• HA là la dis donc ! C’est l’histoire d’un « #mal_blanchi » qui insulte un « #nègre_de_maison » ... Je vais me la mordre !... #humour_noir

    Ah ! La différence entre les bons noa, et les mauvais noa... :-D :-D :-D

    « Nègre de maison » : quand le député LFI Jean-Philippe Nilor insulte le député LR Mansour Kamardine

    https://www.marianne.net/politique/gauche/negre-de-maison-quand-le-depute-lfi-jean-philippe-nilor-insulte-le-depute-

    #politique #France #colonies #DOM_TOM #bamboula #comique #société #intérêts #indépendance #Afrique #Antilles #croisière #banania #vangauguin

  • #Liberté_académique et #justice_sociale

    On assiste en #Amérique_du_Nord à une recomposition du paysage académique, qui met l’exercice des #libertés_universitaires aux prises avec des questions de justice sociale, liées, mais pas seulement, au militantisme « #woke », souvent mal compris. Publication du premier volet d’un entretien au long cours avec #Isabelle_Arseneau et #Arnaud_Bernadet, professeurs à l’Université McGill de Montréal.

    Alors que se multiplient en France les prises de position sur les #libertés_académiques – voir par exemple cette « défense et illustration » -, un débat à la fois vif et très nourri se développe au #Canada depuis plus d’un an, après que des universitaires ont dû faire face à des plaintes pour #racisme, parfois à des suspensions de leur contrat, en raison de l’utilisation pédagogique qu’ils avaient faite des mots « #nègre » ou « #sauvages ». Significativement, un sondage récent auprès des professeurs d’université du Québec indique qu’une majorité d’entre eux pratiquent diverses formes d’#autocensure. C’est dans ce contexte qu’Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet, professeurs au Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill de Montréal, ont été conduits à intervenir activement dans le débat, au sein de leur #université, mais aussi par des prises de position publiques dans la presse et surtout par la rédaction d’un mémoire, solidement argumenté et très remarqué, qui a été soumis et présenté devant la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire.

    Initiée en février 2021 par le premier ministre du Québec, François Legault, cette commission a auditionné de nombreux acteurs, dont les contributions sont souvent de grande qualité. On peut télécharger ici le mémoire des deux universitaires et suivre leur audition grâce à ce lien (début à 5 :15 :00). La lecture du présent entretien peut éclairer et compléter aussi bien le mémoire que l’audition. En raison de sa longueur, je publie cet entretien en deux parties. La première partie est consacrée aux exemples concrets de remise en cause de la liberté de citer certains mots en contexte universitaire et traite des conséquences de ces pratiques sur les libertés académiques. Cette première partie intègre aussi une analyse critique de la tribune parue ce jour dans Le Devoir, co-signée par Blanquer et le ministre de l’Education du Québec, lesquels s’attaquent ensemble et de front à la cancel culture. La seconde partie, à paraître le vendredi 29 octobre, portera plus précisément sur le mouvement « woke », ses origines et ses implications politiques, mais aussi sur les rapports entre science et société. Je tiens à remercier chaleureusement Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet d’avoir accepté de répondre à mes questions et d’avoir pris le temps de construire des réponses précises et argumentées, dont la valeur tient tout autant à la prise critique de ces deux universitaires qu’aux disciplines qui sont les leurs et qui informent leur réflexion. Ils coordonnent actuellement un volume collectif interdisciplinaire, Libertés universitaires : un an de débat au Québec (2020-2021), à paraître prochainement.

    Entretien, première partie

    1. Pourriez-vous exposer le plus factuellement possible ce qui s’est passé au mois de septembre 2020 à l’université d’Ottawa et à l’université McGill de Montréal ?

    Isabelle Arseneau. À l’automne 2020 éclatait à l’Université d’Ottawa une affaire qui a passionné le Québec et a connu d’importantes suites politiques : à l’occasion d’une séance d’enseignement virtuel sur la représentation des identités en art, une chargée de cours, #Verushka_Lieutenant-Duval, expliquait à ses étudiants comment l’injure « #nigger » a été réutilisée par les communautés afro-américaines comme marqueur subversif dans les années 1960. Parce qu’elle a mentionné le mot lui-même en classe, l’enseignante est devenue aussitôt la cible de #plaintes pour racisme et, au terme d’une cabale dans les #réseaux_sociaux, elle a été suspendue temporairement par son administration. Au même moment, des incidents à peu près analogues se produisaient au Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill, où nous sommes tous les deux professeurs. Dans un cours d’introduction à la littérature québécoise, une chargée de cours a mis à l’étude Forestiers et voyageurs de #Joseph-Charles_Taché, un recueil de contes folkloriques paru en 1863 et qui relate les aventures d’un « Père Michel » qui arpente le pays et documente ses « mœurs et légendes ». Des étudiants interrompent la séance d’enseignement virtuel et reprochent à l’enseignante de leur avoir fait lire sans avertissement préalable une œuvre contenant les mots « Nègres » et « Sauvages ». Quelques jours plus tard, des plaintes pour racisme sont déposées contre elle. Le dossier est alors immédiatement pris en charge par la Faculté des Arts, qui lui suggère de s’excuser auprès de sa classe et d’adapter son enseignement aux étudiants que pourrait offenser la lecture des six autres classiques de la littérature québécoise prévus au syllabus (dont L’Hiver de force de Réjean Ducharme et Les Fous de Bassan d’Anne Hébert). Parmi les mesures d’accommodement, on lui conseille de fournir des « avertissements de contenu » (« #trigger_warnings ») pour chacune des œuvres à l’étude ; de se garder de prononcer à voix haute les mots jugés sensibles et de leur préférer des expressions ou des lettres de remplacement (« n », « s », « mot en n » « mot en s »). Trois mois plus tard, nous apprendrons grâce au travail d’enquête de la journaliste Isabelle Hachey (1) que les plaignants ont pu obtenir, après la date limite d’abandon, un remboursement de leurs frais de scolarité et les trois crédits associés à ce cours qu’ils n’ont cependant jamais suivi et pour lequel ils n’ont validé qu’une partie du travail.

    Lorsque j’ai imaginé notre doctorante en train de caviarder ses notes de cours et ses présentations Powerpoint, ça a fait tilt. Un an plus tôt, je travaillais à la Public Library de New York sur un manuscrit du XIIIe siècle dont la première image avait été grattée par un lecteur ou un possesseur offensé par le couple enlacé qu’elle donnait jusque-là à voir. La superposition de ces gestes de censure posés à plusieurs siècles d’intervalle témoignait d’un recul de la liberté universitaire que j’associais alors plus spontanément aux campus américains, sans pour autant nous imaginer à l’abri de cette vague venue du sud (2). Devant de tels dérapages, mon collègue Arnaud Bernadet et moi avons communiqué avec tous les étages de la hiérarchie mcgilloise. Las de nous heurter à des fins de non-recevoir, nous avons cosigné une série de trois lettres dans lesquelles nous avons dénoncé la gestion clientéliste de notre université (3). Malgré nos sorties répétées dans les médias traditionnels, McGill est demeurée silencieuse et elle l’est encore à ce jour.

    2. Pour être concret, qu’est-ce qui fait que l’emploi du mot « nègre » ou « sauvages » dans un cours est légitime ?

    Isabelle Arseneau. Vous évoquez l’emploi d’un mot dans un cadre pédagogique et il me semble que toute la question est là, dans le terme « emploi ». À première vue, le contexte de l’énonciation didactique ne se distingue pas des autres interactions sociales et ne justifie pas qu’on puisse déroger aux tabous linguistiques. Or il se joue dans la salle de classe autre chose que dans la conversation ordinaire : lorsque nous enseignons, nous n’employons pas les mots tabous, nous les citons, un peu comme s’il y avait entre nous et les textes lus ou la matière enseignée des guillemets. C’est de cette distinction capitale qu’ont voulu rendre compte les sciences du langage en opposant le signe en usage et le signe en mention. Citer le titre Nègres blancs d’Amérique ou le terme « Sauvages » dans Forestiers et Voyageurs ne revient pas à utiliser ces mêmes termes. De la même façon, il y a une différence entre traiter quelqu’un de « nègre » dans un bus et relever les occurrences du terme dans une archive, une traite commerciale de l’Ancien Régime ou un texte littéraire, même contemporain. Dans le premier cas, il s’agit d’un mot en usage, qui relève, à n’en pas douter, d’un discours violemment haineux et raciste ; dans l’autre, on n’emploie pas mais on mentionne des emplois, ce qui est différent. Bien plus, le mot indexe ici des représentations socialement et historiquement situées, que le professeur a la tâche de restituer (pour peu qu’on lui fournisse les conditions pour le faire). Si cette distinction entre l’usage et la mention s’applique à n’importe quel contexte d’énonciation, il va de soi qu’elle est très fréquente et pleinement justifiée — « légitime », oui — en contexte pédagogique. Il ne s’agit donc bien évidemment pas de remettre en circulation — en usage — des mots chargés de haine mais de pouvoir continuer à mentionner tous les mots, même les plus délicats, dans le contexte d’un exercice bien balisé, l’enseignement, dont on semble oublier qu’il suppose d’emblée un certain registre de langue.

    3. Ce qui étonne à partir de ces exemples – et il y en a d’autres du même type -, c’est que l’administration et la direction des universités soutiennent les demandes des étudiants, condamnent les enseignants et vont selon vous jusqu’à enfreindre des règles élémentaires de déontologie et d’éthique. Comment l’expliquez-vous ? L’institution universitaire a-t-elle renoncé à défendre ses personnels ?

    Arnaud Bernadet. Il faut naturellement conserver à l’esprit ici ce qui sépare les universités nord-américaines des institutions françaises. On soulignera deux différences majeures. D’une part, elles sont acquises depuis longtemps au principe d’autonomie. Elles se gèrent elles-mêmes, tout en restant imputables devant l’État, notamment au plan financier. Soulignons par ailleurs qu’au Canada les questions éducatives relèvent avant tout des compétences des provinces et non du pouvoir fédéral. D’autre part, ces universités obéissent à un modèle entrepreneurial. Encore convient-il là encore d’introduire des nuances assez fortes, notamment en ce qui concerne le réseau québécois, très hétérogène. Pour simplifier à l’extrême, les universités francophones sont plus proches du modèle européen, tandis que les universités anglophones, répliques immédiates de leurs voisines états-uniennes, semblent davantage inféodées aux pratiques néo-libérales.

    Quoi qu’il en soit, la situation décrite n’a rien d’inédit. Ce qui s’est passé à l’Université d’Ottawa ou à l’Université McGill s’observe depuis une dizaine d’années aux États-Unis. La question a été très bien documentée, au tournant de l’année 2014 sous la forme d’articles puis de livres, par deux sociologues, Bradley Campbell et Jason Manning (The Rise of Victimhood Culture) et deux psychologues, Jonathan Haidt et Greg Lukianoff (The Coddling of the American Mind). Au reste, on ne compte plus sur les campus, et parmi les plus progressistes, ceux de l’Ouest (Oregon, État de Washington, Californie) ou de la Nouvelle-Angleterre en particulier, les demandes de censure, les techniques de deplatforming ou de “désinvitation”, les calomnies sur les médias sociaux, les démissions du personnel - des phénomènes qu’on observe également dans d’autres milieux (culture, médias, politique). En mai dernier, Rima Azar, professeure en psychologie de la santé, a été suspendue par l’Université Mount Allison du Nouveau-Brunswick, pour avoir qualifié sur son blog Black Lives Matter d’organisation radicale…

    Il y a sans doute plusieurs raisons à l’attitude des administrateurs. En tout premier lieu : un modèle néo-libéral très avancé de l’enseignement et de la recherche, et ce qui lui est corrélé, une philosophie managériale orientée vers un consumérisme éducatif. Une autre explication serait la manière dont ces mêmes universités réagissent à la mouvance appelée “woke”. Le terme est sujet à de nombreux malentendus. Il fait désormais partie de l’arsenal polémique au même titre que “réac” ou “facho”. Intégré en 2017 dans l’Oxford English Dictionary, il a été à la même date récupéré et instrumentalisé par les droites conservatrices ou identitaires. Mais pas seulement : il a pu être ciblé par les gauches traditionnelles (marxistes, libertaires, sociales-démocrates) qui perçoivent dans l’émergence de ce nouveau courant un risque de déclassement. Pour ce qui regarde notre propos, l’illusion qu’il importe de dissiper, ce serait de ne le comprendre qu’à l’aune du militantisme et des associations, sur une base strictement horizontale. Ce qui n’enlève rien à la nécessité de leurs combats, et des causes qu’ils embrassent. Loin s’en faut. Mais justement, il s’agit avec le “wokism” et la “wokeness” d’un phénomène nettement plus composite qui, à ce titre, déborde ses origines liées aux luttes des communautés noires contre l’oppression qu’elles subissaient ou subissent encore. Ce phénomène, plus large mais absolument cohérent, n’est pas étranger à la sociologie élitaire des universités nord-américaines, on y reviendra dans la deuxième partie de cet entretien. Car ni l’un ni l’autre ne se sont si simplement inventés dans la rue. Leur univers est aussi la salle de classe.

    4. Au regard des événements dans ces deux universités, quelle analyse faites-vous de l’évolution des libertés académiques au Québec ?

    Arnaud Bernadet. Au moment où éclatait ce qu’il est convenu d’appeler désormais “l’affaire Verushka Lieutenant-Duval”, le Québec cultivait cette douce illusion de se croire à l’abri de ce genre d’événements. Mais les idées et les pratiques ne s’arrêtent pas à la frontière avec le Canada anglais ou avec les États-Unis. Le cas de censure survenu à McGill (et des incidents d’autre nature se sont produits dans cet établissement) a relocalisé la question en plein cœur de Montréal, et a montré combien les cultures et les sociétés sont poreuses les unes vis-à-vis des autres. Comme dans nombre de démocraties, on assiste au Québec à un recul des libertés publiques, la liberté académique étant l’une d’entre elles au même titre que la liberté d’expression. Encore faut-il nuancer, car le ministère de l’enseignement supérieur a su anticiper les problèmes. En septembre 2020, le scientifique en chef Rémi Quirion a remis un rapport qui portait plus largement sur L’université québécoise du futur, son évolution, les défis auxquels elle fait face, etc. Or en plus de formuler des recommandations, il y observe une “précarisation significative” de la liberté académique, un “accroissement de la rectitude politique”, imputée aux attentes ou aux convictions de “groupes particuliers”, agissant au nom de “valeurs extra-universitaires”, et pour finir, l’absence de “protection législative à large portée” entourant la liberté académique au Québec, une carence qui remonte à la Révolution tranquille. En février 2021, le premier ministre François Legault annonçait la création d’une Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique en contexte universitaire. Cette commission qui n’a pas fini de siéger a rendu une partie de ses résultats, notamment des sondages effectués auprès du corps professoral (ce qui inclut les chargés de cours) : 60 % d’entre eux affirment avoir évité d’utiliser certains mots, 35 % disent avoir même recouru à l’autocensure en sabrant certains sujets de cours. La recherche est également affectée. Ce tableau n’est guère rassurant, mais il répond à celles et ceux qui, depuis des mois, à commencer dans le milieu enseignant lui-même, doublent la censure par le déni et préfèrent ignorer les faits. À l’évidence, des mesures s’imposent aujourd’hui, proportionnées au diagnostic rendu.

    5. La liberté académique est habituellement conçue comme celle des universitaires, des enseignants-chercheurs, pour reprendre la catégorie administrative en usage en France. Vous l’étendez dans votre mémoire à l’ensemble de la communauté universitaire, en particulier aux jeunes chercheurs, mais aussi aux personnels administratifs et aux étudiants ? Pourriez-vous éclairer ce point ?

    Arnaud Bernadet. Ce qui est en jeu ici n’est autre que l’extension et les applications du concept de liberté académique. Bien sûr, un étudiant ne jouit pas des mêmes dispositions qu’un professeur, par exemple le droit à exercer l’évaluation de ses propres camarades de classe. Mais a priori nous considérons que n’importe quel membre de la communauté universitaire est titulaire de la liberté académique. Celle-ci n’a pas été inventée pour donner aux enseignants et chercheurs quelque “pouvoir” irréaliste et exorbitant, mais pour satisfaire aux deux missions fondamentales que leur a confiées la société : assurer la formation des esprits par l’avancement des connaissances. En ce domaine, l’écart est-il significatif entre le choix d’un thème ou d’un corpus par un professeur, et un exposé oral préparé par un étudiant ? Dans chaque cas, on présumera que l’accès aux sources, la production des connaissances, le recours à l’argumentation y poursuivent les mêmes objectifs de vérité. De même, les administrateurs, et notamment les plus haut placés, doivent pouvoir bénéficier de la liberté académique, dans l’éventualité où elle entrerait en conflit avec des objectifs de gouvernance, qui se révéleraient contraires à ce qu’ils estimeraient être les valeurs universitaires fondamentales.

    6. Entre ce que certains considèrent comme des recherches “militantes” et les orientations néolibérales et managériales du gouvernement des universités, qu’est-ce qui vous semble être le plus grand danger pour les libertés académiques ?

    Arnaud Bernadet. Ce sont des préoccupations d’ordre différent à première vue. Les unes semblent opérer à l’interne, en raison de l’évolution des disciplines. Les autres paraissent être plutôt impulsées à l’externe, en vertu d’une approche productiviste des universités. Toutes montrent que le monde de l’enseignement et de la recherche est soumis à de multiples pressions. Aussi surprenant que cela paraisse, il n’est pas exclu que ces deux aspects se rejoignent et se complètent. Dans un article récent de The Chronicle of Higher Education (03.10.2021), Justin Sider (professeur de littérature anglaise à l’Université d’Oklahoma) a bien montré que les préoccupations en matière de justice sociale sont en train de changer la nature même des enseignements. Loin de la vision désintéressée des savoirs, ceux-ci serviraient dorénavant les étudiants à leur entrée dans la vie active, pour changer l’ordre des choses, combattre les inégalités, etc. C’est une réponse à la conception utilitariste de l’université, imposée depuis plusieurs décennies par le modèle néolibéral. Et c’est ce qu’ont fort bien compris certains administrateurs qui, une main sur le cœur, l’autre près du portefeuille, aimeraient donc vendre désormais à leurs “clients” des programmes ou de nouveaux curricula portant sur la justice sociale.

    7. La défense des libertés académiques, en l’occurrence la liberté pédagogique et la liberté de recherche d’utiliser tous les mots comme objet de savoir, est-elle absolue, inconditionnelle ? Ne risque-t-elle pas de renforcer un effet d’exclusion pour les minorités ?

    Isabelle Arseneau. Elle est plutôt à notre avis non-négociable (aucun principe n’est absolu). Mais pour cela, il est impératif de désamalgamer des dossiers bien distincts : d’une part, le travail de terrain qu’il faut encore mener en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (qu’il est désormais commun de désigner par l’acronyme « ÉDI ») ; d’autre part, les fondements de la mission universitaire, c’est-à-dire créer et transmettre des savoirs. Les faux parallèles que l’on trace entre la liberté académique et les « ÉDI » desservent autant la première que les secondes et on remarque une nette tendance chez certaines universités plus clairement néolibérales à utiliser la liberté académique comme un vulgaire pansement pour régler des dossiers sur lesquels elles accusent parfois de regrettables retards. Bien ironiquement, ce militantisme d’apparat ne fait nullement progresser les différentes causes auxquelles il s’associe et a parfois l’effet inverse. Revenons à l’exemple concret qui s’est produit chez nous : recommander à une enseignante de s’excuser pour avoir prononcé et fait lire un mot jugé sensible et aller jusqu’à rembourser leurs frais de scolarité à des étudiants heurtés, voilà des gestes « spectaculaires » qui fleurent bon le langage de l’inclusion mais qui transpirent le clientélisme (« Satisfaction garantie ou argent remis ! »). Car une fois que l’on a censuré un mot, caviardé un passage, proscrit l’étude d’une œuvre, qu’a-t-on fait, vraiment, pour l’équité salariale hommes-femmes ; pour l’inclusion des minorités toujours aussi invisibles sur notre campus ; pour la diversification (culturelle, certes, mais également économique) des corps enseignant et étudiant, etc. ? Rien. Les accommodements offerts aux plaignants sont d’ailleurs loin d’avoir créé plus d’équité ; ils ont au contraire engendré une série d’inégalités : entre les étudiants d’abord, qui n’ont pas eu droit au même traitement dans le contexte difficile de la pandémie et de l’enseignement à distance ; entre les chargés de cours ensuite, qui n’ont pas eu à faire une même quantité de travail pour un même salaire ; et, enfin, entre les universités, toutes soumises au même système de financement public, dont le calcul repose en bonne partie sur l’unité-crédit. Les salles de classe ont bon dos : elles sont devenues les voies de sortie faciles pour des institutions qui s’achètent grâce à elles un vernis de justice sociale qui tarde à se traduire par des avancées concrètes sur les campus. Confondre les dossiers ne servira personne.

    8. Reste que ce qui est perçu par des acteurs de la défense de droits des minorités comme l’exercice d’une liberté d’expression est vécu et analysé par d’autres acteurs comme une atteinte à la liberté académique, en particulier la liberté pédagogique. La situation n’est-elle pas une impasse propre à aviver les tensions et créer une polémique permanente ? Comment sortir de cette impasse ?

    Isabelle Arseneau. En effet, on peut vite avoir l’impression d’un cul-de-sac ou d’un cercle vicieux difficile à briser, surtout au vu de la polarisation actuelle des discours, qu’aggravent les médias sociaux. Dans ce brouhaha de paroles et de réactions à vif, je ne sais pas si on s’entend et encore moins si on s’écoute. Chose certaine, il faudra dans un premier temps tenter de régler les problèmes qui atteignent aujourd’hui les établissements postsecondaires depuis l’intérieur de leurs murs. En effet, la responsabilité me semble revenir d’abord aux dirigeants de nos institutions, à la condition de réorienter les efforts vers les bonnes cibles et, comme je le disais à l’instant, de distinguer les dossiers. À partir du moment où l’on cessera de confondre les dossiers et où l’on résistera aux raccourcis faciles et tendancieux, des chantiers distincts s’ouvriront naturellement.

    Du côté des dossiers liés à l’équité et à la diversité, il me semble nécessaire de mener de vrais travaux d’enquête et d’analyse de terrain et de formuler des propositions concrètes qui s’appuient sur des données plutôt que des mesures cosmétiques qui suivent l’air du temps (il ne suffit pas, comme on a pu le faire chez nous, de recommander la censure d’un mot, de retirer une statue ou de renommer une équipe de football). Plus on tardera à s’y mettre vraiment et à joindre le geste à la parole, plus longtemps on échouera à réunir les conditions nécessaires au dialogue serein et décomplexé. Il nous reste d’ailleurs à débusquer les taches aveugles, par exemple celles liées à la diversité économique de nos campus (ou son absence), une donnée trop souvent exclue de la réflexion, qui préfère se fixer sur la seule dimension identitaire. Du côté de la liberté universitaire, il est nécessaire de la réaffirmer d’abord et de la protéger ensuite, en reprenant le travail depuis le début s’il le faut. C’est ce qu’a fait à date récente la Mission nommée par le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras. Les travaux de ce comité ont abouti à l’élaboration d’un énoncé de principes fort habile. Ce dernier, qui a été adopté à l’unanimité par l’assemblée universitaire, distingue très nettement les dossiers et les contextes : en même temps qu’il déclare qu’« aucun mot, aucun concept, aucune image, aucune œuvre ne sauraient être exclus a priori du débat et de l’examen critique dans le cadre de l’enseignement et de la recherche universitaires », le libellé rappelle que l’université « condamne les propos haineux et qu’en aucun cas, une personne tenant de tels propos ne peut se retrancher derrière ses libertés universitaires ou, de façon générale, sa liberté d’expression » (4). Il est également urgent de mettre en œuvre une pédagogie ciblant expressément les libertés publiques, la liberté académique et la liberté d’expression. C’est d’ailleurs une carence mise au jour par l’enquête de la Commission, qui révèle que 58% des professeurs interrogés « affirment ne pas savoir si leur établissement possède des documents officiels assurant la protection de la liberté universitaire » et que 85% des répondants étudiants « considèrent que les universités devraient déployer plus d’efforts pour faire connaître les dispositions sur la protection de la liberté universitaire ». Il reste donc beaucoup de travail à faire sur le plan de la diffusion de l’information intra muros. Heureusement, nos établissements ont déjà en leur possession les outils nécessaires à l’implantation de ce type d’apprentissage pratique (au moment de leur admission, nos étudiants doivent déjà compléter des tutoriels de sensibilisation au plagiat et aux violences sexuelles, par exemple).

    Enfin, il revient aux dirigeants de nos universités de s’assurer de mettre en place un climat propice à la réflexion et au dialogue sur des sujets parfois délicats, par exemple en se gardant d’insinuer que ceux qui défendent la liberté universitaire seraient de facto hostiles à la diversité et à l’équité, comme a pu le faire notre vice-recteur dans une lettre publiée dans La Presse en février dernier. Ça, déjà, ce serait un geste à la hauteur de la fonction.

    9. Quelle perception avez-vous de la forme qu’a pris la remise en cause des libertés académiques en France avec la polémique sur l’islamo-gauchisme initiée par deux membres du gouvernement – Blanquer et Vidal – et poursuivi avec le Manifeste des 100 ?

    Arnaud Bernadet. Un sentiment de profonde perplexité. La comparaison entre “l’islamo-gauchisme”, qui nous semble en grande partie un épouvantail agité par le pouvoir macroniste, et le “wokism” états-unien ou canadien - qui est une réalité complexe mais mesurable, dont on précisera les contours la semaine prochaine - se révèle aussi artificielle qu’infondée. Un tel rapprochement est même en soi très dangereux, et peut servir de nouveaux amalgames comme il apparaît nettement dans la lettre publiée hier par Jean-Michel Blanquer et Jean-François Roberge : “L’école pour la liberté, contre l’obscurantisme”. Déplions-la un instant. Les deux ministres de l’Éducation, de France et du Québec, ne sont pas officiellement en charge des dossiers universitaires (assurés par Frédérique Vidal et Danielle McCann). D’une même voix, Blanquer et Roberge condamnent - à juste titre - l’autodafé commis en 2019 dans plusieurs écoles du sud-ouest de l’Ontario sur des encyclopédies, des bandes-dessinées et des ouvrages de jeunesse qui portaient atteinte à l’image des premières nations. Or on a appris par la suite que l’instigatrice de cette purge littéraire, Suzie Kies, œuvrait comme conseillère au sein du Parti Libéral du Canada sur les questions autochtones. Elle révélait ainsi une évidente collusion avec le pouvoir fédéral. Inutile de dire par conséquent que l’intervention de nos deux ministres ressortit à une stratégie d’abord politique. En position fragile face à Ottawa, dont les mesures interventionnistes ne sont pas toujours compatibles avec son esprit d’indépendance, le Québec se cherche des appuis du côté de la France. Au nom de la “liberté d’expression”, la France tacle également Justin Trudeau, dont les positions modérées au moment de l’assassinat de Samuel Paty ont fortement déplu. Ce faisant, le Québec et la France se donnent aussi comme des sociétés alternatives, le Canada étant implicitement associé aux États-Unis dont il ne serait plus que la copie : un lieu où prospéreraient une “idéologie” et des “méthodes” - bannissement, censure, effacement de l’histoire - qui menaceraient le “respect” et l’esprit de “tolérance” auxquels s’adossent “nos démocraties”. Au lieu de quoi, non seulement “l’égalité” mais aussi la “laïcité” seraient garantes au Québec comme en France d’un “pacte” capable d’unir la “communauté” sur la base “de connaissances, de compétences et de principes fondés sur des valeurs universelles”, sans que celles-ci soient d’ailleurs clairement précisées. On ne peut s’empêcher toutefois de penser que les deux auteurs prennent le risque par ce biais de légitimer les guerres culturelles, issues au départ des universités états-uniennes, en les étendant aux rapports entre anglophones et francophones. Au reste, la cible déclarée du texte, qui privilégie plutôt l’allusion et se garde habilement de nommer, reste la “cancel culture” aux mains des “assassins de la mémoire”. On observera qu’il n’est nulle part question de “wokes”, de décolonialisme ou d’antiracisme par exemple. D’un “militantisme délétère” (mais lequel, exactement ?) on passe enfin aux dangers de la “radicalisation”, dans laquelle chacun mettra ce qu’il veut bien y entendre, des extrémismes politiques (national-populisme, alt-right, néo-nazisme, etc.) et des fondamentalismes religieux. Pour finir, la résistance aux formes actuelles de “l’obscurantisme” est l’occasion de revaloriser le rôle de l’éducation au sein des démocraties. Elle est aussi un moyen de renouer avec l’héritage rationaliste des Lumières. Mais les deux ministres retombent dans le piège civilisationniste, qui consiste à arrimer - sans sourciller devant la contradiction - les “valeurs universelles” à “nos sociétés occidentales”. Le marqueur identitaire “nos” est capital dans le texte. Il efface d’un même geste les peuples autochtones qui étaient mentionnés au début de l’article, comme s’ils ne faisaient pas partie, notamment pour le Québec, de cette “mémoire” que les deux auteurs appellent justement à défendre, ou comme s’ils étaient d’emblée assimilés et assimilables à cette vision occidentale ? De lui-même, l’article s’expose ici à la critique décoloniale, particulièrement répandue sur les campus nord-américains, celle-là même qu’il voudrait récuser. Qu’on en accepte ou non les prémisses, cette critique ne peut pas être non plus passée sous silence. Il faut s’y confronter. Car elle a au moins cette vertu de rappeler que l’héritage des Lumières ne va pas sans failles. On a le droit d’en rejeter les diverses formulations, mais il convient dans ce cas de les discuter. Car elles nous obligent à penser ensemble - et autrement - les termes du problème ici posé : universalité, communauté et diversité.

    10. La forme d’un « énoncé » encadrant la liberté académique et adopté par le parlement québécois vous semble-t-elle un bon compromis politique ? Pourquoi le soutenir plutôt qu’une loi ? Un énoncé national de référence, laissant chaque établissement en disposer librement, aura-t-il une véritable efficacité ?

    Isabelle Arseneau. Au moment de la rédaction de notre mémoire, les choses nous semblaient sans doute un peu moins urgentes que depuis la publication des résultats de la collecte d’informations réalisée par la Commission indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique en contexte universitaire. Les chiffres publiés en septembre dernier confirment ce que nous avons remarqué sur le terrain et ce que suggéraient déjà les mémoires, les témoignages et les avis d’experts récoltés dans le cadre des travaux des commissaires : nous avons affaire à un problème significatif plutôt qu’à un épiphénomène surmédiatisé (comme on a pu l’entendre dire). Les résultats colligés reflètent cependant un phénomène encore plus généralisé que ce que l’on imaginait et d’une ampleur que, pour ma part, je sous-estimais.

    Dans le contexte d’une situation sérieuse mais non encore critique, l’idée d’un énoncé m’a donc toujours semblé plus séduisante (et modérée !) que celle d’une politique nationale, qui ouvrirait la porte à l’ingérence de l’État dans les affaires universitaires. Or que faire des universités qui ne font plus leurs devoirs ? L’« énoncé sur la liberté universitaire » de l’Université McGill, qui protège les chercheurs des « contraintes de la rectitude politique », ne nous a été d’aucune utilité à l’automne 2020. Comment contraindre notre institution à respecter les règles du jeu dont elle s’est elle-même dotée ? Nous osons croire qu’un énoncé national, le plus ouvert et le plus généreux possible, pourrait aider les établissements comme le nôtre à surmonter certaines difficultés internes. Mais nous sommes de plus en plus conscients qu’il faudra sans doute se doter un jour de mécanismes plus concrets qu’un énoncé non contraignant.

    Arnaud Bernadet. Nous avons eu de longues discussions à ce sujet, et elles ne sont probablement pas terminées. C’est un point de divergence entre nous. Bien entendu, on peut se ranger derrière la solution modérée comme on l’a d’abord fait. Malgré tout, je persiste à croire qu’une loi aurait plus de poids et d’efficience qu’un énoncé. L’intervention de l’État est nécessaire dans le cas présent, et me semble ici le contraire même de l’ingérence. Une démocratie digne de ce nom doit veiller à garantir les libertés publiques qui en sont au fondement. Or, en ce domaine, la liberté académique est précieuse. Ce qui a lieu sur les campus est exceptionnel, cela ne se passe nulle part ailleurs dans la société : la quête de la vérité, la dynamique contradictoire des points de vue, l’expression critique et l’émancipation des esprits. Je rappellerai qu’inscrire le principe de la liberté académique dans la loi est aussi le vœu exprimé par la Fédération Québécoise des Professeures et Professeurs d’Université. Actuellement, un tel principe figure plutôt au titre du droit contractuel, c’est-à-dire dans les conventions collectives des établissements québécois (quand celles-ci existent !) Une loi remettrait donc à niveau les universités de la province, elle préviendrait toute espèce d’inégalité de traitement d’une institution à l’autre. Elle comblerait la carence dont on parlait tout à l’heure, qui remonte à la Révolution tranquille. Elle renforcerait finalement l’autonomie des universités au lieu de la fragiliser. Ce serait aussi l’occasion pour le Québec de réaffirmer clairement ses prérogatives en matière éducative contre les ingérences - bien réelles celles-là - du pouvoir fédéral qui tend de plus en plus à imposer sa vision pancanadienne au mépris des particularités francophones. Enfin, ne nous leurrons pas : il n’y a aucune raison objective pour que les incidents qui se sont multipliés en Amérique du Nord depuis une dizaine d’années, et qui nourrissent de tous bords - on vient de le voir - de nombreux combats voire dérives idéologiques, cessent tout à coup. La loi doit pouvoir protéger les fonctions et les missions des universités québécoises, à ce jour de plus en plus perturbées.

    Entretien réalisé par écrit au mois d’octobre 2021

    Notes :

    1. Isabelle Hachey, « Le clientélisme, c’est ça » (La Presse, 22.02.2021)

    2. Jean-François Nadeau, « La censure contamine les milieux universitaires » (Le Devoir, 01.04.2017)

    3. Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet, « Universités : censure et liberté » (La Presse, 15.12.2020) ; « Les dérives éthiques de l’esprit gestionnaire » (La Presse, 29.02.2021) ; « Université McGill : une politique du déni » (La Presse, 26.02.2021).

    4. « Rapport de la Mission du recteur sur la liberté d’expression en contexte universitaire », juin 2021 : https://www.umontreal.ca/public/www/images/missiondurecteur/Rapport-Mission-juin2021.pdf

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/211021/liberte-academique-et-justice-sociale

    #ESR

    ping @karine4 @_kg_ @isskein

    –-

    ajouté à la métaliste autour du terme l’#islamo-gauchisme... mais aussi du #woke et du #wokisme, #cancel_culture, etc.
    https://seenthis.net/messages/943271

    • La liberté académique aux prises avec de nouvelles #menaces

      Colloques, séminaires, publications (Duclos et Fjeld, Frangville et alii) : depuis quelques années, et avec une accélération notoire ces derniers mois, le thème de la liberté académique est de plus en plus exploré comme objet scientifique. La liberté académique suscite d’autant plus l’intérêt des chercheurs qu’elle est aujourd’hui, en de nombreux endroits du monde, fragilisée.

      La création en 2021 par l’#Open_Society_University_Network (un partenariat entre la Central European University et le Bard College à New York) d’un #Observatoire_mondial_des_libertés_académiques atteste d’une inquiétante réalité. C’est en effet au moment où des libertés sont fragilisées qu’advient le besoin d’en analyser les fondements, d’en explorer les définitions, de les ériger en objets de recherche, mais aussi de mettre en œuvre un système de veille pour les protéger.

      S’il est évident que les #régimes_autoritaires sont par définition des ennemis des libertés académiques, ce qui arrive aujourd’hui dans des #pays_démocratiques témoigne de pratiques qui transcendent les frontières entre #régime_autoritaire et #régime_démocratique, frontières qui elles-mêmes tendent à se brouiller.

      La liberté académique menacée dans les pays autoritaires…

      S’appuyant sur une régulation par les pairs (la « communauté des compétents ») et une indépendance structurelle par rapport aux pouvoirs, la liberté de recherche, d’enseignement et d’opinion favorise la critique autant qu’elle en est l’expression et l’émanation. Elle est la condition d’une pensée féconde qui progresse par le débat, la confrontation d’idées, de paradigmes, d’axiomes, d’expériences.

      Cette liberté dérange en contextes autoritaires, où tout un répertoire d’actions s’offre aux gouvernements pour museler les académiques : outre l’emprisonnement pur et simple, dont sont victimes des collègues – on pense notamment à #Fariba_Adelkhah, prisonnière scientifique en #Iran ; à #Ahmadreza_Djalali, condamné à mort en Iran ; à #Ilham_Tohti, dont on est sans nouvelles depuis sa condamnation à perpétuité en# Chine, et à des dizaines d’autres académiques ouïghours disparus ou emprisonnés sans procès ; à #Iouri_Dmitriev, condamné à treize ans de détention en #Russie –, les régimes autoritaires mettent en œuvre #poursuites_judiciaires et #criminalisation, #licenciements_abusifs, #harcèlement, #surveillance et #intimidation.


      https://twitter.com/AnkyraWitch/status/1359630006993977348

      L’historien turc Candan Badem parlait en 2017 d’#académicide pour qualifier la vague de #répression qui s’abattait dans son pays sur les « universitaires pour la paix », criminalisés pour avoir signé une pétition pour la paix dans les régions kurdes. La notion de « #crime_contre_l’histoire », forgée par l’historien Antoon de Baets, a été reprise en 2021 par la FIDH et l’historien Grigori Vaïpan) pour qualifier les atteintes portées à l’histoire et aux historiens en Russie. Ce crime contre l’histoire en Russie s’amplifie avec les attaques récentes contre l’ONG #Memorial menacée de dissolution.

      En effet, loin d’être l’apanage des institutions académiques officielles, la liberté académique et de recherche, d’une grande rigueur, se déploie parfois de façon plus inventive et courageuse dans des structures de la #société_civile. En #Biélorussie, le sort de #Tatiana_Kuzina, comme celui d’#Artiom_Boyarski, jeune chimiste talentueux emprisonné pour avoir refusé publiquement une bourse du nom du président Loukachenko, ne sont que deux exemples parmi des dizaines et des dizaines de chercheurs menacés, dont une grande partie a déjà pris le chemin de l’exil depuis l’intensification des répressions après les élections d’août 2020 et la mobilisation qui s’en est suivie.

      La liste ci-dessus n’est bien sûr pas exhaustive, les cas étant nombreux dans bien des pays – on pense, par exemple, à celui de #Saïd_Djabelkhir en #Algérie.

      … mais aussi dans les #démocraties

      Les #régressions que l’on observe au sein même de l’Union européenne – le cas du déménagement forcé de la #Central_European_University de Budapest vers Vienne, sous la pression du gouvernement de Viktor Orban, en est un exemple criant – montrent que les dérives anti-démocratiques se déclinent dans le champ académique, après que d’autres libertés – liberté de la presse, autonomie de la société civile – ont été atteintes.

      Les pays considérés comme démocratiques ne sont pas épargnés non plus par les tentatives des autorités politiques de peser sur les recherches académiques. Récemment, en #France, les ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur ont affirmé que le monde académique serait « ravagé par l’#islamo-gauchisme » et irrespectueux des « #valeurs_de_la_République » – des attaques qui ont provoqué un concert de protestations au sein de la communauté des chercheurs. En France toujours, de nombreux historiens se sont mobilisés en 2020 contre les modalités d’application d’une instruction interministérielle restreignant l’accès à des fonds d’#archives sur l’#histoire_coloniale, en contradiction avec une loi de 2008.


      https://twitter.com/VivementLundi/status/1355564397314387972

      Au #Danemark, en juin 2021, plus de 260 universitaires spécialistes des questions migratoires et de genre rapportaient quant à eux dans un communiqué public les intimidations croissantes subies pour leurs recherches qualifiées de « #gauchisme_identitaire » et de « #pseudo-science » par des députés les accusant de « déguiser la politique en science ».

      D’autres offensives peuvent être menées de façon plus sournoise, à la faveur de #politiques_néolibérales assumées et de mise en #concurrence des universités et donc du champ du savoir et de la pensée. La conjonction de #logiques_libérales sur le plan économique et autoritaires sur le plan politique conduit à la multiplication de politiques souvent largement assumées par les États eux-mêmes : accréditations sélectives, retrait de #financements à des universités ou à certains programmes – les objets plus récents et fragiles comme les #études_de_genre ou études sur les #migrations se trouvant souvent en première ligne.

      Ce brouillage entre régimes politiques, conjugué à la #marchandisation_du_savoir, trouve également à s’incarner dans la façon dont des acteurs issus de régimes autoritaires viennent s’installer au sein du monde démocratique : c’est le cas notamment de la Chine avec l’implantation d’#Instituts_Confucius au cœur même des universités, qui conduisent, dans certains cas, à des logiques d’#autocensure ; ou de l’afflux d’étudiants fortunés en provenance de pays autoritaires, qui par leurs frais d’inscriptions très élevés renflouent les caisses d’universités désargentées, comme en Australie.

      Ces logiques de #dépendance_financière obèrent l’essence et la condition même de la #recherche_académique : son #indépendance. Plus généralement, la #marchandisation de l’#enseignement_supérieur, conséquence de son #sous-financement public, menace l’#intégrité_scientifique de chercheurs et d’universités de plus en plus poussées à se tourner vers des fonds privés.

      La mobilisation de la communauté universitaire

      Il y a donc là une combinaison d’attaques protéiformes, à l’aune des changements politiques, technologiques, économiques et financiers qui modifient en profondeur les modalités du travail. La mise en place de programmes de solidarité à destination de chercheurs en danger (#PAUSE, #bourses_Philipp_Schwartz en Allemagne, #bourses de solidarité à l’Université libre de Bruxelles), l’existence d’organisations visant à documenter les attaques exercées sur des chercheurs #Scholars_at_Risk, #International_Rescue_Fund, #CARA et la création de ce tout nouvel observatoire mondial des libertés académiques évoqué plus haut montrent que la communauté académique a pris conscience du danger. Puissent du fond de sa prison résonner les mots de l’historien Iouri Dmitriev : « Les libertés académiques, jamais, ne deviendront une notion abstraite. »

      https://theconversation.com/la-liberte-academique-aux-prises-avec-de-nouvelles-menaces-171682

    • « #Wokisme » : un « #front_républicain » contre l’éveil aux #injustices

      CHRONIQUE DE LA #BATAILLE_CULTURELLE. L’usage du mot « wokisme » vise à disqualifier son adversaire, mais aussi à entretenir un #déni : l’absence de volonté politique à prendre au sérieux les demandes d’#égalité, de #justice, de respect des #droits_humains.

      Invoqué ad nauseam, le « wokisme » a fait irruption dans un débat public déjà singulièrement dégradé. Il a fait florès à l’ère du buzz et des clashs, rejoignant l’« #islamogauchisme » au registre de ces fameux mots fourre-tout dont la principale fonction est de dénigrer et disqualifier son adversaire, tout en réduisant les maux de la société à quelques syllabes magiques. Sur la scène politique et intellectuelle, le « wokisme » a même réussi là où la menace de l’#extrême_droite a échoué : la formation d’un « front républicain ». Mais pas n’importe quel front républicain…

      Formellement, les racines du « wokisme » renvoient à l’idée d’« #éveil » aux #injustices, aux #inégalités et autres #discriminations subies par les minorités, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses. Comment cet « éveil » a-t-il mué en une sorte d’#injure_publique constitutive d’une #menace existentielle pour la République ?

      Si le terme « woke » est historiquement lié à la lutte des #Afro-Américains pour les #droits_civiques, il se trouve désormais au cœur de mobilisations d’une jeunesse militante animée par les causes féministes et antiracistes. Ces mobilisations traduisent en acte l’#intersectionnalité théorisée par #Kimberlé_Williams_Crenshaw*, mais le recours à certains procédés ou techniques est perçu comme une atteinte à la #liberté_d’expression (avec les appels à la #censure d’une œuvre, à l’annulation d’une exposition ou d’une représentation, au déboulonnage d’une statue, etc.) ou à l’égalité (avec les « réunions non mixtes choisies et temporaires » restreignant l’accès à celles-ci à certaines catégories de personnes partageant un même problème, une même discrimination). Le débat autour de ces pratiques est complexe et légitime. Mais parler en France du développement d’une « cancel culture » qu’elles sont censées symboliser est abusif, tant elles demeurent extrêmement marginales dans les sphères universitaires et artistiques. Leur nombre comme leur diffusion sont inversement proportionnels à leur écho politico-médiatique. D’où provient ce contraste ou décalage ?

      Une rupture du contrat social

      En réalité, au-delà de la critique/condamnation du phénomène « woke », la crispation radicale qu’il suscite dans l’hexagone puise ses racines dans une absence de volonté politique à prendre au sérieux les demandes d’égalité, de justice, de respect des droits humains. Un défaut d’écoute et de volonté qui se nourrit lui-même d’un mécanisme de déni, à savoir un mécanisme de défense face à une réalité insupportable, difficile à assumer intellectuellement et politiquement.

      D’un côté, une série de rapports publics et d’études universitaires** pointent la prégnance des inégalités et des discriminations à l’embauche, au logement, au contrôle policier ou même à l’école. Non seulement les discriminations sapent le sentiment d’appartenance à la communauté nationale, mais la reproduction des inégalités est en partie liée à la reproduction des discriminations.

      De l’autre, le déni et l’#inaction perdurent face à ces problèmes systémiques. Il n’existe pas de véritable politique publique de lutte contre les discriminations à l’échelle nationale. L’État n’a pas engagé de programme spécifique qui ciblerait des axes prioritaires et se déclinerait aux différents niveaux de l’action publique.

      L’appel à l’« éveil » est un appel à la prise de conscience d’une rupture consommée de notre contrat social. La réalité implacable d’inégalités et de discriminations criantes nourrit en effet une #citoyenneté à plusieurs vitesses qui contredit les termes du récit/#pacte_républicain, celui d’une promesse d’égalité et d’#émancipation.

      Que l’objet si mal identifié que représente le « wokisme » soit fustigé par la droite et l’extrême-droite n’a rien de surprenant : la lutte contre les #logiques_de_domination ne fait partie ni de leur corpus idéologique ni de leur agenda programmatique. En revanche, il est plus significatif qu’une large partie de la gauche se détourne des questions de l’égalité et de la #lutte_contre_les_discriminations, pour mieux se mobiliser contre tout ce qui peut apparaître comme une menace contre un « #universalisme_républicain » aussi abstrait que déconnecté des réalités vécues par cette jeunesse française engagée en faveur de ces causes.

      Les polémiques autour du « wokisme » contribuent ainsi à forger cet arc politique et intellectuel qui atteste la convergence, voire la jonction de deux blocs conservateurs, « de droite » et « de gauche », unis dans un même « front républicain », dans un même déni des maux d’une société d’inégaux.

      https://www.nouvelobs.com/idees/20210928.OBS49202/wokisme-un-front-republicain-contre-l-eveil-aux-injustices.html

      #récit_républicain

    • « Le mot “#woke” a été transformé en instrument d’occultation des discriminations raciales »

      Pour le sociologue #Alain_Policar, le « wokisme » désigne désormais péjorativement ceux qui sont engagés dans des courants politiques qui se réclament pourtant de l’approfondissement des principes démocratiques.

      Faut-il rompre avec le principe de « #color_blindness » (« indifférence à la couleur ») au fondement de l’#égalitarisme_libéral ? Ce principe, rappelons-le, accompagne la philosophie individualiste et contractualiste à laquelle adhèrent les #démocraties. Or, en prenant en considération des pratiques par lesquelles des catégories fondées sur des étiquettes « raciales » subsistent dans les sociétés postcolonialistes, on affirme l’existence d’un ordre politico-juridique au sein duquel la « #race » reste un principe de vision et de division du monde social.

      Comme l’écrit #Stéphane_Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, « la République a un problème avec le #corps des individus, elle ne sait que faire de ces #différences_physiques, de ces couleurs multiples, de ces #orientations diverses, parce qu’elle a affirmé que pour traiter chacun et chacune également elle devait être #aveugle » ( Le Monde du 7 avril).

      Dès lors, ignorer cette #réalité, rester indifférent à la #couleur, n’est-ce pas consentir à la perpétuation des injustices ? C’est ce consentement qui s’exprime dans l’opération idéologique d’appropriation d’un mot, « woke », pour le transformer en instrument d’occultation de la réalité des discriminations fondées sur la couleur de peau. Désormais le wokisme désigne péjorativement ceux qui sont engagés dans les luttes antiracistes, féministes, LGBT ou même écologistes. Il ne se caractérise pas par son contenu, mais par sa fonction, à savoir, selon un article récent de l’agrégé de philosophie Valentin Denis sur le site AOC , « stigmatiser des courants politiques souvent incommensurables tout en évitant de se demander ce qu’ils ont à dire . Ces courants politiques, pourtant, ne réclament-ils pas en définitive l’approfondissement des #principes_démocratiques ?

      Une #justice_corrective

      Parmi les moyens de cet approfondissement, l’ affirmative action (« #action_compensatoire »), en tant qu’expression d’une justice corrective fondée sur la #reconnaissance des #torts subis par le passé et, bien souvent, qui restent encore vifs dans le présent, est suspectée de substituer le #multiculturalisme_normatif au #modèle_républicain d’#intégration. Ces mesures correctives seraient, lit-on souvent, une remise en cause radicale du #mérite_individuel. Mais cet argument est extrêmement faible : est-il cohérent d’invoquer la #justice_sociale (dont les antiwokedisent se préoccuper) et, en même temps, de valoriser le #mérite ? L’appréciation de celui-ci n’est-elle pas liée à l’#utilité_sociale accordée à un ensemble de #performances dont la réalisation dépend d’#atouts (en particulier, un milieu familial favorable) distribués de façon moralement arbitraire ? La justice sociale exige, en réalité, que ce qui dépend des circonstances, et non des choix, soit compensé.

      Percevoir et dénoncer les mécanismes qui maintiennent les hiérarchies héritées de l’#ordre_colonial constitue l’étape nécessaire à la reconnaissance du lien entre cet ordre et la persistance d’un #racisme_quotidien. Il est important (même si le concept de « #racisme_systémique », appliqué à nos sociétés contemporaines, est décrit comme une « fable » par certains auteurs, égarés par les passions idéologiques qu’ils dénoncent chez leurs adversaires) d’admettre l’idée que, même si les agents sont dépourvus de #préjugés_racistes, la discrimination fonctionne. En quelque sorte, on peut avoir du #racisme_sans_racistes, comme l’a montré Eduardo Bonilla-Silva dans son livre de 2003, Racism without Racists [Rowman & Littlefield Publishers, non traduit] . Cet auteur avait, en 1997, publié un article canonique sur le #racisme_institutionnel dans lequel il rejetait, en se réclamant du psychiatre et essayiste Frantz Fanon [1925-1961], les approches du racisme « comme une #bizarrerie_mentale, comme une #faille_psychologique » .

      Le reflet de pratiques structurelles

      En fait, les institutions peuvent être racialement oppressives, même sans qu’aucun individu ou aucun groupe ne puisse être tenu pour responsable du tort subi. Cette importante idée avait déjà été exprimée par William E. B. Du Bois dans Pénombre de l’aube. Essai d’autobiographie d’un concept de race (1940, traduit chez Vendémiaire, 2020), ouvrage dans lequel il décrivait le racisme comme un #ordre_structurel, intériorisé par les individus et ne dépendant pas seulement de la mauvaise volonté de quelques-uns. On a pu reprocher à ces analyses d’essentialiser les Blancs, de leur attribuer une sorte de #racisme_ontologique, alors qu’elles mettent au jour les #préjugés produits par l’ignorance ou le déni historique.

      On comprend, par conséquent, qu’il est essentiel de ne pas confondre, d’une part, l’expression des #émotions, de la #colère, du #ressentiment, et, d’autre part, les discriminations, par exemple à l’embauche ou au logement, lesquelles sont le reflet de #pratiques_structurelles concrètes. Le racisme est avant tout un rapport social, un #système_de_domination qui s’exerce sur des groupes racisés par le groupe racisant. Il doit être appréhendé du point de vue de ses effets sur l’ensemble de la société, et non seulement à travers ses expressions les plus violentes.

      #Alexis_de_Tocqueville avait parfaitement décrit cette réalité [dans De la démocratie en Amérique, 1835 et 1840] en évoquant la nécessaire destruction, une fois l’esclavage aboli, de trois préjugés, qu’il disait être « bien plus insaisissables et plus tenaces que lui : le préjugé du maître, le préjugé de race, et enfin le préjugé du Blanc . Et il ajoutait : « J’aperçois l’#esclavage qui recule ; le préjugé qu’il a fait naître est immobile. » Ce #préjugé_de_race était, écrivait-il encore, « plus fort dans les Etats qui ont aboli l’esclavage que dans ceux où il existe encore, et nulle part il ne se montre aussi intolérant que dans les Etats où la servitude a toujours été inconnue . Tocqueville serait-il un militant woke ?

      Note(s) :

      Alain Policar est sociologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Dernier livre paru : « L’Universalisme en procès » (Le Bord de l’eau, 160p., 16 euros)

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/28/alain-policar-le-mot-woke-a-ete-transforme-en-instrument-d-occultation-des-d

      #WEB_Du_Bois

      signalé par @colporteur ici :
      https://seenthis.net/messages/941602

    • L’agitation de la chimère « wokisme » ou l’empêchement du débat

      Wokisme est un néologisme malin : employé comme nom, il suggère l’existence d’un mouvement homogène et cohérent, constitué autour d’une prétendue « idéologie woke ». Ou comment stigmatiser des courants politiques progressistes pour mieux détourner le regard des discriminations que ceux-ci dénoncent. D’un point de vue rhétorique, le terme produit une version totalement caricaturée d’un adversaire fantasmé.

      (#paywall)
      https://aoc.media/opinion/2021/11/25/lagitation-de-la-chimere-wokisme-ou-lempechement-du-debat

    • Europe’s War on Woke

      Why elites across the Atlantic are freaking out about the concept of structural racism.

      On my 32nd birthday, I agreed to appear on Répliques, a popular show on the France Culture radio channel hosted by the illustrious Alain Finkielkraut. Now 72 and a household name in France, Finkielkraut is a public intellectual of the variety that exists only on the Left Bank: a child of 1968 who now wears Loro Piana blazers and rails against “la cancel culture.” The other guest that day—January 9, less than 72 hours after the US Capitol insurrection—was Pascal Bruckner, 72, another well-known French writer who’d just published “The Almost Perfect Culprit: The Construction of the White Scapegoat,” his latest of many essays on this theme. Happy birthday to me.

      The topic of our discussion was the only one that interested the French elite in January 2021: not the raging pandemic but “the Franco-American divide,” the Huntington-esque clash of two apparently great civilizations and their respective social models—one “universalist,” one “communitarian”—on the question of race and identity politics. To Finkielkraut, Bruckner, and the establishment they still represent, American writers like me seek to impose a “woke” agenda on an otherwise harmonious, egalitarian society. Americans who argue for social justice are guilty of “cultural imperialism,” of ideological projection—even of bad faith.

      This has become a refrain not merely in France but across Europe. To be sure, the terms of this social-media-fueled debate are unmistakably American; “woke” and “cancel culture” could emerge from no other context. But in the United States, these terms have a particular valence that mostly has to do with the push for racial equality and against systemic racism. In Europe, what is labeled “woke” is often whatever social movement a particular country’s establishment fears the most. This turns out to be an ideal way of discrediting those movements: To call them “woke” is to call them American, and to call them American is to say they don’t apply to Europe.

      In France, “wokeism” came to the fore in response to a recent slew of terror attacks, most notably the gruesome beheading in October 2020 of the schoolteacher Samuel Paty. After years of similar Islamist attacks—notably the massacre at the offices of the newspaper Charlie Hebdo in January 2015 and the ISIS-inspired assaults on the Hypercacher kosher supermarket and the Bataclan concert hall in November 2015—the reaction in France reached a tipping point. Emmanuel Macron’s government had already launched a campaign against what it calls “Islamist separatism,” but Paty’s killing saw a conversation about understandable trauma degenerate into public hysteria. The government launched a full-scale culture war, fomenting its own American-style psychodrama while purporting to do the opposite. Soon its ministers began railing against “islamo-gauchisme” (Islamo-leftism) in universities, Muslim mothers in hijabs chaperoning school field trips, and halal meats in supermarkets.

      But most of all, they began railing against the ideas that, in their view, somehow augmented and abetted these divisions: American-inspired anti-racism and “wokeness.” Macron said it himself in a speech that was widely praised by the French establishment for its alleged nuance: “We have left the intellectual debate to others, to those outside of the Republic, by ideologizing it, sometimes yielding to other academic traditions…. I see certain social science theories entirely imported from the United States.” In October, the French government inaugurated a think tank, the Laboratoire de la République, designed to combat these “woke” theories, which, according to the think tank’s founder, Jean-Michel Blanquer, Macron’s education minister, “led to the rise of Donald Trump.”

      As the apparent emissaries of this pernicious “Anglo-Saxon” identitarian agenda, US journalists covering this moment in France have come under the spotlight, especially when we ask, for instance, what islamo-gauchisme actually means—if indeed it means anything at all. Macron himself has lashed out at foreign journalists, even sending a letter to the editor of the Financial Times rebutting what he saw as an error-ridden op-ed that took a stance he could not bear. “I will not allow anybody to claim that France, or its government, is fostering racism against Muslims,” he wrote. Hence my own invitation to appear on France Culture, a kind of voir dire before the entire nation.

      Finkielkraut began the segment with a tirade against The New York Times and then began discussing US “campus culture,” mentioning Yale’s Tim Barringer and an art history syllabus that no longer includes as many “dead white males.” Eventually I asked how, three days after January 6, we could discuss the United States without mentioning the violent insurrection that had just taken place at the seat of American democracy. Finkielkraut became agitated. “And for you also, [what about] the fact that in the American Congress, Emanuel Cleaver, representative of Missouri, presiding over a new inauguration ceremony, finished by saying the words ‘amen and a-women’?” he asked. “Ça vous dérangez pas?” I said it didn’t bother me in the least, and he got even more agitated. “I don’t understand what you say, James McAuley, because cancel culture exists! It exists!”

      The man knew what he was talking about: Three days after our conversation, Finkielkraut was dropped from a regular gig at France’s LCI television for defending his old pal Olivier Duhamel of Sciences Po, who was embroiled in a pedophilia scandal that had taken France by storm. Duhamel was accused by his stepdaughter, Camille Kouchener, of raping her twin brother when the two were in their early teens. Finkielkraut speculated that there may have been consent between the two parties, and, in any case, a 14-year-old was “not the same thing” as a child.

      I tell this story because it is a useful encapsulation of France’s—and Europe’s—war on woke, a conflict that has assumed various forms in different national contexts but that still grips the continent. On one level, there is a certain comedy to it: The self-professed classical liberal turns out to be an apologist for child molestation. In fact, the anti-woke comedy is now quite literally being written and directed by actual comedians who, on this one issue, seem incapable of anything but earnestness. John Cleese, 81, the face of Monty Python and a public supporter of Brexit, has announced that he will be directing a forthcoming documentary series on Britain’s Channel 4 titled Cancel Me, which will feature extensive interviews with people who have been “canceled”—although no one connected with the show has specified what exactly the word means.

      Indeed, the terms of this debate are an insult to collective intelligence. But if we must use them, we need to understand an important distinction between what is called “cancel culture” and what is called “woke.” The former has been around much longer and refers to tactics that are used across the political spectrum, but historically by those on the right. “Cancel culture” is not the result of an increased awareness of racial disparities or a greater commitment to social justice broadly conceived—both of which are more urgent than ever—but rather a terrible and inevitable consequence of life with the Internet. Hardly anyone can support “cancel culture” in good faith, and yet it is never sufficiently condemned, because people call out such tactics only when their political opponents use them, never when their allies do. “Woke,” on the other hand, does not necessarily imply public shaming; it merely signifies a shift in perspective and perhaps a change in behavior. Carelessly equating the two is a convenient way to brand social justice activism as inherently illiberal—and to silence long-overdue conversations about race and inequality that far too many otherwise reasonable people find personally threatening.

      But Europe is not America, and in Europe there have been far fewer incidents that could be construed as “cancellations”—again, I feel stupid even using the word—than in the United States. “Wokeism” is really a phenomenon of the Anglosphere, and with the exception of the United Kingdom, the social justice movement has gained far less traction in Europe than it has in US cultural institutions—newspapers, universities, museums, and foundations. In terms of race and identity, many European cultural institutions would have been seen as woefully behind the times by their US counterparts even before the so-called “great awokening.” Yet Europe has gone fully anti-woke, even without much wokeness to fight.

      So much of Europe’s anti-woke movement has focused on opposing and attempting to refute allegations of “institutional” or “structural” racism. Yet despite the 20th-century continental origins of structuralism (especially in France) as a mode of social analysis—not to mention the Francophone writers who have shaped the way American thinkers conceive of race—many European elites dismiss these critiques as unwelcome intrusions into the public discourse that project the preoccupations of a nation built on slavery (and thus understandably obsessed with race) onto societies that are vastly different. Europe, they insist, has a different history, one in which race—especially in the form of the simple binary opposition of Black and white—plays a less central role. There is, of course, some truth to this rejoinder: Different countries do indeed have different histories and different debates. But when Europeans accuse their American critics of projection, they do so not to point out the very real divergences in the US and European discussions and even conceptions of race and racism. Rather, the charge is typically meant to stifle the discussion altogether—even when that discussion is being led by European citizens describing their own lived experiences.

      France, where I reside, proudly sees itself as a “universalist” republic of equal citizens that officially recognizes no differences among them. Indeed, since 1978, it has been illegal to collect statistics on race, ethnicity, or religion—a policy that is largely a response to what happened during the Second World War, when authorities singled out Jewish citizens to be deported to Nazi concentration camps. The French view is that such categories should play no role in public life, that the only community that counts is the national community. To be anti-woke, then, is to be seen as a discerning thinker, one who can rise above crude, reductive identity categories.

      The reality of daily life in France is anything but universalist. The French state does indeed make racial distinctions among citizens, particularly in the realm of policing. The prevalence of police identity checks in France, which stem from a 1993 law intended to curb illegal immigration, is a perennial source of controversy. They disproportionately target Black and Arab men, which is one reason the killing of George Floyd resonated so strongly here. Last summer I spoke to Jacques Toubon, a former conservative politician who was then serving as the French government’s civil liberties ombudsman (he is now retired). Toubon was honest in his assessment: “Our thesis, our values, our rules—constitutional, etc.—they are universalist,” he said. “They do not recognize difference. But there is a tension between this and the reality.”

      One of the most jarring examples of this tension came in November 2020, when Sarah El Haïry, Macron’s youth minister, traveled to Poitiers to discuss the question of religion in society at a local high school. By and large, the students—many of whom were people of color—asked very thoughtful questions. One of them, Emilie, 16, said that she didn’t see the recognition of religious or ethnic differences as divisive. “Just because you are a Christian or a Muslim does not represent a threat to society,” she said. “For me, diversity is an opportunity.” These and similar remarks did not sit well with El Haïry, who nonetheless kept her cool until another student asked about police brutality. At that point, El Haïry got up from her chair and interrupted the student. “You have to love the police, because they are there to protect us on a daily basis,” she said. “They cannot be racist because they are republican!”

      For El Haïry, to question such assumptions would be to question something foundational and profound about the way France understands itself. The problem is that more and more French citizens are doing just that, especially young people like the students in Poitiers, and the government seems utterly incapable of responding.

      Although there is no official data to this effect—again, because of universalist ideology—France is estimated to be the most ethnically diverse society in Western Europe. It is home to large North African, West African, Southeast Asian, and Caribbean populations, and it has the largest Muslim and Jewish communities on the continent. By any objective measure, that makes France a multicultural society—but this reality apparently cannot be admitted or understood.

      Macron, who has done far more than any previous French president to recognize the lived experiences and historical traumas of various minority groups, seems to be aware of this blind spot, but he stops short of acknowledging it. Earlier this year, I attended a roundtable discussion with Macron and a small group of other Anglophone correspondents. One thing he said during that interview has stuck with me: “Universalism is not, in my eyes, a doctrine of assimilation—not at all. It is not the negation of differences…. I believe in plurality in universalism, but that is to say, whatever our differences, our citizenship makes us build a universal together.” This is simply the definition of a multicultural society, an outline of the Anglo-Saxon social model otherwise so despised in France.

      Europe’s reaction to the brutal killing of George Floyd in may 2020 was fascinating to observe. The initial shock at the terrifyingly mundane horrors of US life quickly gave way to protest movements that decried police brutality and the unaddressed legacy of Europe’s colonial past. This was when the question of structural racism entered the conversation. In Britain, Prime Minister Boris Johnson responded to the massive protests throughout the country by establishing the Commission on Race and Ethnic Disparities, an independent group charged with investigating the reality of discrimination and coming up with proposals for rectifying racial disparities in public institutions. The commission’s report, published in April 2021, heralded Britain as “a model for other White-majority countries” on racial issues and devoted three pages to the problems with the language of “structural racism.”

      One big problem with this language, the report implied, is that “structural racism” is a feeling, and feelings are not facts. “References to ‘systemic’, ‘institutional’ or ‘structural racism’ may relate to specific processes which can be identified, but they can also relate to the feeling described by many ethnic minorities of ‘not belonging,’” the report said. “There is certainly a class of actions, behaviours and incidents at the organisational level which cause ethnic minorities to lack a sense of belonging. This is often informally expressed as feeling ‘othered.’” But even that modest concession was immediately qualified. “However, as with hate incidents, this can have a highly subjective dimension for those tasked with investigating the claim.” Finally, the report concluded, the terms in question were inherently extreme. “Terms like ‘structural racism’ have roots in a critique of capitalism, which states that racism is inextricably linked to capitalism. So by that definition, until that system is abolished racism will flourish.”

      The effect of these language games is simply to limit the terms available to describe a phenomenon that indeed exists. Because structural racism is not some progressive shibboleth: It kills people, which need not be controversial or even political to admit. For one recent example in the UK, look no further than Covid-19 deaths. The nation’s Office for National Statistics concluded that Black citizens were more than four times as likely to die of Covid as white citizens, while British citizens of Bangladeshi and Pakistani heritage were more than three times as likely to die. These disparities were present even among health workers directly employed by the state: Of the National Health Service clinical staff who succumbed to the virus, a staggering 60 percent were “BAME”—Black, Asian, or minority ethnic, a term that the government’s report deemed “no longer helpful” and “demeaning.” Beyond Covid-19, reports show that Black British women are more than four times as likely to die in pregnancy or childbirth as their white counterparts; British women of an Asian ethnic background die at twice the rate of white women.

      In the countries of Europe as in the United States, the battle over “woke” ideas is also a battle over each nation’s history—how it is written, how it is taught, how it is understood.

      Perhaps nowhere is this more acutely felt than in Britain, where the inescapable legacy of empire has become the center of an increasingly acrimonious public debate. Of particular note has been the furor over how to think about Winston Churchill, who remains something of a national avatar. In September, the Winston Churchill Memorial Trust renamed itself the Churchill Fellowship, removed certain pictures of the former prime minister from its website, and seemed to distance itself from its namesake. “Many of his views on race are widely seen as unacceptable today, a view that we share,” the Churchill Fellowship declared. This followed the November 2020 decision by Britain’s beloved National Trust, which operates an extensive network of stately homes throughout the country, to demarcate about 100 properties with explicit ties to slavery and colonialism.

      These moves elicited the ire of many conservatives, including the prime minister. “We need to focus on addressing the present and not attempt to rewrite the past and get sucked into the never-ending debate about which well-known historical figures are sufficiently pure or politically correct to remain in public view,” Johnson’s spokesman said in response to the Churchill brouhaha. But for Hilary McGrady, the head of the National Trust, “the genie is out of the bottle in terms of people wanting to understand where wealth came from,” she told London’s Evening Standard. McGrady justified the trust’s decision by saying that as public sensibilities change, so too must institutions. “One thing that possibly has changed is there may be things people find offensive, and we have to be sensitive about that.”

      A fierce countermovement to these institutional changes has already emerged. In the words of David Abulafia, 71, an acclaimed historian of the Mediterranean at Cambridge University and one of the principal architects of this countermovement, “We can never surrender to the woke witch hunt against our island story.”

      This was the actual title of an op-ed by Abulafia that the Daily Mail published in early September, which attacked “today’s woke zealots” who “exploit history as an instrument of propaganda—and as a means of bullying the rest of us.” The piece also announced the History Reclaimed initiative, of which Abulafia is a cofounder: a new online platform run by a board of frustrated British historians who seek to “provide context, explanation and balance in a debate in which condemnation is too often preferred to understanding.” As a historian myself, I should say that I greatly admire Abulafia’s work, particularly its wide-ranging synthesis and its literary quality, neither of which is easy to achieve and both of which have been models for me in my own work. Which is why I was surprised to find a piece by him in the Daily Mail, a right-wing tabloid not exactly known for academic rigor. When I spoke with Abulafia about it, he seemed a little embarrassed. “It’s basically an interview that they turn into text and then send back to you,” he told me. “Some of the sentences have been generated by the Daily Mail.”

      As in the United States, the UK’s Black Lives Matter protests led to the toppling of statues, including the one in downtown Bristol of Edward Colston, a 17th-century merchant whose wealth derived in part from his active involvement in the slave trade. Abulafia told me he prefers a “retain and explain” approach, which means keeping such statues in place but adding context to them when necessary. I asked him about the public presentation of statues and whether by their very prominence they command an implicit honor and respect. He seemed unconvinced. “You look at statues and you’re not particularly aware of what they show,” he said.

      “What do you do about Simon de Montfort?” Abulafia continued. “He is commemorated at Parliament, and he did manage to rein in the power of monarchy. But he was also responsible for some horrific pogroms against the Jews. Everyone has a different perspective on these people. It seems to me that what we have to say is that human beings are complex; we often have contradictory ideas, mishmash that goes in any number of different directions. Churchill defeated the Nazis, but lower down the page one might mention that he held views on race that are not our own. Maintaining that sense of proportion is important.”

      All of these are reasonable points, but what I still don’t understand is why history as it was understood by a previous generation must be the history understood by future generations. Statues are not history; they are interpretations of history created at a certain moment in time. Historians rebuke previous interpretations of the past on the page all the time; we rewrite accounts of well-known events according to our own contemporary perspectives and biases. What is so sacred about a statue?

      I asked Abulafia why all of this felt so personal to him, because it doesn’t feel that way to me. He replied, “I think there’s an element of this: There is a feeling that younger scholars might be disadvantaged if they don’t support particular views of the past. I can think of examples of younger scholars who’ve been very careful on this issue, who are not really taking sides on that issue.” But I am exactly such a younger scholar, and no one has ever forced me to uphold a certain opinion, either at Harvard or at Oxford. For Abulafia, however, this is a terrifying moment. “One of the things that really worries me about this whole business is the lack of opportunities for debate.”

      Whatever one thinks of “woke” purity tests, it cannot be argued in good faith that the loudest European voices on the anti-woke side of the argument are really interested in “debate.” In France especially, the anti-woke moment has become particularly toxic because its culture warriors—on both the right and the left—have succeeded in associating “le wokeisme” with defenses of Islamist terrorism. Without question, France has faced the brunt of terrorist violence in Europe in recent years: Since 2015, more than 260 people have been killed in a series of attacks, shaking the confidence of all of us who live here. The worst year was 2015, flanked as it was by the Charlie Hebdo and Bataclan concert hall attacks. But something changed after Paty’s brutal murder in 2020. After a long, miserable year of Covid lockdowns, the French elite—politicians and press alike—began looking for something to blame. And so “wokeness” was denounced as an apology for terrorist violence; in the view of the French establishment, to emphasize identity politics was to sow the social fractures that led to Paty’s beheading. “Wokeness” became complicit in the crime, while freedom of expression was reserved for supporters of the French establishment.

      The irony is fairly clear: Those who purported to detest American psychodramas about race and social justice had to rely on—and, in fact, to import—the tools of an American culture war to battle what they felt threatened by in their own country. In the case of Paty’s murder and its aftermath, there was another glaring irony, this time about the values so allegedly dear to the anti-woke contingent. The middle school teacher, who was targeted by a Chechen asylum seeker because he had shown cartoons of the prophet Muhammad as part of a civics lesson about free speech, was immediately lionized as an avatar for the freedom of expression, which the French government quite rightly championed as a value it would always protect. “I will always defend in my country the freedom to speak, to write, to think, to draw,” Macron told Al Jazeera shortly after Paty’s killing. This would have been reassuring had it not been completely disingenuous: Shortly thereafter, Macron presided over a crackdown on “islamo-gauchisme” in French universities, a term his ministers used with an entirely straight face. If there is a single paradox that describes French cultural life in 2021, it is this: “Islamophobia” is a word one is supposed to avoid, but “Islamo-leftism” is a phenomenon one is expected to condemn.

      Hundreds of academics—including at the Centre National de la Recherche Scientifique, France’s most prestigious research body—attacked the government’s crusade against an undefined set of ideas that were somehow complicit in the Islamist terror attacks that had rocked the country. Newspapers like Le Monde came out against the targeting of “islamo-gauchisme,” and there were weeks of tedious newspaper polemics about whether the term harks back to the “Judeo-Bolshevism” of the 1930s (of course it does) or whether it describes a real phenomenon. In any case, the Macron government backtracked in the face of prolonged ridicule. But the trauma of the terror attacks and the emotional hysteria they unleashed will linger: France has also reconfigured its commitment to laïcité, the secularism that the French treat as an unknowable philosophical ideal but that is actually just the freedom to believe or not to believe as each citizen sees fit. Laïcité has become a weapon in the culture war, instrumentalized in the fight against an enemy that the French government assures its critics is radical Islamism but increasingly looks like ordinary Islam.

      The issue of the veil is infamously one of the most polarizing and violent in French public debate. The dominant French view is a function of universalist ideology, which holds that the veil is a symbol of religious oppression; it cannot be worn by choice. A law passed in 2004 prohibits the veil from being worn in high schools, and a separate 2010 law bans the face-covering niqab from being worn anywhere in public, on the grounds that “in free and democratic societies…o exchange between people, no social life is possible, in public space, without reciprocity of look and visibility: people meet and establish relationships with their faces uncovered.” (Needless to say, this republican value was more than slightly complicated by the imposition of a mask mandate during the 2020 pandemic.)

      In any case, when Muslim women wear the veil in public, which is their legal right and in no way a violation of laïcité, they come under attack. In 2019, for instance, then–Health Minister Agnès Buzyn—who is now being investigated for mismanaging the early days of the pandemic—decried the marketing of a runner’s hijab by the French sportswear brand Decathlon, because of the “communitarian” threat it apparently posed to universalism. “I would have preferred a French brand not to promote the veil,” Buzyn said. Likewise, Jean-Michel Blanquer, France’s education minister, conceded that although it was technically legal for mothers to wear head scarves, he wanted to avoid allowing them to chaperone school trips “as much as possible.”

      Nicolas Cadène, the former head of France’s national Observatory of Secularism—a laïcité watchdog, in other words—was constantly criticized by members of the French government for being too “soft” on Muslim communal organizations, with whose leaders he regularly met. Earlier this year, the observatory that Cadène ran was overhauled and replaced with a new commission that took a harder line. He remarked to me, “You have political elites and intellectuals who belong to a closed society—it’s very homogeneous—and who are not well-informed about the reality of society. These are people who in their daily lives are not in contact with those who come from diverse backgrounds. There is a lack of diversity in that elite. France is not the white man—there is a false vision [among] our elites about what France is—but they are afraid of this diversity. They see it as a threat to their reality.”

      As in the United States, there is a certain pathos in the European war on woke, especially in the battalion of crusaders who belong to Cleese and Finkielkraut’s generation. For them, “wokeism” —a term that has no clear meaning and that each would probably define differently—is a personal affront. They see the debate as being somehow about them. The British politician Enoch Powell famously said that all political lives end in failure. A corollary might be that all cultural careers end in irrelevance, a reality that so many of these characters refuse to accept, but that eventually comes for us all—if we are lucky. For many on both sides of the Atlantic, being aggressively anti-woke is a last-ditch attempt at mattering, which is the genuinely pathetic part. But it is difficult to feel pity for those in that camp, because their reflex is, inescapably, an outgrowth of entitlement: To resent new voices taking over is to believe that you always deserve a microphone. The truth is that no one does.

      https://www.thenation.com/article/world/woke-europe-structural-racism

  • Un masque québécois testé, approuvé, louangé… mais bloqué | La Presse
    https://www.lapresse.ca/covid-19/2021-01-11/un-masque-quebecois-teste-approuve-louange-mais-bloque.php

    Au moment où l’équipement de protection médicale est rationné dans des hôpitaux débordés en raison de la COVID-19, la CNESST bloque l’utilisation d’un masque québécois… dont l’achat avait pourtant été recommandé aux hôpitaux par Québec.

    Les masques N99 de Dorma Filtration sont plus efficaces que les fameux N95 achetés aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Ils sont plus confortables. Ils coûtent moins cher, car ils sont stérilisables et réutilisables. Et ils sont entièrement conçus et fabriqués au Québec.

    Le masque a passé tous les tests et reçu l’approbation de Santé Canada. L’enthousiasme était tel que le ministère de l’Économie a donné une subvention pour démarrer la production. Une firme du Saguenay, Sefar BDH, a fourni le filtre, et une usine de fabrication de pièces d’automobiles de Sherbrooke, MI Intégration, a mis sur pied une chaîne de montage avec 40 employés.
    Les commandes ont démarré en lion…

    Mais voilà qu’un fonctionnaire de la CNESST, qui veille à la santé et sécurité du travail, a trouvé un problème. Un règlement stipule que tout appareil de protection respiratoire (APR) doit être approuvé par l’Institut national de la santé des États-Unis, le NIH. Le NIH délivre en effet des certifications (NIOSH). Pas de NIOSH, pas d’autorisation au Québec.

    Sauf que pendant la pandémie, les laboratoires du NIH étaient fermés aux produits étrangers, et ils viennent à peine de rouvrir. Il faudra « au moins trois mois » avant d’obtenir cette certification américaine.
    C’est justement pour cette raison, et pour faire face à la pénurie, qu’Ottawa avait émis un décret le 18 mars, au tout début de la pandémie. Ainsi, on pourrait certifier le matériel ici et, si possible, le produire au Canada, plutôt que de dépendre d’arrivages étrangers au double ou au triple du prix… quand on les obtient.

    Mais apparemment, la CNESST estime que le règlement… c’est le règlement.
    « Le gouvernement nous a laissés tomber, dit le Dr René Caissie, concepteur du masque. Le chirurgien maxillo-facial a laissé sa pratique de côté pour se consacrer entièrement à ce projet. J’ai écrit plusieurs fois à son sujet. Il a commencé par inventer un masque artisanal, puis a participé à d’autres projets avant de concevoir ce masque en résine moulée, au bout duquel on installe un filtre en papier.

  • Antisémitisme : les petits arrangements de Yann Moix avec la vérité à « ONPC »
    https://www.lexpress.fr/culture/livre/antisemitisme-les-petits-arrangements-avec-la-verite-de-yann-moix-a-onpc_20

    Yann Moix s’est expliqué samedi soir sur le plateau de Laurent Ruquier. On attendait un mea culpa sincère, on a eu droit à des éléments de langage. Décryptage.

    Yann Moix a décidément du mal avec les mea-culpa. À la suite des révélations de L’Express https://web.archive.org/web/20190826152559/https://www.lexpress.fr/culture/quand-yann-moix-publiait-dans-un-journal-antisemite_2095721.html, il lui avait déjà fallu s’y reprendre à deux fois avant d’avouer qu’il était bien l’auteur non seulement des dessins, mais aussi des textes publiés dans un petit magazine étudiant à tendance #négationniste. Hier soir, sur le plateau de #Laurent_Ruquier, le romancier a de nouveau présenté ses excuses pour ces errements de jeunesse. Mais interviewé par #Adèle_Van_Reeth et #Franz-Oliver_Giesbert, qui n’avaient pas la moindre idée de ce que contenaient les trois numéros d’Ushoahia, #Yann_Moix a de nouveau eu tendance à minimiser sa participation à coups de petits arrangements avec la vérité.

    Par ailleurs, Le Monde avait révélé hier https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/31/ces-heures-ou-yann-moix-a-tente-de-rester-frequentable_5504880_3224.html avant l’émission que Moix était le salarié de la maison de production #Tout_sur_l'écran, productrice d’On n’est pas couché. C’est en effet cette même société qui produit Chez Moix, l’émission présentée sur #Paris-Première par le romancier. Un étrange mélange des genres sur le Service Public. Retour sur un mea-culpa incomplet.

    "Je demande pardon pour ces bandes dessinées"

    Yann Moix connait trop bien le sens des mots pour les employer au hasard, surtout au coeur d’une polémique aussi explosive. Il a asséné pendant plus d’une heure un « élément de langage » forgé à l’avance : « Je faisais des bandes dessinées #antisémites. » Nous avons compté : Yann Moix a martelé dix-neuf fois l’expression « bande dessinée » durant l’émission, sans jamais avoir été repris une seule fois par ses interviewers ! Or, en demandant le pardon pour ces « bandes dessinées », le romancier renvoie à un mode d’expression qui évoque inconsciemment l’enfance et suscite donc l’indulgence.

    Vérification faite, sur la centaine de pages que forment au total les trois numéros d’Ushoahia, on ne trouve aucune bande dessinée de sa main dans le numéro 1 (le plus négationniste), trois pages seulement dans le numéro 2 et deux pages dans le troisième numéro. Soit donc seulement cinq pages sur... cent ! À noter que ces rares bandes dessinées visent le plus souvent à ridiculiser #Bernard-Henri_Lévy, parfois sur le mode scatologique, parfois pour se demander comment « le distinguer de Jean-Jacques Goldman ».

    Dans l’absolution que #BHL accorde ce matin à Moix, le philosophe reprend symptomatiquement le même élément de langage, n’évoquant que « ces fameuses BD ».


    Case d’une des rares bandes dessinées de Yann Moix publiée dans Ushoahia.

    En revanche, dans ces numéros, on trouve de très nombreuses caricatures de la main de Moix, très souvent antisémites. Le romancier, qui rêvait de publier dans Hara-Kiri, sait que caricature et bande dessinée sont loin d’être synonymes. Tout particulièrement quand le sujet en est l’ #antisémitisme, comme le rappelle le spécialiste Didier Pasamonik ce matin https://www.actuabd.com/TRIBUNE-LIBRE-A-DIDIER-PASAMONIK-A-propos-des-bandes-dessinees-de-Yann-Moix

    Mais surtout, en demandant pardon pour ses « bandes dessinées », Yann Moix occulte à nouveau l’essentiel : il était bel et bien l’auteur de nombreux textes d’Ushoahia. Après l’avoir tout d’abord farouchement nié dans son entretien à L’Express, il avait été contraint de le reconnaître vingt-quatre heures plus tard dans Libération, lorsque L’Express avait retrouvé https://www.lexpress.fr/actualite/societe/negationnisme-le-mensonge-de-yann-moix_2095809.html l’un de ses manuscrits signés de sa main contenant nombre des textes antisémites publiés dans Ushoahia.

    Or, en plus d’une heure passée dans le fauteuil de l’émission de Laurent Ruquier, Yann Moix n’a pas une seule fois évoqué ou assumé ces textes. Que cache ce déni ?

    "J’avais 20 ans"

    Quel âge avait vraiment Yann Moix au moment où il publiait ces textes et dessins ? La maturité n’est pas la même à 18 ans, à 20 ans ou à 22 ans. Dans Le Monde, son éditeur Olivier Nora évoque un « fanzine lycéen ». Sur le plateau d’ONPC, Moix parle de l’année 1988. Précisons donc que certains numéros d’Ushoahia sont parus dans les premiers mois de 1990 (l’un d’entre eux évoque longuement la mort du dictateur roumain Nicolae Ceaucescu survenue le 25 décembre 1989). Yann Moix, né le 31 mars 1968, s’apprêtait donc à fêter ses vingt-deux ans. Il avait quitté le lycée trois ans plus tôt, avait passé deux ans en classes préparatoires et étudiait dans une grande école, l’ESC Reims.

    Dans Orléans, il ne cesse d’ailleurs de rappeler combien il était précoce intellectuellement, s’amusant même du fait qu’il était sans doute le plus jeune abonné du Bulletin des amis d’André Gide de l’Histoire (il était alors en quatrième). Il raconte aussi comment il dévorait les oeuvres de Francis Ponge, Charles Péguy, Sartre, Céline, Baudelaire, Gombrowicz... D’ailleurs, le « style » des textes d’Ushoahia, aussi odieux soit-il, fait preuve d’une virtuosité certaine.

    "Je m’en prenais aussi aux myopathes, aux handicapés, aux Éthiopiens"

    Yann Moix sous-entend donc que les Juifs ne seraient qu’une cible parmi d’autres dans ses écrits de jeunesse et qu’il « faisait feu de tout bois ». Les myopathes ? Les handicapés ? Pas une ligne sur eux dans les trois numéros d’Ushoahia. En revanche, la couverture du numéro 2 est bien consacrée à la famine en #Éthiopie. Voici les premières lignes de l’article consacré au sujet : « Après les six millions de #Juifs soi-disant morts dans les camps en carton pâte que la Metro Goldwyn Meyer a fait construire un peu partout en Europe pour le compte (en banque) de quelques Juifs avides de pognon, on réinvente l’actualité pour renflouer les caisses de quelques dictateurs nègres dont le roseau de 30 cm ne suffit plus à aguicher les putains d’Adis-Abeba. » Et un peu plus loin : « En fait, ces #nègres maigres n’existent pas. Ce ne sont que les négatifs des photos truquées par les Juifs sur les prétendus camps de la mort. »

    Texte paru dans le numéro 2 d’Ushoahia.

    Le numéro 3 d’Ushoahia est lui consacré à l’abbé Pierre. Là encore, voici les toutes premières lignes de l’article : « Il est petit, épais comme un #Juif version #Buchenwald, porte des binocles pour mieux voir le fric (...) et une barbe de père Noël pouilleux qui serait resté trop longtemps à distribuer des cadeaux aux pensionnaires d’ #Auschwitz. Faut dire, vu le nombre de cheminées qu’il y avait là-haut, il devait y avoir du pain (grillé) sur ces planches qui ont servi à casser du Youpe, etc. » Le texte est signé « #Auschwitz-Man ».

    Extrait du numéro 3 d’Ushoahia.

    Bref, les #Éthiopiens et l’abbé Pierre ne sont une nouvelle fois que prétexte à développer une obsession antisémite et négationniste. Dans le numéro 3, même la pauvre peluche Casimir -pour laquelle Moix a toujours eu un faible, au point de la mettre en scène longuement dans son premier roman, Jubilations vers le ciel- porte un brassard à #croix_gammée.

    On comprend mieux pourquoi Yann Moix n’a pas souhaité s’appesantir sur les textes.

    "Ces révélations sont téléguidées par l’extrême-droite"

    Discréditer le supposé émetteur d’une information est une technique vieille comme le monde. Dans son interview à L’Express, en début de semaine, Yann Moix accusait son frère d’être la « balance ». À On n’est pas couché, changement de stratégie, c’est l’ « extrême-droite ». Deux anciennes amitiés de Moix avec des personnages sulfureux ont d’ailleurs été évoquées sur le plateau de Laurent Ruquier.

    Premier nom : #Marc-Edouard_Nabe, écrivain dont Moix fut très admiratif à ses débuts et dont il fut proche un temps, avant de se brouiller avec lui. Depuis, les deux hommes sont à couteaux tirés. Nabe est le premier à avoir cité le titre Ushoahia, en 2017, dans son livre Les Porcs 1, mais il n’a jamais eu entre les mains ces publications. Sinon, lui qui publie régulièrement sur son site « Nabe News » des documents révélant les parts d’ombre de ses ennemis, se serait évidemment fait un malin plaisir de rendre public un florilège des oeuvres de jeunesse compromettantes de Moix, étrillé à longueur de pages dans Les Porcs 1.

    Couverture du premier numéro d’Ushoahia dessinée par Yann Moix.

    L’autre ami évoqué à ONPC s’appelle #Paul-Éric_Blanrue. Auteur d’un documentaire avec le négationniste #Robert_Faurisson, il fut très proche de Moix dans les années 2000. Ce dernier lui donna même en 2007 une préface (sans ambiguïtés) à une anthologie de textes antisémites d’auteurs célèbres. Pour l’anecdote, #Blanrue fait une petite apparition - en sosie d’Elvis Presley - dans le film Podium de Yann Moix. Aujourd’hui, les deux ex-complices sont en froid. Mais si Blanrue avait entendu parler lui-aussi d’Ushoahia, il n’en détenait aucun exemplaire. Il nous l’avait confirmé, lorsque nous l’avions interrogé avant notre premier article sur le sujet. Il nous avait même envoyé trois mails, demandant si nous ne pouvions pas lui envoyer en primeur une capture d’écran de l’une des couvertures (ce que nous n’avons évidemment pas fait).

    Yann Moix le sait donc bien. Si l’ « #extrême-droite » avait eu la possibilité de faire « fuiter » ses dessins et écrits de jeunesse, elle l’aurait fait depuis longtemps. Alors pourquoi l’accuser ? Ne peut-il imaginer que certaines personnes aient tout simplement été horrifiées par ce qu’elles ont découvert dans les publications antisémites et négationnistes dont il était l’auteur et le dessinateur ?

    #Shoah #Racisme #Raciste

    • Par ailleurs, Le Monde avait révélé hier avant l’émission que Moix était le salarié de la maison de production Tout sur l’écran, productrice d’On n’est pas couché. C’est en effet cette même société qui produit Chez Moix, l’émission présentée sur Paris-Première par le romancier. Un étrange mélange des genres sur le Service Public. Retour sur un mea-culpa incomplet.

  • Texte d’#Achille_Mbembe à l’occasion de l’#occupation du #Panthéon, 12 juillet 2019

    « Tout se passe comme si chaque fois que l’on ouvre les yeux, il y a des personnes humaines d’origine africaine quelque part dans notre monde en train d’être brutalises par une autorité ou une autre.

    Ailleurs, loin de chez eux, hors d’Afrique.

    Mais en Afrique aussi, entre les mains des leurs - des coups, surtout des coups, la brutalité avec laquelle tout #corps de nègre (simple gisement musculaire) est traité !

    Et cela fait très longtemps que ça dure.

    Ça dure depuis tant de temps que cela n’étonne plus personne.

    Les #Nègres, on s’attend a ce qu’ils soient brutalisés, et c’est le contraire qui est anormal.

    Il y a quelques semaines, un camp de prisonniers (car c’est de cela qu’il s’agit) en majorité africains a été littéralement bombardé en Libye. Plusieurs dizaines d’entre eux ont été tues.

    D’autres périssent presque chaque semaine, noyés dans les eaux de la Méditerranée.

    On ne compte plus ceux dont les sables du Sahara recouvrent de leur linceul les dépouilles.

    Pas un seul mot de nos Chefs d’Etat.

    Pas un seul mot des représentants des peuples africains. Pas un seul mot des organisations continentales, encore moins de nos intellectuels, artistes, footballeurs, hommes et femmes d’Église ou entrepreneurs.

    Après deux jours, la nouvelle a disparu des grands médias occidentaux. Et tout a recommence comme si rien n’avait jamais eu lieu. De telles vies comptent-elles seulement ?

    La Libye est un pays où existent des marches d’#esclaves africains en plein XXIe siècle. Tout le monde le sait.

    Elle est un pays ravagé par le #racisme_anti-nègre qui menace de plus en plus la plupart des États maghrébins. Tout le monde le sait.

    Tout le monde le sait par ailleurs, certaines puissances européennes revendiquant le statut d’"amies des Africains" procurent des #armes sophistiquées a l’une ou l’autre des milices qui se disputent le pouvoir a Tripoli.

    L’Europe, qui a joue un role determinant dans la destruction de la #Libye, leur procure d’énormes sommes d’argent.

    L’objectif est d’empêcher la migration des Nègres en Europe. Pour ce faire, il faut transformer l’Afrique en un immense #Bantoustan.

    En réalité, il s’agit de subsides a la #chasse de captifs nègres que l’on entasse dans des prisons qui ne disent pas leur nom, et que l’on revend a l’encan sur les marchés locaux. Un commerce ignominieux est en cours dont les corps d’ébène servent une fois de plus de monnaie.

    Ceci, l’Europe prétend ne pas le voir, tout comme elle s’échine à rendre invisible la saignée en cours en #Méditerranéenne.

    Au sujet de ce scandale, nos Chefs d’Etat n’ont aucun mot a dire. Nos intellectuels, nos artistes, nos footballeurs, nos hommes et femmes d’Église et nos entrepreneurs non plus.

    Hier, le Président Emmanuel #Macron a réuni a l’Élysée des individus choisis au hasard par son gouvernement. Ces individus de son choix sont supposes représenter "la #diaspora_africaine" en #France. Le Président Macron, nous dit-on, est un grand intellectuel. Il serait un disciple de Paul Ricoeur et aurait suivi des séminaires avec Etienne Balibar.

    Mais quand il s’agit de l’#Afrique, il évite soigneusement de discuter avec des intellectuels africains critiques. Ils risquent de le démaquiller, de lui poser toutes les questions qui gênent, de lui opposer des arguments sérieux auxquels il n’a aucune réponse plausible. Ils risquent de remettre publiquement en cause les trois piliers de la politique française - le #militarisme, le #mercantilisme et le #paternalisme mâtiné, comme toujours, de #racisme.

    Et, naturellement, le soutien sans condition a des régimes corrompus qui militent activement contre les intérêts bien compris du Continent.

    Le President Macron leur préfére des gens choisis par ses diverses cellules de communication et autres conseils présidentiels - de pauvres étudiants d’une pauvre université qui ne savent pas comment formuler des questions pertinentes et qu’il se fait fort de ridiculiser ; des quidam qui n’ont étudié aucun dossier en profondeur et se contentent de généralités ; des Nègres de pacotille assoiffés de vanité et en quête de selfies, hilares et bon enfant, trop heureux de servir le Maitre lorsqu’il ne s’agit pas d’opportunistes peu scrupuleux en quête de prébendes.

    Tout heureux de se retrouver sous les lambris, hier ils lui ont en effet servi la soupe et ont soigneusement évité de traiter des vrais dilemmes - ceux qui font des rapports entre la France et l"Afrique le paradigme même du scandale néocolonial.

    Bal des cyniques, en vérité, et des deux côtés !

    Ce soir, cette comédie s’est révélée être ce qu’elle a toujours été.

    Des centaines d’Africains #sans-papiers ont occupe le Pantheon pour exposer aux yeux du monde le traitement qu’ils subissent en France.

    La réponse ne s’est pas fait attendre. Ils ont été "évacués" sans ménagement, à la manière exacte dont ils sont traités dans leurs pays respectifs par leurs propres gouvernements.

    Quant prendra fin ce scandale ? Quand apprendrons-nous a gagner de nouveau ? Quand est-ce que les vies nègres compteront enfin ?

    Tant que l’Afrique ne deviendra pas son centre propre, tant qu’elle ne se reconstituera pas en tant que vaste espace de circulation, tant qu’aucun Africain ne sera traité comme étranger en Afrique même, la #brutalisation des corps nègres se poursuivra.

    Pour le reste, le salut ne viendra pas de la France. Il n’y a strictement rien a attendre d’elle que nous ne puissions nous offrir a nous-mêmes. Le salut ne viendra pas non plus des diasporas. Il viendra d’abord de l’Afrique elle-même.

    Il faut donc réapprendre a faire corps et reprendre la #lutte. Il faut l’intensifier là où elle est déjà en cours. Il faut puiser dans la #mémoire, la #créativité et les énergies souterraines de nos peuples pour aller de l’avant.

    Nul ne nous libérera à notre place ou malgré nous. Les vies des nôtres disperses dans les quatre coins du monde ne compteront véritablement que le jour ou l’Afrique sera #debout sur ses propres jambes.

    Et c’est a travailler à reconquérir cette initiative historique que nous sommes appelés. Tout le reste n’est que diversion. »

    https://www.facebook.com/gildas.ledem/posts/10157313594073610?__tn__=H-R

    Texte signalé par @isskein

    #Mbembe #France #Paris #migrations #résistance #néo-colonialisme #néocolonialisme #Afrique

  • L’œuvre négative du colonialisme français aux Antilles : la production et la reproduction d’une pigmentocratie Saïd Bouamama - 15 Juin 2018 - wordpress.com
    https://bouamamas.wordpress.com/2018/06/15/loeuvre-negative-du-colonialisme-francais-aux-antilles-la-produ

    La Guadeloupe et la Martinique sont célébrées dans le discours dominant comme le symbole du métissage réussi. L’angle mort de ce discours est celui de la reproduction de ce que Raphaël Confiant nomme la « pigmentocratie[i] » qui structure le système social des Antilles dites « françaises » de l’époque esclavagiste et coloniale jusqu’à aujourd’hui. Ce système social reste en effet caractérisé, rappelle le chercheur canadien Adrien Guyot, par « une hiérarchisation sociale basée sur les notions de race et de couleur, amenant par là même la création de néologismes comme « éthnoclasse » pour faire référence aux classes sociales dont le principal critère d’appartenance est l’ethnie[ii] ». Sur le plan économique la structure des Antilles dites « françaises » reste coloniale. La prise en compte des contextes historique, économique et géostratégique est incontournable pour saisir cette réalité coloniale qui se reproduit.
     


      Le génocide des autochtones et intensification de la traite
    C’est avec l’arrivée de Christophe Colomb que commence la violence puis le génocide des peuples autochtones des Antilles. La colonisation d’Haïti par les espagnols en 1496, de Puerto-Rico en 1508, de la Jamaïque en 1509 et de Cuba en 1511 impose la domination espagnole sur l’ensemble des Grandes Antilles. Le résultat de cette domination ne tarde pas : l’extermination des peuples autochtones. « Rien que pour l’île d’Hispaniola où débarque Colomb lors de son premier voyage, on dénombre 300000 personnes en 1492, 50000 en 1510, 16000 en 1530, 1000 en 1540[iii] » rappelle l’historien Frédéric Dorel. Pour les petites Antilles la résistance des peuples autochtones (Les Kalinas ou Kallinagos que les colonisateurs espagnols appellent « indiens Caraïbe ») est telle que les espagnols ne parviennent pas à s’implanter[iv]. La colonisation française qui débute en 1635 poursuit le génocide des peuples autochtones enclenché par les espagnols : « Les nouveaux conquérants entreprennent l’élimination systématique des Indiens et la colonisation des petites Antilles par le moyen de la traite africaine[v] » résume Chantal Maignan–Claverie, spécialiste des Antilles françaises.

    La résistance des peuples autochtones conduit en réponse au projet d’éliminer les « Caraïbe » comme groupe social sur leur propre terre. Trois leviers sont actionnés pour atteindre ce but : L’appel à la traite pour répondre au besoin en main-d’œuvre du capitalisme de plantation ; l’expulsion des autochtones de leurs îles (Ainsi en 1650 les « Caraïbes », sont expulsés de Martinique) ; la pratique systématique du viol des femmes autochtones. « Le viol des femmes indiennes par les colons s’inscrivait dans une politique « d’épuration ethnique » visant à faire disparaître les Caraïbes en tant que groupe[vi] » souligne l’historien Nicolas Rey. L’extermination des autochtones a, bien sûr, comme conséquence immédiate une intensification de la traite.

    La résistance des esclaves fut comme ailleurs au rendez-vous. Elles prennent en premier lieu la forme de révoltes. Argumentant son projet d’abolition de l’esclavage, Victor Schoelcher met en avant ces révoltes récurrentes. Répondant à ses opposants qui affirment que les noirs préfèrent la servitude, il déclare : « Pourquoi donc alors tant de révoltes d’esclaves de tous côtés ? […] Si les Nègres se félicitent tant de leur sort, pourquoi donc alors les colons tremblent-ils sans-cesse[vii] ? ».

    La seconde forme de la résistance fut comme dans toute la région le marronnage c’est-à-dire la fuite des esclaves pour constituer une société parallèle libre dans les montagnes des colonies. Si la taille des îles ne permet cependant pas à cette forme de révolte de prendre l’ampleur qu’elle a prise dans d’autres pays du continent américain, elle contribue avec les insurrections à mettre à l’ordre du jour la question de l’abolition. Abolir l’esclavage apparaît aux yeux de républicains de plus en plus nombreux comme la seule manière de sauvegarder les colonies et le capitalisme de plantation qui les caractérisent.

    Le capitalisme de plantation  
    Le capitalisme de plantation que permet la traite débute par la culture du tabac pour très vite se réorienter vers la canne à sucre et la banane. Au même moment où en Europe le travail servile est abandonné au profit du salariat, l’esclavage devient aux Antilles la forme prédominante du travail. Le capitalisme de plantation peut dès lors se résumer comme suit :
    « Elle suppose, d’une part, l’organisation du travail de centaines d’esclaves encasernés ou casés, travaillant en brigades surveillées par des équipes de gardes-chiourme, pour la production extensive d’une plante unique (la canne à sucre) dont la transformation industrielle (toujours effectuée sur place, sur la plantation même) donnent lieu à des produits (essentiellement le sucre, la mélasse et le rhum) valorisables avec profit sur un marché. Elle implique par conséquent, d’autre part, l’investissement d’importants capitaux […], La plantation suppose enfin l’existence d’un vaste marché aux prix rémunérateurs dans les métropoles européennes[viii]. »
    La concentration des terres dans les mains de latifundistes est ainsi dès le début du capitalisme de plantation une caractéristique essentielle des économies antillaises. La concrétisation matérielle en est l’habitation-sucrerie, « centre moteur de l’économie coloniale[ix] ». En Martinique, rappelle l’historien Antillais Jean-Pierre Sainton, « une trentaine de propriétaires se partageait plus de 43 % des terres » dès 1671 en ajoutant qu’ « avec un temps de retard, l’évolution sera similaire en Guadeloupe[x] ». Quelques dizaines de familles blanches possèdent la plus grande partie de la terre et contrôlent ainsi l’ensemble de l’économie.
    L’abolition de l’esclavage ne mettra pas fin à la concentration foncière mais au contraire l’accentuera. L’indemnisation des propriétaires d’esclaves au moment de l’abolition contribuera à cette reproduction et accentuation de la concentration foncière. La loi du 30 avril 1849 prévoit en effet que les maîtres recevront une indemnité de dédommagement de 470 francs 20 centimes par esclave en Guadeloupe et de 430 francs 47 centimes pour la Martinique. Pour les anciens esclaves aucune indemnisation n’est prévue. « La restructuration post-esclavagiste, grandement impulsé par le capital bancaire, accentuera le degré d’accaparement des principaux moyens de production par la minorité oligarchique[xi] » résume le chercheur en sciences politiques Alain Philippes Blérald. Si la concentration foncière est commune, les processus vont cependant être différents pour les deux colonies. En Martinique les grandes familles békés de l’industrie sucrière restent les propriétaires des grands domaines, alors qu’en Guadeloupe le capital financier prend le relais. Les multinationales Somdia, Grands Moulins, Shneider, etc., investissent massivement dans le capitalisme de plantation. Cette différence a bien entendu des effets sur la structure foncière contemporaine.

    Le projet d’une généralisation de l’auto-exploitation en Guadeloupe
    En Guadeloupe la crise de l’économie sucrière sous le double effet du développement du sucre de betterave et de la concurrence de nouveaux pays producteurs conduira au retrait de ces grands groupes à la recherche d’investissement plus rentables. La production passe ainsi de 175 000 tonnes en 1965 à 107 000 tonnes en 1975 et à 56 000 tonnes en 1981[xii].

    L’Etat français accompagne ce retrait en achetant près de 11 000 hectares confiés à une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Sur ces terres vivent 3300 agriculteurs soit 1000 ouvriers agricoles et 2300 exploitants ayant un « bail de colonat partiaire », un statut hérité de la période de l’abolition définit comme suit par le géographe Guy Lasserre : « le propriétaire maintint la jouissance gratuite de la case et du jardin vivrier aux esclaves libérés qui acceptaient de rester sur le domaine. Une parcelle de 1 ou 2 ha était attribuée en métayage au colon, à charge pour lui de livrer ses cannes au propriétaire de l’habitation. Le colon partiaire recevait pour son travail, le tiers ou la moitié de la valeur de la production[xiii]. »

    La naissance de la SAFER en 1965 se réalise alors que la production cannière a commencé sa chute et que des mobilisations des salariés agricoles pour de meilleurs salaires d’une part et pour l’accès à la terre, d’autre part, se développent. A partir de 1977 ces mobilisations se radicalisent et prennent la forme d’une occupation et d’une mise en exploitation des terres vacantes non exploitées. C’est ce contexte qui explique le projet de « réforme foncière » dès la décennie 60 mais avec une accélération à partir de la décennie 80. Le projet est résumé comme suit par le sociologue Christian Deverre : « [Un] transfert de la production directe à des exploitants individuels, mais contrôle du débouché final par les anciens groupes de planteurs, [Une] substitution du prix du marché au salaire comme forme de soumission du travail agricole […] Ce type de « réforme agraire » [est] basée sur l’hypothèse de l’acceptation par le paysan de son auto-exploitation – et de celle de sa famille[xiv] ».

    Il s’agit on le voit d’une tentative de généralisation du colonat partiaire dont l’effet est de faire passer l’exploitation d’une forme directe à une forme indirecte. Le discours idéologique d’accompagnement est, bien entendu, celui de la « justice sociale ». Dans les faits, précise Christian Lasserre, nous sommes en présence : « [D’un] contournement de l’obstacle que représente la hausse continue des coûts salariaux sur les domaines capitalistes. Toute l’organisation des redistributions foncières tend à maintenir la production de canne sur les nouvelles exploitations, tandis que les usines restent entre les mains et sous la gestion des grands groupes sucriers[xv]. »

    La Cofepp par exemple (Compagnie financière européenne de prise de participation) est prédominante dans le contrôle de la production de cannes à sucre. Actionnaire principale à 51 % de la SMRG (Sucrerie Rhumerie de Marie Galante), la Cofepp est contrôlée par la famille Cayard, des Békés de Martinique. Elle a fait un bénéfice de 23 millions d’euros en 2015 et contrôle 80 % du rhum guadeloupéen mais aussi 70 % du Rhum martiniquais et réunionnais[xvi].

    La culture de la banane qui bénéficie de la baisse de celle de la canne à sucre et qui devance désormais celle-ci est également dominée par de grands groupes industriels et financiers sous la forme du colonat. Les gros planteurs békés dominent l’ensemble du système sur fond de « collusion entre l’Etat et planteurs békés […] dénoncée à de nombreuses reprises[xvii] ». Ces gros planteurs disposent, en outre, de moyens de réagir dont sont dépourvus les petits et moyens producteurs. Ceux-ci disposent « d’un monopole de fait » que l’économiste Athanasia Bonneton résume comme suit : « lorsque les cours de la banane baissent dans le marché métropolitain, les gros planteurs réduisent la coupe. Par contre, les petits et moyens planteurs ne peuvent pratiquement pas refuser de fournir leurs régimes[xviii]. »
     
    Le « grand féodalisme » béké en Martinique
     
    La concentration foncière et le pouvoir des grandes familles békés est encore plus forte en Martinique. Le capital local a gardé en Martinique une prédominance perdue en Guadeloupe. Nous empruntons l’expression « grand féodalisme » béké à André Breton qui l’utilise en 1942 pour caractériser Eugène Aubéry, une des figures caricaturale des grandes familles béké[xix]. L’origine de cette différence avec la Guadeloupe est le résultat de la séquence historique de la révolution française :

    « Le destin de la Guadeloupe s’est séparé de celui de la Martinique lors de la période révolutionnaire, au cours de laquelle s’est déroulée une séquence d’événements dont la portée symbolique demeure encore aujourd’hui particulièrement prégnante. Les planteurs de la Martinique se réfugièrent en effet dans le giron de la Grande-Bretagne, échappant ainsi à la première libération des esclaves promulguée en 1794 à la Guadeloupe par le représentant de la Convention Victor Hugues, suite à sa reconquête de l’île sur les Anglais. L’esclavage fut rétabli sur l’île par Bonaparte en 1802, au prix d’une répression sanglante contre la résistance menée, sous la conduite de certains de leurs officiers, par les anciens esclaves devenus soldats de la République. Mais la plantocratie locale, décimée durant les troubles, se trouvait trop amoindrie pour absorber les événements postérieurs du XIXe siècle, à savoir l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 et la concentration foncière autour des usines centrales de la seconde moitié du siècle. La Martinique, quant à elle, avait conservé intactes les vieilles structures antérieures à la Révolution, les planteurs ayant pu maintenir leur contrôle sur les terres et garantir la prééminence du capital local, ce qui a assuré le prolongement direct du système mis en place aux origines[xx]. »
     
    Plus de 75 ans après la citation d’André Breton la situation reste fondamentalement la même. Le leader indépendantiste Guy Cabort-Masson résume comme suit en 2002 la place des Békés dans l’économie martiniquaise : « Une caste faisant 0,8 % de la population contrôlant 60 % des terres utiles, plus de 15 % de l’économie du pays alors que le peuple de couleur n’a qu’environ 10 % de cette économie atomisée en « entreprises » ayant en moyenne entre 1 et 2 employés ![xxi] » Sept ans plus tard, un reportage de l’émission Spéciale Investigation intitulé « les derniers maîtres de la Martinique » avance les chiffres suivants : « ces personnes qui représentent 1 % de la population martiniquaise, détiennent 52 % des terres agricoles et 20 % de la richesse de l’île[xxii]. »

    La répartition des terres et des richesses selon un critère de couleur conduit à une structure sociale basée sur « hiérarchie socio-raciale[xxiii] ». Esquissant une description de cette hiérarchie, le sociologue Miche Giraud décrit comme suit la classe dominante en 1980 : « constituées de propriétaires latifundistes, des dirigeants et des principaux actionnaires des usines, des grands commerçants, dont l’immense majorité sont des Blancs créoles regroupés en quelques familles étendues le plus souvent alliées entre eux. Ces derniers possèdent plus des 2/3 des terres cultivables, la quasi-totalité des usines à sucre, les 9/10 des plantations de bananes, la totalité des conserveries d’ananas et ont également le quasi-monopole du commerce d’import-export[xxiv]. » Si les chiffres avancés ont légèrement variés depuis 1980, la structure de base reste fondamentalement la même.

    Une telle structure sociale où la couleur est le symptôme visible de la place sociale n’est possible que par l’intériorisation profonde d’un sentiment d’infériorité. « Aux Antilles la perception se situe toujours sur le plan de l’imaginaire. C’est en termes de Blanc que l’on y perçoit son semblable. […] C’est donc en référence à l’essence du Blanc que l’Antillais est appelé à être perçu par son congénère[xxv] » analysait déjà Frantz Fanon en 1953. « Les structures idéologiques héritées de l’esclavage restent gravées dans les mémoires, malgré l’évolution liée au cours de l’histoire[xxvi] » confirme l’ethnologue Ulrike Zandle 61 ans après. Ces structures continuent à irriguer la quotidienneté martiniquaise en imposant le « blanc » comme critère du souhaitable et du légitime. Un tel processus existe bien sûr également en Guadeloupe et ailleurs mais sa prégnance en Martinique est notable. Cette prégnance est un résultat historique conduisant à une correspondance plus forte qu’ailleurs entre hiérarchie sociale et hiérarchie de couleur. 
     
    Le pacte colonial maintenu
    Les inégalités colorées liées à la concentration foncière sont encore renforcées par le maintien d’un lien avec la « métropole » qui garde toutes les caractéristiques du « pacte colonial ». L’expression est définit comme suit par un document officiel de 1861 : « Sous l’empire de ce qu’on appelait le pacte colonial, la France se réservait le droit exclusif d’approvisionner ses colonies de tous les objets dont elles avaient besoin ; il était défendu aux colonies de vendre leurs produits à d’autres pays que la métropole, et de les élever à l’état de produit manufacturés ; le transport entre la métropole et les colonies était réservé aux bâtiments français[xxvii]. » Officiellement ce « pacte colonial » n’existe plus, les acteurs économiques étant libres de commercer avec qui ils veulent. Dans les faits au contraire le pacte reste, selon nous, une réalité indéniable.

    Le premier principe figurant dans cette définition, le monopole de l’approvisionnement, reste une réalité des colonies dites « françaises » des Antilles. Un regard sur les importations suffit à prendre la mesure du lien de dépendance. En 2016 la France hexagonale fournit 68.9 % du montant des importations pour la Martinique et 60, 6 % pour la Guadeloupe[xxviii]. Le deuxième partenaire étant les autres pays de l’Union Européenne (avec 13 % pour la Guadeloupe et 14.8 % pour la Martinique), nous sommes en présence d’une socialisation européenne du pacte colonial. Les importations avec les autres pays des Caraïbes plane péniblement à 5 ou 6% selon les années.

    Le deuxième principe du pacte colonial, le monopole de la métropole sur les exportations, reste lui aussi activée aujourd’hui. Les destinations des exportations révèlent la même dépendance que celle des importations. Pour la Guadeloupe les données sont les suivantes : 40 % vers la France ; 17, 7 % vers la Martinique et 12 % vers le reste de l’Union européenne. Pour la Martinique les données sont les suivantes : 73.6 % vers la France et 19 % vers deux autres colonies françaises (la Guadeloupe et la Guyane).

    Le troisième principe du pacte colonial, la spécialisation des colonies dans des cultures de rentes et de la métropole dans les produits manufacturés, est tout aussi vivace. La structure des exportations est sensiblement le même pour les deux pays, révélant la nature coloniale du lien avec la France : Ils importent des biens de consommation non durable (produits alimentaires, pharmaceutiques, etc.), des biens d’investissement (produits de l’industrie automobile, machines et équipements, etc.) et des biens intermédiaires (caoutchouc, plastiques, etc.). Ils exportent des produits agro-alimentaires (Bananes, cannes, etc.). Daniel Guérin résume comme suit en 1956 cette dépendance économique : « En bref les Antilles servent de marchés à peu près exclusifs pour les denrées alimentaires et les produits fabriqués métropolitains qu’elles échangent contre leur sucre et […] contre leur banane[xxix] ». A part des variations dans la part du sucre ou de la banane dans les exportations, rien n’a véritablement changé.

    L’enjeu économique des Antilles dites « françaises » ne se limite pas au capitalisme de plantation. Comme pour les colonies du pacifique la Zone Economique Exclusive (47 000 km² pour la Martinique et 86 000 km² pour la Guadeloupe) contient des nodules polymétalliques exploitables. A ces enjeux strictement économique, il faut ajouter ceux relevant de la géostratégie que le géographe François Taglioni résume comme suit :

    La Caraïbe présente, en outre, par l’intermédiaire des DOM français, un solide réseau de points d’appui. Fort-de-France, abrite une station-relais pour les transmissions en provenance des satellites. La Guadeloupe est une escale aérienne garante de l’indépendance militaire française. […] Enfin les forces navales françaises, anglaises et néerlandaises affirment leur présence militaire dans la zone. Les nodules polymétalliques exploitables, à des coûts certes encore très élevés, sur les fonds marins représentent peut-être pour l’avenir une richesse non négligeable.[xxx].

    Une telle logique économique avec 7000 km de séparation a, bien entendu, un coût que payent les peuples guadeloupéen et martiniquais. La dernière étude de l’INSEE datée de 2015 sur la comparaison des prix entre l’hexagone et les colonies des Antilles met en évidence des écarts de prix « significatifs » : le niveau général des prix est 12,3 % plus élevé en Martinique qu’en métropole (12.5 % pour la Guadeloupe). Cet écart est essentiellement issu d’un poste peu compressible, les produits alimentaires, qui indiquent un différentiel beaucoup plus important : 38 % pour la Martinique et 33 % pour la Guadeloupe[xxxi].

    Mais le coût payé ne concerne pas que le niveau de vie. Les guadeloupéens et martiniquais payent également ce rapport colonial sur le plan de la santé. L’utilisation de pesticides à outrance, y compris ceux dont la dangerosité est avérée, est une caractéristique de ce modèle. Avec la complicité de l’Etat français des pesticides interdits en France ont continués à être utilisés massivement en Guadeloupe et Martinique. Le scandale du chlordécone, un pesticide cancérogène et mutagène, en est une illustration dramatique. Il a été utilisé massivement aux Antilles dites « française » de 1972 à 1993 alors qu’il était interdit dans l’hexagone à partir de 1989. L’Etat français a, en effet, accordé, sur pression des gros planteurs, un moratoire de trois ans. Les effets sur la santé étaient pourtant déjà connus : cancer de la prostate, puberté précoce, prématurité lors des grossesses, troubles de la motricité et de la mémoire visuelle, etc. La journaliste du Monde Faustine Vincent résume comme suit les conséquences de cette dérogation meurtrière :
    La quasi-totalité des Guadeloupéens et des Martiniquais sont contaminés par ce pesticide ultra-toxique, utilisé massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies. Une situation unique au monde. […] Les Antilles sont contaminées pour des siècles, car la molécule est très persistante dans l’environnement − jusqu’à sept cents ans. A partir du début des années 2000, on a découvert que le chlordécone, qui passe dans la chaîne alimentaire, avait non seulement contaminé les sols, mais aussi les rivières, une partie du littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés, les légumes-racines… et la population elle-même. La quasi-totalité des 800 000 habitants de la Guadeloupe (95 %) et de la Martinique (92 %) sont aujourd’hui contaminés[xxxii].

    Interdire dans l’hexagone et autoriser aux Antilles, voilà un bel exemple d’un traitement d’exception, qui est une des caractéristiques essentielles du colonialisme. Le mépris pour la santé des indigènes révélé ici par les pesticides est du même type que le mépris révélé en Polynésie avec les essais nucléaires.
     
    Les dessous d’une déportation de la jeunesse
    Le modèle colonial de développement crée logiquement une « disproportion entre la population et les ressources que le système économique actuel met à sa disposition » remarque en 1956 Daniel Guérin[xxxiii]. Toute une littérature se développe alors pour expliquer cette « poussée démographique » et proposer des solutions. Les explications sont généralement essentialistes et les solutions orientées vers le malthusianisme. Les causes sont ainsi recherchées dans la culture antillaise et la piste privilégiée en solution est celle du contrôle des naissances. Or nous le savons depuis longtemps un des facteurs déterminants de la fécondité se situe dans les conditions matérielles d’existence.

    L’inquiétude sur la fécondité antillaise est à inscrire dans le contexte des décennies 50 et 60 qui inaugure des transformations profondes aux Antilles dites « française ». La première d’entre elle est l’ébranlement du complexe d’infériorité que les écrits d’Aimé Césaire résument. Frantz Fanon décrit comme suit en 1955 ce processus de réaffirmation de soi : « Pour la première fois, on verra un professeur de lycée donc apparemment un homme digne, simplement dire à la société antillaise « qu’il est beau et bon d’être nègre […] Ainsi donc l’Antillais, après 1945, a changé ses valeurs. Alors qu’avant 1939 il avait les yeux fixés sur l’Europe blanche […] il se découvre en 1945, non seulement un noir mais un nègre et c’est vers la lointaine Afrique qu’il lancera désormais ses pseudopodes[xxxiv]. »

    L’Afrique est pendant la décennie 50 en pleine effervescence anticoloniale avec une guerre d’Algérie qui devient rapidement une centralité dans le positionnement politique des militants africains. Se penchant sur l’identité antillaise en 1979, le sociologue Jean-Pierre Jardel résume comme suit les bouleversements de ces deux décennies :
     Depuis deux décennies environ, des changements rapides se produisent aux différents paliers de la réalité socio-culturelle des Antilles françaises. Les discours prononcés par des hommes politiques, les idées diffusées par les écrivains de la négritude, l’autonomie ou l’indépendance acquise par plusieurs îles de l’archipel Caraïbe, ont fait comprendre à une large fraction de la population qu’il existait une entité antillaise ayant ses propres valeurs, face aux valeurs de la métropole européenne. On se trouve donc en présence d’une phase de réajustement des normes et par conséquent d’une situation conflictuelle généralisée.[xxxv]

    Les émeutes de Fort de France du 20 décembre 1959 et celles du Lamentin en mars 1961 sonnent comme un avertissement aux yeux des autorités françaises. De cette époque date l’encouragement à une émigration de la jeunesse des Antilles dites « françaises » vers la métropole qui sera systématisé trois ans plus tard par la création du BUMIDOM en 1963 (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer). De 1963 à 1982, ce bureau utilise toute une panoplie de moyens divers et de promesses (de formation, de logement, d’emplois, de salaires élevés, etc.) pour pousser à l’exil toute une jeunesse afin de désamorcer une crise sociale et politique latente. Le journaliste et écrivain guadeloupéen Hugues Pagesy donne la lecture suivante de l’action du BUMIDOM en quatrième de couverture de l’ouvrage qu’il lui consacre :

    « La traite négrière n’aurait-elle servi à rien pour que, 115 ans après l’abolition de l’esclavage, un organisme d’État répondant au nom de BUMIDOM […] mette en place un système pour vider la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique, de toute une partie de leur jeunesse ? Sous prétexte de lutter contre le manque d’activité qui frappe ces régions, le BUMIDOM va en fait organiser une déportation de ces jeunes vers la France, que d’aucuns dénonceront comme étant un vrai génocide par substitution. […] L’empire qui perd petit à petit une bonne partie de ses territoires veut museler ceux d’Outre-mer. Les prétextes évoqués sont leur démographie galopante et un chômage endémique[xxxvi].

    Au total se sont près de 260 000 personnes qui ont migrés vers l’hexagone sous l’effet direct ou indirect du Bumidom dont 42 622 martiniquais et 42 689 guadeloupéens[xxxvii] : une véritable saignée dans la jeunesse antillaise compte tenu de la taille de la population et de l’âge des personnes concernées. Aimé Césaire qualifie à l’assemblée nationale cette politique de « génocide par substitution » et la délégation guadeloupéenne à la Tricontinentale de la Havane en janvier 1966 (Conférence de solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine) dénonce « la politique coloniale du gouvernement français à la Guadeloupe, notamment l’expatriation de la jeunesse[xxxviii] ».
     
    « Dissiper les malentendus » sur la question nationale
     « L’heure est venue de clarifier les problèmes et de dissiper le malentendus », c’est par ces mots que Frantz Fanon conclue l’article consacré aux émeutes de Fort de France du 20 décembre 1959 cité plus haut. Pour lui cette révolte indique une mutation dans le processus d’émergence d’une conscience nationale antillaise. Celui-ci est complexe du fait des spécificités de la colonisation aux Antilles : ancienneté pluriséculaire de la colonisation, génocide des peuples autochtones, hétérogénéité de peuplement liée à l’esclavage et aux immigrations suscitées par le colonisateur, ampleur du processus d’assimilation liée à la violence esclavagiste initiale puis par la durée pluriséculaire de la domination, histoire politique spécifique de chacune des îles, etc.

    L’ensemble de ces facteurs explique l’épisode de 1946 où « des larges masses antillaises » rappelle Aimé Césaire ont approuvées la départementalisation c’est-à-dire ont votées pour rester française. Césaire lui-même a soutenu cette option en raison du danger que constitue la proximité avec les Etats-Unis : « Une autre objection plus sévère encore est l’existence à côté des Antilles d’un voisin dont la puissance et l’appétit ne sont que trop connus[xxxix]. » Coincés entre deux dominations, les Antillais ont dans le contexte de l‘époque considérés qu’obtenir une égalité plus grande dans le cadre français étaient la seule voie possible complète Aimé Césaire[xl]. 

    Au moment où Césaire tire ce bilan de la loi de 1946 (en 1956), les peuples des Antilles dites « françaises » ont fait leur expérience de l’impasse de l’assimilationnisme. Si des spécificités sont indéniables dans le processus de conscientisation nationale, celui-ci est tout aussi indéniablement en accélération rapide dans les deux colonies.

    En Martinique le processus se traduit par la création de l’OJAM (’Organisation de la jeunesse anticolonialiste de la Martinique) qui inaugure son action politique par l’apposition d’immense banderoles sur les murs de tous les bâtiments publics de l’île, portant le slogan « la Martinique aux Martiniquais » le 23 décembre 1962. Un tabou est brisé. Pour la première fois une organisation revendique ouvertement l’indépendance. Dans le même temps le « manifeste de l’OJAM » est placardé sur les murs proclamant :
    Que la Martinique est une colonie, sous le masque hypocrite de département français, comme l’était l’Algérie, parce que dominée par la France, sur le plan économique, social, culturel et politique. […] En conséquence l’O.J.A.M […] Proclame le droit des martiniquais de diriger leurs propres affaires. Demande aux Guadeloupéens, aux Guyanais de conjuguer plus que jamais leurs efforts dans libération de leur pays pour un avenir commun. Soutien que la Martinique fait partie du monde antillais. Appelle les jeunes de la Martinique, quelles que soient leurs croyances et leurs convictions, à s’unir pour l’écrasement définitif du colonialisme dans la lutte de libération de la Martinique[xli].

    La réponse de l’Etat français est, bien sûr, la répression. 18 militants de l’OJAM sont déférés devant la Cour de sûreté de l’Etat pour « atteinte à l’intégrité du territoire ». 5 militants écopent de peine de prisons et les autres sont relaxés. Si l’OJAM ne survit pas à cette épreuve, le mouvement indépendantiste existe désormais, même s’il reste encore minoritaire et éparpillé. A partir de la fin de la décennie 60 et tout au long de la décennie 70, les organisations indépendantistes se multiplient : Mouvement National de Libération de la Martinique (MNLA) en 1969, Groupe Révolution socialiste (GRS) en 1970, Groupe d’Action Prolétarienne (GAP) au début de la décennie 70, Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM) en 1978, le Pati kominis pour lendépandans èk sosyalizm (Parti Communiste pour l’Indépendance et le Socialisme) en 1984, le Parti pour la Libération de la Martinique (PALIMA) en 1999. Malgré cet éparpillement l’idée indépendantiste progressera de manière significative depuis dernières décennies du siècle dernier. Lors des élections régionales de 1986 les indépendantistes ne comptent que pour 3 %, 6 ans plus tard le MIM devient la première force organisée du pays. Aux régionales de 1998 le MIM obtient 31, 71 % des suffrages et son président, Alfred Marie-Jeanne, devient président du conseil régional (il sera reconduit à ce poste en 2004). En dépit des multiples divisions et de la bureaucratisation suscitée par la participation au jeu institutionnel et encouragée par l’Etat français, le projet indépendantiste est désormais une réalité incontournable en Martinique.

    La décennie 60 est également celle qui voit s’organiser un mouvement indépendantiste en Guadeloupe. C’est au sein du mouvement étudiant en métropole, dans l’AGEC (Association Générale des Etudiants Guadeloupéen), qu’est lancé pour la première fois le mot d’ordre d’indépendance nationale. En Guadeloupe même c’est en 1963 qu’est constitué le GONG (Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe) dont certains membres fondateurs sont issus de l’AGEG. Peu nombreux les militants du GONG sont très actifs. Ils ont présent systématiquement pour soutenir chaque grève ouvrières, ce qui les rend rapidement populaire. « Chaque fois que des ouvriers, qu’ils soient du bâtiment ou de la canne étaient en grève ou en difficulté quelconque, le GONG, et ses militants devaient venir leur prêter main-forte[xlii] » se souvient le militant nationaliste Claude Makouke. Le mouvement social qui secoue la Guadeloupe en 1967 et le massacre qui l’accompagne, est le prétexte que prendra l’Etat français pour décapiter ce mouvement indépendantiste ayant une audience populaire grandissante.

    A l’origine du mouvement se trouve une grève des ouvriers du bâtiment pour exiger une hausse de 2,5 % des salaires. Les négociations entre le patronat et le syndicat CGTG échouent le 26 mai et une manifestation devant la Chambre de commerce de Pointe-à-Pitre se transforme en émeute. Les CRS tirent sur la foule provoquant les premiers décès. Les affrontements s’étendent alors à toute la ville. Lorsqu’elles cessent le lendemain un bilan officiel annonce 8 morts. La réalité du massacre mettra vingt ans à percer. En 1985 Georges Lemoine, secrétaire d’Etat chargé des départements et territoires d’Outre-mer reconnaîtra le chiffre de 87 victimes et plus d’une cinquantaine de blessés. C’est dans ce contexte que l’Etat français décide de profiter de la situation pour décapiter le mouvement indépendantiste. L’organisation et ses militants sont accusés de la responsabilité des émeutes et des victimes. 19 militants du GONG sont arrêtés et inculpés « d’atteinte à la sureté de l’Etat et à l’intégrité du territoire ». La presse colonialiste exulte à l’image du journal France-Antilles qui titre en première page et en gros caractère le 13 juin : « Le Gong est décapité. Dix-neuf arrestations à Paris et en Guadeloupe[xliii] ». Le mouvement massif de solidarité qui s’organise alors sauvera les inculpés dont le jugement de février 1968 prononce 6 peines avec sursis et 13 acquittements. En Guadeloupe même cependant 70 autres militants attendent leur jugement. Six d’entre eux écoperont de peines de prison ferme allant d’1 à 6 mois.

    Le GONG ne survie pas à cette dure épreuve mais ses militants sont nombreux à être présent dans la création ultérieure d’autres organisations indépendantistes. Ils réinvestissent d’abord leurs forces dans la dynamique syndicale en créant l’UTA (Union des Travailleurs Agricole) en 1970, l’Union des Paysans Pauvres de Guadeloupe (UPG) en 1972 et enfin l’Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe (UGTG) qui regroupe les deux précédente et d’autres syndicats en 1973. Tels sont les facteurs qui expliquent le lien étroit entre indépendantistes et syndicalistes en Guadeloupe. En témoigne l’élection à la tête de l’UGTG de l’indépendantiste Elie Domota et sa désignation comme porte-parole du LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon– Collectif contre l’exploitation outrancière), un regroupement syndical, associatif et politique qui a mené le vaste mouvement social en janvier et février 2009.

    En 1977 ces militants créent l’Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe (UPLG) qui reste jusqu’à aujourd’hui la principale organisation politique indépendantiste. A côté de celle-ci existe également le Mouvement pour une Guadeloupe Indépendante (MPGI) crée en 1981, le Konvwa pou liberasyon nasyonal Gwadloup (KNLG) fondé en 1997 et Fòs pou konstwi nasyon Gwadloup (Forces pour batir la nation guadeloupéenne) fondé en 2010. Des tentatives de luttes armées ont également eu lieu par le GLA (Groupe de Libération Armée) qui mène une série d’attentats contre des édifices publics en 1980 et 1981, puis par l’ARC (Alliance Révolutionnaire Caraïbe) menant le même type d’actions de 1983 à 1989.

    Si comme en Martinique la multiplicité des organisations, l’institutionnalisation de certains leaders, la répression et les divisions du mouvement nationaliste, le rapport des forces disproportionné avec une des principales puissances mondiale, etc., rendent difficile une perspective d’indépendance à court terme, cela ne veut pas dire que la question de l’indépendance nationale est enterré. « Le Mouvement Patriotique Guadeloupéen au niveau organisationnel et militant connaît une passe difficile, un mouvement de reflux, mais c’est là le paradoxe, les idées nationalistes n’ont jamais cessé de progresser et d’irriguer au quotidien la vie des guadeloupéens[xliv] » résume le journaliste Danik Zandwonis.

    Comme nous le disions dans nos précédents articles consacrés à Mayotte, la Kanaky et la Polynésie, la faiblesse de la conscience internationaliste et du mouvement anticolonialiste en France fait partie du rapport des forces défavorable auquel sont confrontés les militants nationalistes des colonies françaises. Qu’un tel mouvement se développe et que le rapport de forces mondial se transforme et la perspective indépendantiste redeviendra un objectif atteignable rapidement. A plus ou moins long terme l’indépendance est inévitable : la situation géographique, la rationalité économique et la communauté des traits culturels avec les autres peuples de la région orientent structurellement vers un projet de fédération des Antilles.

    Saïd Bouamama

    Notes :  
    [i] Raphaël Confiant, Aimé Césaire, une traversée paradoxales du siècle, Stock, Paris, 1993,
    [ii] Adrien Guyot, L’Amérique, un ailleurs partagé, Départment of Modern Languages and Cultural Studies, University of Albama, 2016, pp. 104-105. .
    [iii] Frédéric Dorel, La thèse du « génocide indien » : guerre de position entre science et mémoire, Revue de civilisation contemporaine Europes/Amériques, N° 6, 2006.
    [iv] Nicolas Rey, Quand la révolution aux Amériques était nègre … Caraïbes noirs, negros franceses et autres « oubliés » de l’histoire, Karthala, Paris, 2005, p. 48.
    [v]Chantal Maignan-Claverie, Le métissage dans la littérature des Antilles françaises. Le complexe d’Ariel, Karthala, Paris, 2005, p. 118.
    [vi] Nicolas Rey, Quand la révolution aux Amériques était nègre … Caraïbes noirs, negros franceses et autres « oubliés » de l’histoire, op. cit., p. 53.
    [vii] Victor Schoelcher, Abolitions de l’esclavage ; Examen critique du préjugé contre la couleur des Africains et des Sang-Mêlés, Porthmann, Paris, 1840, p. 138.
    [viii] Alain Bihr, Recension du livre de Caroline Oudin-Bastide, Travail, capitalisme et société esclavagiste. Guadeloupe, Martinique (XVIIe-XIXe siècle), Revue « Interrogation ? », n° 10, mai 2010.
    [ix] Alain Philippe Blérald, Histoire économique de la Guadeloupe et de la Martinique : du XVIIe siècle à nos jours, Karthala, Paris, 1986, p. 26. 
    [x] Alain Philippe Blérald, Histoire économique de la Guadeloupe et de la Martinique : du XVIIe siècle à nos jours, Karthala, Paris, 1986, p. 26. 
    [xi] Ibid, p. 138.
    [xii] Christian Deverre, Crise sucrière et réforme foncière en Guadeloupe, Cahiers d’économie et sociologie rurales, n° 17, 1990, p. 100.
    [xiii] Guy Lasserre, La Guadeloupe. Etude géographique, Union Française d’Edition, Bordeaux, 1961, p. 393.
    [xiv] Christian Deverre, Crise sucrière et réforme foncière en Guadeloupe, Cahiers d’économie et sociologie rurales, op. cit., p. 108.
    [xv] Ibid, p. 111.
    [xvi] Luce Blanchard, Qui se cache derrière le projet de centrale thermique d’Albioma à Marie-Galante, https://blogs.mediapart.fr/luce-blanchard/blog/020217/qui-se-cache-derriere-le-projet-de-centrale-thermique-dalbioma-marie, Consulté le 10 juin 2018 à 19 h 55.
    [xvii] Muriel Bonin et Cécile Cathelin, Conversion environnementale de la production bananière guadeloupéenne : une stratégie politique et économique, Economie rurale, n° 341, mai-juin 2014, p. 76.
    [xviii] Athanasia Bonneton, La banane en Guadeloupe : les conditions économiques et sociales de la culture et de la commercialisation, CDDP Guadeloupe, 1988, p. 52.
    [xix] André Breton, Martinique charmeuse des serpents, 10/18, Paris, 1973.
    [xx] Jean-Luc Boniol, Janvier-mars 2009, trois mois de lutte en Guadeloupe, Les Temps modernes, 1/2011, n° 662-663, pp. 82-113.
    [xxi] Guy Cabort-Masson, Interview à la revue Antilla, n° 961, 9 novembre 2001, p. 6.
    [xxii] Les derniers maîtres de la Martinique, http://www.fxgpariscaraibe.com/article-27520586.html, consulté le 11 juin 2018 à 16 h 30.
    [xxiii] Ulrike Zander, La hiérarchie « socio-raciale »en Martinique. Entre persistance postcoloniale et évolution vers un désir de vivre ensemble, Revue en ligne Asylon (s), n° 11, mai 2013, http://www.reseau-terra.eu/article1288.html#nh37, consulté le 11 juin 2018 à 16 h50.
    [xxiv] Michel Giraud, races, clases et colonialisme à la Martinique, L’Homme et la société. Volume n° 55. Nº 1, 1980, p. 206.
    [xxv] Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Seuil, Paris, 1971, p. 132.
    [xxvi] Ulrike Zander, La hiérarchie « socio-raciale »en Martinique. Entre persistance postcoloniale et évolution vers un désir de vivre ensemble, op. cit.
    [xxvii] Rapport du secrétaire d’Etat de la Marine et des Colonies du 2 février 1861, Revue maritime et coloniale, tome 2, Lahure, Paris, juillet 1861, p. 53.
    [xxviii] L’ensemble des données de cette partie sont issues de deux documents de l’Institut d’Emission des Département d’Outre-Mer (IEDOM) : Guadeloupe 2016 et Martinique 2016, Paris, 2017.
    [xxix] Daniel Guérin, Les Antilles décolonisées, Présence Africaine, Paris, 1956, p. 55.
    [xxx] François Taglioni, Géopolitique et insularité : l’exemple des petites Antilles, in André-Louis Sanguin (coord.), Vivre dans une île, L’Harmattan, Paris, 1997, p. 179.
    [xxxi] INSEE première, n° 1589, avril 2016, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908163, consulté le 13 juin 2018 à 10 h 00.
    [xxxii] Faustine Vincent, Scandale sanitaire aux Antilles, Le Monde du six juin 2018, https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/06/06/scandale-sanitaire-aux-antilles-qu-est-ce-que-le-chlordecone_5310485_3244.ht, consulté le 13 juin 2018 à 10 h 45.
    [xxxiii] Daniel Guérin, Les Antilles décolonisées, op. cit., p. 37.
    [xxxiv] Frantz Fanon, Antillais et Africains, in Pour la révolution africaine, La Découverte, Paris, 2001, p. 31 et 34.
    [xxxv] Jean-Pierre Darnel, Langues et identité culturelle aux Antilles françaises, Pluriel débat, n° 17, année 1979, p. 27.
    [xxxvi] Hugues Pagesy, Kolombie 2 : Bumidom la vérité, Editions Nestor, Gourbeyre – Guadeloupe, 2017, quatrième de couverture.
    [xxxvii] André Calmont, et Cédric Audebert, Dynamique migratoire de la Caraïbe, Karthala, Paris, 2007, p. 99.
    [xxxviii] Première conférence Tricontinentale, Interventions et résolutions, La Havane, 1966, p. 90.
    [xxxix] Aimé Césaire, Introduction au livre de Daniel Guerin, Antilles décolonisées, op. cit., p. 9.
    [xl] Ibid, pp. 10-11.
    [xli] Manifeste de l’OJAM, https://afcam.org/index.php/fr/dossiers/dossiers-4/les-collectivites-invitees-au-haut-comite/2-uncategorised/4194-le-manifeste-de-l-o-j-a-m, consulté le 14 juin 2018 à 8 h 30.
    [xlii] Xavier-marie Bonnot et Francois-Xavier Guillerm, Le sang des nègres, Galaade, Paris, 2015.
    [xliii] Raymond Gama et Jean-Pierre Sainton, Mé 67 : Mémoire d’un évènement, Société Guadeloupéenne d’Edition et de Diffusion, 1985, p. 122.
    [xliv] Danik I. Zandwonis, Guadeloupe. L’indépendance est plus proche qu’on ne le dit …, http://7seizh.info/2014/12/11/guadeloupe-lindependance-est-plus-proche-quon-ne-le-dit, consulté le 14 juin 2018 à 16 h 45.

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  • Les routes de l’#esclavage (1/4)
    476-1375 : au-delà du désert

    Domination, violence, profit : le système criminel de l’esclavage a marqué l’histoire du monde et de l’humanité. Au fil de ses routes, cette série documentaire retrace pour la première fois la tragédie des traites négrières. Captivant et implacable. Premier volet : de la chute de Rome en 476 à la fin du XIVe siècle.

    Après la chute de Rome en 476, les peuples (Wisigoths, Ostrogoths, Berbères, Slaves, Byzantins, Nubiens et Arabes) se disputent les ruines de l’Empire. Tous pratiquent l’asservissement – « esclave » viendrait du mot « slave ». Mais au VIIe siècle émerge un Empire arabe. Au rythme de ses conquêtes se tisse, entre l’Afrique et le Moyen-Orient, un immense réseau de traite d’esclaves, dont la demande ne cesse de croître et qui converge vers Bagdad, nouveau centre du monde. Après la révolte des Zanj – des esclaves africains –, qui s’achève dans un bain de sang, le trafic se redéploie vers l’intérieur du continent. Deux grandes cités commerciales et marchés aux esclaves s’imposent : Le Caire au nord, et Tombouctou au sud, place forte de l’Empire du Mali d’où partent les caravanes. Au fil des siècles, les populations subsahariennes deviennent la principale « matière première » de ce trafic criminel.

    https://www.arte.tv/fr/videos/068406-001-A/les-routes-de-l-esclavage-1-4

    #film #documentaire #Afrique #Empire_romain #histoire #pratique_généralisée #traite #Fustat #économie #Nubie #guerre #violence #butins_de_guerre #Bagdad #main-d'oeuvre #Islam #Berbères #dromadaires #Sahara #Tombouctou #Empire_du_Mali #or #altérité #Touareg #essentialisme #fatalité #Basora #Le_Caire #esclaves_domestiques #paternalisme #négation_de_l'être #domination #esclavage_doux #oasis #Atlas_catalan

    #Catherine_Coquery-Vidrovitch :

    Dans l’Empire arabo-musulman, « l’#esclave n’était pas différencié par sa couleur, ça ne comptait pas. L’esclave était différencié par sa #culture. Il n’avait pas la culture du dominant »

    #géographie_culturelle #domination

    #Ibrahima_Thioub, université Cheickh Anta Diop, Sénégal :

    « Pour mettre en esclavage un individu, un des phénomènes importants c’est de le construire comme autre, de construire une #altérité. Les sociétés humaines ont des registres assez larges. On peut utiliser la différence de #couleur_de_peau, la différence de #religion. Dans la #traite_trans-saharienne, on va combiner les deux ».

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibrahima_Thioub

    Ibrahima Thioub :

    « L’intérêt des maîtres, c’est de faire croire à l’individu qu’il est esclave non pas parce qu’un jour on lui a opposé un rapport de force qui est réversible, mais parce que, par sa nature, il est destiné à être un esclave. C’est une #idéologie extrêmement forte. Si votre sang est considéré comme un sang servile, et que cette nature vous la transmettez à votre descendance, il devient impossible de sortir du phénomène esclavagiste »

    Selon ce qui est dit dans ce reportage, 3,5 millions d’Africains ont circulé sur les routes de l’esclavage entre le 7ème et le 14ème siècle.

  • Negro/Nero/Persona di colore

    La parola negro e le sue alternative nero e di colore rappresentano i cambiamenti che avvengono nel tempo in ambito linguistico. Non si tratta di essere politicamente corretti, ma di avere rispetto per il modo in cui i diretti interessati vogliono essere chiamati. E questo è uno dei pochi casi in cui c’è accordo internazionale su un termine perché negro è associato storicamente allo schiavismo. Secondo il sociologo Enrico Pugliese “l’uso della parola negro va evitato perché chi la usa, lo fa esprimendo ignoranza o scarso aggiornamento o perché vuole offendere”[1]. Nel linguaggio corrente e soprattutto in quello scientifico, quando si parla della popolazione nera non bisogna mai usare la parola negro. “Ma ciò per un preciso motivo- spiega Pugliese - In America i diretti interessati hanno preteso che il termine non si usasse, perché ritenuto offensivo (e forse perché usato anche in modo offensivo) da una certa epoca in poi. In effetti negli ultimi cinquanta anni le organizzazioni di sostegno alla popolazione nera non hanno mai usato questo termine orientandosi progressivamente verso altri (black, afro-american, coloured). L’uso del termine è considerato inopportuno ed è diventato desueto. Questo è un caso inequivocabile in cui la parola non va usata perché la popolazione interessata, o almeno i suoi portavoce legittimati, non vogliono che si usi e la ritengono offensiva per un richiamo implicito a un passato di schiavitù. Però si può dire che una volta in America invece di black si diceva negro (e in slang degli stati del sud nigger)”.

    http://www.parlarecivile.it/argomenti/immigrazione/negro.aspx
    #Noir #Nègre #Personne_de_couleur #terminologie #mots #vocabulaire #racisme #discriminations

  • « Les nazis n’ont rien inventé. Ils ont puisé dans la culture dominante de l’Occident libéral » – Entretien avec Johann Chapoutot
    http://lvsl.fr/nazis-nont-rien-invente-ont-puise-culture-dominante-de-loccident-liberal-entret

    Johann Chapoutot est professeur d’ #histoire à l’Université Paris-Sorbonne, spécialiste de l’ #Allemagne nazie. Il a consacré de nombreux ouvrages à l’étude de l’idéologie #nationale-socialiste (La loi du #sang, le #nazisme et l’ #Antiquité…) traduits en sept langues et récompensés par de nombreux prix. Il s’intéresse aux fondements philosophiques, historiques et (pseudo-)scientifiques du nazisme ; il étudie les moyens par lesquels cette vision du monde a pu devenir hégémonique en Allemagne à partir de 1933. Ses analyses mettent en lumière certains aspects peu connus de ce phénomène historique ; nous avons décidé de le rencontrer.

    [...]

    LVSL : Vous mentionnez à plusieurs reprises l’importance du darwinisme social dans la vision du monde nationale-socialiste, ce courant de pensée selon lequel les individus les plus faibles d’une société sont destinés à mourir, en vertu de la loi impitoyable de la sélection naturelle. À l’origine, c’était une grille de lecture utilisée par des penseurs #libéraux anglo-américains, destinée à justifier la mortalité que causait le capitalisme au sein des classes populaires… Existe-t-il une continuité entre ce courant de pensée, et l’ #eugénisme racialiste propre au national-socialisme ?

    Totalement. Les #nazis sont des gens qui n’inventent rien. Lorsque j’ai commencé à étudier le nazisme il y a quinze ans, je l’ai fait dans l’idée qu’il était un phénomène monstrueux, maléfique, incompréhensible, en rupture radicale avec ce qui l’avait précédé… Mais quand j’ai lu les nazis, j’ai découvert qu’ils disent des choses tout à fait banales par rapport aux penseurs de leur temps. L’idée que toute vie est combat est d’une banalité absolue dans l’ #Europe du XXème siècle. Le #darwinisme_social a été introduit en Allemagne par un britannique, #Houston_Stewart_Chamberlain, gendre de #Wagner et mélomane. Il avait lu #Darwin et surtout les darwinistes sociaux : #Spencer, #Galton… En 1897, il rédige les Fondements du XIXème siècle, un livre qui pose les bases du darwinisme social allemand. Cet ouvrage est la passerelle culturelle entre le darwinisme social anglo-saxon et sa version allemande.

    Cette idée d’une lutte pour la vie, et d’une vie comme zoologie, d’une lutte zoologique pour l’existence en somme, qui passe par la sécurisation des approvisionnements et de la reproduction, se retrouve partout, singulièrement en Grande-Bretagne et en France ; en effet, le darwinisme social est la théorie d’une pratique politique – l’ordre #capitaliste, et géopolitique – la #colonisation. Il se trouve qu’au XIXème siècle, l’aventure coloniale allemande n’est pas très importante par rapport à ce qu’elle est en #France et en #Grande-Bretagne. Elle a donc été introduite tardivement dans ce pays, par #Chamberlain. Cette idée prospère rapidement, se développe, et nourrit les argumentaires pangermaniques : les Germains sont supérieurs aux #Slaves comme les #Britanniques le sont aux « #Nègres » ; par conséquent, les Germains doivent conquérir leur espace vital au détriment des Slaves. Les nazis récupèrent ces idées banales radicalisées par la Grande Guerre. La guerre de 14-18 prouve que les darwinistes sociaux ont raison : tout est guerre, lutte et combat. Les nazis décident de faire de cette expérience une politique : si les Allemands ne veulent pas mourir, ils doivent être réalistes, et laisser choir l’ #humanisme et l’humanitarisme. Il faut accepter que toute vie est combat, sous peine de mourir.

    J’irais plus loin que le cadre de votre question. Je trouve que ce darwinisme social se porte très bien aujourd’hui. Il se retrouve dans des petits tics de la langue qui se veulent bienveillants (« t’es un battant toi« …). Il se retrouve dans la bêtise de certaines personnes que l’on prétend #philosophes et qui vous parlent des gens qui ne sont rien, des #assistés, des #fainéants… Si l’on se retrouve au sommet de la société parce qu’on a été #banquier, haut fonctionnaire, président de la #République, alors on a tendance à croire que c’est un #ordre_naturel qui nous a élu, que l’on est là parce qu’on est le meilleur, naturellement ; que l’on s’est affirmé dans la lutte pour la vie, en somme. Cela part d’un manque de lucidité stupéfiant sur la fabrique sociale de la « réussite ».

    LVSL : Les historiens marxistes mettent l’accent sur une autre forme de continuité : la continuité économique et sociale qui existe entre l’ordre pré-nazi et le IIIème Reich, c’est-à-dire la perpétuation de la domination d’une classe de financiers et d’industriels sur celle des travailleurs. Que pensez-vous de la thèse marxiste classique, qui analyse le fascisme et le nazisme comme « expressions politiques du capitalisme monopolistique » ?

    C’est la thèse officielle du Komintern à partir de 1935. Les membres du Komintern se sentent fautifs, car jusqu’alors c’est la stratégie « classe contre classe » qui a prévalu ; elle a abouti à ce que les communistes combattent les sociaux-démocrates davantage que les nazis. L’arrivée d’ #Hitler au pouvoir a constitué un vrai choc pour eux. D’où l’abandon de la stratégie « classe contre classe » au profit de la tactique du « #Fron_Populaire ».

    Les #communistes allemands ont été traumatisés par la disparition de la #gauche la plus puissante d’Europe, la gauche allemande. Pour penser ce traumatisme, ils ont élaboré cette herméneutique, en stricte orthodoxie marxiste, qui consiste à dire que le “fascisme” constitue la dernière tentative d’une bourgeoisie aux abois pour se maintenir en position de domination sociale, économique, politique, financière… Le « #fascisme » devient un terme générique qui désigne tout aussi bien la doctrine de Mussolini que celle des nationaux-socialistes allemands (en Europe de l’Est, on parlait de « deutsche Faschismus« , fascisme allemand), alors que ce n’est pas du tout la même chose. Dans sa formulation la plus résumée et la plus dogmatique, cette grille de lecture devient un catéchisme un peu idiot. Cette lecture orthodoxe issue du Komintern est demeurée celle d’une historiographie de gauche fortement marquée par l’histoire sociale, qui n’est pas à rejeter, car elle a produit de grands travaux.

    La grande industrie allemande et la finance allemande ont évidemment trouvé tout leur intérêt à l’arrivée des nazis au pouvoir. Les répercussions de la crise de 1929 sont terribles en Allemagne. L’Allemagne est le pays le plus touché, parce qu’il était le mieux intégré au circuit du capital international ; il a beaucoup souffert de la fuite brutale des capitaux américains. À l’été 1932, l’Allemagne compte 14 millions de #chômeurs ; si on prend en compte les chômeurs non déclarés, elle en compte 20 millions. La crise signifie pour les Allemands la famine et la tuberculose. Les nazis ont été vus comme les derniers remparts possibles contre une #révolution bolchévique. D’où la lettre ouverte de novembre 1932 à Hindenburg qui l’appelle à nommer Hitler chancelier, signée par des grands #patrons de l’industrie et de la banque. Le parti nazi reçoit des soutiens financiers considérables. C’est grâce à eux qu’il peut fournir à des centaines de milliers de SA des bottes, des casquettes, des chemises, de la nourriture. Les campagnes électorales des nazis coûtent une fortune, notamment du fait de l’organisation de leurs gigantesques meetings ; Hitler ne cesse de se déplacer en avion, à une époque où l’heure de vol est hors de prix. Les #mécènes qui financent le parti nazi voient en lui le dernier rempart contre le péril rouge. Ils sont gâtés, car d’une part les nazis détruisent de fait la gauche allemande, les syndicats, l’expression publique ; de l’autre, ils relancent l’économie comme personne ne l’avait fait avant eux par la mise en place de grands travaux d’infrastructure à vocation militaire, et par des commandes d’armement inédites dans l’histoire de l’humanité. Les commandes d’armement font travailler le charbon, l’acier, la chimie, les composants électriques, le cuir, la fourrure, la mécanique, l’aviation…

    Les #industriels savent très bien que l’Etat allemand ne peut pas financer ce qu’il est en train de faire. L’Etat commande des chars, des avions, mais ne paie pas ; il joue un jeu assez complexe et plutôt malin (je vais simplifier, mais le principe est là). Il paie les industriels en bons à intérêt… et leur déclare que ceux-ci seront versés grâce au pillage de l’Europe. Tout le monde est au courant, les industriels au premier rang, parce qu’ils ne sont pas payés, ou très peu : l’heure des comptes va sonner plus tard, quand le Reich aura les moyens d’envahir l’Europe. Les industriels ont donc été les complices et les bénéficiaires du Reich.

    Ne parlons même pas de ce qu’est devenue leur activité après 1940. Leurs commandes augmentent, et l’industrie obtient via Himmler que l’on mette le système concentrationnaire à son service. On en arrive à la loi d’airain des salaires de Karl Marx : vous ne rémunérez la force de travail qu’autant que nécessaire, afin qu’elle puisse se renouveler pour se maintenir. La loi d’airain des salaires dans les années 1940, c’était les camps de concentration, c’est-à-dire l’exploitation jusqu’à son terme de travailleurs que l’on n’a même pas besoin maintenir en vie, parce qu’il y avait une telle rotation que si un travailleur mourait en deux jours, un autre le remplaçait aussitôt.

    [...]

    • Dans mon propre bouquin qui creuse la même question, j’ai plutôt trouvé la source à ce qui est, pour moi, le nœud de l’histoire occidentale : 1492. Cela marque la fin du Moyen-Âge, la fin de la cosmologie chrétienne et c’est même pour cela qu’elle est devenue si virulente et le début de l’ère des grands #génocides systématiques qu’il fallait bien justifier d’une manière ou d’une autre. Et tout cela est lié à l’émergence du capitalisme, le système prédateur qui doit se trouver une assise idéologique au fait de piller les autres pour accumuler toujours plus.

    • Fillon et le Blitzkrieg
      https://blogs.mediapart.fr/bernard-gensane/blog/220217/fillon-et-le-blitzkrieg

      Le terme “Blitzkrieg” est apparu en 1935 dans la revue Die Deutsche Wehr (L’Armée allemande). D’après les théoriciens de cette organe, les États pauvres en ressources alimentaires et en matières premières (comme l’Allemagne de l’époque) devaient gagner la guerre au plus vite par un engagement massif et violent. Cette notion sera utilisée pour évoquer la guerre civile espagnole : « Nazi-Deutschland testete in Spanien seine späteren Blitzkrieg gegen Frankreich (L’Allemagne nazie a testé en Espagne sa future guerre éclair contre la France). Le 25 septembre 1939, l’hebdomadaire étasunien Time Magazine décrivait ainsi l’invasion de la Pologne par l’Allemagne : « This is no war of occupation, but a war of quick penetration and obliteration – Blitzkrieg, lightning war » (Ce n’est pas une guerre d’occupation mais une guerre de pénétration et de destruction rapides – le #Blitzkrieg, la guerre éclair).

      https://www.youtube.com/watch?v=rlQ3cfBMhFY&feature=youtu.be


      c’était en 2017 et aujourd’hui #macron a siphonné les idées de #fillon

  • ARTE+7 | Je ne suis pas votre #nègre
    http://www.arte.tv/fr/videos/051638-000-A/je-ne-suis-pas-votre-negre

    James #Baldwin ne se contente pas de dénoncer les #violences et les #discriminations à l’égard des #Noirs, la terreur dans laquelle lui et ses semblables vivent. Il s’attaque à ce qui, dans la #culture américaine, et le #cinéma hollywoodien en particulier, s’obstine à fausser la #réalité : l’innocence factice, l’héroïsme côté blanc, la souffrance, la faiblesse côté noir, sans oublier les #hypocrites scènes de réconciliations raciales. « Les Blancs doivent chercher à comprendre pourquoi la figure du nègre leur était nécessaire », assène-t-il lors d’une allocution télévisée.

    #Etats-Unis

  • Démocratie fissurée : chroniques d’un mauvais élève de la République (2)
    https://reflets.info/democratie-fissuree-chroniques-dun-mauvais-eleve-de-la-republique-2

    La ré-élection de « Tonton » contre #chirac en 1988, est un moment amusant, presque décalé. Le Pen est déjà sorti du bois depuis les Régionales de 86 et notre manière à nous, une bande de potes un peu hasardeuse, de participer à cette mascarade, se fait en couvrant tous les murs de la ville un peu […]

    #France #Politique #Société #1984 #1989 #Béruriers_noir #Juppé #Mitterrand #Négresses_vertes #Neuromancien #OMC #Punk #Robocop #Tian'anmen #URSS

    • Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’un Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.

      J’ai beaucoup parlé d’Hitler. C’est qu’il le mérite : il permet de voir gros et de saisir que la société capitaliste, à son stade actuel, est incapable de fonder un droit des gens, comme elle s’avère impuissante à fonder une morale individuelle. Qu’on le veuille ou non : au bout du cul-de-sac Europe, je veux dire l’Europe d’Adenauer, de Schuman , Bidault et quelques autres, il y a Hitler. Au bout du capitalisme, désireux de se survivre, il y a Hitler. Au bout de l’humanisme formel et du renoncement philosophique, il y a Hitler.

      Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1950

      http://www.larevuedesressources.org/IMG/pdf/CESAIRE.pdf

      http://clio-texte.clionautes.org/spip.php?page=article-imprim&id_article=5217

      http://www.lesenrages.antifa-net.fr/aime-cesaire-discours-sur-le-colonialisme

  • De #Morano aux libertaires, #La_blancheur_est_toujours_borgne

    J’ai hésité à leur donner de la visibilité en les taguant ici, tant le simplisme haineux (et visiblement autosatisfait) de ce pauvre discours « libertaire » qui verse désormais ouvertement dans l’ornière d’un racisme crasse m’a révulsé, mais là aussi, la ligne de fracture est désormais profonde.

    Pour rappel, sont signataires de la Marche de la dignité, qui aura lieu le 31 octobre, d’éminentes pourritures telles que : Tariq Ramadan (que l’on ne présente plus), le rappeur Médine (qui est venu voir son pote Kémi Seba à la Main d’or), Houria Bouteldja (porte-parole du PIR, et accessoirement raciste et homophobe de service), des membres de la Brigade Anti-négrophobie, et une longue liste de personnes dont le discours nauséabond sera de circonstance pour Halloween.

    http://www.non-fides.fr/?Un-peu-d-agitation-contre-les

    #soliloque_blanc
    #racisme
    #PIR
    #marche_de_la_dignité
    #backlash_raciste
    #pattes_blanches_sous_drapeau_noir

    • Tags contre la #racialisation.

      Sont fêtés ce 8 mai 2015 les 10 ans d’un groupuscules d’universitaires #racialistes, le « Parti des Indigènes de la République », à la Bourse du travail de St Denis. Heureusement sans assises militantes et politiques concrètes, ce groupe bénéficie pourtant d’une visibilité assez importante et en tout cas disproportionnée. Pire, il profite d’une complicité larvée dans certains milieux politiques, malgré ses positions racialistes, racistes, homophobes et antisémites Ils sont également partisans du religieux, et défendent l’islam politique.
      Cette accointance avec des lambeaux de l’extrême gauche est sans doutes rendue possible du fait d’un certain vide politique, d’une culpabilisation importante à l’endroit de la banlieue et des immigrés ; tout cela prend place dans une période de confusion bien répandue. Au niveau international, générant encore d’autres effets de disproportion de visibilité, ils sont relayés par d’autres universitaires œuvrant dans les « post colonial » et « gender » studies.
      En réaction aux positions politiques du PIR on peut voir différents tags sur la Bourse du travail de St Denis et alentours.

      PIR dégage.

      Ni religion, ni racialisation, vive le communisme.

      Ni parti, ni indigène, ni république, vive la révolution.

      Nique la race, vive la lutte des classes, red panthers.

      Racialisteurs vous êtes des microfascistes

      Bouteldja, Soral, Dieudonné, Degagez

      http://seenthis.net/messages/412654

    • Les mouvements "libertaires" ou des mouvements "libertaires" essaient depuis une quinzaine d’année de s’implanter dans les banlieues. Évidement le PIR ou Ramadan représentent une belle épine dans le pied de l’offensive matérialiste dans les cités.

      La classe sans la race ?
      http://revueperiode.net/pour-deracialiser-il-faut-penser-la-race-et-la-classe
      Au vu de ce contexte, il est surprenant de constater que des secteurs de la gauche radicale comme de la gauche libérale tentent d’écarter la race de toute analyse de classe, et ce faisant, accordent à la classe une importance tellement plus grande qu’ils en viennent même à contester le recours à la race et au racisme comme catégories d’analyse.

      Le sociologue et activiste Pierre Bourdieu et son proche collaborateur Loïc Wacquant ont ainsi présenté une partie des analyses de la dimension raciale du pouvoir dans le monde, et en particulier le développement de l’action affirmative au Brésil, comme un désastre résultant de l’investissement massif des États-Unis dans l’exportation de certaines idées, relevant de la « ruse de la raison impérialiste ». Antonia Darder et Rodolfo Torres soutiennent quant à eux que le « problème du XXIe siècle » est l’utilisation de concepts tels que la « race » et la « blanchité » (whiteness), comme en écho aux positions du socialiste étatsunien Eugene V. Debs qui déclarait un siècle plus tôt que les socialistes – blancs, supposément – n’avaient « rien de particulier » à apporter aux Afro-américains, si ce n’est une place dans la lutte des classes.

      Ces observateurs considèrent toute focalisation sur la racialisation du pouvoir ou toute analyse structurelle de la blanchité comme autant d’« écrans de fumée », développés dans le seul but de « parvenir à masquer et brouiller les intérêts de classe ». Et si Darder et Torres concèdent encore que la question du « racisme » est digne d’intérêt, ce n’est même plus le cas du politiste critique Adolph Reed Jr. dans ses travaux récents. Ce dernier affirme que pour les militants, « la dénonciation du racisme est une sorte d’appendice politique : un vestige inusité d’un stade antérieur de l’évolution, le plus souvent inoffensif mais susceptible de s’enflammer dangereusement ». Pour Reed comme pour Debs, le « véritable clivage », c’est la classe.

      Ce rejet sans appel de la catégorie de race provient de tout ce qui en fait une catégorie d’un type différent de la classe : la déplorable tendance générale à l’associer à des considérations biologiques, qui se maintient en dépit de preuves scientifiques décisives ; l’acceptation tacite du nettoyage ethnique comme arme de guerre, les décennies de défaites des mouvements antiracistes dans certains pays, et les difficultés à rapprocher les différents combats au niveau international contre ce que leurs acteurs nomment le « racisme ». Ce contexte n’est pourtant pas une excuse pour un tel rejet.

      Il existe une forte tendance chez les marxistes à réduire les causes du racisme à la compétition sur le marché du travail. Pourtant, cette idée que le racisme n’est produit que par la compétition économique néglige cruellement le fait que les actes racistes sont parfois, peut-être même souvent, des actes de prise de pouvoir racial plutôt que de perte de pouvoir de classe (racial empowerment rather than class disempowerment). L’existence d’écoles et de quartiers exclusivement blancs s’explique moins que jamais par les discriminations structurelles à l’emploi, à l’heure où les lieux de résidence et de travail sont parfois très éloignés géographiquement. Et si l’on admet que certains des espaces les plus blancs de la société ne sont pas liés à la concurrence raciale au sein de la main d’œuvre, alors il faut comprendre que race et racisme se développent par-delà les rapports spécifiques de production et de reproduction.

      À partir des idées de Lénine sur la matérialité de l’idéologie, et de Du Bois sur le salaire psychologique que la race donne aux travailleurs blancs, nous comprenons que la race – comme le genre – configure les rapports de pouvoir de multiples façons. Comprendre le racisme implique de saisir les rapports de pouvoir existant séparément et au-delà des classes. L’histoire de la peine de mort aux États-Unis montre clairement que tuer un Blanc est considéré dans cette société comme un crime plus durement punissable que tuer un Noir, ce qui souligne la nécessité de comprendre que l’État joue non seulement un rôle de supervision, mais aussi de production de règles sociales fondées sur la race.

    • Je n’ai pas encore de position claire et définitive sur ce débat, mais nous sommes bien obligés d’admettre qu’une fois le racisme aboli, le dominé reste prisonnier de sa classe, et si l’on se contente des U.S.A, les problèmes d’une grande partie des non-blancs, n’en seront pas réglés pour autant.

      Au contraire, si les classes disparaissent, le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles. A moins de recréer des classes fondées explicitement sur la « race », ce qui parait difficile au vue de nos connaissances scientifiques.

      Il apparait alors que la lutte contre le racisme n’a de sens, non pas « au-delà des classes », mais bel et bien au sein des classes opprimées.

      Il me semble, par ailleurs, que la critique du capitalisme, but avoué de Marx et Engels, n’a rien à voir avec la question des discriminations (surtout à l’embauche qui présuppose le salariat), si ce n’est dans l’allocation des richesses - mais peut-on alors parler de discrimination ? -, mais se réfère à l’exploitation des hommes par les hommes selon leur position dans le système de production (travailleurs et /ou propriétaires des moyens de production), cette dernière devant être abolie.

      En ce qui concerne l’utilisation du concept de race pour l’analyse des discriminations, est-il pertinent ou n’est-t-il pas, plutôt, l’expression d’une pensée a priori racisée, qui voit dans la pigmentation ce qui relève du territoire et des pratiques culturels qui s’y appliquent ?

      Et, pour finir, je me demande si les travailleurs non-blancs ont gagné plus grâce aux luttes universalistes de classe ou grâce aux luttes de races ?

      Je remercie par avance celles et ceux qui m’indiqueront des articles, des blogs, des livres, permettant d’avancer dans ma réflexion, en plus des arguments contradictoires, ou non, qu’ils pourront m’apporter.

    • @colporteur, merci, j’ai déjà lu ce texte, c’est d’ailleurs celui du message que tu as indiqué plus haut. C’est à partir de là que je me suis mis à réfléchir à ces sujets.

      Merci aussi @unagi je vais lire ça attentivement, et donc avec un regard critique.

      C’est marrant comme « race » et sexe/genre semblent liés. Ce n’a pourtant rien d’évident, si ce n’est chercher des discriminations sociales irréductibles à autre chose, et fondamentale dans nos sociétés. Il serait sans doute intéressant d’analyser pourquoi ce sont ces deux « concepts » qui sont privilégiés, et non, par exemple la « beauté », la pratique sportive (golf ou foot ?) ou, plus important pour moi - sans doute à cause de mon passage par l’anthropologie, mais aussi de ma condition de provincial né dans une petite ville - , la discrimination territoriale qui est aussi bien vrai pour les banlieues que pour les campagnes. Mais sans doute pour des raisons différentes : les campagnards, nous n’avons pas accès à beaucoup de pratiques culturelles, faisant de nous des imbéciles, car incultes, aux yeux des urbains tandis que ce serait plutôt la méfiance, la peur, qui poussent les bourgeois et petits bourgeois urbains à discriminer les banlieusards.
      Tout ceci est très vite dit, mais c’est juste pour aborder le sujet, histoire de donner du grain à moudre à nos cerveaux inquiets ;-)

      PS : Je devrais peut-être regarder de plus près la géographie. Comme d’hab, s’il y en a pour m’indiquer des sources (@reka ?), merci d’avance.

    • @PaulBétous
      Pour moi la ligne de fracture est claire :
      qui refuse que la race soit envisagée comme une catégorie politique, en se drapant ostensiblement et théâtralement, du haut de sa position de privilégié au sein des systèmes de rapports sociaux de domination de race, dans un discours « antiraciste » planant littéralement au dessus de la réalité,
      qui se permet, de surcroît, le coup de pied de l’âne en falsifiant et calomniant les tentatives de penser ces systèmes de rapports sociaux de domination de race par celleux-mêmes qui se trouvent infériorisé-e-s et l’objet de ce marquage politique, participe du maintien et de l’impossibilité de penser sérieusement le racisme, en prétendant avoir résolu la question avant même d’avoir admis qu’elle soit envisagée comme une question le ou la concernant ellui aussi.

      Quelques pistes à destination de lecteurs et lectrices de bonne volonté - ce que ne sont assurément pas les « libertaires » qui affectent de voir ici des « racialiseurs » ou de ne pas voir la race, puisque elle n’existe pas biologiquement - pour commencer de prendre conscience de l’existence de la race comme marqueur, comme catégorie politique, et sur la nécessité de devoir se salir les mains à la penser comme telle, plutôt que de refuser d’envisager nos (je présuppose que vous êtes blanc comme moi, je prends le risque de me tromper) privilèges et leurs conséquences sur notre propre pensée :

      Sur le racisme comme système : les écrits d’#Albert_Memmi (#Portrait_du_colonisé, Portait_d’un_juif, L’homme_dominé ont le mérite de dater de déjà 40 à 50 ans, et de renvoyer à leur complaisance les discours idéalistes moralistes des « antiracistes » qui prétendent pouvoir, sans avoir pris la peine de regarder de trop près leur propre situation, déjà se situer au-delà du racisme. En passant, l’auteur montre ce qu’il devenait des sincères prétentions humanistes des colons antiracistes, au sein du contexte colonial.
      Les écrits de #James_Baldwin, contemporains, en particulier invitent son lecteur antiraciste et ... blanc à commencer de prendre conscience, depuis la question du racisme anti-noir américain, de la nécessité dans laquelle il se trouve à se considérer comme partie prenante quoi qu’il s’imagine pouvoir penser contre lui, de ce système (je pense plus précisément à un entretien passionnant, « Le corps de John Brown : conversation entre James Baldwin et Frank Shatz », du 27 mars 1973. Il est disponible en ligne, ... sur le site du #Parti_des_Indigènes_de_la_République. Lequel comporte nombre de textes assurément critiquables, mais plus encore stimulants, pour un antiraciste blanc disposé à prendre le temps d’accorder un minimum de considération aux propos des #racisés.

      #Cases_rebelles est une radio et un site qui comporte plus d’une ressource qui invite là aussi à se fatiguer le cerveau à aller au delà des vieilles certitudes antiracistes blanches et à écouter ce que les racisé-e-s et autres infériorisé-e-s et minorisé-e-s ont à dire

      les travaux de #Louis_Sala-Molins sur le #Code_Noir (grassement calomniés par le milieu intellectuel blanc ces temps ci) et ceux, plus importants encore, de #Rosa_Amelia_Plumelle_Uribe (#La_férocité_blanche, "#Traite_des_noirs_traite_des_blancs, pour ne citer que ceux que j’ai lu), déconstruisent - un gros mot post-moderne, cheval de Troie libéral, vecteur d’impuissance, d’averses de grêle et de fin de la critique sociale, selon plus d’un « révolutionnaire » auto-proclamé - remarquablement les discours dominants sur l’esclavage, l’infériorité, et les explications racialistes partagées y compris par l’antiracisme quant à la situation présente de l’afrique , des africains, des afro-descendants.

      Sur le lien racisme/sexisme, des auteures matérialistes comme #Christine_Delphy (#Classer_dominer) ou #Nicole_Claude_Mathieu (#L'anatomie_politique) ou #Colette_Guillaumin (#L'idéologie_raciste) me semblent des plus stimulantes.

      Enfin, sur l’existence des privilèges, et la nécessité pour les privilégiés de les confronter, si vraiment ils veulent s’attaquer aux systèmes de rapports sociaux inégalitaires au sein desquels ils sont pris, des auteurs comme #Léo_Thiers_Vidal (#Rupture_anarchiste_et_trahison_pro-féministe, #De_l'ennemi_principal_aux_principaux_ennemis) ou #John_Stoltenberg (#refuser_d_être_un_homme) permettent de réaliser que, si l’on veut combattre le racisme, tenir un discours antiraciste en soi ne suffira jamais : il faudra à un moment ou à un autre chercher à se donner les moyens de _ refuser d’être un blanc - c’est à dire, avoir admis que l’on en est un, avoir pris conscience de la nécessité de se confronter à sa propre blancheur, c’est à dire à ces _privilèges de dominant dont aucun « antiracisme », peu importe qu’il soit libertaire, radical, révolutionnaire ou réformiste, ne nous privera jamais puisqu_’il prétend en avoir fini avant de les avoir pensés._

      Je n’ai pas inclus de liens, pas le temps de les rechercher, mais confier ces titres et nom à votre moteur de recherche favori vous permettra d’en savoir plus, et vous mènera aussi à plus d’un blog où ces auteur-e-s et leurs écrits et bien d’autres sont diffusés, discutés, critiqués (#nègre_inverti, #Mrs_Roots, etc.)

    • Merci @martin5 pour toutes ces références, il me faudra du temps pour m’imprégner de tout ça, car si j’ai bien une expérience vis à vis de l’immigration, mon épouse étant chilienne, et de la différence de traitement entre elle et moi de la part de la préfecture au moment de faire valoir ses droits, je n’en ai pas comme non-blanc, d’autant moins que, dans ma petite ville balnéaire, les individus non-blancs sont très peu représenter. La discrimination raciste la plus flagrante étant en relation avec les manouches (comme ils s’identifient eux-même, je le précise pour ne pas laisser penser qu’il s’agit de les stygmatiser par un terme péjoratif), mais il n’est jamais fait référence à leur couleur de peau.

      Nous verrons bien, à l’usage si je suis un lecteur de bonne volonté ;-)

    • @PaulBétous

      Mes excuses, je n’y reviens qu’aujourd’hui.

      le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles.

      Je ne suis pas certain de vous comprendre.

      En fait, de mon point de vue, il me semble que c’est tout le contraire . Le racisme étant un système de hiérarchisation, un classisme pur, « aveugle à la race » pourrait très bien en apparences disparaître sous cette forme et ne subsister que comme « pur » racisme - qui, en tant que système de hiérarchisation sociale, serait évidemment lourd de conséquences très matérielles pour les individus s’y trouvant infériorisés. (D’une certaine façon, on pourrait peut-être argumenter que c’est à peu de choses près ce que le nazisme a prétendu être.)

      L’interpénétration des catégories politiques de race et de classe est plus qu’attestée au sein de la littérature socialiste dès le XIXème siècle (j’emploie évidemment ici le mot socialiste en un sens qui n’a plus cours depuis plus d’un siècle) : la racialisation du prolétariat européen a longtemps structuré le discours capitaliste (j’ai la flemme de retourner chercher des références ce matin). Pour ma part, j’en conclus - mais d’autres l’ont très bien fait avant moi - qu’on ne peut se permettre de prétendre penser trop longtemps indépendamment les uns des autres ces systèmes (classisme, racisme, sexisme,... liste non exhaustive) et les catégories qui les caractérisent.

      Par ailleurs, et ici je relate un petit peu une expérience de petit mec hétéro blanc et révolutionnaire libertaire si longtemps persuadé de détenir des outils dépassant d’avance les luttes (réputées « partielles, sociétales, particulières », etc.) antiracistes et féministes, des outils universels élaborés sans ces luttes « secondaires » : bien après des années de conflits répétés avec des féministes, la lecture de quelques textes en particulier m’a aidé à me faire éprouver cuisamment la nécessité de sortir sans regrets du bourbier idéaliste de telles prétentions.

      Je pense en particulier : Nos amis et nous de Christine Delphy ( Questions féministes , 1974 et 3975),
      Femmes et théories de la société : Remarques sur les effets théoriques de la colère des opprimés de Colette Guillaumin Sociologie et société,1981),
      (que j’ai lu des décennies après leur publication),
      et « Que vient faire l’amour là dedans ? Femmes blanches, femmes noires et féminisme des années mouvement » de Wini Breines (Cahiers du Genre, 2006).

      Je ne tiens pas à exagérer les effets possibles de la simple confrontation livresque, et je sais bien que ces lectures ont résonné avec ma propre histoire, faite d’une multitude d’autres expériences, lectures, disputes et discussions, mais il me semble que ces textes, de par les confrontations solidement argumentées qu’ils apportent, sont tout particulièrement propres - comme d’autres, assurément : c’est une nécessité que le PIR me semble assumer avec un courage et une ténacité admirables - à tester et tremper la bonne volonté des dominants.

      Aujourd’hui, je tiens que les écrits féministes et antiracistes sont riches d’analyses brillantes et éclairantes et irremplaçables. J’ai longtemps été un lecteur passionné de Marx et Bakounine, de Stirner, de Makhno, des Luxembourg, Pannekoek, Korsch et Rhüle, de Souvarine, des situs. Aujourd’hui, pour avoir appris entre temps que je n’avais jamais été indemne du racisme et du sexisme et que, bien que je ressente la nécessité de combattre racisme et sexisme, je ne l’étais toujours pas (indemne, exempt de racisme et de sexisme), ma weltanschauung n’est plus aussi simpliste et monolithique qu’autrefois. Je ne pense plus qu’il soit possible de prétendre penser le monde à partir des seuls outils forgés par l’expérience et les luttes « de classe » occidentales et masculines : non seulement aveugles aux autres expériences, mais aussi lourdement biaisés.

      Et je suis aussi un lecteur passionné d’Andréa Dworkin, de Christine Delphy, de Mona Chollet, d’Albert Memmi, de Franz Fanon, du PIR, d’une pléiade de blogs et d’auteures féministes et décoloniales, un auditeur passionné de Cases Rebelles, et j’en passe ; des personnes qui ne sont pas toujours d’accord, qui confrontent leurs analyses et leurs luttes. Cela dans la relative indifférence, quand ce n’est pas le mépris ouvert et face à l’hostilité déclarée d’une part conséquente d’un petit milieu d’héritiers actuels des mouvements ouvriers et révolutionnaires occidentaux qui se satisfait de végéter et de se racornir en pensant en quasi-autarcie, à qui les catégories de privilégiés blancs et masculins ne convient que trop bien.

      Et j’ai un peu mal à mon matérialisme quand je lis chez des « libertaires » des agressions et une imbécile hostilité telles que celle relatée ici.

    • @martin5, vous me dites :

      Je ne suis pas certain de vous comprendre

      C’est normal, car vous n’avez isolé qu’une petite partie du propos suivant :

      Je n’ai pas encore de position claire et définitive sur ce débat, mais nous sommes bien obligés d’admettre qu’une fois le racisme aboli, le dominé reste prisonnier de sa classe, et si l’on se contente des U.S.A, les problèmes d’une grande partie des non-blancs, n’en seront pas réglés pour autant.

      Au contraire, si les classes disparaissent , le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles. A moins de recréer des classes fondées explicitement sur la « race », ce qui parait difficile au vue de nos connaissances scientifiques.

      Et vous le contredisez en rétorquant :

      En fait, de mon point de vue, il me semble que c’est tout le contraire . Le racisme étant un système de hiérarchisation, un classisme pur , « aveugle à la race » pourrait très bien en apparences disparaître sous cette forme et ne subsister que comme « pur » racisme - qui, en tant que système de hiérarchisation sociale, serait évidemment lourd de conséquences très matérielles pour les individus s’y trouvant infériorisés.

      Vous voyez bien que si je dis qu’une fois les classes disparues, le racisme n’a plus de prise sur les individus, vous ne pouvez élaborer votre réponse, en partant de l’idée qu’il y aurait des classes, à moins de penser qu’un monde sans classes est impossible.
      Votre commentaire ("il me semble que c’est tout le contraire") pourrait même laisser croire qu’une division de la société en classes économiques est un rempart contre une société divisée en classe selon la race.

      De mon côté, parmi les lectures conseillées, je n’ai lu pour l’instant que « Les femmes issues de l’immigration en Seine Saint-Denis » et « L’homme dominé » de Memmi. Et dans les deux, les auteurs notent l’importance primordiale de la domination économique, et notamment de la (sous ?) culture spécifique des classes opprimées, dans les rapports perçus comme racistes par celleux qui en sont victimes. Le premier explique clairement que ce n’est qu’avec la fin des usines que la « race » a pris le pas sur le statut économique. Et le second, nous parle bien plus de relations entre cultures différentes, notamment avec des religions différentes, que de luttes des races. Si ce n’est son affirmation, totalement erronée, voire préalablement raciste vous l’admettrez, selon laquelle il existerait une culture noire. Il suffit de regarder la multiplicités des cultures africaines subsahariennes pour se convaincre du contraire.
      Ces lectures me renforceraient plutôt sur la prépondérance de l’origine géographique (même fantasmée) et de la différence de coutumes, de pratiques, dans ce que l’on peut voir, et qui est nommé aujourd’hui, comme du racisme.

      Enfin l’article sur les femmes issues de l’immigration montre également que la discrimination de genre et la discrimination de race, ne fonctionnent pas de la même façon :

      Les jeunes femmes issues de l’immigration cumulent donc les discriminations dans l’accès à l’emploi comme l’ensemble des jeunes issus de l’immigration d’une part et les discriminations salariales comme l’ensemble des jeunes femmes. Au sein d’une même catégorie d’emploi la discrimination salariale liée à l’origine s’atténue, mais celle liée au genre ne diminue pas.

    • Vous voyez bien que si je dis qu’une fois les classes disparues, le racisme n’a plus de prise sur les individus, vous ne pouvez élaborer votre réponse, en partant de l’idée qu’il y aurait des classes, à moins de penser qu’un monde sans classes est impossible.
      Votre commentaire (« il me semble que c’est tout le contraire ») pourrait même laisser croire qu’une division de la société en classes économiques est un rempart contre une société divisée en classe selon la race.

      je me répète (je n’aurai pas l’occasion d’y revenir de quelques jours)

      _ L’interpénétration des catégories politiques de race et de classe est plus qu’attestée au sein de la littérature socialiste dès le XIXème siècle (j’emploie évidemment ici le mot socialiste en un sens qui n’a plus cours depuis plus d’un siècle) : la racialisation du prolétariat européen a longtemps structuré le discours capitaliste (j’ai la flemme de retourner chercher des références ce matin). Pour ma part, j’en conclus - mais d’autres l’ont très bien fait avant moi - qu’on ne peut se permettre de prétendre penser trop longtemps indépendamment les uns des autres ces systèmes (classisme, racisme, sexisme,... liste non exhaustive) et les catégories qui les caractérisent.

      Je ne peux faire mieux que vous inviter à envisager plus de complexité qu’il ne me semble en lire ici dans vos propos, et que cela puisse prendre du temps.
      Je n’ai pas cherché à vous _convaincre
      de quoi que ce soit.

      Si ce n’est peut-être de faire place à une chose : conçu comme universel, le modèle classiste issu des luttes révolutionnaires occidentales envisage pour des raisons historiques assez connues la société que les êtres humains - tou-te-s - se font depuis une position particulière : celle d’une chair à travail masculine, blanche. Aujourd’hui en panne, une partie des tenants de ce modèle, de ce paradigme, préfère jetter violemment l’opprobre (antisémites ! racialistes ! libéraux ! diviseurs ! déconstructivistes ! etc - la virulence est variable) sur celleux qui parlant depuis la position autre qui leur est faite au sein du même monde humain, ont aussi recours à d’autres outils pour le penser, et imposent, par leur simple accès à la parole, une conception plus complexe du même monde.

  • Nègres, Noirs... Du bon usage des mots en cartographie
    http://visionscarto.net/negres-noirs-du-bon-usage-des-mots

    Ce billet a été initialement publié le 17 mai 2007 sur l’ancien site “Visions cartographiques”. Nous en proposons ici une version mise à jour et augmentée. L’image du bandeau représente un détail d’un tableau du peintre burkinabé Hippolyte Delavolta (collection privée, Libreville, gabon). Il est utile de ressortir nos vieux atlas et d’en faire cette lecture comparative qui réserve parfois d’étonnantes surprises... par Peggy Pierrot et Philippe Rekacewicz On peut, par exemple, ouvrir et comparer trois (...)

    #Billets

  • Spectres of Capital: The Political Economy of Ghostwriting | Linguistic Capital

    http://linguisticcapital.wordpress.com/2014/10/31/spectres-of-capital-the-political-economy-of-ghostwriti

    Voulez-vous devenir nègre ?

    https://linguisticcapital.files.wordpress.com/2014/05/book-burning-history.jpg?w=604&h=604

    Nearly every book you have read by a celebrity or politician has been written by someone else: the ghostwriter, whose name remains unknown (or else slyly inserted in the ‘acknowledgements’ section). At a moment’s thought we know this; many people would be quite offended, after all, if they thought that Barack Obama truly sat down and wrote the several(!) books under his name. Likewise, for a CEO to actually take the time to write a business book would be “widely perceived as an act both desperate and pathetic”—in a word, “it would have made him [or her] a schmuck” (Hitt, 1997). Yet, nobody thinks about this—we cling to the reified notion of The Author even as it becomes more and more separate from that of the Writer. The present essay addresses ghostwriting in all its apparitions, from celebrity ‘autobiographies’ to its increasing prevalence in music and online dating. We will trace out its phantasms in ancient and contemporary philosophy, from Aristotle to hauntology, underscoring its implications for both theory and anti-theory. And lastly, we will argue that increasing ‘spectrification’ of society (and the emergent spectra and spectralities arising in its wake) places deeply into question the method of ‘textual analysis’ of capitalism.

    https://linguisticcapital.files.wordpress.com/2014/05/gw2.jpg?w=604

    #écriture #littrature #ghostwriting #nègres_littéraires

  • VIDEO: Israelis Chant “N*ggers Go Home” Carrying ISIS-Style Flags At Anti-African Rally

    Video footage of Jewish Israelis with ISIS-style flags, chanting “niggers go home” at an anti-African rally in Tel Aviv on October 5 has surfaced. Hundreds of protesters could be heard in streets of Tel Aviv chanting anti-African racial slurs, following an Israeli High Court ruling to close down “Holot” detention facility within 90 days. Holot is essentially an internment camp holding about 2,300 of 60,000 African asylum seekers in Tel Aviv. Israelis are outraged by the court decision to close “Holot,” where African migrants from Eritrea and Sudan have been locked in facilities overnight and are forced to sign in several times per day.

    http://www.addictinginfo.org/2014/10/07/video-israelis-chant-nggers-go-home-carrying-isis-style-flags-at-anti

    #Israël #racisme #nègre #vidéo #manifestation

  • L’Europe des populismes (7/8) : le FPÖ autrichien change d’image
    http://fr.myeurop.info/2014/05/15/l-europe-des-populismes-78-le-fp-autrichien-change-d-image-13839

    Céline Béal

    Le Parti autrichien de la liberté (FPÖ) veut arriver en tête du scrutin européen dans son pays. Cela fait 30 ans qu’il tente de se « normaliser » en essayant de rompre avec un héritage idéologique proche du nazisme.

    Ne dites plus du FPÖ qu’il est #néonazi. lire la suite

    #Débat #Société #INFO #Autriche #Union_européenne #Andreas_Mölzer #antifasciste #AUTRICHE #David_Alaba #extrême_droite #football #FPÖ #Front_national #Heinz-Christian_Strache #nègres #néofasciste #populisme #racisme #union_européenne

  • Le devenir-nègre du monde - Nonfiction.fr le portail des livres et des idées
    http://www.nonfiction.fr/article-6949-le_devenir_negre_du_monde.htm

    L’historien distingue trois « moments » qui conduisent au « devenir-nègre du monde ». Ce processus est entamé au XVe siècle avec le début de la traite atlantique (le premier capitalisme), pilier de la modernité. Le « nègre » est alors considéré comme « homme-objet », « homme-marchandise ». Le phénomène se poursuit jusqu’à l’ère du capitalisme néolibéral : #Achille-Mbembe voit en effet dans le néolibéralisme une pulsion consistant à transformer l’Homme en objet et à assurer une maîtrise illimitée sur l’ensemble du vivant. Se dessine alors le devenir d’un homme-machine, d’un homme-chose (comme pouvait l’être l’esclave), qui doit répondre « au double souci de se reproduire et de jouir des biens de ce monde », tout en s’adaptant sans cesse, dans une logique de court-terme, aux injonctions de la société. Achille Mbembe voit ainsi dans ce devenir de l’individu à l’ère néolibérale « une universalisation tendancielle de la condition nègre ». Une telle société conduit finalement à une relégation des individus à une humanité superflue, livrée à l’abandon, dont le capital n’a guère besoin pour son fonctionnement. Ces deux moments – la traite atlantique et l’ère du néolibéralisme – sont entrecoupés par celui de la lutte pour l’émancipation – marqué par exemple par le mouvement pour les droits civiques, ou plus récemment la fin de l’apartheid.

    #néolibéralisme #negre

  • « Le point de départ, le déclic, me fut donné par une boîte à musique où les automates étaient quatre nègres en livrée s’inclinant devant une petite princesse de porcelaine blanche. Ce charmant bibelot est du XVIIIème siècle. À notre époque, sans ironie en imaginerait-on une réplique : quatre valets blancs saluant une princesse noire ? Rien n’a changé… Que se passe-t-il donc dans l’âme de ces personnages obscurs que notre civilisation a acceptés dans son imagerie, mais toujours sous l’apparence légèrement bouffonne d’une cariatide de guéridon, de porte-traine ou de serveur de café costumé ? Ils sont en chiffon, ils n’ont pas d’âme. S’ils en ont une, ils rêvent de manger la princesse. »

    (Jean #Genet, préface inédite de la réédition des #Nègres, L’Arbalète, 1963, in Oeuvres complètes, dans La Bibliothèque de La Pléiade)

  • 5 New Films to Watch Out For, N°29
    http://africasacountry.com/5-new-films-to-watch-out-for-n29

    #Nègre_Blanc ("White Negro") is Cheikh N’diaye’s new #FILM about albinism, in which he tackles rumors, stereotypes and misconceptions through the eyes of Cameroonian storyteller Léonard de Semnjock, is one of the five films on our list this week.

    #La_Rive_Noire #Pokou_Princesse_Ashanti #Sans_Image