• L’interdiction de l’abaya, symptôme d’une France en pleine panique identitaire, Carine fouteau

    Dit autrement, la #laïcité est une pratique vivante, au cas par cas, qui suppose de comprendre le sens que donnent les élèves à leur tenue et d’apporter une appréciation sur leur caractère « manifestement ostentatoire ». Sa mise en œuvre implique avant tout dialogue et échange – c’est ce qui a lieu dans l’immense majorité des établissements. L’interdiction telle qu’elle a été édictée va immanquablement conduire les proviseur·es à décider, a priori, sans tenir compte de la parole des élèves. Comment vont-ils s’y prendre pour différencier une abaya d’une robe longue ordinaire ? Ils risquent de se référer, plus ou moins consciemment, à l’idée qu’ils se font de l’identité religieuse des jeunes femmes, de la couleur de leur peau ou de la consonance de leur nom, autrement dit cela pourrait se traduire par des pratiques discriminatoires. 
    L’exécutif est entré dans une spirale infernale. Chaque nouvelle interdiction en appellera mécaniquement d’autres. Initialement conçue comme une « loi de liberté », la laïcité devient un outil d’humiliation, de contrôle et d’exclusion. La traduction judiciaire de cette interdiction ne s’est d’ailleurs pas fait attendre : dans une circulaire du 5 septembre adressée aux procureur·es, le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti demande « une réponse pénale ferme, rapide et systématique » en cas d’atteinte grave à la loi dans les établissements scolaires.
    Emmanuel Macron, qui citait Aristide Briand en 2016, aurait dû relire ses mises en garde, qui s’inscrivent dans l’histoire de France puisqu’il est l’un des principaux concepteurs de la loi originelle de 1905. La question des vêtements s’était déjà posée à l’époque. Et Aristide Briand avait pris parti contre l’interdiction du port de la soutane : il estimait tout d’abord que, par principe, la loi de 1905 ne devait pas « interdire à un citoyen de s’habiller de telle ou telle manière » et il considérait ensuite, par souci d’efficacité, que le résultat serait « plus que problématique » : la soutane interdite, on pourrait compter sur « l’ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs » pour créer un « vêtement nouveau ».

    https://www.mediapart.fr/journal/france/060923/l-interdiction-de-l-abaya-symptome-d-une-france-en-pleine-panique-identita
    https://justpaste.it/cbzgn

    #abaya #interdiction #école #racisme #sexisme #police_du_vêtement

    • Depuis l’interdiction de l’abaya, des élèves humiliées et déjà des dérives
      https://www.mediapart.fr/journal/france/070923/depuis-l-interdiction-de-l-abaya-des-eleves-humiliees-et-deja-des-derives

      Plusieurs témoignages et documents recueillis par Mediapart montrent que des chefs d’établissement ne se contentent pas de refuser les élèves se présentant avec des abayas. Des parents dénoncent des « humiliations » et « une véritable stigmatisation ».
      David Perrotin
      , 7 septembre 2023


      Il y a ces chiffres que le ministre de l’éducation Gabriel Attal annonce fièrement et que les médias reprennent en chœur : au moins 298 élèves se sont présentées en abaya lors de cette rentrée scolaire et 67 auraient refusé de la retirer. Mais derrière ces données, il y a la parole des personnes concernées bien souvent absente du débat médiatique, et des dérives que Mediapart a pu documenter.
      Plus d’une dizaine de témoignages pointent ainsi la « police du vêtement », dénoncée par certaines familles, qui a été mise en place dans certains établissements. Dans plusieurs cas, ce ne sont pas seulement des abayas ou des #qamis qui sont prohibés (lire le parti pris de Carine Fouteau). Notre enquête montre que des élèves présumées musulmanes sont refusées parce qu’elles portent d’autres vêtements qui ont pour seul défaut d’être trop « couvrants » ou trop amples.

      Comment s’habiller pour la rentrée ? Aminata*, 17 ans, y a longuement réfléchi avant d’arriver devant son lycée de la région parisienne mercredi matin. « J’ai mis une jupe en jean, un T-shirt blanc rentré à l’intérieur et un kimono par dessus. J’étais sûre que tout irait bien », raconte la jeune fille à Mediapart. Elle a d’abord passé le filtre des surveillants à la porte de l’établissement, avant qu’un autre responsable ne lui demande finalement de le suivre. Elle refuse. « Deux hommes sont arrivés vers moi et m’ont barré le passage avec leurs bras pour que je ne puisse plus avancer. J’ai dû les suivre pour m’entretenir avec des “référents laïcité”. » Elle leur explique qu’il ne s’agit pas pour elle de « montrer sa religion en s’habillant ainsi ». Eux estiment qu’elle contrevient à l’interdiction en vigueur.
      Dans cette note de service largement commentée depuis, le « port de tenues de type abaya ou qamis » n’est plus toléré. Depuis quinze jours, le gouvernement défend ce texte controversé et jure que cela ne concerne que ces deux vêtements qui auraient « incontestablement une dimension religieuse ».
      « J’ai ensuite été convoquée par le proviseur et j’ai expliqué pourquoi cela n’avait rien à voir avec une abaya mais il n’a rien voulu entendre. Soit je retirais mon kimono, soit je devais rentrer chez moi et louper ma rentrée », poursuit Aminata, qui a opté pour la seconde injonction. « Pour les jours suivants, je suis à deux doigts de leur envoyer une tenue choisie à l’avance par mail pour qu’ils la valident ».

      Lors de sa rentrée en seconde, Assma*, 14 ans, a d’abord été questionnée par son proviseur à l’entrée de son lycée du sud de la France. Un véritable interrogatoire. « Il m’a demandé si ma tenue avait une connotation religieuse, j’ai dit que non. Il m’a aussi questionnée sur mon collier car le pendentif est une lune, puis m’a laissée entrer. » C’est finalement un professeur qui aurait décidé que sa tenue noire – colle en V et pantalon large – était proscrite. La jeune fille a expliqué qu’elle « ne portait même pas le voile » et qu’elle « aimait juste cette tenue ». En vain. Elle est invitée à rendre des comptes devant la conseillère principale d’éducation (#CPE).
      « La CPE m’a dit que c’était assimilé à quelque chose de religieux et a convoqué ma mère. Elles ont discuté pendant que je pleurais et j’ai finalement pu aller en classe très en retard, raconte-t-elle, encore émue. C’était très humiliant car quand je suis arrivée en classe avec la même tenue, le professeur ne m’a pas crue et a rappelé la CPE pour qu’elle confirme que je pouvais rester. Tout ça s’est passé devant tous mes nouveaux camarades. » À la fin de cette première journée, le professeur en question serait revenu la voir pour détailler ce qu’elle devait plutôt choisir pour se vêtir : « Il m’a dit que je pouvais rester pudique en mettant des habits à la française. »
      Pour Yasmine*, 14 ans, l’histoire est similaire. Lors de sa rentrée en classe de seconde, son établissement de la région parisienne a tiqué sur son pantalon beige et sa tunique blanc cassé. « Le proviseur lui a demandé si elle savait ce que voulait dire le mot laïcité et lui a expliqué que sa tenue allait à l’encontre de ce terme », raconte sa mère, assistante de direction.

      Le #proviseur lui aurait dit qu’elle ne pouvait plus revenir comme cela la prochaine fois. « Sa tenue n’avait rien de connoté religieusement. Elle était coiffée librement, elle avait des bijoux, elle était très coquette. J’ai été stupéfaite », ajoute sa mère, qui ne comprend pas pourquoi il lui a été dit « de porter des vêtements pas larges ». « Elle vit très mal les choses. Elle pleure encore, accuse la famille de Yasmine. Ils vont juste dégoûter les gamins d’aller à l’école, alors que c’est une bonne élève. »

      Des jupes, des robes et des kimonos interdits
      Dans d’autres cas rapportés par la presse ou sur les réseaux sociaux, des jeunes filles visées ont été tout simplement renvoyées chez elles. C’est le cas de deux élèves habillées en robes blanche et colorée à Nanterre, d’une autre en pull et pantalon blancs à Lyon ou de deux autres à Grande-Synthe. Pour ces dernières, l’affaire révélée par BFMTV a été l’occasion pour la chaîne de livrer une interview particulièrement sexiste et indécente. Dans tous ces cas, les tenues visées n’étaient pas des abayas.
      À Nice, par exemple, Sonia*, 16 ans, a été « choquée » de lire dans la presse une partie de son histoire. « Hier, dans la ville de Nice, nous avons eu deux cas d’élèves connues du lycée en question qui se sont vu refuser l’accès à la classe », expliquait la rectrice de la région à BFMTV, avant de prétendre que l’interdiction de « ce type de tenue est interdit depuis toujours puisqu’elle est interdite depuis la loi de 2004 ». Dans Var Matin, le rectorat a également précisé avoir invité la famille à se présenter au lycée pour que les raisons de la décision prise lui soient expliquées. « À notre connaissance les parents n’ont pas donné suite à notre proposition. »
      « Faux », rétorque sa mère, conseillère d’insertion professionnelle. Dans un mail qu’elle a envoyé au proviseur de l’établissement et consulté par Mediapart, elle résumait d’ailleurs la situation après avoir échangé téléphoniquement avec lui. « Lors de sa rentrée scolaire qui a eu lieu hier, ma fille, qui portait alors une jupe plissée et une chemise, a été convoquée concernant sa tenue, jugée alors par vous et l’équipe qui vous accompagnait, ostentatoire. J’en ai été informée par message vocal et vous ai rappelé dès que possible », peut-on lire dans ce courrier. « Vous m’avez répondu trouver la jupe trop couvrante. Je vous ai demandé de m’expliquer sur quels critères vous vous basiez pour affirmer cela. Je n’ai pas eu de réponse, simplement que c’était à vous d’en juger », ajoutait-elle, avant de solliciter un retour écrit et une « demande d’entretien ».
      « Je ne comprends pas pourquoi ils ont refusé la tenue de ma fille et l’ont traitée ainsi. Elle a pleuré toute la soirée du lundi », dénonce-t-elle. « Moi je ne porte pas le voile mais elle a décidé de le porter l’an dernier et a remplacé ses jeans par des tenues plus amples. Ce ne sont pas des abayas, alors pourquoi elle n’a pas pu faire sa rentrée comme tout le monde ? », s’interroge la mère de Sonia, qui dit toujours attendre une réponse à son courrier. Elle ne digère pas non plus les propos du proviseur qui lui aurait suggéré de « mettre sa fille dans le privé ». « Avec 1 800 euros pour élever seule mes trois enfants, je n’ai pas les moyens. Et cela veut dire quoi de proposer ça ? »

      Mardi, c’est Alicia*, 16 ans, qui a raté sa rentrée en classe de première et a dû attendre que sa mère interrompe son travail pour venir la chercher. En cause : son jean, son débardeur blanc et surtout son kimono bleu.
      Devant la CPE, sa mère explique que c’est du « zèle » et qu’il y a une « surinterprétation de la circulaire du gouvernement ». « Je n’ai pas apprécié qu’ils inventent une nouvelle interdiction et surtout qu’ils humilient ma fille en l’interpellant devant tous les élèves. Elle s’est sentie vraiment mal », explique-t-elle. Résultat ? « Elle n’y retournera pas, et j’essaye désormais de la faire changer de lycée », précise sa mère, qui a depuis alerté le rectorat. « J’ai hésité à courber l’échine et à lui faire changer de tenue, mais je trouve cela proprement inacceptable. Je ne peux pas accepter une telle injustice. C’est une traque, non pas des abayas, mais des élèves musulmanes. »
      Comme de nombreux parents interrogés, elle ne comprend pas ce qui est véritablement interdit. « On applique la laïcité ou on souhaite plutôt stigmatiser les musulmans ? »

      Mardi, à Paris, Hassina*, 14 ans, et sa demi-soeur ont fait leur rentrée dans un lycée parisien. La première a été renvoyée chez elle quand la seconde a pu aller en cours. La première était vêtue d’un large pull et d’un large pantalon bleus, quand la seconde y est allée en leggins. « L’établissement a dit à ma fille que ses vêtements représentaient une atteinte à la laïcité et elle a été renvoyée à la maison », témoigne son père, qui dénonce « une grave discrimination ». « Elle ne porte pas le voile, ils n’ont pu que s’appuyer sur son nom pour estimer que son vêtement était religieux. » Et d’enchaîner : « Ce qui est dingue, c’est que nous, ses parents, la laissons s’habiller comme elle veut. C’est un proviseur qui vient imposer une police du vêtement et qui tient le rôle de physionomiste, comme si c’était une boîte de nuit. »
      Des filles repérées lorsqu’elles retirent leur voile
      Sandra*, enfin, 18 ans, n’a pas non plus passé le barrage de son établissement d’Île-de-France. Devant son pantalon noir, son T-shirt et sa longue veste beiges, le proviseur y aurait aussi vu une abaya. « Comme j’ai refusé de me changer, j’ai totalement raté ma rentrée. Ils ont exigé que je retourne chez moi sans même que je puisse récupérer des documents ou mon planning », déplore l’élève. Sur la base de quoi ses vêtements étaient-ils jugés ostentatoires ? « La CPE m’a vue retirer mon voile avant d’entrer dans le lycée », présume Sandra, qui y voit « un pur délit de faciès ».
      Lors d’une procédure entamée par l’ADM mardi devant le #Conseil_d’Etat, l’association, qui demandait à l’institution de suspendre cette interdiction, a finalement perdu. Ce jeudi, le juge des référés du Conseil d’État a en effet rejeté leur #référé, estimant que l’interdiction du port de ces vêtements ne portait pas « une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ». Lors de cette audience racontée par Mediapart, le représentant du ministère de l’éducation avait longuement insisté sur deux points, pourtant démentis par les témoignages récoltés par Mediapart.
      Le dialogue et le suivi pédagogique étaient supposés être systématiquement privilégiés et aucun élève n’était censé être purement et simplement renvoyé sans informations ni documents pédagogiques chez lui.

      Surtout, l’interdiction était supposée parfaitement claire et le gouvernement jurait ne pas avoir besoin d’apporter de précisions sur les vêtement véritablement interdits. Rien ne serait « #arbitraire » et les établissements sauraient parfaitement ce qu’est une abaya, expliquait le directeur juridique du ministère mardi.
      Ces multiples cas montrent l’inverse. Dans un enregistrement que s’est procuré Mediapart, une responsable de vie scolaire d’un établissement explique d’ailleurs très clairement à un parent que les abayas ne sont pas les seuls vêtements interdits. « Les kimonos ne sont pas acceptés », dit-elle notamment, sans être capable de préciser ses critères d’appréciation.

      Interrogé pour comprendre ce qui était véritablement proscrit, le ministère de Gabriel Attal nous a renvoyés vers la note de service. Qu’a-t-il à dire sur ces nombreuses jeunes filles contraintes d’interrompre leur rentrée scolaire et le suivi pédagogique qui va avec ? Auprès de Mediapart, la Rue de Grenelle élude : « Si “nombreuses” correspond aux 67 élèves rentrées chez elles lundi, l’objectif des établissements est de toujours maintenir le dialogue pour permettre un retour rapide en classe des élèves concernées. »
      Mercredi, Mediapart se demandait comment le personnel éducatif allait s’y prendre pour différencier une abaya d’une robe longue ordinaire. « Ils risquent de se référer, plus ou moins consciemment, à l’idée qu’ils se font de l’identité religieuse des jeunes femmes, de la couleur de leur peau ou de la consonance de leur nom, autrement dit cela pourrait se traduire par des pratiques discriminatoires », écrivions-nous. Nous y sommes.

      #musulmanes_présumées #musulmans_présumés

  • Je m’appelle Déborah, je suis française, musulmane et j’ai retiré mon foulard pour redevenir une musulmane anonyme – Lallab
    http://www.lallab.org/je-mappelle-deborah-je-suis-francaise-musulmane-et-jai-retire-mon-foulard-po

    J’ai éliminé le voile.

    Pas parce que je ne suis plus convaincue de son bien-fondé, pas que je ne sois plus en accord avec ce qu’il représente, pas non plus que ma foi ait diminuée mais parce que j’ai besoin de mon énergie pour sortir la tête de l’eau et qu’être une musulmane voilée en France est très, très, énergivore !

    Sourire et répondre avec douceur ou ironie alors qu’on a juste envie de sortir la phrase la plus malpolie qu’on connaisse demande une énergie folle !

    Je me bats pour mes enfants, pour leurs rires, leur liberté, je me bats pour mon travail, ma passion, je me bats pour ne pas répondre aux horreurs par l’horreur. Je devais éliminer un combat pour pouvoir affronter les autres. J’ai éliminé le voile.

    J’ai éliminé les justifications permanentes, j’ai éliminé les explications longues et houleuses. J’ai éliminé « l’obligation » d’être aimable. J’ai éliminé mon rôle de représentante officieuse de l’Islam en France.

    Je m’appelle Déborah, je suis française, musulmane et j’ai retiré mon foulard pour redevenir une musulmane anonyme parce que je n’ai plus la force ni de me battre pour mon droit d’être libre ni de représenter l’Islam avec bienveillance et douceur.

    #islamophobie #femmes #fatigue

  • Débat sur le #burkini : une nouvelle #offensive_raciste | Le blog de Christine Delphy
    https://delphysyllepse.wordpress.com/2016/09/01/debat-sur-le-burkini-une-nouvelle-offensive-raciste

    Le tribunal administratif supérieur a peut-être ralenti pour un temps la #chasse_aux_sorcières quand il a conclu que le décret du maire constituait une « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle »

    Mais pour combien de temps ? Et verra-t-on un jour les femmes #musulmanes, qui ne peuvent pas travailler dans les services de l’État (santé, éducation, etc.), et sont de plus en plus exclues également du secteur privé, récupérer le droit de gagner leur vie ? Afin de parvenir à cette indépendance de leurs maris que les vieux hommes blancs qui gouvernent ce pays leur souhaitent si ardemment, tout en les privant des moyens de l’acquérir ?

  • Non, « #Charlie_Hebdo » n’est pas raciste !
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/11/20/non-charlie-hebdo-n-est-pas-raciste_3516646_3232.html

    Où seraient cachés les supposés racistes ? Nous n’avons pas peur d’avouer que nous sommes des militants #antiracistes de toujours. Sans nécessairement avoir une carte, nous avons choisi dans ce domaine notre camp, et n’en changerons évidemment jamais.

    Il y a quarante ans, conspuer, exécrer, conchier même les #religions était un parcours obligé. Qui entendait critiquer la marche du monde ne pouvait manquer de mettre en cause les si grands pouvoirs des principaux clergés. Mais à suivre certains, il est vrai de plus en plus nombreux, il faudrait aujourd’hui se taire.

    Passe encore que Charlie consacre tant de ses dessins de couverture aux papistes. Mais la religion #musulmane, drapeau imposé à d’innombrables peuples de la planète, jusqu’en Indonésie, devrait, elle, être épargnée. Pourquoi diable ? Quel est le rapport, autre qu’idéologique, essentialiste au fond, entre le fait d’être #arabe par exemple et l’appartenance à l’islam ?

    Nous refusons de nous cacher derrière notre petit doigt, et nous continuerons, bien sûr. Même si c’est moins facile qu’en 1970, nous continuerons à rire des curés, des rabbins et des imams, que cela plaise ou non. Nous sommes minoritaires ? Peut-être, mais fiers de nos traditions en tout cas. Et que ceux qui prétendent et prétendront demain que Charlie est raciste aient au moins le courage de le dire à voix haute, et sous leur nom. Nous saurons quoi leur répondre.

    #Charb #Nicolino

    • Raciste ou non, en suivant les débats je commence à comprendre pourquoi depuis au moins dix ans Charlie Hebdo me fait de moins en moins rire.

      A l’époque de #Reiser et #Choron on fabriquait de l’humour gratuit. Hara Kiri et de Charlie faisaient rire en dépassant les limites imposées par le « bon goût ». Son équipe et ses lecteurs partageaient le dégoût des militaires et du clergé, c’était tellement naturel que personne n’en fît son cheval de bataille. Au fond ses caricatures n’agressaient personne, on riait en quelque sorte « entre nous ». C’était le rire de ceux qui avaient laissé le vieux monde derrière eux et qui se reconnaissaient mutuellement à travers les pointes d’humour. Tout le monde savait que les mots et dessins n’allaient pas faire disparaître les armées et les églises, alors la possibilité d’en rire était le minimum de liberté qu’on était en droit d’exiger face à ces forces immuables.

      Bref, c’était une bande d’insolents qui faisait rire les individualistes.

      Il semble que la motivation de la dernière rédaction avait complètement changé au point d’inverser la raison d’être du canard. Il se situait désormais au sein d’un combat politique, il avait une mission et il cherchait des alliés pour assurer sa survie.

      Les papys gauchistes qu’on admirait tant étaient dépassés par les événements . Il continuaient leur dessins comme avant, ces variations sur les thèmes qu’ils avaient traité depuis toujours. A l’execption de Siné ils ne dépassaient plus les limites, ils respectaient les tabous de la gauche après Mittérant, ils étaient ni sexistes ni pornographiques ni révoltés, ils acceptaient un chef qui exigeait des preuves de loyauté. Par son accession au pouvoir ils s’étaient transformés en bouffons.

      Sous ce potentat la revue satirique mettait le cap sur les contrées où on ne rigole pas, vers un monde où on n’éparge pas les bouffons. Puis, aveuglement, après le départ du timonier l’équipe a maintenu le cap. C’était triste mais on ne se rendait pas compte. On croyait qu’on avait toujours droit à la rigolade.

    • @monolecte OK, alors sexistes en plus mais plus drôles du tout. C’est encore plus triste. Pourtant je ne suis pas sûr si on doit classer cette couverture dans la catégorie sexisme ou dans le casier extrémisme de droite . Sans doute ca dépend du contexte.

      Juste pour donner un exemple voici une affiche de nos néonazis. Le titre signifie Bon retour !

      J’ai effectivement choisi la mauvaise expression - peut-être j’aurais mieux fait de parler des blagues graveleuses sur les relations entre les sexes. Dans le vieux Hara Kiri je découvrait davantage de caricatures du sexisme que de caricatures sexistes. J’ai l’impression qu’ils se donnaient un air (bête et) méchant sans vraiment l’être alors que j’ai de plus en plus l’impression que c’était le contraire pour certains aspects de Charlie Hebdo après 2001.

  • « Charlie Hebdo » sourd au rap et aux cités - Libération
    http://www.liberation.fr/societe/2013/12/16/charlie-hebdo-sourd-au-rap-et-aux-cites_966955

    Dans un montage vidéo l’opposant à l’un des interprètes du morceau, Disiz, le directeur de Charlie Hebdo, Charb, dénonçait une chanson « communautariste, fasciste » réalisée par des rappeurs « branleurs millionnaires ». Face à lui, Disiz défendait la liberté d’expression au nom de « sa carte de rappeur ».

    L’incompréhension manifeste entre les deux personnages peut être lue comme la cristallisation d’une #rupture_sociale et politique plus large entre certaines élites médiatiques et politiques de gauche d’un côté, et l’univers social et culturel de référence d’une grande partie des enfants de l’immigration des années 2000, dont les rappeurs ne constituent qu’une figure médiatique. Les enquêtes que je mène sur le terrain auprès des acteurs associatifs du hip-hop dans les quartiers populaires m’amènent à partager un constat dressé par d’autres observateurs depuis une vingtaine d’années : une partie de ces enfants d’#immigrés, filles et garçons confondus, affirment de plus en plus la part #musulmane de leur identité. Cette affirmation passe par le respect de normes religieuses, de traditions familiales et, parfois, par des signes plus ou moins visibles de croyance (voiles, barbes, prières, etc.). Cependant, à y regarder de plus près, cette affirmation musulmane déborde bien souvent la simple question de foi et englobe l’expression d’éléments propres à l’univers #socio-territorial des cités : densités des liens entre voisins et entre familles, dimension collective de l’éducation des enfants, cloisonnement relatif des garçons et des filles, etc. Bref, dans bien des cas, on pourrait remplacer « nous les musulmans » par « nous les gens des cités » sans trahir le sens des propos de ceux et celles qui les tiennent. Et l’affirmation en apparence musulmane peut alors être comprise comme le conglomérat d’une appartenance à la fois sociale, territoriale, économique et religieuse.

    On comprend alors mieux pourquoi, chez bon nombre de ces enfants de l’immigration et des cités, la moindre critique qui touche à l’islam est perçue comme une critique de leur être social dans sa globalité. D’autant plus que, pour beaucoup, l’affirmation musulmane est la seule #identité_positive disponible puisque la mémoire #coloniale et #ouvrière de leurs parents est celle de l’#humiliation, qu’ils subissent des #discriminations croissantes dans l’accès à l’#emploi stable et que « les valeurs du hip-hop » ont échoué à fédérer culturellement les jeunes des cités au tournant des années 90. Le rap, en tant que musique majoritairement pratiquée par adolescents et jeunes adultes issus des quartiers populaires, est un espace usuel d’expression de cette affirmation. Et les canaux d’expression traditionnels ont perdu de leur centralité avec la désertification politique des quartiers par la gauche et par l’éducation populaire. Beaucoup de rappeurs, qu’ils soient ou non de confession islamique, partagent l’hypersensibilité de leurs pairs (copains d’enfance, voisins, collègues) sur cette question, comme la phrase de Nekfeu en atteste. Chez eux, comme l’écrivait le sociologue Philippe Bourgeois au sujet des enfants d’ouvriers portoricains des ghettos de East Harlem, « la quête du respect s’est métamorphosée en crainte de l’irrespect ».

    Dans ce contexte, les propos de Charb sonnent particulièrement faux. D’abord par leur méconnaissance de l’univers du rap en France, assimilant les interprètes de ce morceau à des millionnaires lorsque le montant de leurs revenus est sans doute bien inférieur au sien. Ensuite par leur mépris. Sans chercher à convaincre, Charb donne le sentiment de s’adresser à un entre-soi de ses lecteurs, supposés détester par principe ce qu’incarnent le rap et les rappeurs à leurs yeux : religiosité, violence, machisme, individualisme, consumérisme, etc. Ce faisant, son propos met en lumière l’opinion d’une génération d’#athées #militants de gauche, les « #laïcards », devenus autant hypersensibles à la religiosité que les musulmans des cités à sa critique. Contrairement aux militants de terrain, leur distance - sociale, économique, culturelle, géographique - avec l’univers des quartiers populaires les empêche de voir le sens de cette affirmation identitaire musulmane. Chez nombre d’entre eux, la lutte politique historiquement portée par la gauche contre l’#aliénation_religieuse, son emprise et son #conservatisme - lutte qui n’est ni « #islamophobe » ni « #raciste » en soi - semble céder la place à une posture de principe aveuglante. La religion devient un mal à combattre en tant que tel. Et les personnes revendiquant une religion des conservateurs, des aliénés, des frustrés, bref, des #ennemis imbéciles de la (leur ?) liberté. Dans un tel système idéologique borné, toute remise en cause de ce « #laïcardisme » condescendant est immédiatement taxée de « #communautariste », comme le fait #Charb.

    Quid alors de l’argument de la liberté d’expression invoqué par Disiz ? Celui-ci est peu convaincant, invoquant son statut d’artiste et la culture de la punchline - formule choc, propre au rap - pour minimiser le propos. Refuge confortable qui permet à son auteur de faire l’économie d’une analyse de la portée politique des discours tenus par les rappeurs et les artistes en général. Comme si les mots n’avaient pas de pouvoir de prescription. Il est donc aisé de comprendre que l’appel à l’autodafé évoqué par Nekfeu a été interprété par les journalistes de #Charlie_Hebdo comme une attaque virulente. Mais la réponse par l’insulte et le mépris social qu’y oppose Charb est une négation de la portée politique du contenu du journal qu’il dirige. Car cette virulence trouve son origine dans le #ras-le-bol d’une majorité de musulmans et de leurs pairs face aux provocations répétées et à l’obsession de l’islam dont Charlie Hebdo et une part croissante de la presse se sont fait une spécialité depuis une dizaine d’années.

  • Je suis musulmane et féministe, ne soyez pas surpris ! - le Plus
    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/649493-je-suis-musulmane-et-feministe-ne-soyez-pas-surpris.html

    Le féminisme musulman existe

    Le féminisme, dans sa formulation moderne, en tant que mouvement social, politique et intellectuel visant la remise en question du patriarcat, existe dans les sociétés musulmanes depuis aussi longtemps qu’il existe dans les sociétés occidentales. Ce #féminisme musulman a pu aussi s’appuyer sur les textes religieux pour s’affirmer et se formuler en des termes appropries aux sociétés majoritairement musulmanes.

    En Égypte, en Irak ou ailleurs, le féminisme n’est pas nécessairement passé par une mise à distance du religieux, mais a pu se trouver renforcé par la pensée réformiste musulmane.

    Aujourd’hui, des #musulmanes d’Orient et d’Occident comme moi ont entrepris une dynamique de relecture des Textes sacrés dans une perspective féministe et elles articulent leur lutte contre le patriarcat à l’héritage spirituel et intellectuel de l’islam. C’est notamment à partir du principe du Tawhid – monothéisme musulman – que je pose l’égalité comme fondement de la #religion musulmane : devant le Créateur, toutes les créatures sont égales et toute domination serait une appropriation d’un attribut du Créateur.

    De même, j’affirme, #Coran à l’appui, que le péché originel, ainsi que toutes les traditions comme celles présentant Ève comme issue de la côté d’Adam et comme l’auteure du premier péché, n’existe pas en islam. Ainsi, cette conception du féminin, qui a été dans la tradition chrétienne un instrument du patriarcat, n’a aucune existence dans la tradition musulmane.