#neokeynésianisme

  • Je peine à trouver des trouver des textes basés sur l’hypothèse que les inégalités sont une (ou la) cause de la crise économique qui accompagne la pandémie. Évidemment, on a énormément de considérations sur le fait que la pandémie accentue les inégalités, mais je ne vois pas passer en ce moment de textes suggérant la causalité inverse, à savoir : (1) les inégalités accentueraient la pandémie, (2) les inégalités seraient la cause principale de la crise économique déclenchée par la pandémie.

    Pourtant, depuis 10 ans, toute une littérature économique souligne que les inégalités, notamment aux États-Unis, atteignent les niveaux de 1929, et que ce niveau d’inégalité n’est pas soutenable. La thèse que le niveau d’inégalité est la cause de la crise n’est pas qu’une idée de gentils gauchistes, mais une thèse du FMI lui-même : Inequality, Leverage and Crises, Michael Kumhof et Romain Rancière, 2010 :
    https://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2010/wp10268.pdf
    Il a même été écrit que ces inégalités, historiquement, ne parviennent à se résoudre que dans des formes d’extrême violence : guerre, effondrement d’un État, révolution sanglante ou… pandémie : The Great Leveler. Violence and the history of inequality from the Stone Age to the twenty-first century, Walter Scheidel, 2017
    https://www.scienceshumaines.com/the-great-leveler_fr_38968.html

    Du coup, je suis un peu étonné qu’on n’aborde plus les inégalités que comme conséquence de l’épidémie, alors qu’il serait certainement intéressant de travailler sur l’idée des inégalités comme causes de la crise qui accompagne l’épidémie, et pas seulement l’inverse (l’épidémie comme cause, révélateur ou accélérateur des inégalités).

    Il me semble facile d’admettre que nos sociétés ont été lourdement fragilisées par les politiques économiques et sociales imposées par la montée de ces inégalités. La France macroniste en serait même une parodie. Mais peut-on aller plus loin ?

    Et de fait, s’autoriser l’hypothèse un peu simpliste : on a les niveaux d’inégalités qui ont précédé la crise de 1929, on hérite donc d’une crise économique du niveau de celle de 1929. La virus, alors, comme simple déclencheur d’une crise qui était déjà inévitable et en gestation.

    • Je n’écoute pas souvent à cette heure mais l’émission Entendez-vous l’écho aborde régulièrement la question des inégalités. Cette semaine, le capitaliste sur le banc des accusés
      Épisode 2 (aujourd’hui) : Les dérives de l’accumulation.
      Peut-être qu’en recherchant dans l’historique tu trouverais les analyses que tu attends.
      https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/le-capitalisme-sur-le-banc-des-accuses-24-les-derives-de-laccumulation

    • Comme la situation actuelle de crise sanitaire mondiale, cette manière de voir me laisse profondément perplexe ... Sans arriver à ordonner le propos, et sans éviter l’appel à des grosses catégories (capitalisme !), des remarques.
      En matière de santé publique le rôle de ces « inégalités » est sans cesse pointé (avec une espérance de vie très hiérarchisée socialement et géographiquement). Dans le cas du Covid_19 on voit bien que c’est la jet class qui a été le vecteur majeur de la pandémie, de sa vitesse, alors que ce sont les moins bien dotés qui meurent le mieux (migrants, enfermés divers, travailleurs confinés dans l’emploi, pauvres). D’autres ont pointé en quoi cela se fait au risque dune pénurie de man d’oeuvre.
      https://seenthis.net/messages/842806
      Mais depuis quand croit-on que la capitalisme doive être régulé. Et de quelle régulation parle-t-on ? La crise est le mode d’être d’un capitalisme qui fonctionne aux « inégalités », c’est devenu manifeste depuis 50 ans (avec des moments inédits : 2008, 2020), d’un capitalisme qui marche au déséquilibre permanent, aux contradictions.
      La montée du thème des inégalités dans les sciences sociales et l’expertise relève il me semble de l’expansion des savoirs d’une gestion biopolitique des populations, avec d’innombrables aspects « éthiques » (#théorie_de_la_justice) ou plus économiques (#néokeynésianisme), autant d’hypothèses de gestion à renouveler sans cesse (avec tous les « retours » possibles à des visions antérieures remaniées : cf le « colbertisme chinois », par exemple).
      Les militants de l’économie n’ont et n’auront pas de vision unifiée de ce qu’exige leur credo (le profit, la concurrence comme fondement de la société), gardant la possibilité d’infléchir les politiques menées (un réservoir, un stock de conceptions et de mesures pour durer, autant que faire se peut).
      Mais ils n’ont plus rien à promettre. Il n’y a pas de bonne nouvelle à laquelle faire adhérer. La survie et le bonheur s’équivalent (cf. la collapsologie, totalement indifférente aux rapports sociaux qui produisent les inégalités), saisissez votre chance !
      Et là, il semble que faute de toute alternative pour une relance de la croissance économique, ou une nouvelle croissance, la tentation d’une bonne grosse « destruction créatrice » à l’échelle de la population mondiale soit forte parmi eux (l’immunité de troupeau est une guerre aux pauvres du monde). Une prolongation radicalisée de la troisième guerre mondiale, morcelée et permanente depuis la fin de la seconde.
      Lorsqu’à l’abandon depuis 20 ans des politiques légitimées par les théories du « capitalisme cognitif », d’un entretien et d’une valorisation du « capital humain » par la formation de masse s’ajoute un opportun délestage du capital humain obsolète (exemplairement les vieux, ici), faut peut-être constater que la manière de faire jouer à l’inégalité (et pas aux inégalités...) son rôle de moteur du développement est en train de se muer. D’aucuns en viennent à parler de #nécrocapitalisme, c’est partiel mais pas absurde.

      #biopolitique