• « Le Complexe d’Orphée », de Jean-Claude Michéa : Michéa, c’est tout bête - LeMonde.fr Luc Boltanski
    http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/10/06/le-complexe-d-orphee-de-jean-claude-michea_1582895_3260.html

    La pesante démonstration qui occupe l’essentiel du livre voudrait nous faire croire que l’on peut être « de gauche », voire - lâchons le mot - « anarchiste », tout en s’affirmant « conservateur » et même « réactionnaire ». Cela à condition de rompre avec le « nomadisme deleuzien », avec « l’amoralité constitutive » du libéralisme cupide, enfin avec l’individualisme « narcissique » qui entend s’affranchir des « montages symboliques » sur lesquels repose l’ordre social. Pourrait alors s’engager la vraie révolution (conservatrice ?) qui refondera la société sur les valeurs de la « décence commune », du « don », de la « gratuité », du « désintéressement », de la « dignité » et de la « loyauté ». Que l’on revienne donc, au plus vite, aux valeurs ancestrales, et « l’économie de marché » se trouvera d’un coup « abolie ». On croit rêver. Français, encore un effort pour devenir anarchistes.

    Ces voeux pieux sont soutenus par des invocations récurrentes de saint Orwell (qui doit se retourner dans sa tombe !), objet, de la part de Jean-Claude Michéa d’une véritable entreprise de captation. Comme ses prédécesseurs, les anticonformistes des années 1930, l’auteur du Complexe d’Orphée entend prendre appui sur la « sensibilité populaire » et même sur la « colère du peuple » pour lutter contre « la police de la pensée ». Qu’il existe aujourd’hui une sorte de « police de la pensée » est plus que plausible. La question est de savoir dans quelle mesure la pensée de Jean-Claude Michéa n’en est pas elle aussi une expression particulièrement retorse.

    #nouveaux_réactionnaires

    • J’avais du voir Boltanski à la TV mais je ne le connaissais pas. Suis allé voir quelques vidéos sur le net, ... personnage particulier. Il représente en gros la gauche qui me fait peur. On traite avec emphase du sexe des anges, et on déclare qu’on aime bien Giscard. Finirait presque par rendre Michéa agréable...

    • Critique déjà prévue dès la parution dans la 4ème de couverture :

      Voudrait-il enfreindre ce tabou - « c’était mieux avant » - qu’il se verrait automatiquement relégué au rang de Beauf, d’extrémiste, de réactionnaire

      C’est d’ailleurs toujours la même « critique » depuis 50 ans, que ce soit pour Michéa, ou Clastres, Ellul, Charbonneau, Lasch, Illich, plus récemment Pièces et main d’œuvres, Amiech... Bref n’importe quel écrivain ou penseur anti-"religion du #Progès" (ce qui n’est pas forcément anti-progressiste, mais le terme est tellement galvaudé que je pense qu’il vaut mieux assumer carrément le choses).

      Et dans un autre genre, faire de la psycho de comptoir en affirmant que quand on choisit le style pamphlétaire on est une sorte d’aigri, etc... Haha.

      Si on veut lire une critique intelligente et moins gnangnan de Michéa, je recommande plutôt de lire Anselm Jappe.

  • Les Inrocks : Entre lutte exaltée et conservatisme : les maîtres à penser et la révolution
    http://www.lesinrocks.com/livres-arts-scenes/livres-arts-scenes-article/t/71845/date/2011-10-25/article/repenser-la-revolution

    Cette question des droits, condensée dans la cause des sans-papiers, à laquelle souscrivent aussi bien Balibar que Badiou, convoque chez d’autres intellectuels de gauche dits non conformistes une posture opposée, incarnée notamment par Jean-Claude Michéa. Qualifié « d’inclassable » par son éditeur, le philosophe polarise un autre type de radicalité critique, bâtie, elle, sur le rejet de la gauche moderne et sur la revendication d’un conservatisme, au sens d’un attachement passif au passé de la gauche. Sa déconstruction de l’imaginaire progressiste se fait au nom de sa défense de la « décence commune » des gens ordinaires défendue par George Orwell.

    Parce qu’elle se serait convertie au libéralisme économique et culturel, et qu’elle serait acquise au mythe du progrès et au marché, la gauche renégate (celle incarnée selon lui par Libération, Les Inrocks et Le Grand Journal de Canal+ !) aurait trahi ses valeurs fondatrices. Convoquer la mémoire d’Orwell et des gens ordinaires ne suffit pourtant pas à cacher les angles morts d’une pensée travaillée par l’aigreur pamphlétaire.

    Au nom de la critique légitime du libéralisme, Michéa en vient, par un renversement délirant, à disqualifier la défense des étrangers et de l’extension des droits individuels, c’est-à-dire les fondements mêmes de l’émancipation. Comme si le « nomadisme deleuzien » et l’" individualisme narcissique" suffisaient à expliquer le « coma intellectuel » d’une gauche critique dont le réveil, amorcé à la fin des années 90, ne cesse au contraire de s’épanouir, à l’unisson du réveil de l’histoire.

    #nouveaux_réactionnaires