• Penser et agir dans un monde en feu
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/23/climat-penser-et-agir-dans-un-monde-en-feu_6142831_3232.html

    Face au désastre écologique qui affecte désormais le quotidien et l’intimité de tous les contemporains, nombre d’intellectuels opèrent un « tournant géologique » afin de forger des récits capables de relever le défi climatique.

    #écologie #écologie_politique #écosophie #livres #note_de_lecture (façon Le Monde)

    • Mais un nouveau pas vient d’être fait, une nouvelle frontière a été franchie, par la volonté de dépasser la séparation entre les vivants et non-vivants. Et la décision de forger, comme y invite l’anthropologue Nastassja Martin dans A l’Est des rêves. Réponses even aux crises systémiques (La Découverte, 250 pages, 21 euros), une « ethno-métaphysique des éléments ». Dans les sociétés animistes, qui confèrent une âme aux êtres, certains collectifs communiquent avec les ours, les rennes ou les oiseaux. Néanmoins, poursuit Nastassja Martin, il faut également prendre en compte les relations aux éléments – terre, air, feu, eau – auxquels certains peuples s’adressent, à l’image des Gwich’in avec les aurores boréales, en Alaska – considérées comme des manifestations de l’esprit des morts. A l’instar des Even au Kamtchatka (Russie), qui donnent chaque première cuillère d’un repas au feu et à qui l’on parle afin qu’il n’embrase pas tout. « Nous touchons ici à un problème de taille », affirme-t-elle, évoquant même un relatif « silence des anthropologues » sur cette question. Mais cette métaphysique des éléments va peut-être « trop loin », se demande Nastassja Martin, qui cherche à sortir de la séparation ontologique entre l’animal, le végétal et le minéral et qui explore une raison animiste sans franchir les frontières de l’ésotérisme. L’anthropologue trouve chez les Even « non pas des réponses à nos tourments, mais des manières de se relier aux éléments », un dialogue avec les entités qui pourrait inspirer notre monde désenchanté.

      Comment penser hors des flammes », Frédéric Neyrat
      https://www.nouvelobs.com/idees/20220726.OBS61349/comment-penser-hors-des-flammes-par-frederic-neyrat.html

      (...) la collapsologie s’est effondrée avant le monde : incapables de sédimenter et de projeter une utopie hors des flammes, les pensées environnementales passent hélas trop vite de l’ordinateur à l’oubli, après un bref séjour sous les feux de l’actualité culturelle.

      Utopie ininflammable

      Que l’on passe du plan des idées à celui de la politique et l’accablement s’intensifie : chaque désastre environnemental, chaque glacier fondu, chaque espèce disparue nous rappelle comment les pouvoirs en place ont su déployer toute leur inventivité pour maintenir inchangée l’économie capitaliste. On dira qu’il y a des différences entre les pays qui tentent de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, et ceux qui défont (comme aux Etats-Unis) les lois de protection de la nature ; mais nous reviendra en mémoire un passage d’« En attendant Godot » : « J’ai tiré ma roulure de vie au milieu des sables ! Et tu veux que j’y voie des nuances ! » Au niveau de l’écologie planétaire, aucune transformation n’aura su s’imposer - une situation que la guerre en Ukraine renforce (réouverture de centrales à charbon, importation de gaz naturel liquéfié à l’exploitation très polluante, vente aux enchères de terres congolaises aux compagnies pétrolières).

      S’agirait-il alors de sombrer dans un individualisme désespéré ? On louera tout au contraire les actions de celles et ceux qui ne s’avouent pas vaincues : Youth for Climate, 350.org, Extinction-Rebellion, les Soulèvements de la Terre, etc. Mais toutes ces actions ne seront en mesure d’éviter l’écocide en cours qu’en favorisant, collectivement, un projet politique hétérogène à l’ordre du monde – une utopie ininflammable, une internationale à l’air libre pour tous les damnés de la Terre. Nous devons apprendre à penser hors des flammes, hors du temps fondu qui nous colle aux pieds, hors de l’espace étouffant de l’urgence.

      Récréer une distance

      Cela suppose, d’abord, de récréer une distance intellectuelle et politique avec la catastrophe en cours. Contrairement à ce qu’affirme la pensée écologiste aujourd’hui hégémonique, être « hors sol » est un impératif pour toute pensée libre – ne laissons pas le ciel à Elon Musk. Recréer une distance requiert, en outre, un style d’écriture et des livres capables de persister, d’affronter les angoisses de fin du monde sans y céder : le présent ne peut résister à ce qui le menace qu’en se chargeant des promesses d’émancipation du passé, ainsi forçant les portes de l’avenir – qu’on se le dise, nous ne sommes pas nés de la dernière pluie.

      Penser hors des flammes ne signifie donc pas imaginer quelque bunker où la vie serait protégée des atteintes du monde, mais au contraire refuser toute intériorité étouffante, y compris celle des flammes. Pour échapper à la claustrophobie des fumées et des pensées closes, inventons les dehors grâce auxquels nous serons en mesure d’éteindre l’incendie planétaire.

      #Nastassja_Martin

  • Plus vivants que jamais

    Franz Himmelbauer

    https://lavoiedujaguar.net/Plus-vivants-que-jamais

    Pierre Peuchmaurd
    Plus vivants que jamais. Journal des barricades

    Il s’échappe de ces pages un âcre parfum de lacrymos… ce texte est une sorte de « journal des barricades » qu’on aimerait citer de bout en bout, tant il nous fait éprouver physiquement le plaisir intense procuré par l’émeute, par « l’ouverture des possibles », comme disait Sartre. Un exemple parmi beaucoup d’autres : « Mardi 21. Paris-sur-Grève. Une ville paralysée et plus vivante que jamais. Parce que ce qui est paralysé est ce qui, en temps ordinaire, paralyse. Le métro étouffe, il n’y a plus de métro ; l’université façonne, il n’y a plus d’université ; l’usine broie, il n’y a plus d’usines ; nombre de bureaux retournent à leur poussière. Paris respire et n’en croit pas ses bronches. Jusqu’au pas des gens qui est différent, on dirait plus léger. En même temps qu’à parler, ils réapprennent à marcher. On repart à zéro. Cette fois, en sortira-t-il des hommes ? À quelques sales gueules près, et pas seulement les casquées, ils ont l’air plus heureux aussi. Quelque chose d’enfantin, quelque chose de nouveau. Fin de l’hibernation. » (...)

    #Pierre_Peuchmaurd #Mai_68 #récit #grève #barricades #note_de_lecture

  • #note_de_lecture : Ce que l’#art_préhistorique dit de nos origines (Emmanuel Guy)
    http://cdarmangeat.blogspot.nl/2017/10/note-de-lecture-ce-que-lart_19.html#more #préhistoire #paléolithique_supérieur #évolution_sociale

    Le #paléolithique supérieur, sa technique, son organisation sociale et son art viennent de donner lieu, en quelques mois, à deux ouvrages marquants, qui se regardent en miroir. Le premier, dans la belle collection illustrée Bibliothèque des Histoires, chez Gallimard, est un texte posthume d’Alain Testart : Art et religion de Chauvet à Lascaux ; le second, qui paraît ces jours-ci, est signé d’Emmanuel Guy. Ces deux livres nourrissent le débat le plus fondamental qui soit à propos de cette période...

  • Le resserrement de la cage d’acier
    http://www.lecourrier.ch/130349/le_resserrement_de_la_cage_d_acier

    Il y a plus d’un siècle, le sociologue Max Weber considérait que la modernité capitaliste se caractérisait par la progression d’une rationalité qui se concrétisait par l’enfermement de nos vies quotidiennes dans une cage d’acier faite de normes techniques. Où en sommes-nous face à une telle prévision ?

    La colonisation du monde vécu. Il ne semble pas que la prévision énoncée par Max Weber de l’enfermement des existences dans une cage d’acier, constituée de normes techniques, ait été démentie. Dès les années 1970, le philosophe Jürgen Habermas a utilisé pour décrire ce mouvement l’expression de « colonisation du monde vécu ». Cette expression désigne, chez cet auteur, le fait que le monde de la vie quotidienne se trouve enserré par la rationalité instrumentale du système qui se divise, selon lui, en deux sous-systèmes : économique et administratif. Le fonctionnement du marché et les normes juridiques constituent un maillage de plus en plus serré de nos existences, au point qu’il devient de plus en plus difficile d’imaginer et d’admettre que l’on puisse vivre sans cet encadrement de nos vies.
    La domination de la rationalité marchande et technocratique au travail. L’économiste Daniel Cohen, dans Homo economicus (2012) ou encore le philosophe Michael Sandel, dans Ce que l’argent ne saurait acheter (2014) ont mis en lumière les transformations que la domination de la rationalité marchande sont en train d’effectuer sur les comportements humains. Progressivement, ce sont des manières d’être traditionnelles, ancrées dans la vie quotidienne et des modes de relations sociales non marchands, qui perdent leur sens subjectif pour les personnes. Ainsi, il arrivera un temps où les cadeaux offerts lors des fêtes traditionnelles n’auront plus de valeurs symboliques ou affectives, mais uniquement la valeur marchande que l’on peut en tirer sur les sites internet de vente en ligne. C’est ce que Karl Polanyi dans La grande transformation (1944) avait déjà souligné en parlant du désencastrement de l’économie marchande par rapport au social.

    Mais ce ne sont pas seulement les relations de solidarité qui perdent leur sens au profit du calcul utilitaire. Cette rationalité technocratique atteint le monde du travail, provoquant, comme cela a été mis en valeur par les travaux du psychologue du travail Christophe Dejours, des psychopathologies et une souffrance psychique et physique. Notre activité de consommateur se trouve également soumise à des normes de rationalité imposées par la logique capitaliste, nous forçant au travail gratuit, comme le montre Marie-Anne Dujarier dans Le travail du consommateur (2014).

    La domination de la rationalité bureaucratique. Nombre de discours sociologiques, à la suite de ceux de Michel Crozier, avaient mis en valeur la critique de la bureaucratie, aussi bien dans le monde de l’entreprise que de l’Etat. Néanmoins, le travail de Béatrice Hibou vient relativiser cette thèse. Dans La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale (2012), elle montre comment notre quotidien se trouve au contraire quadrillé par des normes en tout genre : de qualité, d’hygiène... Cette rationalité technocratique étatique est également à l’œuvre dans l’emprise exercée par la surveillance et le contrôle des existences quotidiennes, comme l’a analysé entre autre Armand Mattelart dans La globalisation de la surveillance (2008), analyse qu’il a complétée, avec André Vitalis, dans Le profilage des populations (2014).

    La technocratisation de la vie quotidienne. Cet enserrement de la vie quotidienne n’est pas seulement à l’œuvre du fait de l’Etat et du marché. Il ne s’applique pas seulement aux travailleurs ou aux consommateurs que nous sommes. C’est l’ensemble de nos actions et de notre subjectivité qui se trouve transformé par le techno-capitalisme.

    On peut ainsi citer les analyses faites sur la transformation de notre rapport au temps, que ce soit par Paul Virilio ou Hartmut Rosa : l’accélération du monde vécu, qui a pour corollaire le rétrécissement de l’espace et l’augmentation du stress. Cette transformation du rapport au temps se traduit par une diminution du temps de sommeil, comme le souligne Jonathan Crary dans 24/7 - Le capitalisme à l’assaut du sommeil (2014). Cette colonisation technocratique du monde est à l’œuvre également dans l’espace urbain, comme l’analyse Elisabeth Pélegrin-Genel, dans Des souris dans un labyrinthe (2012). Cette emprise sur notre monde vécu est présente dans le moindre des objets standardisés de notre vie quotidienne, comme le met en lumière le philosophe Jean-Michel Besnier dans L’homme simplifié (2012). Elle est à l’œuvre enfin dans nos loisirs, en particulier dans ce que le philosophe Roberto Casati appelle le colonialisme numérique.

    Dans ce monde d’objets marchands et de constructions urbaines, pensées selon les logiques des politiques étatiques et de la rationalité capitaliste, quelle place reste-t-il encore pour la constitution de subjectivités individuelles et collectives qui échappent aux logiques du techno-capitalisme ?

    #idées #capitalisme #rationalisme #temps

  • #Mayotte, l’illusion de la France. Propositions pour une décolonisation | Jean Chesneaux
    http://www.monde-diplomatique.fr/1995/09/CHESNEAUX/6656

    Si le nom de Mayotte est entré dans le vocabulaire politique français (on a pu parler de « mayottisation » éventuelle de l’archipel des Marquises, par rapport au TOM de Polynésie), c’est que la procédure qui a séparé cette île du reste des Comores, lors du référendum d’indépendance de 1976, est restée très controversée. Cette bonne monographie s’attaque aux mythes officiels sur la vocation française de Mayotte, sultanat des Comores devenu colonie dès 1843. Elle analyse les vicissitudes administratives de (...) 1995/09 / Mayotte, note de lecture

    #1995/09 #note_de_lecture

  • #Mayotte, l’illusion de la France. Propositions pour une décolonisation | Jean Chesneaux
    http://www.monde-diplomatique.fr/1995/09/CHESNEAUX/6656

    Si le nom de Mayotte est entré dans le vocabulaire politique français (on a pu parler de « mayottisation » éventuelle de l’archipel des Marquises, par rapport au TOM de Polynésie), c’est que la procédure qui a séparé cette île du reste des Comores, lors du référendum d’indépendance de 1976, est restée très controversée. Cette bonne monographie s’attaque aux mythes officiels sur la vocation française de Mayotte, sultanat des Comores devenu colonie dès 1843. Elle analyse les vicissitudes administratives de (...) 1995/09 / Mayotte, note de lecture

    #1995/09 #note_de_lecture