• La #révolution agroécologique. Nourrir tous les humains sans détruire la planète

    Mûrs pour la révolution agroécologique ? Les échecs de la #révolution_verte des années 1960 et les dysfonctionnements du #système_alimentaire_mondial actuel ne sont plus à démontrer : épuisement des #sols, érosion de la #biodiversité, problèmes de #santé liés aux #pesticides, #carences_alimentaires chez des millions de personnes, sans compter l’#endettement des #paysans, la #privatisation du vivant et la domination des géants de l’#agrobusiness sur les #semences et les réseaux de #distribution_alimentaire… Il est temps de conjuguer #agriculture et #écologie !

    Fort de son parcours d’enseignant et de chercheur en agriculture, #Alain_Olivier nous guide dans cet ensemble de principes scientifiques et de #pratiques_agricoles qu’est l’agroécologie. Il est important de miser sur une gestion appropriée des sols, sur le recyclage de la #biomasse végétale et animale, sur la protection de l’#eau et des #écosystèmes. #Rotations, associations des cultures et #agroforesterie devraient être la norme, tout en intégrant l’#élevage de façon raisonnée. Puisque l’agroécologie valorise le #terroir, le savoir paysan et le rôle des #femmes, il est également crucial que ceux et celles qui nous nourrissent aient #accès_à_la_terre et aux semences.

    À l’ère des #changements_climatiques, les processus écologiques, la #justice_sociale et la #souveraineté_alimentaire doivent se trouver au cœur du fonctionnement des agroécosystèmes ainsi que du #système_alimentaire en général. Vaste #mouvement_social qui cherche à établir des pratiques plus soutenables et plus justes, l’agroécologie est la voie toute désignée pour métamorphoser les liens qu’entretient l’être humain avec sa #nourriture, son territoire et une #nature à bout de souffle.

    https://ecosociete.org/livres/la-revolution-agroecologique
    #agroécologie #alimentation #livre #industrie_agro-alimentaire

  • Les #salades_en_sachet trop contaminées par les #pesticides

    Les mâches et laitues préparées sont-elles propres ? Pas vraiment. Nos tests révèlent des résidus de #fongicides ou d’#insecticides dans la plupart.

    Elle est belle ma #salade ! En vrac ou en sachet ? Nous sommes nombreux à opter pour sa version emballée, bien plus pratique. De quoi expliquer le succès des fruits et légumes « prêts à l’emploi ». Et dans ce rayon, les salades en sachet tiennent le haut du panier. Près de sept foyers sur dix achètent des #salades_emballées, d’abord pour leur praticité et le gain de temps, même si elles sont plus chères. Déjà découpées, triées, lavées et essorées, elles font gagner une dizaine de minutes, comparativement à la salade traditionnelle.

    Vingt-six salades – laitues classiques et iceberg, ainsi que des mâches – emballées dans du plastique, ou pour quelques-unes dans du papier, ont été passées au crible de nos analyses. À la fois de marques nationales (Bonduelle, Florette, Les Crudettes) et de marques de distributeur (Aldi, Lidl, Carrefour, Monoprix, Intermarché, E. Leclerc…). Qu’elles soient conventionnelles ou bio, l’enjeu était de savoir si elles contenaient des résidus de pesticides et dans quelle quantité.

    Des limites légales de pesticides régulièrement dépassées

    Les salades sont des produits fragiles, sensibles à l’humidité et aux ravageurs. Avec pour conséquence un usage fréquent de pesticides, qui permet à la fois d’assurer un fort rendement et de pouvoir présenter un produit visuellement intact aux consommateurs. Résultat : la salade en sachet est un aliment régulièrement rappelé par la Répression des fraudes, pour dépassement de limites légales de résidus.

    Nous avons donc cherché à quantifier les pesticides présents sur les produits sélectionnés. Nous avons également mesuré les résidus de solution chlorée, utilisée en usine pour laver le produit avant emballage. Disons-le d’emblée, nos résultats se révèlent décevants, voire inquiétants pour une partie des salades en sachet. En témoignent les chiffres.

    Sur les 26 références, seules cinq sont indemnes de #contamination : deux laitues et trois mâches. Pour le reste, nous avons détecté une moyenne de 3,8 résidus de pesticides par salade contaminée… sachant que nos analyses ont identifié 28 molécules différentes. Un véritable cocktail !

    Les #effets_cocktail restent inconnus à ce jour

    « Pourtant, beaucoup de produits autorisés jusqu’alors ont été supprimés, et les producteurs font un gros travail pour éviter les traitements phytosanitaires, explique Pierre Meliet, le président du Syndicat des fabricants de produits végétaux frais prêts à l’emploi (SVFPE). Mais, à date, on ne sait pas comment lutter efficacement contre les différentes maladies de la salade, comme les invasions de pucerons ou le mildiou de la salade. » Certes, ce légume est exposé à des maladies difficiles à traiter sans l’aide de fongicides et d’insecticides. Mais ce cocktail contient tout de même huit molécules suspectées d’avoir au moins une action « cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction » (CMR).

    Ce classement CMR est établi par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Elle reçoit et évalue les substances utilisées par les entreprises au regard de la législation européenne (règlement Reach). Une substance dangereuse peut être interdite par les autorités si les risques qu’elle présente ne peuvent pas être maîtrisés. Ou seulement restreinte à des usages bien précis. C’est le cas, dans notre essai, de deux insecticides CMR autorisés sur les laitues mais pas sur les mâches. Nous avons retrouvé l’un, soupçonné d’être reprotoxique (métaflumizone) et l’autre, suspecté cancérogène (propyzamide), dans des laitues de marques de distributeurs.

    Au total, onze laitues contiennent un ou plusieurs résidus de pesticides potentiellement CMR, seulement détectés (moins de 0,01 mg/kg en laboratoire) ou même quantifiés dans quatre références. Certes, les quantités retrouvées sont dans les clous réglementaires, même pour la plus élevée (0,18 mgkg de métaflumizone) de l’essai. Autrement dit, il n’y a – théoriquement – pas de risque pour la santé. Mais à ce jour, les scientifiques ne savent quasiment rien des effets cocktail entre toutes ces molécules.

    Laitue Florette, avec ou sans pesticides ?

    L’origine de ces résidus peut être multiple : usage volontaire, dispersions aériennes dues à un épandage à proximité, contamination(s) du sol et/ou des eaux… Soit dit en passant, on peut s’étonner de détecter un pesticide CMR dans la laitue Florette labellisée « sans résidu de pesticides », alors que la version classique, elle, sort indemne.

    Toutes nos laitues contiennent aussi des pesticides non #CMR ; ils présentent un risque moins élevé, voire quasi nul pour certains. Tous pesticides confondus, les plus mauvaises élèves comptent jusqu’à neuf résidus dans une même salade (Aldi et Top Budget) ! Sans surprise, elles sont jugées « très insuffisantes » sur ce critère. Et plus de la moitié de nos laitues ne décrochent pas la moyenne sur leur note finale.
    Contamination fortuite de la mâche Carrefour bio

    Du côté des mâches, seules quatre références sont concernées par des molécules suspectées CMR, à savoir Bonduelle, Saint Eloi, U et Carrefour bio. Le problème avec cette dernière référence, c’est qu’il s’agit d’un métabolite issu de la dégradation d’un herbicide (le dichlobénil), interdit d’usage depuis 2010 ! Un comble pour une salade bio.

    Erreur ou ajout volontaire ? Au vu des quantités importantes, elle ne vient a priori pas de l’eau de rinçage des salades. On peut donc penser à un usage délibéré, ce dont se défend Carrefour. Dans sa réponse, obtenue tardivement, l’entreprise nous précise que ce métabolite, malgré son interdiction, demeure rémanent dans le sol. De plus, ses propres analyses de recherche de résidus de pesticides – réalisées à la même période et chez le même producteur de l’échantillon en question – n’ont pas identifié cette substance. Il s’agirait donc, selon ces éléments, d’une contamination fortuite de l’environnement.

    Même si les notes sont globalement meilleures que pour les laitues, nous restons déçus par l’omniprésence des pesticides. Seul le trio de tête y échappe, alors que les références bio Auchan et Monoprix sont contaminées chacune par un pesticide, certes considéré à faible risque.

    Bains de lavage, puis bain désinfectant

    Autre question légitime : retrouve-t-on des traces de #chlore issues du lavage des salades ? Une fois ramassées, découpées, triées et parées (pour ôter toutes les parties abîmées), elles sont lavées à l’eau potable. Cette dernière étape compte un bain de prélavage pour éliminer les débris de terre et d’insectes, puis un bain désinfectant à l’eau légèrement chlorée, « dans des concentrations encadrées par les autorités sanitaires », souligne Karima Kaci, déléguée générale du SVFPE.

    L’objectif : garantir une salade exempte de germes potentiellement toxiques (tels que salmonelles, listeria, virus entériques, etc.). Les résidus de #solution_chlorée (#chlorate) sont normalement éliminés lors de la phase de rinçage, qui s’effectue avec une eau à 4 °C.

    Aucun résidu chloré dans les produits bio

    Pour le vérifier, nous les avons recherchés dans toutes nos références, sachant que la limite pour les salades est fixée à 0,7 mg/kg de produit frais. Bonne nouvelle, aucun échantillon ne dépasse ni même n’approche de cette limite. C’est surtout vrai pour les produits bio, à l’instar de la laitue Bonduelle bio qui ne contient aucun résidu chloré. À l’inverse, les plus chargés sont les produits contenant aussi le plus de résidus de pesticides, comme la laitue Saveurs du jardinier d’Aldi (0,3 mg/kg).

    Peut-être y a-t-il eu un ajout supplémentaire de chlore, afin d’éliminer un surplus de résidus ? En effet, le chlore peut aider, via une réaction d’oxydation, à réduire la présence de certains types de pesticides. Loin d’être satisfaisantes, les salades en sachet doivent être consommées avec parcimonie, et selon un choix avisé, comme le montrent nos analyses.

    https://www.60millions-mag.com/2024/03/28/les-salades-en-sachet-trop-contaminees-par-les-pesticides-22765

    #plastique #nourriture #industrie_agro-alimentaire #sachets #alimentation #supermarchés #salades

  • A Como c’è uno scontro sulla solidarietà: «Basta dare colazioni ai senzatetto»

    Il sindaco attacca i sacerdoti che aiutano i più poveri. Dura replica delle opposizioni che hanno ricordato che il primo a dare cibo agli indigenti fu don Roberto Malgesini.

    Una polemica inaspettata, divampata a margine del Consiglio comunale di Como nel quale si discuteva del Regolamento di Polizia locale per dotare alcuni agenti del taser, la pistola a impulsi elettrici. La consigliera di minoranza Patrizia Lissi (Pd), nel dibattito, ha portato in aula una riflessione condivisa con don Giusto Della Valle, parroco della comunità pastorale di Rebbio-Camerlata, da sempre impegnato nell’accoglienza di migranti e persone in difficoltà: «per rendere le città più sicure sarebbe utile intervenire sulle cause dell’insicurezza», a partire da povertà e marginalità. Da qui la replica del sindaco #Alessandro_Rapinese, che ha indicato in don Giusto l’esempio di un’accoglienza indiscriminata, che non si interroga su chi abbia i titoli per stare in Italia. A Como, ha osservato, «gli arresti da metà aprile a oggi» interessano persone che «nemmeno dovrebbero stare qui». E, tornando a don Giusto, il sindaco si è chiesto perché «distribuire le colazioni ai senza dimora», creando assembramenti che poi mettono in difficoltà i residenti. Immediata la reazione delle minoranze: accoglienza e colazioni sono due percorsi separati e la parrocchia di Rebbio è un rifugio per chi non ha dove andare. Senza dimenticare che le colazioni sono un servizio nato con don Roberto Malgesini, ucciso 4 anni fa proprio mentre stava per portare cibo ai senza dimora e al quale l’amministrazione Rapinese ha assegnato, alla memoria, la massima onorificenza cittadina, l’Abbondino d’Oro.

    All’indomani delle polemiche i primi a voler spegnere ogni focolaio sono proprio coloro che, quotidianamente, stanno accanto alle marginalità di Como. Il gruppo delle colazioni, che ha raccolto il testimone dalle mani di don Malgesini, è composto da una quarantina di persone. I punti di distribuzione, in città, sono due: uno in piazza San Rocco, dove abitava don Roberto, l’altro a Porta Torre. In ogni ritrovo convergono una quarantina di persone: senza dimora, italiani e stranieri, ma anche chi una casa ce l’ha e fatica ad arrivare a fine mese (le colazioni e la mensa solidale di Casa Nazareth diventano l’unico modo per poter mangiare). Riusciamo a raggiungere telefonicamente don Giusto: è con un gruppo di giovani disoccupati. Li ha accompagnati nei boschi alla periferia di Como dove stanno tagliando legna per conto di una piccola realtà del territorio. «Ho solo letto qualche titolo», confida. Nel frattempo, è arrivata un’ordinanza urgente dal Comune che intima alla società proprietaria di un’area dismessa a ridosso del cimitero, dove una volta c’era un supermercato, di rendere inaccessibile l’area, visto che, nelle ultime ore, lì sono state sgomberate una dozzina di persone (9 stranieri, 3 italiani). «Como ha bisogno di strutture di bassa soglia – è la riflessione di Marta Pezzati, dell’associazione “Como Accoglie” –. Per cinque sere alla settimana usciamo e incontriamo i senza dimora che sono in città (si calcola almeno 350 – ndr), distribuiamo cibo, beni di prima necessità, ma soprattutto relazioni».

    C’è la consapevolezza che il problema non è di immediata risoluzione. «Ci sono persone psicologicamente fragili o con dipendenze importanti – riconosce Pezzati – ma ci sono anche tanti giovani con ottime risorse. Incontriamo ragazzi con buoni contratti di lavoro che non hanno una casa, perché a Como è ormai difficile per chiunque affittare un appartamento, ancora di più se sei straniero». Nel frattempo, gli sgomberati del supermercato si sono spostati in piazza San Rocco e un sacerdote spiega: «noi continueremo ad aiutare le persone bisognose, perché la carità è il nostro primo compito».

    https://www.avvenire.it/attualita/pagine/como-scontro-colazioni

    #Côme #Italie #migrations #réfugiés #frontière_sud-alpine #solidarité #criminalisation_de_la_solidarité #SDF #sans-abri #urban_matter #villes #espace_public #anti-pauvres #nourriture #distribution_de_nourriture

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    malheureusement, ce n’est pas nouveau, voir 2018 et 2017:
    https://seenthis.net/messages/748276

  • Ensuite, plats de viande légers : poulet croustillant et frites, fines escalopes de porc panées et pommes persillées, les musiciens chantent, tout le monde les accompagne, et on se reverra, on se reverra, bientôt, très bientôt, dans un autre pays… Du veau aux champignons frais, de la crème aigre et des boulettes de semoule, arrêtez, s’exclame quelqu’un, on ne va pas réussir à atteindre l’église, et il va falloir décommander le mariage ! Ce qui n’empêche pas que soit encore servi du fasírt, parce que tante Manci a un art irrésistible d’accommoder la viande hachée – et nous mangeons déjà tant au déjeuner que Nomi jure qu’elle ne pourra plus rien avaler de la journée, attends donc, répond Mamika en riant, la fête commence à peine !
    #nourriture #souvenir #Voïvodine #mémoire #mariage #culture

    Pigeon vole, p. 27

  • « Du Traubi ! Nomi et moi nous écrions en chœur, nos mains lavées, installées à la table de Mamika sur laquelle les bouteilles nous attendent sur un plateau en plastique, du Traubi ! C’est le nom de cette boisson magique de notre pays, mince flacon vert sans étiquette sur lequel resplendissent les lettres blanches, Mamika qui a acheté toute une réserve de limonade Traubi, c’est rien que pour vous ! dit-elle, et bien sûr, nous sommes Nomi et moi, des gosses de l’Ouest, pourries gâtées et nous moquons des gens de l’Est qui s’échinent à imiter le Coca-Cola sans réussir à concocter autre chose qu’une espèce de breuvage d’un vilain marron appelé Apa Cola (Apa Cola, quel nom débile ! ), mais le Traubi, nous aimons, nous l’aimons tant que nous aurions envie d’en rapporter quelques bouteilles à la maison, en Suisse, pour montrer à nos copines que chez nous, dans notre pays, il y a quelque chose qui est vraiment incroyablement bon – jusqu’à présent nous ne l’avons pas encore fait. »
    #traubi #nourriture #boisson #yougoslavie #voïvodine #souvenir #enfance #nostalgie

    Pigeon vole p. 133

  • « Le doux chantonnement de ma grand-mère, le coassement nocturne des grenouilles, les cochons qui écarquillent leurs petits yeux de cochons, le caquètement excité de la poule avant qu’on la tue, les giroflées mauves et les roses abricot, les jurons sonores, l’impitoyable soleil de l’été et par-dessus tout cela l’odeur des oignons grillés, mon grave oncle Móric qui soudain se lève et dans. L’atmosphère de mon enfance »
    #enfance #locuamoenus #nourriture #nostalgie #paysage #voïvodine #yougoslavie #yougonostagie #voïvodine

    Pigeon vole p.16

  • La #France qui a #faim avec #Bénédicte_Bonzi et #Guillaume_Le_Blanc

    Rencontre d’une anthropologue spécialiste de la faim et d’un philosophe qui a beaucoup écrit sur la #précarité pour penser les erreurs d’un pays riche où 8 millions de Français doivent recourir à l’#aide_alimentaire tandis que 10 millions de tonnes de #nourriture sont jetées par an en France.

    Pour comprendre l’#absurdité de ce #paradoxe et la faillite de notre #agriculture_productiviste, nous recevons l’anthropologue Bénédicte Bonzi qui a mené une longue étude aux #Restos_du_coeur. Sur le terrain, elle mesure la #souffrance de #bénévoles qui constatent que leur action, loin d’aider à sortir de la #pauvreté, consiste surtout à maintenir une #paix_sociale en évitant des vols et des #émeutes_de_la_faim.

    Et si, dans une société démocratique, l’urgence consistait moins à donner de la nourriture que des #droits pleins et entiers ? Le regard du philosophe Guillaume Le Blanc nous permettra de questionner la #violence qui s’exerce contre les plus pauvres. Comment penser la #vulnérabilité au cœur de la cité ?

    https://audioblog.arteradio.com/blog/215851/podcast/219681/la-france-qui-a-faim-avec-benedicte-bonzi-et-guillaume-le-blanc

    #audio #podcast

  • Improving the humanitarian situation of refugees, migrants and asylum seekers in #Calais and #Dunkirk areas

    The report presented by #Stephanie_Krisper (Austria, ALDE) to the Migration Committee, meeting in Paris, highlighted that the basic needs of a high number of refugees, migrants and asylum seekers in the areas of Calais and Dunkirk (France), were not met. It mentions in particular insufficient places of accommodation situated in remote places that are difficult to access, problematic access to food and water with insufficient and overcrowded distribution points, deficient access to non-food items such as blankets or tents, and limited access to healthcare.

    This report follows a fact-finding visit carried out on 25 and 26 October 2023 by a parliamentary delegation chaired by Ms Krisper, whose objective was to examine the situation of asylum seekers and migrants as well as their defenders in the city of Calais and its surroundings.

    It underlines that these people are stuck in Calais and Dunkirk areas mainly because they have nowhere to go and generally cannot return to their country of origin, a situation exacerbated by the inadequacy of the formal reception system, the lack of information about asylum seekers’ rights as well as cumbersome and long procedures.

    Faced with “this appalling situation, especially since winter is here”, the parliamentarians recommend urgently increasing humanitarian and health assistance through additional volunteers and resources for the associations acting on spot, especially the non-mandated structures. The dignity and fundamental rights of these people must be preserved, and violations and harassments committed by police forces must end, they added.

    The report also warns of the danger these people face by risking their lives when crossing the Channel to the United Kingdom, at the mercy of criminal smuggling networks.

    Finally, the parliamentarians call for a shared responsibility between all European countries, “in order not to leave the burden to countries on the external border of the EU, where congestions points are observed”.

    In addition to its President, Ms Krisper, the delegation was composed of Jeremy Corbyn (United Kingdom, SOC), Emmanuel Fernandes (France, GUE), Pierre-Alain Fridez (Switzerland, SOC) and Sandra Zampa (Italy, SOC).

    Pour télécharger le rapport:
    https://rm.coe.int/report-of-the-ad-hoc-sub-committee-to-carry-out-a-fact-finding-visit-t/1680adaf30

    https://pace.coe.int/en/news/9317/improving-the-humanitarian-situation-of-refugees-migrants-and-asylum-seeke
    #France #Manche #La_Manche #asile #migrations #réfugiés #rapport #visite_parlementaire #Dunkerque #frontières #hébergement #accès_à_l'eau #besoins_fondamentaux #nourriture #accès_à_la_nourriture #accès_aux_soins #santé #droits_fondamentaux #dignité #violences_policières #harcèlement_policier #harcèlement #traversée #passeurs #trafiquants_d'êtres_humains #conseil_de_l'Europe

  • Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »

    Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.

    Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.

    Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).

    Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?

    Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.

    En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?

    « Israël mène une #guerre_totale à une population civile »

    Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.

    Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?

    La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.

    Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.

    L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».

    Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie

    Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.

    Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.

    Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?

    C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.

    Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.

    La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.

    « Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »

    À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.

    Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?

    Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.

    « Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »

    Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.

    Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?

    Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.

    https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
    #agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie

    • La toile carcérale. Une histoire de l’enfermement en Palestine

      Dans les Territoires palestiniens, depuis l’occupation de 1967, le passage par la prison a marqué les vécus et l’histoire collective. Les arrestations et les incarcérations massives ont installé une toile carcérale, une détention suspendue. Environ 40 % des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes depuis 1967. Cet ouvrage remarquable permet de comprendre en quoi et comment le système pénal et pénitentiaire est un mode de contrôle fractal des Territoires palestiniens qui participe de la gestion des frontières. Il raconte l’envahissement carcéral mais aussi la manière dont la politique s’exerce entre Dedans et Dehors, ses effets sur les masculinités et les féminités, les intimités. Stéphanie Latte Abdallah a conduit une longue enquête ethnographique, elle a réalisé plus de 350 entretiens et a travaillé à partir d’archives et de documents institutionnels. Grâce à une narration sensible s’apparentant souvent au documentaire, le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteure à la rencontre des protagonistes de cette histoire contemporaine méconnue.

      https://livres.bayard-editions.com/livres/66002-la-toile-carcerale-une-histoire-de-lenfermement-en-pal
      #livre

  • #Taux_de_change : retour sur la politique israélienne des #otages

    Eyal Weizman, fondateur du collectif Forensic Architecture, revient sur la manière dont les #civils installés autour de #Gaza ont servi de « #mur_vivant » lors des massacres du 7 octobre perpétrés par le #Hamas, et retrace l’évolution de la politique israélienne à l’égard des otages.

    Au printemps 1956, huit ans après la Nakba (un terme arabe qui désigne « la catastrophe » ou « le désastre » que fut pour les Palestiniens la création d’Israël), un groupe de fedayins palestiniens franchit le fossé qui sépare Gaza de l’État d’Israël. D’un côté se trouvent 300 000 Palestiniens, dont 200 000 réfugiés expulsés de la région ; de l’autre, une poignée de nouvelles installations israéliennes. Les combattants palestiniens tentent de pénétrer dans le kibboutz de Nahal Oz, tuent Roi Rotberg, un agent de sécurité, et emportent son corps à Gaza, mais le rendent après l’intervention des Nations unies.

    #Moshe_Dayan, alors chef de l’état-major général d’Israël, se trouvait par hasard sur place pour un mariage et a demandé à prononcer, le soir suivant, l’éloge funèbre de Rotber. Parlant des hommes qui ont tué #Rotberg, il a demandé : « Pourquoi devrions-nous nous plaindre de la #haine qu’ils nous portent ? Pendant huit ans, ils se sont assis dans les camps de réfugiés de Gaza et ont vu de leurs yeux comment nous avons transformé les terres et les villages où eux et leurs ancêtres vivaient autrefois. » Cette reconnaissance de ce que les Palestiniens avaient perdu, les hommes politiques israéliens d’aujourd’hui ne peuvent plus se permettre de l’exprimer. Mais Dayan ne défendait pas le #droit_au_retour : il a terminé son discours en affirmant que les Israéliens devaient se préparer à une #guerre_permanente et amère, dans laquelle ce qu’Israël appelait les « #installations_frontalières » joueraient un rôle majeur.

    Au fil des ans, le #fossé s’est transformé en un système complexe de #fortifications - une #zone_tampon de 300 mètres, où plus de deux cents manifestants palestiniens ont été tués par balle en 2018 et 2019 et des milliers d’autres blessés, plusieurs couches de #clôtures en barbelés, des #murs en béton s’étendant sous terre, des mitrailleuses télécommandées - et des équipements de #surveillance, dont des tours de guet, des caméras de vidéosurveillance, des capteurs radar et des ballons espions. À cela s’ajoute une série de #bases_militaires, dont certaines situées à proximité ou à l’intérieur des installations civiles qui forment ce que l’on appelle l’#enveloppe_de_Gaza.

    Empêcher le retour des réfugiés

    Le #7_octobre_2023, lors d’une attaque coordonnée, le Hamas a frappé tous les éléments de ce système interconnecté. #Nahal_Oz, l’installation la plus proche de la clôture, a été l’un des points névralgiques de l’attaque. Le terme « #Nahal » fait référence à l’unité militaire qui a créé les installations frontalières. Les installations du Nahal ont débuté comme des avant-postes militaires et sont devenues des villages civils, principalement de type #kibboutz. Mais la transformation n’est jamais achevée et certains résidents sont censés se comporter en défenseurs quand la communauté est attaquée.

    La « #terre_des_absents » a été la #tabula_rasa sur laquelle les planificateurs israéliens ont dessiné le projet des colons sionistes après les expulsions de 1948. Son architecte en chef était #Arieh_Sharon, diplômé du Bauhaus, qui a étudié avec Walter Gropius et Hannes Meyer avant de s’installer en Palestine en 1931, où il a construit des lotissements, des coopératives de travailleurs, des hôpitaux et des cinémas. Lors de la création de l’État d’Israël, David Ben Gourion l’a nommé à la tête du département de planification du gouvernement. Dans The Object of Zionism (2018), l’historien de l’architecture Zvi Efrat explique que, bien que le plan directeur de Sharon soit fondé sur les principes les plus récents du design moderniste, il avait plusieurs autres objectifs : fournir des logements aux vagues d’immigrants arrivés après la Seconde Guerre mondiale, déplacer les populations juives du centre vers la périphérie, sécuriser la frontière et occuper le territoire afin de rendre plus difficile le retour des réfugiés.

    Dans les années 1950 et 1960, le #plan_directeur de Sharon et de ses successeurs a conduit à la construction, dans les « #zones_frontalières », définies à l’époque comme représentant environ 40 % du pays, de centres régionaux ou « #villes_de_développement » qui desservaient une constellation d’#implantations_agraires. Ces villes de développement devaient accueillir les immigrants juifs d’Afrique du Nord – les Juifs arabes – qui allaient être prolétarisés et devenir des ouvriers d’usine. Les implantations agraires de type kibboutz et #moshav étaient destinées aux pionniers du #mouvement_ouvrier, principalement d’Europe de l’Est. Les #terres appartenant aux villages palestiniens de #Dayr_Sunayd, #Simsim, #Najd, #Huj, #Al_Huhrraqa, #Al_Zurai’y, #Abu_Sitta, #Wuhaidat, ainsi qu’aux tribus bédouines #Tarabin et #Hanajre, sont occupées par les villes de développement #Sderot et #Ofakim et les kibboutzim de #Re’im, #Mefalsim, #Kissufim et #Erez. Toutes ces installations ont été visées le 7 octobre.

    La première #clôture

    À la suite de l’#occupation_israélienne de 1967, le gouvernement a établi des installations entre les principaux centres de population palestinienne à Gaza même, dont la plus grande était #Gush_Katif, près de Rafah, à la frontière égyptienne ; au total, les #colonies israéliennes couvraient 20 % du territoire de Gaza. Au début des années 1980, la région de Gaza et ses environs a également accueilli de nombreux Israéliens évacués du Sinaï après l’accord de paix avec l’Égypte.

    La première clôture autour du territoire a été construite entre 1994 et 1996, période considérée comme l’apogée du « #processus_de_paix ». Gaza était désormais isolée du reste du monde. Lorsque, en réponse à la résistance palestinienne, les colonies israéliennes de Gaza ont été démantelées en 2005, certaines des personnes évacuées ont choisi de s’installer près des frontières de Gaza. Un deuxième système de clôture, plus évolué, a été achevé peu après. En 2007, un an après la prise de pouvoir du Hamas à Gaza, Israël a entamé un #siège à grande échelle, contrôlant et limitant les flux entrants de produits vitaux - #nourriture, #médicaments, #électricité et #essence.

    L’#armée_israélienne a fixé les privations à un niveau tel que la vie à Gaza s’en trouve presque complètement paralysée. Associé à une série de campagnes de #bombardements qui, selon les Nations unies, ont causé la mort de 3 500 Palestiniens entre 2008 et septembre 2023, le siège a provoqué une #catastrophe_humanitaire d’une ampleur sans précédent : les institutions civiles, les hôpitaux, les systèmes d’approvisionnement en eau et d’hygiène sont à peine capables de fonctionner et l’électricité n’est disponible que pendant la moitié de la journée environ. Près de la moitié de la population de Gaza est au #chômage et plus de 80 % dépend de l’#aide pour satisfaire ses besoins essentiels.

    L’enveloppe de Gaza

    Le gouvernement israélien offre de généreux #avantages_fiscaux (une réduction de 20 % de l’impôt sur le revenu par exemple) aux habitants des installations autour de Gaza, dont beaucoup longent une route parallèle à la ligne de démarcation, à quelques kilomètres de celle-ci. L’enveloppe de Gaza comprend 58 installations situées à moins de 10 km de la frontière et comptant 70 000 habitants. Au cours des dix-sept années depuis la prise de pouvoir par le Hamas, malgré les tirs sporadiques de roquettes et de mortiers palestiniens et les bombardements israéliens sur le territoire situé à quelques kilomètres de là, les installations n’ont cessé d’augmenter. La hausse des prix de l’immobilier dans la région de Tel-Aviv et les collines ouvertes de la région (que les agents immobiliers appellent la « Toscane du nord du Néguev ») a entraîné un afflux de la classe moyenne.

    De l’autre côté de la barrière, les conditions se sont détériorées de manière inversement proportionnelle à la prospérité croissante de la région. Les installations sont un élément central du système d’#enfermement imposé à Gaza, mais leurs habitants tendent à différer des colons religieux de Cisjordanie. Démontrant l’aveuglement partiel de la gauche israélienne, certaines personnes installées dans le Néguev sont impliquées dans le #mouvement_pacifiste.

    Le 7 octobre, les combattants du Hamas ont forcé les éléments interconnectés du réseau de siège. Des tireurs d’élite ont tiré sur les caméras qui surplombent la zone interdite et ont lancé des grenades sur les #tours_de_communication. Des barrages de roquettes ont saturé l’#espace_radar. Plutôt que de creuser des tunnels sous les clôtures, les combattants sont venus par le sol. Les observateurs israéliens ne les ont pas vus ou n’ont pas pu communiquer assez rapidement ce qu’ils ont vu.

    Les combattants ont fait sauter ou ouvert quelques douzaines de brèches dans la clôture, élargies par les bulldozers palestiniens. Certains combattants du Hamas ont utilisé des parapentes pour franchir la frontière. Plus d’un millier d’entre eux ont pris d’assaut les bases militaires. L’armée israélienne, aveuglée et muette, n’a pas de vision claire du champ de bataille et les détachements mettent des heures à arriver. Des images incroyables sont apparues sur Internet : des adolescents palestiniens ont suivi les combattants à vélo ou à cheval, sur une terre dont ils avaient peut-être entendu parler par leurs grands-parents, maintenant transformée au point d’en être méconnaissable.

    Les #massacres du 7 octobre

    Les événements auraient pu s’arrêter là, mais ce ne fut pas le cas. Après les bases, ce furent les installations, les horribles massacres maison par maison, et le meurtre d’adolescents lors d’une fête. Des familles ont été brûlées ou abattues dans leurs maisons, des civils incluant des enfants et des personnes âgées ont été prises en otage. Au total, les combattants ont tué environ 1 300 civils et soldats. Plus de 200 personnes ont été capturées et emmenées à Gaza. Jusqu’alors, rien, dans la #violence ni la #répression, n’avait rendu de tels actes inévitables ou justifiés.

    Israël a mis des décennies à brouiller la ligne de démarcation entre les fonctions civiles et militaires des installations, mais cette ligne a aujourd’hui été brouillée d’une manière jamais envisagée par le gouvernement israélien. Les habitants civils cooptés pour faire partie du mur vivant de l’enveloppe de Gaza ont subi le pire des deux mondes. Ils ne pouvaient pas se défendre comme des soldats et n’étaient pas protégés comme des civils.

    Les images des installations dévastées ont permis à l’armée israélienne d’obtenir carte blanche de la part de la communauté internationale et de lever les restrictions qui avaient pu être imposées précédemment. Les hommes politiques israéliens ont appelé à la #vengeance, avec un langage explicite et annihilationiste. Les commentateurs ont déclaré que Gaza devrait être « rayée de la surface de la Terre » et que « l’heure de la Nakba 2 a sonné ». #Revital_Gottlieb, membre du Likoud à la Knesset, a tweeté : « Abattez les bâtiments ! Bombardez sans distinction ! Assez de cette impuissance. Vous le pouvez. Il y a une légitimité mondiale ! Détruisez Gaza. Sans pitié ! »

    L’échange de prisonniers

    Les otages civils des installations dont Israël a fait un « mur vivant » sont devenus pour le Hamas un #bouclier_humain et des atouts pour la #négociation. Quelle que soit la façon dont le #conflit se termine, que le Hamas soit ou non au pouvoir (et je parie sur la première solution), Israël ne pourra pas éviter de négocier l’#échange_de_prisonniers. Pour le Hamas, il s’agit des 6 000 Palestiniens actuellement dans les prisons israéliennes, dont beaucoup sont en #détention_administrative sans procès. La prise en otages d’Israéliens a occupé une place centrale dans la #lutte_armée palestinienne tout au long des 75 années de conflit. Avec des otages, l’#OLP et d’autres groupes cherchaient à contraindre Israël à reconnaître implicitement l’existence d’une nation palestinienne.

    Dans les années 1960, la position israélienne consistait à nier l’existence d’un peuple palestinien, et donc qu’il était logiquement impossible de reconnaître l’OLP comme son représentant légitime. Ce déni signifiait également qu’il n’y avait pas à reconnaître les combattants palestiniens comme des combattants légitimes au regard du droit international, et donc leur accorder le statut de #prisonniers_de_guerre conformément aux conventions de Genève. Les Palestiniens capturés étaient maintenus dans un #vide_juridique, un peu comme les « combattants illégaux » de l’après 11-septembre.

    En juillet 1968, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) a détourné un vol d’El-Al et l’a fait atterrir en Algérie, inaugurant une série de détournements, dont l’objectif explicite était la libération de prisonniers palestiniens. L’incident d’Algérie a conduit à l’échange de 22 otages israéliens contre 16 prisonniers palestiniens, bien que le gouvernement israélien ait nié un tel accord. Seize contre 22 : ce taux d’échange n’allait pas durer longtemps. En septembre 1982, après l’invasion du Liban par Israël, le Commandement général du FPLP d’Ahmed Jibril a capturé trois soldats de l’armée israélienne ; trois ans plus tard, dans le cadre de ce qui a été appelé l’accord Jibril, Israël et le FPLP-CG sont finalement parvenus à un accord d’échange de prisonniers : trois soldats contre 1 150 prisonniers palestiniens. Dans l’accord de 2011 pour la libération de Gilad Shalit, capturé par le Hamas en 2006, le taux d’échange était encore plus favorable aux Palestiniens : 1 027 prisonniers pour un seul soldat israélien.
    Directive Hannibal

    Anticipant de devoir conclure de nombreux accords de ce type, Israël s’est mis à arrêter arbitrairement davantage de Palestiniens, y compris des mineurs, afin d’augmenter ses atouts en vue d’un échange futur. Il a également conservé les corps de combattants palestiniens, qui devaient être restitués dans le cadre d’un éventuel échange. Tout cela renforce l’idée que la vie d’un colonisateur vaut mille fois plus que la vie d’un colonisé, calcul qui évoque inévitablement l’histoire du #colonialisme et du commerce d’êtres humains. Mais ici, le taux de change est mobilisé par les Palestiniens pour inverser la profonde asymétrie coloniale structurelle.

    Tous les États ne traitent pas de la même manière la capture de leurs soldats et de leurs citoyens. Les Européens et les Japonais procèdent généralement à des échanges secrets de prisonniers ou négocient des rançons. Les États-Unis et le Royaume-Uni affirment publiquement qu’ils ne négocient pas et n’accèdent pas aux demandes des ravisseurs et, bien qu’ils n’aient pas toujours respecté cette règle à la lettre, ils ont privilégié l’abstention et le silence lorsqu’une opération de sauvetage semblait impossible.

    Cette attitude est considérée comme un « moindre mal » et fait partie de ce que les théoriciens des jeux militaires appellent le « jeu répété » : chaque action est évaluée en fonction de ses éventuelles conséquences à long terme, les avantages d’obtenir la libération d’un prisonnier étant mis en balance avec le risque que l’échange aboutisse à l’avenir à la capture d’autres soldats ou civils.

    Lorsqu’un Israélien est capturé, sa famille, ses amis et ses partisans descendent dans la rue pour faire campagne en faveur de sa libération. Le plus souvent, le gouvernement y consent et conclut un accord. L’armée israélienne déconseille généralement au gouvernement de conclure des accords d’échange, soulignant le risque pour la sécurité que représentent les captifs libérés, en particulier les commandants de haut rang, et la probabilité qu’ils encouragent les combattants palestiniens à prendre davantage d’otages. Yahya Sinwar, qui est aujourd’hui le chef du Hamas, a été libéré dans le cadre de l’#accord_Shalit. Une importante campagne civile contre ces échanges a été menée par le mouvement religieux de colons #Gush_Emunim, qui y voyait une manifestation de la fragilité de la société « laïque et libérale » d’Israël.

    En 1986, à la suite de l’#accord_Jibril, l’armée israélienne a publié la directive controversée Hannibal, un ordre opérationnel secret conçu pour être invoqué lors de la capture d’un soldat israélien par une force armée irrégulière. L’armée a nié cette interprétation, mais les soldats israéliens l’ont comprise comme une autorisation de tuer un camarade avant qu’il ne soit fait prisonnier. En 1999, #Shaul_Mofaz, alors chef de l’état-major général, a expliqué cette politique en ces termes : « Avec toute la douleur que cela implique, un soldat enlevé, contrairement à un soldat tué, est un problème national. »

    Bien que l’armée ait affirmé que le nom de la directive avait été choisi au hasard par un programme informatique, il est tout à fait approprié. Le général carthaginois Hannibal Barca s’est suicidé en 181 avant J.-C. pour ne pas tomber aux mains des Romains. Ceux-ci avaient fait preuve d’une détermination similaire trente ans plus tôt : lorsque Hannibal tenta d’obtenir une rançon pour les soldats qu’il avait capturés lors de sa victoire à Cannes, le Sénat, après un débat houleux, refusa et les prisonniers furent exécutés.

    Le 1er août 2014, lors de l’offensive sur Gaza connue sous le nom d’« #opération_Bordure_protectrice », des combattants palestiniens ont capturé un soldat de Tsahal près de Rafah, et la #directive_Hannibal est entrée en vigueur. L’armée de l’air a bombardé le système de tunnels où avait été emmené le soldat, tuant 135 civils palestiniens, dont des familles entières. L’armée a depuis annulé la directive. Toutefois, la plupart des bombardements actuels vise les #tunnels où se trouvent les postes de commandement du Hamas et les otages : le gouvernement semble ainsi, par ces bombardements aveugles, non seulement menacer les Gazaouis d’une #destruction sans précédent, mais aussi revenir au principe de préférer des captifs morts à un accord. #Bezalel_Smotrich, ministre israélien des finances, a appelé à frapper le Hamas « sans pitié, sans prendre sérieusement en considération la question des captifs ». #Gilad_Erdan, ambassadeur d’Israël auprès des Nations unies, a déclaré que les otages « ne nous empêcheraient pas de faire ce que nous devons faire ». Mais dans cette guerre, le sort des #civils de Gaza et des Israéliens capturés est étroitement lié, tout comme celui des deux peuples.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/041123/taux-de-change-retour-sur-la-politique-israelienne-des-otages
    #Israël #Palestine #Eyal_Weizman #à_lire

    • En ce lundi, l’#armée_israélienne affirme avoir frappé, via les airs et au sol, plus de 600 cibles dans #Gaza ces vingt-quatre dernières heures. Dans le détail : « des dépôts d’armes, positions de lancement de missiles antichar, caches du #Hamas » et « des dizaines » de chefs du mouvement islamiste tués. Des chars israéliens sont postés à la lisière de #Gaza_City et le principal axe routier nord-sud est coupé. C’est vendredi en fin de journée que l’État hébreu a lancé son opération d’envergure, annoncée depuis près de deux semaines déjà. Mêlant #incursions_terrestres localisées – surtout dans le nord de l’enclave palestinienne – et #bombardements intensifiés. Samedi, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a prévenu : la #guerre sera « longue et difficile ».

      Vendredi, 17 h 30. La #bande_de_Gaza plonge dans le noir. Plus d’électricité, plus de réseau téléphonique, ni de connexion internet. Le #black-out total. Trente-six heures de cauchemar absolu débutent pour les Gazaouis. Coupés du monde, soumis au feu. L’armée israélienne pilonne le territoire : plus de 450 bombardements frappent, aveugles. La population meurt à huis clos, impuissante. Après avoir quitté Gaza City au début de la riposte israélienne (lire l’épisode 1, « D’Israël à Gaza, la mort aux trousses »), Abou Mounir vit désormais dans le centre de la bande de Gaza, avec ses six enfants. Ce vendredi, il est resté cloîtré chez lui. Lorsqu’il retrouve du réseau, le lendemain matin, il est horrifié par ce qu’il découvre. « Mon quartier a été visé par des tirs d’artillerie. L’école à côté de chez moi, où sont réfugiées des familles, a été touchée. Devant ma porte, j’ai vu tous ces blessés agonisants, sans que personne ne puisse les aider. C’est de la pure #folie. Ils nous assiègent et nous massacrent. Cette façon de faire la guerre… On se croirait au Moyen-Âge », souffle le père de famille, qui dénonce « une campagne de #vengeance_aveugle ». L’homme de 49 ans implore Israël et la communauté internationale d’agir urgemment. « La seule et unique solution possible pour nous tous, c’est la #solution_politique. On l’a répété un million de fois : seule une solution politique juste nous apportera la paix. »

      Toujours à Gaza City avec sa famille, la professeure de français Assya décrit ce jour et demi d’#angoisse : « On se répétait : “Mais que se passe-t-il, que va-t-il nous arriver ?” On entendait les bombardements, boum, boum, boum… Ça n’arrêtait pas ! Ma petite-fille de 1 an, la fille de mon fils, quand il y avait de grosses explosions, elle pleurait. Alors nous, on faisait les clowns pour lui faire croire que c’était pour rire. Et elle se calmait… Chaque matin, c’est un miracle qu’on soit encore là… » Chaque jour aussi, Assya demande si nous, journalistes, en savons plus sur un cessez-le-feu.

      Plus de 8 000 Gazaouis ont péri, mais leurs suppliques résonnent dans le vide jusqu’à présent. Elles sont pourtant de plus en plus pressantes, face à la #situation_humanitaire qui se dégrade dramatiquement. Ce samedi, des entrepôts des Nations unies ont été pillés. « C’est le signe inquiétant que l’ordre civil est en train de s’effondrer après trois semaines de guerre et de #siège de Gaza. Les gens sont effrayés, frustrés et désespérés », a averti Thomas White, directeur des opérations de l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens. Assya confirme : l’un de ses cousins est revenu avec des sacs de sucre, de farine, des pois chiches et de l’huile. Quand elle lui a demandé d’où ça venait, il lui a raconté, le chaos à Deir Al-Balah, dans le sud de l’enclave. « Les gens ont cassé les portes des réserves de l’UNRWA, ils sont entrés et ont pris la farine pour se faire du pain eux-mêmes, car ils n’ont plus rien. La population est tellement en #colère qu’ils ont tout pris. » Depuis le 21 octobre, seuls 117 camions d’#aide_humanitaire (lire l’épisode 2, « “C’est pas la faim qui nous tuera mais un bombardement” ») ont pu entrer dans la bande de Gaza dont 33 ce dimanche), via le point de passage de Rafah au sud, à la frontière égyptienne. L’ONU en réclame 100 par jour, pour couvrir les besoins essentiels des Gazaouis. Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan a averti : « Empêcher l’acheminement de l’aide peut constituer un #crime. […] Israël doit s’assurer sans délai que les #civils reçoivent de la #nourriture, des #médicaments. »

      Les corps des 1 400 victimes des attaques du 7 octobre sont dans une #morgue de fortune. Beaucoup ont subi des sévices, ont été brûlés. L’#horreur à l’état pur

      En écho à cette situation de plus en plus dramatique, Israël a intensifié sa guerre de la #communication. Pas question pour l’État hébreu de laisser le Hamas ni les Palestiniens gagner la bataille de l’émotion au sein des opinions. Depuis une dizaine de jours, les autorités israéliennes estiment que les médias internationaux ont le regard trop tourné vers les Gazaouis, et plus assez sur le drame du 7 octobre. Alors Israël fait ce qu’il maîtrise parfaitement : il remet en marche sa machine de la « #hasbara ». Littéralement en hébreu, « l’explication », euphémisme pour qualifier ce qui relève d’une véritable politique de #propagande. Mais cela n’a rien d’un gros mot pour les Israéliens, bien au contraire. Entre 1974 et 1975, il y a même eu un éphémère ministère de la Hasbara. Avant cela, et depuis, cette tâche de communication et de promotion autour des actions de l’État hébreu, est déléguée au ministère des Affaires étrangères et à l’armée.

      Un enjeu d’autant plus important face à cette guerre d’une ampleur inédite. C’est pourquoi, chaque jour de cette troisième semaine du conflit, l’armée israélienne a organisé des événements à destination de la #presse étrangère. Visites organisées des kibboutzim où les #massacres de civils ont été perpétrés : dimanche dans celui de Beeri, mercredi et vendredi à Kfar Aza, jeudi dans celui de Holit. Autre lieu ouvert pour les journalistes internationaux : la base de Shura, à Ramla, dans la banlieue de Tel Aviv. Elle a été transformée en morgue de fortune et accueille les 1 400 victimes des attaques du 7 octobre, afin de procéder aux identifications. Dans des tentes blanches, des dizaines de conteneurs. À l’intérieur, les corps. Beaucoup ont subi des sévices, ont été brûlés. L’horreur à l’état pur.

      Mais l’apogée de cette semaine de communication israélienne, c’est la convocation générale de la presse étrangère, lundi dernier, afin de visionner les images brutes des massacres. Quarante-trois minutes et quarante-quatre secondes d’une compilation d’images des GoPro embarquées des combattants du Hamas, des caméras de vidéosurveillance des kibboutzim, mais aussi des photos prises par les victimes avec leurs téléphones, ou par les secouristes. Le tout mis bout à bout, sans montage. Des images d’une violence inouïe. Une projection vidéo suivie d’une conférence de presse tenue par le porte-parole de l’armée israélienne, le général Daniel Hagari. Il le dit sans détour : l’objectif est de remettre en tête l’ignominie de ce qui s’est passé le 7 octobre dernier. Mais également de dire aux journalistes de mieux faire leur travail.

      Il les tance, vertement : « Vous ! Parfois, je prends trente minutes pour regarder les infos. Et j’ai été choqué de voir que certains médias essayent de COMPARER ce qu’Israël fait et ce que ces vils terroristes ont fait. Je ne peux pas comprendre qu’on essaye même de faire cette #comparaison, entre ce que nous venons de vous montrer et ce que l’armée fait. Et je veux dire à certains #médias qu’ils sont irresponsables ! C’est pour ça qu’on vous montre ces vidéos, pour qu’aucun d’entre vous ne puisse se dire que ce qu’ils font et ce que nous faisons est comparable. Vous voyez comment ils se sont comportés ! » Puis il enfonce le clou : « Nous, on combat surtout à Gaza, on bombarde, on demande aux civils d’évacuer… On ne cherche pas des enfants pour les tuer, ni des personnes âgées, des survivants de l’holocauste, pour les kidnapper, on ne cherche pas des familles pour demander à un enfant de toquer chez ses voisins pour les faire sortir et ensuite tuer sa famille et ses voisins devant lui. Ce n’est pas la même guerre, nous n’avons pas les mêmes objectifs. »

      Ce vendredi, pour finir de prouver le cynisme du Hamas, l’armée israélienne présente des « révélations » : le mouvement islamiste abriterait, selon elle, son QG sous l’hôpital Al-Shifa de Gaza City. À l’appui, une série de tweets montrant une vidéo de reconstitution en 3D des dédales et bureaux qui seraient sous l’établissement. Absolument faux, a immédiatement rétorqué le Hamas, qui accuse Israël de diffuser « ces mensonges » comme « prélude à la perpétration d’un nouveau massacre contre le peuple [palestinien] ».

      Au milieu de ce conflit armé et médiatique, le Président français a fait mardi dernier une visite en Israël et dans les territoires palestiniens. Commençant par un passage à Jérusalem, #Emmanuel_Macron a réaffirmé « le droit d’Israël à se défendre », appelant à une coalition pour lutter contre le Hamas dans « la même logique » que celle choisie pour lutter contre le groupe État islamique. Il s’est ensuite rendu à Ramallah, en Cisjordanie occupée, au siège de l’Autorité palestinienne. « Rien ne saurait justifier les souffrances » des civils de Gaza, a déclaré Emmanuel #Macron. Qui a lancé un appel « à la reprise d’un processus politique » pour mettre fin à la guerre entre Israël et le Hamas. Tenant un discours d’équilibriste, rappelant que paix et sécurité vont de pair, le Président a exigé la mise en œuvre de la solution à deux États, comme seul moyen de parvenir à une paix durable. Une visite largement commentée en France, mais qui a bien peu intéressé les Palestiniens.

      Car si les projecteurs sont braqués sur Israël et Gaza depuis le début de la guerre, les Palestiniens de #Cisjordanie occupée vivent également un drame. En à peine trois semaines, plus de 120 d’entre eux ont été tués, selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne. Soit par des colons juifs, soit lors d’affrontements avec les forces d’occupation israéliennes. Bien sûr, la montée de la #violence dans ce territoire avait commencé bien avant la guerre. Mais les arrestations contre les membres du Hamas, les raids réguliers menés par l’armée et les attaques de colons prennent désormais une autre ampleur. Ce lundi matin encore, l’armée israélienne a mené un raid sur le camp de Jénine, au nord de la Cisjordanie, faisant quatre morts. Selon l’agence de presse palestinienne Wafa, plus de 100 véhicules militaires et deux bulldozers sont entrés dans le camp. Déjà, mercredi dernier, deux missiles tirés depuis les airs en direction d’un groupe de personnes avait fait trois morts à #Jénine.

      À chaque mort de plus, la colère monte derrière les murs qui encerclent les Territoires. À Gaza, mais aussi en Cisjordanie

      À chaque mort de plus, la colère monte derrière le mur qui encercle les territoires palestiniens. Du sud, à Hébron, au nord, à Naplouse, en passant par Jénine et Ramallah, les #manifestations ont émaillé ces trois dernières semaines, s’intensifiant au fil du temps. À chaque fois, les Palestiniens y réclament la fin de l’#occupation, la mise en œuvre d’une solution politique pour un #accord_de_paix et surtout l’arrêt immédiat des bombardements à Gaza. Ce vendredi, quelques milliers de personnes s’étaient rassemblés à Ramallah. Drapeaux palestiniens à la main, « Que Dieu protège Gaza » pour slogan, et la rage au ventre. Yara était l’une d’entre eux. « Depuis le début de la guerre, le #traitement_médiatique en Europe et aux États-Unis est révoltant ! L’indignation sélective et le deux poids deux mesures sont inacceptables », s’énerve la femme de 38 ans. Son message est sans ambiguïté : « Il faut mettre un terme à cette agression israélienne soutenue par l’Occident. » Un sentiment d’injustice largement partagé par la population palestinienne, et qui nourrit sa colère.

      Manal Shqair est une ancienne militante de l’organisation palestinienne Stop The Wall. Ce qui se passe n’a rien de surprenant pour elle. La jeune femme, qui vit à Ramallah, analyse la situation. Pour elle, le soulèvement des Palestiniens de Cisjordanie n’est pas près de s’arrêter. « Aujourd’hui, la majorité des Palestiniens soutient le Hamas. Les opérations militaires du 7 octobre ont eu lieu dans une période très difficile traversée par les Palestiniens, particulièrement depuis un an et demi. La colonisation rampante, la violence des colons, les tentatives de prendre le contrôle de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem et enfin le siège continu de la bande de Gaza par Israël ont plongé les Palestiniens dans le #désespoir, douchant toute perspective d’un avenir meilleur. » La militante ajoute : « Et ce sentiment s’est renforcé avec les #accords_de_normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes [les #accords_d’Abraham avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, ndlr]. Et aussi le sentiment que l’#Autorité_palestinienne fait partie de tout le système de #colonialisme et d’occupation qui nous asservit. Alors cette opération militaire [du 7 octobre] a redonné espoir aux Palestiniens. Désormais, ils considèrent le Hamas comme un mouvement anticolonial, qui leur a prouvé que l’image d’un Israël invincible est une illusion. Ce changement aura un impact à long terme et constitue un mouvement de fond pour mobiliser davantage de Palestiniens à rejoindre la #lutte_anticoloniale. »

      #7_octobre_2023 #à_lire

    • Ma petite-fille de 1 an, la fille de mon fils, quand il y avait de grosses explosions, elle pleurait. Alors nous, on faisait les clowns pour lui faire croire que c’était pour rire.

      C’est exactement ce qu’on faisait ma femme et moi à notre fils de 4 ans en 2006 au Liban.

  • #Judith_Butler : Condamner la #violence

    « Je condamne les violences commises par le #Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un #massacre terrifiant et révoltant », écrit Judith Butler avant d’ajouter qu’« il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute #condamnation nécessite un refus de comprendre, de #peur que cette #compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre #capacité_de_jugement ».

    Les questions qui ont le plus besoin d’un #débat_public, celles qui doivent être discutées dans la plus grande urgence, sont des questions qui sont difficiles à aborder dans les cadres existants. Et même si l’on souhaite aller directement au cœur du sujet, on se heurte à un cadre qui fait qu’il est presque impossible de dire ce que l’on a à dire. Je veux parler ici de la violence, de la violence présente, et de l’histoire de la violence, sous toutes ses formes. Mais si l’on veut documenter la violence, ce qui veut dire comprendre les #tueries et les #bombardements massifs commis par le Hamas en Israël, et qui s’inscrivent dans cette histoire, alors on est accusé de « #relativisme » ou de « #contextualisation ». On nous demande de condamner ou d’approuver, et cela se comprend, mais est-ce bien là tout ce qui, éthiquement, est exigé de nous ? Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant. Telle a été et est encore ma réaction première. Mais elle n’a pas été la seule.

    Dans l’immédiateté de l’événement, on veut savoir de quel « côté » sont les gens, et clairement, la seule réaction possible à de pareilles tueries est une condamnation sans équivoque. Mais pourquoi se fait-il que nous ayons parfois le sentiment que se demander si nous utilisons les bons mots ou comprenons bien la situation historique fait nécessairement obstacle à une #condamnation_morale absolue ? Est-ce vraiment relativiser que se demander ce que nous condamnons précisément, quelle portée cette condamnation doit avoir, et comment décrire au mieux la ou les formations politiques auxquelles nous nous opposons ?

    Il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement. Mais que faire s’il est moralement impératif d’étendre notre condamnation à des #crimes tout aussi atroces, qui ne se limitent pas à ceux mis en avant et répétés par les médias ? Quand et où doit commencer et s’arrêter notre acte de condamnation ? N’avons-nous pas besoin d’une évaluation critique et informée de la situation pour accompagner notre condamnation politique et morale, sans avoir à craindre que s’informer et comprendre nous transforme, aux yeux des autres, en complices immoraux de crimes atroces ?

    Certains groupes se servent de l’histoire de la violence israélienne dans la région pour disculper le Hamas, mais ils utilisent une forme corrompue de raisonnement moral pour y parvenir. Soyons clairs. Les violences commises par #Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à #Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un #régime_colonial et à l’#apartheid, et qui, privé d’État, est apatride.

    Mais quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard (Harvard Palestine Solidarity Groups) publient une déclaration disant que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques mortelles du Hamas contre des cibles israéliennes, ils font une erreur et sont dans l’erreur. Ils ont tort d’attribuer de cette façon la #responsabilité, et rien ne saurait disculper le Hamas des tueries atroces qu’ils ont perpétrées. En revanche, ils ont certainement raison de rappeler l’histoire des violences : « de la #dépossession systématique des terres aux frappes aériennes de routine, des #détentions_arbitraires aux #checkpoints militaires, des séparations familiales forcées aux #assassinats ciblés, les Palestiniens sont forcés de vivre dans un #état_de_mort, à la fois lente et subite. » Tout cela est exact et doit être dit, mais cela ne signifie pas que les violences du Hamas ne soient que l’autre nom des violences d’Israël.

    Il est vrai que nous devons nous efforcer de comprendre les raisons de la formation de groupes comme le Hamas, à la lumière des promesses rompues d’Oslo et de cet « état de mort, à la fois lente et subite » qui décrit bien l’existence des millions de Palestiniens vivant sous #occupation, et qui se caractérise par une #surveillance constante, la #menace d’une détention sans procès, ou une intensification du #siège de #Gaza pour priver ses habitants d’#eau, de #nourriture et de #médicaments. Mais ces références à l’#histoire des Palestiniens ne sauraient justifier moralement ou politiquement leurs actes. Si l’on nous demandait de comprendre la violence palestinienne comme une continuation de la violence israélienne, ainsi que le demandent les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard, alors il n’y aurait qu’une seule source de #culpabilité_morale, et même les actes de violence commis par les Palestiniens ne seraient pas vraiment les leurs. Ce n’est pas rendre compte de l’autonomie d’action des Palestiniens.

    La nécessité de séparer la compréhension de la violence omniprésente et permanente de l’État israélien de toute justification de la violence est absolument cruciale si nous voulons comprendre quels peuvent être les autres moyens de renverser le #système_colonial, mettre fin aux #arrestations_arbitraires et à la #torture dans les prisons israéliennes, et arrêter le siège de Gaza, où l’eau et la nourriture sont rationnés par l’État-nation qui contrôle ses frontières. Autrement dit, la question de savoir quel monde est encore possible pour tous les habitants de la région dépend des moyens dont il sera mis fin au système colonial et au pouvoir des colons. Hamas a répondu de façon atroce et terrifiante à cette question, mais il y a bien d’autres façons d’y répondre.

    Si, en revanche, il nous est interdit de parler de « l’#occupation », comme dans une sorte de Denkverbot allemand, si nous ne pouvons pas même poser le débat sur la question de savoir si le joug militaire israélien sur la région relève du #colonialisme ou de l’#apartheid_racial, alors nous ne pouvons espérer comprendre ni le passé, ni le présent, ni l’avenir. Et beaucoup de gens qui regardent le carnage dans les médias sont totalement désespérés. Or une des raisons de ce #désespoir est précisément qu’ils regardent les #médias, et vivent dans le monde sensationnel et immédiat de l’#indignation_morale absolue. Il faut du temps pour une autre #morale_politique, il faut de la patience et du courage pour apprendre et nommer les choses, et nous avons besoin de tout cela pour que notre condamnation puisse être accompagnée d’une vision proprement morale.

    Je m’oppose aux violences que le Hamas a commises, et ne leur trouve aucune excuse. Quand je dis cela, je prends une position morale et politique claire. Je n’équivoque pas lorsque je réfléchis sur ce que cette condamnation implique et présuppose. Quiconque me rejoint dans cette position se demande peut-être si la condamnation morale doit reposer sur une compréhension de ce qui est condamné. On pourrait répondre que non, que je n’ai rien besoin de connaître du Hamas ou de la Palestine pour savoir que ce qu’ils ont fait est mal et pour le condamner. Et si l’on s’arrête là, si l’on se contente des représentations fournies par les médias, sans jamais se demander si elles sont réellement utiles et exactes, et si le cadre utilisé permet à toutes les histoires d’être racontées, alors on se résout à une certaine ignorance et l’on fait confiance aux cadres existants. Après tout, nous sommes tous très occupés, et nous n’avons pas tous le temps d’être des historiens ou des sociologues. C’est une manière possible de vivre et de penser, et beaucoup de gens bien-intentionnés vivent effectivement ainsi, mais à quel prix ?

    Que nous faudrait-il dire et faire, en revanche, si notre morale et notre politique ne s’arrêtaient pas à l’acte de condamnation ? Si nous continuions, malgré tout, de nous intéresser à la question de savoir quelles sont les formes de vie qui pourraient libérer la région de violences comme celles-ci ? Et si, en plus de condamner les crimes gratuits, nous voulions créer un futur dans lequel ce genre de violences n’aurait plus cours ? C’est une aspiration normative qui va bien au-delà de la condamnation momentanée. Pour y parvenir, il nous faut absolument connaître l’histoire de la situation : l’histoire de la formation du Hamas comme groupe militant, dans l’abattement total, après Oslo, pour tous les habitants de Gaza à qui les promesses de gouvernement autonome n’ont jamais été honorées ; l’histoire de la formation des autres groupes palestiniens, de leurs tactiques et de leurs objectifs ; l’histoire enfin du peuple palestinien lui-même, de ses aspirations à la liberté et au #droit_à_l’autodétermination, de son désir de se libérer du régime colonial et de la violence militaire et carcérale permanente. Alors, si le Hamas était dissous ou s’il était remplacé par des groupes non-violents aspirant à la #cohabitation, nous pourrions prendre part à la lutte pour une Palestine libre.

    Quant à ceux dont les préoccupations morales se limitent à la seule condamnation, comprendre la situation n’est pas un objectif. Leur indignation morale est à la fois présentiste et anti-intellectuelle. Et pourtant, l’indignation peut aussi amener quelqu’un à ouvrir des livres d’histoire pour essayer de comprendre comment un événement comme celui-ci a pu arriver, et si les conditions pourraient changer de telle sorte qu’un avenir de violence ne soit pas le seul avenir possible. Jamais la « contextualisation » ne devrait être considérée comme une activité moralement problématique, même s’il y a des formes de contextualisation qui sont utilisées pour excuser ou disculper. Est-il possible de distinguer ces deux formes de contextualisation ? Ce n’est pas parce que certains pensent que contextualiser des violences atroces ne sert qu’à occulter la violence ou, pire encore, à la rationaliser que nous devrions nous soumettre à l’idée que toute forme de contextualisation est toujours une forme de #relativisme_moral.

    Quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard disent que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques du Hamas, ils souscrivent à une conception inacceptable de la responsabilité morale. Il semble que pour comprendre comment s’est produit un événement, et ce qu’il signifie, il nous faille apprendre l’histoire. Cela veut dire qu’il nous incombe tout à la fois d’élargir la perspective au-delà de la terrible fascination du moment et, sans jamais nier l’horreur, de ne pas laisser l’#horreur présente représenter toute l’horreur qu’il y a à représenter, et nous efforcer de savoir, de comprendre et de nous opposer.

    Or les médias d’aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, ne racontent pas les horreurs que vivent les Palestiniens depuis des décennies, les bombardements, les tueries, les attaques et les arrestations arbitraires. Et si les horreurs des derniers jours ont pour les médias une importance morale plus grande que les horreurs des soixante-dix dernières années, alors la réaction morale du moment menace d’empêcher et d’occulter toute compréhension des #injustices_radicales endurées depuis si longtemps par la Palestine occupée et déplacée de force.

    Certains craignent, à juste titre, que toute contextualisation des actes violents commis par le Hamas soit utilisée pour disculper le Hamas, ou que la contextualisation détourne l’attention des horreurs perpétrées. Mais si c’est l’horreur elle-même qui nous amenait à contextualiser ? Où commence cette horreur et où finit-elle ? Si les médias parlent aujourd’hui de « guerre » entre le Hamas et Israël, c’est donc qu’ils proposent un cadre pour comprendre la situation. Ils ont, ainsi, compris la situation à l’avance. Si Gaza est comprise comme étant sous occupation, ou si l’on parle à son sujet de « prison à ciel ouvert », alors c’est une autre interprétation qui est proposée. Cela ressemble à une description, mais le langage contraint ou facilite ce que nous pouvons dire, comment nous pouvons décrire, et ce qui peut être connu.

    Oui, la langue peut décrire, mais elle n’acquiert le pouvoir de le faire que si elle se conforme aux limites qui sont imposées à ce qui est dicible. S’il est décidé que nous n’avons pas besoin de savoir combien d’enfants et d’adolescents palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Gaza cette année ou pendant toutes les années de l’occupation, que ces informations ne sont pas importantes pour comprendre ou qualifier les attaques contre Israël, et les assassinats d’Israéliens, alors il est décidé que nous ne voulons pas connaître l’histoire des violences, du #deuil et de l’indignation telle qu’est vécue par les Palestiniens.

    Une amie israélienne, qui se qualifie elle-même d’« antisioniste », écrit en ligne qu’elle est terrifiée pour sa famille et pour ses amis, et qu’elle a perdu des proches. Et nous devrions tous être de tout cœur avec elle, comme je le suis bien évidemment. Cela est terrible. Sans équivoque. Et pourtant, il n’est pas un moment où sa propre expérience de l’horreur et de la perte de proches ou d’amis est imaginé comme pouvant être ce qu’une Palestinienne éprouve ou a éprouvé de son côté après des années de bombardement, d’incarcération et de violence militaire. Je suis moi aussi une Juive, qui vit avec un #traumatisme_transgénérationnel à la suite des atrocités commises contre des personnes comme moi. Mais ces atrocités ont aussi été commises contre des personnes qui ne sont pas comme moi. Je n’ai pas besoin de m’identifier à tel visage ou à tel nom pour nommer les atrocités que je vois. Ou du moins je m’efforce de ne pas le faire.

    Mais le problème, au bout du compte, n’est pas seulement une absence d’#empathie. Car l’empathie prend généralement forme dans un cadre qui permette qu’une identification se fasse, ou une traduction entre l’expérience d’autrui et ma propre expérience. Et si le cadre dominant considère que certaines vies sont plus dignes d’être pleurées que d’autres, alors il s’ensuit que certaines pertes seront plus terribles que d’autres. La question de savoir quelles vies méritent d’être pleurées fait partie intégrante de la question de savoir quelles sont les vies qui sont dignes d’avoir une valeur. Et c’est ici que le #racisme entre en jeu de façon décisive. Car si les Palestiniens sont des « #animaux », comme le répète Netanyahu, et si les Israéliens représentent désormais « le peuple juif », comme le répète Biden (englobant la diaspora juive dans Israël, comme le réclament les réactionnaires), alors les seules personnes dignes d’être pleurées, les seules qui sont éligibles au deuil, sont les Israéliens, car la scène de « guerre » est désormais une scène qui oppose les Juifs aux animaux qui veulent les tuer.

    Ce n’est certainement pas la première fois qu’un groupe de personnes qui veulent se libérer du joug de la #colonisation sont représentées comme des animaux par le colonisateur. Les Israéliens sont-ils des « animaux » quand ils tuent ? Ce cadre raciste de la violence contemporaine rappelle l’opposition coloniale entre les « civilisés » et les « animaux », qui doivent être écrasés ou détruits pour sauvegarder la « civilisation ». Et lorsque nous rappelons l’existence de ce cadre au moment d’affirmer notre condamnation morale, nous nous trouvons impliqué dans la dénonciation d’une forme de racisme qui va bien au-delà de l’énonciation de la structure de la vie quotidienne en Palestine. Et pour cela, une #réparation_radicale est certainement plus que nécessaire.

    Si nous pensons qu’une condamnation morale doive être un acte clair et ponctuel, sans référence à aucun contexte ni aucun savoir, alors nous acceptons inévitablement les termes dans lesquels se fait cette condamnation, la scène sur laquelle les alternatives sont orchestrées. Et dans ce contexte récent qui nous intéresse, accepter ce cadre, c’est reprendre les formes de #racisme_colonial qui font précisément partie du problème structurel à résoudre, de l’#injustice intolérable à surmonter. Nous ne pouvons donc pas refuser l’histoire de l’injustice au nom d’une certitude morale, car nous risquerions alors de commettre d’autres injustices encore, et notre certitude finirait par s’affaisser sur un fondement de moins en moins solide. Pourquoi ne pouvons-nous pas condamner des actes moralement haïssables sans perdre notre capacité de penser, de connaître et de juger ? Nous pouvons certainement faire tout cela, et nous le devons.

    Les actes de violence auxquels nous assistons via les médias sont horribles. Et dans ce moment où toute notre attention est accaparée par ces médias, les violences que nous voyons sont les seules que nous connaissions. Je le répète : nous avons le droit de déplorer ces violences et d’exprimer notre horreur. Cela fait des jours que j’ai mal au ventre à essayer d’écrire sans trouver le sommeil, et tous les gens que je connais vivent dans la peur de ce que va faire demain la machine militaire israélienne, si le #discours_génocidaire de #Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ou par d’autres tueries de masse de Palestiniens. Je me demande moi-même si nous pouvons pleurer, sans réserve aucune, pour les vies perdues à Tel-Aviv comme pour les vies perdues à Gaza, sans se laisser entraîner dans des débats sur le relativisme et sur les #fausses_équivalences. Peut-être les limites élargies du deuil peuvent-elles contribuer à un idéal d’#égalité substantiel, qui reconnaisse l’égale pleurabilité de toutes les vies, et qui nous porte à protester que ces vies n’auraient pas dû être perdues, qui méritaient de vivre encore et d’être reconnues, à part égale, comme vies.

    Comment pouvons-nous même imaginer la forme future de l’égalité des vivants sans savoir, comme l’a documenté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, que les militaires et les colons israéliens ont tué au minimum 3 752 civils palestiniens depuis 2008 à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Où et quand le monde a-t-il pleuré ces morts ? Et dans les seuls bombardements et attaques d’octobre, 140 enfants palestiniens ont déjà été tués. Beaucoup d’autres trouveront la mort au cours des actions militaires de « #représailles » contre le Hamas dans les jours et les semaines qui viennent.

    Ce n’est pas remettre en cause nos positions morales que de prendre le temps d’apprendre l’histoire de la #violence_coloniale et d’examiner le langage, les récits et les cadres qui servent aujourd’hui à rapporter et expliquer – et interpréter a priori – ce qui se passe dans cette région. Il s’agit là d’un #savoir_critique, mais qui n’a absolument pas pour but de rationaliser les violences existences ou d’en autoriser d’autres. Son but est d’apporter une compréhension plus exacte de la situation que celle proposée par le cadre incontesté du seul moment présent. Peut-être d’autres positions d’#opposition_morale viendront-elles s’ajouter à celles que nous avons déjà acceptées, y compris l’opposition à la violence militaire et policière qui imprègne et sature la vie des Palestiniens dans la région, leur droit à faire le deuil, à connaître et exprimer leur indignation et leur solidarité, à trouver leur propre chemin vers un avenir de liberté ?

    Personnellement, je défends une politique de #non-violence, sachant qu’elle ne peut constituer un principe absolu, qui trouve à s’appliquer en toutes circonstances. Je soutiens que les #luttes_de_libération qui pratiquent la non-violence contribuent à créer le monde non-violent dans lequel nous désirons tous vivre. Je déplore sans équivoque la violence, et en même temps, comme tant d’autres personnes littéralement stupéfiées devant leur télévision, je veux contribuer à imaginer et à lutter pour la justice et pour l’égalité dans la région, une justice et une égalité qui entraîneraient la fin de l’occupation israélienne et la disparition de groupes comme le Hamas, et qui permettrait l’épanouissement de nouvelles formes de justice et de #liberté_politique.

    Sans justice et sans égalité, sans la fin des violences perpétrées par un État, Israël, qui est fondé sur la violence, aucun futur ne peut être imaginé, aucun avenir de #paix_véritable – et je parle ici de paix véritable, pas de la « #paix » qui n’est qu’un euphémisme pour la #normalisation, laquelle signifie maintenir en place les structures de l’injustice, de l’inégalité et du racisme. Un pareil futur ne pourra cependant pas advenir si nous ne sommes pas libres de nommer, de décrire et de nous opposer à toutes les violences, y compris celles de l’État israélien, sous toutes ses formes, et de le faire sans avoir à craindre la censure, la criminalisation ou l’accusation fallacieuse d’antisémitisme.

    Le monde que je désire est un monde qui s’oppose à la normalisation du régime colonial israélien et qui soutient la liberté et l’autodétermination des Palestiniens, un monde qui réaliserait le désir profond de tous les habitants de ces terres de vivre ensemble dans la liberté, la non-violence, la justice et l’égalité. Cet #espoir semble certainement, pour beaucoup, impossible ou naïf. Et pourtant, il faut que certains d’entre nous s’accrochent farouchement à cet espoir, et refusent de croire que les structures qui existent aujourd’hui existeront toujours. Et pour cela, nous avons besoin de nos poètes, de nos rêveurs, de nos fous indomptés, de tous ceux qui savent comment se mobiliser.

    https://aoc.media/opinion/2023/10/12/condamner-la-violence

    ici aussi : https://seenthis.net/messages/1021216

    #à_lire #7_octobre_2023 #génocide

    • Palestinian Lives Matter Too: Jewish Scholar Judith Butler Condemns Israel’s “Genocide” in Gaza

      We speak with philosopher Judith Butler, one of dozens of Jewish American writers and artists who signed an open letter to President Biden calling for an immediate ceasefire in Gaza. “We should all be standing up and objecting and calling for an end to genocide,” says Butler of the Israeli assault. “Until Palestine is free … we will continue to see violence. We will continue to see this structural violence producing this kind of resistance.” Butler is the author of numerous books, including The Force of Nonviolence: An Ethico-Political Bind and Parting Ways: Jewishness and the Critique of Zionism. They are on the advisory board of Jewish Voice for Peace.

      https://www.youtube.com/watch?v=CAbzV40T6yk

  • #Guerre #Israël - #Hamas : l’engrenage infernal

    Une #catastrophe_humanitaire se déroule sous nos yeux dans la bande de Gaza tandis qu’Israël bombarde l’enclave et prépare une #riposte_militaire. Nos invités ont accepté d’échanger dans notre émission « À l’air libre » alors que cette guerre les touche. Ou les terrasse.

    Les invités :
    #Nadav_Lapid, réalisateur ;
    #Karim_Kattan, écrivain ;
    #Jonathan_Hayoun, réalisateur ;
    #Rony_Brauman, médecin, essayiste.

    https://www.youtube.com/watch?v=Z0OWMbWxhpg


    https://www.mediapart.fr/journal/international/171023/guerre-israel-hamas-l-engrenage-infernal

    #Gaza #7_octobre_2023 #à_lire #à_voir #vidéo
    #désespoir #désastre #impuissance #inquiétude #préoccupation #émotions #rage #médias #couverture_médiatique #couverture_politique #staus_quo #question_palestinienne #pogrom #mots #bombardements #eau #électricité #essence #réfugiés #déplacés_internes #IDPs #destruction #siège #catastrophe #Nakba #nouvelle_Nakba #évacuation #nourriture #famine #déportation #humiliation #paix #justice #droit_international #communauté_internationale #déshumanisation #sentiment_de_sécurité #sécurité #insécurité #apartheid #colonisation #nettoyage_ethnique #1948 #territoires_occupés #système_d'apartheid #double_régime_juridique #occupation_militaire #colonisation_civile #transferts_forcés_de_population #stratégie_de_désespoir #no_futur #actes_désespérés #lucidité #courage #étonnement #responsabilité #rationalisation #espoir #impasse #choc_électrique #trahison #traumatisme #terreur #cauchemar #cauchemar_traumatique #otages #libération_des_otages #guerre #autodestruction #suicide_national

    • Opinion. “Il est peu probable que l’Occident donne indéfiniment un blanc-seing à Israël”
      https://www.courrierinternational.com/article/opinion-il-est-peu-probable-que-l-occident-donne-indefiniment

      Les massacres commis par le Hamas dans le sud d’#Israël semblent avoir fait basculer les opinions publiques occidentales dans un soutien indéfectible à Tel-Aviv, estime ce journaliste israélien. Mais, à mesure que la situation des Palestiniens s’aggravera à #Gaza et en #Cisjordanie, ce soutien pourrait s’amenuiser.

      Le massacre de plus de 1 000 civils israéliens et l’enlèvement de dizaines d’autres servent désormais de base efficace à la diplomatie israélienne. Des pans importants des opinions publiques occidentales ont été révulsés par les tueries du 7 octobre et ont basculé. Mais pour combien de temps ?
      Pour le journaliste Amos Harel, du quotidien israélien de gauche Ha’Aretz, “il est peu probable que l’Occident donne indéfiniment un blanc-seing à Israël. L’État juif sait que la fenêtre d’action qui s’offre à lui n’est pas illimitée. Comme par le passé, il est difficile de synchroniser horloge militaire et horloge politique.”

      Pis, estime Amos Harel, deux États parmi les plus vieux pays arabes signataires d’un traité de paix avec Israël, l’#Égypte en 1979 et la #Jordanie en 1994, craignent de faire les frais de la contre-offensive israélienne, d’autant plus que la population du royaume hachémite est majoritairement d’origine palestinienne.
      “Jusqu’ici, cette dernière s’est montrée loyale envers Amman. Mais est-ce que cela durera indéfiniment ?”

      Enfin, la couverture médiatique de l’opération du #Hamas et de ses suites a relégué au second plan un autre problème : la Cisjordanie est également en proie aux violences. Près de 50 Palestiniens ont été tués la semaine dernière par des soldats israéliens et des colons juifs d’extrême droite.
      “La vraie menace réside en Cisjordanie, et il n’est pas certain que, malgré les slogans lancés par l’#extrême_droite présente au gouvernement, les #diplomaties_occidentales y soutiennent une répression israélienne d’une ampleur de Bouclier défensif [lancée par Ariel Sharon en avril 2002], qui avait vu Tsahal écraser et réoccuper les zones administrées par l’Autorité palestinienne”, soit 39 % des territoires autonomes #palestiniens de Cisjordanie.

  • L’anthropologue #Didier_Fassin sur #Gaza : « La non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer est le prélude aux pires violences »

    Le sociologue s’alarme, dans une tribune au « Monde », que l’Union européenne n’invoque pas, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, la « responsabilité de protéger » votée par l’Assemblée des Nations unies, et qu’elle pratique le deux poids deux mesures dans ses relations internationales.

    L’incursion sanglante du #Hamas en #Israël a produit dans le pays un #choc sans précédent et a suscité des réactions d’horreur dans les sociétés occidentales. Les #représailles en cours à Gaza, d’autant plus violentes que le gouvernement israélien est tenu responsable par la population pour avoir favorisé l’essor du Hamas afin d’affaiblir le #Fatah [le parti politique du président palestinien, Mahmoud Abbas] et pour avoir négligé les enjeux de sécurité au profit d’une impopulaire réforme visant à faire reculer la démocratie, ne génèrent pas de semblables sentiments de la part des chancelleries occidentales, comme si le droit de se défendre impliquait un droit illimité à se venger. Certaines #victimes méritent-elles plus que d’autres la #compassion ? Faut-il considérer comme une nouvelle norme le ratio des tués côté palestinien et côté israélien de la guerre de 2014 à Gaza : 32 fois plus de morts, 228 fois plus parmi les civils et 548 fois plus parmi les enfants ?

    Lorsque le président français, #Emmanuel_Macron, a prononcé son allocution télévisée, le 12 octobre, on comptait 1 400 victimes parmi les Gazaouis, dont 447 enfants. Il a justement déploré la mort « de nourrissons, d’enfants, de femmes, d’hommes » israéliens, et dit « partager le chagrin d’Israël », mais n’a pas eu un mot pour les nourrissons, les enfants, les femmes et les hommes palestiniens tués et pour le deuil de leurs proches. Il a déclaré apporter son « soutien à la réponse légitime » d’Israël, tout en ajoutant que ce devait être en « préservant les populations civiles », formule purement rhétorique alors que #Tsahal avait déversé en six jours 6 000 bombes, presque autant que ne l’avaient fait les Etats-Unis en une année au plus fort de l’intervention en Afghanistan.

    La directrice exécutive de Jewish Voice for Peace a lancé un vibrant « #plaidoyer_juif », appelant à « se dresser contre l’acte de #génocide d’Israël ». Couper l’#eau, l’#électricité et le #gaz, interrompre l’approvisionnement en #nourriture et envoyer des missiles sur les marchés où les habitants tentent de se ravitailler, bombarder des ambulances et des hôpitaux déjà privés de tout ce qui leur permet de fonctionner, tuer des médecins et leur famille : la conjonction du siège total, des frappes aériennes et bientôt des troupes au sol condamne à mort un très grand nombre de #civils – par les #armes, la #faim et la #soif, le défaut de #soins aux malades et aux blessés.

    Des #crimes commis, on ne saura rien

    L’ordre donné au million d’habitants de la ville de Gaza de partir vers le sud va, selon le porte-parole des Nations unies, « provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices ». Ailleurs dans le monde, lorsque éclatent des conflits meurtriers, les populations menacées fuient vers un pays voisin. Pour les Gazaouis, il n’y a pas d’issue, et l’armée israélienne bombarde les écoles des Nations unies où certains trouvent refuge. Ailleurs dans le monde, dans de telles situations, les organisations non gouvernementales apportent une assistance aux victimes. A Gaza, elles ne le peuvent plus. Mais des crimes commis, on ne saura rien. En coupant Internet, Israël prévient la diffusion d’images et de témoignages.

    Le ministre israélien de la défense, #Yoav_Gallant, a déclaré, le 9 octobre, que son pays combattait « des #animaux_humains » et qu’il « allait tout éliminer à Gaza ». En mars, son collègue des finances a, lui, affirmé qu’« il n’y a pas de Palestiniens, car il n’y a pas de peuple palestinien ».
    Du premier génocide du XXe siècle, celui des Herero, en 1904, mené par l’armée allemande en Afrique australe, qui, selon les estimations, a provoqué 100 000 morts de déshydratation et de dénutrition, au génocide des juifs d’Europe et à celui des Tutsi, la non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer et leur assimilation à des #animaux a été le prélude aux pires #violences.

    Rhétorique guerrière

    Comme le dit en Israël la présidente de l’organisation de défense des droits de l’homme, B’Tselem, « Gaza risque d’être rayée de la carte, si la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis et l’Europe, ne fait pas stopper – au lieu de laisser faire, voire d’encourager – les crimes de guerre qu’induit l’intensité de la riposte israélienne ». Ce n’est pas la première fois qu’Israël mène une #guerre à Gaza, mais c’est la première fois qu’il le fait avec un gouvernement aussi fortement orienté à l’#extrême-droite qui nie aux Palestiniens leur humanité et leur existence.
    Il existe une « responsabilité de protéger », votée en 2005 par l’Assemblée des Nations unies, obligeant les Etats à agir pour protéger une population « contre les génocides, les crimes de guerre, les nettoyages ethniques et les crimes contre l’humanité ». Cet engagement a été utilisé dans une dizaine de situations, presque toujours en Afrique. Que l’Union européenne ne l’invoque pas aujourd’hui, mais qu’au contraire la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, se rende, sans mandat, en Israël, pour y reprendre la #rhétorique_guerrière du gouvernement, montre combien le deux poids deux mesures régit les relations internationales.
    Quant à la #France, alors que se fait pressante l’urgence à agir, non seulement le gouvernement apporte son appui sans failles à l’#opération_punitive en cours, mais il interdit les #manifestations en faveur du peuple palestinien et pour une #paix juste et durable en Palestine. « Rien ne peut justifier le #terrorisme », affirmait avec raison le chef de l’Etat. Mais faut-il justifier les crimes de guerre et les #massacres_de_masse commis en #rétorsion contre les populations civiles ? S’agit-il une fois de plus de rappeler au monde que toutes les vies n’ont pas la même valeur et que certaines peuvent être éliminées sans conséquence ?

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/18/l-anthropologue-didier-fassin-sur-gaza-la-non-reconnaissance-de-la-qualite-d

    #à_lire #7_octobre_2023

    • Le spectre d’un génocide à Gaza

      L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.

      Au début de l’année 1904, dans ce qui était alors le protectorat allemand du Sud-Ouest africain, les Hereros se rebellent contre les colons, tuant plus d’une centaine d’entre eux dans une attaque surprise.

      Au cours des deux décennies précédentes, ce peuple d’éleveurs a vu son territoire se réduire à mesure que de nouvelles colonies s’installent, s’emparant des meilleures terres et entravant la transhumance des troupeaux. Les colons traitent les Hereros comme des animaux, les réduisent à une forme d’esclavage et se saisissent de leurs biens. Le projet des autorités est de créer dans ce qui est aujourd’hui la Namibie une « Allemagne africaine » où les peuples autochtones seraient parqués dans des réserves.

      La révolte des Hereros est vécue comme un déshonneur à Berlin et l’empereur envoie un corps expéditionnaire avec pour objectif de les éradiquer. Son commandant annonce en effet qu’il va « annihiler » la nation herero, récompensant la capture des « chefs », mais n’épargnant « ni les femmes ni les enfants ». Si l’extermination n’est techniquement pas possible, ajoute-t-il, il faudra forcer les Hereros à quitter le pays, et « ce n’est qu’une fois ce nettoyage accompli que quelque chose de nouveau pourra émerger ».

      Dans les mois qui suivent, nombre de Hereros sans armes sont capturés et exécutés par les militaires, mais la plupart sont repoussés dans le désert où ils meurent de déshydratation et d’inanition, les puits ayant été empoisonnés. Selon l’état-major militaire, « le blocus impitoyable des zones désertiques paracheva l’œuvre d’élimination ». On estime que seuls 15 000 des 80 000 Hereros ont survécu. Ils sont mis au travail forcé dans des « camps de concentration » où beaucoup perdent la vie.

      Le massacre des Hereros, qualifié par les Allemands de « guerre raciale » est le premier génocide du XXe siècle, considéré par certains historiens comme la matrice de la Shoah quatre décennies plus tard. Dans Les Origines du totalitarisme, la philosophe Hannah Arendt elle-même a établi un lien entre l’entreprise coloniale et les pratiques génocidaires.

      Comparaison n’est pas raison, mais il y a de préoccupantes similitudes entre ce qui s’est joué dans le Sud-Ouest africain et ce qui se joue aujourd’hui à Gaza. Des décennies d’une colonisation qui réduit les territoires palestiniens à une multiplicité d’enclaves toujours plus petites où les habitants sont agressés, les champs d’olivier détruits, les déplacements restreints, les humiliations quotidiennes.

      Une déshumanisation qui conduisait il y a dix ans le futur ministre adjoint à la Défense à dire que les Palestiniens sont « comme des animaux ». Une négation de leur existence même par le ministre des Finances pour qui « il n’y a pas de Palestiniens car il n’y a pas de peuple palestinien », comme il l’affirmait au début de l’année. Un droit de tuer les Palestiniens qui, pour l’actuel ministre de la Sécurité nationale, fait du colon qui a assassiné vingt-neuf d’entre eux priant au tombeau des Patriarches à Hébron un héros. Le projet, pour certains, d’un « grand Israël », dont l’ancien président est lui-même partisan.

      Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière

      Dans ce contexte, les attaques palestiniennes contre des Israéliens se sont produites au fil des ans, culminant dans l’incursion meurtrière du Hamas en territoire israélien le 7 octobre faisant 1 400 victimes civiles et militaires et aboutissant à la capture de plus de 200 otages, ce que le représentant permanent d’Israël aux Nations unies a qualifié de « crime de guerre ». La réponse du gouvernement, accusé de n’avoir pas su prévenir l’agression, s’est voulue à la mesure du traumatisme provoqué dans le pays. L’objectif est « l’annihilation du Hamas ».

      Pendant les trois premières semaines de la guerre à Gaza, les représailles ont pris deux formes. D’une part, infrastructures civiles et populations civiles ont fait l’objet d’un bombardement massif, causant 7 703 morts, dont 3 595 enfants, 1 863 femmes et 397 personnes âgées, et endommageant 183 000 unités résidentielles et 221 écoles, à la date du 28 octobre. Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière, au plus fort de l’invasion du pays.

      Pour les plus de 20 000 blessés, dont un tiers d’enfants, ce sont des mutilations, des brûlures, des handicaps avec lesquels il leur faudra vivre. Et pour tous les survivants, ce sont les traumatismes d’avoir vécu sous les bombes, assisté aux destructions des maisons, vu des corps déchiquetés, perdu des proches, une étude britannique montrant que plus de la moitié des adolescents souffrent de stress post-traumatique.

      D’autre part, un siège total a été imposé, avec blocus de l’électricité, du carburant, de la nourriture et des médicaments, tandis que la plupart des stations de pompage ne fonctionnent plus, ne permettant plus l’accès à l’eau potable, politique que le ministre de la Défense justifie en déclarant : « Nous combattons des animaux et nous agissons comme tel ». Dans ces conditions, le tiers des hôpitaux ont dû interrompre leur activité, les chirurgiens opèrent parfois sans anesthésie, les habitants boivent une eau saumâtre, les pénuries alimentaires se font sentir, avec un risque important de décès des personnes les plus vulnérables, à commencer par les enfants.

      Dans le même temps, en Cisjordanie, plus d’une centaine de Palestiniens ont été tués par des colons et des militaires, tandis que plus de 500 éleveurs bédouins ont été chassés de leurs terres et de leur maison, « nettoyage ethnique » que dénoncent des associations de droits humains israéliennes. Croire que cette répression féroce permettra de garantir la sécurité à laquelle les Israéliens ont droit est une illusion dont les 75 dernières années ont fait la preuve.

      L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.

      L’organisation états-unienne Jewish Voice for Peace implore « toutes les personnes de conscience d’arrêter le génocide imminent des Palestiniens ». Une déclaration signée par 880 universitaires du monde entier « alerte sur un potentiel génocide à Gaza ». Neuf Rapporteurs spéciaux des Nations unies en charge des droits humains, des personnes déplacées, de la lutte contre le racisme et les discriminations, l’accès à l’eau et à la nourriture parlent d’un « risque de génocide du peuple palestinien ». Pour la Directrice régionale de l’Unicef pour le Moyen Orient et l’Afrique du nord, « la situation dans la bande de Gaza entache de plus en plus notre conscience collective ». Quant au Secrétaire général des Nations unies, il affirme : « Nous sommes à un moment de vérité. L’histoire nous jugera ».

      Alors que la plupart des gouvernements occidentaux continuent de dire « le droit d’Israël à se défendre » sans y mettre de réserves autres que rhétoriques et sans même imaginer un droit semblable pour les Palestiniens, il y a en effet une responsabilité historique à prévenir ce qui pourrait devenir le premier génocide du XXIe siècle. Si celui des Hereros s’était produit dans le silence du désert du Kalahari, la tragédie de Gaza se déroule sous les yeux du monde entier.

      https://aoc.media/opinion/2023/10/31/le-spectre-dun-genocide-a-gaza

    • Cette réponse sur AOC est d’une mauvaise foi affligeante. Ils se piquent de faire du droit international, et ne se rendent pas compte que leurs conclusions vont à l’encontre de ce qui est déclamé par les instances multilatérales internationales depuis des dizaines d’années.

      Personnellement, les fachos qui s’ignorent et qui prennent leur plume pour te faire comprendre que tu n’es pas assez adulte pour comprendre la complexité du monde, ils commencent à me chauffer les oreilles. La tolérance c’est bien, mais le déni c’est pire. Et là, cette forme de déni, elle est factuelle. Elle n’est pas capillotractée comme lorsqu’on étudie les différentes formes d’un mot pour en déduire un supposé racisme pervers et masqué.

    • La réponse dans AOC mais fait vraiment penser à la sailli de Macron sur les violences policières : « dans un État de droit il est inadmissible de parler de violences policières » : autrement dit ce ne sont pas les violences elles-mêmes, concrète, prouvées, qui sont à condamner, mais c’est le fait d’en parler, de mettre des mots pour les décrire.

      Là c’est pareil, l’État israélien fait littéralement ces actions là : tuerie de masse par bombes sur civils, destruction des moyens de subsistance en brulant les champs (d’oliviers et autres), et en coupant tout accès à l’eau (base de la vie quand on est pas mort sous les bombes) ; ce qui correspond bien factuellement au même genre de stratégie militaire d’annihilation des Héréros par les allemands. Mais ce qui est à condamner c’est le fait de le décrire parce que ça serait antisémite, et non pas les actions elles-mêmes.

      Parce que l’accusation d’empoisonnement est un classique de l’antisémitisme depuis le moyen âge, alors si concrètement une armée et des colons de culture juive bloquent l’accès à la subsistance terre et eau, ça n’existe pas et il ne faut pas en parler.

      (Et c’est le même principe que de s’interdire de dire que le Hamas est un mouvement d’extrême droite, avec une politique autoritaire et ultra réactionnaire, et qu’ils promeuvent des crimes de guerre, parce qu’ils se battent contre l’État qui les colonise. Il fut un temps où beaucoup de mouvements de libération, de lutte contre le colonialisme et ou les impérialismes, faisaient attention aux vies civiles, comme le rappelait Joseph Andras il me semble.)

      #campisme clairement ("mon camp", « notre camp », ne peut pas faire ça, puisque c’est les méchants qui nous accusaient faussement de faire ça…)

  • La tentative de #déplacement_forcé de plus d’un million de personnes dans la bande de #Gaza est illégale et catastrophique

    La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) est choquée et horrifiée par les vidéos et les rapports attestant des #tueries indiscriminées de civil⋅es et la #destruction de masse de quartiers entiers de la bande de Gaza par Israël. La FIDH se dresse contre le #transfert_forcé et le déplacement des populations de la partie nord de la bande de Gaza ordonné par Israël. Alors que nous continuons d’être témoins de ces atrocités et #crimes internationaux, la FIDH exprime sa solidarité avec tous⋅tes les civil⋅es touché⋅es par ce dernier cycle de violence.

    La FIDH se tient fermement aux côtés de ses organisations membres palestiniennes sur le terrain et à Gaza : Al Mezan, Al-Haq et le Centre palestinien pour les droits humains. Beaucoup des membres parmis leurs équipes ont tragiquement perdu leur domicile et ont maintenant reçu l’ordre d’évacuer. Nous tenons à les rassurer qu’ils et elles ne sont pas seul⋅es dans ces moments incroyablement difficiles et qu’un mouvement mondial pour les droits humains est à leurs côtés.

    La FIDH condamne les crimes commis contre les civil⋅es, y compris le ciblage systématique et généralisé de leurs infrastructures et propriétés. Ces crimes sont tous potentiellement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. A présent plus de 1500 Palestinien⋅nes tué⋅es dans l’agression d’Israël sur la #bande_de_Gaza sont à déplorer. [Mise à jour : le 13 Octobre à 22h ce chiffre a tragiquement atteint 1,900 Palestinien⋅es tué⋅es]. Cependant certaines habitations détruites n’ont pas encore été atteintes par les équipes de secours en raison de ressources limitées et du manque d’engins. Le nombre de blessés quant à lui est presque impossible à dénombrer, car toutes les infrastructures de santé sont en ruine et totalement incapables de faire face à l’immense quantité de blessures terribles auxquelles elles sont confrontées. À cet égard, nous prenons très au sérieux les rapports et les allégations de preuves sur l’utilisation de munitions au phosphore par Israël, causant des brûlures atroces et des blessures à long terme et nous condamnons vivement leur utilisation.

    La FIDH condamne l’agression israélienne en tant qu’acte de pure #représailles d’une épouvantable #violence. L’attitude et la doctrine de l’#armée_israélienne sont reflétés dans les propos d’un porte-parole officiel de l’armée israélienne disant l’« emphase est mise sur les dégâts, pas sur la précision ». En outre les six derniers jours n’ont été rien d’autre que l’orchestration des conditions les plus contraires à la vie humaine pour le peuple palestinien. Les #bombardements indiscriminés meurtriers sont associés à la coupure de l’approvisionnement en #nourriture, en #eau, en #électricité, en #carburant et en #médicaments, et constituent des crimes internationaux devant cesser immédiatement.

    Nous exhortons Israël à mettre fin à sa campagne de bombardements et à ne pas mener d’invasion terrestre de la bande de Gaza. Cela ne ferait qu’entraîner des bains de sang et de terribles pertes en vies humaines. Comme l’a déclaré aujourd’hui l’organisation membre israélienne de la FIDH, B’tselem, « La destruction indiscriminée et un siège à l’encontre des innocent⋅es ne procureront ni soulagement, ni justice, ni apaisement ». La FIDH appelle à la libération et protection immédiate des civil⋅es pris en otage par les groupes armés palestiniens, des actes pour lesquels nous réitérons notre condamnation. Toutes les vies civiles doivent être protégées en respect du #droit_international devant être respecté par toutes les parties. Nous rejetons tout approche à deux vitesses vis-à-vis du droit international et des principes des #droits_humains.

    Les attaques indiscriminées contre les civil⋅es constituent des crimes en vertu du droit international quelque soit le contexte

    La FIDH s’oppose fermement à l’ordre d’évacuation des civils du nord de la bande de Gaza émis le 13 octobre par Israël. Nous dénonçons ces ordres comme une tentative de déplacement forcé et illégal de civil⋅es pouvant refléter une #intention_génocidaire. Israël a continuellement et constamment violé le #droit_au_retour des réfugié⋅es qu’il a produit, depuis 1948 jusqu’à aujourd’hui. Plus d’un million de personnes seraient déplacées en raison de ces ordres. On estime de 70 à 80 % la part des habitant⋅es de la bande de Gaza qui sont déjà des réfugié⋅es. Toutes et tous sont soumis à un blocus sévère depuis 16 ans et ont été témoins de 6 agressions militaires majeures. Nous rappelons également que l’Unicef estime à 1 million le nombre d’enfants parmi les 2,3 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza.

    La FIDH demande un cessez-le-feu immédiat, accompagné de la levée du blocus et de la fin du régime de punition collective infligée au peuple de la bande de Gaza. Cette situation illégale en Palestine ne doit pas être autorisée à perdurer. Nous exhortons les États tiers à remplir leurs obligations envers la population protégée sous l’occupation illégale et l’apartheid, et à ne pas être complices des crimes commis contre le peuple palestinien. Nous appelons également les États à exercer une pression sur Israël pour mettre fin à l’agression sur Gaza et permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, sans délai.

    https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/israel-palestine/la-tentative-de-deplacement-force-de-plus-d-un-million-de-personnes

    #à_lire #Gaza #Israël #Palestine #7_octobre_2023 #génocide

  • Miguel Amorós, Crise agricole et dilemme énergétique, 2023 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/08/24/amoros-agricole-fr

    L’agriculture industrielle est une agriculture sans agriculteurs. On dira la même chose de l’élevage intensif des macro-fermes. Les effets positifs de l’un et de l’autre se sont avérés être une augmentation sensible de la production et une baisse des prix qui ont conduit à une expansion démographique urbaine. Les aspects négatifs sont pires : abandon des terres et émigration vers les villes, perte des savoirs et savoir-faire, disparition ou privatisation des variétés locales, déforestation et destruction de la faune, production de déchets non recyclables, plus grande résistance des parasites et émergence de nouvelles maladies des plantes, disparition de la couche fertile du sol, surexploitation des aquifères, contamination des sols et de l’eau et dégradation de la qualité des aliments. L’argument majeur en faveur de la monoculture industrielle et de l’élevage intensif a été l’éradication de la faim dans le monde, une promesse clairement non tenue.

    […]

    Il n’y a pas de transition d’une société basée sur un modèle énergétique centralisé, industriel et extractiviste vers un monde décentralisé, désurbanisé et respectueux de la terre et de la nature. La société capitaliste d’après la transition se veut la même que la précédente, structurée de la même manière mais avec un discours écologique. Le capital n’a pas d’idéologie fixe, pas de langage particulier ; la seule préoccupation des dirigeants, soudain soucieux d’écologie, ce sont les affaires. Elles gravitent désormais autour du vert.

    […]

    Cette association obligatoire interroge le caractère renouvelable de l’énergie produite dans les «  parcs  », les «  jardins  » et autres «  fermes  », d’autant plus que, ne l’oublions pas, les matériaux industriels utilisés dans leur construction grèvent le bilan carbone des usines : béton armé et acier pour les fondations, aluminium et cuivre pour l’évacuation dans les lignes à haute tension, plastique renforcé de fibre de verre ou de carbone pour les «  lames  » ou pales, terres rares pour les aimants permanents des rotors (terres rares dont l’extraction et la purification sont des processus très polluants), wafers de polysilicium et films de métaux, peu abondants, semi-conducteurs pour les panneaux solaires (dont certains sont toxiques comme l’arsenic et le cadmium), matériau pour les supports et onduleurs de courant, lithium et cobalt pour les batteries, etc. Si l’on ajoute à cela les terrassements, excavations et autres travaux d’installation et d’entretien, qui se répètent au moment du démantèlement, c’est-à-dire après vingt ou trente ans, plus le recyclage problématique de la ferraille, on aura le tableau complet de la possibilité réelle de renouvellement d’un type d’énergie qu’il serait plus juste d’appeler «  énergie alternative dérivée des énergies fossiles  ». Ne parlons pas du caractère «  propre  » des autres énergies considérées comme renouvelables comme celles issues de la combustion de la biomasse ou des bio-carburants, et de l’énergie hydro-électrique elle-même. Bref, les énergies renouvelables ne sont qu’un mirage. Elles ne résolvent en rien la crise. Elles ont un impact environnemental important et peu d’impact économique local, ne créent pas d’emplois, menacent les forêts et les cultures, causent des dommages au paysage et à la faune et contribuent autant que l’agro-industrie à la désertification des campagnes espagnoles. Elles ne profitent qu’aux oligopoles énergétiques et aux groupes financiers, introduisent des dépendances technologiques inutiles, et qui plus est, ne sont même pas renouvelables.

    […]

    ans une incroyable dépense de ressources, la société de la consommation irresponsable entrerait dans un net déclin, auquel les dirigeants répondraient en recourant éventuellement aux armes. Il est donc vain de s’efforcer de trouver une solution pacifique à la crise par une «  décroissance économique planifiée démocratiquement  » – par qui ? – comme si l’économie mondiale et les agglomérations urbaines pouvaient accepter de bon gré leur extinction. La production d’énergie et de nourriture ne peut être considérée comme un phénomène sans rapport avec le marché, le système financier et le fait métropolitain.

    […]

    Tant que le tissu social ne se recomposera pas en dehors des institutions et contre elles, la défense du territoire sera faible et cherchera des compromis avec le développementisme sur la base d’une demande de moratoire temporaire ou de réduction de la taille des projets.

    #Miguel_Amoros #transition #énergie #écologie #critique_techno #urbanisme #agriculture #nourriture #démocratie

  • La France, interdite d’exportations de céréales à partir du 25 avril  Keren Lentschner

    . . . . À partir du 25 avril, la France ne pourra plus exporter sa production céréalière en dehors d’Europe. À cette date, l’utilisation de phosphine, un insecticide, sera, en effet, interdite en France pour traiter les cargaisons de céréales dans les cales des bateaux. Or la fumigation de ce produit, utilisé en tablettes, est obligatoire dans de nombreux pays clients de l’Hexagone, à commencer par l’Afrique du nord, pour pouvoir débarquer la marchandise.

    Elle permet d’empêcher la propagation d’insectes d’un pays à l’autre. Sans cela, pas de certificat de traitement à l’arrivée au port. Et les grains risquent de repartir vers l’expéditeur... À la clef, 11,5 millions de tonnes de céréales sont concernées, selon L’Opinion qui a enquêté sur les coulisses de l’affaire. Les céréaliers sont vent debout. « Ces pays-là vont être en manque crucial d’alimentation », a réagi dimanche sur Sud Radio Éric Thirouin, président des producteurs de blé et céréaliers français, qui redoute le risque d’émeutes. « Dans le meilleur des cas, si je puis dire, c’est la Russie qui est le premier exportateur mondial qui les fournira ».

    La décision remonte à fin octobre 2022. Elle a été prise par l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire française (anses) qui a renouvelé l’autorisation de mise sur le marché du produit sauf au « contact direct avec les céréales ». En cas d’inhalation d’une dose importante, ce gaz à base de phosphure d’aluminium peut provoquer des troubles neurologiques ou respiratoires.

    Spécificité française
    Il n’empêche, cette décision de l’anses est une spécificité française, l’autorisation d’utilisation de la phosphine ayant été renouvelée ces derniers mois dans la plupart des pays européens voisins. « C’est une situation absurde alors même que l’utilisation de cet insecticide figure dans le cahier des charges des pays à qui la France vend ses céréales, déplore Guillaume Kasbarian, député Renaissance, président de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, qui a saisi l’anses sur ce sujet. Cela interroge aussi sur la capacité de l’anses à prendre une décision de cette importance sans concertation avec le gouvernement et sans tenir compte du contexte européen ».

    Il semblerait, en effet, que le gouvernement et l’anses divergent sur ce sujet, les ministères de l’Agriculture et des Affaires étrangères plaidant pour l’application du règlement européen, qui autorise l’utilisation de phosphine. « Le risque est immédiat pour notre commerce extérieur et notre filière céréalière, une des filières agricoles excédentaires majeures à l’export (14,5 milliards d’euros en 2022), commente une source gouvernementale. C’est une menace aussi pour la sécurité alimentaire de ces pays dans le contexte international actuel ».

    Dans L’Opinion, l’anses rejette la responsabilité sur le principal fabricant de phosphine, le Néerlandais UPL Holdings, qui ne lui aurait pas transmis le dossier complet car il aurait lui-même renoncé à l’homologation du produit... Ce que le fabricant dément. À l’anses, personne n’était disponible ce lundi 10 avril pour répondre au Figaro.

    Filière stratégique
    « Ce serait un coup d’arrêt à l’export d’une filière stratégique pour la France, insiste le député qui rappelle que l’import dans l’Hexagone de céréales ayant été traitées par fumigation de phosphine est autorisé. On ne peut laisser les céréaliers sans solution. » Pour contourner cette interdiction, certains industriels pourraient être tentés de s’orienter vers des ports européens tels que Gênes ou Anvers pour expédier leurs céréales. Ce qui représenterait un coût supplémentaire et un impact carbone supérieur, déplore un proche du dossier. Une nouvelle audition pourrait être organisée à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée dans les prochaines semaines. Les céréaliers, eux, appellent le gouvernement à « se saisir du sujet ».
    #céréales #alimentation #nourriture #faim #exportation #anses #bétise #mauvais à tout #france #administration

    Source : https://www.lefigaro.fr/economie/la-france-interdite-d-exportations-de-cereales-a-partir-du-25-avril-2023041

  • Sous les couvercles de poubelles, la répression ! - CRIC
    https://cric-grenoble.info/infos-locales/article/sous-les-couvercles-de-poubelles-la-repression-2730

    Rassemblement le 12 janvier à 13h30 devant le tribunal de Grenoble

    Ce jour-là, deux personnes font appel après avoir été condamnées pour tentative de vol de #nourriture dans des poubelles de supermarché… vides ! Elles avaient été arrêtées (par pas moins de cinq voitures de policiers) alors qu’elles se trouvaient sur le parking d’un supermarché, sans aucune denrée alimentaire avec elles, puis maintenues 15 heures en #garde-à-vue. Elles ont été comdamnées en 2021 pour « tentative de vol aggravée » ainsi que « refus de se soumettre au prélèvement ADN ». Lors de la garde à vue leur ADN avait été prélevé sur les objets traînant dans leurs cellules et sur des restes de repas. En première instance, le tribunal a reconnu que ces prises d’ADN n’étaient pas légales. Faire des prélèvements ADN ou le prendre de force sont des pratiques policière et judiciaire qui se généralisent et participant à la normalisation d’un fichage systématique. Lutter contre le fichage ADN, c’est aussi refuser cette société de contrôle et de surveillance des masses.

    Ce procès, c’est la criminalisation de ce qui est pour des milliers de gens un moyen de survie, dans une société d’opulence où pourtant certain·e·s ne mangent pas à leur faim.

    On nous bassine tous les jours avec des pubs et des actions commerciales anti-gaspi. Mais que sont réellement ces initiatives « anti-gaspi » ? C’est vendre des trucs bientôt périmés, pour pouvoir faire du profit même sur des poubelles. C’est accepter de donner ses poubelles à des assos, à condition que ce soit « valorisé » en crédit d’impôt. C’est faire des campagnes publici-taires pour se vanter d’être écolo en gagnant toujours plus d’argent (autant le dire, c’est du #green_washing). C’est développer des applis pour organiser la vente de récupe, tout en revendant les données personnelles au passage. Pendant ce temps les poubelles sont de plus en plus « protégées », gardées sous clé, sous caméras, derrière des palissades et des barbelés. Il ne faudrait pas que des gens puissent y trouver de la nourriture gratuite !

    #gratuité #police

    • #Sitopia. How Food Can Save the World

      Sitopia is the sequel to Hungry City. It explores the idea, first developed in Hungry City, that food shapes our lives, and asks what we can do with this knowledge in order to lead better ones. In essence, it is a practical, food-based philosophy.

      Food is the most powerful medium available to us for thinking in a connected way about the numerous dilemmas we face today. For countless millennia, food has shaped our bodies, lives, societies and world. Its effects are so widespread and profound that most of us can’t even see them; yet it is as familiar to us as our own face. Food is the great connector – the staff of life and its readiest metaphor. It is this capacity to span worlds and ideas that gives food its unparalleled power. Food, you might say, is the most powerful tool for transforming our lives and world that we never knew we had.

      While Hungry City explored how the journey of food through the city has shaped civilisations over time, Sitopia starts with a plate of food and travels out to the universe. Its structure thus consists of a series of overlapping scales, in which food is always central. Food animates our bodies, homes and societies, city and country, nature and time – seven scales that form the chapters in the book. This idea came from a drawing I did in 2011, in order to understand food’s place in our world. The drawing showed me how food’s effects at various scales interact in myriad interconnected ways. From the cultural norms into which we are born spring personal tastes and preferences that affect our individual health and pleasure, but also the vibrancy of local economies, global geopolitics and ecology. This interconnectivity made the book tricky to write, since every chapter overlapped with every other. As I wrote, however, a hidden structure began to reveal itself: as well as radiating out from food like ripples from a pond, the chapters, I realised, were mirrors of one another, so that Chapter 1 (Food) was mirrored by Chapter 7 (Time), in the sense that the former dealt primarily with life, while the latter was concerned with mortality. Similarly, Chapter 2 (Body) explores how out of synch with our world we have become, while Chapter 6 (Nature) offers a solution: to re-engage with the natural world. Chapter 3 (Home) examines our relative lack of a sense of belonging, while Chapter 5 (City and Country) shows how by rethinking the ways we inhabit land, we can regain our sense of home. It is not insignificant that this mirroring effect should have revolved around the central Chapter 4 (Society), which I came to realise was indeed pivotal, since the manner in which we share is key to all the rest.

      These two drawings – the original sketch exploring the scales of food and the chapter structure – were key to the creation of Sitopia. The first was the direct inspiration for the book and the second, drawn about half-way through the writing process, became pivotal to my understanding, not just of the book’s narrative structure, but of the way in which it echoes that of our experienced world. The Allegory of Sitopia, which illustrates many of these themes, was kindly drawn for me by the wonderful artist Miriam Escofet and forms the frontispiece of the book.

      https://www.carolynsteel.com/sitopiabook
      #livre #alimentation #nourriture

    • Carolyn Steel : « L’habitat idéal pour un animal politique est d’avoir un pied en ville et l’autre à la campagne »

      Dans son nouveau livre, l’architecte urbaniste britannique plaide pour une réorganisation de la #ville à partir des besoins en alimentation.

      Architecte urbaniste britannique, Carolyn Steel voit dans la nourriture « la clé de la ville » mais constate que « nous n’en parlons pas, nous ne voyons pas d’où elle vient ». Paru en mars 2020, Sitopia. How Food Can Save the World (« Sitopie. Comment la nourriture peut sauver le monde », Chatto & Windus, non traduit) invite à repenser villes, multinationales, écologies et relations humaines. Ambitieux projet qu’elle justifie en écrivant que « la nourriture, le support omniprésent de la civilisation, a toujours façonné le monde, pas toujours pour le mieux ».

      Votre travail vous a fait découvrir ce que vous appelez le « #paradoxe_urbain ». Qu’entendez-vous par là ?

      J’ai étudié l’architecture, où nous parlions sans arrêt des villes et de l’#urbanisation croissante sans jamais aborder les enjeux liés à la #campagne, soit l’autre face du phénomène. C’est là qu’a lieu la #production_agricole sans laquelle nous n’existerions pas.

      Aristote souligne notre dualité fondamentale en disant que nous sommes des animaux politiques. Nous avons besoin de la société et de nourriture provenant du milieu naturel. Les villes produisent le côté politique, mais pas ce qui nous rend heureux et nous permet de prospérer en tant qu’animaux. Voilà le paradoxe urbain.

      L’habitat idéal pour un animal politique est d’avoir un pied en ville et l’autre à la campagne. Les riches ont toujours fait ça. C’est bien entendu ce que nous voulons tous mais la plupart d’entre nous n’en ont pas les moyens. Ça devient un problème de design : comment on peut concevoir un environnement dans lequel les animaux politiques peuvent s’épanouir et apprendre. En reconnaissant le paradoxe, nous pouvons transformer notre manière de concevoir les espaces dans lesquels nous vivons.

      Comment expliquez-nous qu’on ne prête pas davantage attention à la manière de nourrir nos villes ?

      La nourriture pâtit d’un gros problème d’invisibilité. Jadis, les animaux étaient conduits jusqu’en plein centre. Les marchés renforçaient la relation entre villes et campagnes de manière vivante.

      Mais nous avons perdu tout ça avec les chemins de fer qui ont rendu possible le transport de nourriture rapidement et sur de longues distances. Pour la première fois, on pouvait construire des villes loin des côtes et des rivières. Cela a marqué le début de l’urbanisation massive. Les gens ignoraient de plus en plus d’où provenait leur alimentation.

      Nos ancêtres savaient que le contrôle de la nourriture constituait une forme de pouvoir. Aujourd’hui, une poignée de multinationales en a plus que certains Etats-nations. La conséquence la plus grave est l’illusion que la nourriture créée par l’industrialisation peut être « bon marché ».

      Cela engendre une #catastrophe_écologique. Nous traitons les animaux avec cruauté et les travailleurs agricoles presque comme des esclaves (parfois littéralement). La production industrielle de nourriture, facteur de déforestation, est responsable pour un tiers de l’émission des gaz à effet de serre.

      Vous développez ces points dans votre premier livre, Ville affamée. Avec Sitopia que vous venez de publier, vous allez plus loin. Qu’entendez-vous par « économie sitopienne » ?

      L’idée de Sitopie, du grec sitos, « nourriture », et topos, « lieu », m’est venue à la fin de Ville affamée. J’ai réalisé que nous vivions dans un monde façonné par la nourriture, mais mal façonné. Elle est la meilleure connexion entre nous et nous rapproche aussi du monde naturel. La traiter comme un bien de peu de prix et en externaliser les coûts met nos valeurs sens dessus dessous. Je propose d’aller vers un système de nourriture fondé sur sa valeur réelle. Premier gain, si nous répercutions à nouveau ses coûts réels sur son prix, les produits artisanaux et écologiques nous sembleraient de véritables aubaines, puisque ce sont les seuls qui internalisent de tels coûts.

      Ensuite, nous nous rendrions compte qu’une partie de la population n’a pas les moyens de se nourrir. C’est pourquoi je propose le contrat social « sitopien » : je mange bien, tu manges bien aussi. Mon image d’une bonne société est celle où nous nous asseyons et mangeons ensemble autour d’une table. C’est reconnaître que manger, c’est ce qui nous unit aux autres et à l’ensemble du système écologique. Construire notre société autour du partage d’un bon repas tous les jours, telle est l’idée de base.

      Ça n’est pas une idée entièrement nouvelle…

      Elle s’inspire en effet du concept de cité-jardin, inventé en 1898 par Ebenezer Howard à l’issue d’une crise agricole provoquée, en Grande-Bretagne, par des importations à bas coûts de céréales américaines. Comme le Brexit auquel je m’oppose.

      L’idée était de construire de nouveaux centres urbains, petits et compacts sur des terres agricoles achetées à bas prix du fait de la dépression. Ce ne serait pas le propriétaire qui s’enrichirait (comme à la ville), mais la ville qui achèterait les terres agricoles pour la communauté et les mettrait à disposition de ses membres moyennant une rente foncière. A mesure qu’elle augmenterait – c’est inévitable si vous construisez une nouvelle ville au milieu de nulle part –, l’argent serait utilisé pour financer les transports publics, la santé, etc. Une sorte d’Etat-providence à l’échelle d’une ville.

      Valoriser la nourriture mènerait, selon vous, à une renaissance rurale. Comment voyez-vous le futur des villes ?

      Il y a, d’abord, l’aspect spatial. Plus les villes grandissent, plus les campagnes s’éloignent pour ceux qui vivent en leur centre. Je propose de rétablir la relation entre la ville et sa région, et d’introduire l’espace de production de nourriture dans la ville. L’Europe est pleine d’espaces inefficaces structurés par le béton, qui pourraient devenir productifs. Nombre de terrains pourraient être convertis en jardins, vergers, fermes communaux. Bien entendu, cela ne pourra jamais nourrir la ville dans sa totalité mais ça peut redonner aux gens accès à la nature.

      Comment voyez-vous l’impact du Covid-19 sur le système alimentaire que vous dénoncez ?

      Il y a eu un aspect positif. Dans les pays riches, on a redécouvert le plaisir de manger. Les gens ont disposé de plus de temps. Ils se sont mis à cuisiner avec leurs enfants mais aussi pour leurs voisins. Ils ont veillé au bien-être de la dame âgée en bas de la rue. La nourriture a retrouvé son pouvoir de rassemblement.

      Mais le négatif est peut-être plus important. La pandémie est venue exacerber les inégalités et beaucoup de gens ont dû se rabattre sur les banques alimentaires.

      Par ailleurs, de nouvelles connexions se sont créées entre consommateurs et producteurs mais personne ne veut faire les récoltes en Grande-Bretagne (ce qui fait ressortir la fragilité du pays). Nous sommes une société qui refuse littéralement de se nourrir. Si vous payez 30 livres par heure pour récolter des carottes, je peux vous dire que vous en trouverez des gens ! Une fois de plus, la valeur est biaisée.

      Quelles conséquences tout cela pourrait-il entraîner ?

      De nombreux petits producteurs, petites entreprises alimentaires et petits restaurants indépendants ne survivront pas au profit des Starbucks, McDonald’s, Amazon et Google. Cela m’attriste et me bouleverse, mais c’est presque inévitable.

      J’espère, par contre, sincèrement – c’est plus un souhait qu’autre chose – que les Sitopiens qui comprennent la valeur de la nourriture et son pouvoir utiliseront le Covid-19 pour dire : nous avons découvert ce qui compte vraiment dans la vie, avoir un emploi décent, de quoi manger et un toit sur la tête. Nous avons les moyens d’assurer ça.

      Le New Green Deal [« nouvelle donne verte »] va dans ce sens. Il y a là une chance unique de bien faire les choses.
      Vous incitez à accepter la complexité pour comprendre le rôle essentiel de la nourriture, mais vous en faites une voie unique pour comprendre le monde. N’est-ce pas contradictoire ?

      Vous avez mis le doigt sur ce que j’aime le plus avec la nourriture. Elle est à la fois la chose la plus simple – si simple qu’on peine à la voir – et la plus complexe. Un outil, un moyen et une manière de penser et d’agir. Toutes ces questions reviennent à bien se traiter les uns les autres, à être dans une société égalitaire.

      Pour y parvenir, vous faites appel aux anarchistes et à une conception différente de la taxe foncière…

      Ils ont eu une grande influence sur Ebenezer Howard et sa proposition de cité-jardin. L’idée de base – elle vient de Proudhon – consiste à distinguer la « propriété individuelle privée » (proprietorship), qui permet de dire « c’est ma terre à perpétuité, elle n’appartient à personne d’autre », et la « possession » de la surface dont j’ai besoin pour cultiver et/ou pour vivre… mais qui appartient, en dernière instance, à la société. C’est une conception différente de la propriété foncière qui ouvre la porte à un nouveau type d’imposition, notamment pour les villes.

  • Cette poutine n’est pas une poutine, c’est de l’art Alexis Boulianne - Radio Canada

    “J’ai vraiment un background de bouffe, de cuisine ; ce que je fais en art vient directement de cette expérience. J’ai travaillé dans des restos toute ma vie”, raconte Pascale L’Italien, confortablement assise dans son lumineux studio bordant l’autoroute 40.

    Sur la table près d’elle, un bol de pêches, des pattes de crabe, un sac de chips, un emballage de nouilles instantanées. Le premier coup d’œil est trompeur, mais quelques secondes suffisent pour remarquer le lustre de l’époxy, l’irrégularité du papier et la texture de l’argile.


    Avant d’être déposés sur de faux glaçons, ces faux crustacés sont peints et recouverts d’époxy. | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

    Ses sculptures sont notamment vendues à des restaurants, comme Umami Ramen, à Montréal, qui lui commandent des représentations des plats offerts au menu. Le reste de la clientèle, c’est toute sorte de gens de partout dans le monde à qui ces faux aliments incongrus rappellent des moments chers ou des émotions. Cette relation entre les aliments et les souvenirs est un moteur puissant pour Pascale.

    Elle a fait ses premiers pas dans le monde de la restauration à l’âge de 14 ans, à faire la plonge dans un resto du Plateau. “Quand tu entres dans ce monde, c’est dur d’en sortir, parce que les gens sont d’une certaine manière, et on dirait que dès que tu en sors, tu es comme le mouton noir un peu partout”, explique-t-elle.

    Parallèlement, elle a toujours entretenu son goût pour la création, au début à travers le dessin, puis tranquillement avec la sculpture. Artiste autodidacte, Pascale s’est toujours laissée guider par ce qu’elle a le plus de plaisir à faire.

    L’art culinaire contre la pandémie
    C’est durant les premiers temps du confinement, en mars 2020, que l’alimentation en tant que thème s’est imposée dans sa pratique artistique. “Tous mes amis sont en restauration, et quand il y a eu la fermeture des restaurants, on ne savait même pas si on allait rouvrir un jour, dit Pascale. L’industrie a été oblitérée.”

    Seule dans son studio, coupée de son cercle social, Pascale s’est tournée vers ce qu’elle savait faire de mieux : la nourriture, mais sous forme artistique. “J’avais l’impression que c’était une manière pour moi de continuer à faire de la bouffe et à prendre des commandes, et de le faire d’une manière plus attentive dans le but d’amener un certain réconfort, souligne-t-elle. De moi-même réaliser à quel point ce monde-là est important pour moi.”


    L’univers de Pascale L’Italien inclut aussi certains incontournables du monde de la restauration, comme un terminal de paiement. | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

    Un message d’espoir sous la forme d’un emballage de biscuits Dad’s, d’un grilled cheese au fromage orange, d’une assiette de crudités.

    “C’est vraiment la pandémie qui m’a donné le désir de dire aux gens autour de moi que peut-être que ça va être correct, que la bouffe est encore là, que notre passion est encore là, fait savoir Pascale L’Italien. Je divertissais les gens en attendant que ça rouvre.”

    Et pour ça, quoi de mieux que des aliments qui touchent à l’enfance, aux souvenirs lointains, mais ô combien chers qui nous ramènent à des temps plus doux ? “J’ai fait exprès de rejoindre les gens avec des choses nostalgiques, explique l’artiste. Ce sont des choses qui font dire aux gens : Ah ! Je mangeais ça chez ma grand-mère, c’est donc ben le fun !”

    Se révéler
    Ses aliments nostalgiques, Pascale L’Italien les choisit non pas en puisant dans ses propres souvenirs, mais dans ce qu’elle considère comme un lien commun.

    “D’où je viens, la nourriture était plus fonctionnelle que pour le plaisir. Comme tout le monde, j’ai été élevée avec du pâté chinois et du spaghetti. Mais même quand je travaille à l’atelier, il y a un détachement professionnel. Je le fais plus pour les autres, pour aller trouver ce qui va rejoindre le plus de monde possible”, souligne l’artiste.

    Cette déconnexion entre son art et sa vie personnelle, Pascale a l’intention de la corriger, même si créer des œuvres à partir de ses propres souvenirs et de sa propre nostalgie l’intimide encore. “L’art, montrer ce que je fais, me rend vraiment vulnérable, je pense que c’est pour ça que j’ai un détachement, je ne veux pas me sentir trop vulnérable”, avance Pascale.

    Mais à partir de maintenant, elle travaillera moins sous l’impulsion des autres, même si elle continue de collaborer avec des restaurants, comme elle le fait avec Umami Ramen. “J’ai fait beaucoup de commissions dans la dernière année, mais là, ça s’arrête, parce que je veux voir ce que moi j’ai envie de faire”, dit-elle.

    Dans un futur pas si lointain, elle s’imagine avoir assez d’œuvres pour monter une exposition physique. Et l’intersection entre sa propre vie et l’art en sera le point central.

    Source : https://ici.radio-canada.ca/mordu/4700/pascale-litalien-aliments-art-sculpture

    #poutine #nourriture #art #sculpture #Femme

    • La bouffe canadienne vue par un réfugié ukrainien sur TikTok Carolle-Anne Tremblay-Levasseur Radio Canada

      C’est quand il a découvert TikTok, la poutine et les chips au ketchup qu’Andrian Makhnachov, 19 ans, réfugié ukrainien, a commencé à se plaire à Régina, en Saskatchewan, où il a posé ses valises en mai dernier, après avoir fui la guerre.


      Le réfugié ukrainien Andrian Makhnachov est devenu une véritable vedette sur TikTok en présentant ses découvertes gourmandes. | Photo : CBC / Adam Bent

      Son succès sur TikTok est fulgurant ! Sur l’application, ses vidéos cumulent 4,1 millions de visionnements et son compte détient 181 300 personnes abonnées. Il essaie tout ce qui est populaire chez nous : des Timbits, du Kraft Dinner, du sirop d’érable, des Smarties, des barres Nanaimo (ses préférées)… La liste de ses envies ne fait que s’allonger grâce aux suggestions des internautes. Le jeune homme de 19 ans dévoile ses impressions à la caméra en comparant souvent les aliments aux saveurs de son pays. Lui qui avait perdu l’appétit avec la guerre, il l’a finalement retrouvé grâce à cette communauté virtuelle.

      « À mon arrivée, je trouvais les goûts très étranges, puisque je n’avais rien mangé de similaire. Sur TikTok, les gens me donnaient des recommandations, alors tranquillement, j’ai retrouvé le plaisir de manger. »

      Au printemps 2022, il a pris la décision difficile de s’installer au Canada auprès de son frère, qui y habitait déjà depuis trois ans. Alors étudiant en relations internationales et en communication à Kiev, Andrian a plié bagage, laissant derrière lui son père et ses proches.

      Découvrir le sirop d’érable et la poutine
      L’idée de partager ses découvertes gourmandes s’est rapidement glissée dans son esprit alors qu’il s’étonnait des multiples différences entre l’Ukraine et le Canada. “Je n’avais jamais vu de plats congelés. Dans mon pays, ça n’existe pas !”, explique-t-il. Sa première vidéo virale le montre en train de manger du macaroni accompagné de sirop d’érable. Oui, vous avez bien lu. Les internautes se sont empressés de lui suggérer d’autres options de mets canadiens plus… appétissants.

      Son coup de cœur ? La poutine ! N’en déplaise aux fervents adeptes de cette combinaison de frites, de sauce brune et de fromage, son premier essai a été la version du géant américain McDonald’s. L’équipe de CBC en Saskatchewan a rectifié le tir en l’amenant déguster une poutine authentique dans un resto du coin. Des remerciements sont de mise pour CBC !

      La pizza perogy épicée du Boston Pizza figure parmi ses plats préférés. Les yeux remplis d’étoiles, Andrian note que “le mélange de patates, d’oignons et de crème sure [lui] rappelle l’Ukraine”.

      Les crêpes de pommes de terre ukrainiennes, appelées deruny, le font rêver. Pour l’instant, ce sont toutefois les queues de castor qui figurent au haut de sa liste. Et les sacs de lait ! “Je suis allée à Toronto pour en trouver, et j’en cherche encore”, ajoute-t-il.

      Au-delà des découvertes gourmandes, ce sont les échanges avec les personnes abonnées à son compte TikTok qui remplissent son quotidien. “J’ai commencé à publier pour me distraire de ce qui se passe dans mon pays, se souvient Andrian. Des gens m’écrivent maintenant tous les jours. Ce n’est pas si facile de créer des amitiés au Canada, mais ces internautes me soutiennent et m’enseignent comment vivre ici. Ça m’aide beaucoup.”

      Employé au sein d’une pâtisserie locale, Andrian prévoit également de poursuivre ses études dans une université canadienne. Seul le temps lui dira si un retour en Ukraine sera possible. D’ici là, il élabore le menu qu’il servira à ses proches pour leurs retrouvailles : l’incontournable poutine sera évidemment de la fête.

      #bouffe #ukraine #canada #TikTok #bouffe #pizza #deruny#rédactionnel

      Source : https://ici.radio-canada.ca/mordu/4724/andrian-makhnachov-tiktok-ukraine-canada

  • Food Timeline: #food #history research service
    https://www.foodtimeline.org/index.html

    Food Timeline Ever wonder how the ancient Romans fed their armies? What the pioneers cooked along the Oregon Trail? Who invented the potato chip...and why? So do we!!! Food history presents a fascinating buffet of popular lore and contradictory facts. Some experts say it’s impossible to express this topic in exact timeline format. They are correct. Most foods are not invented; they evolve. We make food history fun.

  • Les Canadiens, chefs de file du gaspillage alimentaire Radio-Canada - Mis à jour le 26 mai 2021
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1774932/nourriture-rapport-onu-pertes-environnement

    Le Canada est champion du gaspillage alimentaire à la maison en Amérique du Nord, loin devant les États-Unis, selon une nouvelle étude.

    C’est ce que révèle un nouveau rapport de l’ONU publié jeudi. Selon l’étude, chaque Canadien jetterait 79 kg (175 lb) de nourriture par année, soit 20 kg (44 lb) de plus que l’Américain moyen.

    En 2019, trois millions de tonnes de nourriture ont ainsi trouvé le chemin de la poubelle au Canada.


    Près de 20 % de la nourriture est gaspillée dans les secteurs du commerce de détail, de la restauration et par les ménages - Photo : Getty Images

    Le rapport rédigé par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime à près d’un milliard de tonnes la quantité de nourriture gaspillée dans le monde en 2019 dans les commerces de détail, les restaurants et au sein des ménages. Il inclut dans le calcul des déchets alimentaires à la fois les parties comestibles et non comestibles (épluchures, noyaux, etc.) des aliments.

    Le gaspillage individuel, qui provient des foyers, est responsable de la majorité des pertes de ces trois secteurs.
    En tout, c’est près de 20 % de la nourriture produite dans le monde qui est ainsi gaspillée.
    Le rapport https://www.unep.org/fr/resources/rapport/rapport-2021-du-pnue-sur-lindice-du-gaspillage-alimentaire ne tient toutefois pas compte des pertes liées à la production agricole, à la distribution et à la transformation.

    Mise au point
    Cet article et son titre ont été modifiés pour préciser la méthodologie et mieux refléter la portée du rapport du PNUE.

    Un problème qui ne touche pas que les pays riches
    “Le problème est immense. C’est coûteux aux niveaux environnemental, social et économique”, a déclaré à l’AFP Richard Swannel, directeur du développement de l’ONG britannique Wrap et co-auteur du rapport du PNUE.

    Selon ses auteurs, “le rapport présente la collecte, l’analyse et la modélisation des données sur le gaspillage alimentaire les plus complètes à ce jour”.


    Plus de 900 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année à l’échelle mondiale. - Photo : Reuters / Ben Nelms

    Des données pour l’année 2019 ont été recueillies dans 54 pays, développés comme à bas revenus.

    Résultat des compilations, modélisées ensuite à l’échelle mondiale : 931 millions de tonnes d’aliments sont jetées par an, dans les restaurants, les commerces et par les ménages.

    Et contrairement à une idée reçue, ces données montrent que le phénomène touche tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu.

    « Jusqu’à présent, le gaspillage alimentaire était considéré comme un problème de pays riches. Mais notre rapport montre que dans chaque pays l’ayant mesuré, le gaspillage domestique est un problème. » Une citation de Clementine O’Connor, co-auteure du rapport

    Selon l’ONU, près de 700 millions de personnes à travers le monde souffrent de la faim et 3 milliards n’ont pas accès à une alimentation saine. La population mondiale est estimée à 7,8 milliards d’individus.

    À écouter
    Dans une entrevue à l’émission Tout un matin, https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/tout-un-matin/segments/entrevue/346025/environnement-dechet-nourriture-rapport-onu le chercheur indépendant Éric Ménard explique que selon lui l’étude du PNUE est incomplète.

    Pertes alimentaires et changements climatiques
    L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) compile de son côté un rapport sur les “pertes” alimentaires, mesurées au niveau de la production agricole et de la distribution.

    Selon ses chiffres, environ 14 % des aliments produits dans le monde sont perdus avant même de parvenir sur le marché, soit un montant de quelque 400 milliards de dollars par an, à peu près le PIB de l’Autriche.

    “Si le gaspillage et les pertes alimentaires étaient un pays, il serait le troisième émetteur au monde de gaz à effet de serre”, relève Richard Swannel. “Il faut réparer le système alimentaire si on veut s’attaquer au changement climatique, et une des priorités c’est de s’occuper des déchets”.

    Lorsque ces déchets se retrouvent au dépotoir, leur processus de décomposition émet du méthane, un puissant gaz à effet de serre.

    Un des objectifs de développement durable de l’ONU prévoit une réduction de moitié du gaspillage alimentaire, tant chez les consommateurs que dans les commerces de détail d’ici 2030.

    Les Nations unies doivent d’ailleurs organiser à l’automne le tout premier “sommet sur les systèmes alimentaires”, visant à des modes de production et de consommation plus “sains, durables et équitables”.

    #nourriture #faim #alimentation #gaspillage #gaspillage_alimentaire #agriculture #consommation #déchets

  • Le système alimentaire mondial menace de s’effondrer

    Aux mains de quelques #multinationales et très liée au secteur financier, l’#industrie_agroalimentaire fonctionne en #flux_tendu. Ce qui rend la #production mondiale très vulnérable aux #chocs politiques et climatiques, met en garde l’éditorialiste britannique George Monbiot.

    Depuis quelques années, les scientifiques s’évertuent à alerter les gouvernements, qui font la sourde oreille : le #système_alimentaire_mondial ressemble de plus en plus au système financier mondial à l’approche de 2008.

    Si l’#effondrement de la finance aurait été catastrophique pour le bien-être humain, les conséquences d’un effondrement du #système_alimentaire sont inimaginables. Or les signes inquiétants se multiplient rapidement. La flambée actuelle des #prix des #aliments a tout l’air du dernier indice en date de l’#instabilité_systémique.

    Une alimentation hors de #prix

    Nombreux sont ceux qui supposent que cette crise est la conséquence de la #pandémie, associée à l’#invasion de l’Ukraine. Ces deux facteurs sont cruciaux, mais ils aggravent un problème sous-jacent. Pendant des années, la #faim dans le monde a semblé en voie de disparition. Le nombre de personnes sous-alimentées a chuté de 811 millions en 2005 à 607 millions en 2014. Mais la tendance s’est inversée à partir de 2015, et depuis [selon l’ONU] la faim progresse : elle concernait 650 millions de personnes en 2019 et elle a de nouveau touché 811 millions de personnes en 2020. L’année 2022 s’annonce pire encore.

    Préparez-vous maintenant à une nouvelle bien plus terrible : ce phénomène s’inscrit dans une période de grande #abondance. La #production_alimentaire mondiale est en hausse régulière depuis plus de cinquante ans, à un rythme nettement plus soutenu que la #croissance_démographique. En 2021, la #récolte mondiale de #blé a battu des records. Contre toute attente, plus d’humains ont souffert de #sous-alimentation à mesure que les prix alimentaires mondiaux ont commencé à baisser. En 2014, quand le nombre de #mal_nourris était à son niveau le plus bas, l’indice des #prix_alimentaires [de la FAO] était à 115 points ; il est tombé à 93 en 2015 et il est resté en deçà de 100 jusqu’en 2021.

    Cet indice n’a connu un pic que ces deux dernières années. La flambée des prix alimentaires est maintenant l’un des principaux facteurs de l’#inflation, qui a atteint 9 % au Royaume-Uni en avril 2022 [5,4 % en France pour l’indice harmonisé]. L’alimentation devient hors de prix pour beaucoup d’habitants dans les pays riches ; l’impact dans les pays pauvres est beaucoup plus grave.

    L’#interdépendance rend le système fragile

    Alors, que se passe-t-il ? À l’échelle mondiale, l’alimentation, tout comme la finance, est un système complexe qui évolue spontanément en fonction de milliards d’interactions. Les systèmes complexes ont des fonctionnements contre-intuitifs. Ils tiennent bon dans certains contextes grâce à des caractéristiques d’auto-organisation qui les stabilisent. Mais à mesure que les pressions s’accentuent, ces mêmes caractéristiques infligent des chocs qui se propagent dans tout le réseau. Au bout d’un moment, une perturbation même modeste peut faire basculer l’ensemble au-delà du point de non-retour, provoquant un effondrement brutal et irrésistible.

    Les scientifiques représentent les #systèmes_complexes sous la forme d’un maillage de noeuds et de liens. Les noeuds ressemblent à ceux des filets de pêche ; les liens sont les fils qui les connectent les uns aux autres. Dans le système alimentaire, les noeuds sont les entreprises qui vendent et achètent des céréales, des semences, des produits chimiques agricoles, mais aussi les grands exportateurs et importateurs, et les ports par lesquels les aliments transitent. Les liens sont leurs relations commerciales et institutionnelles.

    Si certains noeuds deviennent prépondérants, fonctionnent tous pareil et sont étroitement liés, alors il est probable que le système soit fragile. À l’approche de la crise de 2008, les grandes banques concevaient les mêmes stratégies et géraient le risque de la même manière, car elles courraient après les mêmes sources de profit. Elles sont devenues extrêmement interdépendantes et les gendarmes financiers comprenaient mal ces liens. Quand [la banque d’affaires] Lehman Brothers a déposé le bilan, elle a failli entraîner tout le monde dans sa chute.

    Quatre groupes contrôlent 90 % du commerce céréalier

    Voici ce qui donne des sueurs froides aux analystes du système alimentaire mondial. Ces dernières années, tout comme dans la finance au début des années 2000, les principaux noeuds du système alimentaire ont gonflé, leurs liens se sont resserrés, les stratégies commerciales ont convergé et se sont synchronisées, et les facteurs susceptibles d’empêcher un #effondrement_systémique (la #redondance, la #modularité, les #disjoncteurs, les #systèmes_auxiliaires) ont été éliminés, ce qui expose le système à des #chocs pouvant entraîner une contagion mondiale.

    Selon une estimation, quatre grands groupes seulement contrôlent 90 % du #commerce_céréalier mondial [#Archer_Daniels_Midland (#ADM), #Bunge, #Cargill et #Louis_Dreyfus]. Ces mêmes entreprises investissent dans les secteurs des #semences, des #produits_chimiques, de la #transformation, du #conditionnement, de la #distribution et de la #vente au détail. Les pays se divisent maintenant en deux catégories : les #super-importateurs et les #super-exportateurs. L’essentiel de ce #commerce_international transite par des goulets d’étranglement vulnérables, comme les détroits turcs (aujourd’hui bloqués par l’invasion russe de l’Ukraine), les canaux de Suez et de Panama, et les détroits d’Ormuz, de Bab El-Mandeb et de Malacca.

    L’une des transitions culturelles les plus rapides dans l’histoire de l’humanité est la convergence vers un #régime_alimentaire standard mondial. Au niveau local, notre alimentation s’est diversifiée mais on peut faire un constat inverse au niveau mondial. Quatre plantes seulement - le #blé, le #riz, le #maïs et le #soja - correspondent à près de 60 % des calories cultivées sur les exploitations. La production est aujourd’hui extrêmement concentrée dans quelques pays, notamment la #Russie et l’#Ukraine. Ce #régime_alimentaire_standard_mondial est cultivé par la #ferme_mondiale_standard, avec les mêmes #semences, #engrais et #machines fournis par le même petit groupe d’entreprises, l’ensemble étant vulnérable aux mêmes chocs environnementaux.

    Des bouleversements environnementaux et politiques

    L’industrie agroalimentaire est étroitement associée au #secteur_financier, ce qui la rend d’autant plus sensible aux échecs en cascade. Partout dans le monde, les #barrières_commerciales ont été levées, les #routes et #ports modernisés, ce qui a optimisé l’ensemble du réseau mondial. On pourrait croire que ce système fluide améliore la #sécurité_alimentaire, mais il a permis aux entreprises d’éliminer des coûts liés aux #entrepôts et #stocks, et de passer à une logique de flux. Dans l’ensemble, cette stratégie du flux tendu fonctionne, mais si les livraisons sont interrompues ou s’il y a un pic soudain de la demande, les rayons peuvent se vider brusquement.

    Aujourd’hui, le système alimentaire mondial doit survive non seulement à ses fragilités inhérentes, mais aussi aux bouleversements environnementaux et politiques susceptibles de s’influencer les uns les autres. Prenons un exemple récent. À la mi-avril, le gouvernement indien a laissé entendre que son pays pourrait compenser la baisse des exportations alimentaires mondiales provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. Un mois plus tard, il interdisait les exportations de blé, car les récoltes avaient énormément souffert d’une #canicule dévastatrice.

    Nous devons de toute urgence diversifier la production alimentaire mondiale, sur le plan géographique mais aussi en matière de cultures et de #techniques_agricoles. Nous devons briser l’#emprise des #multinationales et des spéculateurs. Nous devons prévoir des plans B et produire notre #nourriture autrement. Nous devons donner de la marge à un système menacé par sa propre #efficacité.

    Si tant d’êtres humains ne mangent pas à leur faim dans une période d’abondance inédite, les conséquences de récoltes catastrophiques que pourrait entraîner l’effondrement environnemental dépassent l’entendement. C’est le système qu’il faut changer.

    https://www.courrierinternational.com/article/crise-le-systeme-alimentaire-mondial-menace-de-s-effondrer

    #alimentation #vulnérabilité #fragilité #diversification #globalisation #mondialisation #spéculation