçà ou au-delà du tracé frontalier. La frontière est une ligne, croit-on. Oui, mais…
      Pourquoi la définition de col est problématique

      Ce que constate Madame Hédon, c’est que dans ces régions frontalières haute et basse, il y a une « imprécision du tracé » qui résulte en une « extension illégale de la frontière franco-italienne » (p.18).

      Prenons en exemple la mention de la notion géographique de « col » utilisée par les forces de l’ordre dans les Hautes-Alpes et qui donne lieu à des décisions de refus d’entrée. Si le Larousse la définit comme « Partie déprimée d’une crête montagneuse, utilisée comme passage » on ne peut que constater l’imprécision du terme quant au territoire qu’il est censé définir.

      Cette désignation, selon la Défenseure des droits, ne permet pas d’identifier précisément la zone d’interpellation, et notamment de savoir si les contrôles ont été effectués sur les points de passage autorisés (PPA), seuls endroits où des contrôles peuvent être conduits en vertu du Rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en vigueur depuis 2015 en France.

      En dehors de ces points de passage ou « sur le trait de frontière intérieure entre deux PPA » (p.23), les personnes doivent être « considérées sur le territoire français » (p.23). Ainsi, et emblématiquement, la Défenseure des droits recommande d’« établir une liste de PPA précisément délimités, de transmettre les coordonnées géographiques de ces lieux à la Commission européenne et de la publier à l’échelle nationale par le biais du Journal officiel » (p.23).

      Voilà dans quelle imbrication juridique vous êtes tombé quand ces agents en uniforme vous ont sommé de montrer vos papiers ! Vous n’êtes pourtant pas la seule personne à qui l’on dit, et contre toute évidence, que vous ne vous trouvez pas sur le territoire national alors même que le GPS sur votre smartphone vous indique le contraire : Lat. 44°55’25.6"N, Lon. 6°42’20.8"E. Territoire français.
      Zones d’attente

      À quelques centaines de kilomètres de là – même topo, autre endroit où la France « joue » avec le tracé frontalier. Autre fiction juridique.

      C’est un ressortissant d’Amérique latine cette fois à qui cet agent de la police aux frontières dit de ne pas être sur le territoire français. Son avion a pourtant bien atterri à Roissy, et il a même déjà envoyé un petit message à sa conjointe pour l’en informer comme on l’entend dans le documentaire sonore signé Antoine Bougeard et Nausicaa Preiss.

      Mais les gardes-frontière l’ont amené dans « une zone d’attente », des lieux institués en 1992 avec la loi Quilès. Comme le rappelle Laure Blondel, co-directrice de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), il s’agit de lieux dans lesquels sont enfermées les personnes qui demandent l’asile et celles qui parviennent à atteindre la frontière, mais dont l’accès au territoire est refusé car elles ne remplissent pas les conditions d’entrée ou sont suspectées d’être un « risque migratoire ».

      La loi Quilès préfigure la situation aujourd’hui à Montgenèvre ou à Menton, et qui est en train de se jouer dans le Pacte sur les migrations et l’asile dernièrement approuvé par les États membres de l’Union européenne. Des personnes « enfermées nulle part », comme le suggère le titre du récent documentaire sonore sur les zones d’attente, ou des « prisonnièr·e·s du passage », comme le propose la bande dessinée signée Chowra Makaremi et Matthieu Parciboula (2019).

      Que vous arrivera-t-il ?

      Qu’apprend-on de ces histoires ? On sait que depuis la mise en œuvre de la Convention sur les réfugiés signée en 1951, prétendre à une protection exige deux conditions : être sorti du pays dans lequel la persécution a lieu et se trouver physiquement sur le sol du pays où on demande la protection. On en déduit donc que l’accès au territoire permet l’accès aux droits.

      L’enjeu est donc éminemment géographique en plus d’être juridique. Comme l’a si bien démontré le juriste Bastien Charaudeau Santomauro, à la frontière franco-italienne l’on peut observer « un bricolage du droit », qui passe aussi (avant tout ?) par un bricolage de la définition même des frontières.

      En effet, depuis désormais plus de 30 ans, les États trouvent des astuces afin de créer des « fictions juridiques », c’est-à-dire, décaler le tracé frontalier et créer des zones d’extraterritorialité ou plutôt, comme l’écrit Bastien Charaudeau Santomauro, d’« a-territorialité », c’est-à-dire, des zones qui limitent – voire empêchent – l’accès aux droits.
      Vous marchez plus de dix heures dans la neige

      Ainsi, quand la bénévole vous explique ce changement de pratiques à la frontière, intervenu après la décision du 2 février par le Conseil d’État, vous vous dites que vous auriez dû bénéficier du droit à l’asile directement à la frontière, au lieu d’être renvoyé à Oulx.

      Pour vous, les choses ont été différentes. Après avoir la traversée, après avoir dormi à nouveau au Refuge Fraternità Massi, vous avez repris le bus, et puis continué à pied. Vous croisez d’autres personnes, hommes, femmes et enfants, qui ont fait ce trajet, vous ont-ils dit deux, trois, quatre… huit fois.

      Vous voulez éviter tout risque d’être contrôlé. Alors, vous avez pris un chemin très haut dans la montagne, tant pis s’il a fallu marcher plus de dix heures dans la neige qui vous arrive à la hauteur de votre bassin. Vous êtes épuisé, gelé, et très désorienté.

      Au petit matin vous arrivez enfin à Briançon, et vous êtes accueilli quelques jours au Refuge solidaire. C’est là qu’on vous dit de vous rendre en Préfecture pour déposer votre demande d’asile, maintenant que vous êtes effectivement sur le territoire. Vous mesurez l’absurdité de l’administration… Pour exercer votre droit de demander une protection à la France, vous avez finalement dû éviter les agents normalement en charge d’appliquer le cadre légal et qui vous permettent de le faire en sécurité.

      https://theconversation.com/migrations-a-la-frontiere-franco-italienne-comment-la-loi-est-utili

    • Frontières : des « fictions juridiques » pour esquiver le droit international

      Une « fiction juridique » : c’est ainsi que la Défenseure des droits a qualifié en avril dernier le stratagème que la France a mis en place à sa frontière avec l’Italie. Depuis 2015, l’administration a ainsi esquivé le droit international et décidé d’une politique de refoulement systématique des personnes exilées. Un procédé qui s’est accompagné de nombreux dénis de droits envers ces dernières.

      ram05 a recueilli sur ce sujet les éclairages d’une enseignante-chercheuse et géographe.
      Dans quel cadre se déroulent les contrôles aux frontières ?

      La Défenseure des droits en rappelle l’historique dans sa décision-cadre rendue fin avril 2024. Il s’agit d’un rapport sur les pratiques des forces de l’ordre à la frontière franco-italienne, résultant d’une instruction menée entre 2022 et mars 2024. Le document est très sévère envers l’administration et conclut à de nombreuses atteintes aux droits des personnes interpellées à la frontière franco-italienne.

      Pour résumer, le principe de base à l’intérieur de l’Union Européenne est la libre circulation, quelque soit la nationalité des personnes. Mais une exception est possible : un pays peut demander à l’UE un rétablissement des contrôles à ses frontières, « en dernier recours », et « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ».

      La France a enclenché cette procédure le 13 novembre 2015, jour des attentats en Île-de-France, pour lutter contre la menace terroriste. Depuis, elle la renouvelle tous les 6 mois.

      Ces contrôles restent toutefois encadrés par le droit, rappelle Cristina del Biaggio, enseignante-chercheuse et géographe à l’Université Grenoble Alpes.

      Ces contrôles aux frontières ne doivent pas s’apparenter à des contrôles systématiques ou des contrôles au faciès.

      « À partir de 2015, la France a demandé une dérogation du code frontière Schengen, dans lequel elle a demandé de pouvoir rétablir des contrôles frontières. Mais ceux-ci ne doivent pas s’apparenter à des contrôles systématiques aux frontières.

      Dans ce cadre-là, la France a dû envoyer une liste des points de passage autorisés à l’Union européenne, et dans cette liste-là, il y a des endroits précis, des lieux précis, pour lesquels les forces de l’ordre ont le droit de faire des contrôles et des interpellations de personnes qui passent la frontière, et de pouvoir demander les raisons pour lesquelles les personnes passent la frontière.

      Mais ils ne doivent pas, encore une fois, s’apparenter à des contrôles systématiques aux frontières ou des contrôles au faciès », retrace Cristina del Biaggio.

      Un rétablissement des contrôles aux frontières, d’accord, mais dans des lieux précisément identifiés et pas de manière systématique.
      La France a-t-elle respecté ces contraintes ?

      Non, a observé la Défenseure des droits. Celle-ci mentionne d’une part des « contrôles systématiques et sans limitation de durée », ce qui est donc contraire au droit.

      Mais surtout, la Défenseure des droits signale une « imprécision du tracé » et une « extension illégale » de la frontière franco-italienne.

      Ainsi, les PPA, points de passages autorisés, dans les Hautes-Alpes, sont définis notamment comme les cols de Larche, Agnel, de l’Échelle et de Montgenèvre, la notion de col étant particulièrement « imprécise » et permettant donc des contrôles dans une zone trop large. La décision-cadre recommande d’établir des PPA « précisément délimités » et de communiquer leurs « coordonnées géographiques ».

      L’administration est également pointée du doigt pour une autre pratique : considérer que les personnes interpellées ne se trouvent en fait pas sur le territoire français, et leur notifier un « refus d’entrée ».

      On retrouve Cristina del Biaggio.

      La France trouve des stratagèmes pour faire comme si la personne n’était jamais arrivée sur le territoire.

      « Dans une espèce de ce que les juristes appellent une « fiction juridique », la France trouve des moyens, des fictions, des stratégies, des stratagèmes pour faire comme si la personne n’était jamais arrivée sur le territoire.

      D’ailleurs, cette décision s’appelle « refus d’entrée », ce qui montre bien que la personne n’est pas encore considérée comme étant entrée sur le territoire, comme ayant mis physiquement les pieds sur le territoire.

      Donc on refuse d’entrer à des personnes à qui on devrait donner la possibilité de rentrer pour notamment demander une protection et donc l’asile », expose l’universitaire.
      La France respecte-t-elle le droit international ?

      En théorie chaque État doit garantir l’application du droit international et du droit d’asile sur son territoire.

      « En gros, dès qu’une personne accède physiquement à un territoire, qu’elle pose ses pieds sur un territoire, cette personne peut faire valoir des droits, et notamment le droit de demander une protection au titre de l’asile.

      Les États, donc la France aussi, doit garantir que ces droits soient respectés », rappelle Cristina del Biaggio.

      Le raisonnement est donc simple : « vu que l’entrée sur le territoire garantit des droits, on fait semblant que la personne n’est pas entrée sur le territoire pour ne pas avoir à lui donner accès à ces droits », résume l’universitaire.

      Cette sorte d’entre-deux, de zone grise au bord de la frontière, constitue un « détournement » du droit, estime la Défenseure.

      Depuis la publication de ce rapport, les pratiques des forces de l’ordre à la frontière ont cependant évolué vers un meilleur respect des droits des personnes exilées, a constaté l’association Tous Migrants. Nous vous en parlions dans Le Forum Hebdo du 17 mai 2024.
      Ce stratagème existe-t-il aussi ailleurs ?

      La France, décidément, est avant-gardiste sur le sujet, relate Cristina del Biaggio.

      La France a été une pionnière de ces fictions juridiques et territoriales, avec la création des zones d’attente dans les aéroports.

      « La France, déjà, a été une des pionnières dans la création de ces fictions juridiques et/ou fictions territoriales, notamment avec la création des zones d’attente dans les aéroports. Si je ne me trompe pas, c’était 1992. C’est toujours le même principe : la France décide qu’il y a certaines zones sur son territoire qui ne sont pas considérées vraiment comme faisant partie du territoire.

      Il y a des chercheurs qui parlent aussi de « a-territorialité », pour dire que la France fait semblant que ces zones-là ne sont pas des zones qui appartiennent à son territoire », détaille la géographe.

      Et des exemples d’État qui s’amputent d’une partie de leur territoire pour ne pas avoir à y appliquer le droit, il en existe plusieurs à travers le monde.

      Un exemple assez éclatant a été décidé en 2001 en Australie, c’est ce que cet État appelle « l’excision territoriale »de ses côtes nord.

      « C’est le cas par exemple à la frontière entre l’Espagne et le Maroc, à Melilla, enclave espagnole sur le territoire marocain. L’Espagne a construit une barrière frontalière qui est en fait une triple barrière, trois grillages successifs parallèles dans l’espace qui créent une espèce de zone. l’Espagne a décidé que la zone justement qui se trouve entre les trois barrières n’est pas considérée comme étant territoire espagnol. Donc ça veut dire que la personne qui arrive à traverser un grillage qui se trouve dans cette zone entre les trois grillages n’est pas vraiment considérée comme étant sur le territoire espagnol. Et donc les forces de l’ordre les renvoient de l’autre côté, ce qui est encore une fois interdit par le droit international.

      C’est la même chose avec la Hongrie qui a créé une espèce de bande frontalière d’une largeur de 8 km à l’intérieur de son territoire où elle a décrété que ce n’est pas vraiment la Hongrie.

      Et je pense qu’un exemple assez éclatant a été décidé en 2001 en Australie, c’est ce que cet État appelle « l’excision territoriale ». L’Australie a décidé que ses côtes nord n’étaient pas vraiment son territoire et que les personnes qui arrivaient par bateau n’avaient aucun droit une fois débarquées sur la côte. Ils appellent ça « l’excision territoriale », ils enlèvent une partie du territoire de leur propre territoire », énumère Cristina del Biaggio.

      https://ram05.fr/frontieres-des-fictions-juridiques-pour-esquiver-le-droit-international

  • Les mots du management : et si on faisait le ménage ?
    https://theconversation.com/les-mots-du-management-et-si-on-faisait-le-menage-56518

    On parle beaucoup de management, et souvent pour ses côtés sombres. On peut le comprendre, tant un mauvais management peut faire de dégâts ! Or, à employer les mots « manager » et « management » sans se reposer précisément la question de leur signification et de leur histoire, on finit par perdre ses repères ! Un retour aux sources pourrait bien être salutaire.
    Cinq sens très inspirants

    « Management », nous dit Le Dictionnaire Robert historique de la langue française, vient de « ménagement », et le verbe « manager » de « ménager ». Le dictionnaire Larousse nous dit que le ménagement est « la mesure, la modération dans sa conduite à l’égard des autres » et donne cinq définitions de « ménager » :

    employer quelque chose avec économie, avec mesure pour l’utiliser au mieux ;
    préserver son corps, ses forces pour pouvoir continuer d’en bénéficier ;
    traiter quelqu’un avec certains égards, pour ne pas lui déplaire, le fatiguer ;
    pratiquer une ouverture, un passage, l’arranger, le maintenir ;
    préparer quelque chose à quelqu’un, l’organiser pour lui.

    #management #mots

  • Je verrai toujours vos visages

    Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes #victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l’arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative. Sur leur parcours, il y a de la #colère et de l’#espoir, des #silences et des #mots, des #alliances et des #déchirements, des prises de conscience et de la #confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la #réparation...

    https://www.youtube.com/watch?v=YecNA3DW334

    #justice #justice_transformative #film #justice_transformatrice

  • L’#écriture_inclusive par-delà le #point_médian

    La #langue_inclusive est l’objet de vives polémiques, mais aussi de travaux scientifiques qui montrent que son usage s’avère efficace pour réduire certains #stéréotypes induits par l’usage systématique du #masculin_neutre.

    Où sont les femmes dans une langue où le #genre_masculin peut désigner à la fois le #masculin et le #neutre_générique_universel ? En effet, si vous lisez ici : « Les chercheurs s’intéressent aux discriminations de genre », comprenez-vous « chercheurs » en tant que « les hommes qui contribuent à la recherche » ou comme « les personnes qui contribuent à la recherche » ? Impossible de trancher.

    Sharon Peperkamp, chercheuse au sein du Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique1 explique : « Il existe une #asymétrie_linguistique en #français où le genre masculin est ambigu et peut être interprété de deux manières, soit comme générique – incluant des personnes de tous genres, soit comme spécifique, incluant uniquement des hommes. Or, on sait depuis longtemps que ce phénomène peut induire un #biais_masculin qui peut avoir a des conséquences sur les #représentations. » Partant de ce postulat que les usages langagiers participent aux #représentations_sociales, les psycholinguistes ont voulu vérifier dans quelle mesure une modification contrôlée de ces usages, notamment par le recours à des tournures dites « inclusives », pouvait affecter certains #stéréotypes_de_genre.

    L’#inclusivité, la #langue_française connaît déjà !

    Un large mouvement a été engagé il y a déjà plusieurs décennies pour reféminiser les usages de langue et la rendre plus égalitaire, à travers l’usage de ce qu’on qualifie aujourd’hui d’ « écriture inclusive ». Mais cette dernière fait #polémique. Des #controverses qui se sont invitées jusqu’au Sénat : le mercredi 25 octobre 2023, la Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive (https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-404.html). Les parlementaires ont en effet estimé « que l’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages ». Jugeant, en outre, que « l’écriture inclusive constitue, plus généralement, une #menace pour la langue française ». Cependant, si tous les regards sont tournés vers l’#écrit et plus précisément vers le point médian, cet aspect-là ne constitue qu’une infirme partie des nombreuses #stratégies_linguistiques proposées pour rendre la langue moins sexiste, tant à l’oral qu’à l’écrit.

    Dans son guide (https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_egacom_sans_stereotypes-2022-versionpublique-min-2.p) « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe », publié en 2022, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) définit ainsi le #langage_égalitaire (ou non sexiste, ou inclusif) comme « l’ensemble des attentions discursives, c’est-à-dire lexicales, syntaxiques et graphiques qui permettent d’assurer une #égalité de représentation des individus ». Il signale que « cet ensemble est trop souvent réduit à l’expression “écriture inclusive”, qui s’est imposée dans le débat public mais qui ne devrait concerner que les éléments relevant de l’écriture (notamment les abréviations) ». Nous adopterons donc ici l’expression « langage inclusif » ou « langue inclusive » pour désigner les usages oraux et écrits qui permettent d’exploiter les ressources linguistiques à notre disposition pour noter les différents genres.

    « Ce n’est pas la langue française qui est sexiste, ce sont ses locuteurs et locutrices. Qui ne sont pas responsables de ce qu’on leur a mis dans la tête, mais de ce qu’elles et ils en font », affirme Éliane Viennot, professeure émérite de littérature. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est que l’on reféminise la langue. On ne la féminise pas, on la reféminise parce qu’elle a été masculinisée. En fait, il s’agit de la faire fonctionner comme elle sait faire. Tous les noms féminins de métiers, de fonctions sont là depuis toujours – sauf évidemment s’ils correspondent à des activités nouvelles. »

    Et de poursuivre : « Les #accords_égalitaires sont là. Depuis le latin, nous savons faire des #accords_de_proximité ou des #accords_de_majorité. Nous savons utiliser d’autres termes pour parler de l’humanité que le mot “homme”. Nous savons faire des #doublets – il y en a plein les textes anciens, notamment les textes réglementaires. C’est une question de #justesse, ce n’est pas une question de #féminisme. Nos ancêtres n’étaient pas plus féministes que nous ; simplement, ils utilisaient leur langue comme elle s’est faite, comme elle est conçue pour le faire ».

    Le langage inclusif en pratique

    De fait, le français met à notre disposition différentes #stratégies permettant une meilleure représentation des femmes et des minorités de genre dans ses usages. Il est possible de distinguer deux types de stratégies.

    D’une part, les stratégies dites « neutralisantes ». « Il s’agit, non pas d’utiliser du neutre tel qu’il est présent dans la langue aujourd’hui – puisque ce neutre est pensé comme masculin, mais de retrouver du #neutre, de retrouver du commun », expose Eliane Viennot. Cela passe notamment par le recours à des #termes_épicènes, c’est-à-dire des termes qui ne varient pas en fonction du genre comme « scientifique », « architecte », « artiste »… ou encore le pronom « #iel » qui est employé pour définir une personne quel que soit son genre (« les architectes ont reçu des appels à projet auxquels #iels peuvent répondre »).

    Cela passe aussi par l’usage de #mots_génériques tels que « personnes » ou « individus ». Également par des formules englobantes avec des #singuliers_collectifs : « l’équipe » (plutôt que « les salariés »), « l’orchestre » (plutôt que « les musiciens »), « la population étudiante » (plutôt que « les étudiants »), « bonjour tout le monde » (plutôt que « bonjour à tous »). Ou encore par des tournures en apostrophe (« Vous qui lisez cet article » au lieu de « Chers lecteurs ») et autres reformulations, avec, par exemple, le recours à des formulations passives : « L’accès à la bibliothèque est libre » plutôt que « Les utilisateurs ont librement accès à la bibliothèque »).

    D’autre part, les stratégies dites « féminisantes », qui reposent notamment sur la #féminisation des noms de métiers, de fonctions et de qualités : « professeur » = « professeure » ; « Madame le directeur » = « Madame la directrice » ; « L’écrivain Virginie Despentes » = « L’écrivaine Virginie Despentes ». Autre exemple, la #double_flexion, également appelée « #doublet », qui consiste à décliner à la fois au féminin et au masculin les mots : « les lecteurs de cet article » = « les lecteurs et les lectrices de cet article » ; « les auditeurs peuvent nous écrire à cette adresse » = « les auditeurs et les auditrices peuvent nous écrire à écrire à cette adresse ».

    Ces #stratégies_féminisantes englobent aussi les points médians (préférés aux barres obliques et aux parenthèses), qui sont des abréviations de la double flexion : « les lecteur·ices de cet article » ; « Les auditeur·ices », etc. À l’oral, à l’instar des abréviations comme « Dr » ou « Mme » que tout le monde lit « docteur » et « madame », ces termes se prononcent simplement « les lecteurs et les lectrices » ou les « auditeurs et les auditrices » (plus rarement « les lecteurices » ; « les auditeurices »).

    On y trouve également des modalités d’#accords_grammaticaux qui permettent de bannir la règle selon laquelle « #le_masculin_l’emporte_sur_le_féminin ». Les accords de proximité, ou #accords_de_voisinage, qui consistent en l’accord de l’adjectif, du déterminant et/ou du participe passé en genre avec le nom qui se situe au plus proche et qu’il qualifie. Par exemple : « Les auditeurs et les auditrices sont priées d’écrire à cette adresse » ; « Les policiers et les policières sont prêtes à intervenir ». Et les accords de majorité, qui consistent à accorder l’adjectif, le déterminant et/ou le participe passé avec le terme qui exprime le plus grand nombre, par exemple : « Les éditrices et l’écrivain se sont mises d’accord sur le titre du livre ».

    Si le recours à ces différentes stratégies constitue un marqueur social et culturel pour le ou la locutrice, il est loin de ne relever que de la simple posture et produit des effets concrets qui font l’objet de nombreux travaux de recherche.

    Pour le cerveau, le masculin n’est pas neutre

    Des psycholinguistes se sont ainsi penchés sur les différences entre usage du masculin générique, des formules neutralisantes et des formulations féminisantes comme l’usage d’un pronom ou d’un article féminin et la double flexion pour dire les noms de métiers et de fonctions.

    C’est notamment le cas de Sharon Peperkamp2 : « Nous avons fait lire à nos sujets un court texte portant sur un rassemblement professionnel et leur avons demandé d’estimer le pourcentage d’hommes et de femmes présents à ce rassemblement. Lorsqu’il s’agissait d’une profession non stéréotypée – c’est-à-dire exercée de manière égale par des hommes et des femmes – et lorsque nous avions recours au masculin dit “générique”, les sujets sous-estimaient la proportion de femmes dans le rassemblement. En revanche, lorsque nous utilisions une double flexion, les sujets estimaient un ratio correspondant au ratio effectif dans la société. »

    La chercheuse poursuit : « Lorsqu’il s’agissait d’une profession stéréotypiquement masculine, et que la double flexion était utilisée, la proportion de femmes par rapport à la réalité était en revanche surestimée. » Pour cette psycholinguiste, ces résultats confirment que « il est faux de dire que le langage inclusif ne sert à rien. Il permet au contraire de donner un vrai boost à la visibilité des femmes et permet d’attirer davantage d’entre elles dans des filières supposées masculines. » Elle rappelle, en outre, que des études ont montré que les femmes sont davantage susceptibles de postuler à des #annonces_d’emploi dans lesquelles l’écriture inclusive est utilisée.

    De son côté, Heather Burnett, chercheuse CNRS au Laboratoire de linguistique formelle3, a travaillé sur les différences de représentation engendrées par l’usage d’un article au masculin dit « générique » et d’un article au féminin sur les noms de métier épicènes4 : « L’usage du masculin générique, supposé neutre, engendre un biais masculin. Alors, le masculin est interprété comme référant aux hommes. » Par exemple, « le journaliste » est compris comme un homme exerçant la profession de journaliste.

    C’est aussi ce qu’ont mis en évidence, dans une étude parue en septembre 20235, les psycholinguistes Elsa Spinelli, Jean-Pierre Chevrot et Léo Varnet6. Ce dernier expose : « Nous avons utilisé un protocole expérimental permettant de détecter des différences fines concernant le temps de réponse du cerveau pour traiter le genre des mots. Lorsqu’un nom épicène non stéréotypé est utilisé avec un article également épicène (par exemple “l’otage”ou “l’adulte”), les participants ont largement tendance à l’interpréter comme masculin. Autrement dit, notre cerveau n’interprète pas le masculin comme neutre ». Suivant le même protocole, l’équipe s’est ensuite penchée sur l’usage du point médian. Pour Léo Varnet, les conclusions sont très claires : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. »

    On constate par ailleurs que l’écriture inclusive peut parfois rallonger le temps de #lecture. Ce qui est normal pour Heather Burnett : « Les mots les plus courts et les plus fréquents sont simplement lus plus rapidement ». De son côté, Léo Varlet souligne que si le point médian ralentit un peu la lecture au début d’un article, les sujets s’adaptent et retrouvent rapidement leur rythme de lecture habituel.

    Ces travaux, les tout premiers s’appuyant sur des expériences contrôlées de psycholinguistique et menés avec des sujets francophones, n’épuisent certainement pas le débat scientifique sur les effets cognitifs du langage inclusif. Mais ils indiquent clairement que le recours à certaines tournures inclusives – en particulier dans des stratégies dites « féminisantes » (re)mobilisant des ressources présentes depuis longtemps dans la langue française –, a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes.♦

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/lecriture-inclusive-par-dela-le-point-median

    • Le CNRS ne doit pas être une plateforme militante !
      (mis ici pour archivage...)

      TRIBUNE. Un collectif de 70 personnalités du monde académique appelle la direction du CNRS de corriger les « dérives militantes » de son équipe chargée de la communication.

      Chercheurs et enseignants-chercheurs, nous sommes très attachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à la haute qualité des recherches qui y sont globalement menées en sciences humaines comme en sciences dures. Nous regrettons, du reste, le dénigrement trop fréquent dont cette institution fait l’objet de la part de personnes qui ne la connaissent pas.

      C’est la raison pour laquelle nous nous inquiétons que sa réputation soit ternie par le comportement militant de certains de ses représentants et sa communication. L’article publié dans le Journal du CNRS sous le titre « L’écriture inclusive par-delà le point médian » en est le dernier témoignage. Écrit par une journaliste qui a recueilli l’avis d’enseignants-chercheurs et de chercheurs favorables à l’usage de l’écriture et de la « langue » dites « inclusives », il y est donc entièrement favorable alors que cette forme est fortement controversée, y compris par des linguistes du CNRS.
      Hors cadre scientifique

      Certes, que trouver à redire à ce qu’un journaliste exprime un point de vue ? Rien, à condition du moins que celui-ci soit présenté comme tel et non comme un fait objectif. Mais dans le cas présent, cet article se trouve publié sur l’une des vitrines du CNRS, lui conférant un statut particulier : celui d’un fait scientifique avéré et estampillé par l’institution.

      D’ordinaire, Le Journal du CNRS fait part de découvertes scientifiques solidement étayées, que ce soit en sciences dures ou en sciences humaines. Mais c’est loin d’être le cas ici : l’écriture dite inclusive est un phénomène créé de toutes pièces par des militants, souvent liés au monde universitaire. Y a-t-il un sens à recueillir le point de vue exclusif des tenants de cette innovation militante pour présenter sur un site scientifique une conclusion qui lui est favorable ? La circularité de la démarche fait sortir du cadre scientifique qu’on est en droit d’attendre sur une vitrine de l’institution.

      Enfin, outre qu’il est partisan, l’article est malhonnête dans son propos comme dans ses illustrations. Ainsi, à aucun moment ne sont mentionnés les arguments émanant de chercheurs reconnus contre les prémisses qui ont conduit à l’élaboration de ce langage. L’article présente comme seuls opposants des politiciens et des syndicats de droite.
      Des débats politiques, pas scientifiques

      La communication du CNRS n’en est pas à son coup d’essai en la matière. Faut-il rappeler les déclarations de certaines des plus hautes instances affirmant en 2021 que l’islamo-gauchisme n’existe pas (seraient-elles aujourd’hui aussi péremptoires ?) ou cautionnant l’usage du concept d’« islamophobie » ? Vu l’absence de tout consensus scientifique sur ces deux sujets, ils relèvent d’un débat politique que l’administration du CNRS n’a pas vocation à trancher.

      Le CNRS est un haut lieu de la recherche publique : son journal et son site ne peuvent devenir l’instrument d’une faction militante, sous peine de se discréditer et, avec lui, les chercheurs qui ont à cœur de remplir leur mission scientifique. En conséquence, nous demandons à sa direction de prendre toutes les mesures nécessaires pour corriger ces dérives en exerçant un droit de regard sans complaisance sur le fonctionnement de sa communication. Il y va de la réputation de l’institution.

      *Cette tribune, signée par un collectif de 70 personnalités du monde académique, est portée par : Michel Botbol (professeur de psychiatrie, université de Bretagne occidentale) ; Bernard Devauchelle (professeur de chirurgie, université de Picardie Jules Verne) ; Dany-Robert Dufour (professeur de philosophie, université Paris-8) ; Nathalie Heinich (sociologue, DRCE CNRS, Paris) ; Catherine Kintzler (professeur de philosophie, université de Lille) ; Israël Nisand (professeur de médecine, université de Strasbourg) ; Pascal Perrineau (politologue, professeur des universités à Sciences Po) ; Denis Peschanski (historien, directeur de recherche au CNRS, Paris) ; François Rastier (directeur de recherche en linguistique, CNRS, Paris) ; Philippe Raynaud (professeur de science politique, université Panthéon-Assas) ; Pierre Schapira (professeur de mathématiques, Sorbonne université) ; Didier Sicard (professeur de médecine, université Paris-Cité) ; Perrine Simon-Nahum (directrice de recherche en philosophie, CNRS) ; Jean Szlamowicz (professeur en linguistique, université de Dijon) et Pierre-André Taguieff (philosophe et politiste, directeur de recherche au CNRS).

      Autres signataires :

      Joubine Aghili, maître de conférences en mathématiques, université de Strasbourg

      Michel Albouy, professeur de sciences de gestion, université de Grenoble

      Martine Benoît, professeur d’histoire des idées, université de Lille

      Sami Biasoni, docteur en philosophie

      Thierry Blin, maître de conférences (HDR) en sociologie, université de Montpellier-3

      Claude Cazalé Bérard, professeur de littérature italienne, université Paris-Nanterre

      Guylain Chevrier, formateur et chargé d’enseignement à l’université

      Jean-Louis Chiss, professeur en sciences du langage, université Sorbonne nouvelle

      Chantal Delsol, philosophe, membre de l’Académie des sciences morales et politiques

      Gilles Denis, maître de conférences HDR HC en histoire des sciences du vivant, université de Lille

      Albert Doja, professeur d’anthropologie, université de Lille

      Jean Dhombres, EHESS, histoire des sciences

      Laurent Fedi, MCF hors classe, faculté de philosophie de Strasbourg

      Jean Ferrette, docteur en sociologie

      Michel Fichant, professeur de philosophie, faculté des lettres, Sorbonne université

      Renée Fregosi, philosophe et politologue, professeur de l’enseignement supérieur

      Luc Fraisse, professeur de littérature française à l’université de Strasbourg, membre de l’Institut universitaire de France

      Marc Fryd, linguistique anglaise, maître de conférences HDR, université de Poitiers

      Jean Giot, linguiste, professeur de l’université, université de Namur, Belgique

      Geneviève Gobillot, professeur d’arabe et d’islamologie, université de Lyon-3

      Christian Godin, professeur de philosophie, université d’Auvergne

      Yana Grinshpun, maître de conférences en linguistique française, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Claude Habib, professeur de littérature, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature et langue françaises

      Emmanuelle Hénin, professeur de littérature comparée à Sorbonne université

      Patrick Henriet, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Mustapha Krazem, professeur des universités en sciences du langage, université de Lorraine-Metz

      Philippe de Lara, maître de conférences en philosophie et sciences politiques, université Paris-2

      Marie Leca-Tsiomis, professeur de philosophie, université Paris-Nanterre

      Dominique Legallois, professeur de linguistique française Sorbonne nouvelle

      Michel Messu, professeur des universités en sociologie

      Martin Motte, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Robert Naeije, professeur de médecine, université libre de Bruxelles

      Franck Neveu, professeur des universités de linguistique française, Sorbonne université

      Françoise Nore, linguiste

      Laetitia Petit, maître de conférences, Aix-Marseille université

      Brigitte Poitrenaud-Lamesi, professeur d’italien, université de Caen

      Denis Poizat, professeur en sciences de l’éducation, université Lyon-2

      Florent Poupart, professeur de psychologie clinique et psychopathologie, université Toulouse-2

      André Quaderi, professeur de psychologie, université Côte d’Azur

      Gérard Rabinovitch, chercheur CNRS en sociologie, Paris

      François Richard, professeur de psychopathologie, université Paris-Cité

      Jacques Robert, professeur de médecine, université de Bordeaux

      François Roudaut, professeur de langue et littérature françaises (UMR IRCL, Montpellier)

      Claudio Rubiliani, maître de conférences en biologie, université Aix-Marseille et CNRS UA Paris-6.

      Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences en langue et littérature médiévales, président du LAÏC

      Jean-Paul Sermain, professeur de littérature française, université de la Sorbonne nouvelle

      Daniel Sibony, philosophe, mathématicien, professeur des universités

      Éric Suire, professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne

      Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie, Sorbonne université

      Michel Tibayrenc, professeur de génétique, directeur de recherche IRD, Paris

      Vincent Tournier, maître de conférences à l’IEP de Grenoble, chercheur à Pacte-CNRS

      Dominique Triaire, professeur des universités de littérature française

      François Vazeille, directeur de recherche au Cern, physicien des particules

      Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Yves Charles Zarka, professeur à l’université Paris-Cité, et ex-directeur de recherche au CNRS

      https://www.lepoint.fr/debats/le-cnrs-ne-doit-pas-etre-une-plateforme-militante-19-02-2024-2552835_2.php

    • La réponse du CAALAP (à la tribune publiée par les « 70 personnalités du monde académique »)

      La fausse neutralité des polémiques conservatrices contre la liberté académique

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant·es et de chercheur·euses qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Contre la police de la science, défendons la liberté académique !

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant.e.s et de chercheur.euse.s qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Ce ne sont rien moins que la section 17 du CNU (Conseil National des Universités), dédiée au suivi des carrières en philosophie, et le CNRS, qui font l’objet de l’opprobre et de la suspicion, sommés de s’amender pour sauver leurs réputations respectives.

      Dans une récente motion, la première propose de mettre en visibilité les violences sexuelles et sexistes, et de reconnaître l’engagement des chercheur.euse.s qui luttent contre ces violences :

      « Au moment de l’examen de l’évolution de la carrière, la section 17 du CNU s’engage à prendre en considération les responsabilités liées à l’instruction et aux suivis des violences sexistes et sexuelles, nous invitons les candidat·e·s aux promotions, congés et primes à l’indiquer expressément dans leur dossier. »

      Sur son blog, la philosophe Catherine Kintzler s’inquiète de la « prise en compte [des politiques d’égalité de genre] de manière aussi insistante dans le processus de recrutement ». Or la motion du CNU traite de « l’évolution de la carrière ». Car les recrutements ne sont pas du ressort du CNU : Catherine Kintzler l’aurait-elle oublié ?

      A cette inquiétude s’ajoute encore la crainte qu’une reconnaissance de ces éléments ne crée un biais fâcheux dans le monde de la recherche, favorisant certains terrains plutôt que d’autres, certain.e.s collègues plutôt que d’autres, alors que les carrières ne devraient tenir compte ni de de l’utilité sociale des travaux académiques, ni de l’implication du scientifique dans la cité. Mme Kintzler ne semble pas craindre pour autant que la non-reconnaissance et l’absence de prise en compte de ces éléments ne favorisent leur neutralisation, créant un biais en faveur des recherches qui occultent et invisibilisent ces violences.

      Se situant dans la ligne de celles et ceux qui présupposent que les chercheur.euse.s, quand ils et elles produisent des contenus, se situent sub specie aeternitatis, adoptant un point de vue de Sirius, elle réitère le fantasme d’une universalité émergeant « de nulle part », comme si cette dernière n’était pas le fruit de la discussion démocratique, du dissensus et de la mise en œuvre de formes de rationalité qui fabriquent de l’universel. Elle s’appuie également sur le mythe de la neutralité du scientifique, dont l’intégrité serait mise en péril par son existence en tant que citoyen.ne, ses activités associatives, son idéologie.

      Ainsi, vouloir inclure la part de l’humanité discriminée en raison de son appartenance de genre, poser cette question de l’égalité à même l’usage du langage, c’est faire preuve d’« idéologie ». Consacrer du temps à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, y compris dans son travail de recherche, y compris au sein de sa propre institution, c’est faire preuve d’« idéologie ». A l’inverse, invisibiliser ces violences, ce serait cela, la neutralité. Tenir les contenus académiques à l’abri du monde réel, se défendre d’aborder des enjeux politiques ou sociaux, c’est-à-dire s’en tenir au statu quo politique, s’accommoder des inégalités et cautionner des dispositifs d’oppression et de domination, bref, être un militant conservateur, être un militant réactionnaire, c’est cela, la neutralité. Comme si l’idéologie n’était pas le vecteur de toute pensée quelle qu’elle soit, et comme si la pensée se fabriquait hors des cadres théoriques et des contextes sociaux qui permettent son émergence.

      Dans le même temps, une tribune, réunissant les 70 signatures de chercheur.euse.s conservateur.rice.s, et parmi elles, de militant.e.s d’une laïcité identitaire, écrit son indignation face à la publication sur le Journal du CNRS, d’un article journalistique évoquant la sensibilité de nombreux.euse.s chercheur.euse.s à l’usage de l’écriture inclusive. Les auteur.rice.s de la tribune déplorent que seuls les arguments favorables à ce mode d’écriture soient présentés dans l’article, sans qu’y figurent les arguments de fond critiques de l’écriture inclusive – tout en admettant que le papier en question est un article journalistique et non pas académique ou scientifique.

      Mais tout à coup, on saute du coq à l’âne, et les auteur.rice.s de cette tribune ne résistent pas à passer de l’écriture inclusive à l’autre cheval de bataille que constitue pour eux l’ « islamo-gauchisme », appellation incontrôlable, créée en 2002 par Pierre-André Taguieff (signataire de cette tribune) pour stigmatiser les défenseurs des Palestiniens, puis revendiquée comme insulte par les militants d’extrême-droite et reprise en chœur par les dignitaires de la mouvance réactionnaire actuelle. Militant pour la reconnaissance d’une réalité du « phénomène islamogauchiste » – et niant symétriquement toute réalité au phénomène rationnellement étayé de l’islamophobie – ce groupuscule de chercheur.euse.s affirme sans ambiguïté son positionnement politique identitaire et réactionnaire. A rebours des méthodes les plus fondamentales des sciences sociales, il s’appuie sur le déni de la parole des premier.ère.s concerné.e.s par les discriminations, qui sont, elles et eux, véritablement « hors cadre scientifique », tenu.e.s en lisière, hors champ du monde académique, alors même que l’une des missions officielles des enseignant.e.s-chercheur.euse.s est de contribuer au dialogue entre sciences et société.

      Le sempiternel argument mobilisé par les auteur.rice.s considère que la défense progressiste de l’égalité et la lutte contre les discriminations relèvent du militantisme, alors que la défense conservatrice du statu quo inégalitaire consiste en une neutralité politique qui serait compatible avec la rigueur scientifique. Ainsi, toutes les positions autres que la position politique conservatrice et/ou réactionnaire des auteur.rice.s de la tribune se retrouvent disqualifiées et suspectes d’un mélange des genres entre savoirs et « idéologies », « hors cadre scientifique ».

      Nous, membres de la CAALAP, protestons contre ces tentatives de censure politique au nom de la neutralité, qu’il s’agisse de l’écriture inclusive ou des travaux documentant les discriminations, notamment racistes et islamophobes. Nous condamnons fermement les entraves à la liberté académique, d’autant plus choquantes quand elles émanent de chercheur·es, à la retraite ou non, qui prétendent faire la police de la science par voie de presse.

      https://blogs.mediapart.fr/caalap/blog/210224/la-fausse-neutralite-des-polemiques-conservatrices-contre-la-liberte

  • Commémor’ action des Mort·es des frontières

    « Migrer pour vivre. Pas pour mourir »

    Depuis 2014, le 6 février est, à l’appel des familles de victimes des frontières la journée mondiale de commémor’action des mort·es des frontières. Une journée pour lutter contre les régimes faisant de la migration un périple trop souvent mortel et exiger la vérité, la justice et la réparation. Dans le Briançonnais, la frontière franco-italienne et le non-accueil ont encore fait au moins 3 mort·es en 2023.

    Les #affiches refusées dans les rues de Briançon :

    https://briancon-solidaire.org

    #commémoraction #commémoration #Briançon #morts_aux_frontières #mémoire #mourir_aux_frontières #migrations #asile #réfugiés #6_février #Hautes-Alpes #Briançonnais #lexique #mots #vocabulaire

  • Blinne Ní Ghrálaigh: Lawyer’s closing statement in ICJ case against Israel praised

    This was the powerful closing statement in South Africa’s genocide case against Israel.

    Senior advocate #Blinne_Ní_Ghrálaigh addressed the International Court of Justice on day one of the hearing.

    ICJ: Blinne Ní Ghrálaigh’s powerful closing statement in South Africa case against Israel
    https://www.youtube.com/watch?v=ttrJd2aWF-Y&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.thenational.sco

    https://www.thenational.scot/news/24042943.blinne-ni-ghralaigh-lawyers-closing-statement-icj-case-israel

    #Cour_internationale_de_justice (#CIJ) #Israël #Palestine #Afrique_du_Sud #justice #génocide

    • Israël commet-il un génocide à #Gaza ? Le compte rendu d’une #audience historique

      Alors que les massacres israéliens à Gaza se poursuivent, l’Afrique du Sud a tenté de démontrer, jeudi 11 et vendredi 12 janvier devant la justice onusienne, qu’un génocide est en train d’être commis par Israël à Gaza.

      « Une #calomnie », selon l’État hébreu.

      Devant le palais de la Paix de #La_Haye (Pays-Bas), la bataille des #mots a commencé avant même l’audience. Jeudi 11 janvier au matin, devant la #Cour_de_justice_internationale_des_Nations_unies, des manifestants propalestiniens ont exigé un « cessez-le-feu immédiat » et dénoncé « l’#apartheid » en cours au Proche-Orient. Face à eux, des familles d’otages israélien·nes ont montré les photos de leurs proches kidnappés le 7 octobre par le Hamas.

      Pendant deux jours, devant 17 juges internationaux, alors que les massacres israéliens à Gaza continuent de tuer, de déplacer et de mutiler des civils palestiniens (à 70 % des femmes et des enfants, selon les agences onusiennes), le principal organe judiciaire des Nations unies a examiné la requête, précise et argumentée, de l’Afrique du Sud, destinée à imposer au gouvernement israélien des « #mesures
      _conservatoires » pour prévenir un génocide de la population palestinienne de Gaza.

      La première et plus urgente de ces demandes est l’arrêt immédiat des #opérations_militaires israéliennes à Gaza. Les autres exigent des mesures urgentes pour cesser les tueries, les déplacements de population, faciliter l’accès à l’eau et à la nourriture, et prévenir tout génocide.

      La cour a aussi entendu les arguments d’Israël, qui nie toute #intention_génocidaire et a martelé son « #droit_à_se_défendre, reconnu par le droit international ».

      L’affaire ne sera pas jugée sur le fond avant longtemps. La décision sur les « mesures conservatoires », elle, sera rendue « dès que possible », a indiqué la présidente de la cour, l’États-Unienne #Joan_Donoghue.

      Rien ne dit que les 17 juges (dont un Sud-Africain et un Israélien, Aharon Barak, ancien juge de la Cour suprême israélienne, de réputation progressiste mais qui n’a jamais critiqué la colonisation israélienne) donneront raison aux arguments de l’Afrique du Sud, soutenue dans sa requête par de nombreux États du Sud global. Et tout indique qu’une décision sanctionnant Israël serait rejetée par un ou plusieurs #vétos au sein du #Conseil_de_sécurité des Nations unies.

      Cette #audience solennelle, retransmise sur le site de l’ONU (revoir les débats du jeudi 11 et ceux du vendredi 12), et relayée par de nombreux médias internationaux, a pourtant revêtu un caractère extrêmement symbolique, où se sont affrontées deux lectures radicalement opposées de la tragédie en cours à Gaza.

      « Israël a franchi une limite »

      Premier à prendre la parole, l’ambassadeur sud-africain aux Pays-Bas, #Vusi_Madonsela, a d’emblée replacé « les actes et omissions génocidaires commis par l’État d’Israël » dans une « suite continue d’#actes_illicites perpétrés contre le peuple palestinien depuis 1948 ».

      Face aux juges internationaux, il a rappelé « la Nakba du peuple palestinien, conséquence de la #colonisation_israélienne qui a [...] entraîné la #dépossession, le #déplacement et la #fragmentation systématique et forcée du peuple palestinien ». Mais aussi une « #occupation qui perdure depuis cinquante-six ans, et le siège de seize ans imposé [par Israël] à la bande de Gaza ».

      Il a décrit un « régime institutionnalisé de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires, mises en place [par Israël – ndlr] pour établir sa #domination et soumettre le peuple palestinien à un apartheid », dénonçant des « décennies de violations généralisées et systématiques des #droits_humains ».

      « En tendant la main aux Palestiniens, nous faisons partie d’une seule humanité », a renchéri le ministre de la justice sud-africain, #Ronald_Ozzy_Lamola, citant l’ancien président Nelson Mandela, figure de la lutte contre l’apartheid dans son pays.

      D’emblée, il a tenté de déminer le principal argument du gouvernement israélien, selon lequel la procédure devant la Cour internationale de justice est nulle et non avenue, car Israël mènerait une #guerre_défensive contre le #Hamas, au nom du #droit_à_la_légitime_défense garanti par l’article 51 de la charte des Nations unies – un droit qui, selon la Cour internationale de justice, ne s’applique pas aux #Territoires_occupés. « Gaza est occupée. Israël a gardé le contrôle de Gaza. [...] Ses actions renforcent son occupation : la légitime défense ne s’applique pas », insistera un peu plus tard l’avocat Vaughan Lowe.

      « L’Afrique du Sud, affirme le ministre sud-africain, condamne de manière catégorique la prise pour cibles de civils par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023. Cela étant dit, aucune attaque armée contre le territoire d’un État, aussi grave soit-elle, même marquée par la commission des #crimes atroces, ne saurait constituer la moindre justification ni le moindre prétexte, pour se rendre coupable d’une violation, ni sur le plan juridique ni sur le plan moral », de la #convention_des_Nations_unies_pour_la_prévention_et_la_répression_du_crime_de_génocide, dont est accusé l’État hébreu.

      « La réponse d’Israël à l’attaque du 7 octobre, a-t-il insisté, a franchi cette limite. »

      Un « génocide » au caractère « systématique »

      #Adila_Hassim, principale avocate de l’Afrique du Sud, s’est évertuée à démontrer méthodiquement comment Israël a « commis des actes relevant de la définition d’#actes_de_génocide », dont elle a martelé le caractère « systématique ».

      « Les Palestiniens sont tués, risquent la #famine, la #déshydratation, la #maladie, et ainsi la #mort, du fait du siège qu’Israël a organisé, de la #destruction des villes, d’une aide insuffisante autorisée à atteindre la population, et de l’impossibilité à distribuer cette maigre aide sous les #bombardements incessants, a-t-elle énuméré. Tout ceci rend impossible d’avoir accès aux éléments essentiels de la vie. »

      Adila Hassim s’est attelée à démontrer en quoi la #guerre israélienne cochait les cases du génocide, tel qu’il est défini à l’article 2 de la convention onusienne : « Des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. »

      Le « meurtre des membres du groupe », premier élément du génocide ? Adila Hassim évoque le « meurtre de masse des Palestiniens », les « 23 000 victimes dont 70 % sont des femmes ou des enfants », et « les 7 000 disparus, présumés ensevelis sous les décombres ». « Il n’y a pas de lieu sûr à Gaza », dit-elle, une phrase empruntée aux responsables de l’ONU, répétée de nombreuses fois par la partie sud-africaine.

      Hasssim dénonce « une des campagnes de bombardement les plus lourdes dans l’histoire de la guerre moderne » : « 6 000 bombes par semaine dans les trois premières semaines », avec des « #bombes de 900 kilos, les plus lourdes et les plus destructrices », campagne qui vise habitations, abris, écoles, mosquées et églises, dans le nord et le sud de la bande de Gaza, camps de réfugié·es inclus.

      « Les Palestiniens sont tués quand ils cherchent à évacuer, quand ils n’ont pas évacué, quand ils ont pris la #fuite, même quand ils prennent les itinéraires présentés par Israël comme sécurisés. (...) Des centaines de familles plurigénérationelles ont été décimées, personne n’ayant survécu (...) Personne n’est épargné, pas même les nouveau-nés (...) Ces massacres ne sont rien de moins que la #destruction_de_la_vie_palestinienne, infligée de manière délibérée. » Selon l’avocate, il existe bien une #intention_de_tuer. « Israël, dit-elle, sait fort bien combien de civils perdent leur vie avec chacune de ces bombes. »

      L’« atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », et la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », autres éléments constitutifs du génocide ? Adila Hassim évoque « la mort et la #mutilation de 60 000 Palestiniens », les « civils palestiniens arrêtés et emmenés dans une destination inconnue », et détaille le « #déplacement_forcé de 85 % des Palestiniens de Gaza » depuis le 13 octobre, sans retour possible pour la plupart, et qui « répète une longue #histoire de #déplacements_forcés de masse ».

      Elle accuse Israël de « vise[r] délibérément à provoquer la faim, la déshydratation et l’inanition à grande échelle » (93 % de la population souffrent d’un niveau critique de faim, selon l’Organisation mondiale de la santé), l’aide empêchée par les bombardements et qui « ne suffit tout simplement pas », l’absence « d’eau propre », le « taux d’épidémies et de maladies infectieuses qui s’envole », mais aussi « les attaques de l’armée israélienne prenant pour cible le système de santé », « déjà paralysé par des années de blocus, impuissant face au nombre de blessures ».

      Elle évoque de nombreuses « naissances entravées », un autre élément constitutif du génocide.

      « Les génocides ne sont jamais annoncés à l’avance, conclut-elle. Mais cette cour a devant elle 13 semaines de #preuves accumulées qui démontrent de manière irréfutable l’existence d’une #ligne_de_conduite, et d’#intentions qui s’y rapportent, justifiant une allégation plausible d’actes génocidaires. »

      Une « #déshumanisation_systématique » par les dirigeants israéliens

      Un autre avocat s’avance à la barre. Après avoir rappelé que « 1 % de la population palestinienne de Gaza a été systématiquement décimée, et qu’un Gazaoui sur 40 a été blessé depuis le 7 octobre », #Tembeka_Ngcukaitobi décortique les propos des autorités israéliennes.

      « Les dirigeants politiques, les commandants militaires et les représentants de l’État d’Israël ont systématiquement et explicitement exprimé cette intention génocidaire, accuse-t-il. Ces déclarations sont ensuite reprises par des soldats, sur place à Gaza, au moment où ils anéantissent la population palestinienne et l’infrastructure de Gaza. »

      « L’intention génocidaire spécifique d’Israël, résume-t-il, repose sur la conviction que l’ennemi n’est pas simplement le Hamas, mais qu’il est à rechercher au cœur même de la société palestinienne de Gaza. »

      L’avocat multiplie les exemples, encore plus détaillés dans les 84 pages de la requête sud-africaine, d’une « intention de détruire Gaza aux plus hauts rangs de l’État » : celle du premier ministre, #Benyamin_Nétanyahou, qui, à deux reprises, a fait une référence à #Amalek, ce peuple que, dans la Bible (I Samuel XV, 3), Dieu ordonne d’exterminer ; celle du ministre de la défense, qui a comparé les Palestiniens à des « #animaux_humains » ; le président israélien #Isaac_Herzog, qui a jugé « l’entièreté de la nation » palestinienne responsable ; celle du vice-président de la Knesset, qui a appelé à « l’anéantissement de la bande de Gaza » (des propos condamnés par #Nétanyahou) ; ou encore les propos de nombreux élus et députés de la Knesset appelant à la destruction de Gaza.

      Une « déshumanisation systématique », dans laquelle les « civils sont condamnés au même titre que le Hamas », selon Tembeka Ngcukaitobi.

      « L’intention génocidaire qui anime ces déclarations n’est nullement ambiguë pour les soldats israéliens sur le terrain : elle guide leurs actes et leurs objectifs », poursuit l’avocat, qui diffuse devant les juges des vidéos où des soldats font eux aussi référence à Amalek, « se filment en train de commettre des atrocités contre les civils à Gaza à la manière des snuff movies », ou écoutent un réserviste de 95 ans les exhorter à « tirer une balle » sur leur « voisin arabe » et les encourager à une « destruction totale ».

      L’avocat dénonce le « manquement délibéré de la part du gouvernement à son obligation de condamner, de prévenir et de réprimer une telle incitation au génocide ».

      Après une plaidoirie technique sur la capacité à agir de l’Afrique du Sud, #John_Dugard insiste : « Gaza est devenu un #camp_de_concentration où un génocide est en cours. »

      L’avocat sud-africain #Max_du_Plessis exhorte la cour à agir face à Israël, qui « depuis des années (...) s’estime au-delà et au-dessus de la loi », une négligence du droit rendue possible par l’#indifférence de la communauté internationale, qui a su, dans d’autres conflits (Gambie, Bosnie, Ukraine) décider qu’il était urgent d’agir.

      « Gaza est devenu inhabitable », poursuit l’avocate irlandaise #Blinne_Ni_Ghralaigh. Elle énumère d’autres chiffres : « Au rythme actuel », égrène-t-elle, « 247 Palestiniens tués en moyenne chaque jour », dont « 48 mères » et « plus de 117 enfants », et « 629 blessés ». Elle évoque ces enfants dont toute la famille a été décimée, les secouristes, les enseignants, les universitaires et les journalistes tués dans des proportions historiques.

      « Il s’agit, dit-elle, du premier génocide de l’Histoire dont les victimes diffusent leur propre destruction en temps réel, dans l’espoir vain que le monde fasse quelque chose. » L’avocate dévoile à l’écran les derniers mots du docteur #Mahmoud_Abu_Najela (Médecins sans frontières), tué le 23 novembre à l’hôpital Al-Awda, écrits au feutre sur un tableau blanc : « À ceux qui survivront. Nous avons fait ce que nous pouvons. Souvenez-vous de nous. »

      « Le monde, conclut Blinne Ni Ghralaigh, devrait avoir #honte. »

      La réponse d’Israël : une « calomnie »

      Vendredi 12 janvier, les représentants d’Israël se sont avancés à la barre. Leur argumentation a reposé sur deux éléments principaux : un, la Cour internationale de justice n’a pas à exiger de « mesures conservatoires » car son armée ne commet aucun génocide ; deux, si génocide il y a, il a été commis par le Hamas le 7 octobre 2023.

      Premier à prendre la parole, #Tal_Becker, conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, invoque l’Histoire, et le génocide infligé aux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, « le meurtre systématique de 6 millions de juifs dans le cadre d’une destruction totale ».

      « Israël, dit-il, a été un des premiers États à ratifier la convention contre le génocide. » « Pour Israël, insiste-t-il, “#jamais_plus” n’est pas un slogan, c’est une #obligation_morale suprême. »

      Dans « une époque où on fait bon marché des mots, à l’heure des politiques identitaires et des réseaux sociaux », il dénonce une « #instrumentalisation » de la notion de génocide contre Israël.

      Il attaque une présentation sud-africaine « totalement dénaturée des faits et du droit », « délibérément manipulée et décontextualisée du conflit actuel », qualifiée de « calomnie ».

      Alors que les avocats sud-africains avaient expliqué ne pas intégrer les massacres du Hamas dans leur requête devant la justice onusienne, car « le Hamas n’est pas un État », Tal Becker estime que l’Afrique du Sud « a pris le parti d’effacer l’histoire juive et tout acte ou responsabilité palestiniens », et que les arguments avancés « ne se distinguent guère de ceux opposés par le Hamas dans son rejet d’Israël ». « L’Afrique du Sud entretient des rapports étroits avec le Hamas » et le « soutient », accuse-t-il.

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », dit-il en revenant longuement, images et enregistrements à l’appui, sur les atrocités commises par le Hamas et d’autres groupes palestiniens le 7 octobre, « le plus important massacre de juifs en un jour depuis la #Shoah ».

      « S’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël », dit-il, évoquant le « #programme_d’annihilation » des juifs par le Hamas. « Israël ne veut pas détruire un peuple, poursuit-il. Mais protéger un peuple : le sien. »

      Becker salue les familles d’otages israéliens présentes dans la salle d’audience, et montre certains visages des 130 personnes kidnappées dont le pays est toujours sans nouvelle. « Y a-t-il une raison de penser que les personnes que vous voyez à l’écran ne méritent pas d’être protégées ? », interroge-t-il.

      Pour ce représentant de l’État israélien, la demande sud-africaine de mesures conservatoires revient à priver le pays de son droit à se défendre.

      « Israël, poursuit-il, se défend contre le Hamas, le Djihad palestinien et d’autres organisations terroristes dont la brutalité est sans limite. Les souffrances sont tragiques, sont déchirantes. Les conséquences sont parfaitement atroces pour les civils du fait du comportement du Hamas, qui cherche à maximiser les pertes de civils alors qu’Israël cherche à les minorer. »

      Becker s’attarde sur la « #stratégie_méprisable » du Hamas, une « méthode de guerre intégrée, planifiée, de grande ampleur et odieuse ». Le Hamas, accuse-t-il, « a, de manière systématique, fondu ses opérations militaires au sein de zones civiles densément peuplées », citant écoles, mosquées et hôpitaux, des « milliers de bâtiments piégés » et « utilisés à des fins militaires ».

      Le Hamas « a fait entrer une quantité innombrable d’armes, a détourné l’aide humanitaire ». Remettant en cause le chiffre « non vérifié » de 23 000 victimes (pourtant confirmé par les Nations unies), Tal Becker estime que de nombreuses victimes palestiniennes sont des « militants » qui ont pu prendre « une part directe aux hostilités ». « Israël respecte le droit », martèle-t-il. « Si le Hamas abandonne cette stratégie, libère les otages, hostilités et violences prendront fin. »

      Ponte britannique du droit, spécialiste des questions juridiques liées aux génocides, #Malcom_Shaw embraie, toujours en défense d’Israël. Son discours, technique, est parfois interrompu. Il se perd une première fois dans ses notes, puis soupçonne un membre de son équipe d’avoir « pris [sa] #plaidoirie pour un jeu de cartes ».

      Shaw insiste : « Un conflit armé coûte des vies. » Mais Israël, dit-il, « a le droit de se défendre dans le respect du #droit_humanitaire », citant à l’audience les propos de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 19 octobre 2023. Il poursuit : « L’#usage_de_la_force ne peut constituer en soi un acte génocidaire. » « Israël, jure-t-il, ne cible que les cibles militaires, et ceci de manière proportionnée dans chacun des cas. »

      « Peu d’éléments démontrent qu’Israël a eu, ou a, l’intention de détruire tout ou partie du peuple palestinien », plaide-t-il. Shaw estime que nombre de propos tenus par des politiciens israéliens ne doivent pas être pris en compte, car ils sont « pris au hasard et sont sortis de leur contexte », parce qu’ils témoignent d’une « #détresse » face aux massacres du 7 octobre, et que ceux qui les ont prononcés n’appartiennent pas aux « autorités pertinentes » qui prennent les décisions militaires, à savoir le « comité ministériel chargé de la sécurité nationale » et le « cabinet de guerre ».

      Pour étayer son argumentation, Shaw cite des directives (non publiques) de Benyamin Nétanyahou destinées, selon lui, à « éviter un désastre humanitaire », à proposer des « solutions pour l’approvisionnement en eau », « promouvoir la construction d’hôpitaux de campagne au sud de la bande de Gaza » ; les déclarations publiques de Benyamin Nétanyahou à la veille de l’audience (« Israël n’a pas l’intention d’occuper de façon permanente la bande de Gaza ou de déplacer sa population civile ») ; d’autres citations du ministre de la défense qui assure ne pas s’attaquer au peuple palestinien dans son ensemble.

      « La requête de l’Afrique du Sud brosse un tableau affreux, mais incomplet et profondément biaisé », renchérit #Galit_Rajuan, conseillère au ministère de la justice israélien, qui revient longuement sur les #responsabilités du Hamas, sa stratégie militaire au cœur de la population palestinienne. « Dans chacun des hôpitaux que les forces armées israéliennes ont fouillés à Gaza, elles ont trouvé des preuves d’utilisation militaire par le Hamas », avance-t-elle, des allégations contestées.

      « Certes, des dommages et dégâts ont été causés par les hostilités dans les hôpitaux, parfois par les forces armées israéliennes, parfois par le Hamas, reconnaît-elle, mais il s’agit des conséquences de l’utilisation odieuse de ces hôpitaux par le Hamas. »

      Rajuan martèle enfin qu’Israël cherche à « atténuer les dommages causés aux civils » et à « faciliter l’aide humanitaire ». Des arguments connus, que de très nombreuses ONG, agences des Nations unies et journalistes gazaouis présents sur place réfutent régulièrement, et que les journalistes étrangers ne peuvent pas vérifier, faute d’accès à la bande de Gaza.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/120124/israel-commet-il-un-genocide-gaza-le-compte-rendu-d-une-audience-historiqu

    • Gaza, l’accusa di genocidio a Israele e la credibilità del diritto internazionale

      Il Sudafrica ha chiesto l’intervento della Corte internazionale di giustizia dell’Aja per presunte violazioni di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948. Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, presente alla storica udienza, aiuta a comprendere il merito e le prospettive

      “Quello che sta succedendo all’Aja ha un significato che va oltre gli eventi in corso nella Striscia di Gaza. Viviamo un momento storico in cui la Corte internazionale di giustizia (Icj) ha anche la responsabilità di confermare se il diritto internazionale esiste ancora e se vale alla stessa maniera per tutti i Paesi, del Nord e del Sud del mondo”. A parlare è Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, già nel team legale delle vittime di Gaza di fronte alla Corte penale internazionale (Icc), che ha sede sempre all’Aja.

      Non vanno confuse: l’aula di tribunale ripresa dalle tv di tutto il mondo l’11 e il 12 gennaio scorsi, infatti, con il team legale sudafricano schierato contro quello israeliano, è quella della Corte internazionale di giustizia, il massimo organo giudiziario delle Nazioni Unite, che si esprime sulle controversie tra Stati. L’Icc, invece, è indipendente e legifera sulle responsabilità penali individuali.

      Il 29 dicembre scorso il Sudafrica ha chiesto l’intervento della prima per presunte violazioni da parte di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948, nei confronti dei palestinesi della Striscia di Gaza. Un’udienza storica a cui Mariniello era presente.

      Professore, qual era innanzi tutto l’atmosfera?
      TM A mia memoria mai uno strumento del diritto internazionale ha avuto tanto sostegno e popolarità. C’erano centinaia, probabilmente migliaia di persone all’esterno della Corte, emittenti di tutto il mondo e apparati di sicurezza, inclusi droni ed elicotteri. Sentire anche le tv più conservatrici, come quelle statunitensi, parlare di Palestina e genocidio faceva comprendere ancora di più l’importanza storica dell’evento.

      In estrema sintesi, quali sono gli elementi più importanti della tesi sudafricana?
      TM Il Sudafrica sostiene che Israele abbia commesso atti di genocidio contro la popolazione di Gaza, ciò significa una serie di azioni previste dall’articolo 2 della Convenzione sul genocidio, effettuate con l’intento di distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto, in questo caso i palestinesi di Gaza. Questi atti, per il Sudafrica, sono omicidi di massa, gravi lesioni fisiche o mentali e l’imposizione di condizioni di vita volte a distruggere i palestinesi, come l’evacuazione forzata di circa due milioni di loro, la distruzione di quasi tutto il sistema sanitario della Striscia, l’assedio totale all’inizio della guerra e la privazione di beni essenziali per la sopravvivenza. Ciò che caratterizza un genocidio rispetto ad altri crimini internazionali è il cosiddetto “intento speciale”, la volontà cioè di voler distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto. È l’elemento più difficile da provare, ma credo che il Sudafrica in questo sia riuscito in maniera solida e convincente. Sia in aula sia all’interno della memoria di 84 pagine presentata, vi sono, infatti, una serie di dichiarazioni dei leader politici e militari israeliani, che proverebbero tale intento. Come quella del premier Benjamin Netanyahu che, a inizio guerra, ha invocato la citazione biblica di Amalek, che sostanzialmente significa: “Uccidete tutti gli uomini, le donne, i bambini e gli animali”. O una dichiarazione del ministro della Difesa, Yoav Gallant, che ha detto che a Gaza sono tutti “animali umani”. Queste sono classiche dichiarazioni deumanizzanti e la deumanizzazione è un passaggio caratterizzante tutti i genocidi che abbiamo visto nella storia dell’umanità.

      Qual è stata invece la linea difensiva israeliana?
      TM Diciamo che l’impianto difensivo di Israele è basato su tre pilastri: il fatto che quello di cui lo si accusa è stato eseguito da Hamas il 7 ottobre; il concetto di autodifesa, cioè che quanto fatto a Gaza è avvenuto in risposta a tale attacco e, infine, che sono state adottate una serie di precauzioni per limitare l’impatto delle ostilità sulla popolazione civile. Israele, inoltre, ha sollevato il tema della giurisdizione della Corte, mettendola in discussione, in quanto non vi sarebbe una disputa in corso col Sudafrica. Su questo la Corte si dovrà pronunciare, ma a tal proposito è stato ricordato come Israele sia stato contattato dal Sudafrica in merito all’accusa di genocidio e non abbia risposto. Questo, per l’accusa, varrebbe come disputa in corso.

      Che cosa chiede il Sudafrica?
      TM In questo momento l’accusa non deve dimostrare che sia stato commesso un genocidio, ma che sia plausibile. Questa non è un’udienza nel merito, siamo in una fase d’urgenza, ma di richiesta di misure cautelari. Innanzitutto chiede il cessate fuoco, poi la rescissione di tutti gli ordini che possono costituire atti di genocidio. Si domanda alla Corte di imporre un ordine a Israele per preservare tutte le prove che potrebbero essere utili per indagini future e di porre fine a tutti gli atti di cui il Sudafrica lo ritiene responsabile.

      Come valuta le due memorie?
      TM La deposizione del Sudafrica è molto solida e convincente, sia in merito agli atti genocidi sia all’intento genocidiario. E credo che anche alla luce dei precedenti della Corte lasci veramente poco spazio di manovra. Uno dei punti di forza è che fornisce anche una serie di prove in merito a quello che è successo e che sta accadendo a Gaza: le dichiarazioni dei politici israeliani, cioè, hanno ricevuto un’implementazione sul campo. Sono stati mostrati dei video di militari, ad esempio, che invocavano Amalek, la citazione di Netanyahu.

      In realtà il Sudafrica non si limita allo scontro in atto, ma parla di una sorta Nakba (l’esodo forzato dei palestinesi) ininterrotto.
      TM Ogni giurista dovrebbe sempre analizzare qualsiasi ostilità all’interno di un contesto e per questo il Sudafrica fa riferimento a 75 anni di Nakba, a 56 di occupazione militare israeliana e a 16 anni di assedio della Striscia.

      Come valuta la difesa israeliana?
      TM Come detto, tutto viene ricondotto all’attacco di Hamas del 7 ottobre e a una risposta di autodifesa rispetto a tale attacco. Ma esiste sempre un contesto per il diritto penale internazionale e l’autodifesa -che per uno Stato occupante non può essere invocata- non può comunque giustificare un genocidio. L’altro elemento sottolineato dal team israeliano, delle misure messe in atto per ridurre l’impatto sui civili, è sembrato più retorico che altro: quanto avvenuto negli ultimi tre mesi smentisce tali dichiarazioni. Basti pensare alla privazione di beni essenziali e a tutte le informazioni raccolte dalle organizzazioni internazionali e dagli organismi delle Nazioni Unite. A Gaza non esistono zone sicure, ci sono stati casi in cui la popolazione evacuata, rifugiatasi nelle zone indicate da Israele, è stata comunque bombardata.

      Ora che cosa pensa succederà?
      TM La mia previsione è che la Corte si pronuncerà sulle misure cautelari entro la fine di gennaio e l’inizio di febbraio, quando alcuni giudici decadranno e saranno sostituiti. In alcuni casi ha impiegato anche solo otto giorni per pronunciarsi. Ora ci sono delle questioni procedurali, altri Stati stanno decidendo di costituirsi a sostegno di Israele o del Sudafrica.

      Che cosa implica tale sostegno?
      TM La possibilità di presentare delle memorie. La Germania sosterrà Israele, il Brasile, i Paesi della Lega Araba, molti Stati sudamericani, ma non solo, si stanno schierando con il Sudafrica.

      Il ministro degli Esteri italiano, Antonio Tajani, ha dichiarato che non si tratta di genocidio.
      TM L’Italia non appoggerà formalmente Israele dinnanzi all’Icj. La Francia sarà neutrale. I Paesi del Global South stanno costringendo quelli del Nord a verificare la credibilità del diritto internazionale: vale per tutti o è un diritto à la carte?

      Se la Corte decidesse per il cessate il fuoco, quali sarebbero le conseguenze, visto che non ha potere politico?
      TM Il parere della Corte è giuridicamente vincolante. Il problema è effettivamente di esecuzione: nel caso di un cessate il fuoco, se non fosse Israele ad attuarlo, dovrebbe intervenire il Consiglio di sicurezza.

      Con il rischio del veto statunitense.
      TM Siamo sul terreno delle speculazioni, ma se la Corte dovesse giungere alla conclusione che Israele è responsabile di un genocidio a Gaza, onestamente riterrei molto difficile un altro veto degli Stati Uniti. È difficile al momento prevedere gli effetti dirompenti di un’eventuale decisione positiva della Corte. Certo è che, quando si parla di Israele, la comunità internazionale, nel senso dei Paesi occidentali, ha creato uno stato di eccezione, che ha sempre posto Israele al di sopra del diritto internazionale, senza rendersi conto che le situazioni violente che viviamo in quel contesto sono il frutto di questo eccezionalismo anche a livello giuridico. Fino a quando si andrà avanti con questo contesto di impunità non finiranno le spirali di violenza.

      https://altreconomia.it/gaza-laccusa-di-genocidio-a-israele-e-la-credibilita-del-diritto-intern

    • La Cour internationale de justice ordonne à Israël d’empêcher un génocide à Gaza

      Selon la plus haute instance judiciaire internationale, « il existe un #risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé » aux Palestiniens de Gaza. La Cour demande à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission […] de tout acte » de génocide. Mais n’appelle pas au cessez-le-feu.

      Même si elle n’a aucune chance d’être appliquée sur le terrain, la #décision prise vendredi 26 janvier par la plus haute instance judiciaire des Nations unies marque incontestablement un tournant dans la guerre au Proche-Orient. Elle intervient après quatre mois de conflit déclenché par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, qui a fait plus de 1 200 morts et des milliers de blessés, conduit à la prise en otage de 240 personnes, et entraîné l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, dont le dernier bilan s’élève à plus de 25 000 morts.

      La Cour internationale de justice (CIJ), basée à La Haye (Pays-Bas), a expliqué, par la voix de sa présidente, la juge Joan Donoghue, « être pleinement consciente de l’ampleur de la #tragédie_humaine qui se joue dans la région et nourri[r] de fortes #inquiétudes quant aux victimes et aux #souffrances_humaines que l’on continue d’y déplorer ». Elle a ordonné à Israël de « prendre toutes les #mesures en son pouvoir pour prévenir la commission à l’encontre des Palestiniens de Gaza de tout acte » de génocide.

      « Israël doit veiller avec effet immédiat à ce que son armée ne commette aucun des actes » de génocide, affirme l’#ordonnance. Elle « considère également qu’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ».

      La cour de La Haye, saisie à la suite d’une plainte de l’Afrique du Sud, demande « en outre » à l’État hébreu de « prendre sans délai des #mesures_effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’#aide_humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ».

      Enfin, l’ordonnance de la CIJ ordonne aux autorités israéliennes de « prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des #éléments_de_preuve relatifs aux allégations d’actes » de génocide.

      La juge #Joan_Donoghue, qui a donné lecture de la décision, a insisté sur son caractère provisoire, qui ne préjuge en rien de son futur jugement sur le fond des accusations d’actes de génocide. Celles-ci ne seront tranchées que dans plusieurs années, après instruction.

      La cour « ne peut, à ce stade, conclure de façon définitive sur les faits » et sa décision sur les #mesures_conservatoires « laisse intact le droit de chacune des parties de faire valoir à cet égard ses moyens » en vue des audiences sur le fond, a-t-elle poursuivi.

      Elle considère cependant que « les faits et circonstances » rapportés par les observateurs « suffisent pour conclure qu’au moins certains des droits » des Palestiniens sont mis en danger et qu’il existe « un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé ».

      Environ 70 % de #victimes_civiles

      La CIJ avait été saisie le 29 décembre 2023 par l’Afrique du Sud qui, dans sa requête, accuse notamment Israël d’avoir violé l’article 2 de la Convention de 1948 sur le génocide, laquelle interdit, outre le meurtre, « l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe » visé par le génocide, l’imposition de « conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » ou encore les « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».

      Le recours décrit longuement une opération militaire israélienne qualifiée d’« exceptionnellement brutale », « tuant des Palestiniens à Gaza, incluant une large proportion de femmes et d’enfants – pour un décompte estimé à environ 70 % des plus de 21 110 morts [au moment de la rédaction du recours par l’Afrique du Sud – ndlr] –, certains d’entre eux apparaissant avoir été exécutés sommairement ».

      Il soulignait également les conséquences humanitaires du déplacement massif des populations et de la destruction massive de logements et d’équipements publics, dont des écoles et des hôpitaux.

      Lors des deux demi-journées d’audience, jeudi 11 et vendredi 12 janvier, le conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, Tal Becker, avait dénoncé une « instrumentalisation » de la notion de génocide et qualifié l’accusation sud-africaine de « calomnie ».

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », avait poursuivi le représentant israélien, affirmant que « s’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël ». « Israël ne veut pas détruire un peuple mais protéger un peuple : le sien. »
      Gaza, « lieu de mort et de désespoir »

      La CIJ, de son côté, a fondé sa décision sur les différents rapports et constatations fournis par des organisations internationales. Elle cite notamment la lettre du 5 janvier 2024 du secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, décrivant la bande de Gaza comme un « lieu de mort et de désespoir ».

      L’ordonnance rappelle qu’un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 21 décembre 2023 s’alarmait du fait que « 93 % de la population de Gaza, chiffre sans précédent, est confrontée à une situation de crise alimentaire ».

      Le 12 janvier 2024, c’est l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui lançait un cri d’alerte. « Cela fait maintenant 100 jours que cette guerre dévastatrice a commencé, que la population de Gaza est décimée et déplacée, suite aux horribles attaques perpétrées par le Hamas et d’autres groupes contre la population en Israël », s’alarmait-il.

      L’ordonnance souligne, en miroir, les multiples déclarations de responsables israéliens assumant une répression sans pitié dans la bande de Gaza, si nécessaire au prix de vies civiles. Elle souligne que des rapporteurs spéciaux des Nations unies ont même pu s’indigner de « la rhétorique manifestement génocidaire et déshumanisante de hauts responsables du gouvernement israélien ».

      La CIJ pointe par exemple les propos du ministre de la défense Yoav Gallant du 9 octobre 2023 annonçant « un siège complet de la ville de Gaza », avant d’affirmer : « Nous combattons des animaux humains. »

      Le 12 octobre, c’est le président israélien Isaac Herzog qui affirmait : « Tous ces beaux discours sur les civils qui ne savaient rien et qui n’étaient pas impliqués, ça n’existe pas. Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique qui a pris le contrôle de Gaza. »

      Et, à la vue des intentions affichées par les autorités israéliennes, les opérations militaires dans la bande de Gaza ne sont pas près de s’arrêter. « La Cour considère que la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza risque fort de se détériorer encore avant qu’elle rende son arrêt définitif », affirme l’ordonnance.

      « À la lumière de ce qui précède, poursuivent les juges, la Cour considère qu’il y a urgence en ce sens qu’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits qu’elle a jugés plausibles avant qu’elle ne rende sa décision définitive. »

      Si la décision de la CIJ est juridiquement contraignante, la Cour n’a pas la capacité de la faire appliquer. Cependant, elle est incontestablement une défaite diplomatique pour Israël.

      Présente à La Haye, la ministre des relations internationales et de la coopération d’Afrique du Sud, Naledi Pandor, a pris la parole à la sortie de l’audience. Si elle a regretté que les juges n’aient pas appelé à un cessez-le-feu, elle s’est dite « satisfaite que les mesures provisoires » réclamées par son pays aient « fait l’objet d’une prise en compte » par la Cour, et qu’Israël doive fournir un rapport d’ici un mois. Pour l’Afrique du Sud, lancer cette plainte, a-t-elle expliqué, « était une façon de s’assurer que les organismes internationaux exercent leur responsabilité de nous protéger tous, en tant que citoyens du monde global ».

      Comme l’on pouvait s’y attendre, les autorités israéliennes ont vivement critiqué les ordonnances d’urgence réclamées par les juges de La Haye. Si le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est réjoui de ce que ces derniers n’aient pas réclamé, comme le demandait l’Afrique du Sud, de cessez-le-feu – « Comme tout pays, Israël a le droit fondamental de se défendre. La CIJ de La Haye a rejeté à juste titre la demande scandaleuse visant à nous priver de ce droit », a-t-il dit –, il a eu des mots très durs envers l’instance : « La simple affirmation selon laquelle Israël commet un génocide contre les Palestiniens n’est pas seulement fausse, elle est scandaleuse, et la volonté de la Cour d’en discuter est une honte qui ne sera pas effacée pendant des générations. »

      Il a affirmé vouloir continuer « à défendre [ses] citoyens dans le respect du droit international ». « Nous poursuivrons cette guerre jusqu’à la victoire absolue, jusqu’à ce que tous les otages soient rendus et que Gaza ne soit plus une menace pour Israël », a ajouté Nétanyahou.

      Jeudi, à la veille de la décision de la CIJ, le New York Times avait révélé que les autorités israéliennes avaient fourni aux juges de La Haye une trentaine de documents déclassifiés, censés démonter l’accusation de génocide, parmi lesquels « des résumés de discussions ministérielles datant de la fin du mois d’octobre, au cours desquelles le premier ministre Benyamin Nétanyahou a ordonné l’envoi d’aide, de carburant et d’eau à Gaza ».

      Cependant, souligne le quotidien états-unien, les documents « ne comprennent pas les ordres des dix premiers jours de la guerre, lorsqu’Israël a bloqué l’aide à Gaza et coupé l’accès à l’électricité et à l’eau qu’il fournit normalement au territoire ».

      Nul doute que cette décision de la plus haute instance judiciaire des Nations unies va renforcer les appels en faveur d’un cessez-le-feu. Après plus de quatre mois de combats et un bilan lourd parmi la population civile gazaouie, Nétanyahou n’a pas atteint son objectif d’éradiquer le mouvement islamiste. Selon les Israéliens eux-mêmes, près de 70 % des forces militaires du Hamas sont intactes. De plus, les familles d’otages toujours aux mains du Hamas ou d’autres groupes islamistes de l’enclave maintiennent leurs pressions.

      Le ministre palestinien des affaires étrangères Riyad al-Maliki s’est réjoui d’une décision de la CIJ « en faveur de l’humanité et du droit international », ajoutant que la communauté international avait désormais « l’obligation juridique claire de mettre fin à la guerre génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien de Gaza et de s’assurer qu’elle n’en est pas complice ». Le ministre de la justice sud-africain Ronald Lamola, cité par l’agence Reuters, a salué, lui, « une victoire pour le droit international ». « Israël ne peut être exempté du respect de ses obligations internationales », a-t-il ajouté.

      De son côté, la Commission européenne a appelé Israël et le Hamas à se conformer à la décision de la CIJ. L’Union européenne « attend leur mise en œuvre intégrale, immédiate et effective », a-t-elle souligné dans un communiqué.

      La France avait fait entendre pourtant il y a quelques jours une voix discordante. Le ministre des affaires étrangères Stéphane Séjourné avait déclaré, à l’Assemblée nationale, qu’« accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral ». Dans un communiqué publié après la décision de la CIJ, le ministère a annoncé son intention de déposer des observations sur l’interprétation de la Convention de 1948, comme le lui permet la procédure. « [La France] indiquera notamment l’importance qu’elle attache à ce que la Cour tienne compte de la gravité exceptionnelle du crime de génocide, qui nécessite l’établissement d’une intention. Comme le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a eu l’occasion de le noter, les mots doivent conserver leur sens », indique le texte.

      Les États-Unis ont estimé que la décision était conforme à la position états-unienne, exprimée à plusieurs reprises par Joe Biden à son allié israélien, de réduire les souffrances des civils de Gaza et d’accroître l’aide humanitaire. Cependant, a expliqué un porte-parole du département d’État, les États-Unis continuent « de penser que les allégations de génocide sont infondées » et notent « que la Cour n’a pas fait de constat de génocide, ni appelé à un cessez-le-feu dans sa décision, et qu’elle a appelé à la libération inconditionnelle et immédiate de tous les otages détenus par le Hamas ».

      C’est dans ce contexte que se déroulent des discussions pour obtenir une trêve prolongée, la deuxième après celle de novembre, qui avait duré une semaine et permis la libération de plusieurs dizaines d’otages.

      Selon les médias états-uniens, Israël a proposé une trêve de 60 jours et la libération progressive des otages encore retenu·es. Selon ce projet, a affirmé CNN, les dirigeants du Hamas pourraient quitter l’enclave. Selon la chaîne d’informations américaine, « des responsables américains et internationaux au fait des négociations ont déclaré que l’engagement récent d’Israël et du Hamas dans des pourparlers était encourageant, mais qu’un accord n’était pas imminent ».

      Le Washington Post a révélé jeudi que le président américain Joe Biden allait envoyer dans les prochains jours en Europe le directeur de la CIA, William Burns, pour tenter d’obtenir un accord. Il devrait rencontrer les chefs des services de renseignement israélien et égyptien, David Barnea et Abbas Kamel, et le premier ministre qatari Mohammed ben Abdulrahman al-Thani. Vendredi soir, l’Agence France-Presse (AFP) a affirmé qu’ils se retrouveraient « dans les tout prochains jours à Paris », citant « une source sécuritaire d’un État impliqué dans les négociations ».

      https://www.mediapart.fr/journal/international/260124/la-cour-internationale-de-justice-ordonne-israel-d-empecher-un-genocide-ga

  • THE #ABC OF RACIST EUROPE

    The project consist on a children’s book and wall display installation that goes trough the alphabet creating an anti-racist narrative.

    The book addresses the connection between the migratory control system, colonialism and coloniality, while reinterpreting diverse words. The publication also narrates various struggles and resistances against racism.

    https://www.daniela-ortiz.com/en/copia-de-la-rebeli%C3%B3n-de-las-ra%C3%ADces

    #vocabulaire #mots #racisme #Europe #art_et_politique #alphabet #terminologie #narrative_anti-raciste #migrations #colonialisme #colonialité #résistance #Daniela_Ortiz #frontières

    ping @isskein @karine4

    @cede : tu peux me rappeler l’exemple que tu nous avais montré de l’alphabet raciste dans une école à Bâle ?

  • #Gaza, les hantises du #génocide

    S’il faut être prudent sur la #qualification définitive de génocide, et qu’il faut être conscients que ce terme, malgré les détournements, est avant tout juridique et non pas politique, une question doit se poser aujourd’hui : « assistons-nous à un nouveau génocide ? »

    Le 16 novembre 2023, 33 experts onusiens ont signé une déclaration appelant à une réaction internationale urgente et évoquant que « les graves violations commises par Israël contre les Palestiniens au lendemain du 7 octobre, notamment à Gaza, laissent présager un génocide en devenir ». Cette position de l’#ONU sur la question d’un génocide n’est pas inédite.

    Le 2 novembre, le rapporteur spécial sur les territoires palestiniens occupés alertait déjà sur le risque de génocide. Si le mot n’est plus tabou pour qualifier ce que subit la population de Gaza, sa #définition_juridique internationale (fixée par la #Convention_sur_le_génocide et par le #Statut_de_Rome sur la CPI) commande une certaine prudence. Malgré cela, la question d’un génocide à Gaza se pose avec gravité et acuité eu égard aux circonstances de l’offensive militaire israélienne à Gaza.

    La notion de génocide est une #catégorie_juridique complexe qui a évolué au fil du temps pour devenir l’un des #crimes les plus graves de nos ordres juridiques. Il est imprescriptible et plusieurs États se reconnaissent une compétence universelle pour instruire et juger de tels agissements.

    Ce concept a, évidemment, des origines historiques importantes. En combinant les mots grec « genos » (peuple) et latin « cide » (tuer), le juriste polonais #Raphael_Lemkin en 1944 a voulu décrire et caractériser les atrocités commises pendant la Seconde guerre mondiale, en particulier l’Holocauste, qui a vu l’extermination systématique de millions de Juifs par le régime nazi. #Lemkin a plaidé pour la reconnaissance légale de ces crimes et a joué un rôle clé dans l’élaboration de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par les Nations Unies en 1948.

    Cette Convention, communément appelée la « Convention sur le génocide », est l’instrument juridique principal qui définit le génocide dans le #droit ^_international en définissant en son article 2 le génocide comme : « Tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel. ».

    De cette définition ressortent plusieurs éléments clefs : la question des actes commis, du groupe spécifiquement visé et celui de l’#intention_génocidaire. Au regard des destructions, des bombardements nourris et aveugles notamment sur des camps de réfugiés, sur des écoles gérées par l’ONU servant d’abris aux civils, sur les routes censées être sûres pour permettre aux populations civiles de fuir, mais aussi de ce ratio calculé par des observateurs selon lesquels pour un membre du Hamas tué il y aurait 10 civils massacrés, il apparaît que les premiers critères de la définition sont potentiellement remplis.

    Reste la question décisive de l’intention génocidaire. Celle-ci suppose l’identification de textes, d’ordres, d’actes et de pratiques… En l’état, une série de déclarations d’officiels israéliens interpellent tant elles traduisent une déshumanisation des Palestiniens. Le 19 novembre, point d’orgue d’une fuite en avant en termes de déclarations, l’ancien général et dirigeant du Conseil de Sécurité National israélien, #Giora_Eiland, a publié une tribune dans laquelle il appelle à massacrer davantage les civils à Gaza pour faciliter la victoire d’Israël.

    Avant cela et suite à l’attaque du 7 octobre, le ministre israélien de la Défense, #Yoav_Galant, avait déclaré : « Nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé […] Nous combattons des #animaux_humains et nous agissons en conséquence ».

    Dans une logique similaire, le Premier ministre #Benjamin_Netanyahu a opposé « le peuple des lumières » à celui « des ténèbres », une dichotomie bien connue dans la rhétorique génocidaire. Récemment, le ministre israélien du patrimoine a déclaré : « Le nord de Gaza est plus beau que jamais. Nous bombardons et aplatissons tout (....) au lendemain de la guerre, nous devrions donner des terres de Gaza aux soldats et aux expulsés de Gush Katif ».

    Enfin, en direct à la radio, le même #Amichay_Eliyahu a déclaré qu’il n’était pas entièrement satisfait de l’ampleur des représailles israéliennes et que le largage d’une bombe nucléaire « sur toute la #bande_de_Gaza, la raser et tuer tout le monde » était « une option ». Depuis, il a été suspendu, mais sans être démis de ses fonctions …

    Au-delà de ces déclarations politiques, il faut apprécier la nature des actes commis. Si un « plan » génocidaire en tant que tel n’est pas exigé pour qualifier de génocidaire, une certaine #organisation et ‎une #préparation demeurent nécessaires. Une politique de #colonisation par exemple, le harcèlement criminel quotidien, la #détention_arbitraire de Palestiniens, y compris mineurs, peuvent laisser entendre la mise en place de ce mécanisme.

    La Cour pénale internationale a d’ailleurs déjà ouvert des enquêtes sur ces faits-là avec des investigations qui ne progressent cependant pas notamment car Israël conteste à la Cour – dont il n’est pas membre – toute compétence. Actuellement, les pénuries impactant notamment des hôpitaux, le refus ou la limitation de l’accès de l’aide humanitaire et évidemment les #bombardements_indiscriminés, sont autant d’éléments susceptibles de matérialiser une intention génocidaire.

    Un positionnement politique pour une caractérisation juridique

    Le silence de nombreux pays est assourdissant face à la situation à Gaza. Il suffit de lire le communiqué du Quai d’Orsay sur le bombardement du camp de réfugiés Jabaliya : « La France est profondément inquiète du très lourd bilan pour les populations civiles palestiniennes des frappes israéliennes contre le camp de Jabaliya et exprime sa compassion à l’égard des victimes ».

    Aucune condamnation et, évidemment, aucune mention de la notion de génocide ni même de #crimes_de_guerre ou de #crime_contre_l’Humanité. Cela s’explique en partie par le fait que la reconnaissance du génocide a d’importantes implications juridiques. Les États signataires de la Convention sur le génocide sont tenus de prévenir et de réprimer le génocide sur leur territoire, ainsi que de coopérer entre Etats ainsi qu’avec la Cour pénale internationale pour poursuivre et punir les auteurs présumés de génocide.

    Ainsi, si un État reconnaît la volonté génocidaire d’Israël, il serait de son devoir d’intervenir pour empêcher le massacre. À défaut d’appel à un #cessez-le-feu, le rappel au respect du droit international et l’exigence de « pauses humanitaires » voire un cessez-le-feu par les Etats-Unis ou la France peuvent aussi s’interpréter comme une prévention contre une éventuelle accusation de complicité…

    S’il faut être prudent sur la qualification définitive de génocide, et qu’il faut être conscients que ce terme, malgré les détournements, est avant tout juridique et non pas politique, une question doit se poser aujourd’hui, « assistons-nous à un nouveau génocide ? » et si la réponse est « peut-être », alors il est du devoir des États signataires de la Convention de prévention des génocides de tout faire pour empêcher que le pire advienne.

    https://blogs.mediapart.fr/collectif-chronik/blog/221123/gaza-les-hantises-du-genocide
    #mots #vocabulaire #terminologie #Israël #7_octobre_2023

  • MobiDic

    MobiDic est un projet de publication en ligne d’un Dictionnaire critique des mobilités. Il est élaboré dans le cadre de la transversalité « Mobilités et territoires : vers une approche relationnelle de l’espace » portée par l’UMR 8504 Géographie-cités.
    L’objectif de MobiDic est de fournir un outil en ligne pour rendre compte des usages des mots et des notions relatifs à la thématique de la mobilité, dans les controverses et les débats qui animent ces usages.

    Au-delà de textes définitionnels, le dictionnaire présentera un aperçu réflexif des concepts, catégories et approches méthodologiques majeures dans l’étude des mobilités. L’ambition, à moyen terme, est de sortir des présentations linéaires pour donner une dimension très relationnelle à la présentation de ce dictionnaire en ligne.

    https://mobidic.cnrs.fr
    #ressources_pédagogiques #mots #terminologie #concepts #définition #mobilité

  • De la #presse parisienne à la #fachosphère. #Genèse et #diffusion du terme « #islamo-gauchisme » dans l’#espace_public

    Les « #discours_de ^_haine » trouvent souvent leur origine dans les sphères intellectuelles, politiques et médiatiques avant de se propager en ligne. Un exemple marquant de ce processus est l’utilisation du terme « islamo-gauchisme », qui a émergé au début des années 2000 et a gagné une attention médiatique significative en France en 2020 et 2021. Notre recherche retrace la genèse et la diffusion du terme dans les médias et dans le discours politique, avant d’en analyser l’usage sur les #médias_sociaux. Nous effectuons une analyse diachronique sur une longue période basée sur un protocole robuste d’analyse textométrique et de réseaux sur un corpus d’articles de #presse et de tweets. Nous montrons comment une partie de la presse parisienne, notamment de droite, a contribué à populariser le terme d’abord en ouvrant ses colonnes à des idéologues réactionnaires, puis en relatant des polémiques politiciennes qui ont instrumentalisé le terme afin de disqualifier une partie de la gauche, tandis que les communautés d’#extrême_droite en ligne l’ont transformé en une arme de #propagande haineuse.

    https://www.cairn.info/revue-reseaux-2023-5-page-163.htm
    #islamogauchisme #mots #terminologie #médias #instrumentalisation

    ping @karine4 @isskein @_kg_

  • #Guerre #Israël - #Hamas : l’engrenage infernal

    Une #catastrophe_humanitaire se déroule sous nos yeux dans la bande de Gaza tandis qu’Israël bombarde l’enclave et prépare une #riposte_militaire. Nos invités ont accepté d’échanger dans notre émission « À l’air libre » alors que cette guerre les touche. Ou les terrasse.

    Les invités :
    #Nadav_Lapid, réalisateur ;
    #Karim_Kattan, écrivain ;
    #Jonathan_Hayoun, réalisateur ;
    #Rony_Brauman, médecin, essayiste.

    https://www.youtube.com/watch?v=Z0OWMbWxhpg


    https://www.mediapart.fr/journal/international/171023/guerre-israel-hamas-l-engrenage-infernal

    #Gaza #7_octobre_2023 #à_lire #à_voir #vidéo
    #désespoir #désastre #impuissance #inquiétude #préoccupation #émotions #rage #médias #couverture_médiatique #couverture_politique #staus_quo #question_palestinienne #pogrom #mots #bombardements #eau #électricité #essence #réfugiés #déplacés_internes #IDPs #destruction #siège #catastrophe #Nakba #nouvelle_Nakba #évacuation #nourriture #famine #déportation #humiliation #paix #justice #droit_international #communauté_internationale #déshumanisation #sentiment_de_sécurité #sécurité #insécurité #apartheid #colonisation #nettoyage_ethnique #1948 #territoires_occupés #système_d'apartheid #double_régime_juridique #occupation_militaire #colonisation_civile #transferts_forcés_de_population #stratégie_de_désespoir #no_futur #actes_désespérés #lucidité #courage #étonnement #responsabilité #rationalisation #espoir #impasse #choc_électrique #trahison #traumatisme #terreur #cauchemar #cauchemar_traumatique #otages #libération_des_otages #guerre #autodestruction #suicide_national

    • Opinion. “Il est peu probable que l’Occident donne indéfiniment un blanc-seing à Israël”
      https://www.courrierinternational.com/article/opinion-il-est-peu-probable-que-l-occident-donne-indefiniment

      Les massacres commis par le Hamas dans le sud d’#Israël semblent avoir fait basculer les opinions publiques occidentales dans un soutien indéfectible à Tel-Aviv, estime ce journaliste israélien. Mais, à mesure que la situation des Palestiniens s’aggravera à #Gaza et en #Cisjordanie, ce soutien pourrait s’amenuiser.

      Le massacre de plus de 1 000 civils israéliens et l’enlèvement de dizaines d’autres servent désormais de base efficace à la diplomatie israélienne. Des pans importants des opinions publiques occidentales ont été révulsés par les tueries du 7 octobre et ont basculé. Mais pour combien de temps ?
      Pour le journaliste Amos Harel, du quotidien israélien de gauche Ha’Aretz, “il est peu probable que l’Occident donne indéfiniment un blanc-seing à Israël. L’État juif sait que la fenêtre d’action qui s’offre à lui n’est pas illimitée. Comme par le passé, il est difficile de synchroniser horloge militaire et horloge politique.”

      Pis, estime Amos Harel, deux États parmi les plus vieux pays arabes signataires d’un traité de paix avec Israël, l’#Égypte en 1979 et la #Jordanie en 1994, craignent de faire les frais de la contre-offensive israélienne, d’autant plus que la population du royaume hachémite est majoritairement d’origine palestinienne.
      “Jusqu’ici, cette dernière s’est montrée loyale envers Amman. Mais est-ce que cela durera indéfiniment ?”

      Enfin, la couverture médiatique de l’opération du #Hamas et de ses suites a relégué au second plan un autre problème : la Cisjordanie est également en proie aux violences. Près de 50 Palestiniens ont été tués la semaine dernière par des soldats israéliens et des colons juifs d’extrême droite.
      “La vraie menace réside en Cisjordanie, et il n’est pas certain que, malgré les slogans lancés par l’#extrême_droite présente au gouvernement, les #diplomaties_occidentales y soutiennent une répression israélienne d’une ampleur de Bouclier défensif [lancée par Ariel Sharon en avril 2002], qui avait vu Tsahal écraser et réoccuper les zones administrées par l’Autorité palestinienne”, soit 39 % des territoires autonomes #palestiniens de Cisjordanie.