• #Corps de rêve : quand l’#extrême_droite dicte les #normes_esthétiques

    Corps tonique, mince, reproductif et blanc : de la tradwife aux réseaux sociaux, comment l’extrême droite tente d’imposer une esthétique réactionnaire et hygiéniste.

    En mars dernier, les images de la secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis, posant devant des prisonniers vénézuéliens déportés vers un centre pénitentiaire du Salvador, sont devenues virales. Look glamour. Maquillage prononcé. Longue chevelure ondulée. Rolex, pantalon slim et tee-shirt moulant. L’image de ce corps parfait exposé devant des hommes non-blancs, torse nu, mis en cage, est apparue comme le symbole du modèle de féminité qui domine les politiques néoréactionnaires.

    Les langages et les images des industries de la #mode et de la beauté s’adaptent très bien à l’atmosphère culturelle produite par l’extrême droite dans le monde occidental. Au-delà de l’obsession de la #minceur, des prescriptions esthétiques âgistes, toute une #culture_du_corps eugéniste et autoritaire s’immisce dans les modes de consommation de la beauté et du bien-être.

    De la tradwife à la chanteuse country

    Elle circule dans les médias populaires, amplifiée par les algorithmes, dans le luxe, ou les sphères politiques, artistiques. L’univers #Maga aux États-Unis la recycle ad nauseam. De la #tradwife à la chanteuse country, jusqu’aux tendances « #girlboss », les idées réactionnaires sont incarnées par une #esthétique_corporelle genrée aisément identifiable : corps tonique, mince ; cheveux raides, longs (idéalement blonds) ; peau blanche ; maquillage prononcé ; chirurgie esthétique ; efficience productive et reproductive (le corps qui produit des richesses est aussi celui qui enfante).

    Cette conception hygiéniste, raciste, classiste et transphobe de la #féminité s’affirme contre un modèle repoussoir : celui du corps improductif de la #femme de gauche – « fauchée » (#broke), « laide » (#ugly), « pas rasée » (#female_armpit_hair) – pour reprendre les termes d’un musicien conservateur sur Fox News. Le corps des « femmes laides » décrivant finalement l’ensemble du corps politique situé à gauche, moche, non-blanc, sale et pauvre.

    Cette esthétique réactionnaire agressive n’est pas exclusive à l’Amérique blanche. On se rappelle les sorties, en France, contre « la gauche sale et débraillée qui crie partout », visant à disqualifier la Nupes. Les propos sur les « punks à chiens » sur les bancs situés à gauche de l’Assemblée nationale, ou encore sur la « ménopause » d’une politicienne féministe médiatique…

    Véhicules idéologiques

    Ces discours implicitement ou explicitement genrés sont compatibles avec l’esthétique « filtre » des réseaux sociaux qui les imposent massivement. Ils ringardisent un activisme intersectionnel de type #nappy, anti-grossophobie ou body-positif, qui refuse que la différence conduise à une existence recluse, où on ne s’expose pas publiquement, où on ne peut ni s’aimer ni l’être en retour.

    Cette « #déchettisation » de la différence trouve dans la #représentation du corps des #femmes son terrain d’expression favori, faisant de la mode, des tutos maquillage, des vidéos de fitness ou de lifestyle des véhicules idéologiques redoutablement efficaces, jouant sur notre image sociale et nos désirs.

    Qui rêve de mourir sans famille, sans ami·es, entouré de chats ? D’être moche, démuni et sale ? Ces questions peuvent apparaître ridicules, mais elles nourrissent un système de représentations affectives et genrées qui est un des fonds de commerce de l’extrême droite. Il faut s’y opposer avec énergie. Et réveiller les puissances libératrices du difforme, de l’inassimilable, de l’improductif, des monstres et autres figures impures et merveilleuses, dans la formation d’#imaginaires et de pratiques anti-autoritaires, vivantes et féroces.

    https://www.politis.fr/articles/2025/05/corps-de-reve-quand-lextreme-droite-dicte-les-normes-esthetiques
    #esthétique #beauté #hygiénisme #âgisme #genre #idéologie

  • La vérité a-t-elle une histoire ?
    https://laviedesidees.fr/Engel-Foucault-et-les-normes-du-savoir

    La #généalogie élaborée par #Foucault porte-t-elle sur le désir de dire vrai, ou sur la notion même de vérité ? En maintenant l’ambiguïté, le philosophe aurait négligé, selon P. Engel, cette source essentielle de l’émancipation que sont les #normes du savoir.

    #Philosophie #vérité #épistémologie

  • PFAS : l’eau potable en France est massivement contaminée par les « polluants éternels », notamment à Paris


    A Paris, en 2020. FRANCK FIFE / AFP

    Deux campagnes distinctes menées par le laboratoire Eurofins et les associations UFC-Que choisir et Générations futures révèlent des concentrations élevées en acide trifluoroacétique (TFA).
    Par Raphaëlle Aubert, Stéphane Foucart, Stéphane Horel et Stéphane Mandard

    En France, la #contamination de l’#eau_potable par les « polluants éternels » (#PFAS, pour substances per- et polyfluoroalkylées) atteint des niveaux insoupçonnés. Deux campagnes de mesures, rendues publiques jeudi 23 janvier, et conduites séparément par l’association de consommateurs UFC-Que choisir et l’ONG environnementale Générations futures d’une part, et par le laboratoire d’analyse Eurofins d’autre part, suggèrent que la quasi-totalité des Français sont exposés à ces substances toxiques par le biais de l’eau de boisson, et dans la grande majorité des cas à des taux excédant le seuil théorique de qualité.

    Au total, une centaine d’échantillons d’eau du robinet ont été prélevés dans les principales agglomérations de métropole et des zones rurales proches, ou non, de sites industriels.

    Dans les deux enquêtes, l’acide trifluoroacétique (#TFA) présente les concentrations les plus élevées en plus d’être ubiquitaire, une caractéristique due à la chaîne ultracourte de carbone-fluor qui le constitue et fait de lui le plus petit des PFAS. Le TFA présente des indices de toxicité pour le foie ; l’Allemagne a proposé son classement comme toxique pour la reproduction et une demande est à l’étude à l’Agence européenne des produits chimiques.

    Fortes concentrations à Paris

    L’UFC-Que choisir et Générations futures ont effectué des prélèvements dans trente communes entre juin et novembre 2024. Confiées au laboratoire indépendant Ianesco, les analyses révèlent des niveaux parfois très élevés. Le record est détenu par Moussac (Gard), avec 13 000 nanogrammes par litre (ng/L) de TFA dans l’eau distribuée. Rien de très surprenant, la commune étant proche de Salindres, où une usine du groupe Solvay a produit du TFA jusqu’en septembre 2024.

    Plus étonnant, en revanche, les fortes concentrations mises en évidence à #Paris : 6 200 ng/L mesurés dans un échantillon prélevé en novembre 2024 dans le 10e arrondissement, soit une concentration 62 fois supérieure au seuil de qualité en vigueur pour les métabolites de pesticides pertinents (100 ng/L), auquel le TFA devrait être soumis. Le TFA est issu de la dégradation de multiples polluants éternels utilisés par de nombreux secteurs industriels, mais il est aussi un métabolite de plusieurs pesticides comme le flufénacet ou le fluopyram, annuellement épandus par dizaines de tonnes dans les zones agricoles.

    Or, pour les métabolites de pesticides potentiellement toxiques (dits « pertinents »), la limite de qualité dans l’eau potable est fixée par la réglementation à une concentration de 100 ng/L. Mais dans le cas du TFA, alors même que la Commission européenne le considère comme « un métabolite pertinent » en raison de sa « toxicité préoccupante » pour le développement, en France, la #direction_générale_de_la_santé a discrètement choisi de déroger à cette #norme.
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/01/23/pfas-l-eau-potable-des-francais-massivement-contaminee-par-les-polluants-ete

    #pollution #santé

    • Dans une note publiée le 23 décembre 2024, la direction générale de la santé annonce s’aligner sur les valeurs provisoires de l’Allemagne, soit une valeur sanitaire de 60 000 ng/L (au-dessous de laquelle le risque est présumé nul), et « une trajectoire de réduction vers une concentration inférieure à 10 microgrammes par litre [soit 10 000 ng/L] ». C’est cent fois plus que le seuil de 100 ng/L, qui s’applique en théorie à tous les métabolites de #pesticides problématiques, et qui doit s’appliquer à partir de 2026 aux vingt PFAS jugés « prioritaires » dans l’Union européenne, dont le TFA ne fait pour l’instant pas partie. Pour l’heure, les pays européens avancent en ordre dispersé. Par exemple, les Pays-Bas ont établi une valeur-guide sanitaire de 2 200 ng/L pour le TFA dans l’eau potable.

      « L’interdiction pure et simple »

      Au total, le TFA a été détecté dans 24 des 30 prélèvements réalisés par l’UFC-Que choisir et Générations futures, et au-dessus de 100 ng/L dans 66 % des échantillons. Hormis Paris, d’autres agglomérations sont concernées mais à des niveaux moindres : Fleury-les-Aubrais (Loiret), près d’Orléans (1 600 ng/L), Lille (290 ng/L), Rouen (250 ng/L), Metz (230 ng/L), Mulhouse (140 ng/L)…
      « Nous suivons de très près le sujet des PFAS, qu’on retrouve partout en France dans l’eau, les aliments, les produits de consommation. La présence de traces de TFA dans les eaux distribuées à Paris est identifiée, même s’il n’est pas réglementé et que nous ne connaissons pas sa toxicité, réagit Dan Lert, président de la régie Eau de Paris. Il faut sans délai réaffirmer la priorité à donner à la prévention à la source de ces pollutions. Elles contaminent non seulement la ressource en eau, mais de façon plus générale et dans des proportions sans doute très supérieures, l’alimentation et l’environnement. L’urgence pour réduire l’exposition globale aux polluants, c’est l’interdiction pure et simple de ces PFAS. »

      Les résultats d’Eurofins sont encore plus alarmants. Dans 61 des 63 échantillons prélevés par le laboratoire dans autant de communes en novembre 2024, le TFA est mesuré à des concentrations supérieures au seuil de 100 ng/L. Jusqu’à 35 fois plus, à Marange-Silvange, près de Metz, en Moselle. L’ordre de grandeur de la contamination est comparable à celui de Nantes (2 700 ng/L), La Rochelle (2 500 ng/L) ou Palaiseau (2 500 ng/L) en Essonne. Dans le milieu du classement, Rennes (1 100 ng/L), Lyon (920 ng/L), Nancy (830 ng/L) ou Marseille (760 ng/L) se situent sous la valeur sanitaire néerlandaise, mais encore largement au-dessus du seuil des 100 ng/L.

      « D’autres études réalisées en Europe ont montré des concentrations élevées en TFA dans les eaux de consommation, il était donc cohérent de mener une étude comparable en France, dit Coralie Sassolat, directrice générale des laboratoires Eurofins Hydrologie France. Cependant, nous avons été surpris par les niveaux de concentration mesurés. Nous voulions savoir si les PFAS à chaînes courtes et ultracourtes sont présents dans les eaux de consommation, parce qu’il n’y avait pas, à notre connaissance, d’étude sur le sujet en France, alors que nous en possédons déjà la capacité d’analyse. »
      Augmentation de TFA dans le sang

      Déjà problématique, la situation s’aggrave à un rythme soutenu. « La concentration de TFA augmente rapidement dans l’eau, le sol, les plantes, les jus de fruits, le vin, et donc dans le sang également, explique Hans Peter Arp, chimiste environnemental à l’université norvégienne de sciences et technologies. Cette augmentation est plus rapide depuis 2010, en raison de l’utilisation croissante de certains gaz réfrigérants, pesticides et produits pharmaceutiques dont le TFA est un sous-produit. »

      Ce spécialiste des polluants éternels estime que, sur la base des tendances actuelles, « il ne serait pas surprenant que dans les cinq prochaines années, la concentration moyenne dans l’eau potable en France dépasse le seuil de 2 200 ng/L fixé par les Pays-Bas ». « Le TFA étant très persistant et difficile à éliminer de l’environnement, seules des restrictions de ces substances peuvent empêcher cette augmentation », ajoute le chercheur.

      C’est également l’avis de l’UFC-Que choisir et de Générations futures. Les associations demandent au gouvernement d’appliquer le « principe de précaution » en adoptant « des normes plus strictes et protectrices », en renforçant les contrôles sur les rejets des industriels et en interdisant tous les pesticides classés comme PFAS (37 molécules autorisées en Europe). Les ONG exhortent par ailleurs les parlementaires à voter définitivement la proposition de loi, adoptée en première lecture, visant à protéger la population des risques liés à aux PFAS en restreignant leur usage. Elle sera à l’ordre du jour de la niche parlementaire du groupe Ecologiste et social le 20 février.

      (heureusement, on nous vend aussi des alicaments)

      #alimentation #DGS ... #polluants_éternels

    • https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_trifluoroac%C3%A9tique

      L’acide trifluoroacétique (TFA) est considéré comme le plus petit des polluants éternels (PFAS)14. Sa présence est identifiée15 dans les résultats d’analyse publiés le 10 juillet 2024 par les associations du Réseau d’action contre les pesticides (PAN Europe) concernant l’eau du robinet (34 prélèvements sur 36 dans onze pays) et les eaux minérales (12 sur 19) consommées par les Européens16. Issu de la dégradation de pesticides, l’acide trifluoroacétique est considéré par les scientifiques comme une « menace planétaire » en raison de son extrême persistance17.

  • Briser le silence sur la #santé des #femmes : le cas du #SOPK

    #Réarmement_démographique”. Si notre président n’était pas si obsédé par ce champ lexical militaire, le terme pourrait presque faire sourire. Sous prétexte de lutter contre l’#infertilité – on s’interroge sur ses vraies velléités –, il est légitime de penser que ces gouvernements successifs portent surtout une volonté de contrôler la population, et en particulier le corps des femmes. Car les causes de l’infertilité sont multiples et complexes. Parmi elles, le syndrome des #ovaires_polykystiques. C’est la première cause d’infertilité en France. Vous n’en avez peut-être que peu, voire pas entendu parler. On fait le point sur ce que c’est, les conséquences de cette pathologie, pourquoi elle est toujours si invisibilisée, et des pistes pour sortir de ce silence général.

    Un syndrome largement méconnu qui concerne une personne menstruée sur sept

    Décrit pour la première fois en 1935, le #syndrome_des_ovaires_polykystiques – ou #syndrome_de_Stein-Leventhal – est une #pathologie_hormonale chronique et évolutive, dont la cause est inconnue, qui peut provoquer un #déséquilibre_hormonal : les femmes qui en sont atteintes ont un taux d’#androgène beaucoup trop élevé par rapports aux normes biologiques. Ce déséquilibre hormonal entraîne un excès de follicules autour de l’ovaire, lesquels impliquent des #cycles_menstruels longs – voire très longs, parfois plus de 100 jours – et anovulatoires.

    Le SOPK touche entre 8 et 13% des femmes “en âge de procréer” selon l’OMS, sans compter les femmes qui n’ont jamais été ou qui rencontrent des difficultés à être diagnostiquées. Ce dernier arrive souvent très tardivement, en moyenne au bout de 7 ans, et généralement pas avant le 5ème rendez-vous. En outre, jusqu’à 70% des femmes touchées par cette pathologie dans le monde ne sont encore pas diagnostiquées. Et encore faut-il supporter le long parcours du diagnostic et les rendez-vous médicaux marqués par l’expression de violences à destination des patientes, voire des #violences_gynécologiques et sexistes.

    Des symptômes corporellement visibles et très stigmatisants

    Les #symptômes du SOPK, s’ils diffèrent d’une personne à l’autre et peuvent changer au fil du temps, sont lourds et souvent visibles corporellement (à la différence de l’#endométriose, plus considérée comme un handicap invisible)… Les plus fréquents sont, pêle-mêle, cycles menstruels longs et irréguliers, #pilosité excessive, prise de #poids, #chute_de_cheveux, #acné, ou encore douleurs musculaires.

    Cette liste est non exhaustive et ne tient d’ailleurs pas compte des pathologies cardiovasculaires et rénales dont le SOPK et ses conséquences sont un facteur de risque conséquent : risque d’#AVC ou d’#infarctus accru, résistance à l’#insuline provoquant un #diabète de type 2, etc… Autant de conséquences qui peuvent indiquer que ce syndrome n’est absolument pas anodin et que le sujet est très important.

    La prise de poids, l’acné et l’#hirsutisme sont des symptômes peu connus du SOPK (qui est lui-même peu connu). Ils évoquent ce qui était autrefois considéré comme de la monstruosité. Toutes ces formes de #stigmatisation induisent des conséquences dans tous les domaines de la vie (#santé_mentale, travail, relations sociales). La #charge_mentale induite par le SOPK, comme le montre de nombreux témoignages, se manifeste à toute heure de la journée : gestion des #douleurs, prise de traitements plus ou moins invasifs visant à soulager les symptômes, charge financière induite par ce traitement, charge mentale et organisationnelle pour caler ses journées sur les manifestations de la maladie, etc, etc.

    L’un des symptômes du SOPK, des plus visibles et gênants, est l’hirsutisme. Longtemps associé à de la #monstruosité par les structures sociales, il se manifeste par une croissance excessive des poils sur le visage, le dos, la poitrine, et d’autres zones du corps. Selon les rares données disponibles, il touche environ la moitié des femmes vivant avec le SOPK.

    Si les femmes possédant une barbe, et souffrant d’hirsutisme, ne sont aujourd’hui plus exposées dans les foires en France – même si elles l’étaient encore durant la première moitié du XXe siècle (donc jusqu’en 1950) –, en pratique, l’hirsutisme induit une charge mentale immense, directement liée au #stigmate_social dont souffrent les femmes : moqueries, humiliations, violences physiques, etc, etc. Cette charge mentale est souvent doublée d’une charge économique induite par l’achat de rasoirs pour le visage, parfois par une épilation électrique ou au laser (très coûteuses), afin d’essayer de reprendre une apparence jugée par les structures normées et andro-centrées comme “normale” ou “féminine”.

    #Invisibilisation et négation de la parole des femmes

    Invariablement, lorsque l’on parle de #santé_des_femmes, leurs souffrances sont banalisées, minimisées, voire niées par une partie du corps médical, et plus largement par une partie de la société. L’endométriose et – plus encore – le SOPK sont perçues comme des maladies de seconde zone, car des “maladies de femmes”. Les longues #errances dans le #diagnostic de ces deux maladies résident dans les attitudes et croyances d’une partie du corps médical, qui néglige les témoignages des femmes concernant leur mal-être physique et psychique.

    Les résultats d’une étude portant sur l’impact des retards dans le diagnostic et le manque d’informations sur l’expérience des femmes atteintes se vérifient dans de nombreux témoignages livrés par des femmes vivant avec le SOPK et ayant connu une longue errance diagnostique :

    “Quand j’allais voir ma gynécologue, elle me disait juste “prenez la pilule”. Le SOPK a totalement pourri mes années de fac. […] La pilule ne faisait qu’amoindrir les symptômes et entretenir des cycles artificiels”

    “Mes règles étaient très douloureuses. Cela n’inquiétait pas les médecins autour de moi qui me répondaient que c’était parfaitement normal. […] je rencontre ma première gynécologue, celle-ci n’était pas très empathique et pas réellement douce. Elle m’informe à la fin de la consultation que j’ai des ovaires polykystiques. Je précise qu’elle me dit que ce n’est pas grave et que cela n’aura aucun impact dans ma vie. Elle me conseille seulement de revenir le jour où je désirerais avoir des enfants”

    “J’ai été diagnostiquée en 2019 après six ans d’errance médicale. Au début, on m’avait juste dit : ce n’est rien, prenez la pilule”

    Ces #témoignages font écho à d’autres que j’ai pu recueillir dans le cadre d’un mémoire de recherche sur l’endométriose chez les étudiantes. Étant classée comme une pathologie féminine et de nature gynécologique, elle est fréquemment considérée comme “sale”, car liée aux #menstruations. Les #douleurs_menstruelles sont normalisées  ; si les femmes présentent des douleurs, elles doivent l’accepter et souffrir en silence. Si elles expriment leur douleur, on dit généralement d’elles qu’elles exagèrent, qu’elles sont douillettes, voire que cette douleur est dans leur tête. Beaucoup de ces stigmates proviennent d’une partie du corps médical qui, traduisant sa #méconnaissance du sujet, se permet de psychologiser de façon outrancière, ou carrément de nier, les souffrances vécues par les patientes : “vous faites ça pour attirer l’attention de vos proches”, “cette maladie n’existe pas”, “je plains votre copain, ça doit pas être facile tous les jours pour lui”.

    Dans le cas de l’endométriose, qui est considérée comme un #handicap_invisible, les symptômes sont peu perçus. Les règles sont considérées par les #normes_sociales comme un phénomène impur, dont les femmes doivent avoir #honte, et qu’il faut de facto, et à tout prix, dissimuler. Pour le SOPK, dont les symptômes sont très visibles corporellement, on considère que ceux-ci sont dus à une négligence physique, à de la paresse ou à de la sédentarité.

    La méconnaissance du SOPK s’explique aussi par le caractère très genré de la production de savoir scientifique et médical. La plupart des articles scientifiques sont écrits (en considérant les deux places les plus “importantes” dans un article, à savoir premier et dernier auteur) par des hommes. Lorsque ce sont des femmes, elles sont parfois, si ce n’est souvent, suspectées de partialité, voire de militantisme, car elles seraient “trop concernées” par le sujet, ce qui biaiserait ainsi fatalement leur travail. Quand elles ne sont pas tout simplement réduites au silence.

    En pratique, lorsque l’on compare la production scientifique1 avec une autre #pathologie_chronique à prévalence similaire, voire quasi-égale : le diabète, types 1 et 2 confondus, on remarque qu’il existe environ 22 fois plus d’articles traitant du diabète que du SOPK. Et si l’on compare production scientifique sur le diabète et sur l’endométriose, qui ont aussi une prévalence semblable, le ratio est de 1 article pour 11. Devinez dans quel sens.

    Aucun traitement malgré de multiples impacts sur la santé mentale et physique

    La majorité des témoignages recueillis sur les sites, blogs et forums en ligne concernent la grossesse et la question de l’infertilité, laquelle est la conséquence la plus largement traitée (par stimulation ovarienne, FIV ou PMA) du SOPK. Lorsque qu’une femme consulte pour une suspicion de SOPK, le corps médical lui parle quasi invariablement de grossesse, laissant de côté les autres conséquences, pourtant très nombreuses.

    Celles-ci sont totalement invisibilisées. Comme pour l’endométriose, une partie du corps médical s’accorde à dire que les symptômes peuvent être soulagés par des changements dans le #mode_de_vie des femmes qui en sont atteintes. Ce postulat repose sur les recommandations actuelles pour le grand public – augmentation de l’activité physique, alimentation équilibrée, etc –, les données relatives aux modes de vie chez les femmes atteintes du SOPK étant très limitées. Sur le site ameli.fr, les recommandations sont ainsi, mais précisent bien que “les femmes ayant un SOPK et n’étant pas en situation de #surpoids peuvent adapter leur mode de vie mais le fait de maigrir n’améliorera pas leurs symptômes”.

    Le gouvernement semble se satisfaire de cet état de fait. En outre, il renforce la croyance que les femmes sont individuellement responsables de leur bien-être lié au SOPK. Et que, si leur état de santé ne s’améliore pas, c’est qu’elles l’ont, au fond, un peu cherché.

    Autre #double_standard : si les traitements pour l’infertilité et l’assistance à la procréation sont remboursés, les autres soins liés au SOPK (suivi psychologique, pilule, traitements contre l’acné, etc) ne le sont majoritairement pas. Ce qui en dit long sur l’importance accordée au bien-être psychologique et mental des femmes.

    Et lorsque de rares traitements font leur apparition sur le marché, ils provoquent quasi invariablement de lourds #effets_secondaires. Exemple : le traitement le plus courant, et le plus prescrit dans le cadre du SOPK, est la #pilule_contraceptive. L’enjeu, qui est de mettre les #ovaires “au repos”, est en réalité un cache-misère qui, si elle peut offrir la sécurité d’un cycle “normal”, contient d’énormes inconvénients en matière sanitaire : une récente étude suédoise a démontré en 2023 que les femmes adultes sous pilule avaient un risque accru de 92% de #dépression (en plus des conséquences directes du SOPK sur la santé mentale).

    Second exemple : pour apaiser l’#hyperandrogénie (qui peut provoquer acné sévère, hirsutisme ou chute de cheveux), qui touche environ 70% des femmes atteintes du SOPK, outre les recommandations sur l’hygiène de vie, les médecins prescrivent souvent une pilule nommée #Androcur (commercialisée depuis les années 80). Cette pilule, provenant du laboratoire Bayer, a été largement prescrite à de très nombreuses femmes, sans que celles-ci aient au préalable été averties des effets indésirables, comme un risque de méningiome au cerveau. Et alors que les effets indésirables graves étaient connus depuis les années 2010. En 2025, la pilule est toujours sur le marché.

    Malgré l’avancée, croissante mais très tardive, de la recherche sur le SOPK, il n’existe toujours aucun traitement curatif pour guérir de la #maladie. Les seules solutions thérapeutiques visent à soulager les symptômes. Comme le montre cette large étude, le diagnostic du SOPK est extrêmement long et les informations livrées par le corps médical sont souvent inadaptées, lorsqu’elles ne sont pas manquantes. La plupart du temps, on prescrit aux femmes concernées une pilule contraceptive, généralement en continu, afin de bloquer l’arrivée des règles, ce qui est supposé calmer les douleurs.

    La chercheuse britannique en physiologie Sophie Williams, spécialiste du SOPK, rappelle à juste titre que « le syndrome des ovaires polykystiques est un sujet sur lequel il y a très, très peu de recherche, et au sein de ce sujet, la santé mentale est encore moins étudiée ».

    Malgré la carence évidente dans le monde de la recherche, les impacts du SOPK sur la santé mentale commencent à être étudiés dans le détail. Les personnes ayant été diagnostiquées avec un SOPK sont environ trois fois plus susceptibles de souffrir d’#anxiété et de dépression que les personnes non diagnostiquées. Le SOPK peut également être associé à un risque accru de troubles obsessionnels compulsifs, de troubles alimentaires, et de troubles bipolaires.

    Le SOPK peut aussi être à l’origine d’une augmentation des #tentatives_de_suicide chez les femmes diagnostiquées, comme le montre cette étude taïwanaise, publiée en février 2024. Cette étude, fondée sur l’analyse des bases de données nationales entre 1997 et 2012, a comparé les trajectoires de vie de plus de 18.000 femmes diagnostiquées avec un SOPK, avec celles de femmes qui n’étaient pas touchées par le syndrome, mais qui avaient des modes de vie similaires. Les résultats nous apprennent qu’en cas de SOPK diagnostiqué, le risque de tentative de suicide est 5,38 fois élevé chez les adolescentes, et monte à 9,15 fois pour les adultes de moins de 40 ans. Les auteurs de l’étude suggèrent, pour expliquer l’évolution du risque de tentative de suicide, que les conséquences du SOPK peuvent être un facteur aggravant pour la santé mentale des adolescentes et des jeunes adultes.

    En termes de santé physique, le SOPK est aussi à l’origine de nombreuses conséquences au travail : les douleurs épuisent plus rapidement et compromettent la réalisation de tâches physiques. Les femmes qui en souffrent sont plus exposées aux violences verbales, attaquant la sacro-sainte productivité au travail, qui est de facto altérée par les conséquences de la pathologie. Et même ici, au travail, tout le monde n’est pas mis sur un pied d’égalité par rapport au SOPK. Les gestions de la douleur ne sont pas les mêmes selon que le travail est principalement d’ordre physique, utilisant le corps comme outil de travail principal, ou d’ordre plus intellectuel (professions de cadres, entre autres). Le stress et la peur du licenciement sont plus forts pour les femmes travaillant dans des métiers pénibles et peu qualifiés. Par rapport à des cadres (sans minimiser les symptômes dont celles-ci souffrent également, la maladie ne faisant pas le tri entre classes aisées et classes populaires), elles ne peuvent pas se permettre de prendre des pauses – plus ou moins régulières – afin de mieux pouvoir gérer les douleurs (physiques et psychiques) générées par les symptômes de la pathologie.

    Politique nataliste et défense de la corporation médicale plutôt que promotion de la recherche

    Grosso modo, pour Macron et compagnie, la santé et l’accès aux soins ne sont pas – mais vraiment pas – une priorité. La santé des femmes l’est encore moins. Et les pathologies chroniques et incapacitantes touchant entre 1 femme sur 10 et 1 femme sur 7 le sont encore moins.

    La prise en charge médicale globale se détériore sous l’effet des politiques macronistes, ainsi que des rejets de contre-propositions concrètes visant à mieux répartir la densité de médecins sur le territoire français ainsi qu’à en former davantage. À chaque fois qu’un amendement vient un tant soit peu menacer la liberté d’installation des médecins – seule profession exerçant une mission de service public qui bénéficie de ce privilège – en France, la macronie et l’extrême droite se planquent derrière les arguments et revendications des syndicats de médecins les plus corporatistes, au détriment des habitant•es qui subissent la perpétuelle extension des déserts médicaux.

    Comme nous l’avions résumé : “d’une façon générale le système de santé français se délabre, en raison de quinze années successives de plans d’austérité, d’une absence d’organisation de la profession médicale qui favorise les déserts médicaux et de conditions de travail de plus en plus difficiles pour les soignants”.

    Du côté de l’Assemblée Nationale, ce n’est guère plus réjouissant. En mars 2024, la droite (minorité présidentielle + LR) a rejeté l’article 1er de la proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel en cas de menstruations incapacitantes. Quelles ont été les propositions émanant du gouvernement et de son aile droite (comprendre, le RN) depuis ? Aucune.

    Malgré les propos de Macron, qui traduisent plus une volonté de contrôle des naissances qu’autre chose, il n’y a aucune véritable politique de lutte contre l’infertilité, à savoir aider les femmes qui veulent avoir des enfants à en avoir. La seule grosse mesure en ce sens a été l’extension de la PMA. Sauf que, pratiquée sur une femme souffrant d’un SOPK, elle a de bonnes chances de ne pas aboutir. Il n’y a tout simplement aucune volonté, au sommet de l’État, de s’intéresser aux causes de l’infertilité pour sérieusement prendre en charge des patientes et les aider à réaliser leur désir de maternité – tout en foutant la paix aux personnes ne voulant pas avoir d’enfant.

    Toujours au niveau institutionnel, un rapport sur les causes d’infertilité est sorti il y a deux ans, en 2022. Bien que celles-ci soient très lacunaires, il était déjà possible à ce moment-là de trouver des informations sur les conséquences du SOPK dans la littérature scientifique et médicale. Alors qu’il est, rappelons-le, la première cause d’infertilité chez les femmes, les occurrences “syndrome des ovaires polykystiques” ou “SOPK” ne sont présentes que 20 fois sur 137 pages, et aucune proposition ni solution concrète n’est avancée pour promouvoir la recherche sur ce syndrome, ni pour des programmes de prévention, d’éducation ou de communication.
    Comment agir à notre échelle ?

    Macron et ses gouvernements éphémères traduisent une vision archaïque, préhistorique, des femmes qui ne sont pas considérées comme des êtres humains qui veulent juste vivre pleinement, et s’abstraire de leur aspect physique ou esthétique. Ce que Macron démontre avec ses déclarations, c’est que les femmes sont vues à travers ses yeux comme un objet de procréation. En cela, il est parfaitement aligné sur le calendrier idéologique de l’extrême droite, dont les propositions politiques sur les thématiques de l’enfance et de la famille se résument à : faites le plus d’enfants possibles, sauf si vous êtes noir ou arabe.

    D’ailleurs, tout au long du second quinquennat Macron, la boucle – travail, patrie, et famille –, aura été bouclée  ; on aura eu droit à l’allongement de l’âge de départ à la retraite, à la loi immigration directement inspirée du programme présidentiel du RN, et au réarmement démographique. Mais si la période est rude et peut entraîner au pessimisme, nous ne devons pas nous laisser aller au fatalisme total.

    Le SOPK est un enjeu absolument majeur de santé publique. Comme nous l’avons rappelé tout au long de cet article, il présente des risques quotidiens sur la santé physique et mentale des femmes concernées.

    Sans qu’il faille totalement cesser de parler de l’infertilité, il s’agit en même temps de déconstruire l’association systématique “SOPK-infertilité”, qui ne tient pas compte des autres symptômes, et les met de fait sur le compte de la responsabilité individuelle, et d’offrir une prise en charge globale. La prise de poids, l’hirsutisme et les conséquences sur la santé mentale sont encore largement sous-estimées à l’heure actuelle. Si des propositions d’accompagnement psychologique pour les femmes qui souffrent du SOPK existent, elles ne sont pas systématiquement proposées et surtout, elles coûtent très cher.

    Qu’il y ait une véritable éducation au cycle menstruel pour les enfants et adolescent•es. Quoiqu’en dise l’ex-ministre Alexandre Portier, qui se sert de sa méconnaissance des études sur le genre pour faire avancer son agenda ultra-conservateur, une meilleure connaissance des règles et de leurs implications est nécessaire pour sensibiliser et déconstruire les tabous qui les entourent.

    Qu’advienne une meilleure reconnaissance du statut de patient•e-expert•e : si le paternalisme médical a reculé, en comparaison aux décennies précédentes, il reste encore présent au sein de la société française. Les femmes atteintes d’endométriose et/ou du SOPK sont souvent contraintes de devenir des “patientes-expertes”. Si ce statut présente des avantages : meilleure connaissance de la pathologie, implication auprès d’autres personnes, développement de réseaux associatifs ou de connaissances, il n’est pas officiellement reconnu. Les patientes-expertes ne sont pas, au niveau institutionnel, reconnu comme des expertes “légitimes” et ne bénéficient ainsi pas du statut du médecin ou du gynécologue, malgré un niveau de connaissance parfois supérieur à ceux-ci. Ainsi, si elles peuvent élaborer et animer des programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP), participer à des conférences ou des colloques, elles ne peuvent se substituer aux décisions thérapeutiques prises par le/la professionnel•le de santé, malgré les risques encourues par celles-ci (prescription de pilules présentant de nombreux effets secondaires, entre autres).

    Que trois mots qui, sans l’action des associations, des femmes concernées et des chercheur•euses qui travaillent sur le sujet, ne sont jamais appliqués au pied de la lettre, le soient : écouter, communiquer, sensibiliser. Après des décennies – et même des siècles –, une une meilleure communication sur une pathologie comme l’endométriose4 a permis de faire connaître cette maladie, de sensibiliser les citoyen•nes, les institutions politiques.

    Que le SOPK soit inscrit dans le programme des études de deuxième cycle de médecine (l’endométriose y a seulement été inscrite en 2020). Et que nous puissions, au sein des universités, encourager et accompagner la mobilisation des étudiant•es, afin de pousser les directions à agir et à instaurer des dispositifs d’écoute, de partage d’expérience et d’entraide au sein des universités et des environnements professionnels. Il serait souhaitable que celles et ceux dont la voix s’élève principalement pour critiquer les rares initiatives parlementaires (je ne vise pas, rassurez-vous, l’ensemble des étudiant•es en médecine) visant à encadrer la liberté d’installation, s’engagent également pour la reconnaissance du SOPK et la création d’espaces dédiés à l’écoute et à la solidarité.

    Que chaque lecteur de cet article, qu’il soit familier ou non avec ce syndrome, devienne une oreille attentive et bienveillante pour celles qui pourraient en souffrir. Les chiffres – sous-estimés, rappelons-le –, suggèrent qu’il est fort probable que chacun ait dans son entourage plusieurs personnes concernées.

    Que nous déconstruisions les stigmates jetés sur les femmes souffrant du SOPK. À l’heure actuelle, une situation de surpoids est tout de suite associée à de la fainéantise, et amène à la grossophobie. Une chute ou perte de cheveux est immédiatement perçue comme la conséquence d’une chimiothérapie. L’acné est très vite liée à de la saleté, voire à une négligence. Et ne parlons pas de la présence d’une barbe chez une femme est considérée au mieux comme un homme, au pire comme une monstruosité, dont la place naturelle serait dans un cirque.

    Que le message essentiel à transmettre aux parents, ami·es et proches, qui accompagnent, ou s’apprêtent d’accompagner une fille, une nièce, une sœur ou une cousine, dans la découverte de ses premières menstruations, soit le suivant : un cycle menstruel de plusieurs mois ne doit jamais être banalisé. Une prise de poids significative ne se résume pas toujours à un manque d’activité physique ou à un mode de vie sédentaire. Une chute de cheveux n’est pas systématiquement le signe d’un traitement comme la chimiothérapie. L’acné ne constitue pas forcément une étape inévitable de l’adolescence. Tous ces signaux peuvent être des symptômes du SOPK, et ne doivent jamais être banalisés.

    Que de tout cet article, il faille retenir ceci : le SOPK doit devenir un sujet politique de premier plan, et un vécu partagé et entendu par toutes et tous, dans chacun des cercles de sociabilité (famille, amis, collègues).

    https://www.frustrationmagazine.fr/sopk

    #genre #psychologisation

  • Des médecins s’inquiètent déjà au 19e siècle des effets des #pesticides sur la #santé

    Si l’usage des pesticides s’est généralisé dans les années 1960, il avait commencé bien avant, explique l’historienne des sciences #Nathalie_Jas. Dès le 19e siècle, des médecins se sont aussi inquiétés de leurs effets sur la santé. Entretien.
    Basta ! : Quand a commencé l’usage des pesticides en agriculture ?

    Nathalie Jas : Dès la fin du 18e siècle, des savants et des représentants de l’élite agricole ont essayé d’utiliser des produits chimiques en agriculture. À partir des années 1830, une industrie des engrais se développe aux États-Unis et dans les pays européens. Ce mouvement est étroitement lié à des formes d’intensification de la production agricole qui se mettent d’abord en place dans les zones qui s’urbanisent et s’industrialisent.

    Dans ces territoires, les agriculteurs doivent alors produire plus, en étant moins nombreux, pour nourrir les personnes qui ont quitté les campagnes. L’utilisation de produits chimiques comme les insecticides, anti-parasitaires ou anti-cryptogamiques (c’est-à-dire les antifongiques, contre les champignons, ndlr) en agriculture est ainsi initié dès la première moitié du 19e siècle puis se répand dans la viticulture ou la production de certains fruits. Ce processus ne va jamais cesser.

    Après la Seconde Guerre mondiale, et en particulier dans les années 1960, on assiste à une accélération de l’industrialisation de l’agriculture qui repose, entre autres, sur l’usage des pesticides. Les transformations profondes qui s’opèrent à ce moment-là s’inscrivent dans différentes dynamiques initiées antérieurement, à commencer par la longue confrontation avec des problèmes sanitaires, que ce soit pour les végétaux ou les animaux, qui restaient sans véritables solutions. Par exemple, dès la fin du 18e siècle, on a cherché à utiliser des substances chimiques pour la conservation des semences et des récoltes attaquées par des champignons ou des insectes.

    Est-ce la course au rendement agricole qui a poussé à l’utilisation toujours plus poussée des pesticides ?

    Des textes d’agronomes au début du vingtième siècle décrivent bien les conséquences phytosanitaires des logiques d’intensification que requièrent des cultures orientées vers le rendement. Des formes de monoculture se mettent en place, avec des choix de variétés qui ne sont pas forcément les plus résistantes face aux insectes, aux maladies et champignons. La monoculture réduisant les possibilités de stratégie agronomiques, on se tourne, avec plus ou moins de succès, vers des produits chimiques afin de limiter les dégâts.

    À partir du dernier tiers du 19e siècle, les marchés globaux se développent, notamment avec l’arrivée du chemin-de-fer et des bateaux à vapeur. Cette densification des échanges de produits agricoles s’accompagne d’un accroissement conséquent des circulations de pathogènes, d’insectes, d’adventices. De nouveaux problèmes phytosanitaires s’installent dans des régions où ils n’étaient pas présents auparavant.

    C’est le cas du très célèbre phylloxéra, un puceron venu des États-Unis et, qui, en une trentaine d’années détruit l’ensemble du vignoble européen. Une solution efficace via un système de greffe est mise au point à la fin des années 1870 à Montpellier. Elle n’est cependant adoptée qu’à la fin du 19e siècle, après plus d’une vingtaine d’années d’utilisation massive de produits chimiques pulvérisés sans succès et avec le soutien de l’État. Cette histoire est une illustration parmi d’autres de l’importance qu’a pu prendre la lutte chimique en agriculture avant la Seconde Guerre mondiale, dans certains secteurs agricoles au moins.

    Cette émergence de la chimie dans l’agriculture s’accompagne-t-elle de tentatives de réglementations, liées à la peur de l’empoisonnement collectif ?

    C’est ce que l’on appelle les législations sur les substances vénéneuses, qui ont une très longue histoire, antérieure même au 18e siècle. Ces législations ont été revues et développées à différentes époques. Au-delà de la question de la consommation de produits alimentaires potentiellement contaminés, on trouve des traces de l’inquiétude de médecins, d’agronomes et de chimistes du 19e face aux conséquences sur la santé des ouvriers et ouvrières agricoles et des paysans et paysannes de l’utilisation de produits chimiques.

    Ainsi, à la fin du 19e siècle, ce qui est considéré comme le premier manuel de « médecine agricole » rédigé par un médecin, décrit les maux de santé rencontrés en milieu agricole et rural. Quelques pages sont consacrées à l’utilisation de produits chimiques pour protéger les récoltes et les animaux, et sur les effets délétères de ces produits sur la santé de ceux et celles qui y sont exposés.

    L’ordonnance de 1846, qui vise à encadrer les multiples usages de l’arsenic en agriculture, est-elle appliquée ?

    À cette époque, on utilisait des produits à base d’arsenic pour traiter les semences et les cultures, et lutter contre certaines maladies cutanées animales comme la gale, qui pouvaient rendre les animaux très malades et engendrer d’importantes pertes. Cet usage s’est notamment développé parmi certains éleveurs de moutons qui plongeait leurs bêtes dans des bains d’arsenic. Il y avait aussi un usage domestique pour lutter contre les mouches.

    Dans les années 1840, les autorités publiques s’inquiètent des empoisonnements criminels alimentaires à l’arsenic. Pour tenter de lutter contre ce qui est présenté comme un problème majeur de sécurité publique, elles ont inclus cette préoccupation dans la législation les « substances vénéneuses » via un article d’une ordonnance royale de 1846 qui la réforme.

    L’usage des « composés arsenicaux » est interdit en 1846 sur les cultures et les récoltes ainsi que dans la sphère domestique. Mais cette ordonnance continue à autoriser l’usage de ces produits pour le bain des animaux. Les autorités considèrent alors que pour les semences, il y a des solutions alternatives, mais qu’il n’en existe pas pour les animaux. C’est une première manifestation de ce que j’appelle une « politique de segmentation » pour les produits chimiques toxiques utilisés en agriculture.

    Cette politique est toujours structurante : les politiques publiques différencient les mesures appliquées à ces produits suivant les produits, mais aussi suivant l’usage qui en est fait. Ce qui est intéressant aussi avec la législation de 1846, c’est qu’elle n’est pas appliquée. Les écarts plus ou moins importants aux normes prescrites par les réglementations portant sur les toxiques en agriculture que l’on désigne comme pesticides après la Seconde Guerre mondiale sont aussi très structurants dans le long terme.

    Est-ce aussi ce qui s’est passé pour la vigne ?

    La vigne est soumise à de nombreuses problématiques phytosanitaires que l’on a très tôt cherché à solutionner en utilisant des produits chimiques : produits à base de cuivre, nicotine (dont les stocks nationaux sous la Troisième République font l’objet d’une répartition départementale âprement négociée, votée chaque année au Parlement), souffre, arsenicaux notamment. Le cas du phylloxéra montre bien que le réflexe « produits chimiques » étaient déjà bien installé dans certains secteurs agricoles dans le dernier tiers du 19e siècle. Ce que le cas du phylloxéra nous enseigne aussi, c’est que ce réflexe était aussi le produit de l’activité voire de l’activisme d’un ensemble d’acteurs : des élites viticoles, mais aussi des industries.

    Mais à cette époque, ce n’était pas forcément les industries fabricant les produits chimiques qui conduisaient ce que l’on appellerait aujourd’hui du lobbying. En France, ce secteur était alors très éclaté, et peu organisé. Les entreprises qui organisent la promotion des solutions chimiques auprès des autorités publiques et agricoles afin de lutter contre le phylloxera, c’est la compagnie ferroviaire PLM (pour Paris Lyon Marseille), qui assure le transport de produits et de pulvérisateurs mais aussi l’entreprise Vermorel, alors le premier fabricant de pulvérisateurs du pays.

    Bien que la crise du phylloxera ait été solutionnée par le greffage, la viticulture n’a pas alors remis en cause l’utilisation de produits chimiques dans la lutte phytosanitaire. Au contraire, le coût pour replanter les vignes était conséquent : la vigne est donc devenue à la fin du 19e siècle une importante culture qui reposait sur la minimisation des risques de perte de récoltes. La logique de la solution chimique va se poursuivre.

    En 1916, en plein milieu de la Première Guerre mondiale, une autre loi encadrant l’usage des pesticides voit le jour. Qu’apporte-elle de nouveau ?

    Le décret-loi du 14 septembre 1916 concernant l’importation, le commerce, la détention et l’usage des substances vénéneuses est une législation très importante qui ne concerne pas principalement l’agriculture, mais qui jette les bases d’un ensemble de règles qui encadrent encore aujourd’hui l’usage des pesticides.

    Ce texte mentionne par exemple l’obligation d’avoir un local séparé et fermé pour stocker les produits définis réglementairement comme toxiques ou dangereux et utilisés en agriculture, l’obligation de mentionner des informations précises sur les étiquettes des sacs ou des bidons contenants ces produits ou encore l’obligation de porter des vêtements de protection pour manipuler ou épandre les produits, vêtements qui devaient être enlevés et lavés systématiquement après chaque utilisation. Les employeurs étaient tenus d’informer les ouvriers et les ouvrières agricoles des dangers des produits utilisés. Et ces travailleurs et travailleuses devaient avoir des endroits où se laver avant de repartir à leur domicile

    Pourquoi les préoccupations pour la santé publique apparaissent à ce moment-là dans les débats politiques ?

    Il y a plusieurs raisons. La fin du 19e siècle et le début du 20e siècle ont été marqués par un ensemble de luttes ouvrières visant, entre autres, à supprimer l’utilisation de certains produits toxiques dans les industries. De ces luttes ont résulté des législations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui ne concernaient pas le secteur agricole.

    Cependant, certains médecins hygiénistes et chimistes toxicologues, forts de leur expérience du milieu industriel, s’inquiètent de l’utilisation de certains toxiques en agriculture, au premier rang desquels les arsenicaux. Ils craignent ce qu’ils nomment l’épidémie d’« arsenicisme à venir » résultant d’expositions répétées à de petites doses (la cancérogénicité de l’arsenic n’est pas encore identifiée) via le travail agricole, la contamination des habitations par les travailleurs et travailleuses agricoles (et donc des enfants) et l’alimentation.

    Au-delà, ils s’interrogent aussi des effets sur la faune, notamment les abeilles. Par ailleurs, les préfets sont préoccupés par la circulation de produits à base d’arsenicaux non seulement interdits mais pouvant aussi contaminer les aliments. Des intoxications collectives visibles retentissantes confirment cette préoccupation.

    Les interpellations de l’État sont suffisamment importantes pour qu’il intervienne. Sa réponse, via le décret-loi de 1916 tente d’articuler développement de l’agriculture à la protection de la santé publique via l’instauration de réglementations qui encadrent les usages. Non seulement l’efficacité de ces mesures n’est pas évaluée, mais aucun moyen n’est alloué pour s’assurer de leur mise en œuvre. Elles restent donc largement ignorées.

    Est-ce en vertu de ce pragmatisme économique et industriel que la notion « d’usage contrôlé » fait son entrée dans la loi ?

    La notion d’ « usage contrôlé » est postérieure mais c’est bien cette logique qui guide le décret-loi de 1916. Il établit trois tableaux dans lesquels les substances sont classées. Les substances qui ne sont classées dans aucun des trois tableaux ne sont pas soumises au décret-loi. On trouve des substances utilisées en agriculture à des fins vétérinaires ou phytosanitaires dans les tableaux A (substances toxiques) et C (substances dangereuses). Les substances classées dans ces tableaux sont soumises à des réglementations spécifiques qui encadrent leur commercialisation, leur détention et leurs usages et qui visent à protéger la santé publique.

    La loi dit que les produits classés comme A, qui sont considérés comme les plus toxiques, ne sont théoriquement pas autorisés à être utilisés en agriculture. C’était le cas des arsenicaux. Le décret-loi institue cependant un système dérogatoire au bénéfice de certains arsenicaux. Il est à noter que des systèmes similaires se mettent alors en place dans d’autres pays et que ce type de classement des substances chimiques suivant leur toxicité qui organise leur encadrement réglementaire se retrouve aujourd’hui dans de nombreuses législations internationales, dont la législation européenne.

    Ce système dérogatoire va être largement utilisé dans l’entre-deux-guerres, et le nombre de produits utilisés ne va cesser de croître...

    Oui, il va y avoir une extension des dérogations à d’autres substances en fonction de ce qui est considéré comme étant des urgences. C’est le cas de l’arseniate de plomb, qui était totalement interdit en 1916 et qui est autorisé dans l’entre-deux-guerres via un système dérogatoire pour lutter contre les invasions de doryphores sur les pommes de terre.

    Si les médecins hygiénistes s’indignent, les agronomes et nombre d’agriculteurs considèrent alors que c’est l’unique solution pour préserver les récoltes de pommes de terre qui est un aliment essentiel dans l’Entre-deux guerre. De nombreux autres produits sont utilisés, le souffre, le cuivre et la nicotine déjà évoqués mais aussi les huiles de pétrole ou des produits comme la chloropicrine, issus des recherches sur les gaz de guerre. À partir des années 1930, de nouveaux produits font leur apparition sur les marchés par exemple pour la désinfection des semences (dont le Zyklon B, utilisé dans les chambres à gaz par les nazis) ou des herbicides élaborés à partir de produits pétroliers.

    Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, il y a une accélération de la structuration des industries phytosanitaires. Co-construite avec l’État, cette structuration et cet encadrement de l’usage des pesticides ne riment pas nécessairement avec une meilleure protection des usagers. Pourquoi ?

    Avant la Seconde Guerre mondiale, il existait une multitude de petites entreprises qui produisaient des insecticides, des anti-parasitaires, des produits anti-cryptogamiques voir des herbicides. On ne parlait pas encore de pesticides. Ces entreprises avaient mauvaise réputation car la qualité de leurs produits n’étaient pas contrôlée et et encore moins réglementée, à l’exception des produits à base de cuivre.

    Les plus grosses entreprises dont celles qui constituèrent ensuite Rhône-Poulenc et Péchiney – les deux très grandes entreprises françaises des pesticides post Seconde Guerre mondiale, ainsi que Vermorel, le gros fabricant français de pulvérisateurs – étaient d’un avis différent. Elles voulaient gagner en crédibilité pour développer leur marché. Elles ont donc travaillé avec certains haut-fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, des scientifiques convaincus par la lutte chimique et des représentants du monde agricole.

    https://basta.media/des-medecins-s-inquietent-des-le-19e-siecle-des-effets-des-pesticides-sur-l
    #histoire #médecine #histoire_des_sciences #agriculture #industrie_agro-alimentaire #produits_chimiques #industrialisation #urbanisation #insecticides #viticulture #WWII #seconde_guerre_mondiale #industrialisation_de_l’agriculture #rendement_agricole #monoculture #phylloxéra #lutte_chimique #chimie #législations #lois #substances_vénéneuses #médecine_agricole #ordonnance #1846 #arsenic #semences #élevage #composés_arsenicaux #politique_de_segmentation #normes #vigne #lobbying #PLM #Vermorel #greffage #1916 #santé_publique #travail #conditions_de_travail #maladies_professionnelles #travail_agricole #abeilles #alimentation #intoxications #usage_contrôlé

  • Ddl Sicurezza 1660: una riflessione generale tra emergenza permanente e criminalizzazione del conflitto
    https://radioblackout.org/2024/10/ddl-sicurezza-1660-una-riflessione-generale-tra-emergenza-permanente-

    Oltre alle inquietanti e libertiticide singole disposizioni di legge, il decreto sicurezza in discussione alle camere in questi giorni stimola ulteriori riflessioni generali. Affonda le radici nella retorica emergenziale che reclama e suggerisce norme speciali, in un’esperienza più che decennale di #decreti_sicurezza. Diffonde, con altri provvedimenti passati e attuali, una comprensione di problemi sociali […]

    #L'informazione_di_Blackout #ddl_1660 #repressione_conflitti_sociali #rivolte_carcerarie

  • [Déverdissement] « Le bavardage politique des plateaux étouffe et dépolitise les préoccupations environnementales »

    L’excès de « commentaire politique » compte au nombre de ce que la société a inventé de plus inutilement dangereux pour elle-même. A mesure que la vie publique s’est médiocrisée au point de rendre superflue sa caricature, les commentateurs de plateau des chaînes d’info en continu sont devenus les principaux agents de la relativisation ou de l’euphémisation des faits scientifiques en lien avec l’#environnement. Ils s’imposent comme une des causes majeures de l’étouffement, de la relégation et de la dépolitisation des préoccupations environnementales.

    Chercher à établir une hiérarchie de ce qui menace la qualité du débat démocratique sur la question écologique, c’est placer le commentaire politique au niveau d’autres phénomènes que sont le trucage de l’expertise, l’instrumentalisation du discours scientifique, le lobbying de l’industrie, etc.

    Ces derniers mois l’ont montré : les reculs historiques dans la protection de l’environnement, à l’échelon national et communautaire, ont été inlassablement commentés comme autant de marques d’une « déroute des écologistes », d’une « défaite pour les Verts », etc. Non que cela soit inexact, ou que ces derniers n’aient effectivement une prédisposition au sabordage et à la guerre picrocholine – tropisme qui les rend incapables de défendre le cœur de leur projet. Mais ce n’est qu’une part minuscule de la réalité, et elle occupe la plus grande part de l’espace. Pour la majorité des commentateurs, la valeur et l’intérêt d’une décision ou d’une déclaration dépendent plus de ses conséquences possibles sur le Landerneau politico-médiatique que des effets qu’elle aura sur le monde physique.

    Tout renvoyer aux affrontements des partis, au théâtre des manœuvres et des petites phrases, au jeu des alliances, des disputes et des tractations d’appareils, tout réduire à l’état de l’opinion, à la chronique de la conquête et de l’exercice du pouvoir contribue à faire disparaître la réalité factuelle des radars. Celle-ci devient, dans les esprits, une sorte de réalité vaporeuse, ectoplasmique, soluble dans les idéologies et les positionnements partisans.

    Des enjeux immenses

    Le « déverdissement » de l’agriculture ne serait-il qu’une « déroute pour les écologistes » ? Cette façon de se placer hors ou au-dessus du monde a quelque chose d’inquiétant. A ce compte, on pourrait dire que l’augmentation de l’incidence du cancer n’est qu’un revers pour la Ligue contre le cancer. De la même manière que la progression de cette maladie est un risque pour chacun de nous, la dégradation de l’environnement affecte ou affectera directement ou indirectement toute la population à des degrés divers (commentateurs politiques inclus).

    Ce qui se raconte à longueur de journée sur les plateaux de télévision ramène toujours l’écologie à des jeux politiciens, ce qui, paradoxalement, en dépolitise les enjeux pourtant immenses. La récurrence des inondations, les sécheresses, la qualité de l’eau potable et l’augmentation du coût de son traitement, la recrudescence des maladies chroniques, les canicules, la destruction des paysages, la disparition des oiseaux…

    Cette variété de choses aussi désagréables au peuple de gauche qu’à celui de droite est, pour tout ou partie, le fruit de décisions politiques. Mais celles-ci ne sont que très peu commentées du point de vue de leurs effets environnementaux. Ce sont presque exclusivement leurs conséquences socio-économiques de court terme ou leurs effets sur la vie politique elle-même qui sont discutés.

    Eléments de langage

    Le bavardage politique de plateau : voilà le danger. Sa puissance performative − le fait qu’il imprime ses biais sur la réalité elle-même – est considérable. Et ce, d’autant plus que le développement des chaînes « tout info » a fait de l’opinion bon marché le principal ingrédient des antennes (sans même évoquer leur « bollorisation »). Sur les choix démocratiques, l’effet est mesurable à ce seul paradoxe : alors que les enquêtes placent invariablement l’environnement au nombre des principales préoccupations des Français, c’est le Rassemblement national – le parti le plus hostile à l’#écologie – qui caracole en tête des sondages.

    Sur la caste dirigeante, l’effet est sans doute plus inquiétant encore. Les premiers et les plus avides consommateurs du commentaire politique sont les commentés eux-mêmes : la manière dont leur parole et leurs décisions sur la question environnementale sont reçues et discutées à longueur d’antenne ne peut que contribuer à les déresponsabiliser. Qu’on se mette à leur place : lorsque vos intentions sont débattues sur des plateaux où des savoirs scientifiques constitués sont mis sur un pied d’égalité avec vos éléments de langage, fussent-ils de probité variable, comment ne pas finir par croire à la validité de vos propres balivernes ?

    Depuis des mois, par exemple, les critiques et les mises en garde unanimes des scientifiques à l’endroit des décisions affaiblissant les #normes_environnementales en #agriculture sont contrebalancées par un unique élément de langage, inlassablement ressassé : la nécessité de la « souveraineté alimentaire ». Cela procède non seulement d’un relativisme trompeur, mais aussi d’un renversement sémantique, la « souveraineté » dont il est question ici revenant à maintenir des systèmes agricoles intensifs dépendant des importations d’engrais de synthèse, notamment russes et biélorusses. Une souveraineté sous dépendance russe : il fallait y penser.

    En définitive, les normes culturelles propres au commentaire politique offrent sans doute une part de l’explication à ce mystère : pourquoi, par leur inconséquence sur la question environnementale, les responsables aux affaires nous mettent-ils collectivement en danger ? Peut-être, tout simplement, parce qu’ils sont enfermés dans la même boucle cognitive que leurs commentateurs.

    Stéphane Foucart

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/14/le-bavardage-politique-des-plateaux-etouffe-et-depolitise-les-preoccupations

  • Peut-on être sans norme ?
    https://laviedesidees.fr/Peut-on-etre-sans-norme

    Peut-on critiquer les #normes sans retomber à son tour dans une autre forme de normativité ? P. Niedergang nous invite à distinguer normalisation et normativité, communauté et « communisme queer ». À propos de : Pierre Niedergang, Vers la normativité queer, Editions Blast

    #Philosophie #homosexualité #sexualité #commun #Double_Une
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202401_normes.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240321_normes.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240321_normes.docx

  • #Ikea, le seigneur des forêts

    Derrière son image familiale et écolo, le géant du meuble suédois, plus gros consommateur de bois au monde, révèle des pratiques bien peu scrupuleuses. Une investigation édifiante sur cette firme à l’appétit démesuré.

    C’est une des enseignes préférées des consommateurs, qui équipe depuis des générations cuisines, salons et chambres d’enfants du monde entier. Depuis sa création en 1943 par le visionnaire mais controversé Ingvar Kamprad, et au fil des innovations – meubles en kit, vente par correspondance, magasins en self-service… –, la petite entreprise a connu une croissance fulgurante, et a accompagné l’entrée de la Suède dans l’ère de la consommation de masse. Aujourd’hui, ce fleuron commercial, qui participe pleinement au rayonnement du pays à l’international, est devenu un mastodonte en expansion continue. Les chiffres donnent le tournis : 422 magasins dans cinquante pays ; près d’un milliard de clients ; 2 000 nouveaux articles au catalogue par an… et un exemplaire de son produit phare, la bibliothèque Billy, vendu toutes les cinq secondes. Mais le modèle Ikea a un coût. Pour poursuivre son développement exponentiel et vendre toujours plus de meubles à bas prix, le géant suédois dévore chaque année 20 millions de mètres cubes de bois, soit 1 % des réserves mondiales de ce matériau… Et si la firme vante un approvisionnement responsable et une gestion durable des forêts, la réalité derrière le discours se révèle autrement plus trouble.

    Greenwashing
    Pendant plus d’un an, les journalistes d’investigation Xavier Deleu (Épidémies, l’empreinte de l’homme) et Marianne Kerfriden ont remonté la chaîne de production d’Ikea aux quatre coins du globe. Des dernières forêts boréales suédoises aux plantations brésiliennes en passant par la campagne néo-zélandaise et les grands espaces de Pologne ou de Roumanie, le documentaire dévoile les liens entre la multinationale de l’ameublement et l’exploitation intensive et incontrôlée du bois. Il révèle comment la marque au logo jaune et bleu, souvent via des fournisseurs ou sous-traitants peu scrupuleux, contribue à la destruction de la biodiversité à travers la planète et alimente le trafic de bois. Comme en Roumanie, où Ikea possède 50 000 hectares de forêts, et où des activistes se mobilisent au péril de leur vie contre une mafia du bois endémique. Derrière la réussite de l’une des firmes les plus populaires au monde, cette enquête inédite éclaire l’incroyable expansion d’un prédateur discret devenu un champion du greenwashing.

    https://www.arte.tv/fr/videos/112297-000-A/ikea-le-seigneur-des-forets
    #film #film_documentaire #documentaire #enquête
    #greenwashing #green-washing #bois #multinationale #meubles #Pologne #Mazovie #Mardom_House #pins #Ingvar_Kamprad #délocalisation #société_de_consommation #consumérisme #résistance #justice #Fondation_Forêt_et_citoyens #Marta_Jagusztyn #Basses-Carpates #Carpates #coupes_abusives #exploitation #exploitation_forestière #consommation_de_masse #collection #fast-furniture #catalogue #mode #marketing #neuro-marketing #manipulation #sous-traitance #chaîne_d'approvisionnement #Sibérie #Russie #Ukraine #Roumanie #accaparement_de_terres #Agent_Green #trafic_de_bois #privatisation #Gabriel_Paun #pillage #érosion_du_sol #image #prix #impact_environnemental #FSC #certification #norme #identité_suédoise #modèle_suédois #nation_branding #Estonie #Lettonie #Lituanie #lobby #mafia_forestière #coupes_rases #Suède #monoculture #sylviculture #Sami #peuples_autochtones #plantation #extrême_droite #Brésil #Parcel_Reflorestadora #Artemobili #code_de_conduite #justice #responsabilité #abattage #Nouvelle-Zélande #neutralité_carbone #compensation_carbone #maori #crédits-carbone #colonisation

    • #fsc_watch

      This site has been developed by a group of people, FSC supporters and members among them, who are very concerned about the constant and serious erosion of the FSC’s reliability and thus credibility. The group includes Simon Counsell, one of the Founder Members of the FSC; Hermann Edelmann, working for a long term FSC member organisation; and Chris Lang, who has looked critically at several FSC certifications in Thailand, Laos, Brazil, USA, New Zealand, South Africa and Uganda – finding serious problems in each case.

      As with many other activists working on forests worldwide, we share the frustration that whilst the structural problems within the FSC system have been known for many years, the formal mechanisms of governance and control, including the elected Board, the General Assembly, and the Complaints Procedures have been highly ineffective in addressing these problems. The possibility of reforming – and thus ‘saving’ – the FSC through these mechanisms is, we feel, declining, as power within the FSC is increasingly captured by vested commercial interest.

      We feel that unless drastic action is taken, the FSC is doomed to failure. Part of the problem, in our analysis, is that too few FSC members are aware of the many profound problems within the organisation. The FSC Secretariat continues to pour out ‘good news stories’ about its ‘successes’, without acknowledging, for example, the numerous complaints against certificates and certifiers, the cancellation of certificates that should never have been awarded in the first place, the calls for FSC to cease certifying where there is no local agreement to do so, the walk-outs of FSC members from national processes because of their disillusionment with the role of the economic chamber, etc. etc. etc.

      There has been no honest evaluation of what is working and what is not what working in the FSC, and no open forum for discussing these issues. This website is an attempt to redress this imbalance. The site will also help people who are normally excluded from the FSC’s processes to express their views and concerns about the FSC’s activities.

      Please share your thoughts or information. Feel free to comment on our postings or send us any information that you consider valuable for the site.

      UPDATE (25 March 2010): A couple of people have requested that we explain why we are focussing on FSC rather than PEFC. Shortly after starting FSC-Watch we posted an article titled: FSC vs PEFC: Holy cows vs the Emperor’s new clothes. As this is somewhat buried in the archives, it’s reproduced in full here (if you want to discuss this, please click on the link to go to the original post):
      FSC vs PEFC: Holy cows vs the Emperor’s new clothes

      One of the reasons I am involved in this website is that I believe that many people are aware of serious problems with FSC, but don’t discuss them publicly because the alternative to FSC is even worse. The alternative, in this case is PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes) and all the other certification schemes (Cerflor, Certflor, the Australian Forestry Standard, the Malaysian Timber Certification Council and so on). One person has suggested that we should set up PEFC-Watch, in order “to be even-handed”.

      The trouble with this argument is that PEFC et al have no credibility. No NGOs, people’s organisations or indigenous peoples’ organisations were involved in setting them up. Why bother spending our time monitoring something that amounts to little more than a rubber stamp? I can just see the headlines: “Rubber stamp PEFC scheme rubber stamps another controversial logging operation!” Shock, horror. The Emperor is stark bollock naked, and it’s not just some little boy pointing this out – it’s plain for all to see, isn’t it?

      One way of countering all these other schemes would be to point out that FSC is better. But, if there are serious problems with FSC – which there are, and if we can see them, so can anyone else who cares to look – then the argument starts to look very shaky.

      FSC standards aren’t bad (apart from Principle 10, which really isn’t much use to anyone except the pulp and paper industry). They say lots of things we’d probably want forest management standards to say. The trouble is that the standards are not being applied in practice. Sure, campaign against PEFC, but if FSC becomes a Holy Cow which is immune to criticism (not least because all the criticism takes place behind closed doors), then we can hardly present it as an alternative, can we?…”

      By the way, anyone who thinks that PEFC and FSC are in opposition should read this interview with Heiko Liedeker (FSC’s Executive Director) and Ben Gunneberg (PEFC’s General Secretary). In particular this bit (I thought at first it must be a mix up between FSC and PEFC, or Liedeker and Gunneberg):

      Question: As a follow-up question, Heiko Liedeker, from your perspective, is there room ultimately for programs like the Australian Forestry Standard, Certfor and others to operate under the FSC umbrella?

      Heiko Liedeker: Absolutely. FSC was a scheme that was set-up to provide mutual recognition between national standard-setting initiatives. Every national initiative sets its standard. Some of them are called FSC working groups, some of them are called something else. In the UK they are called UKWAS. We’ve been in dialogue with Edwardo Morales at Certfor Chile. They are some of the FSC requirements listed for endorsement, we certainly entered into discussion. We’ve been in discussion with the Australian Forestry Standard and other standard-setting initiatives. What FSC does not do is, it has one global scheme for recognizing certification. So we do not, and that’s one of the many differences between FSC and PEFC, we do not require the development of a certification program as such. A standard-setting program is sufficient to participate in the network.

      https://fsc-watch.com

    • Complicit in destruction: new investigation reveals IKEA’s role in the decimation of Romania’s forests

      IKEA claims to be people and planet positive, yet it is complicit in the degradation and destruction of Romania’s forests. A new report by Agent Green and Bruno Manser Fonds documents this destruction and presents clear requests to the furniture giant.

      A new investigative report (https://www.bmf.ch/upload/Kampagnen/Ikea/AG_BMF_report_IKEA_web_EN.pdf) by Agent Green and Bruno Manser Fonds shows a consistent pattern of destructive logging in IKEA-linked forests in Romania, with massive consequences for nature and climate. The findings are based on an analysis of official documents and field investigations of nine forest areas in Romania. Seven of them are owned by the IKEA-related company Ingka Investments and two are public forests supplying factories that produce for IKEA. The analysis uncovers over 50 suspected law violations and bad forest management practices. Biodiversity rich forest areas cut to the ground, intensive commercial logging conducted in ecologically sensitive or even old-growth forests without environmental assessments, dozens of meters deep tractor roads cutting through the forest are just a few of the issues documented.

      Most of the visited forests are fully or partially overlapping with EU protected areas. Some of these forests were strictly protected or under low-intensity logging before Ingka took over. Now they are all managed to maximize wood extraction, with no regard to forest habitats and their vital role for species. Only 1.04% of the total Ingka property in Romania are under a strict protection regime and 8.24% under partial protection. This is totally insufficient to meet EU goals. The EU biodiversity strategy requires the protection of a minimum of 30% of EU land area, from which 10% need to be strictly protected. One key goal is to strictly protect all remaining primary and old-growth forests in the EU.

      At the press conference in Bucharest Gabriel Păun, President of Agent Green, stated: “IKEA/Ingka seem to manage their forests like agricultural crops. Letting trees grow old is not in their culture. Removing entire forests in a short period of time is a matter of urgency for IKEA, the tree hunter. The entity disregards both the written laws and the unwritten ways of nature. IKEA does not practice what they preach regardless of whether it is the European Union nature directives, Romanian national legislation, or the FSC forest certification standard. But as a company with revenues of billions of Euros and Romania’s largest private forest owner, IKEA / Ingka should be an example of best practice.”

      Ines Gavrilut, Eastern Europe Campaigner at the Bruno Manser Fonds, added: “It is high time that IKEA started to apply its declared sustainability goals. IKEA could do so much good if it really wanted to set a good example as a forest owner, administrator, and large wood consumer in Romania and beyond. Needs could also be covered without resorting to destructive logging, without converting natural forests into plantations – but this requires tackling difficult issues such as the core of IKEA’s business model of “fast furniture”. Wood products should not be for fast consumption but should be made to last for decades.”

      Agent Green and Bruno Manser Fonds urge IKEA and the Ingka Group to get a grip on their forest operations in Romania to better control logging companies, not to source wood from national or natural parks, to effectively increase protection and apply forestry close to nature in own forests, to ensure full traceability and transparency of the IKEA supply chain, and allow independent forest oversight by civil society and investigative journalists.

      In August 2021, Agent Green published its first report documenting destruction in IKEA-linked forests in Romania. In May 2023, Agent Green and Bruno Manser Fonds sent an open letter of concern to the Ingka Group and IKEA Switzerland. BMF also started a petition demanding IKEA to stop deforestation in Romania’s protected forest areas and other high conservation value forests.

      The ARTE documentary IKEA, the tree hunter brilliantly tells the story of the real cost of IKEA furniture, the uncontrolled exploitation of wood and human labour.

      https://bmf.ch/en/news/neue-untersuchung-belegt-ikeas-beteiligung-an-der-waldzerstorung-in-rumanien-256

      #rapport

  • #Wikipédia, #démocratie_rhétorique

    Depuis quelques années, des discussions ont lieu dans la version francophone de Wikipédia pour essayer d’aboutir à des conventions de styles relatives à la #transidentité, comme dans la version anglophone. Début 2024, un #sondage interne à Wikipédia a été ouvert à propos de la mention du nom de naissance pour les personnes trans. Ce sondage a suscité presque immédiatement la #polémique. L’affaire a été beaucoup discutée sur Mastodon et s’est retrouvée dans la presse.

    Jusque-là, mon rapport à Wikipédia était assez banal : consultation fréquente (plusieurs fois par semaines, voire par jour) mais pas de contribution. Il faut dire que j’avais retenu la leçon vécue par Marc Jahjah : il vaut mieux s’être bien renseigné sur le fonctionnement de Wikipédia avant de contribuer, car c’est rempli de patrouilleurs indélicats. Et pour présenter rapidement Wikipédia en cours, une compréhension de surface suffit.

    Arrive cette controverse sur le nom des personnes trans. Parce que je connais quelques universitaires impliqués dans les débats, j’ai commencé à parcourir les pages de discussion, par curiosité. Et parce qu’il est indispensable de se renseigner sur le fonctionnement de Wikipédia pour décoder ces discussions, notamment tous les sigles employés, je me suis mis à parcourir toutes les pages qui décrivent le projet Wikipédia, notamment sa hiérarchie des #normes (#principes_fondateurs, #règles et #recommandations).

    Dans la foulée, quelques personnes ont publié des analyses : « contradiction entre volonté de #transparence et d’#entre-soi »  ; « désillusion de l’#intelligence_collective »… c’est là que les roues se sont mises à tourner à toute vitesse dans ma tête.

    Attention : ce qui suit, ce sont mes élucubrations personnelles. Si je les partage, c’est parce qu’elle ne recoupent pas ce que j’ai pu lire ailleurs. Coïncidence, ces jours-ci sort un livre de Sana Boussetat intitulé La formule Wikipédia . Je vois dans la table des matières que quelques pages portent sur le débat participatif et la gestion des conflits, il va en être question dans ce billet… En m’exprimant sur un sujet qui n’est pas ma spécialité, je risque un peu la sortie de piste, donc je préfère le signaler dès ici. Si besoin, je mettrai mon billet à jour.

    #Communs

    Wikipédia fait partie des #biens_communs, plus spécifiquement de la catégorie des #biens_communs_informationnels, ou #communs_de_la_connaissance. Quand on parle de « #communs » tout court, on entend généralement des espaces « collectivement construits et administrés ».

    Wikipédia fait le pari de l’intelligence collective. Or Tam Kien Duong résume justement la controverse actuelle comme une « désillusion de l’intelligence collective ». Pour qu’il y ait #désillusion, il faut qu’il y ait illusion. Alors voici une hypothèse : on a pensé que les communs de la connaissance seraient vertueux par essence.

    #Utopie :

    « Le fruit des rencontres entre les biens et les personnes peut être aussi bien positif que négatif ou quelque part entre les deux. Dans l’arène intellectuelle, le concept des biens communs est souvent brandi comme un étendard synonyme de liberté d’expression, d’accès libre et universel, et d’autogestion […] Cela peut être constructif, d’ailleurs cela donne souvent de l’élan aux actions collectives autour des communs. Mais un commun n’est pas chargé de valeurs. Son impact peut être bon ou mauvais, durable ou non ».

    Les effets produits par les communs de la connaissance dépendent donc de la manière dont ils sont collectivement construits et administrés.

    Comme pour chaque autre catégorie de biens communs, concevoir des communs de la connaissance implique des difficultés spécifiques. Et dans le cas de Wikipédia, il y en a une qui s’est avérée particulièrement aiguë : la tension entre l’idée d’une encyclopédie qui doit être une source de savoir contrôlé, et le principe d’une encyclopédie ouverte, dont tout le monde peut parler, que tout le monde peut rejoindre.
    Démocratie

    Quand on utilise le nom « Wikipédia », on peut désigner l’encyclopédie mais aussi l’organisation qui produit cette encyclopédie. La nature de l’encyclopédie est clairement expliquée sur la page Wikipédia est une encyclopédie : c’est une collection d’articles qui présentent chacun une synthèse des connaissances sur un sujet. En revanche, la nature de l’organisation est un peu moins simple à appréhender.

    La page Principes fondateurs définit dans les grandes lignes « Wikipédia et les conditions de son élaboration ». Elle parle aussi d’un « projet collaboratif ». La page Ce que Wikipédia n’est pas mentionne une « communauté ». Pour mieux cerner cette organisation, il faut donc creuser. On découvrira progressivement que le fonctionnement de Wikipédia est organisé suivant une hiérarchie des normes :

    - principes fondateurs (fondement intangible)  ;
    - règles (issues d’une prise de décision, c’est-à-dire d’un vote)  ;
    - recommandations (élaborées par consensus)  ;
    - essais (propositions relatives au fonctionnement de l’encyclopédie).

    Comment qualifier ce fonctionnement  ? Démocratique  ? Bureaucratique  ? Si on en croit Wikipédia, ni l’un ni l’autre. D’abord, ce ne serait pas « un projet politique » :

    « La communauté s’est dotée de certaines règles, mais il ne faut pas perdre de vue qu’elles n’existent que pour le but auquel la communauté aspire : construire une encyclopédie de qualité. Par extension, Wikipédia n’est ni une démocratie, ni une dictature, ni une anarchie, ou toute autre tentative de réalisation d’un projet politique quelconque. »

    Ce passage a de quoi étonner. Le terme « démocratie » est ramené à une définition historique – « tentative de réalisation d’un projet politique » –, ce qui permet d’affirmer ensuite que Wikipédia ne correspond pas à la définition. Or cette dernière est contestable. On peut arguer du fait que la démocratie n’est pas un processus historique mais sociologique : Raymond Aron par exemple définit la démocratie comme l’organisation pacifique de la compétition pour le pouvoir, et cela s’applique très bien à Wikipédia.

    #Consensus

    Wikipédia a donc un fonctionnement démocratique, que Dominique Cardon résume ainsi : « Wikipédia possède une sorte de Constitution, dont les principes, les règles et les recommandations permettent de trancher en cas de litige ». Concrètement, il y a du vote à certains niveaux mais pas partout : le mécanisme central est en fait le consensus. Celui-ci repose sur les règles suivantes :

    - il y a toujours un consensus pré-établi, qu’il soit tacite ou manifeste  ;
    – si vous voulez modifier quelque chose, « cherchez une modification judicieuse mariant les idées de chacun »  ;
    – si vous êtes en désaccord, « trouvez un compromis »  ;
    – si le désaccord persiste, on revient au consensus précédent.

    Le consensus est un processus dialectique : on exprime des avis  ; on interprète l’ensemble de ces avis  ; on exprime des accords ou désaccords à propos de cette interprétation. Or ce processus n’a qu’un ensemble limité de règles, qui se concentrent sur la mise en forme, la politesse et la traçabilité. Il n’y a pas de règlement politique du consensus. Et pour moi, une dialectique sans règles politiques dégénère immédiatement en rhétorique.
    Bureaucratie

    Wikipédia est parfois qualifiée de bureaucratie. L’encyclopédie elle-même affirme ressembler à une bureaucratie mais ne pas en être une :

    « Bien que Wikipédia rassemble de nombreux éléments d’une bureaucratie, elle n’est pas régie par les lois : ce n’est pas un organisme quasi-judiciaire, et les règles ne sont pas le but final de la communauté. Bien que certaines règles puissent être appliquées, les règles écrites ne fixent pas l’usage accepté. Elles se contentent plutôt de documenter les consensus communautaires existants concernant ce qui doit être accepté et ce qui doit être rejeté. »

    On retrouve le même problème qu’avec « démocratie » : le terme est défini de manière très spécifique pour pouvoir dire ensuite que Wikipédia ne correspond pas à la définition. Pour moi, l’affirmation ci-dessus ne permet pas de dire que Wikipédia n’est pas une bureaucratie, circulez, y’a rien à voir. Tout ce qu’elle fait, c’est déplacer le centre de gravité du fonctionnement bureaucratique vers le consensus, qui est un processus tout à fait formalisé – il est même représenté sous la forme d’un schéma décisionnel.

    Sachant qu’on revient toujours au consensus précédent si un nouveau consensus ne peut pas être trouvé, le système tend au statu quo, en raison d’un paradoxe empirique : un consensus peut s’obtenir très facilement (soit parce qu’il est tacite, soit parce qu’il est produit par une toute petite poignée de contributeurs) mais un nouveau consensus peut être très difficile à obtenir, parce qu’il implique un dilemme social (la remise en question d’un consensus) et que le dépassement de ce dilemme génère une friction énorme.

    En effet, et contrairement à l’un des principes essentiels de conception des communs – créer des mécanismes de résolution des conflits dont le coût soit peu élevé –, l’élaboration du consensus sur Wikipédia contient plusieurs sources de frictions majeures.

    Il y a d’abord ce parasitage de la dialectique par la rhétorique, que j’ai évoqué un peu plus tôt. Certaines personnes le dénoncent parfois, en accusant des contributeurs favorables au statu quo d’étirer les discussions à dessein pour épuiser leurs contradicteurs, qui finissent par jeter l’éponge. Selon moi, Wikipédia souffre ici d’un déficit de régulation. Dans l’espace public politique, il n’y a pas que les suffrages qui soient réglementés : la parole l’est aussi. Ce n’est pas pour rien que l’Assemblée nationale fonctionne avec des temps de parole et un agenda. Une discussion sans limite de temps ou de signes, sans contrainte basée sur la représentativité des interlocuteurs, c’est une discussion qui favorise naturellement les esprits procéduriers et vétilleux.

    Il y a ensuite l’effet « aiguille dans une botte de foin » : un sujet passe facilement sous les radars, du fait de l’immensité de l’encyclopédie. Les personnes qui pourraient y contribuer utilement ne sont donc pas forcément au courant, malgré des mécanismes comme le Bistro – la page d’actualités quotidienne de Wikipédia en français.

    Autre source de frictions, la prime à l’ancienneté : considérer que ceux qui contribuent suffisamment et régulièrement à Wikipédia sont plus légitimes que les autres pour décider de son fonctionnement. Cette idée a un versant positif, aligné avec la notion de biens communs en général : les communs doivent être administrés par la communauté concernée. Mais elle a aussi un versant négatif, quand on conçoit cette communauté comme structurée en cercles concentriques hermétiques. Pour réduire la tension entre l’envie d’ouvrir l’encyclopédie et la nécessité de protéger son fonctionnement interne, les contributeurs utilisent par exemple des critères de participation aux sondages (nombre de contributions total, nombre de contributions récentes). Ceci permet de se protéger de manœuvres visant à détourner le projet encyclopédique en faveur d’intérêts particuliers. Mais cela empêche aussi des groupes de voir leurs intérêts représentés dans le processus, ce qui les repousse vers des mécanismes externes de résolution des conflits, comme les systèmes médiatique et judiciaire.

    Certaines recommandations de Wikipédia comme Ne mordez pas les nouveaux visent à éviter la discrimination envers les novices  ; j’ai mentionné en introduction le cas de Marc Jahjah, eh bien le contributeur qui l’avait si mal accueilli a été sanctionné. La prime à l’ancienneté est une forme plus subtile de cette même logique, qui permet paradoxalement de reconstituer des enclosures à l’intérieur du bien commun.

    Ces différents phénomènes compliquent la résolution des conflits les plus difficiles. Et à cela viennent s’ajouter deux notions qui m’ont l’air de causer beaucoup de problèmes : la neutralité et la bonne foi.

    #Neutralité

    L’un des #Principes_fondateurs de Wikipédia est la Neutralité de point de vue. Il ne s’agit pas de faire émerger un « point de vue neutre » mais de restituer la pluralité des points de vue de manière neutre, c’est-à-dire de manière équitable, en contextualisant les différents points de vue, et en citant des sources.

    La neutralité pose des difficultés car son sens dérive vite. Sur la page de discussion du fameux sondage, on peut lire plusieurs commentaires qui opposent « la communauté Wikipédia » à des « communautés militantes », qui ne seraient pas « neutres ». C’est oublier que la neutralité de Wikipédia n’est pas la recherche d’un point de vue neutre mais d’une pluralité de points de vue. C’est surtout croire qu’il existerait une séparation magique entre une communauté Wikipédia qui serait non militante et des communautés extérieures militantes.

    Militer consiste à « agir pour faire reconnaître et triompher ses idées » (source : TLF). Sachant que la frontière qui séparerait Wikipédia du reste de la société n’existe en fait pas, il est inévitable que des personnes militantes s’impliquent sur Wikipédia. Si une personne militante agit en opposition au principe de neutralité, par exemple en effaçant les idées contraires aux siennes, ses modifications (qui peuvent s’apparenter à du vandalisme) seront retoquées. Mais si elle respecte les règles de Wikipédia, par exemple en faisant représenter ses idées aux côtés d’idées antagonistes, alors son militantisme n’est pas un danger pour Wikipédia. De fait, nombre de contributeurs sur Wikipédia sont « militants » de quelque chose et l’encyclopédie s’en porte très bien.

    Qualifier les militants de « non neutres », c’est donc confondre les actions concrètes de personnes militantes et leurs objectifs supposés, c’est-à-dire leur faire un procès d’intention. Et c’est ici qu’intervient l’hypocrisie de la « bonne foi ».

    #Bonne_foi

    Supposez la bonne foi est une recommandation importante dans Wikipédia. Elle implique deux choses :

    « Quand vous pouvez supposer raisonnablement qu’une erreur faite par quelqu’un est née d’une bonne intention pour atteindre les objectifs du projet, corrigez-la sans la critiquer. »

    « Quand vous n’êtes pas d’accord avec quelqu’un, rappelez-vous qu’il est probable qu’il souhaite et croit sincèrement contribuer à Wikipédia. »

    La bonne foi est ainsi définie comme le souhait sincère de faire progresser l’encyclopédie, de ne pas la dégrader ni lui nuire. En d’autres termes, cela consiste à respecter les principes fondateurs, et notamment le deuxième – la neutralité de point de vue.

    Que la bonne foi existe chez certains, c’est une certitude. En revanche, la présomption systématique de bonne foi me semble constituer un principe naïf, ce que Frédéric Lordon appellerait une « anthropologie enchantée ». Présumer la bonne foi n’implique pas que les gens soient réellement de bonne foi. Et au risque d’enfoncer des portes ouvertes, rien ne permet de présumer que la communauté Wikipédia est constituée exclusivement de gens parfaitement informés et toujours bienveillants : tout indique au contraire qu’elle peut être un haut lieu d’ignorance et d’intolérance, et qu’en cela elle s’inscrit malheureusement assez bien dans l’histoire de l’encyclopédisme et de l’organisation des connaissances.

    Dans la discussion à propos du fameux sondage, il y a quelques personnes qui me semblent d’une mauvaise foi crasse, évidente, assumée  ; des personnes dont tout le monde peut voir qu’elles utilisent sciemment les règles pour orienter le cours des choses dans le sens qu’elles veulent. « Mais non, pensez-vous, je ne fais que m’en tenir aux principes de notre encyclopédie. » Il suffit de lire leur page utilisateur pour découvrir une adhésion revendiquée à des écoles de pensée et des familles idéologiques. L’hypocrisie dont je parlais est là : dire qu’il faut présumer de la bonne foi, se récrier face à toute accusation de parti pris idéologique, et faire des procès d’intention à ceux qui s’opposent à nous.

    Cela va donc sembler un peu violent, surtout pour les personnes attachées à ce principe, mais je crois que la présomption de bonne foi est à la fois une friction et une fiction. C’est un piètre paravent, qui empêche de forcer tout un chacun à jouer cartes sur table dans la résolution des conflits. Elle grippe l’élaboration du consensus. Elle aiguise la duplicité de ceux qui masquent leurs intentions tout en dénonçant celles des autres. Elle permet à certains de jouir d’un pouvoir légitimé par des règles qu’il est très difficile de faire évoluer, par inertie ou effet de majorité  ; des gens qui feront tout pour écœurer les personnes opposées à la reconduction de l’existant, et qui n’hésiteront pas à affirmer ensuite que ce sont ces opposants qui ont déserté (comme on peut le lire dans le Bistro du 6 mars).

    À ce stade de l’écriture, je fais une pause pour boire un verre d’eau et me calmer un peu afin de finir sur une note un peu plus maîtrisée. Pas simple car en lisant des pages de discussion Wikipédia, on attrape vite un syndrôme d’exaspération par procuration.

    #Information

    Suite au sondage, la controverse a fait tache d’huile et atteint désormais de nombreuses pages de discussion, comme celle d’Elliot Page, Chelsea Manning ou encore Laverne Cox. Certaines personnes questionnent le choix des informations données, leur forme, leur place. D’autres résistent, avec plus ou moins de… bonne foi.

    Le désaccord porte sur la tension entre la volonté d’informer et celle de « ne pas nuire », cette dernière faisant partie des recommandations de Wikipédia concernant les Biographies de personnes vivantes. J’ai dit que Wikipédia est une encyclopédie et une organisation, il manquait donc un troisème élément : le lectorat. C’est essentiel car la controverse porte sur l’acte d’informer, qui est la fonction de l’encyclopédie. La neutralité de point de vue, par exemple, est pensée non pas pour elle-même mais pour le bénéfice des lecteurs.

    Or, et c’est une autre difficulté intrinsèque à l’usage du mot « neutralité », certains sur Wikipédia croient qu’il est possible d’informer de manière neutre. Il y aurait une équivalence entre respecter la pluralité des points de vue et informer le lectorat de façon neutre. Voilà qui sonne à mes oreilles comme une résurgence du modèle de la communication chez Shannon : un tuyau qu’on optimise jusqu’à ce que le bruit disparaisse. C’est impossible : informer/s’informer, c’est un processus communicationnel qui implique réception et feedback. C’est toujours situé, toujours soumis à diverses subjectivités, toujours parasité – jamais neutre.

    Si je devais le dire avec d’autres concepts d’info-com, je dirais qu’il y a une poussée ces jours-ci sur Wikipédia pour tenir compte de l’expérience informationnelle des personnes documentées dans l’encyclopédie. C’est un rejet de la tyrannie de la majorité, version encyclopédique. Et je dirais aussi que cela relève d’une chose plus générale : la volonté de tenir compte des valeurs portées par les processus/systèmes d’organisation des connaissances et des effets qu’ils produisent – ce que Birger Hjørland appelle une épistémologie « pragmatique » de l’organisation des connaissances. C’est ce courant de pensée qui produit aujourd’hui des recherches sur l’invisibilisation de certains groupes sociaux dans les archives et les encyclopédies, par exemple.

    #Universalisme

    Dans le fonctionnement de Wikipédia, les dilemmes sociaux qui ne peuvent être tranchés débouchent sur des compromis. Il n’y a pas d’autre issue au dissensus que le consensus. Pourquoi  ? Parce que Wikipédia est conçu pour afficher toujours le même contenu pour chaque lecteur.

    Dans un article de Wikipédia, on peut lire deux sections qui présentent des idées contradictoires. Mais on ne peut pas lire deux articles différents sur le même sujet, qui développent chacun leur lecture de ces contradictions. C’est le principal grief envers Wikipédia de mon co-directeur de thèse, l’historien Bertrand Müller, qui travaille sur le développement d’encyclopédies documentaires numériques capables de représenter le dissensus d’une autre manière. C’est en discutant de ce genre de chose que je me suis mis à faire des fiches de la forme « Concept (Auteur) » pour documenter des variantes de concepts par auteurs, et qu’à la fin on s’est retrouvés avec Cosma.

    Dans un article de Wikipédia, on peut lire qu’une personne stylise son nom d’une certaine manière, tout en minuscules par exemple. Mais on ne peut pas cocher une option qui permette d’afficher l’article dans cette convention de style. Il en résulte des bizarreries : on a un article « bell hooks » mais un article « Danah Boyd ».

    Dans un article de Wikipédia, on peut lire qu’une personne souffre de voir certaines informations divulguées, comme un nom de naissance. Mais on ne peut pas lire une version de cet article où ce nom est caché par défaut. Cela ne concerne pas que des personnes ayant fait une transition mais aussi des artistes dont le nom d’origine fuite et se retrouve relayé par Wikipédia (j’ai un exemple en tête mais par politesse je ne le citerai pas).

    Bref, Wikipédia est à la fois très innovante et pas innovante du tout. En tant qu’organisation éditoriale, c’est une nouveauté (et une réussite) indéniable. Le modèle encyclopédique, lui, est beaucoup plus classique, surtout au regard de ce qu’on pourrait faire avec le Web, les ontologies, le balisage sémantique… À quand Wikipédia multiformats  ?

    –-

    Pour clore ce billet bien trop long, je tiens à exprimer un petit message de soutien (sans les nommer) aux collègues qui s’investissent dans Wikipédia. Ils et elles se reconnaîtront. J’admire leur courage et leur patience. Si j’ai qualifié Wikipédia de démocratie rhétorique, disserté sur l’illusion de la présomption de bonne foi et les confusions autour de la neutralité, imaginé des rebonds parmi les concepts de ma discipline, eh bien c’est d’abord parce qu’il y a des collègues qui travaillent dur en première ligne et qui font connaître leurs efforts. Alors on s’y intéresse, on découvre de nouvelles choses, on élabore ses propres idées. Mais surtout l’enjeu c’est de propager l’idée centrale des communs : l’auto-organisation des personnes concernées. Au-delà des éléments précis abordés dans ce billet, c’est surtout cette idée-là qui me semble importante et intéressante.
    Bibliographie
    Bruce, Davis, Hughes, Partridge et Stoodley (dir.). Information experience : approaches to theory and practice. Emerald, 2014. 978-1-78350-815-0.
    Buckland, Michael. « Information as thing ». Journal of the American Society for Information Science. 1991, Vol. 42, n° 5, p. 351‑360. https://doi.org/10.1002/(SICI)1097-4571(199106)42:5<351::AID-ASI5>3.0.CO;2-3.
    Cardon, Dominique. Culture numérique. Presses de Sciences Po, 2019. Les petites humanités. 978-2-7246-2365-9.
    Gorichanaz, Tim. « Information and experience, a dialogue ». Journal of Documentation. 2017, Vol. 73, n° 3, p. 500‑508. https://doi.org/10.1108/JD-09-2016-0114.
    Hess et Ostrom (dir.). Understanding knowledge as a commons : from theory to practice. MIT Press, 2007. 978-0-262-08357-7.
    Hjørland, Birger. « Classification ». Knowledge Organization. 2017, Vol. 44, n° 2, p. 97‑128. https://doi.org/10.5771/0943-7444-2017-2-97.
    Lévy, Pierre. L’intelligence collective : pour une anthropologie du cyberspace. La Découverte, 1997. 978-2-7071-2693-1.
    Merzeau, Louise. « De la communication aux communs ». InterCDI. 2016, n° 261, p. 29‑30. http://www.intercdi.org/de-la-communication-aux-communs.
    Shannon, Claude E. « A Mathematical Theory of Communication ». Bell System Technical Journal. 1948, Vol. 27, n° 3, p. 379‑423. https://doi.org/10.1002/j.1538-7305.1948.tb01338.x.
    Wiener, Norbert. Cybernétique et société : l’usage humain des êtres humains. Trad. par Ronan Le Roux et Pierre Yves Mistoulon. Seuil, 2014 [1954]. 978-2-7578-4278-2.
    Wiener, Norbert. La cybernétique : information et régulation dans le vivant et la machine. Trad. par Ronan Le Roux, Robert Vallée et Nicole Vallée-Levi. Éditions du Seuil, 2014 [1948]. 978-2-02-109420-6.

    https://www.arthurperret.fr/blog/2024-03-08-wikipedia-democratie-rhetorique.html

    • #Sana_Boussetat, La Formule Wikipédia

      À l’heure où Wikipédia est entrée dans sa deuxième décennie et où les générations nées après les années 2000 n’auront pas connu d’avant Wikipédia, cet ouvrage propose de revenir sur l’œuvre qui est parvenue à dépoussiérer la norme et les usages bien pensés d’une tradition séculaire. Désormais, il est indéniable que l’avènement de Wikipédia a permis de franchir un cap vers une ère nouvelle où la connaissance et l’information ne s’écrivent plus exclusivement entre experts mais par le concours de rédacteurs bénévoles. Bouleversante, Wikipédia a osé modifier notre façon de rechercher la connaissance et, plus généralement, notre rapport au savoir. Mais sait-on vraiment ce qui se cache derrière un principe en apparence simple, celui d’une encyclopédie publiée sous licence libre et gratuite ? D’où nous vient ce concept hors norme ? Quels sont les fondements qui le régissent ? Comment s’organisent ses activités ? À quels rôles et quels moyens peut-on prétendre en rejoignant la communauté des wikipédiens ?

      Pensé comme un guide, cet ouvrage propose de revenir sur cette formule pionnière pour en offrir une description détaillée et un décryptage précis. Une entreprise indépendante dont l’unique but est d’aider le lecteur à appréhender un outil déjà bien installé dans les habitudes d’un grand nombre d’entre nous et qui façonne au quotidien notre information et notre connaissance du monde.

      https://www.fabula.org/actualites/119359/sana-boussetat-la-formule-wikipedia.html
      #livre

  • « La ruée minière au XXIe siècle » : le #mensonge de la #transition_énergétique

    La transition énergétique telle qu’elle est promue par les entreprises, les institutions et les gouvernements partout dans le monde repose sur l’extraction d’une quantité abyssale de #métaux. C’est ce paradoxe que décortique la journaliste et philosophe #Celia_Izoard dans son essai intitulé La ruée minière au XXIe siècle, qui paraît cette semaine au Québec aux Éditions de la rue Dorion.

    « Pour régler le plus important problème écologique de tous les temps, on a recours à l’industrie la plus polluante que l’on connaisse », résume l’autrice en visioconférence avec Le Devoir depuis son domicile, situé en pleine campagne dans le sud-ouest de la France.

    Cette dernière examine depuis plusieurs années les impacts sociaux et écologiques des nouvelles technologies. Elle a notamment publié un livre sur la vie des ouvriers de l’entreprise chinoise Foxconn, le plus grand fabricant de produits électroniques au monde. Ironiquement, nos outils numériques font défaut au cours de l’entrevue, si bien que nous devons poursuivre la discussion par le biais d’une bonne vieille ligne téléphonique résidentielle.

    Les métaux ont beau être de plus en plus présents dans les objets qui nous entourent, dont les multiples écrans, l’industrie minière fait très peu partie de l’imaginaire collectif actuel, explique Mme Izoard d’un ton posé et réfléchi. « Je croise tous les jours des gens qui me disent : “Ah bon, je ne savais pas que notre système reposait encore sur la #mine.” Ça me conforte dans l’idée que c’était utile de faire cette enquête. Notre système n’a jamais autant reposé sur l’#extraction_minière qu’aujourd’hui. »

    L’extraction de métaux a déjà doublé en vingt ans et elle n’est pas en voie de s’amenuiser, puisque les #énergies dites renouvelables, des #batteries pour #voitures_électriques aux panneaux solaires en passant par les éoliennes, en dépendent. Elle est susceptible d’augmenter de cinq à dix fois d’ici à 2050, selon une évaluation de l’Agence internationale de l’énergie.

    « Électrifier le parc automobile français nécessiterait toute la production annuelle de #cobalt dans le monde et deux fois plus que la production annuelle de #lithium dans le monde. Donc soit cette transition prendra beaucoup trop longtemps et ne freinera pas le réchauffement climatique, soit elle se fera dans la plus grande violence et une destruction incroyable », rapporte l’autrice.

    On bascule d’une forme d’extraction, du pétrole, à une autre, des métaux. « Cela n’a pas plus de sens que d’essayer de venir à bout de la toxicomanie remplaçant une addiction par une autre », juge-t-elle.

    Une justification officielle

    Les pouvoirs publics ne semblent pas y voir de problème. Ils font largement la promotion de cette #ruée_minière, promettant le développement de « #mines_responsables ». La #transition est la nouvelle excuse pour justifier pratiquement tous les #projets_miniers. « Une mine de cuivre est devenue miraculeusement une mine pour la transition », souligne Mme Izoard. Pourtant, le #cuivre sert à de multiples usages au-delà de l’#électrification, comme l’électronique, l’aérospatiale et l’armement.

    C’est dans ce contexte que la journaliste est partie à la recherche de mines responsables. Elle s’est documentée, elle a visité des sites d’exploitation, elle a consulté des experts de ce secteur d’activité et elle a rencontré des travailleurs, tout cela en #France, au #Maroc, au #Suriname et en #Espagne.

    Malgré les engagements publics et les certifications de plusieurs #entreprises_minières envers des pratiques durables et les droits de la personne, Celia Izoard n’a pas trouvé ce qu’elle cherchait. Au cours de cette quête, elle a publié une enquête pour le média Reporterre au sujet d’une mine marocaine mise en avant par les constructeurs automobiles #BMW et #Renault comme étant du « #cobalt_responsable ». Or, il s’est avéré que cette mine empoisonne les sols à l’#arsenic, dessèche la #nappe_phréatique et cause des maladies aux travailleurs.

    « La #mine_industrielle est un modèle qui est voué à avoir des impacts catastrophiques à moyen et long terme. Ce n’est pas parce que ces entreprises sont méchantes et malhonnêtes, mais parce qu’il y a des contraintes physiques dans cette activité. Elle nécessite énormément d’#eau et d’énergie, elle occupe beaucoup d’espace et elle déforeste. »

    #Boues_toxiques et pluies d’oies sauvages

    Dans son livre, Mme Izoard décrit de nombreux ravages et risques environnementaux qui sont matière à donner froid dans le dos. Les premières pages sont notamment consacrées au phénomène du #Berkeley_Pit, une ancienne mine de cuivre devenue un lac acide causant la mort de milliers d’oies sauvages.

    « Rappelons-nous la rupture de digue de résidus de la mine de cuivre et d’or de #Mount_Polley en 2014, lors de laquelle 17 millions de mètres cubes d’eau chargée en #métaux_toxiques ont irréversiblement contaminé de très grandes superficies et des ressources en eau d’une valeur inestimable, a-t-elle souligné au sujet de cette catastrophe canadienne. Or, des bassins de résidus de même type, il y en a 172 rien qu’en #Colombie-Britannique, et les boues toxiques qui y sont stockées représentent l’équivalent d’un million de piscines olympiques. Malheureusement, avec le chaos climatique, les risques de rupture accidentelle de ces barrages sont décuplés. » Elle considère d’ailleurs que le Canada est « au coeur de la tourmente extractiviste ».

    Les gouvernements du #Québec et du #Canada soutiennent généralement que le développement minier sur leur territoire respectera des #normes_environnementales plus strictes, en plus d’utiliser de l’énergie plus propre. Cet argument justifierait-il l’implantation de nouvelles mines ? Non, estime Mme Izoard.

    « Aucun État puissant industriellement ne relocalise sa #production_minière ni ne s’engage à cesser d’importer des métaux. Ce qui est en train de se passer, c’est que les besoins en métaux explosent dans tous les domaines et que les entreprises minières et les États se sont mis d’accord pour créer des mines partout où il est possible d’en créer. Ce n’est pas parce qu’on accepte une mine dans sa région qu’il n’y aura pas de mine pour la même substance à l’autre bout du monde. » Il est peu probable, par exemple, que des batteries produites au Québec s’affranchissent totalement des métaux importés.

    Pour une #décroissance_minérale

    Celia Izoard estime plutôt qu’une grande partie des mines du monde devraient fermer, puisqu’elles sont situées dans des zones menacées par la sécheresse. Nous n’aurions alors pas d’autre choix que de nous engager dans une désescalade de la consommation de métaux, « une remise en cause radicale de la manière dont on vit ». Selon cette vision, il faudrait contraindre l’ensemble du secteur industriel à se limiter, tout comme on lui demande de réduire ses émissions de GES. Les métaux devraient être réservés aux usages alors déterminés comme étant essentiels. Les immenses centres de données, les avions, les VUS électriques et les canettes d’aluminium sont-ils nécessaires à la vie humaine ?

    « Il faut arrêter de se laisser intimider par le #déterminisme_technologique, soit l’idée que le #progrès suit cette direction et qu’on ne peut rien changer. Ce sont des choix idéologiques et politiques très précis avec du financement public très important. Il faut cesser de penser que les technologies sont inéluctablement déployées et qu’on ne peut pas revenir en arrière. »

    https://www.ledevoir.com/lire/806617/coup-essai-mensonge-transition-energetique
    #mines #extractivisme #terres_rares #pollution

  • #Agriculture et #écologie : « En France, on ne peut pas parler de #surtransposition des #normes_européennes » - Public Sénat
    https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/colere-des-agriculteurs-en-france-on-ne-peut-pas-parler-de-surtransposit

    Selon la base de données sur les pesticides dans l’Union européenne, 383 substances actives sont autorisées par l’EFSA et 283 peuvent être commercialisées en France. Un total qui est loin de placer la France dans les pays les plus restrictifs sur la question puisque l’Allemagne n’en autorise que 262. Souvent considérée comme une menace pour les agriculteurs français, la Pologne autorise moins de pesticides que la France (265). La France apparaît même comme l’un des pays autorisant le plus de substances actives (seuls l’Italie, la Grèce et l’Espagne en autorisent davantage) .

    « Il est difficile de trouver beaucoup d’exemples de surtransposition et donc des produits interdits en France avant de l’être dans l’Union européenne », estime Sophie Thoyer, directrice de recherche à l’INRAE et professeure à Montpellier SupAgro. « Il y a eu une époque, notamment dans la première partie de la décennie 2010, où la France avait pour habitude de procéder à des interdictions de #pesticides avant l’#Union_européenne, cela a été le cas pour les néonicotinoïdes ou le diméthoate », note Benoît Grimonprez, professeur de droit rural à l’Université de Poitiers.

    #droit_européen

  • #Chowra_Makaremi : « Le #viol devient le paradigme de la loi du plus fort dans les #relations_internationales »

    En #Ukraine, Poutine revendique de faire la guerre au nom du genre. En #Iran, le régime réprime implacablement la révolution féministe. Dans d’autres pays, des populistes virilistes prennent le pouvoir. Une réalité que décrypte l’anthropologue Chowra Makaremi.

    IranIran, Afghanistan, invasion russe en Ukraine, mais aussi les discours des anciens présidents Donald Trump ou Jair Bolsonaro ou du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan : tous ont en commun de s’en prendre aux #femmes, comme l’explique l’anthropologue Chowra Makaremi.

    L’autrice de Femme ! Vie ! Liberté ! Échos du soulèvement en Iran (La Découverte, 2023) fait partie des chercheuses sollicitées par Mediapart pour #MeToo, le combat continue, l’ouvrage collectif publié récemment aux éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-clé sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été traversées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Entretien.

    Mediapart : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il va falloir supporter. » Cette phrase a été prononcée le 7 février 2022 par le président russe, #Vladimir_Poutine, devant Emmanuel Macron. Elle était adressée à l’Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, qui venait de critiquer les accords de Minsk, signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. Quelle lecture en faites-vous ?

    Chowra Makaremi : Le viol devient le paradigme de la #loi_du_plus_fort dans les relations internationales. La philosophe #Simone_Weil souligne dans un texte combien la #guerre relève de la logique du viol, puisque sa matrice est la #force qui, plus que de tuer, a le pouvoir de changer l’être humain en « une #chose » : « Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. [L’âme] n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence », écrit-elle.

    Cette comptine vulgaire de malfrats que cite #Poutine dit la culture criminelle qui imprègne sa politique. Elle me fait penser à ce que l’anthropologue Veena Das nomme la dimension voyou de la souveraineté étatique : la #truanderie comme n’étant pas seulement un débordement illégitime du pouvoir mais, historiquement, une composante de la #souveraineté, une de ses modalités.

    On le voit avec le pouvoir de Poutine mais aussi avec ceux de #Narendra_Modi en #Inde (dont parle Veena Das), de #Donald_Trump aux #États-Unis, de #Jair_Bolsonaro au #Brésil, de #Recep_Tayyip_Erdogan en #Turquie. Quand Poutine a dit sa comptine, personne n’a quitté la salle, ni Emmanuel Macron ni la presse, qui a cherché, au contraire, à faire parler la symbolique de cette « remarque ». Tout le réseau de sens et de connexions qui permet à cette cruelle boutade de tenir lieu de discours guerrier intuitivement compréhensible et audible montre que le type d’#outrage dont elle relève est une #transgression qui appartient, à la marge, à l’#ordre.

    On parle de la #masculinité_hégémonique au pouvoir avec Poutine, mais elle fait écho à celle de nombreux autres chefs d’État que vous venez de citer. Quelles sont les correspondances entre leurs conceptions de domination ?

    Il n’y a pas, d’un côté, les théocraties comme l’Iran et l’Afghanistan, et, de l’autre, les populismes virilistes de Trump, Erdogan, Bolsonaro, qui s’appuient sur des « #paniques_morales » créées par la remise en cause des rôles traditionnels de #genre, pour s’adresser à un électorat dans l’insécurité. Bolsonaro, très lié à l’armée et à l’Église, s’est appuyé sur je ne sais combien de prêcheurs pour mener sa campagne. Dimension religieuse que l’on retrouve chez Poutine, Modi, Erdogan.

    La #religion est un des éléments fondamentaux d’un #pouvoir_patriarcal très sensible à ce qui peut remettre en question sa #légitimité_symbolique, sa #domination_idéologique, et dont la #puissance est de ne pas paraître comme une #idéologie justement. Cette bataille est menée partout. Il y a un même nerf.

    Quand l’anthropologue Dorothée Dussy parle de l’inceste et de sa « fonction sociale » de reproduction de la domination patriarcale, son analyse est inaudible pour beaucoup. C’est ainsi que fonctionne l’#hégémonie : elle est sans pitié, sans tolérance pour ce qui peut en menacer les ressorts – et du même coup, en cartographier le pouvoir en indiquant que c’est là que se situent les boulons puisque, précisément, la puissance de l’hégémonie est dans l’invisibilité de ses boulons.

    Si on prend le #droit_de_disposer_de_son_corps, en Occident, il s’articule autour de la question de la #santé_contraceptive et du #droit_à_l’avortement et dans les mondes musulmans, autour de la question du #voile. De façon troublante, une chose est commune aux deux situations : c’est le viol comme la vérité des rapports entre genres qui organise et justifie la #contrainte sur les femmes à travers leur #corps.

    En Occident, le viol est le cas limite qui encadre juridiquement et oriente les discussions morales sur l’#avortement. Dans les sociétés musulmanes, la protection des femmes – et de leur famille, dont elles sont censées porter l’honneur – contre l’#agression_masculine est la justification principale pour l’obligation du voile. Il y a de part et d’autre, toujours, cet impensé du #désir_masculin_prédateur : un état de nature des rapports entre genres.

    C’est ce qu’assènent tous les romans de Michel Houellebecq et la plupart des écrits du grand Léon Tolstoï… « L’homme est un loup pour l’homme, et surtout pour la femme », dit un personnage du film Dirty Dancing. Cette population définie par ces rapports et ces #pulsions, il s’agit de la gouverner à travers l’#ordre_patriarcal, dont la domination est posée dès lors comme protectrice.

    L’Iran et l’#Afghanistan figurent parmi les pays les plus répressifs à l’encontre des femmes, les régimes au pouvoir y menant un « #apartheid_de_genre ». Concernant l’Afghanistan, l’ONU parle même de « #crime_contre_l’humanité fondé sur la #persécution_de_genre ». Êtes-vous d’accord avec cette qualification ?

    Parler pour la persécution de genre en Afghanistan de « crime contre l’humanité » me semble une avancée nécessaire car elle mobilise les armes du #droit pour désigner les #violences_de_masse faites aux femmes et résister contre, collectivement et transnationalement.

    Mais il me paraît tout aussi important de libérer la pensée autour de la #ségrégation_de_genre. À la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan, au #Baloutchistan, après la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, les femmes sont sorties dans la rue au cri de « Femme, vie, liberté », « Avec ou sans le voile, on va vers la révolution ». Dans cette région, leur place dans l’espace public n’est pas un acquis – alors qu’il l’est à Téhéran – et elles se trouvent au croisement de plusieurs dominations de genre : celle d’un patriarcat traditionnel, lui-même dominé par la puissance étatique centrale, iranienne, chiite.

    Or, en participant au soulèvement révolutionnaire qui traversait le pays, elles ont également renégocié leur place à l’intérieur de ces #dominations_croisées, chantant en persan, avec une intelligence politique remarquable, le slogan des activistes chiliennes : « Le pervers, c’est toi, le salopard, c’est toi, la femme libérée, c’est moi. »

    C’est en écoutant les femmes nommer, en situation, la #ségrégation qu’on saisit le fonctionnement complexe de ces #pouvoirs_féminicides : en saisissant cette complexité, on comprend que ce n’est pas seulement en changeant des lois qu’on les démantèlera. On se trouve ici aux antipodes des #normes_juridiques, lesquelles, au contraire, ressaisissent le réel dans leurs catégories génériques. Les deux mouvements sont nécessaires : l’observation en situation et le #combat_juridique. Ils doivent fonctionner ensemble.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/chowra-makaremi-le-viol-devient-le-paradigme-de-la-loi-du-plus-fort-dans-l

  • Faut-il laisser la dernière part de pizza ? - Vidéo Dailymotion
    https://www.dailymotion.com/video/x8qzltp


    https://s2.dmcdn.net/v/VYDCz1ba3pC94BUjS/x720

    Pourquoi nous est-il si difficile de prendre la dernière part de pizza ? Derrière cette question, c’est celle des normes sociales qui est posée. Notre journaliste Xavier de La Porte tente d’y répondre dans ce nouvel épisode de notre série Dilemme, qui aborde avec philosophie les petits problèmes moraux de la vie quotidienne. De quoi vous donner l’occasion de briller lors du réveillon du Nouvel an, même si la pizza n’est pas au menu.

    #Normes_sociales #Xavier_de_La_Porte

  • Luttes féministes à travers le monde. Revendiquer l’égalité de genre depuis 1995

    Les #femmes, les filles, les minorités et diversités de genre du monde entier continuent à subir en 2021 des violations de leurs #droits_humains, et ce tout au long de leur vie. En dépit d’objectifs ambitieux que se sont fixés les États pour parvenir à l’#égalité_de_genre, leur réalisation n’a à ce jour jamais été réellement prioritaire.

    Les progrès réalisés au cours des dernières décennies l’ont essentiellement été grâce aux #mouvements_féministes, aux militant.es et aux penseur.ses. Aujourd’hui, la nouvelle génération de féministes innove et donne l’espoir de faire bouger les lignes par son inclusivité et la convergence des luttes qu’elle prône.

    Cet ouvrage intergénérationnel propose un aperçu pédagogique à la thématique de l’égalité de genre, des #luttes_féministes et des #droits_des_femmes, dans une perspective historique, pluridisciplinaire et transnationale. Ses objectifs sont multiples : informer et sensibiliser, puisque l’#égalité n’est pas acquise et que les retours en arrière sont possibles, et mobiliser en faisant comprendre que l’égalité est l’affaire de tous et de toutes.

    https://www.uga-editions.com/menu-principal/nos-collections-et-revues/nos-collections/carrefours-des-idees-/luttes-feministes-a-travers-le-monde-1161285.kjsp

    Quatrième conférence mondiale sur les femmes


    https://fr.wikipedia.org/wiki/Quatri%C3%A8me_conf%C3%A9rence_mondiale_sur_les_femmes

    #féminisme #féminismes #livre #résistance #luttes #Pékin #Quatrième_conférence_mondiale_sur_les_femmes (#1995) #ONU #diplomatie_féministe #monde #socialisation_genrée #normes #stéréotypes_de_genre #économie #pouvoir #prise_de_décision #intersectionnalité #backlash #fondamentalisme #anti-genre #Génération_égalité #queer #LGBTI #féminisme_décolonial #écoféminisme #masculinité #PMA #GPA #travail_du_sexe #prostitution #trafic_d'êtres_humains #religion #transidentité #non-mixité #espace_public #rue #corps #écriture_inclusive #viols #culture_du_viol

  • Existe-t-il des #terrains_hostiles aux #chercheuses ?

    Les chercheuses font face à de véritables problématiques de terrain dans le cadre de leurs recherches. Du monde militaire en passant par le monde politique, quelles stratégies doivent-elles adopter pour mener au mieux leurs études en dépit des #risques encourus sur le terrain ?

    Avec

    – Marielle Debos Chercheuse à l’Institut des Sciences sociales du Politique et maître de conférences en sciences politiques à Paris-Nanterre
    – Ioulia Shukan Spécialiste de l’Ukraine, maîtresse de conférences en études slaves à l’Université Paris Nanterre et chercheuse à l’Institut des Sciences sociales du Politique et associée au Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen
    - Camille Abescat Doctorante en sciences-politique au sein du Centre de recherches internationale de Sciences Po

    C’est un post sur un réseau social qui nous a alerté la semaine dernière sur la publication dans la revue « Critique internationale » d’un vade-mecum intitulé « Genre, sécurité et éthique. Vade-mecum pour l’enquête de terrain. » (https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2023-3-page-59.htm) Son autrice, #Marielle_Debos, spécialiste de politique en Afrique, l’avait tout d’abord destiné à ses étudiantes. Elle s’interroge sur les risques que prennent les chercheuses sur le terrain et la #responsabilité que ces dernières ont vis-à-vis de leurs interviewées.

    Notre deuxième invitée, Camille Abescat, rend sa thèse sur les députés jordaniens cette semaine. Enfin, Ioulia Shukan, spécialiste de l’Ukraine et la Biélorussie, évoquera le changement de nature de son terrain devenu lieu de guerre, qui, comme toutes les chercheuses spécialisées de cette région, a été énormément sollicitée par les médias tout en ayant de plus en plus de difficultés à enquêter pour renouveler ses approches.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/existe-t-il-des-terrains-hostiles-aux-chercheuses-6589647

    #podcast #audio #terrain_de_recherche #recherche_de_terrain #terrain #recherche #femmes

    ping @_kg_

    • #Genre, #sécurité et #éthique. Vade-mecum pour l’enquête de terrain

      Les questions concrètes et matérielles que l’on se pose sur le terrain ne sont pas détachées des questions théoriques, méthodologiques et éthiques. L’article est composé de deux parties : la première est une introduction sur le genre, la sécurité et l’éthique dans les relations d’enquête, la seconde est un vade-mecum qui donne des conseils pour se protéger et protéger les enquêté·es, en mettant l’accent sur les #violences_sexistes et sexuelles. Je défends l’idée que les chercheuses peuvent réinventer une manière de penser et de faire du terrain, entre injonctions paternalistes à la #prudence et déni des difficultés rencontrées. La sécurité, en particulier celle des femmes et des #minorités, sur le terrain et à l’université suppose aussi une réflexion sur les effets de la #précarité et la persistance de #normes (sexisme, #fétichisation des terrains à risques, idéalisation de l’#immersion_ethnographique) qui peuvent les mettre en danger.

      https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2023-3-page-59.htm
      #vademecum #vade-mecum #violences_sexuelles #VSS #paternalisme

    • #BADASSES : Blog d’Auto-Défense contre les Agressions Sexistes et Sexuelles dans l’Enquête en Sciences sociales

      Manifeste

      « Les anthropologues ne se font pas violer ou harceler, les femmes si » (1)
      Moreno, 1995

      C’est ce qu’écrivait Eva Moreno dans un article témoignant du viol qu’elle a subi lors d’une enquête de terrain vingt ans auparavant. Ne nous méprenons pas : la date n’explique rien. Aujourd’hui encore, les violences sexistes et sexuelles s’immiscent dans la relation d’enquête. Sans grande surprise, la fonction de chercheureuse ne nous protège pas. C’est parce que femme, ou minorité de genre, qu’on est harcelé·e, agressé·e, violé·e ; et en tant que chercheureuse et sur notre espace de travail que cela arrive.

      Loin d’être anecdotiques, les violences sexistes et sexuelles dans l’enquête, tout comme dans l’ESR, sont pourtant invisibilisées : à l’Université, c’est le silence qui règne. Alors que les théories féministes et les études de genre ont largement travaillé sur les violences sexistes et sexuelles, que la sociologie regorge d’outils pour analyser les relations de domination, que la réflexivité dans l’enquête s’est imposée dans les sciences sociales, on ne peut que constater l’absence de la prise en compte de ces violences au sein de nos formations. À l’exception de quelques initiatives personnelles, souvent sous forme de séminaires ou de conseils informels aux jeunes chercheureuses, rares sont les TD de méthodologie où l’on discute de ces problématiques, des ressources dont les étudiant·e·s pourraient se saisir pour mieux penser les méthodes d’enquête, se protéger sur le terrain, et acquérir les outils permettant d’analyser et d’objectiver ces violences.

      Ce constat est le résultat d’un manque de considération certain quant au genre de l’enquête. L’enseignement méthodologique se fait le plus souvent à partir de la condition masculine, le devoir de réflexivité s’imposant alors aux seules femmes et minorités de genre – ce qu’illustre d’ailleurs l’importance qui lui est accordée dans les études de genre et de la sexualité. Telle qu’enseignée aujourd’hui, la démarche de l’enquête tend à valoriser les prises de risques. Au nom d’un imaginaire ancré du·de la chercheureuse aventurier·e, du dépassement de soi et de l’injonction à un terrain spectaculaire, les enquêteurices peuvent être poussé·e·s à se mettre en danger, davantage que dans leur vie quotidienne. Les chercheureuses sont encouragé·e·s à privilégier une forme d’intimité avec leurs enquêté·e·s, ainsi qu’à multiplier les relations et les espaces d’observation informel·le·s. En somme, à “tout prendre” pour collecter de “meilleures” données et ce, sans nécessairement avoir la formation indispensable aux pratiques ethnographiques. Fréquemment, la peur de “gâcher son terrain” ou de “se fermer des portes” redouble les risques encourus. Peut-être devrions-nous rappeler que l’abnégation de soi ne fait pas un bon terrain. Il est impératif de déconstruire ces mythes, qui comme toujours exposent davantage les femmes et minorités de genre. Qui plus est, la précarité systémique dans l’ESR – dont les jeunes chercheureuses sont les premières victimes – accentue voire favorise les prises de risques (conditions d’hébergement, de transport…).

      En tant qu’institution, l’Université se doit de visibiliser ces sujets et d’en faire de véritables enjeux. Il est pour cela nécessaire de (re)donner des moyens aux universités, la baisse drastique des financements et des recrutements empêchant la mise en place de véritables formations méthodologiques – qui nous semblent pourtant être un instrument de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais aussi plus généralement contre toute forme de violence dans l’enquête. Au-delà des moyens financiers, les universitaires se doivent aussi de prendre à cœur et à corps ces enjeux pour mettre fin au tabou qui entoure le sujet des violences sexistes et sexistes dans l’enquête. Mais leur seule prise en charge par les institutions en retirerait la charge politique et épistémologique. Il ne s’agit pas non plus d’être dépossédé·e·s d’espaces autonomes, d’auto-défense, pour se former, échanger, construire ensemble nos savoirs et créer des solidarités dans un champ académique qui, toujours plus compétitif et précarisé, freinent la mise en place d’initiatives collectives. En complément aux espaces déjà existants dans certaines universités ou collectifs de recherche, ce blog se veut donc être un espace dématérialisé, pour créer du lien, mutualiser les ressources, faire circuler discussions et outils, les rendre accessibles au plus grand nombre et en conserver les traces. Si l’approche par le genre est au cœur de ce blog, celui-ci a aussi vocation à visibiliser les violences racistes, validistes, classistes et, dans une perspective intersectionnelle, voir comment elles s’articulent avec les violences sexistes et sexuelles.

      (1) Si la citation de l’autrice se limite aux femmes, notons que notre réflexion et notre travail incluent de fait les minorités de genre.

      https://badasses.hypotheses.org

  • Mort de #Nahel  : IL EST URGENT DE MENER UNE VÉRITABLE #RÉFORME DU #MAINTIEN_DE_L’ORDRE

    Nahel est mort. Il a été tué à bout portant par un policier. Il avait 17 ans. Nous publions une analyse du contexte dans lequel sa mort s’inscrit. Nous appelons à la justice, mais aussi à une révision des règles d’utilisation des armes à feu par la police et à la fin du racisme systémique dans l’application des lois.

    Mardi 27 juin 2023, à 8h 15. Un policier tue par balle Nahel, un mineur de 17 ans, lors d’un contrôle routier à Nanterre, en banlieue parisienne. Dans la voiture se trouvent deux autres garçons âgés de 17 et 14 ans. Deux jours plus tard, le policier auteur du tir mortel est mis en examen pour «  homicide volontaire par une personne dépositaire de l’autorité publique  ». Maintenu en détention provisoire, il fait actuellement l’objet d’une enquête officielle de l’Inspection générale de la police (IGPN).

    D’après la vidéo rendue publique et que nous avons analysée, le tir semble constituer un recours illégal à la force meurtrière.

    Depuis ce nouveau drame, des mobilisations nationales sont organisées partout en France. La colère de la population doit être entendue.

    Il est urgent de mener une véritable réforme du maintien de l’ordre et de reconnaître enfin le racisme systémique dans l’application de la loi.
    Ce que nous dénonçons  :

    les règles actuelles du maintien de l’ordre en France ne sont pas conformes aux normes internationales  ;

    l’incapacité de longue date à mettre fin au profilage racial  ;

    l’incapacité à garantir la responsabilité des agents qui font un usage excessif de la force.
    Ce que nous demandons :

    une réforme complète des règles régissant l’utilisation des armes à feu et de la force meurtrière par les responsables de l’application des lois  ;

    la fin du dangereux déni des autorités concernant les effets du racisme systémique dans le maintien de l’ordre  ;

    la création d’un organisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre.

    Combien de Nahel n’ont pas été filmés  ?

    Combien de policiers n’ont pas été jugés  ?

    Combien de familles de victimes attendent encore justice  ?

    Les autorités françaises ne peuvent plus délibérément refuser d’admettre la réalité et laisser couver ces injustices.Il est urgent que le gouvernement agisse. Pour ne pas condamner la France à voir les mêmes drames se reproduire.

    Contrôles routiers   : un problème de longue date

    Les tirs mortels, lors de contrôles routiers par la police, sont un problème de longue date. Il s’est aggravé ces dernières années.

    Le tir mortel d’un policier sur Nahel - le plus récent d’une longue série d’homicides illégaux commis par la police lors de contrôles routiers - souligne l’urgence d’une refonte totale des règles françaises régissant l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, qui sont dangereusement imprécises et permissives.

    Nils Muižnieks, directeur régional Europe d’Amnesty International

    En 2017, un article ajouté au Code de la sécurité intérieure a élargi les motifs d’utilisation des armes à feu. Si le recours à la force doit répondre à une «  absolue nécessité  » et à «  une stricte proportionnalité  », l’usage des armes à feu et de la force meurtrière n’est plus strictement limité aux seuls cas de «  menace imminente de mort  » ou «  de blessure grave  ». Il est autorisé dès lors qu’il existe un risque "présumé" ou "anticipé" de blesser d’autres personnes.

    Cette formulation, trop vague, laisse une trop grande part d’arbitraire et de liberté d’appréciation aux policiers et est contraire au droit international relatif aux droits humains. L’homicide de Nahel est un exemple tragique des failles de ce cadre juridique. La vidéo montre clairement que l’avancée du véhicule ne constituait pas une menace pour les policiers.

    Le jour de la mort de Nahel, la député Caroline Abadie, vice-présidente de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, a déclaré dans une interview  : «  C’est quand même la police qui détient le droit de faire usage de la force. […] On est dans un état de droit, il faut […] rappeler les fondamentaux, quand il y a un barrage de police, on s’arrête, point barre […] Il faut aussi rappeler ces principes basiques17.  » Ce raisonnement, largement répandu, est erroné.

    Selon le droit international, le simple fait qu’une personne refuse d’obtempérer ou tente de s’enfuir, sans mettre en danger la vie de quiconque, n’est pas une raison suffisante pour utiliser une arme à feu. Un refus d’obtempérer à un ordre d’arrêter une voiture ne constitue pas en soi un motif légitime de recours à la force.  L’usage d’une arme à feu dans une telle situation ne peut être justifié que par des considérations autres que le simple fait qu’un véhicule a forcé un poste de contrôle  : il doit y avoir une menace imminente de mort ou de blessure grave pour des tiers.

    👉 Ce que nous dénonçons.

    Le cadre juridique français sur les règles d’utilisation des armes à feu n’est pas conforme au droit international relatif aux droits humains ni aux normes internationales en la matière. 
    👉 Ce que nous demandons.

    Les responsables de l’application des lois ne doivent être autorisés à utiliser leurs armes à feu qu’en dernier recours, en situation de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave. 

    Le poids du racisme systémique

    Si les autorités doivent revoir la politique générale de la police en matière d’utilisation des armes à feu, elles doivent aussi prendre des mesures significatives pour lutter contre le racisme systémique dans le maintien de l’ordre.

    En France, l’utilisation illégale des armes à feu dans le contexte de contrôles routiers semble en effet être associée à un préjugé raciste, puisque beaucoup des victimes d’homicides illégaux survenus dans ce contexte sont des personnes racisées. Selon l’agence de presse Reuters, la majorité des personnes tuées par la police dans un véhicule étaient racisées. Nahel était lui-même français d’origine algérienne. 

    En 2021, avec une coalition d’organisations (la Maison communautaire pour un développement solidaire, Pazapas, le Réseau Égalité, Antidiscrimination, Justice interdisciplinaire, Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative) nous avons engagé une action de groupe contre l’État français pour son inaction depuis des années. Nous avons saisi la plus haute juridiction administrative française, reprochant aux autorités de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher et sanctionner les contrôles d’identité au faciès menés par la police, malgré des preuves accablantes faisant état de discrimination systémique. 

    Les pratiques de contrôle au faciès ne naissent pas de rien.

    Le profilage racial est à la fois une cause et une conséquence du racisme systémique. De telles pratiques n’existent pas dans un contexte vierge et leur prévalence en France peut être considérée comme un reflet de la persistance d’un racisme sociétal systémique.

    TendayiAchiume,Ex-rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance
    👉 Ce que nous dénonçons.

    L’incapacité de longue date à mettre fin au profilage racial.
    👉 Ce que nous demandons.

    La fin du dangereux déni des autorités concernant les effets du racisme systémique dans le maintien de l’ordre.

    Le grand déni des autorités

    «  Nous sommes préoccupés par le meurtre d’un jeune homme de 17 ans d’ascendance nord-africaine par la police en France mardi dernier. Nous notons qu’une enquête a été ouverte concernant des allégations d’homicide volontaire. Le moment est venu pour le pays de s’attaquer sérieusement aux problèmes profonds liés au racisme et à la discrimination dans le contexte du maintien de l’ordre. Nous tenons également à insister sur l’importance du respect du droit de réunion pacifique. Nous demandons aux autorités de veiller à ce que le recours à la force par la police afin de lutter contre les éléments violents durant les manifestations respecte toujours les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination, de précaution et de responsabilité. Toute allégation de recours disproportionné à la force doit rapidement faire l’objet d’une enquête.  » 

    Cette brève déclaration d’une porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a immédiatement suscité de vives réactions.

    Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré en retour  : «  Toute accusation de racisme ou de discrimination systémiques par les forces de l’ordre en France est totalement infondée. […] L’usage de la force par la police et la gendarmerie nationales est régi par les principes d’absolue nécessité et de proportionnalité, strictement encadré et contrôlé  ».

    Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, a répondu sur BFMTV : «  Non, certainement pas, il n’y a pas de racisme dans la police.  »

    Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lors d’une interview au journal britannique The Telegraph : «  Je leur répète avec vigueur qu’il est inacceptable de dire que la police française est raciste, c’est totalement inacceptable  ». Selon ce même article, le ministre a écarté les accusations concernant le tir mortel, le qualifiant d’«  incident isolé  » dans un maintien de l’ordre qui «  respecte l’état de droit et fait son travail dans des conditions difficiles  ». 

    Six jours après la mort de Nahel, la présidente du Parlement français, Yaël Braun-Pivet, a même affirmé haut et fort  : «  La police exerce sa mission de façon merveilleuse  !  ».

    Ces déclarations de haut·es responsables du gouvernement français sont symptomatiques d’un refus de reconnaître l’existence d’un recours excessif à la force dans le cadre du maintien de l’ordre et d’un racisme systémique dans l’application des lois.

    Les affres de l’impunité

    Le déni des autorités renforce le sentiment d’impunité des forces de l’ordre et alimente une violence pourtant maintes fois dénoncée.

    En 2005, dans notre rapport sur les graves violations commises par des responsables de l’application des lois en France
    En 2009 , dans notre rapport «  France : des policiers au-dessus des lois  »
    En 2018, quand la France a été épinglée dans l’affaire Naguib Toubache
    👉 Ce que nous dénonçons.

    Ces dernières années, plusieurs de nos recherches montrent que, dans les affaires où des responsables de l’application des lois sont mis en cause, l’enquête – lorsqu’enquête il y a – n’est pas conforme aux critères de rapidité, d’indépendance, d’impartialité et d’efficacité établis par les normes internationales relatives aux droits humains.
    👉 Ce que nous demandons.

    La reconnaissance du caractère systémique du racisme dans le maintien de l’ordre et la création d’un organisme indépendant disposant de ressources suffisantes pour enquêter sur toutes les allégations de graves violations des droits humains imputées à des agents de la force publique.

    L’homicide de Nahel ne saurait être séparé de ce contexte. Il est impossible de ne pas y voir le manque d’action concrète de l’État français pour garantir l’obligation de rendre des comptes et mettre en œuvre une réforme systémique garantissant la non-répétition des pratiques abusives récurrentes. Il est urgent de mener une véritable réforme du maintien de l’ordre et de reconnaître enfin le racisme systémique dans l’application des lois.

    https://www.amnesty.fr/actualites/mort-de-nahel-reformer-utilisation-des-armes-a-feu-et-mettre-fin-au-racisme-

    #Amnesty #racisme_systémique #armes_à_feu #armes #police #normes_internationales #responsabilité #contrôles_routiers #refus_d'obtempérer #déni #impunité

    ping @karine4

  • RÆVE sur Twitter :
    https://twitter.com/jeraeve/status/1640047738929774594

    Arrêtez d’accepter bêtement qu’on vous oppose que « l’Etat et sa police détiennent le monopole de la violence légitime ».

    C’est faux, Ils détiennent celui de la violence légalisée.

    La légalité est une question de procédure alors que la légitimité est une question d’adhésion.

    La légalité c’est la qualité d’une norme ou d’une décision prise dans le cadre fixé par la loi.

    La légitimité c’est l’adhésion à une norme/décision/autorité par ses destinaires

    La violence d’état n’est légale que parce qu’exercée par les autorités désignées par la loi pour ce faire. Sa légitimité n’est en rien automatique et peut/doit être constestée même si elle est légale.

    C’est pour cette raison que toute bonne constitution ménage un espace pour la contestation du pouvoir, de ses décisions et actes en dehors du cadre institutionnel et c’est aussi pour cette même raison que le pouvoir fait tout pour rétrécir un tel espace :

    Sur le plan légal par des lois de plus en plus restrictives

    – Sur le plan matériel, avec une répression de plus en plus violente

    – Sur le plan symbolique, avec cette mobilisation de Weber pour établir la confusion entre légalité et légitimité et donc faire taire les critiques

    Donc il est important de résister à cette bataille des mots parce qu’on finit par penser avec leurs prémisses, être piégés dans les débats et surtout ça renforce le consentement du plus grand nombre à la violence d’Etat.

  • Pour terminer l’an 2022 de l’ère commune j’améliore mon langage
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/%C3%88re_commune

    Désormais je n’utiliserai dans mes textes et quand je parle que les expressions « ère commune » (EC) et « avant l’ère commune » (AEC). Il y a des équivalent en anglais en allemand et le chinois s’épargne de toute façon les allusions religieuses dans ses datations.

    Au moment du solstice allez prier au temple du soleil mais fichez moi la pix avec les partis pris religieux, nous sommes 50+ peuples réunis sous le drapeau rouge et on a mieux à faire que nous faire monter les uns contre les autres.

    Ma décision me permettra désormais d’éviter l’euro-centrisme et l’islamophobie inhérents aux termes « A.D ». ou « apr. J.-C. » comme dans « av. J.-C. » C’est important parce que les atavismes religieux dans nos langues ne font qu’attendre d’être transformés dans des idées ouvertement racistes et génocidaires.

    Suivant ce système, par exemple, la création du principat par l’empereur Auguste est datée « 16 janvier 27 AEC » au lieu de « 16 janvier 27 av. J.-C. » et la date du premier concile de Nicée s’écrit « 325 EC » à la place de « 325 apr. J.-C. ». Pour les dates EC, la précision peut ne pas être nécessaire.

    Dans la liste des versions de langue de l"article français manque la version allemande. On la trouve ici :

    v. u. Z.
    https://de.m.wikipedia.org/wiki/V._u._Z.

    v. u. Z. (vor unserer Zeitrechnung) dient der Jahreszählung mit Bezug auf die Geburt Jesu Christi, ohne den christlichen Bezug zum Ausdruck zu bringen. Diese Bezeichnung wird manchmal von Konfessionslosen, Angehörigen nichtchristlicher Religionen und in ausdrücklich säkularen Staaten verwendet und der verbreiteteren Abkürzung v. Chr. vorgezogen.

    In gleicher Weise steht u. Z. (unserer Zeitrechnung, auch n. u. Z., nach unserer Zeitrechnung) für Jahreszahlen, gezählt ab dem bei Einführung der Jahreszählung angenommenen Jahr der Geburt Jesu (Jahr 1).

    C’est marrant, l’auteur de l’article allemand a tout faux. Dans sa définition il se réfère aux notions et dates mythologiques chrétiennes alors que la raison d’être de l’expression « vor unserer Zeitrechnung » et de l’abbréviation « v.u.Z. » est parfaitement neutre par rapport au contexte éthymologique et historique de la datation.

    Pour moi sa définition est l’expression de l’anticommunisme subcutané généralisé en Allemagne où pour beaucoup « v.u.Z. » est une expression du totalitarisme en R.D.A. à laquelle on préfère notre si tolérante religion protestante ou catholique.

    Pourtant on trouve une explication valable plus bas dans l’article.

    Die in der EU verbindliche Datumsnorm (EN 28601) mit negativen und positiven Zahlen und dem Jahr Null nimmt auf religiöse Lehren keinen Bezug mehr (44 v. Chr. = −43, 2000 n. Chr. = 2000 oder +2000).

    ISO 8601
    https://en.m.wikipedia.org/wiki/ISO_8601#EN_28601

    The standard provides a well-defined, unambiguous method of representing calendar dates and times in worldwide communications, especially to avoid misinterpreting numeric dates and times when such data is transferred between countries with different conventions for writing numeric dates and times.

    https://cjwalsh.ie/tag/european-standardnorm-en-28601

    ISO 8601 : 2004 ... was ‘adopted’ by CEN (Comité Européen de Normalisation) as European Standard/Norm … EN 28601.

    Je vous souhaite toutes et tous de joyeuses fêtes et une bonne année 2023, et je vous promets que contre ma nature barbare je ne participerai à aucun génocide au nom de quoi que ce soit, ni en Amérique Latine, ni en Asie, ni ailleurs.

    Voilà, c’était facile.
    Ah, si tout était aussi simple !

    #date #normes #racisme #langue #colonialisme #génocide

  • Jane Mansbridge, entre faits et #normes
    https://laviedesidees.fr/Jane-Mansbridge-entre-faits-et-normes.html

    La contribution de Jane Mansbridge à la théorie #Politique est majeure : soucieuse toute sa vie d’allier recherche empirique et approche théorique, elle a beaucoup apporté à la critique du choix rationnel et à une réflexion sur la démocratie comprise comme un processus permanent, toujours en mouvement.

    #Philosophie #philosophie_analytique #Portraits #philosophie_morale
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20221221_mansbridge.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20221221_mansbridge.pdf

  • Laurie Laufer : « La psychanalyse a du mal à inventer un autre langage, à penser au-delà de Freud et Lacan »

    Alors que les études de genre, les savoirs et les théories LGBTQI + ont inventé d’autres perspectives en matière de sexualité, la discipline s’est quelque peu refermée sur elle-même et doit intégrer les changements sociétaux, explique la psychanalyste dans un entretien au « Monde ».

    Dans son ouvrage Vers une psychanalyse émancipée. Renouer avec la subversion (La Découverte, 240 pages, 18,50 euros), la psychanalyste Laurie Laufer dresse une critique sévère de sa discipline. Repliée sur elle-même, cette dernière serait dépassée, voire à contre-courant de notre société, certains psychanalystes n’hésitant pas à afficher leurs opinions contre le mariage pour tous ou contre la PMA pour les couples de femmes. Alors, la psychanalyse a-t-elle encore des choses à dire, et si oui, lesquelles ? Laurie Laufer, également professeure des universités à Paris-Cité et directrice de l’UFR Institut humanités, sciences et sociétés, invite à une relecture des principes fondateurs de sa discipline en replaçant le sujet – qu’il soit hétérosexuel, bi, homo, trans ou intersexe – au cœur de son travail analytique, sans négliger le contexte social et politique dans lequel s’inscrit sa démarche.

    Des grands concepts psychanalytiques sont aujourd’hui rejetés par les mouvements LGBTQI +, quels sont-ils ?
    `
    Il me semble que ce qui est plutôt rejeté, ce ne sont pas tant les concepts qu’a développés Freud, mais la façon dont certains psychanalystes les utilisent. Si des praticiens considèrent que la différence des sexes – l’un des principes fondateurs de la psychanalyse – revient à dire que l’anatomie fait le destin, cela produit une position normée et normative. Je pense que ce qui est rejeté, à juste titre, c’est la hiérarchisation, ce sont les discriminations et les oppressions que produit l’idée de la différenciation binaire. L’hétéronormativité – et la binarité qui va avec – participe d’un discours dominant, issu de ceux qui ont le privilège de ne pas être inquiétés par cette différenciation.

    De même, la notion de « femme phallique », ou de femme « puissante », est toujours considérée de manière péjorative ou dénigrante par la doxa. Mais pourquoi serait-il pathologique pour une femme de souhaiter obtenir ce que les hommes ont comme privilèges ? On associe souvent les termes « femme », « passive », « soumise » et « masochiste ». Mais à force de répéter cette association, on l’intègre. C’est notamment ce que souligne la philosophe américaine Judith Butler : nous jouons et rejouons dans le champ social les normes de genre que nous avons intériorisées ; si je veux me faire reconnaître comme femme, alors je dois jouer la passivité, la soumission, etc. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment la psychanalyse peut créer les conditions pour défaire cette chaîne de mots socialement intégrée.

    Vous rappelez que, pour Freud, l’homosexualité est une « variation de la fonction sexuelle ». D’aucuns soutiennent que la psychanalyse prédispose à l’homophobie…

    C’est en partie vrai. Plusieurs textes écrits par des psychanalystes traitaient l’homosexualité comme s’il fallait la guérir, sous-entendant que c’était une maladie. Mais ce n’est pas ce que dit Freud. Selon lui, l’homosexualité est « un choix d’objet », comme l’hétérosexualité. Il y a une sorte de détermination inconsciente qui fait que le sujet choisit son objet. C’est une forme de contingence, en somme.

    Rappelons-nous qu’à partir des années 1920 il y a un conflit majeur entre [le psychiatre et psychanalyste gallois - 1879-1958 ] Ernest Jones et Sigmund Freud. Jones s’oppose à Freud en assurant qu’une personne homosexuelle ne peut pas devenir psychanalyste. Cette pensée a irrigué la formation des analystes. Mais personne ne s’étonne qu’un hétérosexuel puisse analyser un autre hétérosexuel.

    Est-ce à dire que ce sont les disciples de Freud qui ont pathologisé l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ?

    Il est compliqué de l’affirmer, car vous pouvez lire Freud et trouver dans ses textes de l’homophobie. Il en est de même avec Lacan et la transphobie. Mais lorsque Lacan commente l’œuvre de Freud, il invite à toujours replacer ses concepts dans leur contexte historique. Il n’a d’ailleurs cessé de dire qu’il fallait réinventer la psychanalyse en permanence.

    En tant que psychanalyste, j’ai appris de ces concepts-là. Mais ce qui importe, c’est la façon dont je peux m’y référer, en lien avec les situations cliniques que je rencontre. A savoir, des configurations familiales et sexuelles différentes de l’époque de Freud ou Lacan.

    Du reste, il n’y a pas de raisons pour que la psychanalyse actuelle échappe à la droitisation de la sphère publique et politique. L’analyste n’est pas tout-puissant, en surplomb par rapport à son époque. Il y a donc des psychanalystes qui ont des positions politiques conservatrices.

    La psychanalyse a-t-elle finalement oublié d’être subversive, comme elle l’a été au moment de sa fondation ?

    Dire, comme l’a fait Freud, que l’homosexualité est une variation sexuelle, que la vie psychique est amorale, que l’enfant est un pervers polymorphe – au moment où on le considère comme candide et innocent –, tout cela est extrêmement subversif pour l’époque.

    On peut rappeler qu’en 1886 le psychiatre allemand Krafft-Ebing (1840-1902) écrit Psychopathia sexualis, ouvrage dans lequel il répertorie toutes les « déviances sexuelles », c’est-à-dire, selon lui, les actes sexuels qui ne visent pas la reproduction de l’espèce. Freud rompt avec cette idée. La question, aujourd’hui, pour moi, est de comprendre comment la psychanalyse s’est moralisée et normalisée. Et c’est en cela que Michel Foucault [1926-1984] m’intéresse. En 1975, dans une interview, il demande : « Qu’est-ce que c’est que cette pudeur sacralisante qui consiste à dire que la psychanalyse n’a rien à voir avec la normalisation ? »

    Certains psychanalystes sont restés enfermés dans la binarité sexuelle et de genre, et il y a une sorte d’affolement dès qu’on parle du corps. Car le corps est révolutionnaire, puissant, il n’est pas simplement anatomique. Il est également politique. C’est le support des formes de libération. Et c’est cette question que soulèvent la pensée, les savoirs et les théories LGBTQI +. Que peut un corps ? Beaucoup de choses, je crois. Ce sont les corps, les sexualités qui peuvent mettre le désordre dans un ordre social rigidifié.

    Les psychanalystes ne sont-ils pas suffisamment curieux ?

    C’est souvent compliqué de penser le « désordre » pour un psychanalyste, habitué à la différence des sexes et à la norme sexuelle. La pathologisation peut servir à calmer l’angoisse d’un praticien qui ne sait pas entendre une personne LGBTQI +. Il est des analystes qui préfèrent dire que ce sont des pervers ou des psychotiques, car ils n’arrivent pas à penser les personnes LGBTQI + en dehors des catégories qu’ils ont eux-mêmes figées. Ils n’ont pas vu l’aspect politique des mouvements LGBTQI + et sont restés sourds aux avancées scientifiques qui, tout au long du XXe siècle, ont remis en cause la binarité. Ils pensent une psychanalyse « hors histoire ».

    Lors de la Manif pour tous, l’expression de catastrophe anthropologique, utilisée par plusieurs psychanalystes, a été reprise en chœur par les anti-mariage pour tous et par les transphobes, se revendiquant de « la » psychanalyse, ainsi instrumentalisée. Qu’est-ce qui nous fait croire qu’il faut un père et une mère pour élever un enfant ? La question de l’œdipe est bien plus complexe que cela. L’anthropologie et la sociologie nous permettent de comprendre qu’il y a une multiplicité de formes de familles possibles.

    C’est donc cela que vous tentez de faire dans votre ouvrage, repenser votre discipline en l’inscrivant dans son temps ?

    L’idée de mon livre, ce n’est pas de dire « voilà ce que la psychanalyse peut dire des LGBTQI + », mais « voilà ce que les personnes LGBTQI + peuvent faire entendre à la psychanalyse ». Il s’agit d’analyser la façon dont la psychanalyse peut se laisser instruire par un autre discours, qui ne soit pas un discours autoréférencé. Parfois, j’ai l’impression que les psychanalystes parlent de la psychanalyse aux psychanalystes. Il faut sortir de sa bulle : le monde existe autour de nous !

    Il y a des psychanalystes qui considèrent les identités LGBTQI + comme de la « perversion sociale ». Moi, cela ne m’intéresse pas. Je ne suis pas une experte en diagnostic, et je ne suis pas dans une approche pathologisante. Quand un patient vient en séance, ma question n’est pas de savoir qui il/elle aime. Je ne suis pas là pour faire de la morale.
    Les mouvements LGBTQI + parlent de sexualité, de désir, de genre – tout ce qui intéresse la psychanalyse. Ils et elles ont écrit, pensé, produit des savoirs. A l’exception majeure de l’Ecole lacanienne de psychanalyse (ELP), qui a introduit un dialogue entre les théoriciens queers et la psychanalyse, comment se fait-il que la discipline ne soit pas allée regarder du côté de ce nouveau corpus théorique ?

    De quoi la psychanalyse souffre-t-elle aujourd’hui ?

    Je trouve que la psychanalyse n’a pas suffisamment travaillé à une épistémologie critique, à une réflexivité sur l’émergence de ses propres concepts. Comme l’a écrit le philosophe et théologien Michel de Certeau [1925-1986] dans Histoire et psychanalyse entre science et fiction (Gallimard, 1987) : « Là où la psychanalyse “oublie” sa propre historicité (…), elle devient ou un mécanisme de pulsions, ou un dogmatisme du discours, ou une gnose de symboles. » Je crois aussi qu’il ne faut pas négliger le poids des écoles psychanalytiques. II y a une sorte d’autoréférence permanente dans les formations. La psychanalyse a également du mal à inventer un autre langage, à penser au-delà de Freud et Lacan.

    Quel risque la psychanalyse court-elle en ne se réinventant pas ?

    Le risque – si c’est un risque – est d’amplifier cette idée que la psychanalyse est une pratique normative, réactionnaire. Je n’ai pas envie de sauver « la » psychanalyse, je pense simplement qu’il y a une autre façon de la pratiquer. Il y a aujourd’hui des psychanalystes qui intègrent les éléments de la théorie critique et les éléments politiques de notre société : les choses changent. Plusieurs psychanalystes se sont récemment déclarés homosexuels : c’est un geste éminemment politique. Aujourd’hui, il y a d’ailleurs une demande de « psy safe », à savoir des psys concernés ou alliés. Mais tout le monde devrait être concerné par la violence, la discrimination ou l’oppression. Depuis quand accepte-t-on que quelqu’un se fasse détruire ? C’est quand même curieux, non ?

    La psychanalyse a donc un réel intérêt pour les personnes LGBTQI + ?

    Il n’y a pas d’analyse « pour » les LGBTQI + : cela sous-entendrait qu’il y a un « eux », et un « nous » universel. En revanche, il peut y avoir des contextes de discrimination et d’oppression qui produisent des effets réels. Mais si une personne souffre ou a envie de parler à quelqu’un, de s’inventer, de retrouver des capacités d’agir et d’aimer, un élan érotique, alors la psychanalyse peut être une expérience intéressante. Judith Butler parle de l’agency– la puissance, la capacité d’agir – ainsi : « Qu’est-ce que je fais avec ce que l’on fait de moi ? » Pour le dire autrement, que fait-on avec les assignations dans lesquelles on est enfermé ? Pour l’expérience analytique, j’ajouterais : comment fais-je avec ce que je ne sais pas de moi-même ?

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/14/laurie-laufer-la-psychanalyse-a-du-mal-a-inventer-un-autre-langage-a-penser-

    #théorie #historicité #hétéronormativité #psychanalyse #droitisation #pathologisation #normes #femmes #homosexualité #homophobie #corps #sexualité

  • Bosnia Erzegovina: la corsa ai lavoratori stranieri in Republika Srpska
    https://www.balcanicaucaso.org/aree/Bosnia-Erzegovina/Bosnia-Erzegovina-la-corsa-ai-lavoratori-stranieri-in-Republika-Srps

    La Bosnia Erzegovina sta perdendo la propria popolazione e vi è una mancanza cronica di manodopera in molti settori. Ma la Republika Srpska ha trovato una soluzione: far entrare lavoratori stranieri semplificando le norme sui permessi di lavoro