• À lire : un extrait de la « Course aux diplômes : qui sont les perdants ? » de S. Chauvel – CONTRETEMPS
    http://www.contretemps.eu/a-lire-extrait-la-course-aux-diplomes-chauvel

    Comment comprendre que certains élèves réussissent mieux que d’autres ? Selon l’idéologie des dons, les individus naissent inégalement doués pour l’école. La théorie du handicap socioculturel, encore plus répandue aujourd’hui, impute quant à elle l’échec des élèves d’origine populaire à leurs origines familiales et expliquent les difficultés des élèves par le déficit que représenterait une origine sociale populaire – sans s’interroger sur la responsabilité de l’école dans ces difficultés. Or nous verrons que la relégation de la transmission des savoirs au second plan contribue à la production des inégalités d’apprentissage. Les apprentissages des élèves peuvent être perturbés par des malentendus qui se construisent dans la relation entre enseignants et élèves. En outre, nous verrons que la multiplication des dispositifs pour remédier à ces difficultés, qu’elles soient cognitives ou comportementales (ces deux ordres sont souvent liés), a pour effet paradoxal d’exclure les élèves concernés des situations d’apprentissage.

    #éducation #école #enseignement

    • Certains élèves travaillent mais n’apprennent rien, comme l’expliquent Elisabeth Bautier et Patrick Rayou (Bautier et Rayou, 2013). Un exemple éclairant donné par les auteurs est celui d’une activité en classe de grande section de maternelle qui concerne l’apprentissage de la lecture. L’enseignante demande aux élèves de découper et de coller des papiers sur lesquels sont écrits des mots afin de fabriquer une phrase. Cet exercice produit des différences entre les élèves qui ont compris l’enjeu de lecture et les autres qui arrivent à peine à découper les papiers et s’arrêtent à cette phase-là. Se concentrer sur l’accomplissement de l’activité proposée par l’enseignant plus que sur l’activité cognitive mise en jeu est source de malentendu (Bonnéry, 2007). Ces incompréhensions sont socialement situées. Les élèves des milieux populaires se conforment aux consignes des enseignants sans s’engager dans une véritable appropriation des savoirs : le lien entre ces deux opérations cognitives n’est pas évident et doit être explicité.

      Un autre exemple est donné par les observations en classe menées par Stéphane Bonnéry. Ce dernier montre que les enseignants ont tendance à valoriser les attitudes de conformité aux règles des élèves, ce qui génère des incompréhensions et ne permet pas à tous les élèves d’accéder à des savoirs abstraits. Un exemple frappant est donné d’un élève de CM2 qui passe des heures à mémoriser une carte de France pour une évaluation en classe. Au moment de l’évaluation, il ne comprend pas que l’enseignant lui demande de produire une autre carte : l’élève pense avoir travaillé en apprenant par coeur la carte de la leçon, alors que ce qui est attendu est une capacité réflexive, une remobilisation de ses savoirs sur la notion de relief en géographie dans un autre contexte, avec une autre carte. L’élève observé ici considère qu’il vit une injustice car il a appris sa carte, mais il avait compris la leçon sur la notion de relief avant tout comme du coloriage. Ce cas illustre la distance de certains élèves de milieux populaires envers les exigences scolaires, distance qui ne peut se réduire si les exigences restent implicites.

      #pédagogie et @heautontimoroumenos