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    #héberdement-d'urgence #liberté-fondamentale #obligation-de-moyen

    le Conseil d’Etat prend soin de définir avec précision l’étendue de son contrôle. Il énonce que « l’atteinte grave et illégale » au droit à l’hébergement d’urgence ne peut être constatée qu’en cas de « carence caractérisée » des autorités publiques. Cette formule impose un contrôle des « diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée ».

    En l’espèce, le juge ne statue pas sur le fond, puisque M. Karamoko F. a finalement bénéficié d’un hébergement d’urgence. La formule employée montre clairement cependant que le Conseil d’Etat reconnait que l’administration n’a dans ce domaine qu’une obligation de moyens. Comme pour le « droit au logement opposable », le droit l’hébergement se heurte à l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre les engagements de l’Etat. Le nombre de places est insuffisant, et l’administration se voit contrainte de faire un tri entre les demandeurs, privilégiant ceux qui sont en mauvaise santé, ou qui ont une charge de famille. Le Conseil d’Etat n’ignore rien de ces difficultés matérielles, et il prend garde d’apprécier les efforts de l’administration « en tenant compte des moyens dont elle dispose ». Cette prudence ne laisse pas augurer une décision qui viendrait directement enjoindre aux préfets de réquisitionner des logements vacants. Ne serait-ce que parce que, dans les « moyens dont dispose l’administration », il y a d’abord le recours aux locaux publics dont l’utilisation est beaucoup moins onéreuse qu’une réquisition de biens privés, qui implique nécessairement l’indemnisation des propriétaires.

    De la même manière que l’on a consacré le « droit au logement sans logements », on garantit « le droit à l’hébergement d’urgence sans hébergements ». Le Conseil d’Etat proclame un droit, ce qui donne satisfaction aux associations, mais il constate aussi la nécessité de gérer la pénurie, ce qui donne satisfaction aux administrations. Hélas, il est assez fréquent que l’on consacre un droit avec une solennité d’autant plus grande que l’on n’est pas en mesure de le faire respecter.