• Les « #minerais_de_sang » du #numérique, clé de la guerre en #RDC

    Au Congo, le mouvement armé #M23 soutenu par le Rwanda s’est emparé de la ville de Goma, capitale d’une province riche en #minerais_stratégiques. Indispensables aux #smartphones, ils alimentent ce #conflit meurtrier et écocidaire.

    C’est un tournant dans la guerre qui ravage l’est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis trente ans. Dimanche 26 janvier, des combattants du #Mouvement_du_23_mars (M23), un #groupe_armé antigouvernemental, appuyés par 3 000 à 4 000 soldats rwandais, sont entrés dans Goma, la capitale de la province du #Nord-Kivu où vivent un million de personnes.

    Au cœur de ce conflit, les « minerais de sang » — #coltan, #nickel, #étain et #or — indispensables à la fabrication des équipements électroniques et notamment des smartphones. Reporterre fait le point avec #Fabien_Lebrun, chercheur en sociologie et auteur de Barbarie numérique. Une autre histoire du monde connecté (L’Échappée, octobre 2024).

    Reporterre — Quel est le lien entre le conflit à l’est de la RDC et les minerais utilisés pour fabriquer nos smartphones ?

    Fabien Lebrun — Au cœur de cette guerre se trouvent les minerais de sang, aussi appelés #minerais_de_conflits : le coltan, le nickel, l’étain et l’or. Le coltan est transformé en #tantale, indispensable à la fabrication des #condensateurs pour smartphones : sans ce #métal très résistant à la chaleur et à la corrosion qui permet la miniaturisation des composants, les téléphones chaufferaient tellement qu’ils pourraient prendre feu. Or, les deux tiers des réserves mondiales de coltan se trouvent dans et à l’est du Congo. L’Afrique des Grands Lacs — Congo et #Rwanda confondus — en assure la moitié de la production mondiale.

    L’est du Congo est également riche en #cassitérite, dont provient l’étain indispensable pour les soudures des circuits électroniques ; en #wolfram, ou #tungstène, qu’on retrouve dans les vibreurs et les haut-parleurs des téléphones portables ; et en or, dont l’industrie numérique siphonne 10 % de l’extraction mondiale pour la fabrication de ses #cartes_mères et ses circuits imprimés. Depuis la première guerre de 1996, ces minerais occupent une place dans ce qu’on peut appeler une #économie_de_guerre, une économie militarisée qui perdure à ce jour.

    Depuis avril dernier, les rebelles du M23 contrôlent la zone minière de #Rubaya, qui fournit 15 % du coltan mondial. Quel intérêt stratégique y trouvent-ils ?

    En contrôlant administrativement la zone, le M23 peut élaborer tout un système de #taxes et ainsi financer le conflit. D’après un rapport de l’ONU, le groupe exporte désormais 120 tonnes de coltan par mois et les taxes qu’il prélève sur la production lui assurent un revenu d’environ 800 000 dollars mensuels. D’un point de vue économique et financier, les intérêts sont importants.

    Le M23 est soutenu par l’armée rwandaise. Depuis plusieurs années, le président de la RDC Félix Tshisekedi accuse le Rwanda de convoiter ses #ressources en #minerai. Quel rôle ont ces ressources dans l’aggravation des tensions géopolitiques dans la région ?

    Ces #métaux sont, si ce n’est la principale cause, au moins un déterminant important dans l’#instabilité de la #région_des_Grands_Lacs. L’exploitation et la commercialisation de ces minerais de sang structurent l’#économie, l’#industrie et la #politique de la région. Elles produisent une rente qui enrichit les #élites et favorise la #corruption.

    On parle beaucoup du Rwanda, plaque tournante pour ces minerais indispensables aux équipements électroniques, mais l’Ouganda et dans une moindre mesure le Burundi sont aussi dans le coup. L’État congolais lui-même est en partie responsable de la situation : 2 000 kilomètres séparent Goma de la capitale, Kinshasa, et les institutions étatiques y sont absentes.

    Quelles sont les conséquences humaines et écologiques de l’#industrie_minière pour les habitants du Nord-Kivu ?

    Depuis le milieu des années 1990, début de la révolution numérique, le coût humain et écologique de ce conflit autour des minerais de sang est démentiel. Avant même le regain de #violence des trois dernières semaines, les analystes parlaient de plusieurs millions de #morts, de 7 millions de #déplacés dans des conditions terribles et de 4 millions de réfugiés qui ont fui le Congo. Près de 30 millions de Congolais sont en situation de #malnutrition aiguë.

    Au-delà du conflit, le bilan écologique est dévastateur. Les terres du Nord-Kivu, fertiles et qui auraient pu bénéficier à l’agriculture locale, ont été saccagées par les activités minières. L’#air est pollué d’effluves toxiques.

    « À certains endroits, il n’y a plus de vie aquatique »

    L’industrie minière est aussi en partie responsable de la destruction de la #forêt du bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical mondial crucial dans la lutte contre le changement climatique. Les espèces en voie d’extinction qui y vivent — gorilles des montagnes, bonobos, rhinocéros — sont massacrés par les groupes armés qui contrôlent les activités minières.

    Mais la première victime de l’extractivisme est l’#eau, comme l’explique l’ingénieure à SystExt Aurore Stéphant. Cela se vérifie au Congo, avec des centaines de kilomètres de cours d’eau contaminés aux #métaux_lourds — plomb, cadmium, etc. Le fleuve Congo est touché, ainsi que les #nappes_phréatiques. À certains endroits, il n’y a plus de #vie_aquatique.

    L’appétit des États occidentaux et des #multinationales de la tech pour ces ressources n’est pas étranger à ce désastre…

    Cela fait des décennies que la #responsabilité de l’#industrie_numérique dans la déstabilisation de la RDC est pointée du doigt. Mi-décembre, le président de la RDC a porté #plainte contre #Apple pour recel de #crime_de_guerre, blanchiment de faux et #tromperie des consommateurs.

    Déjà, en 2019, l’organisation internationale Right Advocates avait lancé une action collective contre Apple, #Microsoft, #Tesla, #Google et #Dell, qu’elle accusait de profiter du #travail_d’enfants dans les mines de cobalt congolaises. Malheureusement, la plainte n’avait pas abouti.

    « La production de masse de la #Playstation 2 de #Sony avait entraîné une ruée vers les activités minières »

    En 2016, Amnesty International et Afrewatch accusaient de grandes marques électroniques comme Apple, #Samsung et Sony d’acheter du cobalt à des négociants s’approvisionnant dans des mines où travaillent des enfants.

    En 2000, la flambée des prix du coltan, alimentée par la production de masse de la Playstation 2 de Sony, avait entraîné une ruée vers les activités minières à l’est de la RDC avec des conséquences très néfastes pour les communautés.

    Or, les États appuient bien souvent ces multinationales. En février, Bruxelles et Kigali signaient un accord pour un approvisionnement « durable » de l’Union européenne en minerais critiques. Alors qu’on sait très bien que 90 % des minerais de sang qui sortent du Rwanda proviennent du Congo !

    Peut-on parler de #néocolonialisme ?

    L’extractivisme est la pratique coloniale historique par excellence. Dès le XVIᵉ siècle, les conquistadors ont pillé l’or et l’argent des Amérindiens, qu’ils ont exterminés. Cet épisode a été un tournant pour l’enrichissement des États occidentaux et la naissance du capitalisme et de la mondialisation.

    Les activités minières, polluantes, génératrices de conflits sociaux, d’usages des terres et de l’eau, étaient sorties de nos imaginaires. Mais depuis trente ans, on assiste à un regain de l’extractivisme pour alimenter la #révolution_numérique.

    Il est évident que l’accord qui permet à l’Union européenne de piller la RDC en passant par le Rwanda est typiquement néocolonial. De même que la #mainmise de la #Chine sur le cobalt et le #cuivre congolais. On pourrait parler de #technocolonialisme.

    Que faudrait-il faire pour aider la région du Nord-Kivu à s’apaiser ?

    Nous ne pourrons pas diminuer la pression minière dans la région des Grands Lacs sans décroissance minérale et métallique. Pour être solidaires avec les Suds, il faudra forcément acheter moins et favoriser des appareils plus durables et mieux réparables.

    Réduire notre demande en métaux rares va aussi impliquer d’avoir des outils moins rapides, moins performants. C’est tout notre quotidien numérique et la numérisation à marche forcée qui sont à revoir.

    https://reporterre.net/Les-minerais-de-sang-du-numerique-cle-de-la-guerre-en-RDC
    #République_démocratique_du_congo #Congo #extractivisme #minerais #pollution

  • Scandale des #PFAS : 35 ans après, les #déchets de #Tefal contaminent toujours

    L’usine Tefal à #Rumilly, en #Haute-Savoie, a déversé jusqu’en 1989 des quantités de déchets chargés en PFAS. Grâce à des documents inédits, Reporterre révèle l’étendue de cette contamination aux polluants éternels.

    De sa jeunesse à Rumilly, en Haute-Savoie, Gilles [] se souvient encore des jeux dans une des décharges de la commune. Il transformait des fûts abandonnés en radeaux et voguait, dans ce fossé où l’eau transpirait de la nappe. Habitants, industriels… « Tout le monde venait y jeter des choses ! » assure-t-il aujourd’hui. Cette mémoire se confond avec celle de Patrice []. Son plaisir à lui, c’était le motocross, lancé sur un immense tas de boues « déversées par camions », notamment par un industriel bien connu du coin : Tefal. « Une fois adulte, je me suis dit que tout ce qui avait été jeté là, un jour, on finirait par le payer. En santé », lâche Gilles.

    Reporterre s’est plongé dans le passé du célèbre fabricant de poêles antiadhésives, premier employeur de la ville. Des documents, en accès libre pour certains et obtenus auprès des services de l’État pour d’autres, révèlent comment l’activité historique de Tefal et l’enfouissement de déchets dans divers dépôts à Rumilly et alentour, pratiqué de 1968 à 1989, ont légué à la commune des sources de contamination aux « #polluants_éternels », les PFAS, toujours actives aujourd’hui. Un quartier résidentiel entier pourrait être exposé.

    Ces nouveaux éléments viennent compléter le tableau de la contamination à grande échelle découverte à Rumilly. Fin 2022, la cité savoyarde de 16 000 habitants apprenait que son eau potable contenait du PFOA, un PFAS interdit depuis 2020 et reconnu cancérogène en 2023, à un niveau supérieur aux recommandations sanitaires.

    Une substance que l’on retrouvait, jusqu’en 2012, dans le #PTFE, ce revêtement antiadhésif plus communément appelé #Téflon, qui a fait le succès des poêles de Tefal, détenu par le groupe #SEB. Depuis fin 2023, une nouvelle unité de traitement, dont le coût de fonctionnement pour un an a été financé par l’industriel, permet de rendre l’#eau du captage pollué à nouveau potable. Mais notre enquête montre que cela ne suffit pas à régler le problème.

    Un dôme enherbé au lourd passé

    Une grande butte de terre surplombe le plan d’eau des Pérouses, la base de loisirs où les Rumilliens aiment se baigner l’été. Difficile d’imaginer que ce dôme enherbé, qui se fond aujourd’hui dans le paysage, a accueilli, de 1968 à 1974 puis de 1979 à 1988, les déchets de Tefal.

    Le site de l’industriel se situe à moins de 1 kilomètre à vol d’oiseau. Dans son étude historique [1], un document inédit que Reporterre s’est procuré, Tefal reconnaît avoir enfoui ici 30 000 m³ de « boues », l’équivalent de douze piscines olympiques. Il s’agit des résidus solides extraits des rejets d’eaux usées de l’entreprise, à l’issue d’un traitement épuratoire. Celles déversées au dépôt des Pérouses, qui était à l’origine une carrière, contenaient, a minima pendant la période 1979-1988, des « résidus de revêtements [de PTFE] », composés du très toxique #PFOA.

    C’est à ce même endroit que Patrice venait jouer au motocross. « On y était allé avec des copains. On pensait que c’était solide, mais on s’était enfoncés », s’amuse un autre habitant de Rumilly. Des analyses réalisées par le bureau d’études TAUW pour le compte de Tefal — en ligne sur le site de la direction régionale de l’environnement (Dreal) — montrent qu’en 2023, soit trente-cinq ans après l’arrêt du dépôt, la nappe phréatique présente sous le site reste fortement polluée au PFOA. Jusqu’à 17 900 nanogrammes par litre (ng/l) pour ce seul composé. Un résultat « à interpréter avec réserve », précise toutefois TAUW.

    C’est tout de même quasiment neuf fois plus que la norme de qualité pour les eaux brutes — une eau qui n’a pas reçu de traitement —, fixée à 2 000 ng/l. Ce taux de PFOA fait partie des plus élevés jamais enregistrés en France dans une nappe phréatique, selon les informations disponibles. « À ce niveau-là, on est vraiment sur des sites très contaminés », analyse Sébastien Sauvé, professeur en chimie environnementale et spécialiste des PFAS.

    Pour les experts de TAUW, ce site « constitue vraisemblablement une source historique [de contamination] pour les eaux superficielles et les eaux souterraines. » Le Chéran, un cours d’eau présent en aval, contaminé aux « polluants éternels », pourrait donc avoir été impacté par le ruissellement de la nappe polluée par le dépôt.

    « Les PFAS se bioaccumulent facilement chez les animaux, notamment les invertébrés aquatiques dont les poissons se nourrissent. Je serais assez inquiet de manger un poisson provenant de ces rivières », dit Sébastien Sauvé.

    En avril 2023, l’Agence régionale de santé (ARS) a en effet recommandé de ne plus consommer les poissons pêchés dans le Chéran ou le Dadon. Le plan d’eau des Pérouses présente, lui, des taux de PFOA compris entre 200 et 300 ng/l. La norme des PFAS dans l’eau potable est de 100 ng/l. L’été dernier, des associations ont demandé d’y interdire la baignade, évoquant un risque de contamination par contact avec la peau. Une demande qui n’a pas été suivie d’effets.
    Des tonnes de déchets au milieu d’une ferme

    À une quinzaine de minutes en voiture du plan d’eau des Pérouses, dans la commune voisine de Sales, une ferme donne une vue imprenable sur les vallées de Haute-Savoie. Une poignée de maisons et quelques vaches parsèment le paysage. Sur cette exploitation, une légère butte, à quelques mètres de l’habitation des propriétaires, se détache : là, Tefal a déversé 5 000 m³ de boues, entre 1974 et 1979, dont au moins une partie contenait des PFAS, selon l’étude historique de l’industriel.

    « C’était un trou avant. Je me souviens de camions qui sont venus déverser, mais j’étais petit », se remémore l’exploitant agricole, qui ne souhaite pas non plus donner son nom. Ce dépôt a été mis en place avec l’accord du propriétaire qui souhaitait avoir un « accès plus direct à ses terres », révèle un document d’archives de 1973. À cette époque, la préfecture avait donné son aval à ce projet, estimant « qu’il n’y aurait pas de risque de #pollution des #nappes_phréatiques ».

    « Il y a localement un impact », estime pourtant le bureau d’études TAUW, qui a mesuré en 2023 un taux de 110 ng/l de PFOA dans une source d’eau, à 240 mètres en aval, « qui sert ponctuellement à l’abreuvement des bovins ». Une concentration de 125 ng/l a également été relevée une fois en 2022 dans un autre puits à 800 mètres. « Ce qu’ils mettaient, ça ressemblait à de la chaux. Ça n’a jamais été toxique, la chaux. Personne n’est tombé malade ici. Même moi, ça m’arrive de boire l’eau du puits », glisse le propriétaire des terres.
    Un quartier potentiellement exposé

    C’est peut-être ce qui se cache sous les usines de Tefal qui présente, encore aujourd’hui, le plus fort risque pour la population. La nappe phréatique, localisée sous les usines et entrepôts du géant de la poêle qui s’étendent sur une trentaine d’hectares au sud du centre-ville, est largement contaminée au PFOA.

    Or, les études hydrogéologiques montrent qu’elle s’écoule en direction du quartier pavillonnaire des Grangettes, situé en contrebas et peuplé d’environ 3 000 habitants. Dans ces eaux souterraines, les taux de PFOA relevés dépassent, là encore, à plusieurs reprises les 2 000 ng/l, la valeur de qualité de référence pour les eaux brutes. « Ces concentrations semblent témoigner d’un cas sérieux de pollution », dit Martin Scheringer, chercheur et président du Groupe d’experts internationaux sur la pollution chimique (IPCP).

    Dans cette zone, les experts de TAUW estiment que la contamination pourrait provenir des activités historiques de Tefal liées à l’utilisation de PTFE contenant du PFOA, mais aussi d’une ancienne décharge communale localisée sous un des bâtiments de l’entreprise. Elle y a déversé des déchets de septembre 1988 à mai 1989. Ces huit mois d’enfouissement, trente-cinq ans plus tard, représentent toujours un risque « élevé », d’après l’étude historique.

    Pour les habitants vivant dans le quartier des Grangettes, selon le bureau d’études, les voies d’exposition possibles sont multiples : puits privés pour arroser le potager, ingestion directe d’eau ou de particules de sol. Une enquête de voisinage menée sur 93 logements par le bureau d’études Antea, pour le compte de la mairie — un document obtenu par Reporterre auprès de la préfecture —, recense dans ce secteur 3 puits, 17 potagers et 1 élevage.

    Patrice, qui s’amusait dans les dépôts de boues avec sa moto, vit aux Grangettes et utilise son puits « depuis quarante ans » pour arroser son potager. Il va continuer à le faire, se disant peu inquiet. Virgile Benoit, membre de l’association environnementale Agir ensemble pour Rumilly et l’Albanais (Aera), adopte la position inverse : « Les révélations sur les PFAS à Rumilly m’ont fait sauter le pas : j’ai complètement arrêté de cultiver mon potager. »

    Contactée, la communauté de communes Rumilly Terre de Savoie n’a pas répondu à nos questions précises. « Je suis surpris d’apprendre que [la pollution] pourrait éventuellement se déplacer là-bas », exprime pour sa part Christian Dulac, maire de Rumilly. Une position étonnante, puisque l’étude d’Antea, rendue à la municipalité en octobre 2023, mentionnait déjà ce risque d’exposition. Christian Dulac a été élu maire en novembre 2023, à l’issue d’élections anticipées. Les habitants que nous avons rencontrés, pour partie des salariés de Tefal, affirment, eux, ne pas être au courant de la problématique.

    En novembre 2023, une enquête conjointe du Monde, de France 3 et du Dauphiné libéré a révélé des analyses de sang prélevées chez cinq femmes volontaires. Résultat : elles présentaient toutes des taux de PFOA 4 à 6 fois supérieurs à la moyenne détectée au sein de la population générale par une étude de Santé publique France de 2019.

    Selon des documents transmis par la préfecture, des recherches plus poussées pour caractériser précisément la pollution vont être engagées par Tefal. Aucune étude sur les humains n’est prévue.
    « Nous avons toujours agi dans le respect de la réglementation »

    Contactée, la société Tefal tient à souligner « son empreinte réduite parmi les entreprises utilisatrices de PFAS ». Il est vrai que les rejets actuels de PFAS de l’entreprise sont limités, en comparaison d’autres industriels. En revanche, les taux de PFOA cités plus haut, détectés dans les nappes présentes sous les dépôts de déchets de Tefal ou ses usines, figurent parmi les plus élevés jamais mesurés dans les eaux souterraines en France.

    « Les sources potentielles [de contamination] sont nombreuses, avec notamment des décharges publiques ou d’autres acteurs industriels présents dans la zone », complète Tefal. Dans ses rapports, TAUW mentionne effectivement l’existence possible d’autres sources. Par exemple, un autre « polluant éternel », le PFOS, qui n’est pas un marqueur de l’activité du fabricant de poêles, a été retrouvé dans la zone. Cependant, c’est bien le PFOA qui représente « 90 à 100 % des substances détectées » parmi les 47 PFAS recherchés lors de la campagne de mesures de TAUW de mai 2023. L’ex-site du fabricant de skis Salomon et l’ancienne tannerie de Rumilly ont fait, eux aussi, l’objet d’investigations. Dans un cas comme dans l’autre, leur contribution à la pollution au PFOA n’a pas été mise en évidence.

    « Nos boues et déchets ont été caractérisés par les autorités de l’époque comme des déchets inertes et non dangereux, ce qui correspondait à la connaissance scientifique de l’époque, explique Tefal. Nous avons toujours agi dans le respect de la réglementation […] avec l’autorisation ou à l’invitation des pouvoirs publics », complète l’entreprise, documents à l’appui. Elle assure qu’elle « n’était pas informée des inquiétudes concernant le PFOA avant le début des années 2000 ».

    « Qui va payer ? » s’interroge Gilles. « Le principe pollueur-payeur doit s’appliquer », plaide Virgile Benoit de l’Aera. Tefal assure être « engagée depuis plus de deux ans auprès des pouvoirs publics pour apporter une solution globale à une problématique collective ». Sollicitée, la préfecture de la Haute-Savoie n’a pas répondu à nos questions.

    https://reporterre.net/Scandale-des-PFAS-35-ans-apres-les-dechets-de-Tefal-contaminent-toujours
    #pollution #contamination

  • https://cenozo.org/burkina-faso-demi-lunes-quand-la-technique-favorise-lagriculture-productive-

    L’art de capter la pluie

    La demi-lune est une technique agricole développée dans les zones où les ressources en eau sont limitées pour lutter contre l’érosion et la dégradation des sols. Elle consiste à créer de petits étangs semi-circulaires pour retenir une importante quantité d’eau de pluie et permettre une meilleure infiltration dans le sol. Lors d’un entretien, le Dr Hamado Sawadogo, chercheur à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (l’INERA) a indiqué que cette pratique permet de recharger les nappes phréatiques et de fournir une source d’humidité aux plantes pendant les périodes sèches.

    Pour réaliser les demi-lunes, il faut déterminer le sens de la pente et matérialiser les courbes de niveau à l’aide d’un triangle à pente. Ensuite, aménager une diguette de protection en amont du champ pour protéger les demi-lunes de la force érosive des eaux de ruissellement. Les demi-lunes se creusent en temps chaud (entre le mois d’avril, mai et juin), au moment où le sol est encore stable.

    Il souligne, par ailleurs, que “l’espacement entre les demi-lunes sur la ligne est d’un mètre. Celle d’une ligne de demi-lunes à l’autre est de 2 m et le nombre de demi-lunes à l’hectare varie entre 400 et 1250“. Lorsque les fossés sont creusés les uns à côté des autres, sur une terre dégradée, la pluie les remplit pour conserver les nutriments du sol. Ce procédé, soutient-t-il, doit être respecté pour avoir de meilleurs rendements des cultures et des pâturages. Et cela nécessite une formation.

    • Inondations : nous payons les héritages de décennies d’#incurie

      Les inondations de Valence ont déchaîné les #climatosceptiques. Les mêmes qui s’opposaient aux restrictions d’urbanisation en zone inondable et au zéro artificialisation nette s’improvisent anti-« béton » pour nier l’impact du #changement_climatique au nom du « bon sens ». Mais depuis 40 ans, l’exposition et la vulnérabilité ont augmenté et les catastrophes se succèdent. Nous le résultat de 30 ans d’inaction climatique.

      La catastrophe résulte toujours de la conjugaison de 3 éléments :

      - Un phénomène physique, l’#aléa (ici #submersion)
      – Des personnes et des biens exposés
      - Des facteurs individuels ou collectifs, conjoncturels ou structurels, qui rendent vulnérable au choc avant et pendant la crise.

      La submersion (inondation) résulte elle-même d’une combinaison de mécanismes : l’#eau peut venir du ciel (#précipitations), des #nappes_phréatiques, de la #mer, d’un #cours_d’eau lui-même alimenté par la pluie, la fonte des neiges ou de la rupture d’un barrage.

      Hors submersion marine, une inondation est étroitement liée au #ruissellement. En effet, lorsqu’il pleut, l’eau s’infiltre dans le sol. La partie qui n’est pas absorbée ruisselle et va rejoindre les cours d’eau qui vont l’évacuer vers la mer.

      Plusieurs facteurs peuvent naturellement limiter l’infiltration :

      - Le #gel
      – Un sol très sec ou au contraire détrempé
      – Un sol sans végétation (rôle des racines)
      - Un sol naturellement imperméable (argileux par exemple)

      voir : https://theconversation.com/en-france-les-pluies-de-mai-permettront-elles-de-mieux-affronter-la

      L’homme peut aussi imperméabiliser artificiellement les sols :

      - #bitumes, #béton, #toitures (y compris les #serres), etc.
      - manière de travailler le #sol agricole
      - #déboisement des versants
      - #busage des #drains_d’évacuation
      - modification de la #pente des versants

      Le ruissellement crée des #écoulements_de_surface qui sont aussi modifiés par les #aménagements (remblais pour des routes ou voies ferrées, etc). De plus, les #cours_d’eaux sont endigués, creusés, rectifiés, détournés, etc. avec un impact sur la vitesse et la hauteur d’eau.

      Dans les espaces urbanisés, l’eau de pluie est récupérée par des réseaux d’eaux pluviale pour éviter l’inondation des chaussées. En cas de forte pluie ou d’inondation des chaussées, ce réseau est insuffisant. Et devient lui-même un facteur d’inondation.

      En ville, d’autres #réseaux_souterrains (eau potable, tunnels, etc.) forment un #réseau_hydrographique_artificiel. En cas d’inondation à la surface, ils se remplissent d’eau, débordent à leur tour et inondent la ville.

      L’interruption de ces réseaux dits "critiques" paralyse en outre la gestion de crise. Ils peuvent être un facteur de #crise dans la crise. On a alors des aléas en cascade, avec des #effets_dominos, qui sont très redoutés par les gestionnaires.

      Par définition, l’urbanisation concentre les Hommes, les activités, les infrastructures. Elle accroît donc AUSSI l’exposition. La manière dont on construit la ville peut limiter l’#imperméabilisation (impact sur le ruissellement), pas l’exposition.

      L’exposition n’est pas un problème en soi si l’on agit sur la vulnérabilité : système de prévision et d’alerte, adaptation du bâti, utilisation de matériaux résistants, forme des bâtiments et morphologie de la ville, gestion de crise performante, évacuation, etc.

      Dans le cas d’épisodes méditerranéens, la #vitesse et la part d’#incertitude font que l’évacuation des populations est impossible et que la prévision a des limites. Il faut donc réduire l’exposition là où la vitesse et la hauteur d’eau sont fortes.

      Depuis des décennies, l’occupation des sols dans le bassin méditerranéen s’est concentrée dans des #zones_inondables. Depuis des décennies, les scientifiques alertent sur sur l’impact des activités humaines sur le ruissellement.

      En France, depuis des décennies, certains « responsables » politiques ont tout fait pour assouplir les #zonages des plans de prévention des risques. Cela a même été fait en toute légalité, malgré les combats des associations « écolo ».

      Alors oui, les épisodes méditerranéens ont toujours existé et oui, les sociétés du passé avaient su s’y adapter en construisant en hauteur notamment, au prix de lourdes pertes.

      Depuis 40 ans, l’exposition et la vulnérabilité ont augmenté et depuis 40 ans, les catastrophes se succèdent. Nous payons les héritages de décennies d’incurie. Et nous payons aussi le résultat de 30 ans d’inaction climatique.

      Car le changement climatique dope ces épisodes orageux. Et plus d’eau précipitée, c’est plus d’eau à évacuer. Quels que soient les plans d’adaptation, tant que la Terre se réchauffe, nous sommes condamnés à subir de plus en plus de #catastrophes.

      Malgré les progrès techniques, au-delà d’un certain niveau de réchauffement, ces territoires seront inhabitables.

      Seule l’atténuation, avec l’atteinte du net zéro émissions de CO2 stabilisera le réchauffement et permettra l’adaptation.

      https://blogs.mediapart.fr/magali-reghezza/blog/311024/inondations-nous-payons-les-heritages-de-decennies-d-incurie?at_acco

  • « Ce ne sont pas les #bassines qui ont sauvé les nappes, mais les règles de gestion plus strictes »

    Alors qu’une nouvelle journée de mobilisation contre ces retenues très gourmandes en eau se tient ce samedi dans le Sud-Ouest et l’Ouest, l’hydroclimatologue #Florence_Habets fait le point sur ce que la science en dit.

    « La guerre de l’eau a commencé » : le titre était bien trouvé. Samedi 13 juillet, l’hydroclimatologue Florence Habets s’est glissée parmi le public du Festival international de journalisme de Couthures-sur-Garonne (Lot-et-Garonne) pour assister à un débat entre l’activiste Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines Non Merci, et l’agriculteur Patrick Franken, vice-président de la chambre d’agriculture départementale. Le débat n’a pas vraiment eu lieu, tant les positions étaient inconciliables, regrette la directrice de recherche au CNRS et professeure attachée à l’Ecole normale supérieure de Paris.

    Ce vendredi 19 juillet, les écologistes, rassemblés depuis mardi et ce week-end non loin du chantier de la bassine controversée de #Sainte-Soline (#Deux-Sèvres), ont manifesté près du site où doit être construit un autre ouvrage du même genre, à Saint-Sauvant (Vienne). De leur côté, une centaine d’agriculteurs hostiles à la contestation se sont pressés à Melle (Deux-Sèvres). « Opposée à toute violence » mais acculée à soutenir la « désobéissance civile » au nom de la science, Florence Habets constate tristement que seul le vacarme militant a permis de questionner l’#irrigation intensive. Pour nourrir les « échanges » qu’elle rêverait apaisés, la chercheuse passe en revue quelques publications récentes consacrées aux bassines et autres retenues d’eau.

    Qu’est-ce qu’une bassine, selon la science ?

    On ne trouve pas trace de ce mot dans la littérature scientifique ; les Anglo-Saxons parlent de « reservoir » ou de dam (« barrage »). Une bassine, c’est une #retenue_artificielle_d’eau, creusée sur plusieurs mètres de profondeur avec des #digues sur les quatre côtés, rendue étanche au moyen d’une #bâche. Une sorte de version extra-large des petits #bassins_de_rétention au bord des autoroutes. Une bassine ne se remplit pas de façon naturelle mais par #pompage, dans une nappe ou une rivière. C’est ce qui la distingue d’une retenue plus classique, « collinaire » (alimentée par l’écoulement venu des collines et par le captage de sources), ou posée sur un cours d’eau (barrage).

    A partir de quand les retenues d’eau artificielles se sont-elles multipliées ?

    L’irrigation massive a commencé dans les années 70-80, surtout après la sécheresse historique de 1976. Des agriculteurs ont construit de petites #retenues_collinaires dans leurs champs. C’était rentable : ils ne payaient pas les volumes qu’ils prélevaient. Aujourd’hui, l’irrigation continue de croître, notamment dans le Nord.

    Combien y a-t-il de bassines et autres réserves artificielles d’eau en France ?

    On connaît mal l’ensemble des retenues en France. Certaines ont été déclarées, lorsqu’il y avait des aides de l’Etat ou de la Politique agricole commune européenne, mais pas toutes. Aujourd’hui, alors que leur construction est soumise à autorisation, beaucoup restent méconnues, voire illégales. Un rapport présenté en avril par France Stratégie a estimé le nombre des retenues artificielles à 670 000 grâce à des données satellitaires. C’est beaucoup, une par kilomètre carré, 1 % de la surface du pays. L’opération a été bien plus délicate que le comptage des piscines, car la végétation ou les algues peuvent masquer leur surface. Le volume stocké dans ces réserves artificielles serait de 18 milliards de m³.

    Quel volume total est consacré à l’irrigation en France ?

    En 2020, plus de 3 milliards de m³, soit 11 % des prélèvements d’eau. Mais comme il n’y a pas de compteurs, il ne s’agit que d’une estimation.

    Les détracteurs des bassines leur reprochent de favoriser l’#évaporation de l’eau. Quel volume ce #gaspillage représente-t-il ?

    D’après le rapport de France Stratégie, environ un milliard de m³ s’évapore chaque année sur 18 milliards. Le chiffre demande à être affiné en fonction des types de retenues. L’hypothèse la plus vraisemblable est qu’il y a davantage d’évaporation dans les bassines où l’eau est stockée sans mouvement ni renouvellement pendant des mois.

    Vous avez encadré une étude de master sur la situation hydrologique dans le bassin des #Autizes, en #Vendée, lieu d’implantation des premières bassines françaises à partir de 2006. Quelles sont ses conclusions ?

    Ce travail raconte que les premières bassines sont des pansements sur des plaies. A l’époque, dans cette partie du Marais poitevin où les #cultures_intensives se sont développées sur d’anciennes prairies à coups d’irrigation massive, les agriculteurs pompaient tellement dans les nappes phréatiques, l’été, que des cours d’eau se trouvaient à sec. Parfois, le sens du courant changeait car, dans ce coin, les rivières sont souvent connectées avec les réserves souterraines. Et le niveau de certaines nappes descendait si bas, au-dessous du niveau de la mer, que de l’eau salée menaçait de faire intrusion et de les polluer. Pour donner un fondement scientifique à leurs craintes, les bénévoles des associations environnementales ont fait des mesures et produit des données. Les résultats étaient alarmants.

    Comment l’Etat a-t-il réagi à cette alerte ?

    Ce milieu naturel emblématique est protégé au niveau européen, donc l’Etat a dû trouver une solution pour limiter les atteintes écologiques. Au lieu de réduire fortement l’irrigation, il a choisi de faire construire ces fameuses premières bassines tout en les finançant. En parallèle, la gestion des prélèvements a été confiée à l’#Etablissement_public_du_Marais_poitevin, qui a des missions de protection de l’eau et de la biodiversité. Les seuils en deçà desquels les prélèvements dans les nappes sont impossibles ont aussi évolué, ce qui a permis de préserver ces réserves. Le tout s’est fait dans la concertation, avec des échanges entre irrigants, l’accord des associations écologistes, et sous la supervision de l’Etablissement public du Marais poitevin.

    Les promoteurs des bassines disent qu’après la construction de ces ouvrages en Vendée, le niveau des nappes est remonté durant l’hiver.

    Ce ne sont pas les bassines qui ont sauvé les nappes, mais les règles de gestion plus strictes qui ont mis un terme aux pratiques agricoles malmenant le milieu ; elles ont aussi rendu les contraintes environnementales acceptables. Mais tout n’est pas parfait. Le projet controversé de la #Coop_79 [#coopérative_des_Deux-Sèvres, ndlr] dont fait partie la bassine de Sainte-Soline, est, lui, porté par un groupement d’irrigants, sans le contrôle d’une structure chargée de préserver l’eau et la #biodiversité. Les engagements environnementaux sont assez limités.

    Le plan d’adaptation de la France au changement climatique dort dans les tiroirs du ministère de la Transition écologique. Un futur texte éclairé par la science devrait-il prôner un moratoire sur les bassines ?

    Les 10 % d’économies d’eau prévues par le #plan_Eau, présenté l’an dernier, font malheureusement l’impasse sur l’#agriculture : les seules économies demandées portent sur l’#eau_potable. En mai, après la crise agricole, beaucoup de décisions défavorables à l’eau et à la biodiversité ont été prises ; un décret a même limité les possibilités de recours contre les bassines. L’urgence serait plutôt d’aider ceux qui se tournent vers une irrigation raisonnée et raisonnable. Aujourd’hui, beaucoup d’agriculteurs se trouvent coincés dans un système qui leur impose de produire plus pour rentabiliser des outils de production et d’irrigation chers. Les bassines sont coûteuses à construire (une bâche immense est plus onéreuse qu’un simple petit lit d’argile), à faire fonctionner (le prix de l’électricité pour pomper l’eau s’envole), et elles ont une durée de vie limitée (les bâches ne sont pas éternelles). Les premières ont été vues comme des objets de transition, non pérennes. Ce ne sont pas des moyens d’adaptation au changement climatique. On a affaire, ici, à un problème de #politique_publique stupide, pas d’agriculteurs.

    https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/ce-ne-sont-pas-les-bassines-qui-ont-sauve-les-nappes-mais-les-regles-de-g
    #nappes_phréatiques #méga-bassines #eau

  • SAINTE SOLINE, AUTOPSIE D’UN CARNAGE

    Le 25 mars 2023, une #manifestation organisée par des mouvements de défense de l’environnement à #Sainte-Soline (#Deux-Sèvres) contre les #megabassines pompant l’#eau des #nappes_phréatiques pour l’#agriculture_intensive débouche sur de véritables scènes de guerre. Avec près de 240 manifestants blessés, c’est l’une des plus sanglantes répressions de civils organisée en France depuis le 17 octobre 1961 (Voir en fin d’article le documentaire de Clarisse Feletin et Maïlys Khider).

    https://www.off-investigation.fr/sainte-solineautopsie-dun-carnage
    Vidéo :
    https://video.off-investigation.fr/w/9610c6e9-b18f-46b3-930c-ad0d839b0b17

    #scène_de_guerre #vidéo #répression

    #Sainte_Soline #carnage #méga-bassines #documentaire #film_documentaire #violences_policières #violence #Gérald_Darmanin #résistance #militarisation #confédération_paysanne #nasse
    #off_investigation #cortège #maintien_de_l'ordre #gaz_lacrymogènes #impuissance #chaos #blessés #blessures #soins #élus #grenades #LBD #quads #chaîne_d'élus #confusion #médic #SAMU #LDH #Serge_Duteuil-Graziani #secours #enquête #zone_rouge #zone_d'exclusion #urgence_vitale #ambulances #évacuation #plainte #justice #responsabilité #terrain_de_guerre #désinformation #démonstration_de_force #récit #contre-récit #mensonge #vérité #lutte #Etat #traumatisme #bassines_non_merci #condamnations #Soulèvements_de_la_Terre #plainte

    à partir de 1h 02’26 :

    Hélène Assekour, manifestante :

    « Moi ce que je voudrais par rapport à Sainte-Soline c’est qu’il y ait un peu de justice. Je ne crois pas du tout que ça va se faire dans les tribunaux, mais au moins de pouvoir un peu établir la vérité et que notre récit à nous puisse être entendu, qu’il puisse exister. Et qu’il puisse même, au fil des années, devenir le récit qui est celui de la vérité de ce qui s’est passé à Sainte-Soline ».

    • question « un peu de vérité », il y avait aussi des parlementaires en écharpe, sur place, gazé.es et menacé.es par les quads-à-LBD comme le reste du troupeau alors qu’ils protégeaient les blessés étendus au sol ; personne n’a fait de rapport ?

      Il y a eu une commission d’enquête parlementaire aussi, je crois, qui a mollement auditionné Gérald ; pas de rapport ?

  • #Risques_industriels : la #Cour_des_comptes au renfort d’#Amaris
    https://www.banquedesterritoires.fr/risques-industriels-la-cour-des-comptes-au-renfort-damaris

    Il y a peu, l’association Amaris déplorait que les pouvoirs publics n’aient pas tiré le bilan de la loi dite Bachelot relative à la prévention des risques technologiques et naturels, adoptée il y a 20 ans (voir notre article du 20 septembre 2023). L’association vient de recevoir un renfort de poids : celui de la Cour des comptes. En conclusion du rapport(https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-01/20240201-S2023-1508-ICPE-industrielles.pdf) qu’elle vient de consacrer à la gestion des installations classées pour la protection l’environnement (#ICPE) dans le domaine industriel, […] si elle constate que la grande majorité des PPRT a été approuvée, la rue Cambon relève comme Amaris que "beaucoup de questions demeurent sans réponse : de nombreux #logements resteront exposés […] et la mise en #sécurité des entreprises riveraines et des bâtiments publics n’est pas suivie". Elle ajoute que les ouvrages d’infrastructures de transports de matières dangereuses sont ignorés. Pour y remédier, elle recommande de prévoir des mesures de protection foncière et des travaux pour les "zones d’effets létaux" qui y sont liées, mais aussi de modifier la législation pour généraliser la mise en place de commissions consultatives analogues aux commissions de suivi de site des ICPE.

    Sont insuffisamment pris en compte également selon elle, des risques dont l’acuité va pourtant croissant, comme les "NaTechs" (#accidents_technologiques dus à un événement naturel) ou les #cyberattaques. C’est encore le cas des risques chroniques. Elle juge ainsi que "les impacts sanitaires et environnementaux de la #pollution des sols et #nappes_phréatiques ne sont pas assez étudiés", alors que nombre de ces derniers sont "durablement pollués". Elle souligne en outre que "la volonté de simplifier et d’accélérer les procédures afin de faciliter les implantations industrielles a conduit à restreindre le champ de l’obligation de l’étude d’impact et à rendre facultative la consultation du comité départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologique" (#Coderst – via la loi Asap — https://www.banquedesterritoires.fr/simplification-tout-ce-que-les-collectivites-peuvent-retenir-de — et son décret d’application — https://www.banquedesterritoires.fr/simplification-des-procedures-environnementales-le-decret-asap-), et que la loi pour l’industrie verte (https://www.banquedesterritoires.fr/industrie-verte-le-projet-de-loi-adopte-par-le-parlement) introduit de nouvelles mesures de #simplification. Elle déplore encore que nombre de « #polluants_émergents » (au regard de leur prise en compte, et pas de leur existence) ne sont toujours pas réglementés, leur encadrement se heurtant souvent à l’absence de valeurs toxicologiques de référence.

    De manière générale, la Cour dénonce l’insuffisance des moyens accordés. Pour elle, c’est notamment le cas des moyens alloués au recensement des sites pollués – et à leur# dépollution (mais le fonds vert est salué). Cela l’est également singulièrement des moyens de #police_environnementale de l’inspection des installées classées, fortement sollicités par l’essor des éoliennes terrestres et des méthaniseurs, mais aussi par l’application du règlement européen REACH et l’instruction des projets soutenues par le plan France 2030 (voir notre article du 22 juin 2023).

    […] Côté #sanctions, ce n’est guère mieux : "Les suites administratives demeurent peu dissuasives à l’exception des astreintes", les plafonds n’étant ni proportionnels aux capacités financières des contrevenants, ni à l’enrichissement qu’ils sont susceptibles de tirer de la situation de non-conformité.

    […] En dépit des efforts conduits en la matière – notamment le lancement du plan d’actions "Tous résilients face aux risques" –, la rue Cambon juge que "l’information institutionnelle sur les risques majeurs peine à atteindre ses cibles". Elle relève que "les organismes de concertation mis en place sont souvent critiqués pour leur fonctionnement vertical" et que "nombre de secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles ne sont plus actifs depuis plusieurs années". Elle estime également que "la culture de sécurité reste inégale parmi les élus, y compris parmi ceux des #collectivités accueillant des ICPE à hauts risques" et que "les collectivités s’estiment peu éclairées sur les risques chroniques et leurs effets sur l’environnement et la santé".

  • L’autre menace pour Gaza : sols et air pollués, eau contaminée
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/01/sols-pollues-armes-au-phosphore-eau-contaminee-a-gaza-la-crise-sanitaire-pou

    L’autre menace pour Gaza : sols et air pollués, eau contaminée
    Si les attaques israéliennes ont déjà provoqué plus de 25 000 morts dans la bande de Gaza, leurs conséquences sur l’environnement des habitants les exposent à des risques tout aussi fatals.
    [...]

    Les bombardements israéliens sur Gaza, menés en représailles de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, tuent des centaines de Palestiniens chaque jour. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus de 25 000 personnes ont été tuées par les offensives successives d’Israël depuis quatre mois, et 85 % des 2,1 millions d’habitants de l’enclave palestinienne ont été déplacés. Mais ces attaques pourraient avoir d’autres conséquences fatales pour les Gazaouis.

    « Les opérations militaires israéliennes à Gaza ont des conséquences désastreuses, notamment à cause d’une pollution carbone énorme, que ce soit dans l’air, l’eau, les sols, exposant les Palestiniens à un large panel de substances toxiques », explique au Monde le Canadien David R. Boyd, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains et l’environnement. En octobre 2023, l’organisation Human Rights Watch avait révélé que du phosphore blanc, une substance toxique inflammable à l’apparence jaunâtre, pouvant brûler jusqu’à une température de 800 °C, avait été utilisé par Israël à Gaza et dans le sud du Liban.

    L’ONG a analysé des séries d’images, concluant à l’emploi de « projectiles d’artillerie au phosphore blanc de 155 mm ». Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne rentrant directement en contact avec du phosphore blanc risque des nausées, des vomissements et des diarrhées, des douleurs abdominales sévères, des sensations de brûlure. « La mort peut advenir sous vingt-quatre à quarante-huit heures à cause d’un collapsus cardiovasculaire », complète l’agence fédérale américaine de santé publique. L’utilisation de cette substance par Israël sur Gaza est « une grave violation du droit international », ajoute M. Boyd.

    En 2009, Israël avait admis avoir « utilisé des munitions contenant du phosphore blanc » pendant son offensive militaire contre Gaza, entre décembre 2008 et janvier 2009, précisant qu’elles « ne visaient pas directement les zones civiles ».

    Destruction de terrains agricoles
    Plus de 25 000 tonnes de bombes auraient été larguées sur la bande de Gaza entre le 7 octobre et le début du mois de novembre 2023, estime l’ONG Euromed Droits, qui accuse l’armée israélienne d’avoir utilisé des « armes à sous-munitions ». Selon le service de lutte contre les mines des Nations unies, ce sont des « munitions classiques conçues pour disperser ou libérer des sous-munitions explosives dont chacune pèse moins de 20 kilos ». L’usage de ce type d’artillerie a été déclaré illégal, car particulièrement meurtrier, par 119 Etats signataires de la convention d’Oslo de 2008, dont l’Etat hébreu n’est pas partie prenante. De plus, selon la Croix-Rouge internationale, « un grand nombre de ces sous-munitions n’éclatent pas comme prévu, leur présence rend l’agriculture dangereuse et entrave les reconstructions ». Israël a déjà utilisé ce type d’armes, notamment au Liban en 2006.

    La dégradation, voire la destruction, des terres représente un autre enjeu. « Des images satellites montrent que des terres agricoles sont détruites de manière délibérée », affirme Omar Shakir, directeur Israël-Palestine de Human Rights Watch. Il fait notamment référence à la zone de Beit Hanoun, dans le Nord, tapissée par les bombes pour, selon l’armée israélienne, atteindre des tunnels et des cibles du Hamas et où des bulldozers frayent de nouvelles routes aux véhicules militaires. « Nous avons pu constater qu’approximativement 30 % des terres agricoles ont été endommagées », explique He Yin, chercheur en géographie à l’université d’Etat de Kent (Ohio), qui a contribué à concevoir des cartes satellites permettant d’observer les destructions de terres à Gaza.

    Créé par deux universitaires américains, Jamon Van Den Hoek (université de l’Oregon) et Corey Scher (université de New York), pour visualiser, grâce à des images satellites, les dégâts provoqués par le conflit, l’outil Conflict Damage révèle que, au 17 janvier, « 49,7 % à 61,5 % des bâtiments de Gaza ont probablement été endommagés ou détruits ». Or, lorsque les édifices, infrastructures ou résidences explosent, d’énormes quantités de poussières et de débris sont rejetées dans l’environnement. En 2021, un rapport de la Banque mondiale portant sur la campagne militaire israélienne cette année-là à Gaza estimait que « 30 000 tonnes de déchets dangereux, y compris amiante, pesticides, engrais, (…) tuyaux en amiante-ciment » avaient contaminé le territoire.

    Un scénario aujourd’hui décuplé par l’ampleur de l’offensive israélienne. « Nous souffrons d’un air pollué à cause des bombes. De plus en plus de gens tombent malades », témoigne par message Adam, un jeune homme originaire de Jabaliya, dans le nord de la bande, et actuellement réfugié à Rafah, dans le Sud.

    Accès à l’eau potable préoccupant
    Auteur d’un rapport pour l’ONG néerlandaise Pax for Peace portant sur les risques environnementaux et sanitaires de la guerre à Gaza, l’expert en désarmement Wim Zwijnenburg explique que les substances contenues dans ce type de débris ont été analysées dans des conflits précédents, comme en Syrie, ou lors de catastrophes naturelles, comme le séisme de février 2023 dans le sud de la Turquie, et « peuvent provoquer de graves maladies ».

    A cet air difficilement respirable vient s’ajouter un accès à l’eau potable devenu extrêmement rare. Cette difficulté n’est pas nouvelle. Dès 2012, un rapport des Nations unies estimait que 90 % du volume disponible était impropre à la consommation. Dix jours après le début de l’offensive israélienne d’octobre 2023, les capacités de pompage des nappes phréatiques étaient tombées à 5 % par rapport à leur niveau habituel, selon l’Unicef.

    D’après le Wall Street Journal, Israël aurait commencé début décembre à inonder des tunnels de Gaza d’eau de mer afin d’en déloger le Hamas. L’armée israélienne a confirmé mardi 30 janvier avoir procédé à l’inondation de certains tunnels. « Des rapports, non corroborés, affirment que des hydrocarbures et autres substances sont présentes dans ces tunnels. Si c’est le cas, elles pourront donc affecter le sol et s’infiltrer dans l’aquifère », souligne Wim Zwijnenburg.

    L’OCHA ajoute qu’une vingtaine d’infrastructures liées à l’eau, à l’assainissement ou à l’hygiène auraient été détruites par des attaques. « Les gens passent la plus grande partie de leur journée à essayer de trouver de l’eau pour boire », affirme Omar Shakir, de Human Rights Watch.

    Zones inhabitables
    Les eaux usées se déversent dans les lieux de vie. Le 4 janvier, une vidéo diffusée sur WhatsApp et consultée par Le Monde montrait un journaliste palestinien se filmant en train d’avancer au milieu d’une inondation d’eaux usées dans l’école servant de camp de réfugiés à Jabaliya. Ces déchets liquides peuvent également être déversés dans la mer, constituant un danger pour la santé humaine et la biodiversité. Un rapport du Programme pour l’environnement de l’ONU en 2020 affirmait avoir « trouvé des preuves substantielles de changements environnementaux et d’une dégradation du territoire palestinien ». Sur les soixante-cinq stations d’épuration d’eau que compte Gaza, la plupart seraient actuellement hors service, selon l’ONG Oxfam.

    La présence de certaines bactéries dans l’eau accroît de plus la résistance aux antibiotiques. Une étude publiée dans The Lancet, le 25 novembre 2023, rappelle l’urgence de la situation. « Sans une action rapide, cette guerre menace de redéfinir l’épidémiologie de la résistance aux antimicrobiens à Gaza et au-delà », peut-on lire. Selon un rapport de l’ONU du 2 janvier 2024, on comptait à Gaza 179 000 cas d’infections respiratoires aiguës, 136 400 cas de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans, 55 400 cas de gale et de poux et 4 600 cas de jaunisse.

    « Nous verrons plus de gens mourir de maladies que nous n’en voyons tués par les bombardements si nous ne pouvons pas remettre en place un système de santé », alertait Margaret Harris, porte-parole de l’OMS, à Genève, le 28 novembre 2023. Pour Wim Zwijnenburg, certaines parties de la bande de Gaza peuvent déjà être considérées comme inhabitables. « Les gens ne pourront pas retourner dans ces endroits. Il n’y a rien pour espérer rebâtir une société humaine », conclut-il.

    #gaza #sols #eau #pollution #risques #maladies

  • #Inde : dans les champs du #Pendjab, la colère s’enracine

    Depuis leur soulèvement en 2021, les paysans du sous-continent sont revenus aux champs. Mais dans le grenier à #blé du pays, la révolte gronde toujours et la sortie de la #monoculture_intensive est devenue une priorité des #syndicats_agricoles.

    « Nous sommes rassemblés parce que la situation des agriculteurs est dans l’impasse. Dans le Pendjab, les paysans sont prisonniers de la monoculture du blé et du #riz, qui épuise les #nappes_phréatiques », explique Kanwar Daleep, président du grand syndicat agricole #Kisan_Marzoor. À ses côtés, ils sont une centaine à bloquer la ligne de train qui relie la grande ville d’Amritsar, dans le Pendjab, à New Delhi, la capitale du pays. Au milieu d’immenses champs de blé, beaucoup sont des paysans sikhs, reconnaissables à leur barbe et à leur turban.

    C’est d’ici qu’est parti le plus grand mouvement de contestation de l’Inde contemporaine. Pour s’opposer à la #libéralisation du secteur agricole, des paysans du Pendjab en colère puis des fermiers de toute l’Inde ont encerclé New Delhi pacifiquement mais implacablement en décembre 2020 et en 2021, bravant froids hivernaux, coronavirus et police. En novembre 2021, le premier ministre Narendra Modi a finalement suspendu sa #réforme, dont une des conséquences redoutées aurait été la liquidation des tarifs minimums d’achat garantis par l’État sur certaines récoltes.

    « Depuis cette #révolte historique, les agriculteurs ont compris que le peuple avait le pouvoir, juge #Sangeet_Toor, écrivaine et militante de la condition paysanne, basée à Chandigarh, la capitale du Pendjab. L’occupation est finie, mais les syndicats réclament un nouveau #modèle_agricole. Ils se sont emparés de sujets tels que la #liberté_d’expression et la #démocratie. »

    Pour Kanwar Daleep, le combat entamé en 2020 n’est pas terminé. « Nos demandes n’ont pas été satisfaites. Nous demandons à ce que les #prix_minimums soient pérennisés mais aussi étendus à d’autres cultures que le blé et le riz, pour nous aider à régénérer les sols. »

    C’est sur les terres du Pendjab, très plates et fertiles, arrosées par deux fleuves, que le gouvernement a lancé dans les années 1960 un vaste programme de #plantation de semences modifiées à grand renfort de #fertilisants et de #pesticides. Grâce à cette « #révolution_verte », la production de #céréales a rapidement explosé – l’Inde est aujourd’hui un pays exportateur. Mais ce modèle est à bout de souffle. Le père de la révolution verte en Inde, #Monkombu_Sambasivan_Swaminathan, mort en septembre, alertait lui-même sur les dérives de ce #productivisme_agricole forcené.

    « La saison du blé se finit, je vais planter du riz », raconte Purun Singh, qui cultive 15 hectares près de la frontière du Pakistan. « Pour chaque hectare, il me faut acheter 420 euros de fertilisants et pesticides. J’obtiens 3 000 kilos dont je tire environ 750 euros. Mais il y a beaucoup d’autres dépenses : l’entretien des machines, la location des terrains, l’école pour les enfants… On arrive à se nourrir mais notre compte est vide. » Des récoltes aléatoires vendues à des prix qui stagnent… face à un coût de la vie et des intrants de plus en plus élevé et à un climat imprévisible. Voilà l’équation dont beaucoup de paysans du Pendjab sont prisonniers.

    Cet équilibre financier précaire est rompu au moindre aléa, comme les terribles inondations dues au dérèglement des moussons cet été dans le sud du Pendjab. Pour financer les #graines hybrides et les #produits_chimiques de la saison suivante, les plus petits fermiers en viennent à emprunter, ce qui peut conduire au pire. « Il y a cinq ans, j’ai dû vendre un hectare pour rembourser mon prêt, raconte l’agriculteur Balour Singh. La situation et les récoltes ne se sont pas améliorées. On a dû hypothéquer nos terrains et je crains qu’ils ne soient bientôt saisis. Beaucoup de fermiers sont surendettés comme moi. » Conséquence avérée, le Pendjab détient aujourd’hui le record de #suicides de paysans du pays.

    Champs toxiques

    En roulant à travers les étendues vertes du grenier de l’Inde, on voit parfois d’épaisses fumées s’élever dans les airs. C’est le #brûlage_des_chaumes, pratiqué par les paysans lorsqu’ils passent de la culture du blé à celle du riz, comme en ce mois d’octobre. Cette technique, étroitement associée à la monoculture, est responsable d’une très importante #pollution_de_l’air, qui contamine jusqu’à la capitale, New Delhi. Depuis la route, on aperçoit aussi des fermiers arroser leurs champs de pesticides toxiques sans aucune protection. Là encore, une des conséquences de la révolution verte, qui place le Pendjab en tête des États indiens en nombre de #cancers.

    « Le paradigme que nous suivons depuis les années 1960 est placé sous le signe de la #sécurité_alimentaire de l’Inde. Où faire pousser ? Que faire pousser ? Quelles graines acheter ? Avec quels intrants les arroser ? Tout cela est décidé par le marché, qui en tire les bénéfices », juge Umendra Dutt. Depuis le village de Jaito, cet ancien journaliste a lancé en 2005 la #Kheti_Virasat_Mission, une des plus grandes ONG du Pendjab, qui a aujourd’hui formé des milliers de paysans à l’#agriculture_biologique. « Tout miser sur le blé a été une tragédie, poursuit-il. D’une agriculture centrée sur les semences, il faut passer à une agriculture centrée sur les sols et introduire de nouvelles espèces, comme le #millet. »

    « J’ai décidé de passer à l’agriculture biologique en 2015, parce qu’autour de moi de nombreux fermiers ont développé des maladies, notamment le cancer, à force de baigner dans les produits chimiques », témoigne Amar Singh, formé par la Kheti Virasat Mission. J’ai converti deux des quatre hectares de mon exploitation. Ici, auparavant, c’était du blé. Aujourd’hui j’y plante du curcuma, du sésame, du millet, de la canne à sucre, sans pesticides et avec beaucoup moins d’eau. Cela demande plus de travail car on ne peut pas utiliser les grosses machines. Je gagne un peu en vendant à des particuliers. Mais la #transition serait plus rapide avec l’aide du gouvernement. »

    La petite parcelle bio d’Amar Singh est installée au milieu d’hectares de blé nourris aux produits chimiques. On se demande si sa production sera vraiment « sans pesticides ». Si de plus en plus de paysans sont conscients de la nécessité de cultiver différemment, la plupart peinent à le faire. « On ne peut pas parler d’une tendance de fond, confirme Rajinder Singh, porte-parole du syndicat #Kirti_Kazan_Union, qui veut porter le combat sur le plan politique. Lorsqu’un agriculteur passe au bio, sa production baisse pour quelques années. Or ils sont déjà très endettés… Pour changer de modèle, il faut donc subventionner cette transition. »

    Kanwar Daleep, du Kisan Marzoor, l’affirme : les blocages continueront, jusqu’à obtenir des garanties pour l’avenir des fermiers. Selon lui, son syndicat discute activement avec ceux de l’État voisin du Haryana pour faire front commun dans la lutte. Mais à l’approche des élections générales en Inde en mai 2024, la reprise d’un mouvement de masse est plus une menace brandie qu’une réalité. Faute de vision des pouvoirs publics, les paysans du Pendjab choisissent pour l’instant l’expectative. « Les manifestations peuvent exploser à nouveau, si le gouvernement tente à nouveau d’imposer des réformes néfastes au monde paysan », juge Sangeet Toor.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/inde-dans-les-champs-du-pendjab-la-colere-s-enracine
    #agriculture #monoculture #résistance

  • Mine de lithium dans l’Allier : le rapport qui dévoile une bombe toxique
    https://disclose.ngo/fr/article/mine-de-lithium-dans-lallier-le-rapport-qui-devoile-une-bombe-toxique

    Il y a un an, le gouvernement a annoncé l’ouverture, dans l’Allier, de la plus grande mine de lithium d’Europe. D’après un rapport inédit dévoilé par Disclose et Investigate Europe, le secteur, fortement contaminé à l’arsenic et au plomb, présente « un risque significatif pour l’environnement et la santé humaine ». Une véritable bombe à retardement passée sous silence par les autorités. Lire l’article

    • Des mines de lithium en #Limousin ? L’impossible débat

      De l’Allier jusqu’à la #Haute-Vienne, la fièvre minière suscite la controverse.

      C’est à Échassières, petit bourg de 400 habitants dans l’Allier que la multinationale #Imerys prévoit d’ouvrir la plus grande mine de lithium d’Europe et d’extraire plus d’un million de tonnes d’#oxyde_de_lithium en 25 ans. Ce volume permettra de produire 700 000 #batteries de #voitures_électriques.

      C’est bien la #transition_écologique et le #tout-électrique qui font grimper les cours du lithium, rendant à présent sa prospection intéressante en Europe et en France, où les lois environnementales sont pourtant contraignantes pour les industriels. Les deux plus grand pays producteurs que sont l’#Australie et le #Chili (70 % du volume mondial) ne semblent en effet que bien peu s’embarrasser du sort des populations autochtones vivant sur les territoires miniers.

      Les occidentaux font partie des plus grands consommateurs de lithium au monde. Dès lors, refuser une #extraction_locale au nom de l’écologie serait-il faire la promotion d’une « #écologie_coloniale » ? À l’inverse, peut-on parler de « transition écologique » lorsque les groupes industriels produisent à l’envie des smartphones à l’obsolescence programmée et des voitures électriques toujours plus lourdes et gourmandes type SUV, Tesla et autres ? Le débat parait impossible, tant les contradictions fusent de part et d’autre.

      Dans ce reportage nous écouterons les habitants de la ville d’Échassières, des militants de #Stopmines23, Rafael Solans-Ezquerra, élu à la mairie d’#Ambazac favorable à l’extraction de lithium sur sa commune, et Laurent Richard, spécialiste des sols. À travers leurs témoignages nous entendrons peut-être qu’une sortie par le haut de cet impossible débat serait déjà de se poser la question de nos réels besoins fondamentaux. Nous les entendrons évoquer le principe de sobriété mais aussi la manière dont les industriels ont exploité les divers minerais de la région par le passé, notamment l’uranium.

      https://telemillevaches.net/videos/des-mines-de-lithium-en-limousin-limpossible-debat

    • Dans l’Allier, un projet d’exploitation d’une mine de lithium divise

      Le gouvernement français relance l’extraction minière. En Auvergne, un projet de mine de lithium, présenté comme vertueux pour la lutte contre le réchauffement climatique, rencontre de l’opposition.

      Un projet de mine de lithium, un minerai blanc utilisé dans la fabrication, entre autres, de batteries automobiles électriques, divise la population. D’un côté, la région, le gouvernement et une société vantent un projet qui accompagnerait une stratégie globale de décarbonation. De l’autre, des citoyens et des associations craignent des retombées négatives ; pollution, effets sur l’accès au sol et à l’eau...

      Mais le sujet dépasse l’Allier où la mine pourrait voir le jour, et la seule production de lithium. En effet, le gouvernement français, et au-delà, les institutions européennes, comptent relancer l’extraction minière sur le sol européen.

      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-transition-de-la-semaine/dans-l-allier-un-projet-d-exploitation-d-une-mine-de-lithium-divise-2830

    • Mine de lithium dans l’Allier : « Voulons-nous que nos voitures fonctionnent au pétrole, ou à l’électricité du soleil et du vent » ?

      Alors que le débat public s’achève sur le projet de mine à Echassières (Allier) devons-nous laisser dormir les centaines de milliers de tonnes de lithium que renferme son granite ? Ou sécuriser les approvisionnements des usines de batteries en construction dans les Hauts-de-France ? interroge Cédric Philibert, chercheur associé à l’Ifri (1) .

      Le projet de la société Imerys d’ouvrir une mine de lithium à Echassières, dans l’Allier, sur le site d’une carrière de kaolin qu’elle exploite, fait débat. Ce débat est organisé par la commission nationale du débat public, comme pour tout investissement de cette ampleur. Les réunions publiques tenues au fil des dernières semaines permettent d’en repérer peu à peu les principaux arguments et les lignes de force, et les positions des divers acteurs.

      Certains des futurs voisins de la mine ou des installations connexes s’inquiètent de possibles nuisances, visuelles ou auditives. Pêcheurs, agriculteurs et environnementalistes craignent un gaspillage de ressources hydriques et de possibles pollutions des eaux souterraines. La mine demande « énormément d’eau », affirme Antoine Gatet, le président de France Nature Environnement (Libération du 10 mars 2024).

      Mais des oppositions plus radicales s’expriment. A quoi bon extraire du lithium ? A quoi bon fabriquer des voitures électriques, si c’est pour perpétuer la voiture ? L’historien Jean-Baptiste Fressoz s’interroge dans le Monde : « D’où vient cette idée que, pour sauver le climat, il faut absolument ouvrir des mines ? » A quoi bon, en effet, puisque « la voiture électrique ne réduit que de 60 % les émissions de CO2 par rapport à un véhicule thermique. » La transition ne serait qu’un prétexte pour réenchanter la mine : « Le lobby minier parle maintenant “des métaux pour la transition”, alors qu’il s’agit souvent de métaux pour l’électronique et l’industrie en général », poursuit-il. Et qu’importe si les batteries de nos téléphones, de nos ordinateurs portables et, surtout, de nos véhicules électriques représenteront d’ici à 2030 pas moins de 95 % de la demande de lithium.
      Nous ne sommes pas seuls au monde

      Bien sûr, la voiture électrique est indispensable pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La France compte une voiture pour deux habitants, c’est trop. Admettons que nous réussissions, d’ici à 2050, à ramener le nombre de voitures à une pour cinq habitants – en multipliant les transports en commun, les pistes cyclables, en incitant à l’exercice physique… Mais beaucoup d’entre nous, vivant dans les villages et les bourgs ou en banlieues lointaines serons encore dépendants de leur voiture pour se déplacer dans vingt-cinq ans.

      Et nous ne sommes pas seuls au monde. Nous serons bientôt dix milliards, et il n’y a pas de raison que dans les autres pays, sur les autres continents, on n’arrive pas au même niveau d’équipement que les sobres Français. Ça fera tout de même deux milliards de voitures en tout, deux fois plus qu’aujourd’hui… Voulons-nous qu’elles fonctionnent au pétrole, ou à l’électricité du soleil et du vent, alors devenue majoritaire dans le mix énergétique mondial ?

      Pourtant, sceptiques et opposants n’ont pas forcément tort… Nous pourrions ne pas créer la mine d’Echassières, et laisser dormir les quelques centaines de milliers de tonnes de lithium que renferme son granite. Le monde regorge de lithium, on s’en rend compte maintenant qu’on en cherche. Les réserves, économiquement exploitables aujourd’hui, estimées à 17 millions de tonnes, il y a quatre ans, sont désormais évaluées à 28 millions de tonnes, de quoi soutenir un demi-siècle de production intensive de batteries.

      On les trouve au Chili, au Pérou, en Argentine, en Australie, en Chine… et aux Etats-Unis, où la plus récente découverte pourrait encore doubler les réserves d’un seul coup. Les ressources connues, peut-être un jour exploitables, sont quatre fois plus importantes que ces réserves.

      Certes, sécuriser autant que possible les approvisionnements des usines de batteries que nous sommes en train de construire dans les Hauts-de-France, cela pourrait se révéler utile, dans un monde qui se hérisse de barrières et de conflits. Mais qu’avons-nous besoin de fabriquer des batteries, ou même des voitures ? Nous les achèterons à la Chine… Plus sérieusement, si nous devons acheter à l’étranger, et surtout à la Chine, les métaux nécessaires à la fabrication des batteries et voitures européennes, autant en limiter les volumes autant que possible.
      Toutes les études ne sont pas terminées

      Aucune mine n’est bien sûr sans impact sur l’environnement. Mais ces impacts peuvent être drastiquement réduits. Le projet d’Imerys est à cet égard très intéressant. La mine sera souterraine, limitant fortement les nuisances, et fera essentiellement appel à des machines électriques. Le mica voyagera d’abord dans des conduites souterraines, puis des wagons, en aucun cas des camions. L’usine de conversion du mica en hydroxyde lithium, située près de Montluçon, n’utilisera que l’eau d’une station d’épuration.

      Dans la mine elle-même, 95 % de l’eau utilisée pour le lavage des concentrés sera recyclée, limitant le prélèvement dans la Sioule à 600 000 m³ par an, 0,1 % de son débit moyen, moins de 1 % de son débit d’étiage. Moins d’un mètre cube pour la batterie d’une voiture électrique, à peine la quantité d’eau nécessaire pour produire une demi-tablette de chocolat…

      Toutes les études ne sont pas terminées, les autorisations ne sont pas délivrées, mais le projet est sous étroite surveillance des pouvoirs publics, des ONG, des médias. Au nom de quoi nous priverions-nous du surcroît de souveraineté que procure une production domestique ? Et si l’on préfère considérer toute mine comme un fardeau pour notre environnement – fardeau relatif, qui aide à éviter un mal bien plus grand encore, celui du changement climatique, mais fardeau tout de même – au nom de quoi devrions-nous laisser ce fardeau à des peuples lointains ?

      Contrairement à nous, ils n’ont pas toujours les moyens d’exiger des industries minières les mesures indispensables de préservation de leur environnement immédiat. On peut donc voir, dans l’ouverture de mines en Europe pour fournir au moins une partie des matériaux de la transition énergétique, un enjeu moral autant que de souveraineté.

      (1) Dernier ouvrage paru : Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat, Les Petits Matins-Institut Veblen, mars 2024.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/mine-de-lithium-dans-lallier-voulons-nous-que-nos-voitures-fonctionnent-a

    • Le #lithium, de l’#or_blanc en barre

      Promesse économique et énergétique, risque écologique : « Les Jours » enquêtent sur ce métal rare niché dans le sol français.

      À #Échassières (#Allier)

      Échassières, département de l’Allier. Un petit bourg tranquille, jusqu’au 24 octobre dernier. Au petit matin, la brume s’attarde sur la #forêt_domaniale des #Colettes. La route s’enfonce sous les arbres, remonte en douceur les flancs du massif granitique de La Bosse avant de redescendre vers le village. Échassières, 400 âmes, un château, un clocher, cinq commerces soutenus à bout de bras par la municipalité, une minuscule école primaire et un Ehpad dont les locataires font sérieusement grimper la moyenne d’âge de la population. Et puis, le 24 octobre 2022, le groupe français de minéraux industriels Imerys a annoncé son intention d’y ouvrir l’une des plus grandes mines européennes de lithium, ce métal mou et léger, composant essentiel des batteries électriques. Alors dans les semaines qui ont suivi, les journalistes ont défilé sur la place de l’église et le secrétariat de la mairie a ployé sous les appels de ses administrés.

      « Dans l’ensemble, la population est plutôt ouverte au projet », estime Frédéric Dalaigre, le maire (sans étiquette) d’Échassières. Il faut dire que l’on se trouve ici en terre minière. « La mine, c’est l’ADN de la région », s’exclame Jean-Christophe Thenot, animateur du musée géologique local, Wolframines. Ce natif du coin, passionné de minéralogie, déploie son enthousiasme pour la richesse géologique locale à grand renfort de superlatifs et d’érudition. « C’est un site exceptionnel, dont la diversité minéralogique et minière est unique et réputée », assure-t-il. Chaque année, des dizaines de scientifiques et passionnés de minéralogie viennent arpenter les flancs du massif. Mais l’économie locale, elle, s’est surtout bâtie sur l’extraction minière. Dans le coin, on a commencé à creuser dès l’époque gallo-romaine, pour extraire de l’étain principalement. Des siècles plus tard, à l’aube du XIXe siècle, c’est le kaolin qui intéresse – cette argile blanche, principalement utilisée dans la confection de céramiques. Les nobles locaux ouvrent une tripotée de carrières, dont la première, celle de Beauvoir, est toujours en activité. Propriété d’Imerys depuis 2005, elle emploie une trentaine de salariés. C’est là que le groupe minier prévoit d’ouvrir son site d’extraction de lithium. Mais l’exploitation sera autrement conséquente. Avec le projet #Emili (pour « Exploitation de mica lithinifère par #Imerys »), l’entreprise espère produire quelque 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an, dès 2028. De quoi équiper 700 000 véhicules électriques chaque année, estime le groupe. Et ce pour une durée d’au moins ving-cinq ans, le temps d’exploiter un gisement parmi les plus prometteurs de l’Hexagone.

      À Échassières, si certains ont été quelque peu soufflés par la nouvelle, les anciens, eux, ne sont pas surpris. « Du lithium, ça fait belle lurette qu’on sait qu’il y en a et qu’on attend qu’il soit exploité », sourit Danièle Chammartin. Trente-sept ans de secrétariat de mairie et deux mandats à la tête de la commune, l’ancienne élue est une véritable mémoire du village. Dans le salon de sa maison, face à l’église, elle raconte. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a effectué des sondages à Échassières dès les années 1970, décelant la présence de lithium au cœur du granit du massif, dans le mica lépidolite formé par des milliers d’années d’évolution géologique. Et dans les années 1980, plusieurs élus locaux et un député ont bataillé pour convaincre de l’intérêt d’exploiter le gisement de Beauvoir. Haroun Tazieff, alors secrétaire d’État chargé de la Prévention des risques naturels et technologiques majeurs, est même venu à Échassières, en 1984, pour constater le potentiel filon.

      Mais à l’époque, le lithium n’intéresse pas grand-monde. « Pas assez rentable », déplore Danièle. Longtemps utilisé dans la production de verres et céramiques, ou encore en médecine, pour le traitement des patients bipolaires, ce n’est que dans les années 1970 que l’on découvre le potentiel de stockage d’électricité de ce minuscule atome. Les batteries dites « Li-ion » commencent certes à être commercialisées dans les années 1980 pour les caméscopes, les ordinateurs, et leur production augmente au fil des années. Mais on préfère produire ailleurs, en Chine notamment. La mondialisation bat son plein et la France ferme ses mines plutôt que d’en ouvrir de nouvelles. Près de quarante ans plus tard, la donne a changé. Le climat s’emballe, les dirigeants mondiaux s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, investissent dans les énergies renouvelables et, en parallèle, l’Union européenne acte la fin des véhicules thermiques en interdisant leur vente à partir de 2035. L’ère de la transition énergétique et de la voiture électrique est lancée. Le lithium, avec les autres métaux rares constituant les batteries, devient plus recherché que jamais et le marché explose. Les chiffres sont vertigineux. De moins de 40 000 tonnes en 2016, la production mondiale de lithium a dépassé 100 000 tonnes par an en 2021, selon l’Institut des études géologiques américain. Et elle peine à suivre la demande. D’après l’Agence internationale de l’énergie, la consommation annuelle mondiale de lithium pourrait atteindre 800 000 tonnes en 2040 pour les seuls véhicules électriques. Les prix s’envolent, quintuplant entre 2021 et 2022 pour atteindre 80 000 dollars la tonne de lithium qualité batterie, rapporte L’Usine nouvelle. La course au « nouvel or blanc », tel qu’il a été surnommé, est lancée.

      « Avec la transition énergétique, on passe d’une dépendance aux hydrocarbures à une dépendance aux métaux rares », résume le journaliste et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) Guillaume Pitron, auteur de La guerre des métaux rares. Alors, aux quatre coins du monde, on explore ses ressources pour y piocher sa part. Un enjeu économique, certes, mais aussi stratégique. Car cette transition redistribue également les cartes des dépendances géopolitiques. Pour l’heure, la production de lithium est essentiellement assurée par quatre pays : l’Australie, fournissant à elle seule plus de la moitié de l’extraction, le Chili (un quart de l’extraction mondiale), la Chine (16 %) et l’Argentine (7 %). Mais extraire du lithium ne suffit pas. De la mine à la batterie, le métal doit subir plusieurs processus de séparation et de transformation. Et en la matière, la Chine s’est depuis longtemps imposée. 60 % du raffinage de l’« or blanc » se fait sur son territoire. Si l’on y ajoute les autres métaux présents dans les batteries pour véhicules électriques (manganèse, nickel, graphite, cobalt), c’est près de 80 % de la production mondiale qui y serait transformée.

      Alors l’Union européenne peut bien rêver d’assurer 25 % de la production mondiale de batteries électriques en 2030, elle n’en a, pour l’heure, pas les ressources. Tandis que la guerre en Ukraine met cruellement en relief nos dépendances énergétiques, cette domination de la Chine sur le marché irrite. Et d’un bout à l’autre du Vieux Continent, on parle mines et relocalisation de la production, Emmanuel Macron le premier. « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a du lithium », lançait le président de la République sur France 2 le 26 octobre, reprenant la petite phrase de Valéry Giscard d’Estaing en pleine crise pétrolière, en 1976 (« En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées »). Dix jours plus tôt, il déclarait aux Échos : « Dans la campagne, j’ai fixé un objectif : une filière [de voitures électriques] 100 % produite en France. » Et de rappeler que trois « gigafactories » – comprenez « très grosses usines » – de batteries de véhicules électriques se sont récemment implantées dans le Nord de la France, la première devant commencer sa production en 2023. Restent l’extraction et le raffinage des ressources et, parmi celles-ci, du lithium.

      Dans ce contexte, l’annonce du projet Emili a donc été accueillie avec enthousiasme par le gouvernement. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, et le ministre de l’Industrie Roland Lescure sont même cités dans le communiqué d’Imerys. « Ce projet, exemplaire sur le plan environnemental et climatique, réduira drastiquement nos besoins d’importation de lithium », salue le premier, ajoutant qu’il sera bien entendu soutenu par le gouvernement.

      Enjeu écologique, enjeu stratégique et géopolitique, enjeu économique. À Échassières, la promesse économique fait rêver certains d’un retour à la grande époque minière du village. À partir de 1912, la principale exploitation minière d’Échassières était celle du wolfram, dont était extrait le tungstène, un métal destiné principalement aux aciers de coupe, blindages et divers usages militaires. Exploitée par la Compagnie minière des Montmins, la mine emploie au plus fort de ses activités jusqu’à 450 salariés. Roger, l’époux de Danièle, était de ceux-là. « Au village, il y avait deux “familles”, ceux du tungstène, qui avaient le statut de mineurs, qui étaient mieux payés, avaient plus d’avantages, et ceux du kaolin, qui gagnaient moins bien. » Avec sa dizaine de commerces et ses 800 habitants, le village prospère. Mais en 1962, le couperet tombe. Les cours du tungstène s’effondrent, l’exploitation d’Échassières n’est plus rentable et la mine ferme. « C’était brutal. Du jour au lendemain, mon mari et les autres ont été licenciés, s’exclame Danièle. Sans préavis, sans indemnités. » La Compagnie minière des Montmins a mis la clé sous la porte en abandonnant sur place toute l’infrastructure.

      À quelques kilomètres du bourg, le spectre de l’ancienne usine de transformation de tungstène pourrit toujours lentement, le long de la route. La végétation a envahi les ateliers et les bureaux, les planchers se sont effondrés, les structures métalliques se balancent dans la brise depuis soixante ans. Un repaire de chats errants qui viennent se nourrir chez Roger Konate. Débarqué de Marseille en 2008, l’homme a acheté un ancien atelier de l’usine pour une bouchée de pain et l’a retapé pour s’en faire une maison : « Je suis venu ici parce que c’était la région de ma mère, et puis que c’était vraiment pas cher. » Juste à côté de sa maison, dissimulée sous des rideaux de lierre, se trouve l’entrée d’une ancienne galerie de transport de la mine, rebouchée depuis. Du lithium et d’Imerys, Roger Konate ne sait pas trop quoi en penser. « De toute façon, c’est déjà décidé, qu’est-ce que vous voulez qu’on y fasse ?, lâche-t-il. J’espère juste qu’ils ne rouvriront pas les anciennes galeries et que je ne me retrouverai pas exproprié ! Enfin, je serais dédommagé, mais bon, je suis bien tranquille ici. » Au milieu des fantômes du passé.

      Car avec le départ de la Compagnie des Montmins, le glas des années minières a sonné à Échassières. « Dans la décennie qui a suivi, les carrières de kaolin ont fermé, les unes après les autres », raconte Danièle. Son mari, qui avait trouvé un emploi à la carrière des Colettes, a été licencié à nouveau avant de retrouver un poste de conducteur d’engins sur le site Beauvoir, le seul resté en activité. « Mais pour le village, ça a été une catastrophe, poursuit sa femme. De 800 habitants, la population est passée en quelques années à peine à 400 et n’est jamais remontée depuis. » Alors pour elle, le projet Emili est une belle opportunité. « Quelque part, c’est l’aboutissement d’un espoir qu’on avait depuis les années 1970, dit-elle. C’est la possibilité de soutenir les commerces, de maintenir le service public. »

      Le maire actuel, Frédéric Dalaigre, ne dit pas autre chose : « L’opportunité économique est évidente. » Lors de l’annonce, c’est 1 000 emplois qui ont été évoqués par Imerys. Même si ceux-ci ne seront pas tous à Échassières, tempère le maire : « Ils seront répartis entre le site d’extraction et le site de conversion, dans un autre lieu encore non-déterminé. La majorité des emplois sera vraisemblablement sur ce dernier. Mais ce n’est pas grave. Nous n’avons pas besoin de 1 000 emplois. Nous n’avons pas les capacités actuellement d’accueillir tant de monde. » En attendant, l’arrivée de nouveaux habitants permettra peut-être d’ouvrir de nouvelles classes à l’école primaire – laquelle accueille actuellement 60 élèves des cinq communes environnantes –, de soutenir les commerces existants et peut-être d’en voir ouvrir de nouveaux, espère-t-il. Mais s’il est, a priori, plutôt favorable au projet, Frédéric Dalaigre est trop prudent pour s’emballer. Car une mine n’est pas sans conséquences, il le sait. Imerys assure vouloir faire d’Emili une mine « verte », mais entre promesse d’exemplarité et réalité de l’exploitation minière, l’écart est difficile à combler. Et dans la région, nombreux sont ceux qui craignent de devoir troquer la richesse de la nature pour une éphémère embellie économique.

      https://lesjours.fr/obsessions/lithium-france/ep1-lithium-sous-sol-france

    • Mine de lithium dans l’Allier : l’#eau, point faible du projet d’Imerys

      Le géant minier a achevé, fin juillet, un cycle de débats publics visant à convaincre de sa capacité à mettre en œuvre les technologies les plus innovantes pour créer une mine « propre » sur leur territoire. Mais de sérieuses incertitudes subsistent, notamment sur les besoins en eau de ce complexe industriel à l’heure du changement climatique.

      Une mine saine dans un esprit sain. Tel est le leitmotiv que le groupe minier Imerys s’est efforcé d’inculquer aux habitant·es de l’Allier au cours des cinq derniers mois, dans le cadre d’un cycle de débats publics arrivé à son terme fin juillet. L’esprit sain, c’est celui de la transition énergétique, qu’est censée faciliter la mine d’Échassières puisque celle-ci, si elle voit le jour, fournira assez d’hydroxyde de lithium pour produire chaque année, à partir de 2028 et pendant au moins vingt-cinq ans, 663 000 batteries de voitures électriques.

      La #mine_saine, c’est la promesse d’une infrastructure mettant les technologies les plus avancées au service du plus faible coût environnemental possible. Concernant l’utilisation de l’eau, une des principales sources d’inquiétude de la population, Imerys assure que son complexe industriel sera un modèle de #sobriété et de #propreté, grâce notamment à une réutilisation de la ressource en #circuit_fermé et à une politique du #zéro_déchet liquide.

      Il suffira ainsi de 600 000 mètres cubes d’eau par an pour faire tourner la mine et son usine de concentration, à Échassières, et d’une quantité équivalente pour l’usine de conversion prévue à #Montluçon. Soit un niveau de consommation d’eau « 10 à 20 fois moins élevé que l’eau nécessaire pour la production de lithium dans les #salars [bassins d’évaporation – ndlr] sud-américains », affirme Imerys dans son dossier de maîtrise d’ouvrage.

      Le site sera alimenté par des prélèvements réalisés sur la #Sioule, un affluent de l’Allier prenant sa source dans le Puy-de-Dôme, et celui de Montluçon par des eaux sorties de l’usine de retraitement de la ville, initialement issues du Cher. Là encore, pas d’inquiétude affirme l’industriel : « Sur la Sioule, on est à 0,1 % du débit moyen annuel actuel, et en étiage [quand le débit est le plus faible – ndlr], on atteint 0,6 % du débit mensuel », souligne Fabrice Frébourg, chef de projet environnement chez Imerys. Sur le Cher, les taux seraient respectivement de 0,1 % et 2 %, selon les documents fournis par Imerys.

      Pourtant la marge de manœuvre de l’industriel est beaucoup moins large qu’il n’y paraît. Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) 2022-2027 du bassin Loire-Bretagne classe la Sioule parmi les bassins « qui montrent un équilibre très fragile entre la ressource et les prélèvements, à cause de #prélèvements excessifs ou de l’#évaporation par les #plans_d’eau, ou bien d’un régime d’étiage naturel trop faible ». Il impose pour cette raison « une limitation des prélèvements en période de basses eaux au niveau actuel ».

      Dès lors, Imerys ne pourra pas brancher ses pompes sur la Sioule avant d’avoir négocié avec les autres acteurs déjà présents sur le bassin une nouvelle répartition des prélèvements. Les pompages industriels étant de faible volume et incompressibles, le seul interlocuteur du groupe minier dans cette négociation est la #chambre_d’agriculture de l’Allier.

      Bataille de quotas avec le monde agricole

      Celle-ci s’est vu confier par arrêté préfectoral, fin 2015, une #autorisation_unique_de_prélèvement (#AUP) portant sur 4,92 millions de mètres cubes d’eau à ponctionner annuellement dans la Sioule sur un étiage courant de juin à septembre, à charge pour elle de répartir la ressource entre tous les irrigants et irrigantes. Ce chiffre a ultérieurement été révisé à 4,6 millions de mètres cubes.

      Or les agriculteurs et agricultrices n’ont jamais utilisé à plein leurs autorisations, leurs pompages réels n’ayant jamais dépassé 3,7 millions de mètres cubes, selon Nicolas Bonnefous, vice-président de la chambre d’#agriculture. Ce qui fait dire à Fabrice Frébourg qu’Imerys, qui n’a besoin de prélever que 50 000 mètres cubes d’eau par mois, soit 200 000 mètres cubes sur la période d’étiage, « serait capable de rentrer dans ces quotas ».

      « Le problème, c’est que nous avons bel et bien besoin de toute l’eau autorisée, même si nous ne prélevons que 3,1 ou 3,3 millions de mètres cubes », tempère cependant Nicolas Bonnefous. La chambre d’agriculture répartit en effet l’eau prélevée dans la Sioule entre des dizaines d’irrigant·es qui, d’une année sur l’autre, au gré des aléas météorologiques, utiliseront en totalité ou seulement en partie la part qui leur a été attribuée. L’addition de ces quotas non utilisés s’appelle le #foisonnement. « Et non, on n’est pas capables de dégager des marges sur le foisonnement, insiste Bonnefous. L’État doit prendre ses responsabilités et donner l’eau à Imerys sans prendre aux agriculteurs. »

      Déjà, des voix se font entendre parmi les irrigant·es pour dénoncer un possible coup de force. « Avec les précipitations variables d’aujourd’hui, l’#irrigation devient essentielle, a prévenu Adelaïde Giraud, présidente de l’association d’irrigants ASA des Champagnes, lors d’une réunion publique le 30 mai à Vichy. La Sioule ne semble pas pouvoir accueillir un intervenant supplémentaire [et] nous espérons sincèrement ne pas être une variable d’ajustement. »

      Impacts inéluctables

      Des pourparlers n’en sont pas moins en cours entre la chambre d’agriculture, le groupe minier, les services de l’État et #EDF, opérateur du barrage des Fades, en amont du site d’implantation de la mine, qui assure déjà un supplément de soutien d’étiage au bénéfice des irrigant·es. Et non, « ce n’est pas la profession agricole qui amènera un blocage », assure Patrice Bonnin, président de la chambre. « On a l’eau, on a le tuyau, il faut juste que l’administration trouve le bon robinet » réglementaire pour permettre l’opération, poursuit-il.

      Le « robinet » souhaité par les agriculteurs et agricultrices pourrait prendre la forme d’une sortie du classement du bassin de la Sioule en zone à prélèvements limités, ou celle d’une prise en compte des lâchers d’eau estivaux par le barrage de Fades pour augmenter les autorisations de prélèvements, évoque Nicolas Bonnefous.

      Si l’approvisionnement en eau de la mine semble déjà problématique au vu des réglementations actuelles, basées sur des évaluations de besoins remontant au début des années 2010, qu’en sera-t-il dans quatre ans, au moment théorique de l’entrée en activité du site ? Le Sdage stipule en effet que l’autorisation unique de prélèvement accordée à la chambre d’agriculture ne sera valable que jusqu’à l’ajout d’une analyse HMUC (hydrologie, milieux, usages, climat), soit « au plus tard, en 2027 ».

      Cette analyse, qui devra être diligentée par la commission locale de l’eau (CLE) chargée du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) de la Sioule, permettra de déterminer le #volume_potentiellement_mobilisable (#VPM) de la rivière, c’est-à-dire la part de son débit restant à disposition après soustraction de l’eau réservée aux milieux aquatiques, aux réseaux d’eau potable ou encore à la sécurité anti-incendie.

      Pour Céline Boisson, animatrice du Sage Sioule, il est peu probable que les résultats de l’analyse HMUC permettent d’ouvrir en grand les vannes des stations de pompage. « La Sioule est déjà affectée par le #changement_climatique : son débit moyen a baissé de 15 % en trente ans, et son débit d’étiage de 48 % », avait-elle rappelé lors de la réunion publique de Vichy.

      Interrogée par Mediapart, l’experte précise que les seuils de crise ne sont jamais atteints sur la Sioule en aval du #barrage_de_Fades grâce aux lâchers d’eau diligentés par EDF, en vertu d’un accord avec la chambre d’agriculture. « Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de crise. Clairement, l’amont du barrage est en crise, tout comme la #Bouble », petite #rivière appartenant au même bassin, ajoute-t-elle, avant de conclure : « Je ne suis pas sûre que tout le monde sera satisfait du résultat de l’analyse. Il y aura forcément un partage à faire. »

      S’il se dit confiant dans la capacité du barrage de #Fades, fort de ses 65 millions de mètres cubes d’eau, à pourvoir aux besoins de la mine, Fabrice Frébourg évoque également des pistes à l’étude chez Imerys pour permettre au complexe d’Échassières de disposer de ses « propres solutions de modulation ».

      Il s’agit principalement de renforcer la capacité de deux petits lacs déjà présents sur le site, en la faisant passer de 55 000 à 100 000 mètres cubes, ou éventuellement d’utiliser des galeries d’exploitation de la mine pour du stockage d’eau. La gestion des périodes de maintenance pour les faire coïncider avec l’étiage est également une « piste d’optimisation du projet ».

      Ces solutions ne convainquent pas les défenseurs et défenseuses des milieux aquatiques. « Depuis vingt ans, il n’y a quasiment plus de crues morphogènes sur la Sioule. Or elles sont essentielles pour le cours d’eau car elles permettent le transit sédimentaire et le décolmatage du lit, indispensable pour la réussite de la reproduction de certaines espèces, explique Mickaël Lelièvre, directeur de la fédération de pêche de l’Allier. Si on augmente le soutien d’étiage ou le stockage, on aggrave ce phénomène de réduction des crues morphogènes. »

      Menaces sur des #poissons déjà en danger

      Le pêcheur est soutenu par Aurore Baisez, directrice du Logrami, centre de recherche sur les poissons migrateurs du bassin de la Loire, qui souligne qu’une infime variation du niveau de la crue peut suffire à perturber la migration des espèces fréquentant la Sioule (saumon, lamproie, anguille, alose) et le Cher (les mêmes moins le saumon). « Les crues sont le signal du départ dans un sens ou dans l’autre. La perte de ce signal se traduit par de faibles remontées des poissons, ou très en aval », indique la scientifique, précisant que l’alose et la lamproie sont « classées en danger critique d’extinction, à l’instar du tigre du Bengale ou de l’éléphant d’Afrique ».

      À Montluçon, où le #mica_lithinifère – principal minerai du lithium – sera transformé en #hydroxyde_de_lithium, Imerys n’est pas soumis aux mêmes contraintes réglementaires que dans la vallée de la Sioule, puisque son alimentation en eau proviendra de l’usine de retraitement des eaux usées de la ville et ne peut donc être comptabilisée comme un « prélèvement » sur le Cher. Elle n’en occasionnera pas moins une « perte d’eau nette » d’environ 600 000 mètres cubes par an pour une rivière déjà en crise, classée « zone de répartition des eaux » – impliquant un contrôle des prélèvements toute l’année – par le Sdage Loire-Bretagne en raison d’un « déséquilibre quantitatif avéré ».

      « Certes, on parle d’une ponction limitée. Mais le #Cher n’a pas de réserves, très peu de nappe alluviale. Quand il ne pleut plus, il n’y a plus de débit », commente Jonathan Bourdeaux-Garrel, animateur du Sage Cher-Amont. Il y a bien un petit barrage, #Rochebut, censé assurer un débit garanti de 1,55 mètre cube par seconde. « Mais quand il n’y a pas d’eau dans le barrage, ça descend jusqu’à 800 litres par seconde, et il faut voir alors la tête du Cher. »

      Mickaël Lelièvre, de la fédération de pêche, confirme et renchérit : « La situation hydrologique est très dégradée sur le Cher. Sans le soutien d’étiage par le barrage, il n’y aurait plus d’eau dans la rivière. Rien que cela devrait imposer d’interdire tout nouveau prélèvement. » L’expert met par ailleurs en cause les statistiques fournies par Imerys, basées sur des moyennes quinquennales de débit et donc aveugles aux aléas de faible durée qui frappent régulièrement la rivière.

      Du côté d’Imerys, Fabrice Frébourg assure « qu’on prend la chose très au sérieux ». Le cadre assure que son entreprise choisira un indice « beaucoup plus pénalisant que les moyennes quinquennales » dans ses prochaines études sur l’impact du réchauffement climatique. Il évoque également la piste, « apportée par l’administration, d’un possible soutien d’étiage par le barrage de Rochebut ». Comme le faisait remarquer un intervenant en réunion publique, « les poissons ne peuvent pas se mettre entre parenthèses » à chaque assèchement du Cher.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/030824/mine-de-lithium-dans-l-allier-l-eau-point-faible-du-projet-d-imerys
      #promesses

  • Situation des #nappes_phréatiques_souterraines en France, août 2023

    La situation reste préoccupante : les deux tiers des nappes phréatiques sont sous les normales de saison en France, les pluies estivales ne permettant pas de les recharger efficacement, selon les derniers chiffres dévoilés jeudi par le gouvernement


    https://twitter.com/afpfr/status/1690241707798118400
    #nappes_phréatiques #eau #France #cartographie #visualisation #août_2023 #sécheresse

  • L’eau : un bien commun pollué par le profit
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/07/26/leau-un-bien-commun-pollue-par-le-profit_725770.html

    Partout dans le monde, les pénuries d’eau, les rivières à sec, les nappes phréatiques vidées, les plaintes des agriculteurs et les déclarations lénifiantes des gouvernements mettent à la une le problème de l’approvisionnement en eau.

    En France, l’utilisation de l’eau se répartit ainsi : 57 % pour l’agriculture, 26 % pour l’#eau_potable, 12 % pour le refroidissement des centrales électriques et 5 % pour les industriels. Mais derrière ces chiffres se cachent d’autres réalités. Si nourrir la population est évidemment une priorité, près de la moitié de l’eau utilisée pour l’irrigation est destinée aux champs de maïs, un maïs dont les #trusts_agroalimentaires de France et d’Europe ont besoin dans le cadre de leur compétition mondiale.

    Au pompage des #nappes_phréatiques qu’opère ainsi l’#agriculture_capitaliste s’ajoute le rejet anarchique de toute une partie des #déchets animaliers, chimiques et autres, qui aboutit à la pollution dramatique des eaux. On le voit en Bretagne avec la #pollution de l’eau par les nitrates et en conséquence la prolifération des #algues_vertes.

    Le prix de l’eau n’est pas le même pour les agriculteurs et les industriels, d’un côté, et les particuliers de l’autre. L’eau d’irrigation, celle-là même qui assèche rivières et nappes phréatiques, revient entre 0,18 centimes et au maximum 2,13 centimes le mètre cube, suivant les moyens de captage utilisés. Le particulier, en revanche, paie un prix moyen qui varie entre 3,70 et 4,30 euros le mètre cube, auquel s’ajoutent de multiples taxes qui peuvent faire doubler le prix final. L’#eau à usage domestique revient donc 500 à 800 fois plus cher que celle dirigée vers l’irrigation ou des utilisations industrielles. Ainsi la dépollution des eaux contaminées par l’agriculture, mais aussi par les industriels, est en grande partie assurée par les compagnies privées délégataires de la fourniture d’eau potable. Elle est presque quasi exclusivement payée par les usagers individuels.

    Tout cela est à l’image d’une société pourrie par la recherche du profit à tout prix, l’irresponsabilité et l’incurie généralisées. Le bien public dont les uns et les autres osent se prévaloir est une offense à la simple vérité.

    #capitalisme

  • Face aux canicules, les leçons bioclimatiques d’une ville antique d’Iran Mme Montazer - time of israel

    Yazd est l’une des villes les plus chaudes au monde mais ses habitants ont appris à s’y adapter, Avec des méthodes inventées il y a plus de 2 500 ans, au temps de l’empire perse

    En plein cœur de l’Iran, le thermomètre dépasse souvent les 40 degrés. Mais ces températures extrêmes restent supportables grâce aux tours à vent, les ancêtres écologiques de la climatisation, qui intéressent de nouveau les architectes.

    Située non loin de la Route de la soie, Yazd est l’une des villes les plus chaudes au monde. Entourée de deux déserts, ses étés sont brûlants et les pluies extrêmement rares.


    Un guide conduit des touristes au jardin Dowlat Abad dans la ville centrale de Yazd, en Iran, le 3 juillet 2023. (Crédit : ATTA KENARE / AFP)

    Ses habitants ont appris à s’y adapter. Avec des méthodes inventées il y a plus de 2 500 ans, au temps où l’empire perse dominait le Moyen-Orient.

    Yazd est « le témoignage vivant de l’utilisation intelligente des ressources disponibles limitées nécessaires à la survie dans le désert », résume l’Unesco, qui l’a inscrite dès 2017 sur la liste du Patrimoine mondial.

    Cette cité de 530 000 habitants est « une source d’inspiration pour la nouvelle architecture confrontée aux défis de la durabilité », ajoute cette organisation de l’ONU.

    Yazd est notamment réputée pour ses quelque 700 badguirs (« attrape-vent » en persan), des tours traditionnelles et élégantes qui surmontent les toits plats du centre historique.


    Cette photo prise le 3 juillet 2023 montre une vue de l’ouverture en bas à l’intérieur du capteur de vent (« badir » en persan) du jardin Dowlat Abad, le plus haut du monde avec ses 33,8 mètres, dans la ville centrale de Yazd, en Iran. (Crédit : ATTA KENARE / AFP)

    « Les badguirs ont joué un rôle capital dans la prospérité de la ville. Durant des siècles, avant l’invention de l’électricité, elles ont permis de rafraîchir les logements. Grâce à elles, les gens vivaient à l’aise », explique Abdolmajid Shakeri, responsable du ministère du Patrimoine pour la province de Yazd.

    Similaires à des cheminées droites à quatre côtés, les badguirs sont dotées de grandes fentes verticales et de plusieurs conduits à l’intérieur. Elles laissent entrer le moindre souffle d’air frais dans le logement tandis que, sous la pression, l’air chaud est poussé à en sortir.

    Cette méthode de réfrigération est « totalement propre car elle n’utilise ni électricité ni matériaux polluants », souligne Majid Oloumi, directeur du jardin de Dowlat-Abad, où se situe une badguir de 33 mètres, la plus haute au monde.


    Cette photo prise le 3 juillet 2023 montre une vue de capteurs de vent (« badir » en persan) dans la ville centrale de Yazd, en Iran. De hautes tours ressemblant à des cheminées s’élèvent sur des maisons en pisé vieilles de plusieurs siècles dans l’ancienne ville iranienne de Yazd, attirant une brise agréable pour les habitants de l’une des villes les plus chaudes de la planète. (Crédit : ATTA KENARE / AFP)

    « Simplicité »
    Cet exemple d’architecture bioclimatique inspire un nombre croissant d’architectes dans le monde, comme le Franco-Iranien Roland Dehghan Kamaraji, basé à Paris, qui a longuement étudié le fonctionnement des badguirs.

    Elles « démontrent que la simplicité peut être un attribut essentiel de la durabilité, démentant l’idée répandue que les solutions durables doivent nécessairement être complexes ou high-tech », défend-il.

    Parmi les projets les plus représentatifs, il cite celui de la Masdar City, aux Emirats arabes unis, dont « les bâtiments sont conçus pour tirer parti de la ventilation naturelle pour le refroidissement, à l’instar des badguirs. »

    A Melbourne, en Australie, le Council House 2 est aussi un immeuble au système de refroidissement passif, comme le Eastgate Centre à Harare (Zimbabwe), qui « s’inspire des termitières, une démarche similaire à celle des badguirs ».

    A Yazd, les tours et les maisons traditionnelles sont construites en pisé, fait d’argile et de terre crue, d’efficaces isolants thermiques.

    Bien préservée, la Vieille ville est en outre organisée autour d’étroites ruelles et « sabats », ces passages en partie couverts qui protègent du soleil. Le contraste est saisissant avec les avenues de la ville moderne, larges et rectilignes.


    Un homme montre une carte du qanat (aqueduc souterrain) de Zarch accrochée sur le site de la ville centrale de Yazd, en Iran, le 3 juillet 2023. (Crédit : ATTA KENARE / AFP)

    « Malheureusement, l’héritage transmis par nos ancêtres a été oublié », surtout depuis l’apparition des climatiseurs, regrette Majid Oloumi. « Aujourd’hui, l’architecture des maisons, venue d’autres pays, et les méthodes de construction, à base de ciment, ne correspondent pas au climat de Yazd. »

    A l’international, M. Dehghan Kamaraji constate que nombre de projets d’architecture bioclimatique restent entravés « par les exigences économiques et les normes établies par l’industrie », qui privilégie encore majoritairement l’utilisation de matériaux gourmands en énergies fossiles.

    Assèchement
    Les spécialistes s’intéressent aussi à une autre spécialité de Yazd : les « qanats », ces étroites galeries souterraines qui acheminent l’eau des montagnes ou des nappes souterraines vers les lieux de vie.


    Cette photo prise le 3 juillet 2023 montre une vue d’un couloir de la citerne Bagh Gandom Ab-Anbar, datant de l’époque safavide (15011736), dans la ville de Yazd, au centre de l’Iran.L’une des caractéristiques architecturales durables de l’ancienne ville iranienne de Yazd est son système d’aqueducs souterrains appelés qanats, qui transportent l’eau depuis des puits souterrains, des aquifères ou les montagnes. On estime que l’Iran compte aujourd’hui environ 33 000 qanats opérationnels, ce qui représente une baisse significative par rapport aux 50 000 qanats utilisés au milieu du XXe siècle.Selon l’UNESCO, le déclin des qanats est en partie dû à l’assèchement des sources d’eau souterraines causé par la surconsommation. (Crédit : ATTA KENARE / AFP)

    Construits il y a plus de 2 000 ans pour certains, « ces aqueducs souterrains constituent une source d’approvisionnement en eau et permettent de rafraîchir les habitations et de conserver la nourriture à une température idéale », explique Zohreh Montazer, spécialiste des qanats de Yazd.

    Le nombre de qanats en Iran est estimé à 33.000, contre 50.000 au milieu du XXe siècle, une baisse liée en partie à l’assèchement des nappes phréatiques en raison de la surconsommation d’eau, selon l’Unesco.

    Soucieux de préserver cet héritage, l’Etat iranien a réhabilité le plus long et ancien qanat du pays, celui de Zarch, qui s’étend sur plus de 70 km dans la province de Yazd.

    Cet étroit boyau est partiellement ouvert à la visite, une façon de sensibiliser les habitants aux défis à venir. « Le jour où les énergies fossiles s’épuiseront, nous devrons retourner vers les méthodes » qui ont déjà fait leurs preuves à Yazd, avertit Mme Montazer.

    #Iran #Yazd #vent #climatisation #badguirs #Bagdad #climatisation #climatiseurs #architecture_bioclimatique #qanats #aqueducs #eau #nappes_phréatiques

    Source : https://fr.timesofisrael.com/face-aux-canicules-les-lecons-bioclimatiques-dune-ville-antique-di

  • Le #Lyon-Turin menace les #sources de la #Maurienne

    Sources taries, #nappes_phréatiques en baisse soudaine… Les travaux de la #ligne_ferroviaire Lyon-Turin entraînent des perturbations du #cycle_de_l’eau en Maurienne, ce qui inquiète les montagnards et les écologistes.

    Les orages sont fréquents en cette mi-juin en #Haute-Maurienne. L’herbe y est d’un vert profond, complétée par des touches de couleurs des coquelicots et autres fleurs de cette fin de printemps. Le débit de l’#Arc, la #rivière qui creuse lentement le fond de vallée, est important. Et pourtant la possibilité d’un manque d’eau inquiète, en raison des travaux du #tunnel_ferroviaire Lyon-Turin.

    Cette angoisse remonte à 2003. Il y a 20 ans, les premières galeries commençaient à être creusées dans la #montagne, des descenderies qui doivent permettre de ventiler, d’assurer la maintenance ou de servir d’issues de secours. De petits travaux en comparaison aux grands tubes qui permettront de faire passer les trains. Mais qui ont suffi à tarir d’un coup une source du village de #Villarodin-Bourget.

    « Pour ramener l’eau dans les fontaines du village, les promoteurs ont dû réaliser un captage et construire 5 kilomètres de tuyauterie », explique Gilles Margueron, le maire de la commune depuis 2008. Évidemment, l’eau de la source n’a pas disparu. En l’état actuel des travaux, elle ressort dans l’Arc, juste en dessous du village.

    « Mais quand les travaux seront achevés et le tunnel creusé, l’eau ressortira à #Saint-Jean-de-Maurienne, [à 30 kilomètres de là]. En gros, l’eau qui était chez nous ne sera plus chez nous. » La #qualité_de_l’eau en prend aussi un coup, l’eau de source étant de meilleure qualité que l’eau de l’Arc.

    Depuis 2003, le sujet de l’eau est parfois tombé presque dans l’oubli, avant de ressurgir avec plus de force encore au fur et à mesure que le dérèglement climatique resserre son emprise en montagne. Actuellement, la végétation est resplendissante, sans que ce soit le signe de nappes phréatiques pleines ni d’absence de difficultés cet été.

    « L’été dernier, nous avons eu des restrictions d’eau avec interdiction d’arroser les jardins en journée, rappelle Brigitte [*], venue voir l’avancée des travaux sur les bords de l’Arc. Alors quand on voit que les travaux assèchent des sources… » Quant aux glaciers, ces véritables réservoirs d’eau pour l’été ne cessent de se réduire avec l’augmentation des températures.

    Ces inquiétudes ont bien été cernées par les organisateurs de la manifestation du 17 et 18 juin contre la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Sur leur site, les Soulèvements de la Terre, l’une des associations organisatrices, tape fort : « Le #drainage de 100 millions de m³ [d’eau] souterraine chaque année [est] à prévoir, asséchant de façon irrémédiable la montagne. Si l’eau c’est la vie, alors c’est bien au droit à vivre des populations locales que ce projet s’attaque… »

    Un mot d’ordre partagé par Philippe Delhomme, président de l’association locale #Vivre_et_Agir_en_Maurienne. « En mettant en avant ce thème de l’eau, on peut toucher plus de monde », renchérit-il, en ne décollant presque pas les yeux de son téléphone portable, qui vibre continuellement au gré des messages et appels qu’il reçoit pour l’organisation de la manifestation.

    « C’est un thème que nous avons en commun avec les Soulèvements de la Terre, qui se sont fait connaître sur des thèmes liés à l’agriculture, notamment les mégabassines », continue-t-il.

    Déboucher la baignoire

    Pour bien faire comprendre comment un réseau de galeries fait craindre un #assèchement de la montagne, une comparaison circule beaucoup dans la vallée : imaginez que vous remplissiez une baignoire bouchée de pierres et de gravats, puis que vous y mettiez de l’eau. Quand le niveau est bas, l’eau reste invisible. Ce n’est que quand elle a rempli tous les interstices et qu’elle déborde de la baignoire qu’on peut la voir.

    C’est la même chose en montagne : les sources sont la manifestation de ce trop plein. Mais si vous enlevez le bouchon au fond de la baignoire, l’eau va être drainée. Adieu les sources. Plusieurs habitants craignent que les tunnels du Lyon-Turin produisent le même effet.

    Un tiers d’eau en moins dans la #nappe_phréatique

    D’autant que ce phénomène est bien connu des chercheurs et des industriels qui travaillent sur des tunnels. Si chaque montagne est différente, quasiment toutes regorgent d’eau, notamment dans des failles que le tunnel peut traverser et qui, si elles ne sont pas bouchées, peuvent agir comme ce bouchon qu’on enlève au fond de la baignoire.

    Une véritable vidange qui se serait produite à #Orelle, un village de la vallée, situé entre Saint-Michel-de-Maurienne et Modane. Selon le maire de Villarodin-Bourget, Gilles Margueron, le niveau d’une nappe phréatique dans laquelle le village puise son eau potable aurait diminué d’un tiers, sans autre explication. Si ce n’est que le creusement des tunnels progresse.

    Jean-Louis est installé un peu plus loin dans la vallée. Il possède des terres à Bramans et emmène ses 80 vaches laitières, productrices de lait à Beaufort, dans des alpages sur les pentes du Mont Cenis. Le tunnel doit passer juste en dessous.

    « J’ai deux chalets alimentés par des sources qui sont au niveau du tracé, raconte l’agriculteur. On ne sait pas d’où proviennent ces sources exactement. On a donc très peur qu’elles se tarissent quand le tunnel arrivera à notre niveau. Et je ne pense pas qu’ils pourront résoudre le problème par un captage plus haut, comme à Villarodin-Bourget, car cela voudrait dire réaliser des dizaines de kilomètres de tuyaux. »

    L’eau, « une ressource à protéger »

    Si le promoteur du projet, #Telt, pour #Tunnel_euralpin_Lyon-Turin, assure sur son site que l’eau « est une ressource à protéger » et qu’une cartographie a été mise en place pendant la phase de conception pour limiter les dégâts, les opposants l’accusent de ne pas faire assez.

    « Depuis 2003, les dégâts sur l’eau ont été systématiquement minimisés. En vue des mesures qui sont faites, on ne peut pas dire que ces travaux vont tarir toutes les sources. Ni dire qu’il n’y aura aucun problème. Selon moi, le principe de précaution doit donc s’appliquer », explique longuement un scientifique local, qui préfère rester anonyme. Un signe des tensions qui traversent la vallée sur le sujet du Lyon-Turin.

    « Les défenseurs du Lyon Turin pointent parfois les changements climatiques comme cause de la baisse d’une nappe ou du débit d’un ruisseau. Si on avait des données globales qui montrent que ce niveau baisse dans toute la vallée, pourquoi pas, continue ce scientifique. Mais quand une source se tarit d’un coup, ce n’est pas la même chose. »

    « Si, à la rigueur, il n’y avait pas de ligne ferroviaire déjà existante pour traverser les Alpes… Mais il y en a déjà une ! » rappelle Yann, un habitant brin défaitiste, rencontré en train de siroter une bière à un bar non loin du chantier. « Jusqu’à pas longtemps, je me sentais hyper protégé du dérèglement climatique en montagne. Mais là, quand je vois les difficultés qu’on a déjà et celles ajoutées par le Lyon-Turin… »

    https://reporterre.net/L-eau-preoccupation-centrale-du-Lyon-Turin
    #no_TAV #no-tav #eau

  • « Nous aurons des années de rendement si faible que l’on ne pourra pas nourrir l’ensemble de la population »
    https://lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/vin-de-normandie-pates-de-sorgho-que-mangerons-nous-quand-leau-sera-rare-19

    « Tout ce qui est rare est cher », l’adage est bien connu. Or, avec les vagues de sécheresse inédites qui se succèdent en Europe, notamment en ce moment en Espagne , l’eau devient de plus en plus rare. Le #prix de l’or bleu pourrait donc s’envoler. Le ministère des Affaires étrangères néerlandais a voulu alerter sur cet avenir qui se dessine avec le site de vente en ligne The Drop Store (« le magasin de la goutte »). Sur ce site futuriste, la ressource est devenue si rare que chaque produit détaille la quantité d’eau nécessaire à sa production pour justifier son prix devenu exorbitant.

    Les denrées courantes deviennent en effet des mets précieux et leurs prix flambent. Par exemple, une fiole d’eau « très pure » de seulement 15 ml est vendue 182 euros ; un épi de maïs de 35 grammes, 129 dollars (118 euros) ; deux cubes de fromage, 109 dollars (100 euros) ; ou encore 4 carrés de chocolat, 3.600 dollars (3.200 euros) ! Pour chaque produit, une étiquette précise la cause de sa raréfaction : inondation, sécheresse, pollution…

    L’initiative choc reste une fiction, mais certaines des conséquences esquissées pourraient bien devenir réelles. Première activité consommatrice d’#eau en France, l’agriculture est en effet lourdement affectée par la baisse significative de la recharge des nappes phréatiques, de l’ordre de 10 % à 25 % en moyenne en France métropolitaine.

    D’ici à 2050, la #tendance des températures « sera à la hausse et nous allons connaître d’importantes et nombreuses variations interannuelles. Et ce sera encore plus vrai avec la pluviométrie », confirme Christian Huyghe, directeur scientifique de l’Inrae.

    A cet horizon, le #climat de la #France se rapprochera de celui de la Tunisie. Or, le pays du Maghreb doit se mobiliser pour conserver une forme de souveraineté alimentaire et éviter de nouvelles émeutes de la faim. Cette indépendance a un prix puisque pour maintenir son #agriculture, le pays investit dans le retraitement des eaux usées et construit des stations de dessalement d’eau de mer. Ces installations et leur utilisation ont un coût qui pourrait bien se répercuter sur le prix des denrées.

    […]

    La clé d’une adaptation réussie repose aussi sur un changement des régimes alimentaires pour les orienter vers des produits moins consommateurs d’eau. Sans surprise, les chercheurs plaident unanimement pour une assiette plus végétale. « Vraisemblablement, notre #consommation de produits animaux diminuera avec un #régime_alimentaire qui passera de 60 % de protéines d’origine animale à 40 ou 50 % », avance Christian Huyghe de l’Inrae. « Il faudrait également multiplier notre consommation de légumineuses par cinq », avance Sylvain Doublet.

    Les #fruits et #légumes vont aussi évoluer. Les consommateurs devront s’habituer à des fruits et légumes aux calibres et aux goûts différents. Par exemple, avec moins d’eau, la taille des pommes de terre se réduira ainsi que celle des fruits qui seront aussi plus sucrés. Par ailleurs, avec des rendements agricoles en baisse, la lutte contre le #gaspillage va s’intensifier.

    Un monde où l’eau est rare

    10 % à 25 % : baisse moyenne de la recharge des #nappes_phréatiques en France.

    9 ans : c’est la durée moyenne actuelle pour créer une nouvelle variété agricole en France.

    2050 : le climat de la France sera comparable à celui de la Tunisie.

    40 % à 50 % : proportion de protéines animales dans le régime alimentaire en France en 2050, contre 60 % aujourd’hui.

    182 euros : le prix de 15 ml « d’eau pure », si l’on ne change pas de système alimentaire, selon la politique-fiction des #Pays-Bas.

    • Cinq grains de riz pour 80 euros : un magasin en ligne (fictif) alerte sur les conséquences d’un monde sans eau

      https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/cinq-grains-de-riz-pour-80-euros-un-magasin-en-ligne-fictif-alerte-sur-

      Le site internet The Drop Store créé à l’initiative du gouvernement néerlandais est un site très particulier où l’on trouve une dizaine de produits alimentaires seulement. Et pour se les offrir, il faut avoir les moyens.
      Un petit bout d’épis de maïs, 35 grammes : 118 euros. Un petit sachet de cinq grains de riz : 80 euros.
      Un flacon d’eau pure, plus chère que du parfum : 180 euros les 15 ml (l’équivalent d’une cuillère à soupe). On trouve aussi de l’eau normale bien plus abordable, mais elle est marron et, prévient l’étiquette, « susceptible d’être polluée par divers produits chimiques ou pharmarceutiques ». Pour vos petits creux, un snack protéiné, très « crunchy » comme dit l’emballage : on dirait une barre de céréales, c’est un agglomérat d’insectes, mouches, cafards et vers : 138 euros. Un produit de substitution à la viande rouge.

      Mais vous pourriez préférer les pilules en forme de mini-pizza, goût margherita – on dirait une boîte de médicaments – 148 euros. Un avis client (factice, comme le reste) dit : « Je n’ai jamais mangé de vraie pizza, mais d’après mes amis qui en ont déjà goûté, ces pilules ont un goût très ressemblant ».

      Une personne sur trois n’a déjà pas un accès libre à l’eau potable

      Ce site est une fiction pure, ces aliments, évidemment, ne sont pas à vendre. Ils ont été imaginés par l’agence Publicis à l’occasion de la Conférence des Nations unies sur l’eau qui s’est tenue en mars 2023. Car c’est peut-être ce qui nous attend dans un monde sans eau. Un monde où, à cause du changement climatique, des sécheresses et de la hausse des températures, l’eau potable deviendrait une ressource rare, voire inexistante.

      Cela peut vous paraître de la fiction, mais c’est déjà une réalité pour plus d’une personne sur trois dans le monde, selon l’Unicef et l’Organisation mondiale de la Santé. En 2030 (autant dire demain) près de la moitié de la planète aura des difficultés d’accès à l’eau potable.

      Et ce que veulent montrer les Pays-Bas avec ce site The Drop Store, c’est que cette crise de l’eau aura un impact direct, un impact majeur sur nos modes de consommation dans les pays développés. Et donc que le riz, le maïs ou la margherita deviendront des produits de luxe. Parce que pour produire un kilo de maïs, par exemple, il faut au total 1 222 litres d’eau. Chaque aliment a sa fiche de consommation en eau, basée sur une étude scientifique, et le site nous explique pourquoi on risque d’en arriver à cette raréfaction.

      La riziculture utilise par exemple 40% de toute l’eau d’irrigation dans le monde. Le riz contribue au bouleversement climatique, mais il en est aussi victime. Pour la margherita, c’est parce que la sécheresse aura eu raison des récoltes de tomates, d’olives et de blé. Et parce qu’il faut beaucoup trop d’eau aussi pour nourrir les bufflonnes qui produiront le lait pour la mozzarella. Le manque d’eau entraînant de mauvaises récoltes, une réduction de la production et une augmentation des prix pour tout le monde. « De nombreuses choses que nous mangeons et apprécions aujourd’hui disparaîtront complètement, dit The Drop Store, ce qui réduira la diversité et la nutrition de notre alimentation ».

      Des actions concrètes au quotidien

      L’initiative, pourtant, ne se veut pas culpabilisante. Les Pays-Bas ont surtout voulu créer un choc de conscience, avec l’idée c’est que l’on peut encore agir pour protéger la ressource eau. « Les Nations unies voulaient que nous diffusions ce message à l’échelle mondiale pour que les gens comprennent la valeur de l’eau », dit Eduardo Marques, directeur d’exploitation de Publicis.

      Le site renvoie vers des organisations partenaires comme le WWF ou le mouvement « Fill up the glass » qui propose aux jeunes des actions très concrètes dans la vie de tous les jours, comme limiter sa consommation de viande ou utiliser des protections hygiéniques réutilisables

    • #sorgho

      Le sorgho, une plante millénaire d’avenir

      Le sorgho est l’objet de toutes les attentions. La plante originaire de la région sahélienne constitue déjà l’aliment de base dans plusieurs régions arides et semi-arides. Cette céréale dotée d’un système racinaire profond peut en effet pousser malgré des températures élevées et un déficit hydrique important. La plante riche en protéines « possède des qualités nutritionnelles et énergétiques comparables à celles d’autres céréales », indique David Pot, du Cirad. Elle peut être consommée par les humains, mais aussi les animaux.

      Toutefois, si le sorgho est plus résistant que le maïs à la sécheresse, son rendement reste inférieur lorsque l’eau est abondante. « Cela résulte aussi d’investissements très importants de la recherche et des entreprises de sélection dans le maïs », précise David Pot. La céréale peu gourmande en engrais et en pesticides pourrait faire l’objet de recherche agrologique et d’investissements « laissant aussi présager des gains génétiques importants », indique le chercheur.

  • Macron : Le grand « plan eau » qui fait flop

    Face à une sécheresse historique et à la pénurie qui s’annonce pire que celle de l’été dernier, avec des nappes phréatiques très en dessous de leur niveau habituel, Emmanuel Macron sort son « plan eau » : 50 mesures censées prendre le problème à bras le corps, présentées la semaine dernière dans les Alpes. Blast a suivi pendant des semaines sa préparation sous... influence. Enquête et décryptage sur un catalogue de mesures ineffectives dicté par les lobbies.

    Ménager l’attente... Dans le domaine du teasing et des effets d’annonce, Emmanuel Macron est passé maître. Annoncé depuis des semaines et retardé à plusieurs reprises, d’abord prévu début 2023 à l’occasion des « Carrefours de l’eau » organisés chaque année à Rennes, le plan sécheresse du gouvernement avait été remis à plus tard à la demande de l’Elysée. On l’attendait encore le 22 mars dernier lors de la journée mondiale de l’eau, qui offrait une fenêtre de tir idéale. Crise politique oblige, l’affaire avait dû être encore décalée. Et finalement le voilà, présenté jeudi dernier par le chef de l’Etat sur les rives du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes).

    En août 2022, la France a chaud. Le soleil (de plomb) cogne, les Français suent et les terres s’assèchent - un phénomène inquiétant, sans revenir jusqu’au cauchemar des incendies dans les Landes. En pleine canicule, les alertes remontées par les élus et les préfets se multipliant, Elisabeth Borne annonce la mise sur orbite d’une « planification écologique » plaçant l’eau au cœur de ses priorités. On sait aujourd’hui que près de 700 villages ou petites villes ont souffert de pénuries d’eau potable, chiffre qui à l’époque avait été minoré. Pendant plusieurs semaines, certaines populations avaient dû être alimentées par des citernes ou de l’eau en bouteille livrée par packs.

    Diagnostics clairement tracés

    Le coup de chaud de l’été 2022 passé, le chantier est lancé opérationnellement le 29 septembre par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et sa secrétaire d’Etat Bérangère Couillard, avec une phase de consultation. Début janvier 2023, les contributions de ces groupes de travail, comme celles des comités de bassin (des instances de concertation à l’échelle locale rassemblant opérateurs, Etat, collectivités, ONG, industriels, agriculteurs et consommateurs), sont présentées à la secrétaire d’Etat dans le cadre du Comité national de l’eau (un organe consultatif placé sous l’autorité du ministère de la Transition).

    De ces travaux et de leurs conclusions remises à Bérangère Couillard se dégagent « des diagnostics clairs et des propositions de solutions », « notamment autour de la REUT (réutilisation des eaux usées traitées) et du développement de la télérelève », se félicite la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) dans sa lettre publiée en mars dernier.

    La FP2E fédère 6 entreprises membres dont les multinationales Veolia, Suez et Saur. Ce lobby influent a participé activement à cinq des groupes de travail - sur la gestion des sécheresses, sur les usagers, la sobriété, le grand cycle de l’eau et les pollutions diffuses. L’occasion de pousser ses intérêts. A la sortie de la consultation, la FP2E pointe aussi « les blocages à lever », « relatifs notamment au financement, à la complexité des démarches administratives ou encore à la durée des autorisations ». Des freins « décourageants pour les porteurs de projet », note-t-elle.

    En réalité, cet investissement vient de loin. La FP2E, et avec elle les géants privés de l’eau, pousse ses pions depuis des mois : avant la présidentielle de 2022, ce syndical patronal avait présenté aux candidats son « programme ». Dès lors, tout était dit et la « feuille de route » tracée. Elle n’a pas changé depuis.
    Un gouvernement bien irrigué

    En France, la dernière grande loi sur l’eau date de 2006. Depuis, les effets du changement climatique sur le cycle hydrologique se font sentir, beaucoup plus puissamment et rapidement qu’on ne le pensait il y a encore quelques années. Résultat, l’édifice institutionnel de la gestion de l’eau à la française, qui a vu le jour à l’orée des années soixante, craque de toute part. Pourtant, personne ne veut ouvrir la boîte de Pandore que représenterait nécessairement l’élaboration d’une nouvelle loi. Celle-ci imposerait en effet de mettre au premier rang des discussions la question explosive de l’évolution du modèle agricole productiviste. Un sujet très actuel, le récent week-end de guerre civile dans un champ des Deux-Sèvres en étant une sidérante démonstration, autour de la question des méga-bassines. Et surtout un casus belli pour la FNSEA, très en cour à l’Elysée.

    Le plan présenté en grande pompe par Emmanuel Macron au lendemain de la pénible et interminable séquence sur les retraites a été bien irrigué. Pour parvenir aux 53 mesures qu’il exhibe, on a exhumé tout ce qui trainait au fond des placards depuis des lustres, afin de susciter un effet « waouh ». Ce catalogue ne fera pas illusion bien longtemps, comme on s’en apercevra rapidement, dès cet été. Il est le produit d’un véritable opéra-bouffe qui a vu tous les lobbies intéressés s’atteler dans l’urgence à la rédaction de rapports, de contributions et de propositions dont le contenu laisse dubitatif. Ils s’y sont mis, tous sans exception.

    Cet activisme n’est pas nouveau. C’est même un grand classique qui a débouché jusqu’à présent sur une série de grand-messes pour rien – des Assises en 2018-2019 au Varenne de l’eau du ministère de l’Agriculture en 2021-2022 (qui déroulait le tapis rouge à la FNSEA), avant que l’Académie des technologies ne s’y colle à son tour fin 2022. Une litanie sans rien changer qu’Emmanuel Macron n’a pourtant pas manqué de rappeler la semaine dernière, les énumérant pour s’en féliciter : « dès le mois de septembre, on a tiré les leçons, lancé les travaux, le ministre l’a rappelé, s’appuyant sur ce qui avait été fait dès il y a cinq ans ».
    Un plan « Copytop »

    Pour permettre au président de la République de sortir sa tête de l’eau et marcher sur le lac de Serre-Ponçon, une véritable usine à gaz s’est mise en branle à un train d’enfer. Depuis l’automne dernier, les contributions se sont ainsi empilées les unes sur les autres : mission d’information de la commission des affaires économiques du Sénat, copieux rapport du groupe prospective de la Chambre haute, propositions de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), du Comité national de l’eau - un organisme baroque, repaire de tous les lobbies, placé sous l’autorité du ministère chargé de la Transition écologique – ou encore, dernières en date, celles d’une autre commission sénatoriale. Sans oublier les 48 propositions du Comité de bassin Seine-Normandie le 3 février, avant l’audition organisée le 15 du même mois par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (encore) !

    Au final, cette bataille d’experts s’est dénouée dans des réunions interministérielles (les « RIM ») opposant classiquement l’écologie, l’agriculture, Bercy, la DGCL du ministère de l’Intérieur, le tout sous la férule de Matignon - dont l’occupante connaît le sujet. « Béchu et Couillard n’y connaissent rien, c’est Borne qui pilote tout depuis le début », confirme une source proche du dossier.

    L’analyse de cette production frénétique de nos collèges d’experts, qui se sont copiés sans vergogne sous l’air du « y’a qu’à-faut qu’on », est édifiante. S’ouvre alors sous nos yeux l’étendue affolante de tout ce qui aurait dû être fait, ne l’a pas été et reste donc à faire - avec les remises en cause drastiques que cela implique.

    Depuis une quinzaine d’années, tous les organismes de recherche impliqués dans la question de l’eau, comme les inspections des administrations centrales, ont publié des centaines de rapports parfaitement informés, qui détaillent par le menu la montée des périls comme les mesures qui devraient être prises pour y faire face. En pure perte. Rien ne change, business as usual.

    Pollutions multiformes, pesticides, irrigation à outrance, imperméabilisation des sols, inondations, sécheresses, recul du trait de côte, chute dramatique de la biodiversité... La réalité est un cauchemar. Et l’élaboration aux forceps de ce nouveau « plan eau » illustre une nouvelle fois, jusqu’à la caricature, la « méthodologie » qui voit rituellement la montagne accoucher d’une souris.

    Que s’est-il passé, au juste ? Ce qui se passe en réalité depuis des lustres. L’affaire se joue en deux temps : l’état des lieux d’abord, puis les propositions. L’état des lieux, la phase 1, s’alimente des centaines de rapports disponibles. Rédigés par des fonctionnaires (IGEDD, CGEEAR, IGF, IGA…) ou par des collaborateurs du Parlement, très généralement compétents, ils renvoient les décisions à prendre au politique. C’est à cette étape, celle des propositions, que les choses se grippent. Pour s’en convaincre, il suffit de confronter pour chacun des rapports, et d’un rapport l’autre, l’état des lieux initial aux « propositions » d’actions élaborées. Le constat est accablant : l’intervention du politique neutralise tout espoir d’améliorer quoi que ce soit.

    Le sénateur et l’éléphant

    Sur le constat tout le monde s’accorde, globalement. A quelques nuances près : la France demeure un pays bien doté, avec des précipitations suffisantes pour répondre à de multiples usages - 32 à 35 milliards de m3 sont prélevés chaque année pour le refroidissement des centrales nucléaires, l’eau potable, l’agriculture, l’alimentation des canaux, l’industrie, etc. Mais les impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau se font déjà sentir, y compris dans les bassins plus septentrionaux, provoquant l’eutrophisation des cours d’eau, l’évaporation à un rythme plus rapide et la diminution des pluies en été.

    Et puis, il y a « l’éléphant dans la pièce », selon l’expression du sénateur Renaissance Alain Richard... Co-rapporteur d’un rapport avec Christophe Jarretie (député Modem de Corrèze jusqu’en juin 2022), Alain Richard désigne ici la mobilisation de la ressource pour les besoins agricoles, qui explosent l’été quand il n’y a plus d’eau… D’où les conflits sur l’irrigation et les bassines, qui ont dépassé la côte d’alerte.

    Se prononçant en faveur de la multiplication des retenues, ce même rapport souligne pourtant « une autre limite aux stratégies d’économies d’eau pour l’irrigation agricole » : elle « réside dans la manière dont la marge de manœuvre permise par les économies se trouve redéployée. En améliorant le système d’irrigation, on peut mobiliser davantage d’eau pour les plantes à prélèvement égal. La tentation peut être alors de ne pas réduire les prélèvements mais d’augmenter la surface irriguée. Ce risque est d’autant plus fort qu’avec l’élévation des températures et la modification du régime des précipitations certaines cultures historiquement non irriguées qui n’avaient besoin que de l’eau de pluie, comme la vigne dans le Sud-Ouest, ne doivent désormais leur survie qu’à l’installation de dispositifs d’irrigation. »

    Le 5 février dernier, on a appris que la région Occitanie et six départements du Sud-ouest (Haute-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Tarn-et-Garonne, Lot et Landes) venaient de recapitaliser à hauteur de 24 millions d’euros la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG). Spécialisée dans les barrages et les bassines, cette société d’aménagement régional était en quasi faillite. L’an dernier, sa gestion désastreuse a été sévèrement étrillée par la chambre régionale des comptes. Objectif de cette opération de sauvetage de la CACG ? « S’armer face au manque d’eau », notamment en « augmentant la capacité des réserves existantes »…
    Les diktats de la FNSEA

    Dans les débats autour de la crise de l’eau, on parle aussi beaucoup des « solutions fondées sur la nature ». Ça fait écolo à tout crin. « Cela implique d’aller à l’encontre de la tendance à l’artificialisation des sols, de désimperméabiliser, en particulier en milieu urbain, pour favoriser l’infiltration de l’eau de pluie ou encore apporter de la fraîcheur dans les villes lors des pics de chaleur », édicte le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat. Problème, on oublie de dire que le principe du « zéro artificialisation nette » a suscité sur le terrain une véritable bronca des élus, de toute obédience, qui ont engagé un bras de fer avec le gouvernement sur le sujet.

    Notre éléphant, celui du sénateur Richard, est lui aussi au cœur des débats. « L’agriculture est le principal consommateur d’eau, indispensable à la pousse des plantes et à l’abreuvement du bétail, relève le Sénat. Mais l’adaptation des pratiques au changement climatique est encore trop lente et la transition vers l’agro-écologie doit être accélérée à travers tous les leviers possibles : formation, aides apportées par le premier ou le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), recherche appliquée et expérimentation des nouvelles pratiques ».

    Des mesures et solutions de bon sens ? Probablement, sauf que le courant majoritaire de la profession agricole, incarné par la FNSEA, continue à s’opposer avec succès à toute évolution structurelle du modèle productiviste dominant et impose ses diktats à tous les gouvernements. L’actuel ministre de l’Agriculture Marc Fesneau l’a lui-même reconnu à mi-mots dans un récent article de Libération.

    Un autre sujet est lui aussi systématiquement évacué des « solutions ». Il mériterait qu’on y réfléchisse, pour reconsidérer le sujet dans son ensemble : chaque année, pour « équilibrer les fonds publics », l’Etat prélève 300 millions d’euros depuis quinze ans dans les caisses des agences de l’eau. « Les consommations domestiques d’eau potable, sur laquelle les redevances sont assises, sont sollicitées pour financer des domaines de plus en plus variés touchant de plus en plus au grand cycle de l’eau, et de moins en moins à la modernisation des stations d’épuration ou à la modernisation des réseaux de distribution d’eau potable, pourtant vieillissants », pointent ainsi les deux co-présidents du groupe de travail « Redevances des agences de l’eau et atteintes à la biodiversité ».

    En 2022, le duo Richard-Jarretie envisageait de compenser ce manque à gagner par la création d’une nouvelle taxe (assise sur la taxe d’aménagement départementale). Leur proposition de loi, qui aurait dû être adoptée en loi de finance rectificative, sera finalement sèchement rejetée par Bercy.

    La fuite politique

    Autrefois, « l’eau était gérée directement par les maires dans des syndicats intercommunaux à échelle humaine », mais « les regroupements de structures conduisent à dépolitiser l’eau », constate le rapport des deux parlementaires sur la question de la gouvernance. Résultat de cette évolution, « l’eau n’est plus que rarement une question politique débattue lors des campagnes électorales locales ».

    Désormais, « le pouvoir est passé du côté des techniciens. » « La politique de l’eau est dépolitisée et renvoyée à la recherche des meilleurs choix techniques possibles, constatent Jarretie et Richard. Les maires des grandes villes, les présidents des grandes intercommunalités ne siègent plus que rarement dans les organismes chargés de (sa) gestion. Ils y délèguent des élus, certes compétents, mais dont le poids politique propre est minime et qui n’ont pas tellement d’autre choix que de suivre les orientations de la technostructure de l’eau. »

    Parallèlement, cette dépossession d’une question éminemment politique s’accompagne d’une surenchère. Elle concerne la recherche et l’innovation, a priori louables sauf quand elles deviennent le paravent et le prétexte à l’inaction. Depuis une quinzaine d’années, les multinationales Veolia, Suez et Saur mènent avec succès un lobbying opiniâtre pour promouvoir une fuite en avant technologique. Censée apporter des solutions miracles, par exemple pour la réutilisation des eaux usées ou la recharge artificielle des nappes phréatiques, elle contribue en réalité au statu quo, pour ne rien changer aux pratiques délétères qui sont pourtant à l’origine de la dégradation croissante de la qualité de la ressource.

    Face à la production de ce discours et à cette fibre du tout technologique, difficile de résister. Pour deux raisons. « La compréhension des mécanismes de la politique de l’eau, tant dans ses aspects techniques qu’organisationnels est particulièrement ardue », soulignent Alain Richard et Christophe. Certes, « les SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) et les SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) sont soumis à l’avis du public. Les dossiers d’autorisation au titre de la loi sur l’eau font l’objet d’enquêtes publiques dont les éléments sont mis à disposition de tous sur les sites Internet des préfectures. Mais seuls quelques « initiés » sont capables de maîtriser les nombreux paramètres en jeu ». Face à cette complexité et au jeu des lobbies, les administrés sont désarmés : « La transparence des procédures ne garantit pas la participation du public et l’appropriation des enjeux à une grande échelle. » Par ailleurs, en matière de gouvernance encore, l’équilibre et les relations national/local ne se soldent pas vraiment en faveur de l’implication des échelons au plus près des administrés.

    Doit-on réfléchir et envisager de décentraliser l’action publique, pour plus d’efficacité ? Un nouveau vœu pieu. La Macronie méprise les 570 000 élus locaux français. Dans la pratique, ce sont désormais les préfets, et surtout les préfets de région, qui ont la haute main sur des politiques publiques revues à l’aune du libéralisme le plus échevelé.

    Un déluge de com

    Le 23 février dernier, Christophe Béchu et Bérangère Couillard présidaient le premier comité d’anticipation et de suivi hydrologique (CASH) de l’année. Objectif affiché ? « Informer les représentants des usagers sur la situation hydrologique actuelle et projetée en anticipation de risques potentiellement significatifs de sécheresse »...

    Pareille langue de bois n’augurait rien de bon, ou plutôt admirablement ce qui allait suivre cet interlude comme quand les deux membres du gouvernement, 24 heures plus tard, expliqueront qu’ils vont décider avec les préfets de mesures de restrictions... « soft ». Le lendemain de cette pseudo-annonce, Le Monde consacre son éditorial aux périls qui menacent, appelant face à l’urgence à la sobriété des usages. Comme un coup de pied à l’âne.

    En ce début d’année 2023, le rouleau compresseur de la com gouvernementale s’emballe. A donner le tournis. La veille de la réunion du CASH, le 22 février sur France Info, le ministre Béchu déclare la France « en état d’alerte ». Le samedi 25 février, en visite au Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron en appelle à un « plan de sobriété sur l’eau » et invente les « rétentions collinaires » jusque-là... inconnues.

    Le lundi 27 février, Christophe Béchu, à nouveau, réunit les préfets coordonnateurs de bassin. La semaine suivante, il est en visio avec les 100 préfets de département. Dix jours plus tôt, la troisième mission d’information sénatoriale mobilisée auditionnait des directeurs d’agences de l’eau. En outre, pour tirer les enseignements pratiques de la sécheresse historique de 2022, une mission est confiée aux inspections générales, charge à elles d’établir un retour d’expérience auprès de l’ensemble des acteurs et usagers et de formuler des propositions d’amélioration. La mission, en cours, devrait rendre ses conclusions au 1er trimestre 2023.

    Des « solutions » ineptes

    Cette mise en scène à grand spectacle se distingue principalement... par son inanité : loin de répondre aux enjeux d’une crise systémique, il s’agit en s’appuyant sur des « évidences » (qui n’en sont pas) de « vendre » du vent en agitant des « solutions » (qui n’en sont pas) tout en promouvant une fuite en avant technologique qui elle va rapporter des milliards aux usual suspects du secteur...

    À Savines-le-Lac, dans ses mesures phare, Emmanuel Macron a notamment insisté jeudi dernier sur la nécessité de lutter contre les fuites pour atteindre les objectifs fixés - et « faire 10% d’économie d’eau ». En les réparant ?

    Édifié depuis la moitié du XIXème siècle, le linéaire du réseau français d’adduction d’eau atteint quelque 880 000 kilomètres. Estimé à 1 000 milliards d’euros, ce patrimoine national a été à l’origine largement financé sur fonds publics, avant l’invention de la facture d’eau. Propriété des collectivités locales, son taux de renouvellement est en deçà de ce qu’il devrait être idéalement (1% par an), calé logiquement sur la durée de vie des tuyaux.

    « Parce que tout ça, c’est le fruit de quoi ?, a fait mine de s’interroger Emmanuel Macron la semaine dernière. De sous-investissements historiques. Et pourquoi on se retrouve collectivement dans cette situation ? C’est que pendant très longtemps, on s’est habitué à ne plus investir dans nos réseaux d’eau ».

    Face à cette situation, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi « Grenelle II ») a introduit deux dispositions : l’obligation tant pour les services d’eau que d’assainissement d’établir pour fin 2013 un descriptif détaillé de leurs réseaux d’une part, et l’obligation pour les services de distribution de définir un plan d’actions dans les deux ans lorsque les pertes d’eau en réseaux sont supérieures au seuil fixé par décret (n° 2012-97 du 27 janvier 2012).

    En clair, si son réseau est excessivement percé, la collectivité sera pénalisée en se voyant imposer un doublement de la redevance « prélèvement » perçue par les agences de l’eau sur les factures des usagers. Par ailleurs, plus « incitatif », la Banque des territoires (Caisse des dépôts et consignations) a ouvert ces dernières années une ligne de crédit de 2 milliards d’euros « [d’]Aquaprêt ». Les collectivités sont donc invitées à s’endetter pour changer leurs tuyaux. Succès mitigé jusqu’à aujourd’hui.

    Pour donner la mesure du problème, il est utile de savoir que changer un kilomètre de tuyau coûte entre 50 000 et 200 000 euros. Depuis trois ans, regroupées sous la bannière « Canalisateurs de France », les entreprises du secteur ont augmenté leurs tarifs de 30 à 40%.

    Autrement dit, une fois ces éléments précisés, aucune progression sensible n’est à attendre sur la question des fuites. Il va donc falloir trouver ailleurs.

    D’autant que si Emmanuel Macron annonce des financements (180 millions d’euros par an « sur nos points noirs), il s’est bien gardé de préciser l’origine de ces fonds (en encadré).

    Les eaux usées, plan juteux des majors

    Devant les élus, face aux Alpes qui le toisaient, le chef de l’Etat a insisté sur une autre mesure forte : il faut « investir massivement dans la réutilisation des eaux usées », a-t-il asséné avec un air entendu.

    Réutiliser les eaux usées ? Encore une fausse bonne idée « frappée au coin du bon sens ». Pour le mesurer et se faire une idée de l’annonce présidentielle, il faut là aussi comprendre de quoi il s’agit. Cette idée est en réalité promue depuis une vingtaine d’années au fil d’un lobbying effréné de Veolia, Suez et de la Saur.

    Concrètement, il existe aujourd’hui à peine 80 unités de « réutilisation des eaux usées traitées » (REUT) dans l’hexagone, pour plus de 22 330 stations d’épuration, de la petite installation qui traite les rejets de quelques centaines d’usagers aux complexes géants implantés dans les métropoles.

    Le traitement des eaux usées n’a pas pour objectif de la rendre potable. Avant d’être traitée, cette eau usée reçoit un prétraitement afin d’éliminer le sable et les autres matières en suspension. Le process consiste ensuite à opérer des filtrations et traitements (mécanique, biologique, physico-chimique…) avant de la rejeter d’une qualité acceptable, fixée par la réglementation, dans le milieu naturel (les lacs, les rivières, la mer, etc).

    L’épuration classique, dite par boue activée, s’inspire du domaine naturel. Plus précisément des rivières, qui développent des boues au sol afin de supprimer la pollution - elle s’en nourrit. Dans une installation traditionnelle, on fournit de l’oxygène à la boue pour satisfaire ses besoins énergétiques et on la laisse se nourrir, avant de la séparer de l’eau traitée à l’aide d’un clarificateur. Les filières les plus modernes peuvent aujourd’hui compter jusqu’à 10 étapes de traitement successives, jusqu’aux ultra-violets (UV).

    Plus coûteux et bien moins répandu, le traitement membranaire repose sur le même principe, mais au lieu d’utiliser un clarificateur les membranes filtrent la liqueur mixte.

    Avec la REUT, il s’agit de mobiliser des traitements complémentaires pour améliorer la qualité de l’eau usée. L’objectif n’est plus de la rejeter dans le milieu naturel mais de l’utiliser pour l’irrigation, l’arrosage des espaces verts, des golfs ou la réalimentation des nappes phréatiques, des captages ou des réserves qui servent à produire de l’eau potable, comme Veolia l’expérimente à grande échelle en Vendée.

    Revers de la médaille, c’est... autant d’eau qui ne revient pas au milieu, qui en a pourtant besoin, les rivières comme les nappes phréatiques, pour le maintien du cycle naturel - sans négliger les inquiétudes suscitées par le contrôle sanitaire des eaux ainsi « réutilisées » par ses usagers. Sur ce terrain, les expérimentations citées en exemples par les défenseurs de l’usage de la REUT pour l’irrigation dans le sud de l’Espagne ou en Italie (jusqu’à 10% des eaux usées y sont retraitées) montrent plutôt le chemin à éviter : les systèmes hydrologiques concernés y ont été gravement dégradés par un recours intensif à la REUT…

    On retrouve ici encore les mêmes à la manœuvre. Car pour Veolia, Suez et Saur, nouveaux usages « non conventionnels » veut dire d’abord et surtout nouvelles filières, nouvelles technologies, donc nouveaux marchés… Ces lobbies ont déjà convaincu le gouvernement qu’il fallait « faire sauter les entraves règlementaires qui pénalisent le développement des projets ». Comme en atteste le décret publié le 11 mars 2022, censé encadrer cette pratique, réputée « incontournable » pour répondre aux tensions qui se font jour sur la disponibilité des ressources en eau.
    Construire des bassines ?

    La question de l’irrigation de l’agriculture est devenue sensible à l’aube des années 2000, dans plusieurs grandes régions françaises - la Charente, le Sud-Ouest, la Beauce, la Picardie, terres d’élection des grandes cultures irriguées. Alors que le changement climatique affecte déjà le cycle hydrologique, la fuite en avant d’un modèle agricole productiviste délétère va dès lors entrer en contradiction avec une gestion soutenable de la ressource en eau.

    L’impasse s’est faite jour dans le courant des années 80 quand l’Etat a considéré que tout prélèvement au-dessus d’un certain seuil devait faire l’objet d’une déclaration à ses services, après avoir délivré des autorisations au coup par coup, sans aucune limite, pendant des décennies. Une situation intenable.

    Chaque été, les préfets d’une vingtaine de départements prennent de manière récurrente des arrêtés sécheresse et 30% du territoire métropolitain est considéré en déficit structurel. « On a une quinzaine de départements, dont les Hautes-Alpes d’ailleurs, qui sont d’ores et déjà placés en vigilance », a rappelé le président de la République la semaine dernière. « On a ensuite une dizaine de départements qui sont d’ores et déjà en alerte ou alerte renforcée dans certaines zones », a-t-il encore ajouté.

    La récente actualité, avec le choc des images de Sainte-Soline, a définitivement popularisé le sujet des grandes bassines. Mais, au juste, qu’est-ce qu’une bassine ? Cet ouvrage de stockage d’eau pour l’irrigation est constitué de plusieurs hectares de bâches en plastique retenues par des remblais de 10 à 15 mètres. Mais il ne se remplit pas avec de l’eau de pluie en hiver : avec une pluviométrie moyenne de 800 mm par an, il faudrait... 15 ans pour la remplir. Elle n’est pas davantage alimentée par de l’eau de ruissellement, comme celle des crues - comme le sont les retenues collinaires. Les bassines sont donc remplies par l’eau des nappes phréatiques, ce à quoi s’opposent les militants mobilisés le 25 mars dernier dans les Deux-Sèvres. Il faut compter 2 mois pour remplir une bassine avec des pompes travaillant à 500m3/H.

    Une fois capturée, l’eau est exposée au soleil, à l’évaporation et à la prolifération bactérienne ou algale. Elle servira alors principalement à irriguer du maïs destiné à nourrir le bétail, dont une bonne partie sera exportée avant que nous réimportions le bétail qui s’en nourrit. On dénombre aujourd’hui une bonne quarantaine de sites avec des grandes bassines (ou des projets) sur le sol national.

    Depuis un demi-siècle, on se débarrassait au printemps de l’eau « excédentaire » pour pouvoir effectuer les semis. On a drainé prairies et zones humides, « rectifié » les rivières pour évacuer l’eau. Ces opérations ont eu pour résultat une diminution des prairies et une augmentation de l’assolement en céréales. Mais à force d’évacuer l’eau, on a commencé à subir les sécheresses et les irrigants ont commencé à pomper l’eau des nappes.

    La loi NOTRe à la poubelle ?

    Comme si ça ne suffisait pas, la loi NOTRe de 2015 - loi phare du mandat Hollande qui avait pour objectif de rationaliser l’organisation des 35 000 services d’eau et d’assainissement français jusqu’alors gérés par les communes, en transférant ces compétences aux intercommunalités - n’a cessé d’être détricotée par les élus locaux qui n’ont jamais accepté d’être privés de leurs prérogatives.

    Après trois premières lois rectificatives, une quatrième offensive est venue du Sénat : la chambre haute examinait le 15 mars une nouvelle proposition de loi qui prévoit que même si les compétences ont déjà été transférées il serait possible de revenir en arrière, même pour les interco ayant procédé à la prise de compétences ! « On ne pourrait rêver pire pour créer un bordel ingérable », soupire un haut responsable de la direction générale des collectivités locals du ministère de l’Intérieur.

    Dans son rapport annuel 2023, la Cour des comptes a posé le dernier clou au cercueil, dans le chapitre qu’elle consacre à la politique de l’eau en France. Conclusion d’une enquête d’ampleur menée avec les treize chambres régionales, le texte n’y va pas de main morte pour dénoncer cette mascarade : « Elle est incohérente [et ] inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de la ressource », fulmine-t-elle. Cette politique, telle qu’elle est menée, souffre de « la complexité et du manque de lisibilité de son organisation », constatent les sages.

    La Cour fustige, les lobbies dansent...

    Exemple ? Près de la moitié des sous-bassins hydrographiques ne sont pas couverts par un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), dont l’élaboration... conditionne pourtant la mise en œuvre concrète des orientations du Sdage.

    « Lorsqu’ils existent, le contenu de ces schémas n’est pas toujours satisfaisant en raison de leur durée moyenne d’élaboration, proche d’une dizaine d’années, de l’ancienneté des données sur lesquelles ils s’appuient et de l’absence d’objectifs de réduction des consommations d’eau », pointent les magistrats financiers. Face à ces constats d’une sévérité sans précédent, la Cour des comptes demande donc de la « clarifier » en suivant mieux la géographie de l’eau et recommande de la (re)structurer autour du périmètre des sous-bassins versants.

    Mais qu’importent ces sombres augures et leurs appels... Le 22 mars, on se réjouissait, c’est bien là l’essentiel : Canalisateurs de France - les marchands de tuyaux qui réclament de 3 à 4 milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année - organisaient un grand raout : une « matinée de l’eau » avec pour « grand témoin » l’incontournable Erik Orsenna, l’homme... qui se vantait de faire commerce de son entregent dans un portrait criant de vérité publié en 2016 par M le Monde. Le ton était donné.

    Dans ces conditions, après avoir observé pendant des mois ce qui se passait en coulisses, et constaté l’omniprésence de lobbies toujours plus offensifs, on ne pouvait s’attendre qu’au pire à l’annonce du fameux plan eau du gouvernement. A la lecture du document diffusé dans la foulée du discours d’Emmanuel Macron, on doit le dire, on n’a pas été déçu. Entre énièmes déclarations d’intention (jamais suivies d’effets), camouflage du réel, empilement de gadgets ineptes - le baromètre de ceci, le thermomètre de cela... -, le président de la République s’est fait le VRP d’un « plan waouh ». Présenté comme la « modernisation sans précédent de notre politique de l’eau », il tient en réalité du concours Lépine et du catalogue de la Redoute.

    À la sortie, une (seule) chose est acquise : l’été sera chaud. Et l’exercice d’esbroufe ne règlera rien.

    https://www.blast-info.fr/articles/2023/macron-le-grand-plan-eau-qui-fait-flop-lojNnq91RhyU46bCLV9S0w

    #eau #plan_eau #lobbies #Macron #plan #mesures #sécheresse #plan_sécheresse #REUT #réutilisation_des_eaux_usées_traitées #FP2E #télérelève #Veolia #Suez #Saur #lobby #FNCCR #Comité_national_de_l’eau #Comité_de_bassin_Seine-Normandie #RIM #irrigation #bassines #changement_climatique #irrigation_agricole #agriculture #Compagnie_d’aménagement_des_coteaux_de_Gascogne (#CACG) #zéro_artificialisation #dépolitisation #politique #politique_de_l'eau #technostructure #gouvernance #SDAGE #SAGE #schéma_d'aménagement_et_de_gestion_des_eaux #schéma_directeur_d'aménagement_et_de_gestion_des_eaux #politique_publique #libéralisme #comité_d’anticipation_et_de_suivi_hydrologique (#CASH) #inaction #réseau #investissements #sous-investissement #Aquaprêt #collectivités_locales #Canalisateurs_de_France #fuites #eaux_usées #épuration #bassines #nappes_phréatiques #industrie_agro-alimentaire #loi_NOTRe

    –—

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/997687

  • En France, des nappes phréatiques quasiment vides et toujours une agriculture intensive dédiée à une plante tropicale (le maïs).

    Ou de la rationalité du capitalisme en matière agricole.

    LE GOUVERNEMENT n’a pas fini de patauger dans les bassines. La dernière manif antimégabassines, qui a eu lieu ce week-end dans les Deux-Sèvres, a de nouveau fait le plein, avec près de 8 000 opposants remontés comme des coucous.

    L’occasion de se pencher sur le grand siphonnage de la flotte en France. Première surprise avec 3,5 milliards de mètres cubes pompés tous les ans dans les #nappes_phréatiques et les cours d’eau, nos agriculteurs sont parmi les moins assoiffés. Comptez 6 milliards de mètres cubes annuels pour l’eau potable et 15 milliards de mètres cubes soit la moitié du volume global siphonné chaque année rien que pour refroidir les centrales électriques. Tout irait donc pour le mieux dans les champs sans le #réchauffement_climatique. Selon les dernières projections des climatologues, le thermomètre va grimper particulièrement fort dans l’Hexagone, avec 4 °C de plus à la fin du siècle. De quoi s’éponger le front, vu qu’un degré supplémentaire c’est 7 % de flotte en plus dans l’atmosphère, ce qui fait autant d’eau en moins en surface et en sous-sol. Un gros pépin à venir pour les 10 % des terres cultivées qui ont besoin d’être irriguées à gogo, comme les grandes #cultures_intensives de #céréales, d’oléagineux et de protéagineux. De toutes ces plantes boit-sans-soif, la pire est le maïs, qui a besoin d’ eau en été, au plus mauvais moment. D’où la solution magique des mégabassines, prônée par la #FNSEA, syndicat agricole chantre du productivisme, avec le soutien du gou vernement. De gigantesques trous, dont la surface peut atteindre jusqu’à 8 ha, creusés dans les champs pour stocker l’eau pompée l’hiver dans les nappes phréatiques. Ces « réserves de substitution », comme on les appelle également, sont financées à 70 % par de l’argent public.

    Dans les Deux-Sèvres, la moitié de l’eau des deux #mégabassines prévues devrait ainsi servir a arroser le maïs. Et ce bien que le dé partement affiche des précipitations en moyenne deux fois inférieures à celles enregistrées dans le reste du pays. Comme le pointe un ingénieur agronome, « pour garder notre rang de premier producteur européen de maïs, dont on exporte 38 % de la production, on s’entête sur une culture inadaptée au #changement_climatique, alors que dans le même temps on importe 28 % de nos légumes et 71 % de nos fruits ». Les mauvaises langues écolos diront que c’est (méga)aberrant.

    (Le Canard Enchaîné)

    #agriculture #capitalisme

  • À Vittel, il n’y a plus assez d’eau pour la mettre en bouteilles
    https://reporterre.net/A-Vittel-il-n-y-a-plus-assez-d-eau-pour-la-mettre-en-bouteilles

    Autre piste, pour diminuer les ponctions dans l’aquifère profond : pomper ailleurs. À partir de 2024, la ville de #Vittel se fournira dans une des poches plus en surface, économisant ainsi 300 000 m³ par an dans la nappe GTI. « Tout le monde se redéploie sur ces nappes plus superficielles de façon assez irresponsable, dénonce Bernard Schmitt. On va augmenter sensiblement les prélèvements sur ces gîtes sans avoir fait les études, avec un risque de sursollicitation. » En clair, on déshabille Pierre pour rhabiller Paul.

    Car dans le même temps, la préfecture a de nouveau autorisé Nestlé Waters à prélever — et pour dix ans — 2,6 millions de mètres cubes dans ces nappes superficielles. « En période de sécheresse, on voit déjà des assecs [1] sur les ruisseaux, qui sont censés être alimentés par ces nappes, alors qu’est-ce que ça va donner maintenant ? » s’interroge M. Schmitt.

    Pour le collectif #Eau 88, il n’y a qu’une solution, à terme : « On est favorable à l’arrêt de l’#embouteillage de l’eau par des #minéraliers, #Nestlé ou d’autres », pose M. Schmitt.

  • Au Chili, les mégabassines néfastes depuis 35 ans
    https://reporterre.net/Au-Chili-les-megabassines-nocives-depuis-35-ans

    Avec ses 1 200 fleuves et 3 500 glaciers perchés dans les Andes, le Chili est la troisième réserve mondiale d’eau douce. Et pourtant, il est aussi parmi les vingt pays au monde qui subissent le plus haut stress hydrique : les ressources en eau disponibles sont inférieures à la demande. Estefanía González, coordinatrice chez Greenpeace, explique que « le problème de l’eau n’est pas seulement dû à la sécheresse et au changement climatique, mais aussi à la manière dont l’eau est gérée. Seulement 2 % sont utilisés pour l’eau potable ». Depuis la dictature de Pinochet, l’eau au Chili est une propriété privée. Le plus grand consommateur, et donc propriétaire de l’eau, est l’agriculture, à hauteur de 73 %. Grand exportateur d’avocats, de noix ou de raisins, le pays andin a privilégié depuis 1985 les retenues d’eau (barrages, bassins…) pour sécuriser le développement de son modèle agroexportateur.

  • « No basaran » : la lutte contre les #bassines dans les #Deux-Sèvres

    Ils et elles étaient plus de 3000 à marcher, ce dimanche 11 octobre à Epannes (79), à l’appel de #Bassines_Non_Merci. Depuis 2017, le collectif se mobilise contre la construction de seize bassines, d’énormes #réservoirs qui doivent permettre d’irriguer la région en cas de #sécheresse … au risque d’épuiser les #nappes_phréatiques. Plus de 50 projets de ce type seraient en cours de validation selon le ministère de la Transition écologique.

    En arrivant à #Epannes, petit village de 900 habitant·es entre la Rochelle et Niort en ce dimanche d’automne, la scène a de quoi surprendre. Les rues bondées résonnent d’une fanfare festive. De nombreuses personnes dansent avec des tuyaux et des drapeaux de toutes les couleurs, à côté de tracteurs recouverts de banderoles. Pourtant, il ne s’agit pas d’un spectacle de rue mais bien d’une manifestation, organisée par le collectif Bassines Non Merci.

    Les bassines : la poursuite d’un #modèle_agricole à bout de souffle

    Le collectif, composé d’habitant·es, s’oppose au projet de construction de bassines dans la région. Ces grandes #cuvettes de plusieurs hectares de superficie doivent servir à l’#irrigation. Elles pompent donc dans les nappes phréatiques durant l’hiver pour être utilisées l’été, en période de #sécheresse. Selon les manifestant·es, lutter contre les bassines dans les Deux-Sèvres relève d’un enjeu national. Sans résistance, ce modèle de réserves pourrait se réaliser ailleurs. Plus de cinquante projets seraient en attente de validation, selon le ministère de la Transition écologique.

    Les opposant·es craignent que le niveau des nappes phréatiques ne baisse inexorablement année après année, au profit d’une #agriculture_intensive. Alors que ces bassines sont financées en majorité sur fonds publics, ils et elles demandent une réorientation des fonds à la conversion au bio, moins gourmand en ressources hydriques.

    Un rassemblement médiatique contre l’#agriculture intensive

    Ce 11 octobre, de nombreuses personnalités politiques d’envergure nationale ont fait le déplacement pour ce qui était présenté comme « l’ultime bataille » avant le début des travaux. Parmi elles, le député de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou du NPA, ou encore José Bové et Yannick Jadot. Le député européen EELV dénonce une « #prédation insupportable de l’eau ». De son côté, l’ancien secrétaire national de la Confédération Paysanne l’affirme : « Si on ne gagne pas, je serai sur le terrain pour assumer les risques des actions collectives de #désobéissance_civile. »

    Le collectif Bassines Non Merci, lui, est prêt à durcir ses moyens d’action, « sans violence envers des personnes ou des moyens de production ». C’est ce que déclare Julien le Guet, son porte-parole, sous l’œil de l’ancien député européen. Connu pour ses actions d’arrachage d’OGM ou pour le démontage du Mc Donald’s de Millau, José Bové abonde. Une seule chose est certaine, affirme Julien le Guet, « la #guerre_de_l’eau a commencé ».

    https://radioparleur.net/2020/10/19/bassines-non-merci-deux-sevres-agriculture
    #résistance #eau

  • Des #nappes_phréatiques polluées après l’#incendie de l’usine pétrochimique de #Lubrizol

    Des données que StreetPress s’est procurées montrent une pollution des nappes phréatiques aux #hydrocarbures (#HAP) cancérigènes après l’incendie de Lubrizol. Mais bien diluée, on peut quand même boire l’#eau, explique l’agence régionale de santé.

    Les Rouennais peuvent être rassurés, l’incendie de l’usine pétrochimique Lubrizol le 26 septembre 2019 n’aura aucune conséquence sur l’environnement. Malgré les tonnes de produits chimiques et de toiture en amiante parties en fumée, aucune pollution n’a été détectée. Rien ou à peine un peu de suie, assurent en chœur les autorités, du préfet de région au ministère de la Santé.

    Jamais un territoire n’aurait été autant analysé, disent-ils : plus de 6.500 prélèvements dans l’air, l’eau et les sols. 368.000 données au total. « Aucun élément ne permet de conclure à l’observation d’une contamination apportée par l’incendie différentiable d’une pollution industrielle historique », peut-on lire dans un rapport de Santé Publique France. « Il n’y a pas de préoccupation particulière concernant la santé des populations sur la durée », conclut le préfet. Affaire classée ? Pas si vite. Le 14 septembre dernier, Lubrizol est mis en examen pour « déversement de substances nuisibles » et « atteinte graves à l’environnement » : des prélèvements réalisés par la Fédération de pêche dans le bassin aux bois de Rouen et transmis à la justice semblent montrer des traces de pollutions.

    À partir des données publiques mais aussi grâce à des documents internes à l’agence de l’eau Seine Normandie, StreetPress a de son côté enquêté sur l’état des nappes phréatiques qui alimentent en eau potable la deuxième ville de Normandie. Le constat est sans appel, des sources ont bel et bien été polluées aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ces molécules contenues dans les dérivés du pétrole et les suies d’incendie constituent l’une des grandes familles de substances cancérogènes. Ingérées, elles augmentent les risques de cancers du tube digestif et de la vessie.
    Un lanceur d’alerte

    Mais commençons l’histoire par le début. « Un matin, en juillet dernier, je découvre le mail d’une personne qui me dit travailler à l’agence de l’eau et qui a des infos à me donner sur la pollution d’une source. Je la recontacte aussitôt, j’étais très intrigué », raconte Simon de Carvalho, président de l’Association des sinistrés de Lubrizol (ASL). Deux mois s’écoulent finalement, sans nouvelles du lanceur d’alerte, jusqu’à la commémoration des deux ans de l’incendie, le 26 septembre dernier. « Là, nous rencontrons un agent qui en a gros sur la patate. Ses collègues sont inquiets de certaines analyses, ils ont interrogé les services de la métropole et l’agence régionale de santé, mais leurs questions sont restées sans réponse », reprend Simon de Carvalho à qui l’agent remet une clef USB. Ce jour-là, StreetPress traîne ses guêtres aux commémorations et chope la balle au bond.

    Parmi les documents contenus sur la mystérieuse clef : des correspondances emails et un vaste tableau de plusieurs milliers de lignes compilant les résultats bruts de plusieurs années de prélèvements sur les sources des environs de Rouen, qu’il nous a fallu analyser avec l’aide de spécialistes. Nous avons fait appel à Matthieu Fournier, hydrogéologue de l’université de Rouen, Emmanuel Soncourt, un hydrogéologue indépendant de Dijon et Claude Danglot, ingénieur hydrologue et biologiste.

    L’un des jeux de données nous a particulièrement interpellé. Il concerne la source des Cressonnières, à Fontaine-sous-Préaux. Située à une dizaine de kilomètres de l’usine Lubrizol, elle alimente la station qui fournit l’eau potable à près de 100.000 Rouennais. Elle est située parfaitement dans l’axe du panache de fumée qui s’est déployé sur une vingtaine de kilomètres lors de l’incendie. Les données collectées par l’agence de l’eau révèlent une explosion des concentrations en HAP dans cette source souterraine. En visualisant les résultats sous forme de graphique, plusieurs pics de concentration apparaissent à partir de février 2020. Le phénomène était sans précédent depuis vingt ans.

    Pollution ou contamination ?

    Peut-on pour autant parler de pollution ? « Il faut faire attention au vocabulaire que l’on emploie, les mots ont un sens », nous met en garde Matthieu Fournier, hydrogéologue de l’université de Rouen : « Une contamination, c’est lorsqu’on trouve des substances qui n’ont rien à faire là. Une pollution, c’est lorsque ces substances dépassent des normes fixées ». Fluoranthène, benzopyrène, anthracène, indénopyrène… Si les HAP sont de potentiels cancérogènes, tous ne sont pas soumis à des normes pour autant. Moins pour des raisons sanitaires que pour des raisons économiques, illustre le toxicologue Claude Danglot :

    « Certaines substances sont cancérogènes pour les scientifiques mais pas pour le législateur. Comme pour le glyphosate, dont on parle beaucoup. Pour nous, c’est un cancérogène avéré, mais il est toujours autorisé en agriculture. Donc, on en bouffe. »

    Ce retraité du Centre de recherche et contrôle des eaux de Paris, qui n’a pas sa langue dans sa poche, tient à préciser : « Il n’y a pas d’effet de seuil concernant les cancérogènes. Cela signifie que le risque de développer un cancer existe dès la première exposition. Plus le temps d’exposition est long, plus la concentration est élevée et plus le risque augmente. Mais les normes, pour ces substances sont juste une mauvaise blague : cela correspond seulement à une proportion socialement acceptable de gens qui auront un cancer ».

    S’agissant de l’eau destinée à la consommation, les normes sanitaires sont fixées en 2007 par un arrêté de Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé. Le texte complète la première grande loi sur la protection des milieux aquatiques et l’accès à l’eau potable de 2006, adoptée non sans mal après des condamnations répétées de la France par la Cour de justice de l’Union européenne pour « manquements à ses obligations en matière de qualité de l’eau ». Le mauvais élève n’a pas trop forcé, seuls six HAP sur environ 130 connus y sont réglementés, dont le plus dangereux, le benzo(a)pyrène.

    Au total, les analyses de la source des Cressonnière, parfois espacées de plusieurs mois, permettent malgré tout d’identifier au moins deux épisodes de contamination et deux épisodes de pollution selon les normes en vigueur. Non seulement l’eau n’est pas potable, mais les concentrations en HAP dépassent même les normes de potabilisation de 1µm/L. En clair : même après traitement, elle est impropre à la consommation.

    Pas de craintes pour les consommateurs

    Interrogé, le directeur du service de l’eau de la Métropole, Éric Herbet, affirme ne pas avoir eu connaissance de ces analyses et s’interroge même sur leur fiabilité. L’agence de l’eau appréciera. « Nous n’avons aucun contact avec leurs services, ni aucun compte à leur rendre », affirme M. Herbet avant de justifier : « Dès le lendemain de l’incendie, nous avons installé un appareillage pour détecter les HAP en temps réel à Fontaine-Sous-Préaux. Par ailleurs, je n’ai eu aucune alerte de l’ARS ». À Rouen, l’eau potable est gérée en régie publique et c’est l’agence régionale de santé qui en contrôle régulièrement la qualité. Et de conclure :

    « Dans l’état actuel des choses, je n’ai pas d’inquiétude à avoir ni pour les usagers, ni pour nos ressources en eau suite à l’incendie. »

    Dans un long mail de réponse à nos questions, envoyé en copie aux services de communication de la préfecture et de l’agence de l’eau, l’ARS confirme l’absence de risque : « L’eau captée sur ces ressources et distribuée après traitement à la population passe par un processus d’ultra-filtration qui permet de retenir les particules d’une taille supérieure à 0,01µm et les substances polluantes associées, dont les HAP ».

    Et si les résultats des analyses de l’ARS n’ont pas provoqué d’alerte majeure, c’est qu’ils montrent des concentrations de HAP bien inférieures à celles de l’agence de l’eau. « La station de captage de Fontaine-sous-Préaux est alimentée par trois sources : la Cressonnière, l’If et le François qui se jettent dans ce qu’on appelle une chambre de partage, une sorte de bassin en briques qui date de l’époque Napoléonienne », précise Eric Herbet. Tandis que l’ARS analyse l’eau de ce bassin, l’agence de l’eau normande a prélevé – pour ainsi dire – à la source. C’est comme ça que la pollution des Cressonnières, diluée dans ses voisines, a disparu des radars des autorités sanitaires.
    Et l’environnement dans tout ça ?

    Pas de risques pour les buveurs d’eau potable, admettons. En tout cas, une fois diluée, l’eau repasse effectivement sous le seuil de pollution toléré et peut être traitée. Aucun risque non plus pour les plantes aquatiques, les poissons et les grenouilles puisqu’il n’y a pas d’écosystème dans les nappes souterraines. Alors cette pollution, on s’en fout ? « Non, tout de même », explique Matthieu Fournier, l’hydrogéologue rouennais : « Les HAP les plus lourds sont piégés dans la roche et imprègnent le milieu. Les autres sont transportés par l’eau, or 90% de l’eau des rivières provient des nappes phréatiques. Donc, si la nappe est contaminée, la rivière le sera. Et là, il y a un enjeu écologique : les HAP sont toxiques pour les larves d’insectes, les poissons… ».

    La source des Cressonnières alimente la petite rivière du Robec qui s’invite dans l’agglomération par le nord-est. Si Flaubert décrivait le Robec dans Madame de Bovary comme « une ignoble petite Venise, jaune, violette ou bleue », des progrès avaient été réalisés depuis l’époque des teinturiers du XIXe siècle. La rivière fait même aujourd’hui la fierté de la ville de Rouen qui vante « une promenade romantique où la nature a repris ses droits ».

    La semaine passée, nos confrères du Poulpe, média d’investigation local et indépendant, ont révélé les études sur la pollution de plusieurs rivières et étangs, à l’origine de la nouvelle mise en examen de l’usine Lubrizol. Le Robec compte parmi ceux-là.

    « Le préfet disait : zéro victime de l’incendie ! Pas besoin d’être scientifique pour comprendre que dans cette histoire, la première victime, c’est notre environnement. Et si notre environnement est empoisonné, les prochaines victimes, c’est nous ! », souligne Simon de Carvalho. Au nom de l’association des sinistrés de Lubrizol, il écrira au préfet pour demander à ce que soit tirée au clair l’origine de la pollution des Cressonnières. Car si l’agence de l’eau estime qu’il peut « raisonnablement être envisagé que les retombées de l’incendie soient à l’origine de […] la présence de HAP, à des valeurs non habituelles, dans quelques prélèvements », aucune enquête spécifique de la part des autorités sanitaires n’est en cours concernant les sources de Fontaine-sous-Préaux.
    La société Lubrizol mise en cause

    « Retrouver l’origine d’une pollution, c’est comme remonter la rivière à contre-courant, c’est compliqué. En particulier dans votre région », nous avertit Emmanuel Soncourt, un hydrogéologue de Dijon. En plus des nombreux facteurs à prendre en compte, tels que la pluviométrie ou la nature des polluants, la géologie des sous-sols crayeux de Normandie est particulièrement complexe. « En résumé, l’eau s’y déplace de trois façons : lentement dans les pores de la roche, un peu plus vite dans les microfissures et encore plus vite dans la partie karstique, composée de failles larges de plusieurs centimètres. Il faut prendre ces trois vitesses en compte pour déterminer le temps que met un polluant à descendre dans la nappe », explique le scientifique. À cela s’ajoute une couche argileuse en surface, assez imperméable, qui se dessèche l’été puis se regonfle comme une éponge lorsque les pluies d’automne reviennent, décalant le ruissellement dans la nappe de plusieurs mois.

    Par ailleurs, l’apparition des HAP sous forme de pics irréguliers dans la source des Cressonnières, n’indique pas qu’il s’agit d’évènements distincts. « Au contraire, si les HAP se trouvent en surface, ils sont simplement plus où moins entraînés dans la nappe en fonction de la pluie », indique l’hydrogéologue bourguignon qui valide l’hypothèse d’une pollution aux HAP suite à l’incendie de Lubrizol. Pas de réponse de Normand !

    Au-delà des HAP, d’autres pollutions aujourd’hui impossibles à identifier sont à craindre. « Dans ce secteur, toutes les ressources en eau sont plus ou moins menacées par l’activité industrielle. Le problème, c’est que ceux qui sont chargés des analyses pour surveiller l’état des ressources ou la qualité de l’eau sont contraints de travailler au pif. On tâtonne car on ne sait pas exactement quelles substances les industries utilisent. Et il n’y a aucune volonté politique de pousser les industriels à davantage de transparence », dénonce un expert, chargé du contrôle de la qualité de l’eau dans le département, qui a préféré rester anonyme.
    L’agence de l’eau, muselée par la préfecture

    À l’inverse, depuis la catastrophe, la langue des pouvoirs publics est devenue une caricature du parler normand, à grand renfort d’euphémismes. L’agence de l’eau Seine Normandie est l’une des six agences françaises chargée de la lutte contre la pollution et de la protection des milieux aquatiques. Sous tutelle du ministère de la transition écologique, elle dispose de fonds importants, collectés directement auprès des usagers par les redevances, ce qui lui confère une certaine autonomie. Mais dans le cadre du protocole post-incendie de Lubrizol, « toute la communication est chapeautée par le préfet », déplore une source interne. En clair, l’agence de l’eau a été muselée par la préfecture qui fait preuve d’une grande richesse de vocabulaire pour minimiser les dégâts.

    On se souvient ainsi du préfet, assurant sur les braises encore chaudes de l’usine qu’il n’y avait « pas de toxicité aiguë », c’est-à-dire que les Rouennais n’allaient pas tomber comme des mouches dans les heures suivantes. Puis des jolies « taches de léopard » pour décrire les retombées du panache de fumée. Ou encore du « bruit de fond », pour qualifier les pollutions antérieures à l’incendie. « Vous saviez que notre bruit de fond à Rouen, est plus élevé qu’ailleurs ? », demande Simon de Carvalho. D’accidents industriels en pollutions chroniques, ce « bruit de fond » devenu la nouvelle norme, brouille les accidents, camoufle les responsables. À Rouen, tout le monde préfèrerait le silence.

    Contactée l’entreprise Lubrizol n’avait pas répondu à nos questions au moment de la publication.

    https://www.streetpress.com/sujet/1635325634-nappes-phreatiques-polluees-eau-incendie-usine-petrochimique
    #pollution #contamination #eau_potable #cancers

    ping @albertocampiphoto

  • En #Guadeloupe, l’#eau_courante, potable, est devenue un luxe

    En Guadeloupe, des milliers d’habitants vivent au rythme des « #tours_d’eau », des #coupures programmées, ou n’ont tout simplement pas d’eau au robinet depuis plusieurs années. Les habitants subissent des coupures prolongées, même en pleine pandémie de Covid-19. Face à la catastrophe sanitaire, les pouvoirs publics sont accusés d’#incurie. Premier volet de notre série.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/120721/en-guadeloupe-l-eau-courante-potable-est-devenue-un-luxe
    #eau_potable #eau_de_robinet #eau

    by @wereport photos @albertocampiphoto

  • Enfouissement des #déchets : la colère gronde | 60 Millions de Consommateurs
    https://www.60millions-mag.com/2020/10/21/enfouissement-des-dechets-la-colere-gronde-17606

    #Pollution de l’#air, contamination des #sols et des #nappes_phréatiques, émission de gaz à effet de serre, explosion ou incendie… les problèmes générés par les centres de stockage des déchets se multiplient. À tel point que riverains et collectivités locales en viennent à refuser l’implantation de décharges près de chez eux.

    [...]

    [...] la réglementation n’est pas bien respectée. Le code de l’#environnement a beau stipuler qu’on ne peut enfouir que les déchets dits « ultimes », une masse énorme de biodéchets et plastiques partent directement en décharge, alors qu’ils pourraient être recyclés ou transformés en #compost.

    En cause, un niveau de tri à la source insuffisant (par les ménages), des machines à tri défaillantes, des emballages multi­composants compliqués à recycler.

    Dans la vallée du Dun, en Normandie, des citoyens se mobilisent contre une décharge attenante à un méthaniseur située au-dessus d’une nappe phréatique.

    Le projet initial, piloté par Veolia, prévoyait l’enfouissement des seuls déchets ultimes, mais, dans les faits, le méthaniseur ne parvient à traiter que 47 % des ordures reçues, contrairement aux engagements de départ. Et donc le site d’enfouissement s’étend démesurément.

    #eau #climat