• « Aucun pays africain ne peut être Emergent avec le franc CFA » - Investig’Action
    http://www.michelcollon.info/Aucun-pays-africain-ne-peut-etre.html

    Journal de l’Afrique (JDA) : Il y a 30 ans, l’économiste camerounais Joseph Tchuidjang Pouemi dans son livre intitulé Monnaie, servitude et liberté, affirmait déjà que le franc CFA n’est qu’un instrument de « répression monétaire de l’Afrique ». A votre avis cette répression monétaire a-t-elle toujours cours ?

    Nicolas Agbohou : Elle a toujours cours ; car lorsqu’on regarde les institutions de la zone franc CFA, notamment le conseil d’administration des trois banques centrales, on voit que les Français y sont présents et disposent du droit de véto. Autrement dit ce n’est pas son utilisation qui fait problème, mais le franc CFA lui-même.

    Son fonctionnement appartient à la France qui l’utilise pour ses propres intérêts et donc contre les intérêts des Africains. Aussi bien à la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) qu’à la Banque des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qu’à la Banque centrale des Comores (BCC), la France nomme des représentants qui disposent d’un droit de véto.

    Autrement dit, si les Africains présents aux conseils d’administration de ces différentes banques décident de prendre des décisions qui défendent les intérêts de l’Afrique en touchant aux intérêts de la France, ces décisions ne pourront pas être validées puisque les Français voteront « contre ». Ce d’autant plus qu’il est clairement mentionné dans les textes régissant ces trois banques centrales que « les décisions se prennent à l’unanimité ».

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    En ce qui est du compte d’opérations, disons qu’il est d’inspiration nazi. Il a été appliqué à la France par les nazis et après la Libération, le général De Gaulle a décidé de l’appliquer aux Africains depuis 1945. Conformément aux accords monétaires entre la France et l’Afrique, le principe de la centralité des réserves des changes fonctionne de la manière suivante les Africains doivent déposer, et ils le déposent effectivement, l’intégralité de leurs recettes d’exportation dans des comptes ouverts à la banque centrale de France.

    De 1945 à 1973, quand les Africains exportaient par exemple les matières premières pour 100 milliards de dollars, ils déposaient tous les 100 milliards de dollars dans le Trésor français. De 1973 jusqu’en 2005, s’ils exportaient pour 100 milliards de dollars, les Africains étaient obligés de déposer 65 milliards au Trésor français dans le fameux compte d’opérations.

    Depuis le 20 septembre 2005 jusqu’à la seconde où nous parlons (2014), on est passé à 50%. Ce qui veut dire que si les Africains exportent à hauteur de 100 milliards de dollars ou d’Euros, de Yuans, etc. ils sont tenus de déposer 50 milliards en France. S’en suivent plusieurs conséquences majeures :

    Première conséquence majeure. Puisque le compte d’opérations est d’origine nazie, la France s’en est servie et s’en sert encore pour s’approvisionner gratuitement en matières premières africaines.

    C’est-à-dire que la France dit aux Africains d’exporter les matières premières dont elle a besoin pour 100 millions d’euros par exemple. Lorsque les Africains ont exporté, au lieu de les payer, la France prend son stylo et écrit un signe PLUS dans le compte. Elle ne débourse aucune devise. Or si ce sont les Nigérians ou les Ghanéens qui exportent, la France est obligée de sortir 100 millions d’euros des coffres forts pour les payer.

    Ce qui revient à dire que le jour où les Africains vont se débarrasser du franc CFA, la France sera obligée de débourser de l’argent pour payer directement et immédiatement l’intégralité de la facture des exportations.

    Deuxième conséquence majeure. Puisque les Africains déposent des devises en France, celle-ci s’en sert pour combler son déficit budgétaire ou pour amortir, c’est-à-dire payer sa dette.

    Troisième conséquence majeure. En contrôlant leurs devises, la France met les dirigeants africains au pas. Si un dirigeant de la zone CFA n’obéit plus aux ordres de la France, Paris bloque ses réserves de devises et mieux, il ferme les banques dans ce pays devenu « rebelle ».

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    JDA : Comment expliquez-vous la relative avancée économique des anciennes colonies anglaises sur le continent africain ?

    NA : Justement, ces pays travaillent pour eux-mêmes. Contrairement aux pays de la zone franc CFA, les pays anglophones ne travaillent pas pour l’Angleterre. C’est aussi simple que ça ! Les pays anglophones sont véritablement libres de l’Angleterre qui est parti après la décolonisation.

    Comme vous le constatez très bien à l’échelle planétaire, tous les pays anciennement colonisés par l’Angleterre se portent nettement mieux que ceux de la zone franc CFA. La France n’est jamais partie. Au contraire, au fur et à mesure que le temps passe, la France est omniprésente dans les économies africaines ; toujours avec le même prétexte : « nous sommes là pour aider les Africains ».

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