« En 1958, quatre ans après avoir mis un point final à ce Lolita, dont les thèmes principaux étaient -tout de même- la pédophilie et l’inceste, Vladimir Nabokov, l’éminent professeur de littérature, voyait la réputation de ses cours grandir de mois en mois. Parallèlement, celle de son livre, dont quelques exemplaires entraient régulièrement en contrebande depuis la France, accolait à son nom une réputation de soufre en décalage avec la distinction dont faisait montre en toutes circonstances cet héritier d’une famille aristocratique russe. Un mélange détonnant qui acheva de convaincre Walter Minton de publier Lolita aux Etats-Unis, le 18 août 1958, très exactement.
Lolita apporta la richesse et une célébrité mondiale à Nabokov, reconnu dès lors comme une figure majeure de la littérature américaine. Mais la transformation mercantile de sa Lolita, dans l’imagerie populaire, en jeune femme aguicheuse de dix-huit ans aux formes attirantes et prometteuses de nuits inoubliables, le consternait. Qu’elle devînt un symbole hédoniste, annonciateur de la libération sexuelle, dans les années soixante et soixante-dix, l’horrifiait.
Vladimir Nabokov, qui avait voué sa vie à la littérature, avait, malgré lui, engendré un mythe qui surpassait sa création. »