• Qui est Eugen Rochko, le jeune créateur du réseau social Mastodon ?
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/11/21/qui-est-vraiment-eugen-rochko-le-jeune-createur-de-mastodon_6150831_4500055.

    Un temps adepte de Twitter, Eugen Rochko avait vite déploré son management pyramidal. Tout juste diplômé d’informatique à ­l’université d’Iéna, en Thuringe, dans l’ex-Allemagne de l’Est, il a lancé, à 24 ans, son propre réseau social, alternatif et non lucratif, où l’on poste des messages appelés des « pouets ». Avec ses 4 600 serveurs indépendants, Mastodon repose sur un système décentralisé. Ainsi, « il n’y a plus une seule personne qui prend une décision descendante. C’est plus démocratique », assure son créateur.

    Un enfant impatient

    Né à Moscou dans une famille juive de la classe moyenne, Rochko émigre en Allemagne avec ses parents à l’âge de 11 ans, avec l’espoir « d’un meilleur futur, loin de la Russie de Poutine » en toile de fond. Enfant, son esprit créatif s’exprime un temps dans le dessin. « J’ai abandonné parce que j’étais trop impatient. J’étais incapable de dessiner une ligne droite, je ne faisais que des lignes irrégulières », se souvient-il. En Thuringe, il découvre l’Internet à haut débit et les lignes de code et relègue ses crayons et sa frustration. « Avec la programmation, la récompense était immédiate : les changements apparaissaient instantanément sur mon écran. »

    Une exception numérique

    Pendant ses années de lycée, il crée plusieurs sites Web, dont le marché virtuel d’œuvres d’art Artists & Clients, qu’il revendra pour 2 000 dollars. Parallèlement à ses études, il met ses compétences informatiques au service d’entreprises. Evoluant loin de l’Ivy League (groupe de huit universités privées américaines prestigieuses) et de la Silicon Valley, il fait vite figure d’exception parmi les géants du numérique.

    Défenseur de la philosophie open source, fondée sur la collaboration et l’accessibilité, il en fait la pierre angulaire de Mastodon : « La croyance selon laquelle les gens devraient pouvoir voir, étudier, modifier et redistribuer le code du logiciel qu’ils utilisent est un positionnement politique. L’objectif est de redonner le pouvoir aux individus. »

    L’antithèse d’Elon Musk

    « Les discours haineux limitent la liberté d’expression d’autrui », tranche celui qui s’oppose à la philosophie d’Elon Musk, partisan d’une liberté d’expression ­absolue. (...)

    #mastodon #non_lucratif #open_source

    • « Elon Musk passe pour un blaireau » : entretien avec le créateur de Mastodon, l’autre Twitter
      https://www.vanityfair.fr/actualites/article/elon-musk-twitter-mastodon-blaireau

      Selon Rochko, quelque 800 000 nouveaux comptes Mastodon ont été créés ces dernières semaines, submergeant les serveurs les plus populaires et inondant les timelines des utilisateurs de questions et de plaintes des nouveaux venus. L’an dernier, les dons à l’association à but non lucratif qui gère Mastodon, dont Rochko est le président, s’élevaient à 55 000 euros ; elle n’en a dépensé que 23 000.

      Depuis que Musk a pris le contrôle de Twitter, Rochko travaille d’arrache-pied à maintenir en état de marche son propre serveur, Mastodon.Social, tout en préparant une mise à jour majeure de Mastodon. Il a tout de même pris le temps de discuter avec nous depuis l’Allemagne, où il réside.

      Comment se sont déroulées ces deux dernières semaines ?

      Eugen Rochko : Les gens ont probablement envie d’entendre que c’est formidable, toute cette croissance, ce succès, mais pour le moment j’ai du mal à adopter cette perspective. C’est surtout plus de travail, plus d’incendies à éteindre. C’est incroyablement stressant. Je fais des journées de travail de 14 heures, je dors à peine et je mange très peu.
      Toute cette histoire coïncide avec le processus de sortie d’une nouvelle version du logiciel Mastodon. Ce qui est déjà très exigeant en soi. Et soudain, tu dois en plus répondre aux demandes d’interviews tout en gérant les réseaux sociaux pour saisir l’opportunité.

      Malgré les difficultés, est-il gratifiant de constater que les personnes qui se détournent de Twitter se dirigent vers Mastodon ?

      Oui, objectivement, c’est bien et c’est gratifiant. J’aimerais pouvoir me reposer et profiter de tous ces nouveaux utilisateurs de Mastodon. Malheureusement, je n’ai pas le temps. On a eu une augmentation des fonds sans précédent en raison de tous les nouveaux dons Patreon au cours des 10 derniers jours.

      Elon Musk a raillé Mastodon dans un tweet récent. Ça vous évoque quoi ?

      Honnêtement, c’était plutôt bon pour nous. Ça nous fait de la publicité gratuite, et il passe pour un blaireau. Je n’ai pas bien pu lire tant son écran était crade sur la photo, mais si j’ai bien compris, il se moquait d’un utilisateur qui avait du mal à poster après s’être inscrit. Le fait est que l’afflux massif de nouveaux comptes met à rude épreuve le réseau de bénévoles. Rien de surprenant à ce qu’ils aient du mal à suivre. C’est simplement une question d’échelle. Les serveurs Mastodon étant plus nombreux que jamais, les possibilités d’adhésion sont de plus en plus nombreuses.

  • Khrys’presso du lundi 21 novembre 2022
    https://framablog.org/2022/11/21/khryspresso-du-lundi-21-novembre-2022

    Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière. Tous les liens listés ci-dessous sont a priori accessibles librement. Si ce n’est pas le cas, pensez à activer … Lire la suite­­

    #Claviers_invités #Internet_et_société #Libr'en_Vrac #Libre_Veille #Non_classé #GAFAM #Internet #Revue_de_web #Revue_hebdo #Surveillance #veille #webrevue
    https://mamot.fr/system/cache/media_attachments/files/109/366/105/429/471/728/original/4473b802587f8905.mp4

  • Pesticides : le « tour de passe-passe » pour rendre l’eau potable
    https://reporterre.net/Pesticides-le-tour-de-passe-passe-pour-rendre-l-eau-potable

    Cette soudaine amélioration n’est en réalité qu’illusoire. Le métabolite est bien toujours présent dans l’eau. Générations futures souligne qu’il existe de nombreuses alertes sur le potentiel cancérigène et reprotoxique de la molécule mère, le S-métolachlore. En juin dernier, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) classait cette dernière comme cancérigène suspecté.

    « La confiance dans l’eau potable a pris une claque, affirme pour sa part Régis Taisne, chef du département Cycle de l’eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). 10 à 12 millions d’habitants ont été informés que leur eau n’était pas conforme. Et aujourd’hui, on leur explique qu’elle le redevient. Les usagers peuvent se poser des questions. »

  • L’enquête sur la mort de 27 migrants dans la Manche en 2021 accable les secours
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/11/13/migrants-morts-en-traversant-la-manche-le-24-novembre-2021-l-enquete-accabla

    Les investigations sur les conditions du naufrage révèlent que les migrants ont appelé à l’aide à de nombreuses reprises. Les secours français ont attendu qu’ils passent dans les eaux anglaises. Aucun moyen de sauvetage ne leur a été envoyé.

    Un an après l’ouverture de l’information judiciaire visant à faire la lumière sur le drame du 24 novembre 2021, Le Monde a pris connaissance des investigations menées sur les circonstances du naufrage. Celles-ci restituent l’ensemble des communications entre le Cross et l’embarcation naufragée et révèlent que les occupants du bateau ont appelé à de très nombreuses reprises les secours français en l’espace d’environ trois heures. Les secours britanniques ont également été contactés, bien que le compte rendu de leurs activités n’ait pas encore été joint à l’enquête.

    (...) Il est 1 h 48 quand les premiers échanges ont lieu entre l’embarcation et le Cross. En anglais, l’un des occupants explique qu’ils sont trente-trois à bord d’un bateau « cassé ». Selon la procédure usuelle, l’opératrice lui demande d’envoyer par la messagerie WhatsApp sa géolocalisation.

    A 1 h 51, la personne téléphone au SAMU du Pas-de-Calais, qui transfère son appel au Cross. « Apparemment leur bateau, il n’y a plus rien qui va dessus », prévient l’opérateur du SAMU. La communication dure près de quatorze minutes. « S’il vous plaît, s’il vous plaît ! (…) On a besoin d’aide, s’il vous plaît. Aidez-nous s’il vous plaît », implore-t-il. « Si je n’ai pas votre position je ne peux pas vous aider », répète l’opératrice du Cross, Fanny R. A bord, les passagers paniquent. Ils crient et pleurent. « Envoyez-moi votre position maintenant et je vous envoie un bateau de secours dès que possible », répète Fanny R. La localisation du bateau est communiquée à 2 h 05 et 2 h 06 au Cross.

    « Ah bah t’entends pas, tu seras pas sauvé »

    Celui-ci ne va pourtant pas envoyer un moyen de sauvetage mais saisit le centre de coordination des secours anglais, à Douvres. « J’ai un canot à côté de votre secteur, les informe l’opératrice. Je vous donnerai sa position car c’est à 0,6 mile nautique [des eaux anglaises]. »
    A 2 h 10, l’embarcation signale de nouveau sa localisation par WhatsApp, qui la situe toujours en eaux françaises. Les personnes à bord continuent d’appeler. Lors d’un de ces appels, à 2 h 15, alors que des cris et des pleurs se font entendre, l’opératrice du Cross « leur dit de garder leur calme et que le bateau des secours arrive », notent les enquêteurs.
    En réalité, à 2 h 28, alors que le Cross a actualisé la localisation du bateau, il rappelle les Anglais. « Ils sont actuellement dans votre zone. »
    Malgré cela, le canot à la dérive continue d’appeler à l’aide mais le Cross considère qu’il ne relève plus de sa responsabilité. Alors que le SAMU essaye de transférer un nouvel appel, l’opératrice du Cross fait valoir que « de toute façon, maintenant, ils sont dans les eaux anglaises et que s’il rappelle il faut lui dire de contacter le 999 [les secours anglais] ».
    Les passagers vont malgré cela continuer d’appeler les Français, pas moins de quinze fois entre 2 h 43 et 4 h 22. En vain. Alors qu’à 3 h 30, un passager explique qu’il est littéralement « dans l’eau », le Cross s’entête à lui rétorquer : « Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises. » Au moment où l’opératrice tente de transférer l’appel à Douvres, la communication coupe et on l’entend alors commenter, en aparté : « Ah bah t’entends pas, tu seras pas sauvé. J’ai les pieds dans l’eau, bah… je t’ai pas demandé de partir. »

    A 3 h 49, le SAMU – qui reçoit des appels – signale au Cross que le canot « est en panne et prend l’eau. L’opérateur du Cross dit qu’ils appellent sans relâche depuis quelque temps, qu’ils sont plus ou moins dans les eaux anglaises ». Deux minutes plus tard, nouvel appel au secours : « On entend des cris, rapportent les enquêteurs. L’opératrice lui dit que les secours seront là dans vingt minutes. » Mais ils n’arrivent pas.

    « Nous sommes en train de mourir »

    A 4 h 09, un passager implore : « Venez vite s’il vous plaît. » « Le canot de sauvetage arrive dans quelques minutes », lui assure le Cross. A 4 h 16, la même personne rappelle pour dire « que c’est fini, relatent les enquêteurs. [L’opératrice] lui répète de lui envoyer un message [de localisation], elle lui redonne son numéro de téléphone. L’opératrice dit en aparté “je vais lui sortir la phrase magique, pas de position pas de bateau de secours” ».

    la première version disait que ces naufragés n’avaient pas appelé les secours....

    #migrants #barbarie

  • Khrys’presso du lundi 14 novembre 2022
    https://framablog.org/2022/11/14/khryspresso-du-lundi-14-novembre-2022

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    #Claviers_invités #Internet_et_société #Libr'en_Vrac #Libre_Veille #Non_classé #GAFAM #Internet #Revue_de_web #Revue_hebdo #Surveillance #veille #webrevue

  • « Militants dans le brouillard – Deuxième partie »

    Travail et révolte dans l’impasse du Brésil

    https://dndf.org/?p=20423#more-20423
    https://illwill.com/work-and-revolt-at-brazils-dead-end-ii

    Traduction DeepL relue par nos soins. Dndf

    Dans la deuxième partie de leur portrait expansif de la lutte des classes informelle au Brésil, les auteurs passent de considérations sur les suicides de travailleurs, les grèves d’apps et Bolsonaro à un bilan plus large des révoltes de notre époque. En s’engageant avec d’autres théoriciens révolutionnaires tels que Endnotes, Temps critiques, Chuang, Torino & Wohlleben, Nunes, et plus encore, le collectif militant de Sāo Paulo nous présente un monde de “révoltes juste à temps” qui éclatent en même temps qu’une condition de travail sans forme dans laquelle “tout le monde est pleinement mobilisé dans un effort sans fin dans lequel ne sont produites que des “expériences négatives”.

    Abandonnez tout espoir

    À l’approche de la grève nationale des routiers du 1er février 2021, une vidéo a circulé dans les groupes WhatsApp montrant un chauffeur qui s’était pendu à un arbre au bord de l’autoroute, à côté de son camion. La scène a été partagée avec des messages de deuil et des avertissements sur la situation désespérée des camionneurs indépendants, coincés entre les faibles taux de fret et les pics des coûts de conduite, en particulier du carburant. Malgré cela, le mouvement est loin d’avoir atteint la force de la grève de mai 2018, au cours de laquelle les chaînes d’approvisionnement de tout le pays ont été étranglées en quelques jours et le gouvernement, terrifié, a offert un certain soulagement immédiat, par le biais de mesures qui allaient perdre leur effet dans les années suivantes.1 Dépourvue de la large – et ambiguë – coalition de la mobilisation précédente, qui impliquait des camionneurs propriétaires-exploitants, des propriétaires de petites flottes et même plusieurs grandes entreprises de transport, l’irruption du début de 2021 s’est résumée à l’initiative éparse de camionneurs indépendants qui ont monté des blocages d’autoroutes dans plusieurs États, mais qui ont été rapidement démantelés par la police routière.2

    Bien que la grève n’ait pas décollé, les troubles ont contaminé d’autres travailleurs qui dépendent aussi directement du carburant pour gagner leur vie dans les villes. Entre février et avril, des manifestations de coursiers, de conducteurs d’apps et de chauffeurs de bus scolaires indépendants ont eu lieu presque quotidiennement dans tout le Brésil. Parallèlement aux nouvelles manifestations des camionneurs, tout cela a donné un contour insurrectionnel aux rues dont la circulation quotidienne avait été réduite par le pic de la deuxième vague de coronavirus. Ce mouvement de travailleurs motorisés a bloqué les autoroutes et les centres de distribution de Petrobrás ; il s’est entassé dans les stations-service, avec la tactique de ne remplir qu’au prix d’un real pour produire des files d’attente et causer des pertes aux détaillants ; il a relancé l’organisation des grèves de coursiers, et a alimenté le plus grand cortège de chauffeurs Uber de l’histoire de São Paulo, qui a bloqué l’accès à l’aéroport international de Guarulhos pendant toute une nuit, exigeant la fin des trajets promotionnels mal payés.3Alors que l’inflation se traduit traditionnellement par des revendications sur le coût de la vie, à l’ère de l’Uberisation, elle conduit principalement à des manifestations sur le coût du travail, c’est-à-dire à des luttes sur la capacité à travailler. La reproduction de la force de travail se transforme en gestion de la micro-entreprise de soi-même – d’où le rapprochement fréquent entre les manifestations contre les hausses des prix du carburant et les campagnes anti-blocage des propriétaires de magasins durant les premiers mois de l’année. Pour beaucoup, ces grèves étaient la dernière ressource avant d’abandonner le combat et de rendre toutes les armes, c’est-à-dire avant de rendre la voiture aux loueurs (dans certaines villes, les associations de chauffeurs d’apps estiment que plus de la moitié des chauffeurs inscrits sur les plateformes ont renoncé à travailler au cours de l’année 2021).4

    Entre le travail indépendant de plus en plus invivable financièrement, d’une part, et l’effritement de l’emploi formel, d’autre part, il n’y a nulle part où fuir. La seule alternative est la course sans fin du rat, viraçāo [se débrouiller] dans des conditions de plus en plus défavorables. Cette sensation d’être confiné dans un travail épuisant et sans avenir a trouvé son écho à l’autre bout du monde dans le mot à la mode nèijuǎn (内卷), utilisé par les utilisateurs des réseaux sociaux chinois “pour décrire les maux de leur vie moderne.”5 Avant d’être tendance dans le pays le plus peuplé du monde, le terme a été utilisé par des universitaires, au milieu des années 2020, pour traduire le concept d’“involution”, une dynamique de stagnation des sociétés agraires – mais aussi des grandes villes des périphéries du capitalisme mondial – dans laquelle l’intensification du travail ne s’apparente pas à une modernisation.6 Composée par les caractères ” in ” [内] et ” to roll “ [卷], l’expression peut être ” intuitivement comprise comme un ” retournement vers l’intérieur “.7Alors que “développement”, en anglais, porte l’image d’un déploiement vers l’extérieur, vers quelque chose, nèijuǎn suggère une vis dépouillée tournant sur elle-même : un mouvement incessant sur place. N’est-ce pas, après tout, le quotidien sans fin de la viração ? En écho au désespoir de l’expérience quotidienne des étudiants et des travailleurs des métropoles chinoises, le terme condense

    le sentiment d’être pris au piège dans un cycle misérable de travail épuisant qui n’est jamais suffisant pour atteindre le bonheur ou des améliorations durables, mais dont personne ne peut sortir sans tomber en disgrâce. Ils le ressentent lorsqu’ils se plaignent que la vie ressemble à une compétition sans fin et sans vainqueur, et ils le ressentent lorsqu’ils rêvent du jour qui viendra où ils gagneront enfin. Mais ce jour n’arrive jamais. Les dettes s’accumulent, les demandes d’aide sont ignorées, les options restantes commencent à s’amenuiser. Dans une époque d’involution, où même les plus petites réformes semblent impossibles, il ne reste que des mesures désespérées.8

    Si une partie du même désespoir traverse les luttes des chauffeurs indépendants au Brésil, il prend des contours encore plus dramatiques dans les rues et les routes chinoises. En janvier 2021, un livreur qui s’est vu refuser son paiement par l’application s’est immolé devant sa station de livraison à Taizhou. En avril, un camionneur de Tangshan, dont le véhicule avait été saisi par la police pour cause de surpoids, a bu une bouteille de pesticide et envoyé un message d’adieu à ses collègues conducteurs via les médias sociaux. Au cours du même mois, un homme de São Caetano do Sul confiné dans un fauteuil roulant a attaché de faux explosifs sur son corps et a menacé de faire sauter le bâtiment de l’Institut de sécurité sociale s’il n’avait pas accès à sa pension d’invalidité, tandis que l’habitant d’un village du district de Panyu, dans le sud de la Chine – où l’État avait exproprié les terres collectives pour les vendre à des entreprises touristiques – est entré dans un bâtiment de l’administration locale avec de vraies bombes et s’est fait exploser, tuant cinq employés.9 Début juin, un maçon a pénétré la maison de son ancien employeur sur la côte de Santa Catarina, a pris sa famille en otage pendant dix heures avant d’être tué par la police après l’avoir libérée.10 La pandémie a entraîné encore plus de pression et de désespoir, comme le montre le cas de cet homme qui a écrasé sa voiture contre la réception d’un hôpital public surpeuplé de la région métropolitaine de Natal après que sa femme, infectée par le Covid, s’était vu refuser des soins.11

    Lorsqu’un soldat de la police militaire de Bahia a abandonné son poste et conduit seul pendant plus de 250 kilomètres jusqu’au Farol da Barra (un lieu touristique du Salvador) et a ouvert le feu en l’air avec son fusil tout en dénonçant la violation de la “dignité” et de “l’honneur du travailleur”, son emportement a été célébré sur les réseaux anti-blocage comme un geste héroïque contre les “ordres illégaux” des gouverneurs.12 La fin tragique du soldat, qui a été tué lors d’une fusillade avec ses propres collègues, a été instrumentalisée par des membres d’extrême droite du Congrès pour inciter à une mutinerie parmi les troupes. Cependant, le cortège de police qui quitte les lieux le lendemain se heurte directement à un embouteillage provoqué par une autre manifestation : des coursiers dénoncent la mort d’un collègue livreur, écrasé par un conducteur ivre qui roulait à contresens la veille. Accidentellement unis par le deuil de leurs camarades tombés dans une guerre sociale sans forme définie, les itinéraires de manifestation convergent vers le siège du gouvernement de l’État.13

    En même temps qu’elle aggrave la crise, ou plutôt qu’elle élargit le cloaque dans lequel nous nous débattons depuis des décennies sans bouger d’un pouce, la politique de la terre brûlée de Bolsonaro lui permet de mobiliser le désespoir en des bouffées suicidaires sous la promesse d’une décision14 – l’idée de prendre “un dernier coup”.15 Même si le mécontentement lié à la hausse du prix des carburants a réduit le soutien du président auprès de l’une de ses “bases” clés (les camionneurs), le bolsonarisme reste la principale force politique capable de contester les turbulences sociales de ces temps apocalyptiques, en transformant les divers mécontentements en une “révolte dans l’ordre”, en les détournant soit vers des cibles alignées sur l’ordre du jour, soit vers des objectifs plus ambitieux.16 En les détournant soit vers des cibles alignées sur l’agenda institutionnel – qu’il s’agisse des maires, des gouverneurs, du pouvoir judiciaire, des médias, du vaccin ou des urnes électroniques – soit en imitant simplement les luttes concrètes par le biais de rituels esthétiques, comme ses voyages dominicaux en moto.

    Au plus fort de la tourmente, la Cour suprême a remis sur l’échiquier une pièce décisive que ses juges avaient retirée du jeu quelques années auparavant. En annulant les condamnations de Lula et en lui permettant de se présenter à nouveau aux élections, la décision a signalé qu’il n’est peut-être pas possible de contenir les assauts de l’insurrection bolsonariste sans se tourner vers le commandant de la grande opération de pacification qui n’a pratiquement pas été remise en cause jusqu’au coup de juin 2013 – sans doute dans l’espoir que tout revienne à son fonctionnement normal. Cependant, dans le contexte actuel d’escalade de la guerre sociale, il convient de se demander “quels outils il aura en main pour pacifier” une masse urbaine dans une trajectoire accélérée de “prolétarisation vers le bas” ?17 Autant la manœuvre judiciaire peut raviver le vain espoir de la gauche de restaurer les droits démantelés, autant les responsables politiques du programme économique du Parti des travailleurs pour 2022 non seulement reconnaissent la perte de forme du travail, mais se font l’écho des dirigeants d’iFood pour ” sortir les travailleurs des plateformes numériques des limbes réglementaires “, ce qui ” ne veut pas dire encadrer les travailleurs des plateformes numériques “.18 ce qui “ne signifie pas les encadrer sous l’ancien droit du travail mais ni les laisser tels qu’ils sont aujourd’hui.”19

    “Un nouveau gouvernement Lula signifiera, au mieux, que les gens pourront continuer à travailler comme chauffeurs Uber”.20, avec un “partenariat” réglementé entre la plateforme et les chauffeurs et davantage de “sécurité juridique” pour les entreprises. Même si le gouvernement incendiaire de Bolsonaro offre un terrain fertile pour l’expansion des entreprises, la food tech brésilienne ne rejette pas l’expertise en matière de dialogue et de médiation des conflits accumulée dans le pays au cours des gouvernements ” démocratiques populaires “. Afin de minimiser l’impact négatif des manifestations sur sa marque, iFood – qui, soit dit en passant, célèbre “l’objectif de diversité et d’inclusion raciale et de genre” au sein de ses bureaux21 – a recruté des cadres forgés dans des ONG et des projets sociaux dans les favelas afin d’apaiser la rébellion de ses “partenaires” motorisés.22 Tout au long de l’année 2021, les coursiers impliqués dans des grèves dans tout le pays ont été recherchés par un “gestionnaire de communauté” engagé par l’entreprise, mais ce n’était pas pour répondre à leurs revendications mais pour engager le dialogue, annonçant l’organisation d’un “Forum des livreurs”23 avec des influenceurs numériques et des chefs de grève présumés, dans le plus beau style des conférences participatives du Brésil d’hier.

    Un retour de l’ancien métallurgiste au palais présidentiel ne signifierait pas un moment de reconstruction nationale, mais une occasion d’enterrer les débris et de consolider de nouveaux terrains d’accumulation dans le pays ; en d’autres termes, de normaliser le désastre en lui donnant le goût de la victoire – et, pour cette raison, de le rendre “plus parfait que ce qui serait jamais possible sous un politicien conservateur.”24 Les attentes pour les élections de 2022 approfondissent ainsi l’état d’attente des grands partis de gauche et des petits collectifs, qui pendant la pandémie ont trouvé dans l’impératif de l’isolement social l’excuse de sa quarantaine politique. En incarnant la défense des recommandations de santé publique, la gauche s’est conformée à la réalité du travail à distance, dans une attente paralysante aux attentes réduites : l’attente du décompte quotidien des morts, en espérant la baisse des chiffres de contamination ; l’attente de l’arrivée des vaccins au Brésil, suivie de l’attente – et de la dispute – d’une place dans la file d’attente ; l’attente de l’arrivée de l’agent de santé.25 – pour une place dans la file d’attente ; l’attente de la fin du “gouvernement Bozo”, animée par chaque nouvelle impasse avec la Cour suprême ou témoignage dans la Commission d’enquête parlementaire sur la gestion de la pandémie ; bref, l’attente que le pire passe et que tout redevienne un peu moins mauvais, comme avant. Au milieu de l’année 2021, avec le ralentissement de la pandémie, cet espoir inerte a quitté le nid et est devenu une photographie aérienne. Mais si les défilés de la gauche ont démontré l’ampleur de la désapprobation du président dans les principales villes du pays, ils ont aussi rendu flagrante l’impuissance de cette opposition. Après avoir rassemblé des centaines de milliers de personnes, les rassemblements se sont progressivement tassés, entrant dans le schéma d’attente des entités organisatrices.

    La léthargie de la gauche contraste avec l’insurrection de l’extrême droite, qui se nourrit de la mobilisation de ceux qui ne nourrissent plus aucun espoir. Et s’il n’est pas possible d’exclure une victoire inattendue de Bolsonaro dans les urnes, on ne peut pas non plus écarter les menaces d’une rupture de l’ordre institutionnel, toujours repoussées afin de maintenir son militantisme dans une disponibilité quasi paranoïaque tout en maintenant l’opposition sur une position défensive, hypnotisée par l’imminence d’un coup décisif qui ne viendra jamais. La politique reste en transe, dans une préparation éternelle à un conflit qui n’éclate jamais, qui est, en soi, déjà une tactique de guerre dans l’arsenal de la gestion “hybride” des territoires et des populations.

    Bien que ne comptant que sur la même foule toujours fidèle, les manifestations bolsonaristes du 7 septembre, jour de l’indépendance du Brésil, représentaient moins un signe d’impuissance26 qu’un terrain d’essai pour des exercices de mobilisation militaire. À l’aube du jour suivant, lorsque les autoroutes de quinze États du pays ont été bloquées par les camionneurs – qui, jusqu’alors, s’étaient montrés incapables de soutenir un mouvement autour des prix du fret et du carburant, témoignant du soutien considérable à l’offensive stratégique du président contre les bulletins de vote électroniques et la Cour suprême27 – le gouvernement a dû reconnaître que l’appel n’était rien d’autre qu’une répétition générale, provoquant la colère de nombreux manifestants et laissant entrevoir un bolsonarisme qui va déjà au-delà de Bolsonaro lui-même. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’État, qu’elle soit commandée par le capitaine ou non, “la révolution que nous vivons”28 – qui “positionne la violence, et l’utilisation de la force armée, comme une ressource politique essentielle” – se fera sentir bien au-delà de 2022, comme dans les scènes presque surréalistes de l’assaut du Capitole des États-Unis et d’autres législatures d’État après la défaite de Donald Trump.29

    Prévue pour le 11 septembre, une nouvelle grève nationale de l’app delivery a fini par se confondre avec l’actualité de la grève des routiers – moins en raison du soutien au président qu’en raison de l’importance que la dernière grande grève de cette autre catégorie centrale du secteur logistique a acquise dans l’imaginaire des coursiers à moto.30 Sans avoir les mêmes répercussions que l’App Strike de l’année précédente, la grève de 2021 s’est prolongée, ici et là, au-delà de la date prévue. Dans une entreprise de distribution de boissons de l’app Zé Delivery, dans la zone sud de São Paulo, les motards ont décidé de commencer la grève deux jours plus tôt pour réclamer des retards de paiement.31 Et à São José dos Campos, dans la campagne de São Paulo, les livreurs sont restés en grève pendant les cinq jours suivants, dans le cadre de la plus longue grève de l’appli que le pays ait jamais connue.32

    Inspirés par une vidéo dans laquelle des coursiers à moto de la capitale montraient pas à pas “comment piqueter un centre commercial”.33 les livreurs de la cinquième municipalité de l’État se sont répartis en petits groupes pour bloquer les principaux établissements de la ville, tandis que d’autres circulaient dans les rues pour intercepter les briseurs de grève, ainsi que pour distribuer de l’eau et de la nourriture aux grévistes. Chaque soir, tout le monde se réunissait sur une place pour discuter des orientations du mouvement et voter sur la poursuite de la grève. Alors qu’une application plus petite, nouvelle dans la ville, a cédé à la pression en annonçant une augmentation de ses tarifs, iFood a organisé une contre-offensive et a promis une rencontre aux leaders locaux, par l’intermédiaire de l’un de ses “médiateurs communautaires.” La nouvelle que la plus grande plateforme de livraison de nourriture d’Amérique latine avait ouvert une négociation – aussi limitée soit-elle – face à la persistance héroïque des ” trois cents de São José dos Campos “, comme le décrivaient les mèmes sur les réseaux de coursiers à moto, a donné à cette défaite le goût de la victoire et en a fait un exemple pour les badauds. Dans les semaines qui suivent, l’arrière-pays de São Paulo est balayé par une série de grèves non coordonnées, qui se poursuivent pendant plusieurs jours à Jundiaí, Paulínia, Bauru, Rio Claro, São Carlos et Atibaia.34

    Dans les moments de tension qui ont marqué la fin de la mobilisation à São José dos Campos, cependant, les promesses de dialogue ont été combinées avec une autre négociation d’iFood avec les restaurateurs et les opérateurs logistiques locaux qui, sur un ton menaçant, a envoyé un message aux coursiers selon lequel la continuité du mouvement pourrait conduire à des “actes de violence” dans la ville.35 En recourant à des stratégies de démobilisation à la fois participationnistes et miliciennes, la plus grande application de livraison du Brésil laisse entrevoir l’avenir du pays entre Lula et Bolsonaro – ou nous rappelle simplement que les pelegos [peaux de mouton, bureaucrates syndicaux] et les jagunços [hommes de main, brutes] se sont toujours croisés dans la greyzone des intermédiaires populaires.36

    ...

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    #brésil #coronavirus #ubérisation #non_mouvements #grèves

  • Khrys’presso du lundi 7 novembre 2022
    https://framablog.org/2022/11/07/khryspresso-du-lundi-7-novembre-2022

    Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière. Tous les liens listés ci-dessous sont a priori accessibles librement. Si ce n’est pas le cas, pensez à activer … Lire la suite­­

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  • « Travail et révolte dans l’impasse du Brésil » Première partie

    https://dndf.org/?p=20411#more-20411
    https://illwill.com/work-and-revolt-at-brazils-dead-end

    Traductions DeepL relues par nos soins de deux textes qui nous paraissent intéressants parus sur le site « Ill Will ».

    Nous publions le premier, le second le sera dans quelques jours. dndf

    Militants dans le brouillard – Première partie

    Travail et révolte dans l’impasse du Brésil

    Dans la première partie de cette remarquable note sur la lutte des classes “informelle”, nos camarades de Sāo Paulo explorent les nouveaux styles hybrides de guerre et de travail qui ont généré une vague de révoltes motorisées, de grèves inversées et de blocages itinérants pendant la pandémie au Brésil.

    *

    “Le Brésil n’est pas un terrain ouvert où nous pouvons construire des choses tout de suite pour notre peuple. Il y a beaucoup de choses que nous devons d’abord démanteler, beaucoup de choses que nous devons défaire, avant de pouvoir commencer à construire quelque chose. J’espère que je pourrai au moins servir de point de bascule dans ce sens.” C’est avec ces mots que Jair Bolsonaro s’est adressé au banquet réuni à l’ambassade du Brésil lors de sa première visite à Washington en mars 2019. [1]

    Exactement un an plus tard, le premier décès lié au Covid-19 était confirmé au Brésil. Le panorama apocalyptique des nouvelles qui affluaient de l’étranger sur la propagation de la pandémie contrastait avec la continuité ininterrompue de la routine quotidienne ici. Un scénario flou, qui a créé une atmosphère d’appréhension qui a grandi de jour en jour. La foule inévitable dans les lieux de travail fermés comme les usines, les centres commerciaux et les bureaux, ainsi que dans les bus et les wagons invariablement bondés, a fourni les conditions délétères pour la propagation d’une maladie encore inconnue. C’est dans une entreprise de télémarketing de Bahia que les tensions ont débordé pour la première fois : les travailleurs ont abandonné leur poste de travail et sont descendus dans la rue pour réclamer des mesures de quarantaine. En quelques heures, la scène s’est reproduite dans les centres d’appels de Teresina, Curitiba, Goiânia et d’autres villes. Les images des débrayages sont devenues virales dans les groupes WhatsApp et Facebook, révélant une solution concrète à une situation désespérée : littéralement, « il suffit de partir ! » [2]

    Le coronavirus a donné un ton prémonitoire à une lettre anonyme – ou plus exactement à un “dernier appel à l’aide” – rédigée par les travailleurs d’une chaîne de librairies en février 2020 suite à un incident de harcèlement éhonté. Il est symptomatique qu’un mois avant la pandémie, ils aient déjà décrit leur expérience dans l’entreprise comme celle d’assister à la “masterclass de la fin du monde”. Le “problème avec la fin du monde”, ont-ils conclu, “c’est que quelqu’un doit toujours faire le ménage après. “ [3] En fait, lorsque nous nous sommes retrouvés face à une calamité biologique quelques semaines plus tard, les “bullshit jobs” ont continué à prendre des otages pour faire tourner l’entreprise.

    La comparaison entre les centres d’appels et les quartiers d’esclaves et les prisons, si courante dans les blagues des travailleurs, a soudainement trouvé une confirmation brutale. Pour beaucoup, s’échapper du travail est apparu comme un dernier recours pour ne pas mourir sur le lieu de travail. [5] Malgré un décret présidentiel peu après le début des confinements déclarant qu’il s’agissait de “services essentiels”, dans les semaines qui ont suivi, de nombreux centres d’appels se sont retrouvés vides. De nombreux travailleurs ont commencé à présenter des certificats médicaux (réels ou faux), à manquer le travail sans justification ou à simplement démissionner. Les entreprises ont répondu par des solutions inadéquates telles que le travail à distance, les vacances collectives et les licenciements. [6] La pression des manifestations a été absorbée par la désintégration de l’industrie qui était déjà en cours ici et qui a simplement été accélérée par le virus. [7]

    Aussi rapidement que la pandémie a érodé les conditions de travail dans les domaines les plus divers, la vie s’est adaptée à la “nouvelle normalité”. Nous avons vu des travailleurs revenir de leur licenciement pour faire face à l’infection, tout en étant reconnaissants d’avoir encore un emploi dans un contexte de fermetures d’usines. Nous avons vu des enseignants qui s’opposaient initialement à l’apprentissage à distance s’engager de manière proactive dans la nouvelle routine. Après l’avalanche de licenciements, beaucoup de ceux qui sont restés dans le secteur des services ont dû se soumettre à des réductions de salaires et d’heures de travail conçues par le gouvernement fédéral (bien qu’en vérité, les heures de travail dans les entreprises n’aient pas vraiment changé). Et si les grèves des chauffeurs de bus et des receveurs sont devenues plus récurrentes dans le pays tout au long de l’année 2020, c’est parce que les grèves étaient le seul moyen restant pour garantir les salaires dans un contexte de réduction du nombre de passagers et de crise dans le secteur des transports. [8]

    Le pouvoir destructeur du coronavirus s’est combiné, ici, avec la vague de dévastation qui était déjà en cours. Ce “mouvement de destruction des forces productives”, une sortie d’urgence déclenchée par le capital en réponse à la révolte sociale déclenchée en 2013, a trouvé une incarnation dans la figure incendiaire d’un capitaine de l’armée à la retraite lors des élections de 2018. [9] Lorsqu’une crise s’avère impossible à gérer, c’est la crise elle-même qui devient un modèle de gestion. Là où certains pourraient voir un gouvernement inefficace, notre agent autoproclamé de la déconstruction révèle l’efficacité de la négation : tout comme le chaos est une méthode, “ne pas gouverner est une forme de gouvernement.” [10] En dressant systématiquement des barrages aux recommandations des scientifiques pour le contrôle de la pandémie, Bolsonaro n’a jamais été à proprement parler un “négationniste” ; au contraire, “il est lui-même un vecteur du virus, il est pleinement identifié au virus”. [11] Comme il l’a déclaré en 2017, “Je suis un capitaine de l’armée, ma spécialité est de tuer, pas de sauver qui que ce soit”. [12]

    En août 2020, alors que le Brésil s’approchait encore des cent mille décès enregistrés de la COVID, des enquêtes ont mis en garde contre un autre indice inquiétant révélant que moins de la moitié de la population en âge de travailler travaillait réellement. [13] Si la diminution du ratio emploi/population au niveau plus bas de l’histoire récente pouvait être considérée comme une accélération de l’élimination des travailleurs jetables, sous un autre angle, cependant, le même tableau dévastateur produisait quelque chose de nouveau : “nous observions déjà au Brésil un scénario prometteur pour cette nouvelle façon de travailler et la pandémie a poussé davantage de personnes à chercher d’autres moyens de mener leurs activités et de générer des revenus”, a expliqué le vice-président de l’extension internationale d’une application utilisée par les entreprises pour embaucher des freelances dans 160 pays, qui arrive maintenant au Brésil. [14] Après l’apocalypse, Uber ?

    ...

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    #brésil #coronavirus #ubérisation #brésil #non_mouvements #grèves

  • UNION EUROPÉENNE, SYSTÈME BANCAIRE, PRIX : L’ÉTAT AU SERVICE DU MARCHÉ – David Cayla
    https://www.les-crises.fr/union-europeenne-systeme-bancaire-prix-l-etat-au-service-du-marche-david-

    David Cayla est économiste, membre des économistes atterrés. Ses travaux portent principalement sur l’économie de l’Union européenne, sur le #Néolibéralisme et l’histoire de la pensée économique. Auteur avec Coralie Delaume de « La Fin de l’Union européenne (Michalon 2017) » il vient de publier « Déclin et chute du néolibéralisme : Covid, inflation, pénuries : comment reconstruire l’économie sur […]

    #Non_classé #Union_européenne

  • Khrys’presso du lundi 31 octobre 2022
    https://framablog.org/2022/10/31/khryspresso-du-lundi-31-octobre-2022

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  • Aux origines de l’effondrement du service public de santé
    https://lvsl.fr/leffondrement-du-service-public-de-sante

    Considéré jusqu’au début des années 2000 comme le meilleur du monde, le service public de santé français avec ses deux piliers, l’hôpital public et les professionnels de santé de premier recours, s’effondre peu à peu. Cet article porte sur l’analyse structurelle de cette destruction progressive et dresse le tableau alarmant de l’évolution de la démographie des soignants. Ce texte est une nouvelle version d’une série de trois articles de Frédérick Stambach et Julien Vernaudon initialement parus sur le site de la revue Respublica.

    Le système de santé français a longtemps fait office d’exemple à l’international, au début des années 2000 il était même considéré comme le meilleur au monde. A la suite d’une destruction incrémentale du fondement même de notre système de santé, quel que soit les majorités gouvernementales, celui-ci est dorénavant à l’agonie. Les déserts médicaux progressent et l’hôpital public est au bord de l’implosion du fait de la diminution du nombre de lits, l’introduction en force du Nouveau management public et la dégradation des conditions de travail entraînant le départ en masse de personnels soignants épuisés et écœurés.

    Nous considérons que le point d’entrée dans le système de santé pour l’immense majorité de la population est l’hôpital public par le biais des urgences et ce que nous nommerons les professionnels de santé de premier recours (PSPR), par définition conventionnés en secteur 1. Ces derniers sont représentés par les médecins généralistes principalement mais il existe également d’autres « portes d’entrée » subtiles et souvent méconnues. C’est le cas notamment des pharmacies d’officine et, dans une moindre mesure, des infirmier(e)s et kinésithérapeutes libéraux. Pour les jeunes enfants, la Protection Maternelle et Infantile (PMI) lorsqu’elle existe encore sur le territoire peut également avoir ce rôle. Les chirurgiens-dentistes et les sage-femmes font également partie des PSPR.

    Mais d’une façon générale et majoritaire, lorsqu’un patient a un problème de santé (en dehors des grosses urgences) il va se rendre chez son médecin généraliste ou chez son pharmacien. C’est uniquement si ces deux voies sont fermées qu’il se rendra aux urgences directement.

    La pénurie médicale et la fermeture progressive des pharmacies d’officine, notamment en milieu rural, entraînent donc une suppression pure et simple de l’accès au système de santé, en particulier pour les classes populaires. Les services d’urgence, en grande souffrance, ne peuvent compenser la pénurie médicale de généralistes sur le territoire.

    La situation est complexe et assez catastrophique par bien des aspects, en particulier parce qu’elle relève de décisions gouvernementales qui, pour des raisons budgétaires mais pas uniquement, ont choisi délibérément de mettre en danger sanitaire la population française dans son ensemble. Cependant, les effets sont encore plus dramatiques pour les plus démunis, témoignant ainsi d’une politique de classe très violente : nous parlons ici de ceux qui ont la possibilité de se soigner ou pas.

    Nous allons revenir brièvement sur l’histoire de l’organisation puis de la désorganisation des médecins généralistes et de l’hôpital public, ensuite nous évalueront la situation actuelle (peu brillante) en termes d’effectifs soignants. Nous proposerons pour terminer une analyse politique et nos propositions pour changer de paradigme.

  • COMBATTRE L’EFFONDREMENT FINANCIER ET ENVIRONNEMENTAL EN COURS – Gaël Giraud
    https://www.les-crises.fr/combattre-l-effondrement-financier-et-environnemental-en-cours-gael-girau

    Gaël GIRAUD est économiste et prêtre jésuite. Directeur de recherches au CNRS, il dirige depuis 2021 le programme de justice environnementale à l’université de Georgetown. Depuis plusieurs années, il alerte sur les risques d’effondrement économique, financier et environnemental pesant sur notre civilisation. À l’occasion de la parution de son nouveau livre « Composer un monde en […]

    #Non_classé #Catastrophe_environnementale #Changement_climatique #Crise_économique #Crise_financière #Non_classé,_Catastrophe_environnementale,_Changement_climatique,_Crise_économique,_Crise_financière

  • Examen de la LOPMI : Refusons les policiers programmés
    https://www.laquadrature.net/2022/10/28/examen-de-la-lopmi-refusons-les-policiers-programmes

    Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), Paris, le 28 octobre 2022. La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (la « LOPMI ») a été adoptée au Sénat et sera débattue à l’Assemblée…

    #Non_classé

  • Khrys’presso du lundi 24 octobre 2022
    https://framablog.org/2022/10/24/khryspresso-du-lundi-24-octobre-2022

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  • ENQUÊTE. Aides sociales : ces milliards d’euros que les Français ne réclament pas, Marjolaine Koch, cellule investigation de Radio France
    https://www.francetvinfo.fr/economie/menages/allocations-familiales/enquete-aides-sociales-ces-milliards-deuros-que-les-francais-ne-reclame
    https://www.francetvinfo.fr/pictures/gLxgNPfeS_SjSs3IZELc8UNTyIg/1500x843/2022/10/20/phpW052Sf.jpg
    Plusieurs milliards d’euros d’aides sociales restent non réclamés chaque année, souvent à cause de la complexité des démarches. (BOONCHAI WEDMAKAWAND / GETTY IMAGES)

    Près de 30% des personnes pouvant prétendre à toucher une aide sociale ne la perçoivent pas, souvent à cause de la complexité des démarches. L’économie pour les caisses de l’État est évaluée à plusieurs milliards d’euros.

    Tout citoyen s’est trouvé confronté, un jour, à l’enrayement de la machine administrative. Aux documents à fournir deux fois, à un courrier de refus obscur ou à la réclamation d’un trop-perçu. Que l’organisme soit #Pôle_emploi, la Maison départementale pour les personnes handicapées (#MDPH) ou la Caisse d’allocations familiales (#CAF), les déboires des uns et des autres se ressemblent.

    Caroline Boudet par exemple, mère de Louise, 7 ans, atteinte de trisomie 21, consacre une partie de son temps à remplir plusieurs dossiers de 20 pages pour accéder à des heures d’assistance à l’école ou pour disposer d’une aide financière complémentaire pour les séances de psychomotricité. « Lorsqu’il s’agit de demander une aide pour son enfant concernant la rentrée suivante, on doit s’y prendre un an à l’avance, étant donné les délais d’instruction », explique-t-elle. Mais parfois, malgré la détermination et l’anticipation, c’est l’impasse. Ainsi, la famille a essuyé un refus inexpliqué. « Nous sommes allés deux fois jusqu’au tribunal administratif pour faire reconnaître notre droit à bénéficier d’une allocation complémentaire, raconte Caroline Boudet. Je comprends qu’il y ait tant de gens qui renoncent face à la lourdeur de tout cela. »

    De son côté, Sabrina, en reconversion pour devenir ingénieure en informatique, attend avec impatience le moment où elle pourra se passer de Pôle emploi. En juin 2022, le Covid-19 l’a contrainte à s’arrêter une semaine, ce qui a perturbé le versement de ses allocations. Pôle emploi lui a alors versé une partie de ses indemnités, qui devaient être complétées par l’Assurance maladie. Mais un mois plus tard, un courrier l’avertit qu’elle a touché 115 euros de trop-perçu qu’elle doit rembourser. « J’ai fait les démarches pour demander une annulation de la dette, mais personne ne m’a répondu, déplore-t-elle. Comme l’échéance de remboursement arrivait, j’ai contacté ma conseillère Pôle emploi via la messagerie pour savoir quoi faire, car je suis incapable de rembourser cette somme. Mais elle clôturait systématiquement la conversation sans m’apporter de réponse. » Autant de procédures fastidieuses et décourageantes.

    (...) Selon un récent rapport de la Défenseure des droits, la numérisation a complexifié les démarches pour 13 millions d’usagers.

    (...) une habitude a été prise par Bercy. Chaque budget est construit non pas en estimant le nombre d’#ayants-droits, mais le nombre d’usagers qui feront les démarches.

    #non_recours #numérisation #droits_sociaux

    • L’article comporte beaucoup de contre-vérités, comme l’idée que la fusion de l’aide au parent isolé et du RMI, c’était pour faciliter les démarches  : plus faux que ça, tu meurs.
      Ou ne pas expliquer que les prestations sociales, ce n’est pas que pour les pauvres et que le gros du truc, ce sont les retraites et la santé qui sont censées profiter à tous, mais qui sont logiquement plus lourdes pour les plus aisés.

      En 2019, le solde de la protection sociale continue de s’améliorer pour atteindre 13,3 milliards d’euros (données semi-définitives). Il est excédentaire pour la troisième année consécutive (+ 4,6 milliards en 2017, + 9,7 milliards en 2018). Cette amélioration est due à une croissance des ressources (+ 2,7 % en 2019) supérieure à celle des dépenses (+ 2,3 %). Ces dernières s’élèvent à 809,1 milliards d’euros, dont 761,7 milliards d’euros de prestations (31,2 % du PIB), tandis que les ressources s’élèvent à 822,5 milliards d’euros.

      En 2019, les prestations augmentent de 2,6 % après 1,9 % en 2018. Elles sont réparties en six risques sociaux (figure 1). Les risques vieillesse-survie et santé représentent 81 % du total des prestations . En 2019, ces deux risques contribuent le plus à la hausse des prestations sociales (+ 0,9 point chacun). Les pensions, tout comme les remboursements de soins, progressent avec le vieillissement de la population. Néanmoins, avec une augmentation de 2,1 %, après + 2,5 % en 2018, les prestations vieillesse‑survie croissent moins vite en 2019, en raison de la sous‑indexation exceptionnelle des pensions de retraite sur les prix (+ 0,3 % en moyenne, après + 0,6 % en 2018), ainsi que de la baisse du nombre de nouveaux retraités. À l’inverse, les prestations santé accélèrent en 2019 (+ 2,4 % après + 2,1 %), portées notamment par la forte hausse des soins hospitaliers et par la revalorisation exceptionnelle de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

      France, portrait social Édition 2021

  • Khrys’presso du lundi 17 octobre 2022
    https://framablog.org/2022/10/17/khryspresso-du-lundi-17-octobre-2022

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  • Face à la justice, la mairie de Marseille défend la vidéosurveillance algorithmique
    https://www.laquadrature.net/2022/10/11/face-a-la-justice-la-mairie-de-marseille-defend-la-videosurveillance-a

    Alors que le changement de majorité à la mairie de Marseille nous avait un temps laissé croire à l’abandon des projets technopoliciers hérités de la mandature précédente, plus le temps passe et plus la douche…

    #Non_classé

  • Khrys’presso du lundi 10 octobre 2022
    https://framablog.org/2022/10/10/khryspresso-du-lundi-10-octobre-2022

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  • Chômage : au moins 25% des salariés éligibles ne recourent pas à l’indemnisation, selon un rapport du ministère du Travail
    https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/chomage/chomage-au-moins-25-des-salaries-eligibles-ne-recourent-pas-a-l-indemni

    « Entre 25% et 42% » des salariés qui pourraient prétendre à l’assurance-chômage n’y ont pas recours, selon un rapport de la Direction des statistiques du ministère du Travail (Dares), précisant que cela "représente sur un an entre 390 000 et 690 000 personnes non recourantes".

    Ce rapport, consulté lundi 3 octobre par l’AFP alors que s’ouvrent à l’Assemblée les débats sur le projet de loi sur l’assurance-chômage, note que ce non-recours « a été peu étudié » et reste un phénomène « difficile à mesurer ». L’étude, dévoilée par le quotidien Les Echos, court de novembre 2018 à octobre 2019, soit avant la crise sanitaire et la dernière réforme de l’assurance-chômage.

    « Le défaut d’information », un des motifs de non-recours

    Selon l’hypothèse centrale du rapport, "environ 30% des personnes âgées de 25 à 60 ans qui connaissent une fin de contrat dans le secteur privé sans être inscrites préalablement à Pôle emploi et qui remplissent les critères d’éligibilité ne recourent pas à l’assurance-chômage". Les auteurs notent que cette proportion est « comparable » à celle observée sur d’autres prestations sociales, citant les taux de « 34% pour le RSA » et "32% pour les retraites".

    Trois spécificités sont néanmoins pointées : les salariés en contrat temporaire (intérim et CDD) recourent « significativement moins » à l’assurance-chômage que les salariés en fin de CDI. Les non-recourants ont aussi travaillé moins longtemps que les recourants, et leurs droits potentiels sont donc « plus faibles ». Enfin, les non-recourants retrouvent un emploi plus vite que les recourants. 

    Concernant les motifs de non-recours, le document avance « deux grandes familles d’explication » : le « défaut d’information » et le « défaut de sollicitation ». Dans le premier cas, les personnes peuvent avoir des doutes sur leur éligibilité. Dans le second, il peut s’agir d’un arbitrage coûts/bénéfices défavorable : « crainte de la stigmatisation, démarches administratives, contrôles, etc. ».

    #chômage #Droit_au_chômage #non-recours

  • Khrys’presso du lundi 3 octobre 2022
    https://framablog.org/2022/10/03/khryspresso-du-lundi-3-octobre-2022

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  • #David_Van_Reybrouck : « Il existe une forme de #colonisation de l’avenir »

    Dix ans après l’épais « Congo, une histoire », l’historien flamand déploie une histoire de la #décolonisation de l’#Indonésie. Entretien sur la #mémoire_coloniale, la #révolution et l’#héritage du #non-alignement forgé lors de la #conférence_de_Bandung en 1955.

    « Ce qui rend la Revolusi indonésienne passionnante, c’est l’énorme impact qu’elle a eu sur le reste de l’humanité : non seulement sur la décolonisation d’autres pays, mais plus encore sur la coopération entre tous ces nouveaux États. »

    David Van Reybrouck, écrivain et essayiste, auteur notamment de Congo, une histoire (prix Médicis Essai 2012), de Contre les élections ou de Zinc est un touche-à-tout obsédé par la volonté d’élargir sans cesse le spectre et le registre des expériences, qu’il s’agisse de promouvoir des innovations démocratiques ou des manières d’écrire l’histoire.

    Pour rédiger Revolusi. L’Indonésie et la naissance du monde moderne, que viennent de publier les éditions Actes Sud dans une traduction d’Isabelle Rosselin et Philippe Noble, David Van Reybrouck a mené près de deux cents entretiens dans près d’une dizaine de langues, et fait un usage inédit de Tinder, s’en servant non comme d’une application de rencontres mais comme un moyen de contacter les grands-parents de celles et ceux qui voulaient bien « matcher » avec lui dans tel ou tel espace du gigantesque archipel indonésien.

    Le résultat de cinq années de travail fait plus de 600 pages et remonte une histoire mal connue, d’autant que les Pays-Bas ont longtemps mis un écran entre leur monde et la violence du passé colonial de leur pays, mis en œuvre non pas par la Couronne ou le gouvernement lui-même mais par la VOC, la Compagnie Unie des Indes orientales, parce que « l’aventure coloniale néerlandaise n’a pas commencé par la soif de terres nouvelles, mais par la recherche de saveurs ».

    Cela l’a mené à la rencontre d’un géant démographique méconnu, et à une mosaïque politique et linguistique inédite, puisqu’un terrien sur 27 est indonésien, et que 300 groupes ethniques différents y parlent 700 langues. Entretien sur la mémoire coloniale, la révolution et l’héritage du non-alignement forgé lors de la conférence de Bandung en 1955.

    Mediapart : Zinc racontait le destin des plus petites entités territoriales et démographiques du monde. À l’inverse, votre dernier ouvrage déroule une copieuse histoire de l’Indonésie, fondée sur de très nombreux entretiens oraux. Pourquoi l’Indonésie demeure-t-elle pour nous un « géant silencieux », pour reprendre vos termes ?

    David Van Reybrouck : L’Indonésie est devenue un pays invisible, alors qu’il y a encore une soixantaine d’années, elle dominait la scène internationale, surtout après la conférence de Bandung de 1955 [qui réunissait pour la première fois les représentants de 29 pays africains et asiatiques - ndlr], qu’on peut qualifier de « 14-Juillet » à l’échelle mondiale.

    Sukarno, son président, était alors reçu à Washington, au Vatican, en Chine. Comment un pays aussi central dans les années 1940-1950 a-t-il pu devenir aussi invisible, alors qu’il demeure la quatrième puissance au monde, par sa démographie, et qu’il est devenu un acteur économique essentiel en Asie du Sud-Est ?

    J’ai l’impression que plus son économie devient importante, plus sa diplomatie devient discrète. C’est une grande démocratie qui, pour sa taille, se porte bien si on la compare à l’Inde ou même aux États-Unis, même s’il y a des tensions, notamment entre l’État laïc et l’État musulman, comme en Turquie.

    L’importance de l’Indonésie au sortir de la guerre était aussi liée à la figure de Sukarno, atypique dans le paysage politique indonésien : flamboyant, charismatique, charmeur, vaniteux, insupportable, brillant. Il me fait penser à Mohamed Ali en raison de la vitesse à laquelle il débitait ses mots. Il pouvait enthousiasmer l’audience.

    Le président actuel, Joko Widodo, surnommé Jokowi, est compétent, mais il a la particularité d’être un petit commerçant n’appartenant ni à l’élite traditionnelle ni à celle qui s’est forgée pendant et après l’indépendance.

    Pourquoi avoir choisi de raconter l’émancipation de l’Indonésie, dix ans après votre somme sur le « Congo » ?

    Pour des raisons à la fois subjectives et objectives. C’est un pays immense dont on ne parle jamais, le premier pays à avoir proclamé son indépendance, deux jours après la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais cela demeure peu connu, même les Indonésiens ne s’en vantent pas.

    J’étais encore au Congo en train de faire mes recherches dans une petite ville proche de l’océan lorsque j’ai rencontré un bibliothécaire de l’époque coloniale qui n’avait plus que 300 livres en flamand. Parmi eux se trouvait Max Haavelar, le grand roman anticolonial hollandais du XIXe siècle – l’équivalent de Moby Dick ou de La Case de l’Oncle Tom –, écrit par Eduard Douwes Dekker, dit Multatuli, un pseudonyme emprunté au latin qui signifie « J’ai beaucoup supporté ». Le roman est écrit à partir de son expérience de fonctionnaire envoyé aux Indes néerlandaises, où il découvre l’exploitation coloniale dans la culture du café.

    À partir de ce point de départ, j’avais gardé en tête l’idée de m’intéresser à l’Indonésie, d’autant que le roi belge Léopold II s’est beaucoup inspiré de la colonisation hollandaise, notamment du principe d’utiliser l’aristocratie indigène pour mener une politique de domination indirecte. Max Havelaar dépeint d’ailleurs très bien la corruption de l’élite indigène qui exploite son propre peuple.

    Pourquoi insister sur l’idée de révolution plutôt que celle de « guerre d’indépendance » pour désigner ce qui s’est déroulé en Indonésie en 1945 ?

    Ce fut à la fois une révolution et une guerre d’indépendance. La proclamation d’indépendance, le 17 août 1945, n’a pas été jugée crédible par les Occidentaux, et les Britanniques ont cru pouvoir reprendre le contrôle du territoire et le redonner aux Hollandais. Mais cela a provoqué une colère immense de la jeunesse indonésienne, dont j’ai retrouvé des témoins qui racontent une expérience particulièrement humiliante et répressive de la colonisation britannique dans les années 1930.

    Lorsque les Japonais arrivent en Indonésie en 1942, ils commencent par donner à cette jeunesse une leçon de fierté. Ils politisent les jeunes générations à travers des slogans, des entraînements de gymnastique, des films, des affiches… À partir de 1943, cette politisation se militarise, et les jeunes apprennent à manier les armes, à faire d’une tige de bambou verte une arme blanche.

    Mais les nonagénaires que j’ai interviewés, qui avaient pu au départ accueillir les Japonais avec reconnaissance, virent ensuite leurs pères emmenés de force comme travailleurs, des millions de personnes mourir de la famine en 1944, leurs sœurs et leurs mères enlevées pour les troupes japonaises pour devenir « des femmes de réconfort ».

    La sympathie initiale pour les Japonais s’est retournée contre eux, et la guerre d’indépendance contre les colons a ainsi pris l’air d’une révolution comparable à la Révolution française, mais menée par des personnes beaucoup plus jeunes. La volonté de renverser le régime était présente d’emblée. Alors que Sukarno était encore en train de négocier avec les Japonais, ce sont les plus jeunes qui l’ont poussé à proclamer l’indépendance sans attendre, avec une certaine improvisation et un drapeau indonésien cousu par sa femme la veille…

    Très vite, on a établi les ébauches de ce nouvel État. Début septembre, les Britanniques arrivent. Les Hollandais sont toujours dans les camps d’internement du Japon, ou alors partis en Australie ou au Sri Lanka. Les Britanniques assurent préparer le retour, désarmer les Japonais. Un premier bateau arrive, puis un deuxième, avec quelques officiers hollandais à bord et des parachutistes pour aller dans les camps d’internement des Japonais.

    Comme souvent dans les révolutions, celle-ci a eu sa part de violence, avec des atrocités commises envers les Indo-Européens, les Chinois et les Hollandais détenus dans les camps par les Japonais, et un bilan total qu’on a longtemps estimé à 20 000 morts, mais que certains estiment aujourd’hui plutôt autour de 6 000.

    Vous avez rencontré des survivants des massacres commis par les Hollandais. Beaucoup vous ont dit : « Vous êtes le premier Blanc à venir nous interroger. » Est-ce que cela vous a questionné ?

    J’ai interviewé presque 200 personnes, la plupart avaient au-delà de 90 ans. J’ai passé un an sur le terrain, même si ça n’était pas d’un bloc. Pour mon livre Congo, j’avais onze cahiers d’entretiens. Là, j’en avais 28. Je me suis retrouvé avec une documentation extrêmement riche. Il fallait organiser tout cela avec des résumés des entretiens, des schémas pour les axes chronologiques, les protagonistes, les figurants…

    Personne n’a refusé de témoigner et j’étais assez étonné de ce qui s’est dévoilé. La plupart des témoins parlent plus facilement des moments où ils étaient victimes que bourreaux, mais j’ai retrouvé des Hollandais et des Indonésiens qui n’hésitaient pas à décrire en détail les tortures qu’ils avaient eux-mêmes commises.

    J’avais la crainte qu’on juge que ce n’était pas à un Blanc de raconter cette histoire, mais j’avais la facilité de pouvoir dire que j’étais belge. Beaucoup de mes témoins ne connaissaient pas la Belgique. La différence aussi est que le souvenir du passé colonial est peut-être moins vif en Indonésie qu’au Congo, qui demeure dans une situation économique pénible. Même si l’Indonésie est un pays pauvre, il se trouve dans une dynamique positive.

    Comment la mémoire du passé colonial est-elle organisée en Indonésie et aux Pays-Bas ?

    Je suis frappé par le talent de l’oubli de la mémoire coloniale indonésienne. Nous, nous sommes obsédés par le passé. C’est important de le travailler, d’avoir une introspection morale, mais il faut aussi le laisser cicatriser pour avancer. Le livre se termine avec l’idée que le rétroviseur n’est pas le seul champ de vision à explorer.

    Souvent les traumatismes sont trop grands, la souffrance est encore trop forte, mais il existe aussi un conditionnement culturel différent. Pour la jeune génération indonésienne, l’époque coloniale est révolue. On trouve des cafés à Djakarta décorés dans un style colonial. Il y a en quelque sorte une appropriation culturelle du passé colonial, qui se voit lors de la fête de l’Indépendance, où il existe un folklore inspiré de la Hollande mais où personne ne parle de ce pays.

    Un sondage de YouGov, commandé par les Britanniques, a récemment cherché à savoir quelle était la nation la plus fière de son passé colonial. Les Britanniques, qui ont encore des colonies, pensaient que ce serait eux. Et, à leur grande surprise et soulagement, ce sont les Hollandais qui remportent haut la main ce triste concours de mémoire coloniale ! Plus de 50 % des sondés hollandais sont fiers du passé colonial, et seulement 6 % expriment de la honte…

    Ces dernières années, il y a cependant eu une accélération aux Pays-Bas de la mise en mémoire du passé colonial avec des excuses du roi, du premier ministre, une exposition au Rijksmuseum d’Amsterdam…

    Mais cette histoire demeure largement ignorée. Ma compagne est hollandaise, mais s’étonnait chaque soir de ce que je lui racontais et qui ne lui avait pas été enseigné, comme l’existence d’un véritable « goulag » où étaient envoyés, dans les années 1920-1930, les indépendantistes et les communistes, ou le fait que la Hollande exigeait des milliards de florins pour reconnaître l’indépendance et payer le coût de la guerre qu’elle avait perdue…

    Le non-alignement, qu’on a vu ressurgir au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a-t-il le même sens qu’en 1955 ? On voit comment il peut tendre à se confondre avec un refus de prendre la mesure de l’impérialisme russe. Vous semble-t-il malgré cela une position d’avenir ?

    Je trouve que nous assistons là à une perversion du mouvement du non-alignement. L’esprit de Bandung consiste à refuser l’impérialisme et constitue un mouvement moral fondé sur les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité. Si n’être pas aligné aujourd’hui, c’est ne pas s’exprimer sur la Russie, un Nehru, un Nasser ou un Mandela ont de quoi se retourner dans leur tombe. Le non-alignement est un idéalisme géopolitique, pas la somme de calculs économiques.

    Vous écrivez : « Même si nous parvenons un jour à apurer complètement le passif du colonialisme d’antan, nous n’aurons encore rien fait pour enrayer la colonisation dramatique à laquelle nous nous livrons aujourd’hui, celle de l’avenir. L’humanité confisque le siècle à venir avec la même rigueur impitoyable dont elle fit preuve aux temps anciens pour s’approprier des continents entiers. Le colonialisme est un fait non plus territorial, mais temporel. » Solder les comptes du colonialisme est-il une priorité si on veut faire face collectivement à un défi qui se situe à l’échelle planétaire ?

    Le passé est une plaie qu’on a très mal guérie, pas seulement dans le Sud. Elle continue à ternir ou à influencer les rapports entre Nord et Sud. Il faut s’occuper de cette plaie, d’autant plus qu’elle est toujours grande ouverte, comme le montre une carte des pays les plus vulnérables au changement climatique qui est superposable à celle des anciens pays colonisés. Ce qui se joue avec le changement climatique, ce n’est pas un ours polaire sur une banquise qui fond, c’est d’abord ce qui arrive aux peuples du Sud. Quand on parle de colonialisme, on pense en premier lieu au passé, mais il existe une forme de colonisation de l’avenir qui est menée par les mêmes pays qui ont été les acteurs du colonialisme du passé. Il est faux de dire que c’est l’humanité en général qui est responsable du changement climatique, les responsabilités ne sont pas égales.

    Pourquoi écrivez-vous alors que « le quatrième pays du monde n’aurait jamais vu le jour sans le soutien d’adolescents et de jeunes adultes – encore que j’ose espérer que les jeunes activistes de la “génération climat” recourent à des tactiques moins violentes ». Ne faut-il pas une « revolusi » pour le climat ?

    J’ai travaillé sur ce livre au moment où le mouvement de Greta Thunberg faisait parler de lui. Il y avait un regard condescendant sur ces adolescents, les considérant comme une forme politique non sérieuse. Regardez pourtant ce que la jeunesse a fait en Indonésie. Si le pays en est là, c’est grâce aux jeunes, même si j’espère que Greta Thunberg ne va pas se saisir de lances en bambou !

    Je participe à différentes conventions sur le climat qui se déroulent mieux qu’en France, où la transmission vers le politique a été mal faite. Je pense qu’il faut plutôt penser à une désobéissance civile, qui relève d’abord pour moi d’une désobéissance fiscale. Au milieu du XIXe siècle, David Thoreau refuse de payer l’impôt dans l’État du Massachusetts à cause de l’esclavagisme et de la guerre contre le Mexique. Il a été arrêté au bout de six ans.

    Regardons le budget de nos États, et calculons quel pourcentage des dépenses de l’État belge ou hollandais va vers le secteur fossile. Si c’est 18 %, on enlève 18 % de nos impôts et on le met au pot commun. Quand les lois ne sont pas justes, il est juste de leur désobéir.

    Dans la longue liste de vos remerciements, vous remerciez un tableau, « Composition en noir » de Nicolas de Staël, c’est étrange, non ?

    Je remercie deux peintures, celle que vous évoquez et une d’Affandi, un peintre indonésien. J’étais en train d’écrire, je cherchais encore le bon registre pour décrire les atrocités, sans esquiver les détails, mais sans perdre de vue l’ensemble. J’ai une passion pour la peinture et les arts plastiques, qui me vient de ma mère, elle-même peintre. Je me trouvais donc à Zurich, en pleine écriture de mon livre, et je vois cette toile qui m’a montré le chemin, fait de noirceur, d’humanisme, de précision et de lueur aussi. Celle d’Affandi aussi, parce qu’elle était faite de violence et de joie. Il aurait été considéré comme un peintre majeur s’il avait été américain ou français.

    La forme originale, très personnelle de cet ouvrage, comme celui sur le Congo, interpelle. Vous humanisez une histoire abstraite en ayant recours à la non-fiction littéraire. Pourquoi ? Pour la rendre plus accessible ?

    Le discours sur le Congo est trop souvent un monologue eurocentrique. Je voulais rédiger un dialogue en donnant la parole aux Congolais, mais aussi en écoutant des Belges. Dans ce livre sur l’Indonésie, je ne vais pas seulement du monologue vers le dialogue, mais je tends vers la polyphonie. Je suis parti aussi au Japon ou au Népal. Il était important de montrer la dimension internationale de cette histoire et de ne pas la réduire aux rapports verticaux et en silo entre les anciennes métropoles et les anciennes colonies, d’où le sous-titre de l’ouvrage : « et la naissance du monde moderne ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/011022/david-van-reybrouck-il-existe-une-forme-de-colonisation-de-l-avenir
    #Pays-Bas #violence #passé_colonial #livre #Sukarno #guerre_d'indépendance #politisation #fierté #Japon #torture #oubli #appropriation_culturelle #plaie #colonisation_de_l'avenir #désobéissance_civile #désobéissance_fiscale

    ping @cede

    • #Revolusi. L’Indonésie et la naissance du monde moderne

      Quelque dix ans après "Congo", David Van Reybrouck publie sa deuxième grande étude historique, consacrée cette fois à la saga de la décolonisation de l’Indonésie - premier pays colonisé à avoir proclamé son indépendance, le 17 août 1945. Il s’agit pour lui de comprendre l’histoire de l’émancipation des peuples non européens tout au long du siècle écoulé, et son incidence sur le monde contemporain.
      Fidèle à la méthode suivie dès son premier ouvrage, l’auteur se met lui-même en scène au cours de son enquête, alternant sans cesse, et avec bonheur, exposé de type scientifique et “reportage” à la première personne – ce qui rend la lecture de l’ouvrage à la fois aisée et passionnante.

      https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/revolusi

  • Khrys’presso du lundi 26 septembre 2022
    https://framablog.org/2022/09/26/khryspresso-du-lundi-26-septembre-2022

    Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière. Tous les liens listés ci-dessous sont a priori accessibles librement. Si ce n’est pas le cas, pensez à activer … Lire la suite­­

    #Claviers_invités #Internet_et_société #Libr'en_Vrac #Libre_Veille #Non_classé #GAFAM #Internet #Revue_de_web #Revue_hebdo #Surveillance #veille #webrevue

  • Réforme du calcul de l’APL : le cauchemar des agents de la CAF, Isabelle Rey-Lefebvre, Luc Martinon, 19 mars 2022

    Le cabinet de conseil #McKinsey a été missionné dès 2018 pour remédier à des difficultés informatiques [sic]. Il aura touché près de 4 millions en plus de deux ans mais, sur le terrain, la mise en application reste laborieuse.

    Un problème ? Un cabinet de conseil ! C’est, en substance, la conclusion à laquelle aboutissent, dans leur rapport publié jeudi 17 mars, les sénateurs membres de la commission d’enquête sur le recours aux cabinets de conseil privés des administrations, plutôt qu’à leurs ressources humaines internes. Rien qu’en 2021, les Capgemini, Ernst & Young, Boston Consulting Group et autres Deloitte auront facturé 1 milliard d’euros à l’Etat, trois fois plus qu’en 2018. Le résultat est-il là ? Pas avec la refonte du calcul de l’allocation logement (environ 15 milliards d’euros versés à 6,5 millions de ménages).

    Ce chantier, dit de « contemporanéisation », est pourtant crucial car il préfigure la réforme de calcul d’autres aides sociales perçues, elles, par 20 millions de ménages. C’est ce qu’a confirmé le candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron en présentant son programme, jeudi : « Pour les plus précaires, je souhaite qu’on puisse mettre en place la solidarité à la source, a-t-il développé. Le revenu de solidarité active, les allocations logement, les allocations familiales, ces dispositifs très segmentés (…) nous allons les simplifier (…) comme le prélèvement de l’impôt à la source et le fait de rendre les aides au logement contemporaines du revenu, une grande réforme du quinquennat » qui s’achève.

    Entré en vigueur en 2021, le nouveau mode de calcul des allocations logement était, en effet, censé devenir plus rapide, s’ajuster aux derniers revenus « en temps réel » et aller puiser à la source les données sur les revenus des allocataires, ainsi dispensés de déclarations trimestrielles. Il devait, en outre, permettre de faire économiser plus d’un milliard d’euros par an au budget de l’Etat. Ces objectifs sont certes atteints, mais dans la douleur et au détriment des allocataires car, malgré les 3,88 millions d’euros d’honoraires versés au cabinet de conseil McKinsey pour piloter le projet, l’opération a plutôt provoqué un crash informatique dont les conséquences empoisonnent encore aujourd’hui la vie des allocataires et le travail des agents des caisses d’allocations familiales (CAF) de la France entière.

    « Délais et retards »

    Les sénateurs refont la chronologie des incidents. Les premières difficultés, en particulier informatiques, apparaissent fin 2018 et le cabinet de conseil McKinsey est une première fois missionné pour « un premier audit sur la sécurisation de la gouvernance du projet », facturé 463 620 euros. Il révèle « un défaut technique majeur de la solution informatique de la Caisse nationale des allocations familiales [CNAF] ». En décembre 2019, la CNAF déplore « un incident technique d’ampleur, nécessitant un suivi du projet jusqu’au niveau du ministre du logement ». McKinsey est rappelé pour un diagnostic et « l’évaluation du calendrier », qu’il facture 1,101 million d’euros. Une nouvelle mission sur la sécurisation du déploiement de la réforme est demandée en avril 2020, facturée 2,316 millions d’euros.

    Les sénateurs relèvent aussi, et non sans étonnement, que McKinsey participe aux réunions de suivi hebdomadaire en présence du directeur du cabinet du ministre du logement – Julien Denormandie à cette date – et adresse parfois ses recommandations sous le sceau de l’administration, comme, détaille le rapport, c’est le cas d’un document de « présentation de la réforme » daté du 10 juillet 2020 qui annonce qu’elle « constitue la clé de voûte concernant la généralisation de la prise en compte des ressources contemporaines pour l’ensemble des prestations sociales ».

    Les sénateurs concluent : « Cet exemple démontre la dépendance de l’Etat dans le domaine informatique pour une réforme pourtant prioritaire, avec des conséquences concrètes sur le quotidien des Français. » Le ministère du logement, cité dans le rapport, s’en défend : « La maîtrise technique des systèmes d’information apportée par les consultants a constitué un apport nécessaire et décisif aux équipes ministérielles », assure-t-il.

    La réforme du calcul de l’APL, prévue pour le 1er janvier 2019, aura été reportée à quatre reprises, en août 2019, puis janvier 2020 et avril 2020, pour finalement s’appliquer le 1er janvier 2021. C’est, selon plusieurs observateurs, ce retard qui a valu à Vincent Mazauric, directeur général de la CNAF nommé en 2017 par la ministre des solidarités et de la santé – à l’époque Agnès Buzyn – son départ, en octobre 2021, vers le Conseil d’Etat.

    « Situation explosive »

    Le syndicat national Force ouvrière des cadres des organismes sociaux (SNFOCOS) dénonce, dans une lettre datée du 4 mars, adressée au nouveau directeur général de la CNAF, Nicolas Grivel, « des difficultés qui perdurent, une réforme qui retarde le processus de liquidation [le paiement de l’allocation logement] par la persistance des anomalies de droits, par la déficience du système d’information (…) et surtout l’incompréhension des allocataires en accueil physique et téléphonique (…) La situation dans les CAF est explosive. La branche famille continue sa lente descente aux enfers ! », alerte-t-il.

    Le malaise est à ce point profond qu’il faut, dans les antennes locales, souvent recourir à des vigiles pour contenir d’éventuelles incivilités et que deux grèves intersyndicales ont été organisées, les 25 juin 2019 et 29 juin 2021.

    « Nous avons subi une avalanche de réformes, de la prime d’activité, du calcul de l’APL, des modalités d’accueil des bénéficiaires, toutes mal préparées et sans formation des agents, dont les effectifs sont d’ailleurs toujours en baisse, explique Thierry Faivre, représentant des cadres au SNFOCOS. Sur cinq départs, quatre ne sont pas remplacés, les salaires n’ont pas bougé depuis dix ans. Et ce n’est pas un consultant de chez McKinsey qui peut régler ça », assure-t-il.

    Quant aux personnes qui perçoivent l’APL, 30 % d’entre elles ont vu son montant baisser d’en moyenne 73 euros par mois, et 8 % son versement être brutalement interrompu. L’Etat économise ainsi 1,2 milliard d’euros « mais une grande part de cette somme est le fait d’allocataires qui renoncent à demander ou à faire rétablir leur allocation », constate M. Faivre. « Il est si compliqué d’obtenir un rendez-vous, de remplir un dossier, de scanner et envoyer ses documents, que beaucoup se découragent », déplore-t-il.

    Précision, le 31 mars 2022 à 16h45 : le montant de 1 milliard d’euros correspond au coût des missions réalisées par l’ensemble des #cabinets_de_conseil, contrairement à ce que pouvait suggérer la formulation initiale.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/03/19/reforme-du-calcul-de-l-apl-le-cauchemar-des-agents-de-la-caf_6118251_3224.ht

    #CAF #APL #guerre_aux_pauvres #non_recours (la fabrique du)

  • Khrys’presso du lundi 19 septembre 2022
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