• « Pulsations pour le vivant » : EELV veut incarner une alternative New Age à la NUPES - CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/ecologie-tondelier-toussaint-eelv-new-age-nupes

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    Le parti Les Écologistes – EELV voulait tourner la page de la NUPES en lançant sa campagne pour les élections européennes au plus vite. C’est chose faite, avec un premier événement début décembre intitulé « Pulsations – meeting pour le vivant ». Difficile d’intéresser aux enjeux européens dans la période, alors les médias ont été invités avec une promesse : il y aurait « de nombreuses surprises ».

    La surprise qui a marqué le plus grand nombre, c’était une séance de booty therapy, dont la définition proposée par le site Booty Therapy est la suivante : « une pratique qui mêle sport, danse et développement personnel ». Créée par Maïmouna Coulibaly, la booty therapy permettrait aux participant·es de « relâcher leurs émotions et guérir une partie de leurs traumas et épreuves, à travers des exercices collectifs ». La pratique ciblerait notamment les femmes victimes de violences et les encouragerait à assumer leur physique et leur histoire, à travers des danses qui mobilisent le bassin.

    Invisibilisant totalement le reste de l’événement, ce cours de danse de 20 minutes au milieu du meeting n’a pas laissé indifférent. Dans le meilleur des cas, il a été jugé gênant, hilarant, pas à la hauteur des enjeux ou encore déconnecté des attentes des citoyen·nes. Dans le pire des cas, il a été attaqué par l’extrême droite. Les performeuses ont en effet subi un cyberharcèlement intolérable à l’issue de leur prestation, en raison de leur physique et de leur couleur de peau.

    Pour justifier cette animation et tenter de réparer les dégâts, les cadres du parti se sont mis en ordre de bataille. Première défense : nous n’aurions « rien compris ». Chacun·e jugera de la pertinence de qualifier d’ignorant·es la majorité des potentiel·les électeur·rices à l’occasion d’un lancement de campagne. Deuxième défense : si nous émettons des réserves quant à la booty therapy, c’est que nous serions sexistes et racistes. Défense totalement légitime lorsque les attaques visaient les intervenantes ou leurs danses, mais qui ne peut pas être un argument d’autorité suffisant pour éviter tout débat contradictoire.

    Mais c’est un autre argument des cadres écologistes, passé un peu inaperçu médiatiquement, qui nous intéresse ici. Il s’agissait d’expliquer que la pratique de la booty therapy était politique, car elle permettait de mettre en avant les méthodes de développement personnel et leurs bienfaits supposés pour les victimes de violence. C’est sans doute là l’argument le plus problématique.

    Booty Therapy propose des stages mettant en avant le concept de « féminin sacré » et les intervenantes ont évoqué le « pouvoir thérapeutique » de cette pratique, qui permettrait de « rallumer la puissance de vie ». Ces éléments de langage sont classiques de la mouvance spirituelle et ésotérique New Age, qui défend l’idée d’un lien intime entre corps, âme, esprit et cosmos. Il s’agissait, là, de leur donner place dans un meeting politique. Nous sommes donc ici bien loin d’un simple cours de twerk.
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    Une dépolitisation et un projet libéral difficiles à cacher
    Il s’agit d’abord d’affirmer qu’un parti politique devrait se garder de mettre en avant les pseudo-sciences ou les pratiques ésotériques. Il s’agit ensuite et surtout d’affirmer que le « développement personnel » n’a pas sa place en politique.

    La politique vise à organiser la vie du pays et à améliorer le quotidien des gens via l’action collective. À l’inverse, le développement personnel se fonde sur l’idée que la solution est « à l’intérieure de chacun·e » et que « nous sommes les seul·es responsables de notre bonheur ». Il nous apprend à « manager nos vies », comme une entreprise capitaliste qu’on devrait amener à être rentable. Vous êtes pauvre ? C’est parce que vous n’avez pas encore développé votre plein potentiel, faites davantage d’efforts ! Vous êtes déprimé·e ? C’est parce que vous n’avez pas investi dans la nouvelle application mobile thérapeutique, qui vous apprend la méditation pour 10 € par mois !

    Il s’agit en réalité d’une approche individualiste et néolibérale, qui pousse à faire un travail constant sur « soi-même », pour mieux invisibiliser le caractère structurel des inégalités ou de nos « difficultés quotidiennes ». C’est l’exact inverse de ce que devrait porter un parti écologiste ancré à gauche. Car si la solution est intérieure, si aucun facteur extérieur ne peut permettre d’améliorer nos vies, pourquoi devrions-nous militer pour changer la société ? Lorsqu’on porte un projet écologiste, notre rôle doit être au contraire de dénoncer les logiques libérales et capitalistes. Au lieu de miser sur des solutions individualistes, nous devrions démontrer le caractère systémique des atteintes aux humains et à la nature, et rendre possible l’action collective, seul moyen d’instaurer le rapport de force nécessaire à la transformation de nos sociétés.

    La booty therapy rejoint également cette idée de travail sur soi, où l’autonomisation passerait par la conscience de « la puissance féminine de vie » et la guérison des traumatismes par l’éveil du corps. La défense de ce féminisme individualiste par EELV est le reflet d’une forme de dépolitisation des combats féministes au sein du parti. Cela est d’autant plus visible lorsque sur 3h30 de meeting, aucune proposition politique n’a en revanche été émise sur ces questions. Marie Toussaint a défendu la booty therapy en reprenant l’affirmation : « le corps des femmes est politique ». C’est vrai. Mais cela n’exonère pas de proposer un contenu programmatique ambitieux pour les droits des femmes, sans quoi cela donne l’impression d’un purplewashing.

    Certes, l’absence de projet politique dans ce meeting ne se limitait pas à la lutte contre les discriminations. De toute la soirée, une seule et unique proposition a été présentée : le droit de veto social. Le reste du meeting était consacré au constat des problèmes auxquels nous faisons face, à l’énumération des valeurs du parti, et à la présentation du parcours des candidat·es. Seul Gaspard Koenig se risquera à présenter une solution, en conclusion de son intervention : « Pourquoi ne serait-il pas légitime d’utiliser des mécanismes de marché qui sont efficients quand ils sont utilisés à des fins vertueuses ? ».

    L’invitation de ce libéral-libertaire au meeting est un indice de plus quant à l’orientation politique retenue par Les Écologistes – EELV. Sa présence, couplée à la mise en avant de pratiques libérales individualisantes dessine une ligne claire : celle d’une campagne qui tente de séduire l’électorat déçu du macronisme. Un air de déjà-vu, une énième version de « l’écologie au centre », qui aura eu le mérite de provoquer les seules « Pulsations » du meeting : les pulsations de rejet, ou de déception, de celles et ceux qui espéraient y trouver une écologie radicale et anticapitaliste.

    Tourner la page de la NUPES pour conquérir les « déçus du macronisme »

    Enfin, c’est le timing qui interroge. Les Écologistes – EELV est le premier parti à organiser un meeting de campagne, avant même d’avoir établi l’ordre de ses premier·es de liste, et visiblement avant d’avoir produit un contenu programmatique. Pourquoi donc vouloir organiser un meeting, six mois avant l’élection, sans avoir plus d’une proposition à présenter ? Rien ne semblait presser : à ce stade, les autres partis se posent à peine la question de la composition de leur liste et le contexte politique au Proche-Orient comme en France ne laisse aucun espace médiatique à l’échéance électorale de juin prochain. Une seule explication : l’objectif était de tourner, au plus vite, la page de la NUPES.

    Sortir de l’alliance à l’occasion des européennes était déjà, en réalité, au cœur du dernier congrès du parti, près de 2 ans avant l’élection. Ainsi, on comprend que, dès les premiers mois de la NUPES, la direction d’EELV n’avait qu’une hâte : y mettre un terme. Le parti perçoit en effet les européennes comme une sorte de sondage en conditions réelles, une occasion de revanche pour établir un nouvel équilibre des forces à gauche.

    Triste stratégie en réalité, qui consiste à espérer que la très faible participation des classes populaires aux élections européennes sera favorable à EELV. EELV pense ainsi pouvoir gagner sa place de leader parmi « ceux qui vont voter », plutôt que d’essayer de convaincre tous·tes les autres. Cela explique d’autant plus l’orientation de campagne, qui vise à attirer les déçus du macronisme.
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    Sur le même sujet, transmis par @mad_meg :
    LE MARCHÉ DU « BONHEUR » : la nocivité du développement personnel et des nouvelles spiritualités
    https://seenthis.net/messages/1036282

  • Je ne sais pas si vous avez aussi remarqué ça dans les milieux militants et chez le djeunz autour de vous, mais le tarot et autres pratiques divinatoires, les pierres qui soignent et tout le toutim ésotérique ont le vent en poupe. Et les charlatans ont le porte-monnaire qui gonfle.

    Deux articles de Libé sur le sujet

    Lithothérapie : l’escroquerie « alarmante » de la guérison par les pierres

    Avec la crise sanitaire, l’utilisation de pierres précieuses pour être en bonne santé séduit de plus en plus d’adeptes, lassés par la médecine traditionnelle. Influenceurs et médias s’emparent du phénomène, alors qu’aucune étude ne prouve le moindre effet curatif des minéraux.
    https://www.liberation.fr/societe/lithotherapie-lescroquerie-alarmante-de-la-guerison-par-les-pierres-20220

    Les jeunes rebattent les cartes de l’ésotérisme
    Astrologie, voyance, médiumnité… Dopées par la pandémie et le confinement, les pratiques ésotériques ont le vent en poupe, notamment sur les réseaux sociaux.
    https://www.liberation.fr/lifestyle/les-jeunes-rebattent-les-cartes-de-lesoterisme-20210218_W6UCONE2GRA67GJZ2
    https://justpaste.it/811gf

    • Le féminin sacré, please kill me

      Depuis deux ans, notre clientèle s’est largement rajeunie. Et encore plus quand est apparue la crise sanitaire. C’est assez incroyable. Cette jeune clientèle s’intéresse aussi à toute la littérature autour des cycles lunaires et du féminin sacré. » Le féminin sacré ? Une forme de féminisme teinté de spiritualité. « Les jeunes sont de plus en plus habités par les questions féministes et la prise de conscience écologique. Cela se traduit, dans l’ésotérisme, par l’intérêt autour du féminin sacré et la recherche d’harmonie avec la nature », décrypte Dorothée Pierson.

      Et où on t’explique que c’est mieux de se masturber à la pleine lune si tu veux récupérer ton éjaculat (dit eau de lune) pour en faire des onguents survitaminés...mouef.

    • Je serais curieux de savoir s’il y a une réelle augmentation de pratiques ésotériques, est-ce qu’une nouvelle n’en remplace pas une ancienne par exemple ? Mais l’effondrement d’institutions collectives fortes telles que partis, syndicats ou églises a peut-être eu un effet là dessus, on se réfugie dans ses petites croyances personnelles, avec l’idée que l’individu serait beaucoup plus important (c’est fou comme ces « croyants » se pensent souvent comme le centre du monde, tous les événements les plus divers pouvant être un « signe » pour leur petite personne).
      Ce qui est certain c’est que l’ésotérisme est partout, très accessible. J’ai remarqué que tout ce qui était lié (au moins commercialement) au « bio » ou à la « nature » y était très poreux (biocoop, nature et découvertes sont des temple d’ésotérisme grand public, avec souvent l’anthroposophie en toile de fond), je ne sais pas à quel point ça peut être une porte d’entrée pour ces croyances d’ailleurs. Les « sorcières » ont aussi le vent en poupe d’après une pote (féministe et exaspérée par ce truc), ça c’est pour le côté « féminin sacré ». En tout cas autour de moi j’ai 2 fans des pierres, dont une qui veut laborieusement en faire son business (l’autre y laisse de l’argent qu’elle n’a pas). Ah, les 2 sont plus ou moins anti-vax évidemment (dont une lectrice de france-soir). Et une de mes ex tirait le tarot tous les ans avec sa mère (grand moment de gêne pour moi).

    • J’observe autour de moi des tendances qui vont de 2 à 5 ans. Après c’est une sorte d’ajout plutôt qu’un remplacement réel, juste que la tendance précédente obnubile moins.
      A chaque fois, ils tentent d’en faire un business...récemment l’un d’entre eux arrive à faire marchoter son truc en présentant ses créations sur fessbouc...
      Le côté artisanal (c’est vrai que c’est joli) ajouté à l’explication ésotérique (storytelling ?) fait que ça accroche manifestement.
      Forcenés antivax de mon côté. Persuadés d’avoir une immunité hors du commun avec tous les compléments ingérés et les trucs énergétiques qui vont bien partout autour.

      C’est d’ailleurs sur le côté sanitaire que je trouve ces tendances inquiétantes. J’ai constaté plusieurs fois des mises en danger (ingestion de compléments...bourrés de métaux lourds ; incitation à abandonner les traitements proposés par les médecins et redirection vers des traitements inadaptés pour des personnes avec des cancers...).
      Sur le côté financier aussi d’ailleurs.
      Ils dépensent des sommes astronomiques en stages, formations etc...c’est hallucinant.
      Et le plus beau...c’est qu’ils font aussi du bénévolat pour promouvoir les gourous ou entreprises derrière dans des salons etc...

      Bref ils sont totalement dans le giron des dérives sectaires...même si ce n’est pas assez radical pour pouvoir mobiliser qui que ce soit.