• A propos de l’exposition « soulèvevements » au Musée du jeu de Paume, Joëlle Le Marec fait une critique détaillée et bien argumentée :

    https://www.facebook.com/joelle.lemarec/posts/10209914735678862

    A propos de l’exposition "Soulèvements" au Musée du Jeu de Paume…. J’aime ce qu’écrit Didi-Huberman, j’en parle sans arrêt dans mes cours, je consacre des heures à rendre compte de ce que m’a fait cette méthode qui consiste à partir d’un objet culturel pour explorer ce qu’il nous fait...Mais là, une nouvelle fois, je sors d’une exposition dont il est le commissaire sans comprendre comment il peut y avoir un tel écart entre les ouvrages et l’exposition. Dans celle-ci, on est à l’opposé de sa démarche habituelle. Comme dans l’exposition précédente au Palais de Tokyo (Nouvelles histoires de fantômes, en 2014) il renouvelle le principe du corpus, qui est celui de l’atlas Mnémosyne d’Aby Warburg. Mais on se retrouve directement devant le spectacle dont les médias industriels sont devenus les spécialistes : il y a le soulèvement, puis les corps, les gestes, puis les phrases, toujours référés à des inspirations artistiques et littéraires : avant tout donc, une esthétique des gestes et des formes qui semble pouvoir exister indépendamment des enjeux qui sous-tendent non seulement les mouvements dont il est question, mais l’existence même de ces documents. Je ne parlerai pas des mouvements, ils sont connus. On ne nous montre pas les manifestations et soulèvements dans lesquels les hommes font les mêmes gestes et avec la même énergie sauvage et belle, mais non pas pour les valeurs de l’émancipation, sinon pour l’oppression. On ne montre pas non plus Nuit Debout ni rien de ce qui est à notre porte et dont le commissaire ne se porte pas témoin : pourquoi donc ? Je ne parlerai que des documents, et même d’un seul. Jamais les documents ne sont référés à leurs conditions de création. Pourtant telle photo a été prise par quelqu’un dans certaines conditions mais ici, ce fait semble inutile. Le slogan qui ne va jamais sans des situations d’intense argumentation mais il n’est question que de l’activité des poètes. Le pire je pense : le cartel de la photo d’un ouvrier assassiné par Manuel Alvarez Bravo en 34. Ce cartel reprend le commentaire qu’en a fait André Breton en 39 (on a le pedigree artistique de la photo donc, plus qu’un texte sur la manifestation où elle a été prise). La légende d’André Breton est abjecte. On connaît cette abjection. Rivette a employé le terme à propos du film "Kapo" de Pontecorvo et son travelling esthétisant sur un homme mort dans les barbelés. Et pourtant on était encore assez loin du ton de Breton « C’est à quoi est parvenu Manuel Alvarez Bravo dans ses compositions d’un admirable réalisme synthétique […]. Tout le pathétique mexicain est mis par lui à notre portée […] Servi dans les grands mouvements de son inspiration par le sens le plus rare de la qualité en même temps que par une technique infaillible, Manuel Alvarez Bravo, avec son Ouvrier tué dans une bagarre, s’est élevé à ce que Baudelaire a appelé le style éternel". Or, Didi-Hubeman est celui qui a écrit « Images malgré tout » et si André Breton avait lu cet ouvrage, on peut espérer qu’il n’aurait plus jamais osé écrire un tel commentaire. A propos de l’exposition "Soulèvements" au Musée du Jeu de Paume….

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