Sur la place du Vieux-Marché, on a construit trois échafauds. Selon Charles de Beaurepaire, l’un est adossé, face à l’ouest, contre le pignon de la halle de la boucherie, un autre plus vaste, faisant équerre avec ce dernier et regardant le nord, se dresse sur le cimetière de l’église Saint-Sauveur. Il est occupé par les juges ecclésiastiques, les greffiers, le bailli et les officiers séculiers. Sur le troisième échafaud, vraisemblablement placé en face de celui du pignon de la halle, siègent le cardinal de Winchester et les prélats. Enfin, non loin du pilori, lieu ordinaire des exécutions, au milieu de la place, s’élève le bûcher, exhaussé d’un soubassement de plâtre, le tout d’une hauteur inusitée. Devant le bûcher, face au midi, un panneau, cloué sur deux montants, porte l’inscription suivante, écrite en lettres assez grosses pour pouvoir être lue de loin : « Jehanne qui s’est faict nommée la Pucelle, menteresse, pernicieuse, abuseresse du peuple, divineresse, superstitieuse, blasphemeresse de Dieu, presumptueuse, malcreant de la foy de Jhesucrist, vanteresse, ydolatre, cruelle, invocateresse de deables, apostate, scismatique et hérétique ».
Lorsque la charrette et son cortège débouchent sur la place, les hommes de guerre en entourent les abords. Quand l’évêque de Beauvais, en son nom et au nom du vicaire inquisiteur, prononce la sentence qui déclare Jeanne hérétique et relapse ; rejetée de l’unité de l’Eglise et livrée à la justice séculière. Aussitôt la Pucelle, qui était restée jusque-là debout, patiente et silencieuse, s’agenouille dévotement recommandant son âme à Dieu, à Notre-Dame et aux saints, demandant pardon à ses ennemis, au roi de France et à tous les princes du royaume et prient les prêtres présents que chacun d’eux veuille bien dire une messe pour elle. Ses pieuses lamentations durent une demi-heure. Elle supplie qu’on lui donne une croix. Un Anglais lui en fait une petite de deux morceaux de bois (7). Jeanne la reçoit dévotement, la baise et, par l’encolure de sa cotte, la glisse en son sein, contre sa chair.
Il était d’usage de coiffer les condamnés d’une mitre en papier sur laquelle se trouvait écrit le motif de leur condamnation. Arrivée devant le bûcher, on enlève à la Pucelle son chaperon qu’on remplace aussitôt par une mitre en papier. Sur la mitre, entre deux silhouettes de démons grimaçants : hérétique, relapse, apostate, idolâtre qu’on avait écrit sur la mitre dont on affublait sa pauvre tête rasée.