• #Judith_Butler : Condamner la #violence

    « Je condamne les violences commises par le #Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un #massacre terrifiant et révoltant », écrit Judith Butler avant d’ajouter qu’« il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute #condamnation nécessite un refus de comprendre, de #peur que cette #compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre #capacité_de_jugement ».

    Les questions qui ont le plus besoin d’un #débat_public, celles qui doivent être discutées dans la plus grande urgence, sont des questions qui sont difficiles à aborder dans les cadres existants. Et même si l’on souhaite aller directement au cœur du sujet, on se heurte à un cadre qui fait qu’il est presque impossible de dire ce que l’on a à dire. Je veux parler ici de la violence, de la violence présente, et de l’histoire de la violence, sous toutes ses formes. Mais si l’on veut documenter la violence, ce qui veut dire comprendre les #tueries et les #bombardements massifs commis par le Hamas en Israël, et qui s’inscrivent dans cette histoire, alors on est accusé de « #relativisme » ou de « #contextualisation ». On nous demande de condamner ou d’approuver, et cela se comprend, mais est-ce bien là tout ce qui, éthiquement, est exigé de nous ? Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant. Telle a été et est encore ma réaction première. Mais elle n’a pas été la seule.

    Dans l’immédiateté de l’événement, on veut savoir de quel « côté » sont les gens, et clairement, la seule réaction possible à de pareilles tueries est une condamnation sans équivoque. Mais pourquoi se fait-il que nous ayons parfois le sentiment que se demander si nous utilisons les bons mots ou comprenons bien la situation historique fait nécessairement obstacle à une #condamnation_morale absolue ? Est-ce vraiment relativiser que se demander ce que nous condamnons précisément, quelle portée cette condamnation doit avoir, et comment décrire au mieux la ou les formations politiques auxquelles nous nous opposons ?

    Il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement. Mais que faire s’il est moralement impératif d’étendre notre condamnation à des #crimes tout aussi atroces, qui ne se limitent pas à ceux mis en avant et répétés par les médias ? Quand et où doit commencer et s’arrêter notre acte de condamnation ? N’avons-nous pas besoin d’une évaluation critique et informée de la situation pour accompagner notre condamnation politique et morale, sans avoir à craindre que s’informer et comprendre nous transforme, aux yeux des autres, en complices immoraux de crimes atroces ?

    Certains groupes se servent de l’histoire de la violence israélienne dans la région pour disculper le Hamas, mais ils utilisent une forme corrompue de raisonnement moral pour y parvenir. Soyons clairs. Les violences commises par #Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à #Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un #régime_colonial et à l’#apartheid, et qui, privé d’État, est apatride.

    Mais quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard (Harvard Palestine Solidarity Groups) publient une déclaration disant que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques mortelles du Hamas contre des cibles israéliennes, ils font une erreur et sont dans l’erreur. Ils ont tort d’attribuer de cette façon la #responsabilité, et rien ne saurait disculper le Hamas des tueries atroces qu’ils ont perpétrées. En revanche, ils ont certainement raison de rappeler l’histoire des violences : « de la #dépossession systématique des terres aux frappes aériennes de routine, des #détentions_arbitraires aux #checkpoints militaires, des séparations familiales forcées aux #assassinats ciblés, les Palestiniens sont forcés de vivre dans un #état_de_mort, à la fois lente et subite. » Tout cela est exact et doit être dit, mais cela ne signifie pas que les violences du Hamas ne soient que l’autre nom des violences d’Israël.

    Il est vrai que nous devons nous efforcer de comprendre les raisons de la formation de groupes comme le Hamas, à la lumière des promesses rompues d’Oslo et de cet « état de mort, à la fois lente et subite » qui décrit bien l’existence des millions de Palestiniens vivant sous #occupation, et qui se caractérise par une #surveillance constante, la #menace d’une détention sans procès, ou une intensification du #siège de #Gaza pour priver ses habitants d’#eau, de #nourriture et de #médicaments. Mais ces références à l’#histoire des Palestiniens ne sauraient justifier moralement ou politiquement leurs actes. Si l’on nous demandait de comprendre la violence palestinienne comme une continuation de la violence israélienne, ainsi que le demandent les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard, alors il n’y aurait qu’une seule source de #culpabilité_morale, et même les actes de violence commis par les Palestiniens ne seraient pas vraiment les leurs. Ce n’est pas rendre compte de l’autonomie d’action des Palestiniens.

    La nécessité de séparer la compréhension de la violence omniprésente et permanente de l’État israélien de toute justification de la violence est absolument cruciale si nous voulons comprendre quels peuvent être les autres moyens de renverser le #système_colonial, mettre fin aux #arrestations_arbitraires et à la #torture dans les prisons israéliennes, et arrêter le siège de Gaza, où l’eau et la nourriture sont rationnés par l’État-nation qui contrôle ses frontières. Autrement dit, la question de savoir quel monde est encore possible pour tous les habitants de la région dépend des moyens dont il sera mis fin au système colonial et au pouvoir des colons. Hamas a répondu de façon atroce et terrifiante à cette question, mais il y a bien d’autres façons d’y répondre.

    Si, en revanche, il nous est interdit de parler de « l’#occupation », comme dans une sorte de Denkverbot allemand, si nous ne pouvons pas même poser le débat sur la question de savoir si le joug militaire israélien sur la région relève du #colonialisme ou de l’#apartheid_racial, alors nous ne pouvons espérer comprendre ni le passé, ni le présent, ni l’avenir. Et beaucoup de gens qui regardent le carnage dans les médias sont totalement désespérés. Or une des raisons de ce #désespoir est précisément qu’ils regardent les #médias, et vivent dans le monde sensationnel et immédiat de l’#indignation_morale absolue. Il faut du temps pour une autre #morale_politique, il faut de la patience et du courage pour apprendre et nommer les choses, et nous avons besoin de tout cela pour que notre condamnation puisse être accompagnée d’une vision proprement morale.

    Je m’oppose aux violences que le Hamas a commises, et ne leur trouve aucune excuse. Quand je dis cela, je prends une position morale et politique claire. Je n’équivoque pas lorsque je réfléchis sur ce que cette condamnation implique et présuppose. Quiconque me rejoint dans cette position se demande peut-être si la condamnation morale doit reposer sur une compréhension de ce qui est condamné. On pourrait répondre que non, que je n’ai rien besoin de connaître du Hamas ou de la Palestine pour savoir que ce qu’ils ont fait est mal et pour le condamner. Et si l’on s’arrête là, si l’on se contente des représentations fournies par les médias, sans jamais se demander si elles sont réellement utiles et exactes, et si le cadre utilisé permet à toutes les histoires d’être racontées, alors on se résout à une certaine ignorance et l’on fait confiance aux cadres existants. Après tout, nous sommes tous très occupés, et nous n’avons pas tous le temps d’être des historiens ou des sociologues. C’est une manière possible de vivre et de penser, et beaucoup de gens bien-intentionnés vivent effectivement ainsi, mais à quel prix ?

    Que nous faudrait-il dire et faire, en revanche, si notre morale et notre politique ne s’arrêtaient pas à l’acte de condamnation ? Si nous continuions, malgré tout, de nous intéresser à la question de savoir quelles sont les formes de vie qui pourraient libérer la région de violences comme celles-ci ? Et si, en plus de condamner les crimes gratuits, nous voulions créer un futur dans lequel ce genre de violences n’aurait plus cours ? C’est une aspiration normative qui va bien au-delà de la condamnation momentanée. Pour y parvenir, il nous faut absolument connaître l’histoire de la situation : l’histoire de la formation du Hamas comme groupe militant, dans l’abattement total, après Oslo, pour tous les habitants de Gaza à qui les promesses de gouvernement autonome n’ont jamais été honorées ; l’histoire de la formation des autres groupes palestiniens, de leurs tactiques et de leurs objectifs ; l’histoire enfin du peuple palestinien lui-même, de ses aspirations à la liberté et au #droit_à_l’autodétermination, de son désir de se libérer du régime colonial et de la violence militaire et carcérale permanente. Alors, si le Hamas était dissous ou s’il était remplacé par des groupes non-violents aspirant à la #cohabitation, nous pourrions prendre part à la lutte pour une Palestine libre.

    Quant à ceux dont les préoccupations morales se limitent à la seule condamnation, comprendre la situation n’est pas un objectif. Leur indignation morale est à la fois présentiste et anti-intellectuelle. Et pourtant, l’indignation peut aussi amener quelqu’un à ouvrir des livres d’histoire pour essayer de comprendre comment un événement comme celui-ci a pu arriver, et si les conditions pourraient changer de telle sorte qu’un avenir de violence ne soit pas le seul avenir possible. Jamais la « contextualisation » ne devrait être considérée comme une activité moralement problématique, même s’il y a des formes de contextualisation qui sont utilisées pour excuser ou disculper. Est-il possible de distinguer ces deux formes de contextualisation ? Ce n’est pas parce que certains pensent que contextualiser des violences atroces ne sert qu’à occulter la violence ou, pire encore, à la rationaliser que nous devrions nous soumettre à l’idée que toute forme de contextualisation est toujours une forme de #relativisme_moral.

    Quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard disent que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques du Hamas, ils souscrivent à une conception inacceptable de la responsabilité morale. Il semble que pour comprendre comment s’est produit un événement, et ce qu’il signifie, il nous faille apprendre l’histoire. Cela veut dire qu’il nous incombe tout à la fois d’élargir la perspective au-delà de la terrible fascination du moment et, sans jamais nier l’horreur, de ne pas laisser l’#horreur présente représenter toute l’horreur qu’il y a à représenter, et nous efforcer de savoir, de comprendre et de nous opposer.

    Or les médias d’aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, ne racontent pas les horreurs que vivent les Palestiniens depuis des décennies, les bombardements, les tueries, les attaques et les arrestations arbitraires. Et si les horreurs des derniers jours ont pour les médias une importance morale plus grande que les horreurs des soixante-dix dernières années, alors la réaction morale du moment menace d’empêcher et d’occulter toute compréhension des #injustices_radicales endurées depuis si longtemps par la Palestine occupée et déplacée de force.

    Certains craignent, à juste titre, que toute contextualisation des actes violents commis par le Hamas soit utilisée pour disculper le Hamas, ou que la contextualisation détourne l’attention des horreurs perpétrées. Mais si c’est l’horreur elle-même qui nous amenait à contextualiser ? Où commence cette horreur et où finit-elle ? Si les médias parlent aujourd’hui de « guerre » entre le Hamas et Israël, c’est donc qu’ils proposent un cadre pour comprendre la situation. Ils ont, ainsi, compris la situation à l’avance. Si Gaza est comprise comme étant sous occupation, ou si l’on parle à son sujet de « prison à ciel ouvert », alors c’est une autre interprétation qui est proposée. Cela ressemble à une description, mais le langage contraint ou facilite ce que nous pouvons dire, comment nous pouvons décrire, et ce qui peut être connu.

    Oui, la langue peut décrire, mais elle n’acquiert le pouvoir de le faire que si elle se conforme aux limites qui sont imposées à ce qui est dicible. S’il est décidé que nous n’avons pas besoin de savoir combien d’enfants et d’adolescents palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Gaza cette année ou pendant toutes les années de l’occupation, que ces informations ne sont pas importantes pour comprendre ou qualifier les attaques contre Israël, et les assassinats d’Israéliens, alors il est décidé que nous ne voulons pas connaître l’histoire des violences, du #deuil et de l’indignation telle qu’est vécue par les Palestiniens.

    Une amie israélienne, qui se qualifie elle-même d’« antisioniste », écrit en ligne qu’elle est terrifiée pour sa famille et pour ses amis, et qu’elle a perdu des proches. Et nous devrions tous être de tout cœur avec elle, comme je le suis bien évidemment. Cela est terrible. Sans équivoque. Et pourtant, il n’est pas un moment où sa propre expérience de l’horreur et de la perte de proches ou d’amis est imaginé comme pouvant être ce qu’une Palestinienne éprouve ou a éprouvé de son côté après des années de bombardement, d’incarcération et de violence militaire. Je suis moi aussi une Juive, qui vit avec un #traumatisme_transgénérationnel à la suite des atrocités commises contre des personnes comme moi. Mais ces atrocités ont aussi été commises contre des personnes qui ne sont pas comme moi. Je n’ai pas besoin de m’identifier à tel visage ou à tel nom pour nommer les atrocités que je vois. Ou du moins je m’efforce de ne pas le faire.

    Mais le problème, au bout du compte, n’est pas seulement une absence d’#empathie. Car l’empathie prend généralement forme dans un cadre qui permette qu’une identification se fasse, ou une traduction entre l’expérience d’autrui et ma propre expérience. Et si le cadre dominant considère que certaines vies sont plus dignes d’être pleurées que d’autres, alors il s’ensuit que certaines pertes seront plus terribles que d’autres. La question de savoir quelles vies méritent d’être pleurées fait partie intégrante de la question de savoir quelles sont les vies qui sont dignes d’avoir une valeur. Et c’est ici que le #racisme entre en jeu de façon décisive. Car si les Palestiniens sont des « #animaux », comme le répète Netanyahu, et si les Israéliens représentent désormais « le peuple juif », comme le répète Biden (englobant la diaspora juive dans Israël, comme le réclament les réactionnaires), alors les seules personnes dignes d’être pleurées, les seules qui sont éligibles au deuil, sont les Israéliens, car la scène de « guerre » est désormais une scène qui oppose les Juifs aux animaux qui veulent les tuer.

    Ce n’est certainement pas la première fois qu’un groupe de personnes qui veulent se libérer du joug de la #colonisation sont représentées comme des animaux par le colonisateur. Les Israéliens sont-ils des « animaux » quand ils tuent ? Ce cadre raciste de la violence contemporaine rappelle l’opposition coloniale entre les « civilisés » et les « animaux », qui doivent être écrasés ou détruits pour sauvegarder la « civilisation ». Et lorsque nous rappelons l’existence de ce cadre au moment d’affirmer notre condamnation morale, nous nous trouvons impliqué dans la dénonciation d’une forme de racisme qui va bien au-delà de l’énonciation de la structure de la vie quotidienne en Palestine. Et pour cela, une #réparation_radicale est certainement plus que nécessaire.

    Si nous pensons qu’une condamnation morale doive être un acte clair et ponctuel, sans référence à aucun contexte ni aucun savoir, alors nous acceptons inévitablement les termes dans lesquels se fait cette condamnation, la scène sur laquelle les alternatives sont orchestrées. Et dans ce contexte récent qui nous intéresse, accepter ce cadre, c’est reprendre les formes de #racisme_colonial qui font précisément partie du problème structurel à résoudre, de l’#injustice intolérable à surmonter. Nous ne pouvons donc pas refuser l’histoire de l’injustice au nom d’une certitude morale, car nous risquerions alors de commettre d’autres injustices encore, et notre certitude finirait par s’affaisser sur un fondement de moins en moins solide. Pourquoi ne pouvons-nous pas condamner des actes moralement haïssables sans perdre notre capacité de penser, de connaître et de juger ? Nous pouvons certainement faire tout cela, et nous le devons.

    Les actes de violence auxquels nous assistons via les médias sont horribles. Et dans ce moment où toute notre attention est accaparée par ces médias, les violences que nous voyons sont les seules que nous connaissions. Je le répète : nous avons le droit de déplorer ces violences et d’exprimer notre horreur. Cela fait des jours que j’ai mal au ventre à essayer d’écrire sans trouver le sommeil, et tous les gens que je connais vivent dans la peur de ce que va faire demain la machine militaire israélienne, si le #discours_génocidaire de #Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ou par d’autres tueries de masse de Palestiniens. Je me demande moi-même si nous pouvons pleurer, sans réserve aucune, pour les vies perdues à Tel-Aviv comme pour les vies perdues à Gaza, sans se laisser entraîner dans des débats sur le relativisme et sur les #fausses_équivalences. Peut-être les limites élargies du deuil peuvent-elles contribuer à un idéal d’#égalité substantiel, qui reconnaisse l’égale pleurabilité de toutes les vies, et qui nous porte à protester que ces vies n’auraient pas dû être perdues, qui méritaient de vivre encore et d’être reconnues, à part égale, comme vies.

    Comment pouvons-nous même imaginer la forme future de l’égalité des vivants sans savoir, comme l’a documenté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, que les militaires et les colons israéliens ont tué au minimum 3 752 civils palestiniens depuis 2008 à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Où et quand le monde a-t-il pleuré ces morts ? Et dans les seuls bombardements et attaques d’octobre, 140 enfants palestiniens ont déjà été tués. Beaucoup d’autres trouveront la mort au cours des actions militaires de « #représailles » contre le Hamas dans les jours et les semaines qui viennent.

    Ce n’est pas remettre en cause nos positions morales que de prendre le temps d’apprendre l’histoire de la #violence_coloniale et d’examiner le langage, les récits et les cadres qui servent aujourd’hui à rapporter et expliquer – et interpréter a priori – ce qui se passe dans cette région. Il s’agit là d’un #savoir_critique, mais qui n’a absolument pas pour but de rationaliser les violences existences ou d’en autoriser d’autres. Son but est d’apporter une compréhension plus exacte de la situation que celle proposée par le cadre incontesté du seul moment présent. Peut-être d’autres positions d’#opposition_morale viendront-elles s’ajouter à celles que nous avons déjà acceptées, y compris l’opposition à la violence militaire et policière qui imprègne et sature la vie des Palestiniens dans la région, leur droit à faire le deuil, à connaître et exprimer leur indignation et leur solidarité, à trouver leur propre chemin vers un avenir de liberté ?

    Personnellement, je défends une politique de #non-violence, sachant qu’elle ne peut constituer un principe absolu, qui trouve à s’appliquer en toutes circonstances. Je soutiens que les #luttes_de_libération qui pratiquent la non-violence contribuent à créer le monde non-violent dans lequel nous désirons tous vivre. Je déplore sans équivoque la violence, et en même temps, comme tant d’autres personnes littéralement stupéfiées devant leur télévision, je veux contribuer à imaginer et à lutter pour la justice et pour l’égalité dans la région, une justice et une égalité qui entraîneraient la fin de l’occupation israélienne et la disparition de groupes comme le Hamas, et qui permettrait l’épanouissement de nouvelles formes de justice et de #liberté_politique.

    Sans justice et sans égalité, sans la fin des violences perpétrées par un État, Israël, qui est fondé sur la violence, aucun futur ne peut être imaginé, aucun avenir de #paix_véritable – et je parle ici de paix véritable, pas de la « #paix » qui n’est qu’un euphémisme pour la #normalisation, laquelle signifie maintenir en place les structures de l’injustice, de l’inégalité et du racisme. Un pareil futur ne pourra cependant pas advenir si nous ne sommes pas libres de nommer, de décrire et de nous opposer à toutes les violences, y compris celles de l’État israélien, sous toutes ses formes, et de le faire sans avoir à craindre la censure, la criminalisation ou l’accusation fallacieuse d’antisémitisme.

    Le monde que je désire est un monde qui s’oppose à la normalisation du régime colonial israélien et qui soutient la liberté et l’autodétermination des Palestiniens, un monde qui réaliserait le désir profond de tous les habitants de ces terres de vivre ensemble dans la liberté, la non-violence, la justice et l’égalité. Cet #espoir semble certainement, pour beaucoup, impossible ou naïf. Et pourtant, il faut que certains d’entre nous s’accrochent farouchement à cet espoir, et refusent de croire que les structures qui existent aujourd’hui existeront toujours. Et pour cela, nous avons besoin de nos poètes, de nos rêveurs, de nos fous indomptés, de tous ceux qui savent comment se mobiliser.

    https://aoc.media/opinion/2023/10/12/condamner-la-violence

    ici aussi : https://seenthis.net/messages/1021216

    #à_lire #7_octobre_2023 #génocide

    • Palestinian Lives Matter Too: Jewish Scholar Judith Butler Condemns Israel’s “Genocide” in Gaza

      We speak with philosopher Judith Butler, one of dozens of Jewish American writers and artists who signed an open letter to President Biden calling for an immediate ceasefire in Gaza. “We should all be standing up and objecting and calling for an end to genocide,” says Butler of the Israeli assault. “Until Palestine is free … we will continue to see violence. We will continue to see this structural violence producing this kind of resistance.” Butler is the author of numerous books, including The Force of Nonviolence: An Ethico-Political Bind and Parting Ways: Jewishness and the Critique of Zionism. They are on the advisory board of Jewish Voice for Peace.

      https://www.youtube.com/watch?v=CAbzV40T6yk

  • Eva Illouz, sociologue : « Je crois qu’après les attaques terroristes, pour la société israélienne, le Hamas est devenu le nazi »

    L’universitaire franco-israélienne explique, dans un entretien au « Monde » que l’attaque terroriste du 7 octobre engage les deux camps dans une « guerre totale » et va changer irrémédiablement la perception des Palestiniens par les Israéliens.

    Eva Illouz, sociologue, est directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris. Elle a enseigné à l’université hébraïque de Jérusalem, à Princeton et à Zurich. Elle a notamment écrit Les Emotions contre la démocratie° (Premier Parallèle, 2022). Elle a pris position contre le gouvernement de Benyamin Nétanyahou et avait signé, en août, une pétition dénonçant « un régime d’apartheid »_ pour les Palestiniens. https://sites.google.com/view/israel-elephant-in-the-room/home

    [Luc Bronner...] Comment qualifier ce qui arrive à la société israélienne après l’attaque du Hamas, les 1 400 morts, les milliers de blessés et les otages ?

    On a du mal à trouver les catégories pour qualifier cet événement inédit. Des attaques terroristes de cette ampleur, il n’y en a jamais eu, dans aucun pays. Il y a des massacres, bien sûr, mais pas un attentat terroriste dont le nombre de victimes est, proportionnellement à la population, beaucoup plus grand que celui du 11-Septembre, ou qui serait l’équivalent de 10 000 personnes en France massacrées en quelques heures.

    J’oserais ajouter qu’il y a eu là des déclinaisons inédites de l’horreur : se réveiller un jour de fête au bruit de mitraillettes avec un ennemi infiltré chez soi, le faible devient le fort, le fort devient le faible, l’armée qu’on attend et qui ne vient pas, les terroristes qui tuent des bébés, décapitent, tuent les enfants en face de leurs parents, et les parents en face des enfants, kidnappent vieillards, enfants, hommes, femmes, l’enregistrement et la diffusion des massacres sur les réseaux sociaux, tout cela n’a aucun précédent. Il y a eu là une démultiplication des techniques de l’horreur.

    Cela va rester le plus grand choc de l’histoire juive post-Shoah. C’est toute la réalité ontologique d’Israël qui a été remise en question. Les nazis essayaient de cacher les atrocités, pas de les diffuser. La mort elle-même est devenue un motif de propagande. Il y a là un changement de régime de l’atrocité.

    C’est la raison pour laquelle la guerre est devenue totale et existentielle. Israël apparaît comme fort, mais cette force est sous-tendue par une peur existentielle qui s’est radicalisée. Pour un Israélien, la possibilité du génocide ne semble jamais très loin. Il y a aussi une confusion terminologique inédite, puisque les « indigénistes décoloniaux » en France et sur les campus américains ont emprunté le vocabulaire de la résistance pour qualifier un crime contre l’humanité.

    La société israélienne est une société fracturée, comme l’avaient montré les manifestations massives de ces derniers mois contre les réformes du gouvernement Nétanyahou. Quelles peuvent être les répercussions sur le plan politique ?

    L’horreur et la peur sont d’une telle ampleur que la société entière est soudée autour d’un objectif : redonner un sentiment de sécurité aux citoyens. En 1973, la guerre du Kippour avait aussi été vécue comme un choc, mais il y avait eu 2 800 morts, et parmi eux 0 civil tué. Dans la situation présente, la division entre civils et militaires s’est effacée ; c’est non seulement ce qui caractérise le terrorisme mais aussi parce que des Etats, comme l’Iran, agissent comme des organisations terroristes.

    Cela veut dire aussi que les civils israéliens qui n’ont jamais porté d’arme sont en train de s’armer parce que la #guerre peut surgir à tout moment dans leur cuisine. Il y a une forte militarisation de la société civile. Quand la sécurité sera retrouvée, il va y avoir des règlements de comptes avec le gouvernement d’extrême droite, qui, par sa négligence de tous les avertissements sécuritaires qu’on lui a donnés, a agi de façon criminelle.

    Mais je crois aussi que toutes les positions politiques vont subir des révisions dramatiques. C’est vrai pour la gauche et c’est vrai pour la droite. Le fait que la gauche postcolonialiste mondiale a refusé de condamner les massacres aura des répercussions sur la gauche israélienne. Après l’Intifada de l’an 2000, qui avait fait 1 000 morts israéliens, la gauche s’était effondrée parce qu’un grand nombre de gens étaient arrivés à la conclusion que les Palestiniens ne voulaient pas la paix. Cela va être plus dramatique aujourd’hui. Ce qui va disparaître notamment, c’est l’idée d’un Etat binational pour les deux populations qui était devenue en vogue cette dernière décennie.

    C’est vrai aussi pour la droite, qui nous a menés dans ce désastre à cause de la doctrine sécuritaire qu’elle a défendue : l’idée qu’on pouvait gérer, de façon indéfinie, les relations avec les Palestiniens comme un conflit militaire de basse intensité est un échec.

    Benyamin Nétanyahou et ses alliés ont voulu utiliser le #Hamas contre l’Autorité palestinienne pour rendre impossible la création de deux Etats ; ils n’ont pas voulu voir que le blocus de #Gaza allait créer une situation explosive et ont laissé penser que le Hamas était des gens minables qu’on contrôlait facilement par l’argent du Qatar. Mais la plus grande erreur a été de ne pas avoir vu que le Hamas est un mouvement idéologique, millénariste et génocidaire et qu’on n’achète pas le calme avec un tel mouvement dont l’objectif est de vous éliminer.

    La mise en place d’un cabinet d’union nationale peut-elle avoir des effets durables ?

    Les Israéliens ont eu le sentiment d’avoir été abandonnés par l’Etat, qui a été spectaculairement dysfonctionnel. On savait que le gouvernement était composé de gens cyniques, calculateurs, fanatiques et incompétents, on en a la preuve éclatante.

    La fonction essentielle d’un gouvernement d’union est de calmer les Israéliens sur le fait qu’on n’a pas donné la boîte d’allumettes à des pyromanes. Mais quand le retour à la sécurité va se faire, il est possible que le pays se divise encore plus profondément qu’avant la guerre. La droite accuse déjà les protestataires d’avoir été des traîtres et d’avoir permis ce désastre alors que le camp démocratique a, bien évidemment, tous les droits de penser que ce sont les réformes judiciaires et la négligence du gouvernement qui sont responsables de la situation.

    Israël est traumatisé par les otages enlevés par le Hamas et retenus à Gaza. Des voix peuvent-elles s’élever en Israël pour s’alarmer d’un usage disproportionné de la force à Gaza ?

    L’opération « Bordure protectrice », à Gaza en 2014, n’avait pas été conduite dans une situation aussi dramatique et répondait principalement à l’enlèvement et au meurtre de trois jeunes Israéliens et à de nombreux tirs de roquettes. Il avait pourtant été fait un usage excessif de la force. La plupart des Israéliens ne l’avait pas remis en question, seule une petite minorité, moins de 20 %, s’y était opposée. Moi-même je m’y étais opposée publiquement.

    Dans les circonstances actuelles, la proportion sera beaucoup plus faible. Mais il faut comprendre deux choses. La première, c’est que le Hamas se sert de sa population civile comme bouclier. Lorsque Tsahal a fait l’annonce que les #Palestiniens devaient évacuer le Nord pour aller dans le Sud, le Hamas a fait une contre-déclaration en disant qu’il s’agissait d’une « fake news »[?]. Tout le monde s’est concentré sur le désastre que l’annonce israélienne représentait pour les civils palestiniens – à juste titre, car il s’agit d’un désastre humanitaire à grande échelle –, mais presque personne n’a trouvé monstrueux que le Hamas puisse mentir à sa population pour la garder près de lui comme bouclier. On ne s’est pas non plus beaucoup ému du refus total de l’Egypte d’accueillir les Palestiniens.

    Deuxièmement, beaucoup d’Israéliens pensent que les civils palestiniens et leurs dirigeants ont en commun leur haine radicale des juifs. D’autant plus que les #images de corps ensanglantés de jeunes filles israéliennes exhibés dans les rues de Gaza au milieu d’une foule excitée apparaissent incriminantes pour les civils. Face à ces images, il devient difficile de faire la distinction entre le peuple de Gaza et ses leaders. On voit une population faire bloc avec le Hamas dans la haine des Israéliens et des juifs. La perception que les Israéliens ont des Palestiniens de Gaza est très différente de celle qu’ils ont des Iraniens, là il est beaucoup plus facile de distinguer entre le régime des ayatollahs et une population civile en insurrection. Avec le Hamas, la distinction s’estompe.

    Mais je voudrais aussi ajouter que cette notion de proportionnalité quand il s’agit d’un événement humain aussi violent que la guerre me laisse perplexe. Qu’est-ce que c’est la proportionnalité ? Décapiter, violer, torturer 1 500 Palestiniens contre les 1 500 juifs qui sont morts dans des conditions similaires ? Comment créer une commensurabilité des massacres ? Parce que #Israël vit constamment dans un état de guerre et de conflit, il a développé une doctrine militaire exigeant que l’ennemi paye un prix plus fort, pour le dissuader de recommencer.

    Cette guerre est différente : il s’agit d’un ennemi qui veut oblitérer Israël et sa population. Il s’agit d’une #guerre_totale. Les Israéliens pensent à cette guerre dans les termes suivants : ce sera nous ou eux. Lorsqu’un camp déclare officiellement que son but est de vous effacer de la surface de la Terre, il devient difficile de penser à la proportionnalité.

    J’ajouterais cependant que le but de Tsahal est d’éradiquer le Hamas et le Hamas seulement. Est-ce qu’ils y parviendront sans toucher massivement les civils ? Sans doute pas, et je le regrette profondément.

    La nature de la guerre va-t-elle évoluer ?

    Ce qui était perçu comme un conflit militaire ou colonial vieux de plus d’un siècle est désormais interprété à travers la grille de l’antisémitisme . Il y a un basculement du politique au racial et au religieux. Pour la société israélienne, l’antisémitisme génocidaire qui habitait sur les terres de l’Europe a migré vers l’#islamisme. Jusqu’à présent, les Palestiniens, aux yeux des Israéliens, n’étaient pas les nazis. Je crois qu’après les attaques terroristes cela a changé : le Hamas est devenu le nazi. Il y a un risque que, par effet de contamination, les Israéliens voient l’ensemble des Palestiniens de Gaza de la même façon. Est-ce que l’Europe aurait fait un compromis avec les nazis ? Churchill a décidé de bombarder Dresde, alors que l’Allemagne avait déjà perdu. Je ne dis pas que le Hamas est nazi. J’ai conscience des différences historiques et idéologiques. Mais c’est comme cela que, désormais, il est vu.

    Ce qui complique considérablement ces questions, c’est que ce sont les mêmes Palestiniens qui ont aussi été victimes d’un déplacement de population, du blocus, de la misère, qui est le résultat de l’asphyxie israélienne et de la corruption du Hamas.

    Nous avons un objet conceptuel et moral à deux faces : d’un côté il y a une victime, mais de l’autre cette victime s’identifie à un groupe à visée génocidaire. Il faut développer un regard humain et fraternel qui puisse voir toutes ces tragédies en même temps. Mais, aujourd’hui, il faut choisir son camp.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/17/eva-illouz-sociologue-je-crois-qu-apres-les-attaques-terroristes-pour-la-soc

    • Des attaques terroristes de cette ampleur, il n’y en a jamais eu, dans aucun pays.

      Il y a eu là une démultiplication des techniques de l’horreur.

      Que fait-on de Sabra et Chatila sous la surveillance des criminels de l’état sioniste ?

    • #damage_control #justification_de_génocide

      Ça fait tellement penser aux blancs justifiant les représailles contre les indiens, en Amérique du nord. Ça fait penser aux mauvais westerns, où les gentils blancs sont horrifiés par les scalpages commis par les indiens, parce qu’un convoi de colons s’est installé sur les terres des indiens, non sans avoir tué un ou deux membres de la tribu qui s’approchaient trop.

      « Vous comprenez, nous, on veut juste vivre paisiblement. Ok, parfois, il y a un accident malheureux. Mais bon, tout de même, là, ils nous en veulent en tant que blanc, c’est grave. C’est eux ou nous. Force doit rester à la loi (des blancs) ».

    • Réponse à Éva Illouz à propos d’une interview donnée dans le journal Le Monde, Ron Naiweld
      https://lundi.am/Reponse-a-Eva-Illouz

      Je suis né en Israël et y ai grandi, et je travaille comme historien du Judaïsme au CNRS et à l’EHESS, où Eva Ilouz est directrice d’études. Une réponse est nécessaire non seulement pour corriger des erreurs factuelles, mais aussi pour proposer quelque chose qu’elle ne propose pas – une vision de la réalité d’où pourrait surgir l’espérance face au conflit mortifère.

      [...]
      En fait, la nazification symbolique des Palestiniens est à la base de leur déshumanisation par beaucoup d’Israéliens.
      En faisant preuve de leur déshumanisation, les terroristes du 7 octobre sont tombés dans une place qui leur était déjà prête. Ce n’est pas pour relativiser leurs actes que je rappelle que des atrocités ont été commis aussi par des Israéliens pendant et après la Nakba – des massacres, des viols, des expulsions, des vols de terre, qui sont aujourd’hui documentés grâce à l’effort de chercheurs courageux en Israël. Ces violences sont inscrites dans des corps des humains qu’Eva Ilouz est prête à sacrifier pour la « sécurité » d’Israël et des Israéliens, comme l’indique ce passage dans lequel on croit entendre une porte-parole de l’armée israélienne – « J’ajouterais cependant que le but de Tsahal est d’éradiquer le Hamas et le Hamas seulement. Est-ce qu’ils y parviendront sans toucher massivement les civils ? Sans doute pas, et je le regrette profondément. »

    • D’une prédilection dune partie de la gauche française pour l’abjection - Digression à partir du texte de Judith Butler « Condamner la violence »
      https://lundi.am/D-une-predilection-d-une-partie-de-la-gauche-francaise-pour-l-abjection

      Il me revient ainsi que Sartre a pu, par exemple, justifier la prise d’otage du commando de Munich, ou encore, que Foucault a soutenu la révolution islamiste iranienne au moment même où celle-ci jetait en prison et torturait les révolutionnaires communistes. À ce goût pour l’abject, s’ajoute le fait que, manifestement, sur les sujets qui touchent au conflit israélo-palestinien, le #tiers-mondisme des années 70, et son antisémitisme plus ou moins larvé, n’a pas été assez critiqué.

      Le texte de Butler a donc l’immense mérite d’avoir une position morale très claire et très saine. Car, en effet, d’un point de vue moral, il n’y a aucune raison de discriminer entre les morts, les torturés, et les mutilés de l’un ou l’autre camp. Il est, en effet, totalement sophistique, et du plus pur cynisme, de lier et de réviser ceux-ci à la lumière d’une lecture purement politique – ou plutôt purement idéologique - , laquelle justifierait de juger qu’il y a des bonnes et des mauvaises victimes. Pour le dire autrement, les actes commis par le Hamas contre des civils, parfois des enfants, n’ont rien d’actes de #résistance, ce que l’histoire des résistances – parmi lesquelles celles de la résistance française - montre suffisamment bien. De même, la #guerre que mène Israël contre des civils, parfois des enfants, n’a rien de représailles justifiées.

      Toutefois, je pense qu’il y a une limite à la position de Butler et que celle-ci est politique. Tout d’abord, Butler semble conditionner la légitimité d’un #État au fait que celui-ci ne se serait pas fondé sur la violence. Cette prémisse sous-jacente me convient assez bien, car elle implique, en toute rigueur, que l’on s’oppose à tous les États, car je n’en connais aucun qui ne se soit pas fondé sur la violence . Il faudrait donc s’opposer à la fois à l’État israélien et au projet d’État palestinien et à tous les autres. Ce que ne fait pas, me semble-t-il, Butler.

      On peut penser que cela s’explique notamment parce que cette prémisse est, en fait, solidaire d’une autre, que je conteste : que l’État d’Israël serait fondamentalement le résultat d’un projet colonialiste. À nouveau, soit on le dit de tous les autres États, soit il faut repenser l’histoire politique du peuple juif et celle de la région où il a fondé son État. Je ne vois pas comment la première perspective pourrait ignorer que ce peuple, comme beaucoup d’autres, notamment les palestiniens, a droit à un État. Et je ne vois pas comment ne pas considérer, au regard de l’histoire de la région, que cet État puisse être ailleurs – et non dans quelques chimériques autant que bureaucratiques Birobidian... - parce qu’il y a toujours eu une présence juive dans cette région. Ce qu’on ne peut pas dire des français en Algérie ou en Indochine avant qu’ils ne s’accaparent ces territoires par exemple, ou des européens sur le continent américain. Dire de l’État d’Israël qu’il est intrinsèquement colonisateur et raciste, voilà l’erreur héritée du tiers-mondisme, qui biaise à mon avis les jugements que l’on peut porter sur cette situation. Car, une fois que l’on a dit cela, la seule perspective cohérente, est celle de la destruction de cet État. Mais alors, pourquoi pas de tous les autres États ?

      [...]

      Beaucoup de choses dépendent de ce raisonnement puisque, tant que cet État ne sera pas reconnu comme légitime par ses voisins immédiats et par les organisations telles que le Hamas, il n’aura aucune raison de cesser de faire la guerre. Et, pour ainsi dire, mécaniquement, il tendra infinitésimalement à faire de la rationalité guerrière, sa rationalité. Ce que personne de bon sens ne peut souhaiter, quelque soit l’État dont il est question. Je dis infinitésimalement parce que, tant que cet État est bien celui de tous les israéliens, dont les arabes israéliens, il ne pourra qu’approcher infinitésimalement d’une telle extrémité, c’est-à-dire qu’il s’en rapprochera très nettement comme cela est actuellement le cas, mais qu’il rencontrera, malgré cela, des #oppositions_internes – une résistance au sens exact du terme -, ce qui, encore une fois, est effectivement et actuellement le cas en Israël. Lorsque cette tendance ne sera plus infinitésimale, mais tout simplement totale, alors j’accepterai d’envisager la destruction de l’État d’Israël, et de tous les autres États et organisations – comme le Hamas - qui ne tolèrent aucune forme de résistance.

  • Spionage vor dem Kanzleramt : Wie China Regimegegner in Deutschland mundtot macht
    https://www.tagesspiegel.de/politik/spionage-vor-dem-kanzleramt-wie-china-regimegegner-in-deutschland-mundt

    Vivre à l’étranger sans partager les positions politiques de son gouvernement expose les membres de la famille restée au pays au risque de poursuites par les services de la patrie. L’histoire chinoise du Tagesspiegel nous est arrivée pendant l’occupation militaire alliée (dont française) de Berlin. Après une visite touristique à Berlin-Est les services secrets français sont allés voir notre famille en France pour les interroger sur le pourquoi et comment de notre excursion dans l’autre partie de la ville.

    Contrairement à la Chine la France de l’époque était connue pour ses attentats mortels contre les personnes que ses services considéraient comme hostiles. Nous avons agi en conséquence et nous sommes abstenus d’un engagement politique trop voyant sans pour autant tomber dans le piège de la clandestinité.

    La morale de l’histoire : Qui s’intéresse aux points faibles d’un état ou d’une grande entreprise doit se préparer à la riposte disproportionnée de l’institution. C"est moche mais c’est comme ça. Du courage, la plupart du temps on n’en meurt pas.

    4.8.2033 von Cornelius Dieckmann - Der 20. Juni 2023 war ein guter Tag für das chinesische Regime. Neben Ministerpräsident Li Qiang reisten ganze neun Minister des Parteistaats zu den deutsch-chinesischen Regierungskonsultationen nach Berlin. Das Signal: Deutschland und China begegnen einander trotz aller Differenzen noch freundschaftlich, Demokratie hin, Diktatur her. Am Kanzleramt posierten beide Kabinette in höflicher Eintracht fürs traditionelle Familienfoto. Olaf Scholz lächelte, Li Qiang lächelte, die Ministerriege lächelte.

    Doch mehreren chinesischen Regimekritikern wurde der 20. Juni zum Verhängnis. Drei Teilnehmer einer oppositionellen Demonstration vor dem Kanzleramt berichten dem Tagesspiegel, ihre in China lebenden Familien seien in den Wochen darauf von Polizisten oder anderen Sicherheitskräften besucht oder vorgeladen worden. Die Beamten hätten Drohungen ausgesprochen, weil ihre Angehörigen in Deutschland „anti-chinesischen“ Aktivitäten nachgingen.
    Im Rahmen der Regierungskonsultationen posierten Olaf Scholz’ Bundesregierung und die chinesischen Minister für das traditionelle Familienfoto.
    Im Rahmen der Regierungskonsultationen posierten Olaf Scholz’ Bundesregierung und die chinesischen Minister für das traditionelle Familienfoto.

    Der Vorgang fällt in angespannte Zeiten. Mehr denn je stehen Chinas Spionage und Einflussnahme im Fokus der Bundesregierung. In deren im Juli publizierter China-Strategie heißt es ungewohnt deutlich, man stelle sicher, „dass Deutschlands Souveränität nicht durch Maßnahmen transnationaler Repression gegen hier lebende chinesische Staatsangehörige verletzt wird“. Die Rede ist von „Formen der illegitimen Einflussnahme durch offizielle chinesische Stellen, die offen oder verdeckt erfolgen, einschüchternde oder auf Zwang basierende Mittel einsetzen oder Zielen dienen, die den Interessen Deutschlands (…) zuwiderlaufen“.
    Botschaftsmitarbeiter unter Verdacht

    Die in diesem Fall betroffenen Familien leben in Peking, der Provinz Sichuan und der Region Guangxi – völlig verschiedenen Gegenden Chinas. Wie also führt die Teilnahme an einer kleinen Demo in Berlin, der laut Organisatoren kaum mehr als 20 Menschen angehörten, zu Drohbesuchen chinesischer Polizisten? Und wie erfuhr der Sicherheitsapparat, der eisern im Dienst der alleinherrschenden Kommunistischen Partei steht, von den Identitäten?

    Zu der Demo am 20. Juni am Kanzleramt hatten Menschenrechtsorganisationen aufgerufen, unter anderem Vereine der tibetischen und uigurischen Gemeinden.
    Zu der Demo am 20. Juni am Kanzleramt hatten Menschenrechtsorganisationen aufgerufen, unter anderem Vereine der tibetischen und uigurischen Gemeinden.

    Su Yutong glaubt: mit Handyaufnahmen. „Mir fielen vor allem zwei Männer und eine Frau auf, die Fotos von uns machten“, sagt Su, eine in Dissidentenkreisen bekannte Journalistin und Aktivistin, die 2010 nach Deutschland floh. „Als ich ihnen sagte, dass sie sich uns gerne anschließen könnten, entfernten sie sich schnell.“ Su vermutet, dass es sich um Mitarbeiter der Bildungsabteilung der chinesischen Botschaft handelte, die sie hinterher auf Fotos auf staatlichen Websites wiederzuerkennen glaubte.

    Einem weiteren Demonstranten, Hu Jiangqiao, fiel dieselbe Frau auf. Nachdem er lautstark Li Qiang und Partei- und Staatschef Xi Jinping kritisiert habe, habe sie ihn erst beobachtet, dann angesprochen. Woher er komme, wo er studiere, zu welcher Organisation er gehöre? „Ich fand es sehr merkwürdig, dass eine Fremde mir solche Fragen stellt, also gab ich keine genauen Antworten“, sagt Hu, der in Heidelberg in Physik promoviert.
    Am Rande der Demo beobachteten ein Mann und eine Frau das Geschehen. Als ein Aktivist sie ansprach, erklärte der Mann, sie seien Touristen. Einem anderen Demonstranten sagte die Frau kurz darauf, sie sei Wissenschaftlerin.
    Am Rande der Demo beobachteten ein Mann und eine Frau das Geschehen. Als ein Aktivist sie ansprach, erklärte der Mann, sie seien Touristen. Einem anderen Demonstranten sagte die Frau kurz darauf, sie sei Wissenschaftlerin.

    Die Frau sei dann weggegangen, habe ihn aber gemeinsam mit einem Mann weiter beobachtet, weshalb er die beiden konfrontierte. Der Tagesspiegel konnte ein Video der Begegnung einsehen. Hu fragt, ob die beiden von der Botschaft seien. Der Mann, auf dessen entsperrtem Handybildschirm ein Chat zu sehen sein scheint, in dem offenbar kürzlich mehrere Bilder versendet wurden, entgegnet lachend: „Nein, wir sind Touristen.“ Aus dem Gespräch geht hervor, dass beide chinesische Muttersprachler sind.

    Bundesinnenministerium bestätigt Vorfälle

    Mehrere Fotos von der Demo, die dem Tagesspiegel vorliegen, legen nahe, dass es sich bei der Frau tatsächlich um eine Botschaftsangehörige aus der Bildungsabteilung handelte. Im Internet verfügbare Fotos weisen starke Ähnlichkeit auf. Ein weiteres Demobild zeigt einen Mann, der Ähnlichkeit mit einem ranghohen Bildungsdiplomaten der Botschaft aufweist.

    Das Innenministerium erklärt auf Tagesspiegel-Anfrage, ihm lägen Informationen vor, die bestätigen, dass Mitarbeiter der chinesischen Botschaft oder Personen, die Chinas Behörden zuarbeiten, Demoteilnehmer fotografiert oder gefilmt haben.
    Chinas Botschaft spricht von „ganz normaler Arbeit“

    Die Botschaft weist die Vorwürfe über Repression gegen Demonstranten zurück. Solche Berichte seien „Fiktionen“ und eine „Verleumdung und Verunglimpfung Chinas“. Sie dementiert in ihrer schriftlichen Stellungnahme gegenüber dem Tagesspiegel aber nicht, dass chinesische Diplomaten bei der Demo zugegen waren, sondern schreibt lediglich: „Einzelne antichinesische Kräfte“ ließen nichts unversucht, um „chinesischen Diplomaten bei der Ausübung der normalen Arbeit Steine in den Weg zu legen“.

    Einer der Organisatoren, David Missal vom Menschenrechtsverein Tibet Initiative Deutschland, berichtet, dass er besagte Frau ebenfalls angesprochen habe, nachdem sie zu einer nahen Jubelkundgebung mit in Rot gekleideten chinesischen Studierenden gegangen sei. Auch er habe sie gefragt, ob sie für die Botschaft arbeite. Die Frau habe nur geantwortet, sie sei Wissenschaftlerin. „Als ich sie fragte, von welcher Uni sie sei, hörte sie auf, mit mir zu sprechen und ignorierte mich.“
    Gegen die Einheitsfront: Su Yutong vor der Pro-Regime-Versammlung chinesischer Studierender. Die Journalistin und Aktivistin ist seit Langem Opfer einer Psychoterror-Kampagne.
    Gegen die Einheitsfront: Su Yutong vor der Pro-Regime-Versammlung chinesischer Studierender. Die Journalistin und Aktivistin ist seit Langem Opfer einer Psychoterror-Kampagne.

    Su Yutong erinnert sich, dass die Frau auf der Pro-Regierungs-Versammlung wie eine Organisatorin aufgetreten sei. Sie habe sich lautstark bei den Teilnehmern erkundigt, wie es gerade laufe und sich auch sonst verhalten, als dirigiere sie die Veranstaltung.

    An dieser Stelle wechselt das Geschehen nach China, 7500 Kilometer entfernt.

    In Peking, sagt Su, sei ihre Mutter von Polizisten und Beamten der Staatssicherheit besucht worden. Das habe sie ihr Anfang Juli am Telefon erzählt. „Sie sagten: ‚Ihre Tochter hat Schlechtes getan. Sie hat an einem Protest gegen die Regierung teilgenommen und sie in Artikeln kritisiert.‘“ Die Beamten hätten wissen wollen, ob sie, Su, öfter anrufe und nach ihrer Telefonnummer gefragt. Auch ihr Bruder und ihre Cousine seien von der Polizei aufgesucht worden.

    Ähnliches berichtet Hu Jiangqiao, der Heidelberger Doktorand. Rund zwei Wochen nach der Demo habe ihn sein Vater aus dem Landkreis Santai in Sichuan angerufen und erzählt, zwei Polizisten, ungefähr in ihren Dreißigern, seien gekommen und hätten ihn gewarnt: Sein Sohn gebe sich mit einer „Anti-China-Agentin“ ab – damit sei Su Yutong gemeint gewesen, die für das US-Medium „Radio Free Asia“ arbeitet. „Sie sagten meinem Vater, er solle mich dazu bringen, zurück nach China zu kommen.“ Die Beamten hätten seinem Vater Fotos vorgelegt, die ihn, Hu, bei der Demo am Kanzleramt zeigten. Es habe mehrere Besuche und eine Vorladung gegeben.

    Auch Zhang Wen, ein weiterer Demonstrant, berichtetet, seine Familie in Guangxi habe Besuch von drei Beamten erhalten. „Sie sagten, wenn ich im Ausland anti-chinesischen Aktivitäten nachgehe, werde ich ins Gefängnis kommen, und das werde sich auch auf meine Verwandten auswirken.“ Seine Familie sei ebenfalls dazu angehalten worden, ihn zur Rückkehr zu bewegen, erklärt Zhang, der in Baden-Württemberg Asyl sucht.

    „Verwandte werden häufig als Hebel eingesetzt, um Personen zu zwingen, sich nicht mehr öffentlich zu äußern, keinen politischen Aktivismus zu betreiben – bis hin zur erzwungenen Rückkehr nach China“, sagt Mareike Ohlberg, China-Forscherin beim German Marshall Fund und Ko-Autorin eines Buches über chinesische Einflussnahme.
    Nutzt China Gesichtserkennungs-Software?

    Einige Fragen bleiben offen. Fragen, die auch die Bundesregierung an China haben dürfte: Wie führt die bloße Information, dass eine Person, von der die chinesischen Behörden womöglich nur ein Foto auf einer Demo haben, deren Namen sie aber gar nicht kennen, zum Polizeibesuch bei der Verwandtschaft?
    Chinas Botschaft dementiert nicht, dass chinesische Diplomaten bei der Demo zugegen waren, nennt Vorwürfe der Repression gegen Teilnehmer aber „Fiktionen“. Auf dem Bild fotografiert ein unbekannter Mann ein Schild mit KP-kritischer Aufschrift.
    Chinas Botschaft dementiert nicht, dass chinesische Diplomaten bei der Demo zugegen waren, nennt Vorwürfe der Repression gegen Teilnehmer aber „Fiktionen“. Auf dem Bild fotografiert ein unbekannter Mann ein Schild mit KP-kritischer Aufschrift.

    Denkbar wären Gesichtserkennungs-Softwares, die kombiniert mit Überwachungsdaten Identitäten anhand von Fotos entschlüsseln können. „Grundsätzlich ist meine Annahme, dass der chinesische Staat diese Fähigkeit inzwischen hat“, erklärt Mareike Ohlberg. Aus Ausschreibungsdokumenten gehe hervor, dass China das zumindest anstrebe. Womöglich würden auch weitere Ressourcen hinzugezogen, etwa Übersichten der Botschaft zu in Deutschland lebenden Staatsbürgern. Pekings „Einheitsfront“-Strategie sieht auch die Zuarbeit von Überseevereinen, Parteizellen und anderen nicht- oder halbstaatlichen Verbänden vor.
    China intensiviert Spionage

    Su Yutong, die seit Jahren anonymen Einschüchterungen bis hin zu Morddrohungen und physischer Beschattung samt Besuchen fremder Männer vor ihrer Berliner Wohnung ausgesetzt ist, sagt, sie habe den jüngsten Vorfall dem Landeskriminalamt Berlin gemeldet. Auch Hu Jiangqiao ist in Heidelberg inzwischen zur Polizei gegangen.

    Doch China intensiviert seine Spionage. Am Mittwoch hat sich das Ministerium für Staatssicherheit, das für Geheimdienstoperationen im In- und Ausland zuständig ist, erstmals in der Social-Media-App Wechat an das chinesische Volk gewandt: „Alle Mitglieder der Gesellschaft“ seien zur Sammlung von Informationen über potenzielle Gegner aufgerufen. Es ist der nächste Schritt hin zum totalitären Stasi-Staat über Landesgrenzen hinweg.

    Der Psychoterror gegen Regimekritiker geht weiter. In der Nacht zum Donnerstag erhielt Su per E-Mail Buchungsbestätigungen in ihrem Namen für Luxushotelzimmer in Rom und New York, die sie nie getätigt hat. Dem Tagesspiegel liegen Screenshots vor.

    Auch diese Methode ist bekannt. Erst kürzlich wurden mehrere Fälle publik, in denen Unbekannte Zimmer im Namen von chinesischen Oppositionellen reservierten und daraufhin Fake-Bombendrohungen aussprachen, um die Zielpersonen in Verruf oder sogar strafrechtliche Bedrängnis zu bringen.

    „Ich habe keine Angst“, sagt Su. „Aber sie versuchen, meine Zeit zu verschwenden und ganz langsam meine Psyche zu brechen.“

    #Chine #France #services_secrets #politique #opposition

  • Police et justice, quand les piliers du macronisme se bouffent le nez Régis de Castelnau - Vu du droit

    L’opération concoctée par la haute fonction publique d’État, approuvée et financée par l’oligarchie pour être finalisée par la magistrature a installé à la tête de l’État en 2017, un inconnu sans réelles compétences politiques. Sorti de nulle part émmanuel macron affichait un cursus désespérément vide. Il a démontré dans sa pratique non seulement son absence de sens de l’État, mais également un rapport à la France réellement inexistant. L’intérêt national lui est étranger, en bon néolibéral, gouverner pour lui consiste mettre en place les conditions permettant aux grands intérêts nationaux et internationaux dont il est le mandataire, de poursuivre leur accumulation. Son système présente deux caractéristiques : tout d’abord il repose sur une corruption massive au sein du bloc élitaire qui le soutient, ensuite il provoque une opposition rageuse dans le pays. Celle-ci ne trouvant pas de débouchés politiques s’exprime par une agitation quasi permanente.


    Dans ces conditions, émmanuel macron doit pouvoir compter sur le soutien des forces de répression que sont la police et la justice. Elles lui sont indispensables. La police pour réprimer l’opposition comme les gilets jaunes et les autres mouvements sociaux en ont fait l’expérience. La justice pour couvrir les violences policières et mettre le président et ses amis à l’abri des procédures judiciaires que justifieraient le niveau de corruption. Ces deux piliers sont indispensables au fonctionnement du système. Le problème réside dans la difficulté pratique du fameux « en même temps » cher à émmanuel macron. Taper ensemble sur les couches populaires rassemble magistrats et policiers. La contradiction idéologique et politique se révèle en revanche concernant le lumpen prolétariat des cités.

    Les uns lisent Libération et écoutent France Info, les autres Valeurs actuelles et Cnews La crise des rapports police justice à l’occasion de l’incarcération de policiers auteurs présumés de violences en est la manifestation.

    Festival d’hypocrisie

    jolie festival d’hypocrisie autour des déclarations intempestives et juridiquement stupides du DGPN Frédéric Veaux, approuvées par le préfet de police de Paris, déclarant à propos de l’incarcération d’un policier à Marseille « Je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail » . Dans chaque camp, la main sur le cœur, l’indignation en bandoulière, on prend la pose, brandit les grands principes, et traite les autres d’apprentis fascistes. Mention spéciale, à Jean-Luc Mélenchon qui n’a pas pu se retenir et nous a gratifié sans surprise d’une de ses incantations vitupérante, sommant « les policiers entrés en sécession factieuse de respecter les institutions républicaines » . Le tout dans la confusion juridique et judiciaire, hélas habituelle dans notre pays. Alors avant de formuler quelques observations sur la pantomime et le jeu de rôles déclenché par cette affaire il faut revenir sur la dimension juridique du problème et sur les principes qui le gouvernent.

    Retour aux principes

    Premier principe : la présomption d’innocence. L’État dispose de la violence légitime et peut punir ceux qui ont transgressé la règle sociale après une procédure ou un juge indépendant et impartial prend la décision. Celle-ci doit être définitive, toutes les voies de recours étant épuisées. Jusqu’à ce moment-là, la personne poursuivie dispose de toutes les prérogatives d’un citoyen de plein exercice.

    Deuxième principe : si la liberté est la règle et l’incarcération l’exception, l’intérêt de la procédure destinée à établir une « vérité judiciaire » utilisable par le juge peut justifier des mesures de restriction de la liberté. Mesures qui peuvent aller jusqu’à la privation de cette liberté et l’incarcération. C’est l’article 144 du code de procédure pénale https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021332920 prévoit qui définit les critères d’une telle décision provisoire et ne peut être ordonnée que si elle constitue l’unique moyen :

    1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;

    2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

    3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;

    4° Protéger la personne mise en examen ;

    5° Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;

    6° Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;

    7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire. Toutefois, le présent alinéa n’est pas applicable en matière correctionnelle.

    La décision d’incarcération est donc fonction de critères objectifs et pas de la qualité de la personne poursuivie, qu’il soit policier ou simple citoyen. Cependant, s’agissant des 6 premiers alinéas de l’article 144, on voit bien que la qualité de policier permet de prendre les mesures de contrôle judiciaire qui mettront instruction à l’abri. À cet égard, la déclaration du DGPN aurait pu être recevable, à condition de ne pas revendiquer l’application d’une règle générale. Toute décision de privation de liberté doit être prise en fonction de l’analyse des circonstances par le Juge des libertés.

    Psychodrame politique, comme d’habitude

    Ces précisions étant apportées, que nous raconte ce nouveau psychodrame. Avec le rappel préalable que l’auteur de ces lignes ne connaît pas le fond des dossiers en cause, mais que son analyse repose sur la connaissance qu’il a du fonctionnement de la machine.

    Comme d’habitude, les magistrats sont montés au créneau par l’intermédiaire de leurs organisations syndicales dont chacun sait qu’elles n’agissent que comme des officines politiques. Alors comme à l’habitude toujours on entend les mêmes glapissements, les mêmes accusations sur les atteintes à leur indépendance. En oubliant encore une fois que celle-ci n’est pas mise en cause, mais que c’est leur partialité qui est questionnée. Partialité politique dont souvent ils ne se gardent même plus. En restant discret également sur le précédent déshonorant de la répression judiciaire massive du mouvement des gilets jaunes. Répression directe avec des milliers de peines de prison ferme à des primo-délinquants mais également indirects avec la couverture d’une violence policière débridée. Malgré les éborgnés et les amputés guère de poursuites, et bien sûr aucun mandat de dépôt.

    La décision d’incarcération du policier auteur du tir mortel sur Nael était judiciairement injustifiée au regard des 6 premiers alinéas de l’article 144, mais reposait probablement sur le 7e. Il s’agissait de prendre une décision spectaculaire destinée à tenter de désamorcer la colère. Il est donc difficile de contester l’utilisation du critère du « trouble à l’ordre public ». Et ce d’autant que la mise en examen pour la qualification criminelle « d’homicide volontaire » le permettait. Mais cela établit une chose difficilement contestable : nous sommes en présence d’une décision politique. Réclamée par le parquet et donc voulue par le pouvoir. L’incarcération dans l’affaire de Marseille, obéit aux mêmes considérations. L’infraction a été qualifiée en application de l’article 222-8 du Code pénal https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006181751 qui considère comme criminels « les coups et blessures volontaires en réunion » commis par des agents publics. Juridiquement possible, le mandat de dépôt d’un des protagonistes poursuit elle aussi des objectifs politiques. Mais qui ne sont pas les mêmes, cette affaire n’ayant pas eu les mêmes conséquences que celle de Nanterre en matière de trouble à l’ordre public. Il s’agit probablement d’envoyer un message à la police en forme de rappel à l’ordre après la « licence » dont elle aurait bénéficié pour juguler émeutes et pillages après Nanterre. Policiers à qui on confirme que frapper les couches populaires avec des gilets jaunes, ça passe.

    Mais le lumpenprolétariat, présentée par les belles âmes comme une belle jeunesse en révolte, pas touche. C’est pourtant condamnable dans les deux cas.

    Et tout le poulailler politique de s’offusquer et de caqueter en prenant la pose pour affirmer ses exigences républicaines et son saint respect des grands principes.

    émmanuel macron est bien embêté, car adepte proverbial de son « en même temps », il sait l’importance décisive de la complaisance judiciaire apportée à son système mais également le nécessaire soutien policier à son régime vermoulu. Alors il a quand même fini par prendre la parole en ménageant une fois encore la chèvre et le chou, c’est-à-dire les deux institutions qui lui sont indispensables pour tenir. Pour finir par conclure par cette solennelle sentence : « Nul en République n’est au-dessus de la loi ».

    Eh bien si Monsieur le président il y a plein de gens dans votre système qui sont au-dessus de la loi. À commencer par vous-même, ce qui est fort normal en raison de votre immunité constitutionnelle. Mais également par l’indulgence judiciaire dont vous bénéficiez pour vos activités antérieures à votre entrée à l’Élysée, indulgence étendue à vos amis. Jusqu’à présent François Bayrou, Richard Ferrand, Alexis Kholer, Thierry Solère, Olivier Dussopt, François de Rugy, Jean-Paul Delevoye, Muriel Pénicaud, Agnes Buzyn, Bruno Lemaire, les dirigeants de McKinsey France, les protagonistes de l’affaire Alstom, ceux de l’affaire du fonds Marianne, de l’affaire BPI France, etc. etc. tout ceux-là et bien d’autres encore sont au-dessus de la loi.

    Il paraît qu’émmanuel macron lors d’un dîner du 18 juillet dernier aurait félicité ses ministres avec ces mots : « on peut collectivement être très fier de ce qui a été fait ces derniers mois ». Au vu de l’année qui a suivi sa réélection, à croire que l’effondrement de l’État français est bien la réalité son projet. Il est probable qu’il sache très bien ce qu’il fait.

    Alors finalement, le spectacle de cet affrontement police-justice ne raconte rien d’autre que la crise d’un régime corrompu, qui ne maîtrise plus rien et s’en remet à une aggravation de sa dérive autoritaire. Mais pour cela, il faut qu’il puisse toujours compter sur le soutien conjoint de ses outils de répression. Le fait qu’ils soient en train de se bouffer le nez est une mauvaise nouvelle pour Macron.

    Régis de Castelnau

    #judiciaire #police #justice #oligarchie #magistrats #répression de l’ #opposition #Nael #émmanuel_macron #macron #macronisme

    Source : https://www.vududroit.com/2023/07/police-et-justice-quand-les-piliers-du-macronisme-se-bouffent-le-nez

    • Panique en Macronie. La révolte des policiers gagne toute la France.

      François Asselineau réagit à chaud, le 24 juillet 2023 à 16h, aux déclarations anti-républicaines du Directeur général de la Police nationale et du Préfet de Police de Paris, ainsi qu’au début de révolte des policiers à travers toute la France.

      La situation est très grave et Macron en est l’un des principaux responsables.

      https://www.youtube.com/watch?v=-AZkomJj-eE

  • UN Human Rights Council experts “express alarm” over executions connected to Neom
    https://www.dezeen.com/2023/05/05/un-human-rights-council-experts-alarm-executions-neom

    The United Nations Human Rights Council has issued a statement denouncing the planned executions of three people for reportedly opposing the Neom mega project in Saudi Arabia.

    #grands_projets_inutiles #opposition

  • En Corrèze, la création d’un centre pour demandeurs d’asile sème la discorde : « Les gens se regardent avec méfiance maintenant »

    Depuis qu’ils ont découvert l’ouverture imminente d’un lieu d’#accueil pour demandeurs d’asile dans l’ancienne auberge de leur village, les habitants de #Beyssenac vivent entre #pétitions, #manifestations de l’extrême droite et brouilles entre voisins.


    L’#auberge_de_la_Mandrie surgit après un virage, laissant le village de Beyssenac derrière soi. Ici, tout le monde connaît l’histoire de cette ancienne école rachetée par le couple Millot, dans les années 70, pour en faire un hôtel-restaurant. De l’autre côté de la départementale qui file vers Pompadour, des pancartes semblent avoir poussé dans les arbres. Les messages à la bombe fluo indiquent « Non au Cada, gardons notre auberge » ou encore « Cada imposé par le préfet, colère augmentée ».

    La nouvelle est tombée début février, lorsque le quotidien la Montagne révèle que les aubergistes de la Mandrie partent à la retraite et que le lieu va devenir un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). D’ici l’automne, 40 exilés vivront sur place le temps d’obtenir, ou non, le statut de réfugié. Depuis cette annonce, les deux frères ne répondent plus aux sollicitations. « Vous savez, on est pas mal échaudés », dit l’aîné. Peu après la révélation, des manifestations ont éclaté dans ce village de 350 âmes. Les témoins racontent les 150 personnes devant la mairie, les fumigènes et les cagoules. Des membres de l’#Action_française venus de Limoges, à 60 kilomètres de là, ont déployé une #banderole « Immigration nation en danger » dans un face-à-face avec des militants antifas.

    « La peur s’est installée »

    « Du jamais-vu en vingt-trois ans de mandat ! » bout le maire #Francis_Comby (LR). Il a déposé trois plaintes pour #menaces_de_mort et pour #diffamation. On l’accuse d’accepter « des clandestins », d’avoir refusé l’installation d’une résidence senior sur le même site et caché ce nouveau projet. L’élu affirme n’être au courant de rien et, lassé de cette affaire, préfère parler de la deuxième fleur « Villes et Villages Fleuris » que vient de recevoir Beyssenac.

    « Ils ont tardé à mettre les choses au clair et la #peur s’est installée », regrette une habitante qui exige l’anonymat, comme tous ceux voulant bien témoigner. Elle n’a pas signé les pétitions, quitte à s’opposer à ses voisins. « On était un village sans histoire et maintenant, les gens se regardent avec méfiance », décrit une Beyssenacoise. Celle-ci a rejoint le collectif anti-Cada de Christian Cargouet. « On est les gentils, insiste le formateur en hôtellerie de 58 ans. On ne veut pas être un parti politique, juste comprendre. » Le groupe, soutenu par le délégué départemental Rassemblement national Valéry Elophe, a sa théorie : « Il faut nettoyer Paris avant les JO », les exilés ne soutiendront pas l’économie locale et l’association mandatée trempe dans des « magouilles ».

    Le second collectif, « #Sauvons_Beyssenac » appuyé par #Reconquête ! vise la même issue qu’à Callac dans les Côtes-d’Armor : l’abandon du projet. Son créateur, Philippe Ponge, sert l’argument de « l’endroit inadapté ». Tous les villageois le reconnaissent : il n’y a plus de commerces, de médecin ni même de club des aînés. Seuls le comité des fêtes et la société de chasse résistent. Mais avec 1,29 place de dispositif national d’accueil (DNA) pour 1 000 habitants, la Corrèze était le deuxième département le moins bien doté de Nouvelle-Aquitaine – elle-même déficitaire par rapport au niveau national.

    Mi-mars, lors d’une réunion publique longtemps réclamée au préfet, un sentiment d’injustice gronde dans la salle des fêtes bondée. « Et pour les aînés de nos campagnes, vous faites quoi ? Ils n’ont pas le droit aux navettes pour aller chez le médecin », dénonce un quinqua sous les applaudissements. « Ceux qui peuvent se payer la traversée sont blindés. Nous, on n’a pas d’argent », crie un autre. « Ma maison est invendable. C’est terminé pour moi et pour ma famille », ajoute une retraitée avant de déguerpir. « Les oppositions aux Cada sont de plus en plus récurrentes », commente Karine Bouteleux, directrice du pôle asile de Viltaïs. L’association est connue sur le territoire notamment pour avoir organisé l’accueil des réfugiés ukrainiens.

    Des habitants du coin, plus discrets par peur des représailles, ont proposé de donner des cours de français au Cada. « On peut être contre le projet, pas contre les humains », tranche un couple dont les enfants iront à l’école avec les jeunes demandeurs d’asile. Tandis que les opposants s’alarment d’une baisse du niveau scolaire, eux voient la possibilité de sauver une classe de la fermeture.

    De retour aux abords de la Mandrie, la gendarmerie patrouille. Viltaïs peaufine les derniers détails. Il y aura un surveillant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mesure exceptionnelle pour calmer les inquiétudes de la population. « J’espère que le RN ne fera pas d’esclandres », commente Karine Bouteleux. Les premières familles arrivent la semaine prochaine.

    https://www.liberation.fr/societe/en-correze-la-creation-dun-centre-pour-demandeurs-dasiles-seme-la-discord

    #anti-migrants #asile #migrations #réfugiés #France #hébergement #extrême_droite #CADA #opposition

    via @karine4

  • "Le coup d’État fasciste en Allemagne" (24 mars 1933)

    Thèses du courant trotskyste majoritaire dans la prison de Verkhnéouralsk (publiées dans Le Bolchevik-léniniste n° 2, 1933)

    Un texte fondamental paru dans Les Cahiers de Verkhnéouralsk (Les bons caractères, pp. 163-206, 2021).

    https://les-passages.ghost.io/le-coup-detat1-fasciste-en-allemagne-le-bolchevik-leniniste-ndeg-

    1 – Le coup d’État contre-révolutionnaire qui a lieu en Allemagne, la contre-révolution de mars, est un événement de la plus haute importance historique… […]
    2 – La #crise_économique_mondiale a profondément ébranlé les fondements de la société capitaliste. Même un Léviathan impérialiste comme les États-Unis tressaille sous ses coups… […]
    3 – Les impérialismes français, britannique, américain n’avaient qu’un seul moyen de préserver l’équilibre interne de Weimar et de Versailles en Allemagne et en Europe : annuler ou reporter la dette de l’Allemagne et lui consentir de nouveaux crédits… […]
    4 – Ce qui créait les conditions d’une montée impétueuse du fascisme dans les esprits, c’était donc l’impasse économique dans laquelle la situation du capitalisme d’après-guerre avait conduit l’Allemagne, la crise économique profonde et le système de #Versailles, dans un contexte de faiblesse de l’avant-garde prolétarienne… […]
    5 – En fin de compte, la contre-révolution de mars signifie la liquidation des vestiges de la révolution du 9 novembre [1918] et du système de Weimar. Mais cela signifie-t-il aussi en même temps le retour au pouvoir des forces sociales et politiques qui gouvernaient l’Allemagne avant la révolution de Novembre, autrement dit une restauration au sens propre et concret ? […]
    6 – La victoire du fascisme allemand marque la fin de l’ère du pacifisme démocratique d’après-guerre et porte un coup dur, peut-être fatal, à la démocratie bourgeoise en tant que forme de domination bourgeoise la plus répandue dans les pays clés du capitalisme… […]
    7 – La contre-révolution de mars se fonde sur le croisement et l’imbrication des facteurs objectifs suivants… […]
    8 – Le fascisme allemand ne « s’implante » pas dans la #république_de_Weimar, il ne se dissout pas en elle, ne s’adapte pas « au cadre et aux formes de la #démocratie_bourgeoise », il les démolit et les envoie au rebut par un coup d’État réalisé en alliance avec les junkers du parti « national », que dirige le président de la République… […]
    9 – Les forces motrices de la contre-révolution de mars sont les cercles les plus réactionnaires et les plus chauvins du capitalisme monopoliste en Allemagne, de l’#impérialisme_allemand qui, à travers son parti fasciste, a transformé en un soutien social la petite bourgeoisie et les travailleurs déclassés… […]
    10 – Il est difficile de déterminer avec précision l’équilibre actuel des forces de classe en Allemagne. Le #coup_d’État est toujours en cours et le rapport des forces change donc d’heure en heure. Une chose est certaine : c’est une classe ouvrière désorientée et divisée qui, avant le coup d’État et depuis, s’est trouvée confrontée et continue de l’être au front uni et consolidé de la réaction… […]
    11 – La fin de l’Allemagne de #Weimar et l’effondrement de l’équilibre européen signifient la mort de la #social-démocratie allemande et le début de la fin pour le réformisme… […]
    12 – Au fil des ans, l’#opposition léniniste a observé avec inquiétude comment se développaient les événements en Allemagne, expliquant constamment l’ampleur qu’ils prenaient et leur très grande importance historique. Elle a constamment et sans relâche signalé quel danger, pour l’ensemble du #mouvement_ouvrier mondial, mûrissait en Allemagne sous la forme du fascisme… […]
    13 – La facilité avec laquelle la #contre-révolution a accompli son coup d’État, la bureaucratie de l’IC l’expliquera, demain bien sûr, par la « passivité » du prolétariat « qui n’a pas voulu accepter » le combat, et non par le fait que ni le Komintern ni la direction du #KPD (sans même parler de la IIe Internationale et du #SPD) n’ont aucunement préparé le prolétariat à résister, n’ont pas opposé de résistance au coup d’État et n’ont pas appelé la classe ouvrière à le faire…
    14 – Même nous, #bolcheviks-léninistes de Russie, avons sous-estimé toute la profondeur de la #dégénérescence de la direction du #Komintern et des partis communistes des principaux pays capitalistes… […]
    15 – La #bureaucratie_stalinienne a fait des avances à Hitler pendant trois ans, le considérant comme le futur maître de l’Allemagne. Par toutes ses actions et celles du Komintern, elle l’a aidé à aller au pouvoir. Elle a mis le pied de #Hitler à l’étrier, comme elle l’avait fait autrefois pour #Tchang_Kaï-chek… […]
    16 – La victoire du fascisme donne-t-elle un répit supplémentaire au capitalisme ? Bien que notre époque soit et reste celle des révolutions prolétariennes, bien que la victoire du fascisme exacerbe à l’extrême les contradictions de classes et interétatiques, la victoire de Hitler n’en renforce pas moins temporairement la domination politique de la bourgeoisie, repoussant quelque peu les dates de la révolution prolétarienne… […]
    17 – Comment, hors d’#Allemagne, y a-t-il le plus de chances que se réorganisent les forces résultant du coup d’État fasciste ?.. […]
    18 – Par ses trahisons en chaîne, le stalinisme a affaibli et désorganisé le prolétariat mondial, dont le soutien a préservé jusqu’à maintenant les vestiges du système d’Octobre… […]
    19 – La victoire du fascisme allemand non seulement ne signifie pas une stabilisation du capitalisme, mais elle porte au contraire toutes ses contradictions à un nouveau niveau, plus élevé… […]
    21 – Le #réformisme s’est épanoui sur la base de la démocratie bourgeoise. La crise de cette dernière a été une crise de la social-démocratie… […]
    22 – Le fascisme se renforce au pouvoir et devient de plus en plus fort d’heure en heure. La #terreur des gardes blancs a déjà commencé… […]
    23 – Le #fascisme est un méandre de l’histoire, une anicroche historique dans la progression générale de la #lutte_de_classe et de la #révolution_prolétarienne mondiale. Mais notre tâche n’est pas de rassurer les masses… […]

    #nazisme #stalinisme #trotskysme #trotskisme #trotsky #militants_trotskystes #isolateur #prison #Sibérie #Verkhnéouralsk #traité_de_versailles

  • 9 mars 1952 : mort d’Alexandra Kollontaï

    [et non 1974, comme indiqué par erreur sur marxists.org]

    Textes : https://marxists.org/francais/kollontai/index.htm

    1909
    – Les problèmes de la prostitution
    – Les bases sociales de la question féminine

    1912 Le #prolétariat international et la guerre

    1916 Les internationalistes veulent-ils une scission ?

    1917 Nos tâches

    1918
    – La famille et l’Etat communiste
    – Avant-propos à « La lutte des travailleuses pour leurs droits »
    – Discours aux femmes travailleuses

    1919
    – Résolution sur le rôle des femmes travailleuses

    1920
    – La Journée Internationale des Femmes
    – L’Affranchissement de la femme

    1921 L’#Opposition_Ouvrière
    – Thèses sur la #morale_communiste dans le domaine des relations conjugales
    – La dernière esclave
    – La Conférence des Organisatrices-Communistes des Femmes de l’Orient
    – La #propagande parmi les femmes : rapport au Congrès de l’#Internationale_Communiste
    – Conférences à l’université Sverdlov sur la #libération_des_femmes

    1922
    – L’arrivée de Lénine à Petrograd

    1923
    – Place à l’Éros ailé ! (Lettre à la jeunesse laborieuse)

    1925 Article autobiographique
    – Premiers souvenirs sur Lénine

    1926
    – But et valeur de ma vie (extrait)

    1946
    – En pensant aux grandes choses, Lénine...
    s.d.
    – Lénine et le premier Congrès des femmes travailleuses
    – Lénine et les étoiles
    – La Première allocation
    – Lénine à #Smolny
    – Au Commissariat du peuple à l’Assistance publique
    – La voix de #Lénine

    #éphéméride #alexandra_kollontaï #bolchévik #révolution_russe #féminisme #marxisme #militante_féministe #communisme_révolutionnaire #féministe #amour_libre #amour_camaraderie #internationalisme

  • 20 février 1938 : « Léon Sédov, le fils – l’ami – le militant — dédié à la jeunesse prolétarienne » (Léon Trotsky)

    A l’instant où j’écris ces lignes, à côté de la mère de Léon Sédov, des télégrammes me parviennent de divers pays, m’apportant l’expression de condoléances. Et chacun de ces télégrammes suscite la même et insupportable question :

    « Ainsi tous nos amis de France, de Hollande, d’Angleterre, des Etats-Unis et du Canada et d’ici, au Mexique, considèrent comme définitif le fait que Sédov ne soit plus ? »
    Chaque télégramme est une preuve nouvelle de sa mort. Et pourtant, nous ne pouvons encore y croire. Et non pas seulement parce qu’il est notre fils, fidèle, dévoué, aimant. Mais avant tout, parce que plus que quiconque au monde, il est entré dans notre vie, s’y est lié avec ses racines, comme camarade d’idées, comme collaborateur, comme gardien, comme conseiller, comme ami.

    De cette génération aînée, dans les rangs de laquelle nous sommes entrés à la fin du siècle dernier, sur la route de la Révolution, tous, sans exception, ont été balayés de la scène. Ce que n’ont pu faire les bagnes du tsar, la déportation rigoureuse, les besoins des années d’émigration, la guerre civile et les maladies, Staline l’a fait au cours des dernières années, comme le fléau le plus malfaisant de la révolution. Après la génération aînée, a été anéantie la meilleure partie de la génération moyenne, c’est-à-dire celle qu’a suscitée 1917 et qui a reçu sa formation dans les 24 armées du front révolutionnaire. Piétinée sans traces la meilleure partie de la jeunesse, de la génération de Léon. Lui-même n’y a échappé que par miracle : grâce au fait qu’il nous a accompagnés en déportation et ensuite en Turquie. Au cours des années de notre dernière émigration, nous avons acquis de nombreux amis, et quelques-uns d’entre eux sont entrés étroitement dans la vie de notre famille, jusqu’à pouvoir être considérés comme ses membres. Mais tous nous ont approchés pour la première fois seulement dans ces dernières années, quand nous avons atteint le seuil de la vieillesse. Seul Léon nous a connu jeunes, et a participé à notre existence depuis le temps, où il a pris conscience de lui-même. Demeuré jeune, il fut comme de notre génération.

    Il a traversé avec nous notre deuxième émigration : Vienne, Zurich, Paris, Barcelone, New Amherst (le camp de concentration canadien) et, finalement, Pétrograd.

    Encore tout enfant – il allait sur ses douze ans – il avait à sa manière assimilé consciemment le passage de la révolution de février à celle d’octobre. Son adolescence s’est passée sous une haute pression. Il s’est ajouté une année pour entrer plus vite aux Jeunesses Communistes, qui brûlaient alors de toutes les ardeurs d’une jeunesse éveillée. Les jeunes boulangers, au milieu desquels il menait sa propagande, le gratifiaient d’un petit pain frais, et il le rapportait joyeusement sous le pan déchiré de sa veste. Ce furent des années brûlantes et froides, grandioses et affamées.

    De sa propre volonté, Léon quitta le Kremlin pour le logis en commun des étudiants prolétariens, afin de ne pas se distinguer des autres. Il refusait de s’asseoir avec nous dans l’auto, afin de ne pas jouir des privilèges des bureaucrates. En revanche, il prenait jalousement sa part dans tous les « samedis communistes » et autres « mobilisations de travail », il nettoyait la neige dans les rues de Moscou, « liquidait » l’analphabétisme, déchargeait le pain et le bois des wagons, et ensuite, en qualité d’élève polytechnicien, réparait les locomotives. Il ne s’est pas trouvé sur le front des opérations, c’est seulement parce que l’addition de deux et même trois années supplémentaires n’aurait pu l’aider : la guerre civile s’est terminée quand il avait seulement quinze ans. Mais plusieurs fois, il m’avait accompagné sur le front, s’imprégnant d’impressions sévères (rudes), et connaissait fermement le pourquoi de cette lutte sanglante.

    Les derniers télégrammes d’agence ont appris que Sédov vivait à Paris « dans les conditions les plus modestes ». Ajoutons, beaucoup plus modestes que celles des ouvriers qualifiés. Mais à Moscou, dons ces années où son père et sa mère occupaient de hautes fonctions, il ne vivait guère mieux que ces derniers temps à Paris, plutôt moins bien. Etait-ce une règle parmi la jeunesse bureaucratique ? Non, alors déjà, c’était une exception.

    Dans ce garçon, et plus tard dans l’adolescent, et dans le jeune homme, le sentiment du devoir et du sacrifice s’est éveillé de bonne heure.

    En 1923, Léon s’est brusquement et entièrement plongé dans le travail de l’opposition. II serait injuste de voir là seulement l’influence de ses parents. II avait quitté le bel appartement du Kremlin pour le logement en commun, froid, sale et sans pain, non seulement sans intervention de notre part, mais contre notre volonté.

    Son orientation politique a été déterminée par ce même instinct qui l’incitait à préférer les tramways surchargés de monde aux limousines du Kremlin. La plate-forme de l’Opposition a seulement donné une expression politique aux traits organiques de son caractère. Léon rompait inflexiblement avec les étudiants amis, que leurs pères bureaucrates arrachaient à coups de griffes du « trotskysme », et retrouvait le chemin de ses amis boulangers.

    Ainsi, à 17 ans, a commencé sa vie pleinement consciente de révolutionnaire. Il a vite assimilé l’art de la conspiration, des réunions illégales, de la presse secrète et de la diffusion des écrits oppositionnels.

    Le Komsomol a rapidement formé les cadres de ses chefs oppositionnels.

    Léon se distinguait par des qualités remarquables de mathématicien. Il venait infatigablement en aide aux étudiants prolétariens, n’ayant pas fait d’études secondaires. Et, dans ce travail, il mettait toute son ardeur, corrigeait, poussait en avant, grondant les paresseux. II considérait son jeune enseignement comme un service consacré à sa classe. Ses propres études à l’Institut technique supérieur se poursuivaient avec succès. Mais elles ne prenaient qu’une partie de sa journée de travail. La plus grande partie de son temps, il la donnait avec ses forces et son âme, à la cause de la révolution.

    En hiver 1927, quand commença la destruction politique de l’Opposition, Léon achevait sa vingt-deuxième année. Il avait déjà un enfant qu’il venait nous montrer avec fierté au Kremlin. Sons une minute d’hésitation, il s’est arraché à sa jeune famille et à son école, pour partager notre sort en Asie Centrale. II agissait non seulement comme un fils mais, avant tout, comme un camarade d’idées ; il fallait avant tout assurer notre liaison avec Moscou.

    Son travail à Alma-Ata, pendant toute une année, fut, en toute sincérité, incomparable. Nous le nommâmes ministre des Affaires étrangères, ministre de la police, ministre des P.T.T. Et, dans toutes ces fonctions, il fut obligé de s’appuyer sur un appareil illégal. Sur les instructions du Centre Oppositionnel de Moscou, le camarade X..., très dévoué et très sûr, avait acquis une voiture et une troïka de chevaux et travaillait en qualité de cocher indépendant entre Alma-Ata et Frounzé (Pichpek) alors station terminale de la ligne de chemin de fer.

    Le travail qui lui était dévolu était de nous apporter, toutes les deux semaines, le courrier secret de Moscou et de rapporter nos lettres et manuscrits à Frounzé où l’attendait le courrier de Moscou. Parfois, des courriers spéciaux nous arrivaient de Moscou. Les rencontrer n’était pas une chose facile à faire.

    Nous étions logés dans une maison de tous côtés entourée d’organisations de la Guépéou et des appartements de ses agents. Les rapports extérieurs reposaient sur Léon. Il quittait le logis par les nuits profondes, pluvieuses ou neigeuses, ou, trompant la vigilance des espions, il s’échappait dans la journée de la bibliothèque, retrouvant les agents de liaison à l’établissement des bains publics, ou dans les fourrés profonds, aux environs de la ville, ou encore au marché oriental où les Kirghizes grouillaient en foule, avec les chevaux, les ânes et les marchandises.

    Chaque fois, il revenait frémissant et heureux, avec une flamme guerrière dans les yeux et avec des acquisitions précieuses cachées sous le linge. Ainsi, pendant une année, il fut imprenable à l’adversaire.

    Et mieux que cela, il entretenait avec ces ennemis, « camarades » d’hier, les rapports les plus « corrects », presque « amicaux », montrant un self-contrôle et un tact constant et nous protégeant soigneusement de tout conflit avec l’extérieur.

    La vie idéologique de l’opposition était alors à son apogée. C’était l’année du 6º Congrès du Komintern. Dans les colis de Moscou arrivaient des dizaines de lettres, articles, thèses de célébrités et d’inconnus.

    Dans les premiers mois, jusqu’au changement brutal de la politique de la guépéou, de nombreuses lettres arrivaient aussi par la poste officielle des différents lieux de déportation.

    Dans ce matériel varié, il fallait opérer une soigneuse discrimination. Et là, je ne me convainquais qu’avec étonnement comment, d’une manière pour moi imperceptible, cet enfant avait eu le temps de mûrir, comme il savait bien choisir parmi les hommes, il connaissait une quantité beaucoup supérieure d’oppositionnels que moi. Combien sûr était son instinct révolutionnaire, lui permettant de distinguer sans hésitation le vrai du faux, le réel du superficiel. Les yeux de sa mère, qui connaissait davantage son fils, s’illuminaient de fierté à nos entretiens.

    D’avril à octobre, il nous arriva près de 1000 lettres politiques et documents et près de 700 télégrammes. Nous avons expédié, pour la même période, 800 lettres politiques, et, dans cette quantité, une série de travaux considérables comme la critique du programme du Komintern, etc. Sans mon fils, je n’aurais pu accomplir la moitié du travail.

    Une aussi étroite collaboration ne signifiait pas, toutefois, que des frictions ne s’élevaient pas entre nous, et parfois des différents aigus.

    Mes rapports avec Léon, pas plus à ce moment-là que plus tard, dans l’émigration, ne se distinguaient particulièrement – loin de là – par un caractère égal ni dépourvu d’aspérités.

    Je ne m’élevais pas seulement contre ses appréciations catégoriques à l’égard de certains « vieux » de l’opposition par des rectifications et des semonces énergiques, mais encore, je laissais apparaître, dans mes rapports avec lui, l’exigence et le formalisme qui me sont inhérents dans les questions pratiques.

    Ces traits peut-être utiles et même indispensables pour un travail de grande envergure, mais assez insupportables dans les relations privées, ont rendu la tâche difficile aux êtres qui me furent le plus proche. Et comme le plus proche d’entre tous les jeunes était mon fils, il a eu ordinairement plus à supporter que tous les autres. A un oeil superficiel, il pouvait même sembler que nos rapports étaient empreints de sévérité ou d’indifférence. Mais sous cette apparence existait un profond attachement réciproque, fondé sur quelque chose d’incomparablement plus grand que la communauté du sang : la communauté de vues et des jugements, les sympathies et les haines, les joies et les souffrances vécues ensemble, et les mêmes et grandes espérances. Et cet attachement mutuel s’illumina de temps à autre de flammes tellement vives, qu’elles récompensaient nos trois destins de la médiocre usure du quotidien.

    Ainsi nous vécûmes à 4000 Kms de Moscou, à 250 Kms de la voie ferrée, une année difficile et inoubliable, qui est restée toute entière sous le signe de Léon, ou plus exactement de « Lévik » ou de « Levoussetki », comme nous l’appelions.

    En janvier 1929, le bureau politique décréta mon bannissement « au-delà des limites de l’#URSS » et, comme il s’est avéré, en Turquie.

    Aux membres de ma famille fut laissé le droit de m’accompagner. De nouveau sans hésitation, Léon décida de nous suivre en exil, se séparant à jamais de sa femme et de son fils qu’il aimait beaucoup.

    Dans notre vie s’ouvrit un nouveau chapitre, avec une page presque vierge : relations, amitiés, liaisons, il fallut nouer tout cela à nouveau. Et de nouveau notre fils devint pour nous tous l’intermédiaire dans les rapports avec le monde extérieur, le gardien, le collaborateur, le secrétaire, comme à #Alma-Ata, mais sur un plan de beaucoup plus vaste. Les langues étrangères qu’il possédait, étant enfant, mieux que le russe, se trouvèrent presque oubliées dans la fièvre des années révolutionnaires.

    II fallut les étudier à nouveau. On commença un travail littéraire approprié. Les archives et la bibliothèque étaient entièrement dans les mains de Léon. Il connaissait bien les oeuvres de Marx, d’Engels et de #Lénine, il connaissait à merveille mes livres et manuscrits, l’histoire du parti et de la révolution, l’histoire des falsifications thermidoriennes. Dans le chaos même de la bibliothèque publique d’Alma-Ata, il avait étudié les collections de la Pravda des années soviétiques et avait tiré d’elles, avec un esprit d’investigation sans faille, les citations et les extraits indispensables. Sans cette documentation précieuse et sans les recherches ultérieures faites par Léon dans les archives et les bibliothèques, d’abord en #Turquie, ensuite à Berlin, finalement à Paris, pas un des travaux que j’ai écrits au cours de ces dix dernières années n’eut été possible, et en partie L’Histoire de la Révolution Russe. Sa collaboration, incalculable par sa quantité, n’avait pourtant pas qu’un caractère « technique ». Le choix personnel des faits, des citations, des caractéristiques, prédéterminait ma méthode de développement, ainsi que les conclusions. Dans #la_Révolution_Trahie, il y a pas mal de pages écrites par moi sur les données de quelques lignes extraites des lettres de mon fils et des illustrations tirées par lui des journaux soviétiques qui m’étaient inaccessibles. Encore plus de matériaux m’ont été fournis par lui pour la biographie de Lénine. Une telle collaboration était seulement possible parce que notre solidarité idéologique était entrée dans le sang et dons les nerfs. Presque tous mes livres à partir de l’année 1928 devraient en toute justice porter le nom de mon fils à côté du mien.

    A Moscou, il restait à Léon une année et demie jusqu’à l’achèvement de sa formation d’ingénieur. Nous insistions avec sa mère pour qu’il revint à l’étranger aux études abandonnées. Une nouvelle équipe de jeunes collaborateurs de tous les pays avait eu entre temps le loisir de se former à Prinkipo, en étroite collaboration avec mon fils. Léon ne consentit au départ que sous la pression du fait que, en Allemagne, il pouvait rendre d’inappréciables services à l’#Opposition_de_gauche internationale

    Ayant repris à Berlin ses occupations estudiantines (il fallut repartir au commencement), Léon en même temps s’était consacré tout entier au travail révolutionnaire. Bientôt il entra au Secrétariat International en qualité de représentant de la section russe. Ses lettres d’alors à sa mère démontrent avec quelle rapidité il s’était assimilé à l’atmosphère politique de l’Allemagne et de l’Europe Occidentale, comme il savait bien distinguer parmi les hommes et discerner parmi leurs divergences et les nombreux conflits de cette période infantile de notre mouvement. Son instinct révolutionnaire, enrichi déjà d’une sérieuse expérience, l’aidait à trouver la voie juste dans presque tous les cas, d’une manière indépendante. Comme nous nous réjouissions de trouver dans ses lettres fraîchement décachetées, les mêmes raisonnements et conclusions que je recommandais la veille à son attention. Et combien, passionnément et sobrement, se réjouissait-il de telles rencontres dans nos idées. Le recueil des lettres de Léon constituera indubitablement une des sources les plus précieuses pour l’étude de la préhistoire intérieure de la Quatrième Internationale.

    Mais les affaires russes demeuraient au centre de ses préoccupations. Encore à Prinkipo, il devint l’éditeur effectif du Bulletin de l’Opposition russe dès son apparition (mi-1929 et avait complètement pris en charge ce travail dans ses mains depuis son départ à Berlin ( début 1931 ), d’où le Bulletin fut transféré à sa suite à Paris. La dernière lettre de Léon que nous avons reçue, écrite le 4 Février 1938, douze jours avant sa mort, commence par ces mots :

    « Je vous envoie les épreuves du Bulletin, car le prochain bateau ne partira pas de sitôt, et le Bulletin ne sera prêt que demain matin. »
    La sortie de chaque numéro fut un petit événement dans sa vie – petit événement qui coûtait de grands efforts –. La composition du Bulletin, la finition des matériaux bruts, la rédaction des articles, une correction minutieuse, l’expédition, la correspondance avec les amis et les correspondants et ce qui ne vient pas à la dernière place, ce qui n’était pas le moins important la recherche des moyens financiers. En revanche, comme il s’enorgueillissait de chaque numéro « réussi ». Dans les premières années de l’émigration, il entretenait une correspondance considérable avec les oppositionnels en U.R.S.S. Mais en 1932, la Guépéou rompit presque tous nos liens.

    II fallut chercher des informations fraîches par des voies détournées.

    Léon était toujours sur le « qui-vive », cherchant avidement des tuyaux de Russie, s’emparant des touristes revenus d’U.R.S.S., des étudiants soviétiques en mission et des fonctionnaires sympathisants des Représentations à l’étranger. Il parcourait Berlin pendant des heures entières et ensuite Paris, pour semer les agents de la Guépéou à sa poursuite et ne pas compromettre ses informateurs. Pendant toutes ces années, il n’y eut pas un cas où quelqu’un eût à souffrir de son manque de vigilance, de son inattention ou de son manque de discernement.

    Sur les rapports de la #Guépéou, il figurait sous le sobriquet de « fiston », ainsi que nous en informait l’infortuné Reiss ; on a dit plus d’une fois à la Lublianka :

    "Le « Fiston » travaille habilement, le « Vieux » l’aurait dure sans lui."
    C’était la vérité. La tâche n’eût pas été facile sans lui ! Justement pour cette raison, les agents de la Guépéou, pénétrant aussi dans les organisations de l’Opposition, entouraient Léon d’un filet épais d’observations, d’intrigues, de pièges. Dans les procès de Moscou, son nom figurait invariablement à côté du mien. Moscou cherchait le moyen d’en finir à tout prix avec lui.

    Après l’arrivée de Hitler au pouvoir, le Bulletin de l’Opposition fut immédiatement interdit. Léon passa en Allemagne encore quelques semaines, menant un travail illégal et se cachant de la Gestapo dans les appartements étrangers. Nous sonnâmes l’alarme avec sa mère, insistant sur un départ immédiat de l’Allemagne. Au printemps 1933, Léon se décida enfin à abandonner un pays qu’il avait eu le temps de connaître et d’aimer et se logea à Paris où le suivit le Bulletin. Ici, Léon recommença ses études à nouveau : il fallut passer un examen dans une école française d’enseignement secondaire, ensuite, pour la troisième fois, recommencer en Sorbonne, depuis le début, ses études de Physique et de Mathématiques à la Faculté des Sciences. Il vivait à Paris dans des conditions difficiles, dans le besoin, s’occupant par à-coups de ses études universitaires, mais, grâce à des dispositions remarquables, il put mener ses études à bonne fin, c’est-à-dire jusqu’au diplôme.

    Ses principaux efforts, à Paris, étaient consacrés, encore plus qu’à Berlin à la #révolution et à une collaboration littéraire avec moi. Dans les dernières années, Léon commença à écrire lui-même plus systématiquement pour la presse de la Quatrième Internationale. A des signes divers, notamment à la rédaction de ses mémoires, pour mon autobiographie, j’ai commencé à soupçonner en lui, encore à Prinkipo, des dispositions littéraires. Mais il était surchargé par toutes sortes d’autres travaux, et, comme les idées et les thèmes nous étaient communs, il me consacrait toujours son activité d’écrivain.

    En Turquie, il écrivit, à ce qu’il m’en souvient, seulement un article de dimensions plus importantes : « Staline et l’Armée Rouge ou comment on écrit l’histoire », sous la signature de Markine, matelot révolutionnaire, auquel l’unissait, dans ses années d’enfance, une amitié colorée d’une véritable adoration. Ce travail entra dans mon livre « Les crimes de Staline ». Ultérieurement, ses articles ont paru toujours plus fréquemment, dans les pages du Bulletin et autres publications de la Quatrième Internationale, chaque fois sous la pression des nécessités. Léon écrivit seulement quand il avait quelque chose à dire et qu’il savait que nul autre ne pourrait l’exprimer mieux. Dans la période norvégienne de notre vie, je recevais de divers côtés des lettres me demandant d’analyser le mouvement stakhanoviste, qui atteignit, dans une certaine mesure, notre mouvement à l’improviste. Quand il apparut que le prolongement de ma maladie ne pourrait me permettre de faire face à ce problème, Léon me fit parvenir le projet de son article sur le stakhanovisme avec une lettre d’introduction très modeste. Le travail me parut, par son sérieux et par sa pénétration, embrasser la question sous tous ses aspects, plein de concision et de relief dans l’argumentation.

    Je me souviens quelle joie causa mon approbation chaleureuse à Léon. L’article fut imprimé en plusieurs langues et établit immédiatement un point de vue juste sur l’édification socialiste sous le fouet de la bureaucratie. Des dizaines d’articles ultérieurs n’ont rien ajouté de concret à cette analyse.

    Le principal ouvrage littéraire de Léon fut toutefois son livre « Le Procès de Moscou », consacré au procès des seize (Zinoviev, Kamenev et autres) et publié en français et en allemand. Nous nous trouvions alors, avec ma femme, dans la prison norvégienne, pieds et mains liés, sous les coups de la plus monstrueuse des calomnies. A certains degrés de la paralysie, les êtres voient, entendent et comprennent tout, mais sont incapables de remuer le petit doigt pour écarter un danger mortel.

    Le gouvernement « socialiste » norvégien nous contraignit à cette paralysie politique. Dans ces conditions, le livre de Léon fut pour nous un présent inappréciable, première et cinglante réplique aux falsifications du Kremlin. Je me souviens que les premières pages m’en parurent plutôt pâles ; ceci parce qu’elles répétaient une appréciation politique de l’ensemble de la situation en U.R.S.S. déjà faite précédemment.

    Mais à partir du moment où l’auteur a abordé l’analyse personnelle du procès lui-même, je me suis senti tout à fait entraîné. Chaque nouveau chapitre me paraissait meilleur que le précédent. « Bravo, Levoussetka, » nous disions nous avec ma femme. « Nous avons un défenseur ! » Comme ses yeux devaient briller joyeusement en lisant nos louanges chaleureuses !

    Dans certains journaux, et en partie dans l’organe central de la social-démocratie danoise, on émettait la conviction que, malgré les conditions rigoureuses de l’internement, j’avais visiblement trouvé le moyen de prendre part à l’ouvrage paru sous le nom de Sédov. « On sent la main de Trotsky ». Tout cela, inventions ! Dans le livre, il n’y a pas une ligne de moi.

    Beaucoup de camarades qui étaient enclins à considérer Sédov seulement comme le fils de Trotsky – comme en Karl Liebknecht, on n’a vu pendant longtemps que le fils de Wilhelm Liebknecht – ont eu la possibilité de se convaincre, ne fut-ce QUE PAR ce livre, qu’il représentait une personnalité indépendante, mais une personnalité d’envergure.

    Léon écrivait comme il faisait tout le reste, c’est-à-dire consciencieusement : il étudiait, réfléchissait, vérifiait. La gloire littéraire lui était étrangère. Les déclamations de propagande ne le séduisaient guère. En même temps, chaque ligne écrite par lui est illuminée par une flamme vivante dont la source était son rare tempérament révolutionnaire.

    Les événements de sa vie privée et familiale de notre époque, ont formé son caractère et l’ont trempé. En 1905, sa mère attendait sa naissance dans une prison de Pétersbourg.

    Le vent de libéralisme l’en a fait sortir en automne. l’enfant est venu au monde en février de l’année suivante. A ce moment-là, j’étais déjà en prison. Voir mon fils pour la première fois ne me fut possible que treize mois après, lors de l’évasion de Sibérie. Ses toutes premières impressions furent imprégnées du souffle de la première révolution russe, dont la défaite nous jeta en Autriche. La guerre frappa la conscience de ce garçon de huit ans, en nous rejetant en Suisse. Mon expulsion fut la seconde de ses grandes leçons.

    Sur le paquebot, il tenait des conversations révolutionnaires mimées avec le chauffeur catalan. La révolution signifiait pour lui tous les biens et, avant tout, le retour en Russie. Sur la route du retour d’Amérique, à Halifax, Lévik, âgé de douze ans, avait frappé du poing un officier britannique. II savait qui frapper : non les matelots qui m’emportaient du navire, mais l’officier qui commandait. Au Canada, au moment de mon internement au camp de concentration Léon apprit à dissimuler et à jeter furtivement à la boite les lettres non contrôlées par la police. A Pétrograd, il fut brusquement plongé dans une atmosphère de poursuite anti-bolchévique.

    A l’école bourgeoise où il se trouva d’abord, les fils de libéraux et des S.R. le battaient parce que fils de Trotsky.

    Il vint un jour au Syndicat des ouvriers du bois où travaillait sa mère, avec la main ensanglantée ; c’était le résultat d’une explication politique avec les fils des kérenskystes. Il se joignait dans la rue à toutes les manifestations et se cachait dans les portes cochères des forces armées du Front Populaire de l’époque (coalition des cadets, des S.R. et des menchéviks). Après les journées de juillet, amaigri et pâle il me rendait visite dans la prison de Kérenski et de Tséretelli. Dans la famille d’un colonel ami, au cours d’un déjeuner, Léon et Serge se jetèrent armés de couteaux sur un officier qui avait déclaré que les bolchéviks étaient des agents du Kaiser. Ils répondirent d’une manière à peu près analogue à l’ingénieur Sérébrowsky, plus tard membre du C.C. stalinien qui essaya de les persuader que Lénine était un espion allemand.

    Lévik apprit tôt à faire grincer ses jeunes dents à la lecture de la calomnie des journaux. Il passa les journées d’Octobre avec le matelot Markine qui, à ses heures de loisir, lui enseignait l’art du tir, dans la cave.

    Ainsi s’est formé le futur militant. La révolution n’était pas pour lui une abstraction, oh, non ! Elle le pénétrait par les pores de sa peau. C’est pourquoi il agissait sérieusement avec le devoir révolutionnaire commençant par les volontaires des samedis communistes et finissant par les traînards. C’est pourquoi plus tard, il est entré si ardemment dans la lutte contre la bureaucratie. En automne 1927, Léon accomplissait un voyage oppositionnel à travers l’Oural, en compagnie de Mratchkowsky et de Deloborodov. Au retour tous deux parlaient avec un enthousiasme sincère de la conduite de Léon, au cours d’une lutte aiguë et sans espoir, de ses interventions sans compromis aux réunions de la jeunesse, de son courage physique devant les bandes d’apaches suscitées par la bureaucratie, de sa virilité morale, lui permettant de subir la défaite en portant haut sa jeune tête. Quand il revint de l’Oural, devenu homme en six semaines, j’étais déjà exclu. II fallait s’apprêter pour la déportation.

    Il n’y avait en lui aucun manque de discernement, ni aucune forfanterie, loin de là. Mais il savait que le danger était l’essence de la révolution comme de la guerre. Il savait, quand il le fallait, et il le fallait souvent, aller au devant du danger. Sa vie, en France, où la Guépéou a des amis à tous les étages de l’édifice étatique, était une chaîne ininterrompue de dangers. Des assassins professionnels étaient sans relâche à ses trousses. Ils vivaient à côté de son appartement. Ils volaient ses lettres, ses archives et écoutaient ses conversations téléphoniques. Quand après sa maladie, il passa deux semaines sur les bords de la Méditerranée, son seul repos au cours de longues années, les agents du Guépéou prirent pension au même hôtel. Quand il se prépara à partir pour Mulhouse afin de rencontrer l’avocat suisse, à propos de l’affaire des calomnies staliniennes dans la presse, toute une bande de la Guépéou l’attendait à la gare de Mulhouse, celle-là même qui, plus tard assassina Ignace REISS. Léon échappa à une perte certaine, seulement grâce à ce que, tombé malade la veille, il ne pouvait quitter Paris avec une température de 40º. Tous ces faits sont établis par les autorités judiciaires de France et de Suisse. Et combien de secrets restent-ils non encore dévoilés ? Ses amis les plus proches nous écrivaient il y a trois mois, qu’à Paris, il courait un trop grand danger, et insistaient pour son départ pour le Mexique. Léon répondait que le danger était certain à Paris, mais que c’était un poste de combat trop important et que l’abandonner serait criminel. II ne restait qu’à s’incliner devant cette raison.

    Quand, à l’automne de l’année dernière, commença une série de rupture entre les agents soviétiques à l’étranger, le Kremlin et la Guépéou, Léon se trouva au centre de ces événements. Certains amis protestaient contre ses relations avec ces nouveaux alliés non encore « éprouvés » : une provocation était possible. Léon répliquait : le risque est indéniable, mais impossible de développer ce mouvement important en restant à l’écart. Il fallait prendre Léon, cette fois encore, tel que l’avaient fait la nature et les circonstances politiques. Comme un vrai révolutionnaire, il appréciait la vie seulement dans la mesure où elle servait la lutte libératrice du prolétariat.

    Le 16 février, les journaux mexicains du soir imprimèrent un court télégramme annonçant la mort de Léon Sédov à la suite d’une intervention chirurgicale. Pris par un travail urgent, je n’avais pas vu ces journaux. Diégo Rivera contrôla par radio de sa propre initiative et vint m’apporter la terrible nouvelle. Au bout d’une heure, j’ai appris la mort de notre fils à Natalia – dans ce même mois de février où, 32 ans plus tôt, elle m’avait appris en prison sa naissance. Ainsi s’acheva ce 16 février, la journée la plus noire de notre vie privée.

    Nous nous attendions à beaucoup, presque à tout, mais pas à cela. C’est que très peu de temps avant, Léon nous avait fait part de son intention d’entrer comme ouvrier dans une usine. En même temps, il exprimait l’espoir d’écrire, pour un centre d’études, l’histoire de l’opposition russe. II était rempli de projet. Seulement deux jours avant que la nouvelle de sa mort ne nous parvint, nous reçûmes de lui une lettre énergique et pleine de vie, datée du 4 février. Elle est devant moi. « Nous nous préparons au procès en Suisse ; l’affaire concerne la mise en jugement des participants à l’assassinat d’Ignace Reiss, écrivait-il l’atmosphère y est très favorable en ce qui concerne l’opinion publique et aussi l’attitude des autorités. » Il énumérait une série d’autres faits et symptômes favorables. « En somme, nous marquons des points. » La lettre respirait la confiance dans l’avenir. D’où provenait donc ce mal et cette mort fulgurante au bout de 12 jours ?

    Première et essentielle supposition : le poison. Trouver accès auprès de Léon, de ses vêtements, de sa nourriture n’offrait guère de difficultés aux agents de Staline. Est-ce qu’une enquête judiciaire, même libérée des raisons diplomatiques peut, à cet égard, parvenir à la pleine lumière ? En relation avec la guerre, la chimie et l’art de l’empoisonnement ont atteint, ces temps derniers, un développement tout particulier. Les secrets de cet art sont à vrai dire inaccessibles aux simples mortels. Mais aux empoisonneurs de la Guépéou tout est accessible. Il est tout à fait possible d’admettre qu’un tel poison, ne laissant pas de traces après le décès, même à la plus minutieuse des analyses. Et où sont les garanties de la minutie ?

    Ou bien l’ont-ils tué sans le secours de la chimie ? Il a fallu trop supporter à ce jeune être, très sensible et très tendre, dans les profondeurs de sa nature. Une campagne de plusieurs années déjà contre son père et les meilleurs de ses camarades aînés, que Léon s’est habitué dès l’enfance à respecter et à aimer, avait profondément secoué son organisme moral. Une longue suite de capitulations des participants de l’opposition ne lui a pas porté un coup moins rude. Ensuite suivit le suicide à Berlin de Zina, ma fille aînée, que Staline avait traîtreusement, par pure vengeance, arrachée de ses enfants, de sa famille, de son milieu. Léon se trouva sur les bras le cadavre de sa soeur aînée et un enfant de 6 ans. Il résolut d’essayer d’obtenir une communication téléphonique avec son frère cadet, Serge, à Moscou. Est-ce que la Guépéou avait perdu la tête devant le suicide de Zina, ou espérait-elle surprendre quelque secret, le fait est que la communication fut établie, contre toute attente, et Léon réussit à communiquer de vive voix la nouvelle tragique à Moscou. Telle fut l’ultime conversation des deux frères, condamnés déjà, sur le corps encore chaud de leur soeur. Les communications de Léon à Prinkipo sur ce qu’il venait de vivre furent courtes, avares, mesurées. Il nous épargnait trop. Mais sous chaque ligne se sentait l’insupportable tension morale.

    Les difficultés matérielles et les privations, Léon les supportait facilement, comme un vrai prolétaire, en plaisantant mais elles aussi, naturellement, laissèrent leur trace. Infiniment plus destructives furent les épreuves morales ultérieures. Le procès des seize à Moscou, le caractère monstrueux de l’accusation, les dépositions hallucinantes des accusés, et dans ce monde Smirnov et Mratchkowsky, que Léon connaissait bien et aimait, l’internement inattendu de son père et de sa mère en Norvège, quatre mois sans nouvelles, le vol des archives, notre déportation secrète avec ma femme au Mexique, le deuxième procès de Moscou, avec des accusations et des aveux encore plus délirants, la disparition de son frère Serge, sous l’accusation « d’empoisonnement d’ouvriers », les innombrables exécutions d’hommes qui furent autrefois des amis proches ou qui le restèrent jusqu’au bout, les poursuites et lès attentats de la Guépéou en France, l’assassinat de Reiss en Suisse, le mensonge, la bassesse, la trahison et les pièges – non, le « stalinisme » – était pour Léon autre chose qu’un phénomène politique abstrait, mais une série ininterrompue de coups moraux et de défaites psychiques. Fallut-il aux spécialistes moscovites recourir à la chimie afin de parachever leur oeuvre, ou suffisait-il de tout ce qu’ils avaient fomenté auparavant, le résultat demeure le même : ILS L’ONT ASSASSINÉ. Et la nouvelle de sa mort fut marqué comme un grand triomphe au calendrier thermidorien.

    Avant de le tuer, ils firent tout pour calomnier et noircir notre fils aux yeux des contemporains et des générations à venir. Caïn-Djougachvili et ses acolytes essayèrent de transformer Léon en agent du fascisme et en partisan secret d’une restauration capitaliste en URSS, en organisateur de catastrophes de chemin de fer et en assassin d’ouvriers. Grands furent les efforts de ces crapules ! Des tonnes de boue thermidorienne tombent sur sa jeune image sans y laisser une seule tâche. Léon était essentiellement un être humain d’une propreté et d’une honnêteté transparentes. II pouvait raconter sa vie à n’importe quelle assemblée ouvrière, sa vie brève par ses jours comme court est mon récit.

    II n’avait rien à se reprocher, rien à sceller. L’honnêteté morale était le fil conducteur de son caractère. II servait sans fléchir la cause des opprimés et, en cela, il restait fidèle à lui-même. Des mains de la nature et de l’histoire, il est issu homme d’une trempe héroïque. Les grands et terribles événements qui s’approchent de nous auront besoin de tels êtres. Si Léon avait vécu jusqu’à ces événements, il aurait montré sa vraie mesure. Mais il ne les a pas atteints. Notre Léon n’est plus, notre enfant, notre fils et militant héroïque !

    Avec sa mère, qui fut pour lui l’être le plus proche en ce monde, nous vivons ces heures terribles, évoquant son image, trait pour trait, ne pouvant croire qu’il n’est plus, et pleurons car il n’est plus possible de ne pas le croire.

    Comment nous habituer à cette idée qu’est disparu, sur l’étendue terrestre, le lumineux point humain, qui nous fut lié par les fils indestructibles des souvenirs communs, de la compréhension mutuelle et d’un tendre attachement. Personne ne nous connaissait ni ne nous connaît comme lui, avec nos côtés forts et nos côtés faibles. II était une part, la part jeune de nous deux. Pour cent raisons, nos pensées et nos sentiments allaient chaque jour vers lui, à Paris. Avec notre garçon est mort tout ce qui demeurait en nous de jeune.

    Adieu, Léon ! Adieu, cher et incomparable ami ! Nous ne pensions pas, avec ta mère, nous ne nous attendions pas à ce que le sort nous chargeât de cette terrible tâche : écrire ta nécrologie. Nous vivions avec la ferme certitude que longtemps après nous encore, tu serais le continuateur de l’oeuvre commune. Mais nous n’avons pas su te protéger. Adieu Léon ! Nous léguons ta pure mémoire à la jeune génération ouvrière de ce monde. Tu auras droit de cité dans les oeuvres de ceux qui travaillent, souffrent et luttent pour un monde meilleur.

    JEUNESSE RÉVOLUTIONNAIRE DE TOUS LES PAYS, PRENDS NOUS LE SOUVENIR DE NOTRE LÉON, ADOPTE LE, IL LE MÉRITE ET QUE, DÉSORMAIS, IL PARTICIPE INVISIBLE A TES LUTTES, PUISQUE LE SORT LUI A REFUSÉ LE BONHEUR DE PRENDRE PART A LA VICTOIRE FINALE.

    LÉON TROTSKY
    20 février 1938 – COYOACAN (Mexique)

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  • Les Cahiers de Verkhnéouralsk - Écrits de militants trotskystes soviétiques 1930-1933 (Lutte de Classe n°222 - 13 février 2022)

    Des textes émanant de trotskystes soviétiques du début des années 1930 parus aux éditions Les Bons Caractères.

    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2022/02/20/les-cahiers-de-verkhneouralsk-ecrits-de-militants-trotskyste

    https://www.lesbonscaracteres.com/livre/les-cahiers-de-verkhneouralsk

    C’est du fond d’une des plus sinistres prisons russes des années 1930, située au sud de l’Oural, que le hasard de travaux dans une cellule a permis de découvrir une profusion de journaux et écrits clandestins de membres de l’Opposition de gauche que Staline y avait fait enfermer.

    Nous publions huit de ces textes, la plupart traduits pour la première fois. De leurs auteurs, on ne connaissait parfois que le nom, et encore, tant la dictature stalinienne a voulu effacer jusqu’à la mémoire des militants qui restèrent fidèles aux idéaux d’Octobre 1917. Ils combattaient avec Trotsky la #dégénérescence du premier État issu d’une révolution ouvrière victorieuse. Ce que la dictature stalinienne ne pouvait tolérer. Car l’activité et l’existence même de ces milliers de #bolcheviks-léninistes représentaient une dénonciation vivante du stalinisme, de ce régime défenseur d’une #bureaucratie parasitaire qui écrasait la classe_ouvrière, qui trahissait les intérêts de la révolution socialiste #mondiale et qui donnait une image dévoyée et sanglante du communisme. Face à cette monstrueuse régression, il n’y eut alors que ces militants pour défendre les traditions de luttes et les idéaux du mouvement ouvrier. Jusqu’à ce que #Staline, qui n’avait pu en venir à bout, les fasse exécuter en masse dans ses camps en 1937.

    #stalinisme #Opposition_de_gauche #trotskisme #militants_trotskistes #révolution_russe

    • Face à ce que #Victor_Serge appela «  minuit dans le siècle  », ils tinrent bon. On voit dans leurs écrits leur lucidité quant à l’ampleur du reflux de la #révolution, et leur conviction que, quel que fût leur sort – et ils n’avaient pas d’illusions sur ce que le #stalinisme leur réservait –, il importait avant tout de préserver un héritage, de maintenir un drapeau  : ceux du #communisme_révolutionnaire et de l’#internationalisme, pour qu’ils puissent servir de guide aux générations futures de combattants de la cause ouvrière. Car même face à cette avalanche de trahisons, de défections et de défaites provoquées par le stalinisme et la #social-démocratie, ils avaient la certitude que tôt ou tard sonnerait l’heure de la «  lutte finale  ».

      Leur conviction inébranlable que la #classe_ouvrière a la capacité de transformer la société et que l’avenir appartient au #communisme, leur dévouement à la cause de la #révolution_mondiale, se lisent à chaque ligne des Cahiers. À huit décennies de distance, ce qu’ils nous lèguent là s’adresse tout particulièrement aux jeunes générations militantes, pourvu qu’elles prennent conscience que le système capitalisme, avec ses crises, ses guerres et ses horreurs, ne mérite qu’une chose  : être définitivement relégué au rayon de ce qui aura précédé l’avènement d’une humanité libérée de toute oppression et enfin digne d’elle-même.

    • Un autre livre sur Verkheouralsk :

      Verkhne-Ouralsk, l’isolateur politique 1925-1938, combats, débats et extermination d’une génération , d’AVSHALOM BELLAÏCHE

      A propos des #trotskystes de Verkhne-Ouralsk, ce papier de Jean-Jacques Marie
      https://cahiersdumouvementouvrier.org/a-propos-des-trotskystes-de-verkhne-ouralsk

      En janvier 2018 des ouvriers du bâtiment travaillant dans une vieille prison de la petite ville de #Verkhneouralsk, près de la ville de Tcheliabinsk, ont découvert sous le parquet d’une cellule des publications artisanales rédigées par des trotskystes déportés en 1929-1930. Ces déportés se désignent du nom de bolcheviks-léninistes pour souligner leur continuité avec l’héritage d’octobre 1917 dont #Lénine a été le véritable inspirateur. La #bureaucratie stalinienne ne pourra évidemment reproduire cette désignation et lui substitue le nom de « #trotskystes », qui vise à suggérer une filiation extérieure , puis étrangère à Lénine, et, au fil des années, en fait le synonyme de #menchéviks, contre-révolutionnaires, agents des services secrets divers et variés, puis fascistes et hitlériens mal déguisés. Mais le qualificatif de « trotskyste », malgré ses origines pour le moins malveillantes, est entré dans les moeurs.

      A quelques mois de distance sont parus deux ouvrages portant sur ces documents qui avaient échappé à la surveillance de la police politique de Staline, l’un écrit par Avshalom Bellaïche sous le titre Verkhne-Ouralsk l’isolateur politique 1925-1938, combats, débats et extermination d’une génération. L’autre intitulé Les cahiers de Verkhneouralsk, traduit, présenté et annoté par Pierre Laffitte, Pierre Matttei et Lena Razina, publié par Les bons caractères.

      Ce petit article porte sur le livre de Bellaïche un second sur celui des bons caractères suivra.

      #Avshalom_Bellaïche précise d’emblée que les textes dénichés par les ouvriers du bâtiment sont « des écrits politiques, des analyses théoriques et des textes polémiques »,qu’il qualifie à bon droit de « sources exceptionnelles, originales et précieuses » sur les trotskystes en URSS, sur leurs réflexions et leurs débats politiques, parfois très vifs mais qui témoignent toujours d’une indépendance de pensée remarquable au moment même où en URSS les slogans les plus primitifs et les mensonges les plus grossiers commencent à remplacer toute forme de pensée politique. Avshalom Bellaïche retrace minutieusement l’histoire de l’isolateur de #Verkhne-Ouralsk, connue jusqu’alors surtout par le récit qu’en donne dans son Au pays du mensonge déconcertant l’opposant yougoslave Anton Ciliga qui y fut déporté.

      Bellaïche souligne que son travail vise à « décrire au maximum les conditions de vie des prisonniers (…) et à montrer comment les prisonniers par leur organisation et leur cohésion politique parviennent alors que l’Union soviétique s’enfonce dans le régime totalitaire (…) à maintenir un rapport de force favorable qui leur permet de défendre leurs libertés politiques. » Il évoque à la fois leurs longues discussions et leurs actions comme la grève de la faim d’avril 1931 qui contraint la direction de l’isolateur à faire quelques concessions aux détenus consignées dans un texte que Bellaïche reproduit .

      La cohésion morale des détenus trotskystes n’empêche pas l’apparition rapide de divisions politiques, parfois vives, face à ce que l’on a appelé « le tournant à gauche » de Staline et de l’appareil du PC avec le lancement en 1929 du plan quinquennal et le déclenchement de la collectivisation agricole avec des méthodes d’une extrême brutalité, qui vont dresser contre elle une grande partie de la paysannerie soviétique, méthodes dont les militants internés n’avaient au début qu’une connaissance réduite.

      Une minorité approuve cette collectivisation, l’un de ses membres s’affirmant même partisan d’une « collectivisation à outrance », que la majorité des B-L critiquent vu l’absence de base matérielle technique et de véritable campagne politique préparatoire.

      Ce qu’on connaissait des débats vifs qui agitent la colonie des bolcheviks-léninistes, la plus importante et de loin des groupements politiques déportés à Verkhne-Ouralsk, se limitait jusqu’alors essentiellement à une correspondance avec Trotsky publiée dans le numéro 7/8 (1981) des Cahiers Leon Trotsky dont les derniers textes datent de l’automne 1930 et ce qu’en dit Ciliga dans ses souvenirs. Sur ce dernier Avshalom Bellaïche affirme : « Anton Ciliga escamote complètement l’état réel des discussions qui ont traversé les bolchevils-léninistes. » Et il ajoute, à bon droit, « Grâce à la découverte des manuscrits qui datent de 1932 nous connaissons enfin les enjeux et les débats qui ont réellement opposé les différentes tendances au sein du collectif bolchevik-léniniste ». Certes son étude minutieuse et précise des documents disponibles corrige certaines affirmations de Ciliga ou comble certains de ses silences. Mais Ciliga est partie prenante de ces débats dans lesquels il est très engagé et dont il n’est pas surprenant qu’il en donne une vision partiale et orientée, d’autant qu’à leur terme il rompra avec le bolchevisme… et – après la publication de ses souvenirs – évoluera très à droite.

      Les longues pages qu’Avshalom Bellaïche consacre aux débats internes des bolcheviks–léninistes aux divergences puis aux divisions – parfois provisoires – que ces débats font apparaitre sont sans doute les plus riches et les plus passionnantes de son travail. Elles témoignent de la volonté acharnée de ces militants isolés de réfléchir avec leur tête. Certes ils accordent une grande attention aux lettres et textes de Trotsky qu’ils peuvent recevoir – de façon très épisodique après l’automne 1930 – mais ils ne se contentent nullement de les répéter ou de les paraphraser et peuvent les critiquer. Au début ces débats portent sur l’appréciation du prétendu « tournant à gauche » que représenterait la collectivisation forcée et donc sur l’attitude à adopter à son égard. Elles se concluront par un débat sur la nature de l’URSS.

      Les résumer aboutirait à les caricaturer. Ainsi évoquer un « collectif majoritaire », qui publie son bulletin, puis un « collectif minoritaire » qui publie aussi le sien, bientôt flanqués d’une aile gauche critique qui compose son Bolchevik militant, avant l’apparition dans le collectif majoritaire d’une aile droite désignée par les initiales de ses trois représentants (MBM) en résumant en trois lignes la position de chaque courant rappellerait assez stupidement la vieille plaisanterie sur les trotskystes qui scissionnent dès qu’ils atteignent ou dépassent le nombre de trois.

      Or pour quiconque a une autre vision de l’histoire complexe de l’Union soviétique que la vision linéaire des historiens bourgeois qui dessinent une ligne droite imaginaire du prétendu coup de force( ou d’état) d’octobre 1917 au totalitarisme stalinien, les problèmes posés par la première révolution ouvrière victorieuse au sein d’une défaite de la révolution mondiale, surtout européenne, étaient d’une extrême complexité. Et les discussions et les débats qu’évoque Avshalom Bellaïche avec une grande clarté, une grande minutie et – je me répète – avec une tout aussi grande précision frappent par la volonté acharnée de comprendre qui anime leurs participants. Volonté d’autant plus étonnante que les possibilités d’agir ne peuvent que leur apparaitre lointaines. L’appareil policier du stalinisme, lui en revanche n’en est pas persuadé, les juge bien dangereux et les massacrera tous en 1937 et 1938 à Vorkouta et à Magadan . Ce massacre, raconté par plusieurs témoins qui ont survécu, conclut ou presque le récit d’Avshalom Bellaïche.

      Ces militants pensent avec leur tête. Ainsi Bellaïche signale les désaccords de certains d’entre eux avec plusieurs points du texte de Trotsky intitulé Les problèmes du développement de l’URSS (projet de plateforme de l’Opposition de gauche internationale sur la question russe paru dans le n° 20 du Bulletin de l’Opposition d’avril 1931) dans lequel il affirme : « La réalisation du plan quinquennal représente un pas en avant gigantesque en comparaison de l’héritage misérable que le prolétariat avait arraché des mains des exploiteurs » (Bulletin de l’Opposition n° 20, page 3).

      En 1932 Trotsky et les bolcheviks-léninistes de Verkhne-Ouralsk – et d’ailleurs – ont toujours la perspective de réformer le parti dirigeant et l’Internationale communiste même si les premières interrogations apparaissent ici et là. Ainsi Axel Bellaïche cite-t-il un article de décembre 1932 du Collectif majoritaire dont les auteurs affirment : « Il n’y a pas de doute qu’en comparaison avec le volume colossal des tâches à réaliser par l’Opposition léniniste ses forces sont pour le moment insignifiantes. » Avshalom Bellaïche ajoute : « Les tâches et les perspectives qu’ils [les bolcheviks-léni,nistes] donnent sont proportionnées aux nécessités de la politique générale et non à leur capacité réelle d’influencer ou de modifier cette même situation. »

      Le moment décisif dans ces discussions passionnées est celui qu’Axel Bellaïche appelle « le rubicon » c’est-à-dire le passage d’une vision du clan de Staline comme direction bureaucratique « centriste » du parti communiste à la conception d’une bureaucratie parasitaire qui doit être renversée par la mobilisation des masses, seul moyen de défendre durablement la propriété d’Etat, passage transitoire obligé vers la « propriété sociale » qui pour se réaliser, en suppose … en même temps la négation ! C’est la « révolution politique », que les détenus bolcheviks-léninistes esquissent dès décembre 1932 lorsqu’ils évoquent la grève générale et l’armement du prolétariat comme des slogans pour l’action de masse. « Certes, commente Avshalom Bellaïche, l’emploi de la violence reste conditionné, mais on est très loin du mécontentement limité au cadre soviétique de 1930. »

      Quelques mois plus tard chacun de son côté, Trotsky et les bolcheviks-léninistes de Verkhne-Ouralsk, tirent sans pouvoir se consulter, les mêmes conclusions de la politique stalinienne en Allemagne qui a ouvert la voie du pouvoir aux nazis et que Trotsky qualifie de « 4 août du #stalinisme », bref une trahison de la révolution similaire à celle de la social-démocratie en 1914. C’est le développement commun d’une analyse marxiste de fond commune. « Que ce soit à Prinkipo ou à Verkhne-Ouralsk, souligne Avshalom Bellaïche, les conclusions politiques de cette analyse sont formulées quelques mois plus tard à l’automne 1933 : le Parti communiste est mort, l’Internationale communiste est morte, la fondation d’une nouvelle Internationale révolutionnaire et la révolution politique qui renverserait le parti stalinien soviétique par l’insurrection armée des masses ouvrières sont désormais nécessaires. Sur la base de cette perspective nouvelle (…) les bolcheviks-léninistes de Verkhnéouralsk se réunifient à la veille de la seconde grève de décembre 1933 qui arrachera dans la douleur la libération de la majorité des militants révolutionnaires de l’#isolateur politique de Verkheouralsk. »

      Les détenus de Verkhne-Ouralsk ne pourront jamais lire une ligne de #la_Révolution_trahie achevée par Trosky en juin 1936. Mais si l’on juge par leurs écrits abondamment cités dans l’ouvrage d’Avshalom Bellaïche, ils en auraient sans aucun doute repris à leur compte les conclusions fondamentales.

      Avshalom Bellaïche signale aussi les positions des autres groupes d’opposants internés à Verkhne Ouralsk (les décistes – ou centralistes-démocratiques – de #Vladimir_Smirnov, eux aussi divisés entre ceux qui voient en URSS le triomphe du capitalisme dEtat et ceux qui y perçoivent la victoire politique de la petite-bourgeoisie, les miasnikoviens, les menchéviks).

      Il évoque en détail de nombreux militants bolcheviks-léninistes dont les plus importants, #Iakovine, #Solntsev, #Dilgenstedt, #Nevelson, #Boris_Eltsine et ses deux frères, #Poznansky, ancien secrétaire de Trotsky, #Guevorkian, tous liquidés plus tard, et #Starosselsky, le spécialiste de la Révolution française, mort en 1934. Ils sont tous massacrés parce que, pour Staline, si isolés soient-ils apparemment, ils ne sont pas des rêveurs utopiques mais un danger mortel .

      La preuve en est donnée par des manifestations de révolte contre la clique stalinienne collectées par le #NKVD au moment même où ces militants sont massacrés. Ainsi le fils du premier secrétaire du PC d’Ouzbeskitan Ikramov, condamné à mort lors du 3 ème procès de Moscou de mars 1938, envoyé lui à la #Loubianka, y rencontre brièvement un garçon de 14 ans interné pour avoir participé à la constitution à Oulianovsk d’un Parti panrusse contre Staline, sans aucun doute minuscule mais significatif d’un état d’esprit reflété à la veille de la manifestation du 1er mai 1938 à Moscou par des fondateurs d’un #Parti_ouvrier antifasciste qui avaient rédigé un tract antistalinien virulent qu’ils se préparaient à y distribuer, mais qui furent arrêtés la veille.[1]

      Pour interdire toute liaison entre cette protestation aux formes diffuses et les bolcheviks-léninistes, Staline a d’abord isolé ces derniers, les a calomniés, puis les a envoyés au Goulag pour les soumettre à la terreur exercée par les criminels de droit commun véritable lie sociale décomposée, image inversée de la bureaucratie parasitaire et les a finalement assassinés. On voit à quel point l’historien pro-stalinien Isaac Deutscher [2] se fourvoyait lorsque dans le troisième volume de son Trotsky il affirmait que ce dernier après son exil en 1929 aurait dû se contenter d’écrire des livres plutôt que d’animer une opposition de gauche que Deutscher traite avec mépris, et que l’ouvrage d’Avshalom Bellaïche, en lui rendant un bel hommage intelligent et argumenté, rappelle à la vie.

      Quelle conclusion ou quelle leçon peut-on tirer de la lecture du travail très riche d’Avshalom Bellaïche ? La première tentation peut être de souligner l’extraordinaire trempe morale de ces milliers d’hommes et de femmes qui se battent sans faiblir – sauf quelques inéluctables exceptions – dans des conditions où leur chances d’un quelconque succès sont microscopiques. Cette trempe morale est incontestable, mais on peut en trouver des exemples similaires chez les fanatiques religieux les plus bornés, dont ces #bolcheviks-léninistes se différencient radicalement par leur volonté farouche, amplement soulignée par Avshalom Bellaïche, d’analyser, de comprendre pour avoir éventuellement le moyen, si la possibilité – même infime – se présente, de transformer économiquement, socialement et politiquement, un monde dont le maintien en l’état est une menace pour l’humanité. A lire donc ! !

      [1] On voudra bien m’excuser (et puis tant pis si on ne m’en excuse pas !) de renvoyer à ce propos à mon livre Des gamins contre Staline où figurent nombre de données et de documents sur ces manifestations

      [2] Pro-stalinien … Deutscher, qualifié souvent d’historien trotskyste par la presse bourgeoise ? La preuve : Deutscher concluait sa biographie de Staline publiée en anglais en 1949 puis en français en 1951 par ces lignes : « Tel Cromwell il incarne la continuité de la révolution, à travers toutes ses phases et métamorphoses (…) comme Napoléon il avait construit son empire , mi-conservateur et mi-révolutionnaire et porté la révolution au-delà des frontières de son pays. La meilleure part de l’oeuvre de Staline durera certainement plus longtemps que lui (…) Afin de sauvegarder cette œuvre pour l’avenir et lui donner toute sa valeur, l’Histoire devra peut-être encore purifier et remodeler l’œuvre de Staline. » Il maintient cette conclusion dans sa nouvelle édition de 1960, quatre ans donc après le rapport de Khrouchtchev sur les « crimes de #Staline » au XX e congrès du PCUS.

      #trotskisme #trotskysme

  • Sur la tombe fraîche de Kote Zinzadze, par Léon Trotsky (7 janvier 1931)

    […] Lorsque la réaction contre Octobre a changé la composition et le caractère de l’appareil du parti ainsi que sa politique, Kote Zinzadze a été l’un des premiers à lutter contre les nouvelles tendances hostiles à l’esprit du bolchevisme. Le premier conflit a eu lieu pendant la maladie de Lénine : Staline et #Ordjonikidze, soutenus par #Djerjinsky, ont fait un coup d’état en Géorgie, remplaçant le noyau des vieux bolcheviks par des fonctionnaires carriéristes du type Eliava, Orechakashvili et autres. C’est précisément sur cette question que Lénine s’apprêtait à lancer une bataille implacable contre la fraction de Staline et contre l’appareil au douzième congrès du parti. Le 6 mars 1923, Lénine écrivit au groupe géorgien des vieux bolcheviks, dont #Kote_Zinzadze était l’un des fondateurs : « Je soutiens sincèrement votre cause. Je suis outragé par la grossièreté d’Ordjonikidze et par la connivence de Staline et de Djerjinsky. Je vous prépare quelques notes et un discours. ». La marche ultérieure des événements est suffisamment connue. La fraction de #Staline a écrasé la fraction de Lénine dans le Caucase. C’était la première victoire de la réaction dans le parti et c’est ouvert le deuxième chapitre de la révolution. Zinzadze, tuberculeux, portant le poids de décennies de travail révolutionnaire, persécuté par l’appareil à chaque pas, n’a pas un seul moment abandonné la lutte à son poste. En 1928, il a été déporté vers Bakhshi-Sarall où vent et poussière ont fait leur travail désastreux sur le reste de ses poumons. Plus tard, il a été transféré à Alioubcha où l’hiver pluvieux a complété ce travail de destruction. […]

    #stalinisme #répression #bolchevik #Trotsky #opposition_de_gauche

  • #Russie, le poison autoritaire

    « Poutine et sa bande, au tribunal ! » Les Russes, et surtout les Moscovites, ont été toujours plus nombreux à défiler ces derniers mois contre un pouvoir jugé liberticide. Plus que jamais, la Russie apparaît comme une nation divisée entre ceux qui font profil bas devant l’autoritarisme de Poutine, voire le soutiennent, et ceux qui le combattent, souvent au péril de leur liberté. La répression policière s’est en effet nettement accrue, tandis qu’une justice aux ordres d’une machine étatique programmée pour détruire toute velléité contestataire couvre les arrestations arbitraires et souvent absurdes, les séjours en prison et les mises au ban de la société. Mais qui sont ces citoyens ordinaires qui font trembler l’autocrate du plus grand pays du monde et prennent tous les risques, jusqu’à devoir s’exiler, pour réclamer une Russie à visage humain ?
    Pendant près d’un an, le réalisateur Stéphane Bentura a suivi ceux qui, souvent jeunes et instruits, ont fait leur figure de proue d’Alexeï Navalny, empoisonné puis emprisonné dès son retour surprise à Moscou en janvier 2021. Journaliste pourchassée, simple manifestante d’un jour, prisonniers politiques victimes de tortures ou économiste en exil, ils racontent comment ils sont ou ont été la cible d’un matraquage qui va crescendo, sous couvert d’une application stricte de la loi et de l’ordre. « C’est une dictature postmoderne, avec une façade pseudo-démocratique, des parodies d’élections et de procès », assène Vladimir Kara-Murza, vice-président du mouvement Russie ouverte, victime de deux tentatives d’empoisonnement. Pour beaucoup, cette férocité répressive vise à masquer l’ampleur de la corruption, le gaspillage de l’argent du gaz russe et les promesses socio-économiques non tenues de Vladimir Poutine. Des témoignages clés qui aident à dissiper le mirage de la nouvelle puissance russe.

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/31203_0
    #film #documentaire #film_documentaire
    #Poutine #résistance #empoisonnement #autoritarisme #répression #opposition #élection #Vladimir_Kara-Mourza #emprisonnement #prisonniers_politiques #Alexeï_Navalny #corruption #manifestation #propagande #peur #justice #exil #torture #réfugiés_russes #nationalisme #persécution #dictature_post-moderne #dictature

  • Pointe avancée de l’islamophobie, la France s’oppose même à une résolution proposée par l’ONU
    http://www.revolutionpermanente.fr/Pointe-avancee-de-l-islamophobie-la-France-s-oppose-meme-a-une-

    Pointe avancée de l’islamophobie, la France s’oppose même à une résolution proposée par l’ONU

    En début de semaine la France s’est exprimée contre une résolution proposée par le Pakistan à l’ONU visant à créer une journée internationale contre l’islamophobie. Une fois de plus le gouvernement est à l’avant-poste quand il s’agit de stigmatiser les personnes musulmanes.

    Esther Tolosa

    vendredi 18 mars

    Crédit photo : O Phil des Contrastes

    En début de semaine, le Pakistan a proposé une résolution à l’ONU visant à la création d’une journée internationale contre l’islamophobie chaque 15 mars en estimant que l’islamophobie est une « violation des droits humains et des libertés de religion et de conviction des musulmans ». Si cette résolution a été adoptée par consensus, certains pays comme la France ou l’Inde ont manifesté leur opposition en désapprouvant notamment le terme islamophobie.

    Nicolas de Rivière, le représentant de la France à l’ONU a justifié son opposition en invoquant l’argument classique de l’universalité. Selon le représentant de l’Etat français donc, ce texte serait insuffisant et excluant car il « segmente la lutte contre l’intolérance religieuse en sélectionnant qu’une religion à l’exclusion des autres ». De plus il réfute le terme d’islamophobie qui ne ferait l’objet d’aucune définition agréée dans le droit internationale.

    Cette opposition de la France contre une proposition aussi minimale qu’est la création d’une journée internationale contre l’islamophobie est peu surprenante lorsqu’on voit l’offensive islamophobe que mène le gouvernement français. Contrairement à ce qu’affirme Nicolas de Rivière, non seulement l’islamophobie existe, mais elle est en premier lieu alimentée et rendue possible par les politiques du gouvernement à l’image de la loi séparatisme, de la loi interdisant le port du voile des mères dans les sorties scolaires ou des différentes fermetures de mosquées dont une cette semaine encore en Gironde.

    Si ce n’est évidemment pas la création de cette journée qui permettra de lutter contre l’islamophobie, le refus de la France même de reconnaître le terme est révélateur d’un gouvernement réactionnaire qui a fait de l’islamophobie un de ses chevaux de bataille. D’ailleurs comme le soulignait Rafik Chekkat dans une interview pour Révolution Permenente : « la France est devenue la capitale de l’islamophobie » avant d’ajouter « le racisme n’est pas une diversion. Il fait pleinement partie du projet néolibéral (…) les attaques contre les personnes musulmanes sont une attaque contre le corps social tout entier ».

    Alors que le gouvernement pousse toujours plus loin ses velléités islamophobes et se positionne en tête de fil de l’islamophobie, jusque sur la scène internationale, il est urgent de construire une riposte, par en bas, qui dépasse de loin le cadre d’une journée internationale de l’ONU et que notre camp social face front contre le racisme.

    #islamophobie #France #Pakistan #ONU

  • La démocratie recule partout, y compris au Canada Ximena Sampson - Radio Canada
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1863280/democratie-classement-economist-monde-canada

    Les événements des derniers jours à Ottawa ont ébranlé bien des Canadiens. Si l’occupation du parlement par les camionneurs, les slogans haineux et les menaces inquiètent les observateurs, le recours à la Loi sur les mesures d’urgence ne les rassure guère sur l’état de la démocratie canadienne.

    Tout cet épisode illustre bien la détérioration subie par la démocratie ces dernières années. Une tendance amplifiée par la pandémie, selon l’indice de la démocratie en 2021, publié le 10 février par The Economist Intelligence Unit (EIUEIU).


    Le Canada n’échappe pas à cet effritement. Le pays a perdu sept rangs, glissant de la 5e à la 12e place, avec une note de 8,87 sur 10, contre 9,24 sur 10 en 2020.

    1 Norvège - 9,75
    2 Nouvelle-Zélande - 9,37
    3 Finlande - 9,27
    4 Suède - 9,26
    5 Islande - 9,18
    6 Danemark - 9,09
    7 Irlande - 9,00
    8 Taïwan - 8,99
    9 Australie - 8,90
    9 Suisse - 8,90
    11 Pays-Bas - 8,88
    12 #Canada - 8,87
    13 Uruguay - 8,85

    L’indice de la démocratie (Nouvelle fenêtre) est basé sur 60 indicateurs, regroupés en cinq catégories : processus électoral et pluralisme, libertés civiles, fonctionnement du gouvernement, participation politique et culture politique. La note, sur une échelle de zéro à dix, correspond à la moyenne de ces cinq scores. Les pays sont ensuite classés en quatre types de régimes, en fonction de leur score moyen : les démocraties pleines, les démocraties défaillantes, les régimes hybrides et les régimes autoritaires.

    Si notre pays demeure une démocratie pleine et entière (selon la définition de l’EIU), le repli est tout de même inquiétant, estime Andrew Potter, professeur agrégé à l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill. Comment explique-t-il cette détérioration ?

    “Ce qui s’est produit au cours des deux dernières années, c’est que le premier ministre a essentiellement fermé le Parlement pendant une longue période et a tenu à limiter l’opposition autant qu’il le pouvait”, croit le chercheur. La Chambre a siégé pendant un nombre de jours historiquement bas, rappelle-t-il.

    Lorsque ceux qui sont en désaccord avec les #décisions du #gouvernement ne peuvent plus s’exprimer dans le cadre prévu, ils vont chercher d’autres moyens de se faire entendre, dans la rue si nécessaire. En prenant la décision d’éliminer l’expression de l’ #opposition à l’intérieur des #institutions, M. Trudeau est donc “directement responsable de ce qui arrive”, estime M. Potter. “Son attitude envers le #Parlement a été méprisante et dédaigneuse, soutient le chercheur. Ce qui se passe actuellement dans les rues d’Ottawa en est, dans une large mesure, une conséquence directe. Quand les gens sentent qu’on ignore leur opinion ou qu’on la méprise, cela risque d’engendrer de la colère.”

    « Si vous vouliez délibérément faire du Canada un pays moins démocratique, il serait difficile de faire autre chose que ce que le premier ministre a fait au cours des deux dernières années. »
    -- Une citation de Andrew Potter, professeur agrégé à l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill

    Différents sondages menés au cours des derniers mois révèlent de la #frustration par rapport aux restrictions pandémiques, un déclin de la confiance dans les partis politiques et une augmentation de l’appui à des solutions de rechange non démocratiques.

    Américanisation de la politique canadienne
    Une autre tendance indiquée dans le rapport est une américanisation croissante de la politique canadienne.

    “La détérioration du score du Canada soulève des questions quant à savoir s’il pourrait commencer à souffrir de certaines des mêmes afflictions que son voisin américain, comme des niveaux extrêmement faibles de #confiance du public dans les #partis_politiques et les #institutions_gouvernementales”, écrivent les auteurs du rapport.


    Des gens manifestent devant la colline du Parlement, à Ottawa, le 30 janvier 2022. Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

    La polarisation, considérée comme la plus grande menace pour la démocratie américaine, guette-t-elle le Canada aussi ?

    Certainement, répond Jennifer Wolowic, responsable de l’initiative Renforcer la démocratie canadienne à l’Université Simon Fraser, à Vancouver, qui est d’avis que cette tendance est déjà bien présente ici.

    “Pour certaines personnes, la politique sature toute leur expérience quotidienne. Mon vote n’est plus seulement un aspect de mon identité parmi d’autres ; maintenant [le parti pour lequel je vote ] est mon équipe.”

    La polarisation, souligne-t-elle, ne se résume pas au fait d’avoir des idées différentes, c’est plutôt l’animosité qu’on ressent envers ceux qui ne pensent pas comme nous.
    . . . . .
    Quand on ne parle qu’à ceux qui partagent nos idées, on ne parvient pas à développer sa pensée critique, croit-elle. “En ce moment, nous sommes cloisonnés et nous ne parlons qu’aux personnes qui sont d’accord avec nous, alors nous perdons notre capacité à décortiquer les bases de nos croyances et à faire des compromis.”

    D’après François Gélineau, titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval, le plus inquiétant, c’est la radicalisation. “Il y a une inhibition qui tombe”, affirme-t-il, citant les menaces de violence armée dans le cadre de la manifestation de Québec.
    . . . .
    Encore plus alarmant, selon lui, est de voir des acteurs politiques exploiter le sentiment d’exclusion que vivent certains citoyens à des fins partisanes. “Il y a des gens qui ne se sentent pas du tout représentés par les institutions. Mais est-ce que ça veut dire qu’il faut balayer les institutions du revers de la main ?”, se demande-t-il.


    La colère est palpable chez certains manifestants. - Photo : Getty Images / Scott Olson

    Le mythe de “l’exceptionnalisme canadien” est dépassé, croit pour sa part Andrew Potter. “On avait cette idée que ces choses-là n’arrivaient pas ici. Eh bien, on est en train de se rendre compte qu’on n’est pas si particuliers que ça.”
    . . . . . .
    Un phénomène mondial
    L’érosion de la démocratie n’est pas nouvelle, ici comme dans d’autres sociétés occidentales, rappelle François Gélineau. “On constate depuis plusieurs années un déclin de la confiance envers les #institutions et les #élites, ainsi qu’un effritement de la satisfaction à l’égard de la démocratie”, remarque-t-il.

    Les mesures prises pour lutter contre la pandémie ont accéléré ce processus, souligne le rapport de l’EIU. On a notamment observé l’année dernière “un retrait sans précédent des libertés civiles”, par exemple les restrictions sur les déplacements et l’introduction de preuves vaccinales pour avoir accès à certains services. La pandémie a également “conduit à la normalisation des pouvoirs d’urgence [...] et a habitué les citoyens à une énorme extension du pouvoir de l’État sur de vastes domaines de la vie publique et personnelle”.

    Le fort recul amorcé en 2020, pendant la première année de la pandémie, s’est poursuivi en 2021.


    Le président du Brésil, Jair Bolsonaro, est reconnu pour ses attaques contre les institutions démocratiques. - Photo : Reuters / PILAR OLIVARES

    “ La pandémie a eu un impact négatif sur la qualité de la démocratie dans toutes les régions du monde”, écrit encore l’EIU. C’est particulièrement vrai en #Amérique_latine, où plusieurs pays ont connu des régressions, notamment au registre de la culture politique. Cela reflète l’insatisfaction du public à l’égard de la gestion de la pandémie, ajoutée à un scepticisme croissant sur la capacité des gouvernements démocratiques à faire face aux problèmes qu’affronte la région, et une tolérance accrue à l’autoritarisme. Des personnages comme Jair Bolsonaro, au #Brésil, Andrés Manuel Lopez Obrador, au #Mexique, et Nayib Bukele, au #Salvador, en sont l’illustration, souligne l’EIU.
    . . . . .
    Moins de la moitié des habitants de la planète vivent dans un des 74 pays considérés comme plus ou moins démocratiques et moins de 10 % dans une vraie démocratie.

    La moyenne mondiale est de 5,37 sur 10, soit la note la plus basse depuis la création de l’indice en 2006.

    Les pays scandinaves se maintiennent au sommet du classement, tandis que l’#Espagne et le #Chili rejoignent la #France et les #États-Unis dans la catégorie des #démocraties_défaillantes. Le Canada risque-t-il de s’y retrouver lui aussi ?

    Andrew Potter craint la persistance de certains comportements problématiques apparus pendant la pandémie. “L’un des problèmes du système canadien est qu’il y a très peu de choses écrites”, croit-il. Une fois qu’on a atteint un certain plancher institutionnel, ni le parti au pouvoir ni l’opposition n’ont un grand intérêt à revenir à la normale. Alors, les normes ont tendance à s’éroder, mais pas à se reconstruire, déplore-t-il.

    “Une fois que vous avez établi des normes selon lesquelles le Parlement n’a pas besoin de siéger pendant la majeure partie de l’année, qu’après une élection, vous n’avez pas à être à la Chambre pendant deux ou trois mois et qu’il n’est pas nécessaire que les ministres soient aux Communes pour se réunir, quels arguments avez-vous pour revenir comme avant ?”

    La vigilance sera donc de mise afin que cette situation exceptionnelle ne devienne pas la nouvelle normalité.

    #justin_trudeau #trudeau #pass_sanitaire

  • L’honneur perdu de la force hydraulique

    L’#énergie_hydraulique constitue l’épine dorsale historique de l’#approvisionnement en #électricité de la #Suisse. Et ce serait encore plus vrai aujourd’hui, dans le contexte de la #transition_énergétique. Mais celle-ci doit d’abord redorer son #image qui s’est ternie au cours des dernières décennies.

    Est-ce le sol étroit situé sous nos pieds qui tangue sous l’effet du vent, ou est-ce que ce sont les #montagnes alentour qui bougent ? Lorsqu’on traverse, saisi par le vertige, le pont suspendu et venteux tendu à 100 mètres d’altitude au-dessus de l’eau verte du Trift, dans l’Oberland bernois, on ne sait plus très bien ce qui est fixe ou en mouvement.

    Le pont du Trift se trouve au-dessus d’Innertkirchen (BE), dans une vallée latérale à 1700 mètres d’altitude, au cœur d’une des contrées montagneuses les plus paisibles de Suisse. Si l’on ose s’arrêter pendant la traversée de ce pont de 170 mètres de long, on aperçoit un cirque sauvage ruisselant d’eau et, tout en haut, les vestiges de l’ancien grand glacier du Trift. Cet amphithéâtre naturel est le décor de la dramaturgie conflictuelle qui se joue autour de l’exploitation de la force hydraulique.

    Apparition d’une cuvette

    Le réchauffement climatique a fait fondre à toute allure le glacier du Trift, qui recouvrait auparavant toute la cuvette. La gorge ainsi apparue mettait en danger l’ascension vers la cabane du Club Alpin Suisse, raison pour laquelle on a construit le pont suspendu en 2005. Mais le recul du glacier a également mis à nu un paysage de montagne vierge, rare et précieux.

    Ce « nouveau » bassin glaciaire éveille des convoitises. L’entreprise d’#hydroélectricité locale #KWO aimerait y construire un #barrage de 177 mètres de haut et créer ainsi un #bassin_de_retenue qui permettrait de fournir de l’électricité à près de 30 000 ménages.

    Cela pose un dilemme : KWO veut produire de l’électricité sans CO2, ce qui est indispensable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais sacrifie pour ce faire une #nature intacte. C’est pourquoi une organisation de #protection_de_la_nature, petite mais tenace, bloque la construction du barrage-réservoir par des recours, tout en sachant que la Suisse fera sinon appel à des centrales à gaz très polluantes pour répondre à une éventuelle pénurie d’électricité. Ce qui menacera à son tour l’objectif de freiner le réchauffement climatique.

    On dirait qu’aucune argumentation ne permet de sortir de l’#impasse. Comment en est-on arrivé au point où l’énergie hydraulique, qui fut un jour le gage de pureté du « château d’eau de l’Europe », comme la Suisse aime à se présenter, doit se battre pour redorer son blason de source d’énergie écologique ?

    Moteur de la haute conjoncture

    La Suisse ne possédant pas de charbon, l’énergie hydraulique a toujours fait partie de l’équipement de base de l’économie énergétique. Mais elle est réellement entrée dans l’ADN du pays pendant la phase de haute conjoncture qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. À un rythme frénétique, on a meublé les vallées alpines de barrages géants, et les #lacs_de_retenue ainsi créés ont permis de compter sur un approvisionnement en électricité stable, qui est devenu l’épine dorsale de la croissance économique.

    Grâce à ces constructions audacieuses dans des régions montagneuses difficiles d’accès, le petit pays alpin s’est offert une bonne dose d’#indépendance_énergétique. En 1970, avant que les premières centrales nucléaires ne soient mises en service, environ 90 % de l’électricité suisse était issue de la force hydraulique.

    Dans le boom des années 1970, les excursions familiales avaient leurs classiques : on prenait la voiture pour se rendre en Valais, à Sion par exemple, avant de monter au Val d’Hérémence pour admirer l’impressionnant barrage de la Grande Dixence. On éprouvait une sensation étrange lorsqu’on se tenait au pied de ce mur de 285 mètres, qui est aujourd’hui encore la plus haute construction de Suisse. Son ventre de béton pèse 15 millions de tonnes, davantage que les pyramides de Khéops, et c’est ce poids inouï qui lui permet de retenir le lac qui s’étend sur des kilomètres. Que se passerait-il s’il lâchait ?

    La gloire de l’énergie hydraulique a été alimentée par d’illustres ingénieurs, qui ont fait de la construction de barrages une discipline de haut niveau. Le Tessinois Giovanni Lombardi, par exemple (père de Filippo Lombardi, politicien du Centre et président de l’Organisation des Suisses de l’étranger), s’est fait un nom en 1965 avec l’élégant barrage-voûte de la Verzasca, dont la finesse a établi de nouveaux standards. Quand James Bond, dans la scène d’ouverture du film « Goldeneye », sorti en 1995, effectue un saut à l’élastique du haut du barrage, celui-ci devient une véritable icône. Giovanni Lombardi, qui a construit plus tard le tunnel routier du Gothard, est resté jusqu’à sa mort en 2017 une référence en matière d’édifices spectaculaires.

    La #redevance_hydraulique, ciment national

    La force hydraulique a consolidé non seulement le #mythe patriotique, mais aussi, de manière plus discrète, la #cohésion_nationale. Car l’eau stockée rapporte beaucoup d’#argent à la #montagne : les communes abritant les centrales électriques touchent des redevances hydrauliques pour l’exploitation de leur ressource, des sommes qui atteignent près d’un demi-milliard de francs par an.

    On peut voir ces redevances comme des transferts de fonds du Plateau économiquement fort vers les régions de montagne, qui peuvent ainsi investir dans leurs #infrastructures et lutter contre l’#exode_rural. Le Val Bregaglia, dans les Grisons, illustre bien la manière dont l’hydroélectricité soude la Suisse et comble le fossé ville-campagne : l’entreprise électrique #EKZ, à Zurich, qui a construit le barrage d’Albigna dans les années 1950, est jusqu’à ce jour l’un des plus grands employeurs de la vallée.

    Violents réflexes de rejet

    Cependant, l’exaltation mythique de l’énergie hydraulique fait parfois oublier que son extension a déclenché, très tôt déjà, de violents réflexes de #rejet au niveau local. Tout le monde se souvient du village grison de #Marmorera, au col du Julier, qui s’est résigné à être inondé par le lac du barrage du même nom en 1954, après plusieurs procédures d’#expropriation.

    « Des filiales des centrales nucléaires dans les #Alpes »

    Pour comprendre pourquoi l’énergie hydraulique a perdu son aura, l’année clé est toutefois 1986. Après des années de combat, les forces motrices #NOK ont enterré leur projet de noyer la plaine de la #Greina entre les Grisons et le Tessin pour en faire un lac de retenue. Épaulée par l’#opposition locale, une coalition de défenseurs de la nature et du #paysage issus de toute la Suisse, critiques à l’égard de la croissance, a alors réussi à mettre ce haut plateau isolé à l’ordre du jour de la politique nationale.

    La Greina est devenue le symbole de la critique écologique à l’égard du circuit de #profit de l’#hydroélectricité qui s’est liée avec une #énergie_nucléaire controversée. Le principe critiqué fonctionne ainsi : meilleur marché, l’énergie atomique non utilisée aux heures creuses est utilisée pour pomper de l’eau dans les lacs de retenue. Ainsi, les exploitants des centrales peuvent produire de l’électricité à un prix élevé durant les pics de demande et maximiser leurs gains. Axées sur le profit, ces « filiales des centrales nucléaires dans les Alpes », comme les surnomment leurs opposants, justifient-elles le sacrifice des derniers paysages naturels vierges ?

    Les limites de la croissance ?

    C’est sur cette question existentielle que s’écharpent partisans et opposants de l’extension de l’hydroélectricité depuis plus de 30 ans. De temps à autre, comme lors de la tentative – pour l’heure vaine – de réhausser le barrage du Grimsel, le conflit se poursuit jusque devant le Tribunal fédéral.

    D’après l’organisation de défense de l’environnement WWF, 95 % du potentiel de l’énergie hydraulique utilisable est déjà exploitée en Suisse. Bien que la Confédération impose aux acteurs du secteur des conditions écologiques plus strictes sous la forme de débits résiduels, le WWF estime que les limites sont « dépassées depuis longtemps » : 60 % des espèces de #poissons et d’#écrevisses locales ont déjà disparu ou sont menacées d’#extinction. Malgré cela, des centaines d’extensions ou de constructions de centrales hydroélectriques, souvent de petite taille, sont prévues. La plus grande, et ainsi la plus contestée, est celle qui doit pousser sur le terrain libéré par le recul du glacier du #Trift.

    Une pression accrue sur les performances

    Par rapport à l’époque de la Greina, la situation est encore plus conflictuelle. Deux nouvelles problématiques sont apparues. D’une part, le #réchauffement_climatique et la fonte des glaciers font que les débits d’eau les plus élevés se déplacent de l’été vers le printemps. D’autre part, après la catastrophe de Fukushima, la décision politique prise par la Suisse de débrancher petit à petit ses centrales nucléaires, de les remplacer par des sources d’énergie renouvelable et de contribuer ainsi à l’objectif de zéro émission de gaz à effet de serre accroît la pression sur les performances de l’énergie hydraulique.

    Est-il possible de tirer encore davantage de la force hydraulique, qui assure actuellement près de 60 % de la production d’électricité en Suisse, sans trahir les exigences écologiques minimales ? « En principe, oui », déclare Rolf Weingartner, professeur émérite d’hydrologie à l’université de Berne. Il décompose les différentes parties du problème et les réassemble pour résumer sobrement ce débat émotionnel.

    L’énergie hydraulique, nouveau service public ?

    Comme l’énergie hydraulique produit de l’électricité presque sans CO2, elle reste une source d’approvisionnement indispensable pour éviter les pénuries, surtout en hiver, quand les installations solaires, par exemple, sont moins productives. En même temps, le réchauffement climatique montre l’importance des lacs de barrage sous un jour nouveau, note Rolf Weingartner. Car du point de vue hydrologique, la fonte des glaciers fait que les réservoirs d’eau qui assuraient de hauts débits surtout pendant les six mois de l’été disparaîtront à l’avenir. Par conséquent, on manquera d’eau à la belle saison.

    Dans l’ensemble, les débits d’eau seront toujours aussi importants sur l’année entière. Mais comme les glaciers n’assureront plus leur rôle de réservoir et comme l’effet de la fonte des neiges diminuera, les débits se répartiront moins bien sur l’année. « Cela signifie, conclut Rolf Weingartner, que nous devrons remplacer, dans les Alpes, les réservoirs naturels par des artificiels. » En d’autres termes, les lacs de retenue existants se doteront d’une fonction supplémentaire pour la gestion durable de l’eau à l’heure du changement climatique, en alimentant par exemple l’irrigation agricole pendant les mois chauds et secs.

    Par ailleurs, on installe parfois sur les barrages, comme celui de Muttsee à Glaris, des installations photovoltaïques qui, situées au-delà de la limite du brouillard, produisent de l’électricité toute l’année. Face à cette nouvelle multifonctionnalité, Rolf Weingartner considère l’énergie hydraulique comme « un service public pour la production d’énergie, mais aussi pour la couverture durable des besoins en eau, ce qui inclut une utilisation écologiquement responsable des eaux résiduelles ». Ainsi, souligne-t-il, l’affrontement entre les intérêts écologiques et économiques qui a lieu à chaque nouveau projet de barrage est un exercice peu productif.

    Le spécialiste plaide pour une nouvelle approche globale, qui s’impose aussi parce que le réchauffement climatique fera apparaître dans les Alpes, après le recul des glaciers, plus de 1000 nouveaux lacs qui auront un potentiel pour la gestion de l’eau. « Nous devrions définir des zones de priorité », note Rolf Weingartner. C’est-à-dire diviser, sous la houlette de la Confédération, l’espace alpin en différentes zones où seraient prioritaires la production d’énergie, l’écologie, le tourisme ou l’agriculture. Ainsi, on dénouerait l’enchevêtrement spatial des intérêts et l’on préviendrait les conflits.

    Rolf Weingartner est conscient que sa vision pacificatrice de la gestion de l’eau a peu de chances de trouver sa place dans la realpolitik suisse. Pour l’instant. Mais si la Suisse reste un pays où la consommation d’électricité augmente inexorablement, elle devra toutefois y songer.

    L’électricité manquera-t-elle en Suisse ?

    La question de savoir s’il y aura assez d’électricité à l’avenir agite en ce moment la Suisse. La demande va, semble-t-il, inexorablement continuer à croître : le groupe énergétique Axpo, prévoit ainsi une hausse de 30 % de la demande d’électricité d’ici 2050.

    Il est possible que la « #transition_énergétique », soit l’abandon simultané de l’énergie nucléaire et des sources d’énergie fossile, stimule la #croissance de la demande. Le remplacement des chaudières à mazout par des pompes à chaleur et des voitures à essence par des électriques feront baisser les émissions de CO2, mais augmenter la consommation d’électricité. Dans quelle mesure les gains en #efficience et les changements de comportement freineront-ils la demande ? Difficile à prévoir.

    Une nouvelle étude de l’Office fédéral de l’énergie montre que dès 2025, de brèves pénuries d’électricité seront à craindre en hiver. En abandonnant les négociations sur un accord-cadre avec l’UE, le Conseil fédéral a encore aggravé la situation. En conséquence, l’UE rejette l’accord sur l’électricité déjà négocié, ce qui compliquera la tâche de la Suisse, dans l’état actuel des choses, pour s’approvisionner sur le marché européen de l’électricité en cas d’urgence.

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/lhonneur-perdu-de-la-force-hydraulique

    #hydraulique #énergie #énergie_hydroélectrique #changement_climatique #extractivisme #écologie #faune

  • Quelle #hospitalité est encore possible aujourd’hui ?

    À partir de quelques traits saillants de la définition de l’hospitalité, une analyse des pratiques d’hospitalité à l’épreuve du contexte politique actuel.

    Il existe plusieurs manières de définir l’hospitalité et l’une d’elles consiste à y voir un rapport positif à l’étranger. Autant dire un contre-courant radical des tendances du moment. L’action des gouvernements récents relèvent davantage d’une police des populations exilées, érigée en #politique mais qui précisément n’a rien de politique. Il s’agit d’une gestion, souvent violente et toujours anti-migratoire, des personnes, pour reprendre une idée empruntée à Étienne Tassin.

    Certes il existe une opposition à cette #gestion, mais elle ne forme pas un ensemble homogène. Elle est au contraire traversée de tensions et de conflits qui trouvent leurs racines dans des conceptions, moyens et temporalités différentes. Ce champ conflictuel met régulièrement en scène, pour les opposer, le milieu militant et les collectivités territoriales, pourtant rares à être volontaires pour entreprendre des #politiques_d’accueil*.

    L’#inconditionnalité de l’#accueil et la #réciprocité dans l’hospitalité sont deux piliers de ces pratiques. Elles nous aident à comprendre certaines tensions et certains écueils. Prenons-les pour guides dans une analyse des pratiques actuelles dites d’hospitalité, qu’elles soient privées ou institutionnelles.

    Inconditionnalité

    L’hospitalité se définit notamment par son inconditionnalité. Elle prévoit donc d’accueillir toute personne, quelle qu’elle soit, d’où qu’elle vienne et quelle que soit la raison de sa présence.

    Il est d’ailleurs intéressant de voir combien, dans la diversité des traditions d’hospitalité, cette question de l’origine de la personne accueillie est très différemment traitée. Certaines traditions interdisent simplement de questionner l’étranger·e accueilli·e sur qui ielle est et d’où ielle vient ; d’autres au contraire le prévoient, sans que cela conditionne ou détermine les modalités de l’hospitalité. Dans ce cas-là, il s’agit plutôt d’une pratique d’ordre protocolaire.

    Aujourd’hui, l’équivalent de cette question porte, outre le pays d’origine, sur le statut administratif de la personne accueillie, c’est-à-dire sur la légalité ou non de son séjour sur le territoire. Le pays d’origine nourrit un certain nombre de préjugés que peuvent refléter les offres d’hospitalité privée quand les volontaires à l’accueil expriment une préférence en matière de nationalité. Ces #préjugés sont très largement nourris par la médiatisation comme le révèlent les contextes de 2015 au plus fort de l’exil des Syrien·nes ou plus récemment à la fin de l’été 2021 après la prise de pouvoir par les Talibans à Kaboul. La médiatisation des crises façonne la perception des personnes en besoin d’hospitalité au point parfois de déterminer l’offre. Le #statut_administratif conditionne de façon plus significative l’accueil et il peut devenir un critère ; autant du côté des collectifs citoyens d’accueil que des institutions dont les moyens financiers sont généralement conditionnés par le profil du public bénéficiaire et la régularité du statut.

    Qui organise aujourd’hui un accueil inconditionnel ?

    Une enquête récente (dont quelques résultats sont publiés dans cet article : https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2021-3-page-65.htm) montre que les institutions et les collectivités territoriales rencontrent des contraintes qui entravent la mise en œuvre d’un accueil inconditionnel : la #catégorisation des publics destinataires distingués bien souvent par leur statut administratif et les territoires d’intervention en font partie. Les #collectifs_citoyens étudiés dans cette enquête réussissent à mettre ces contraintes à distance. Il faut préciser qu’à leur création, tous ne s’inscrivent pas dans un choix clair et conscient pour l’accueil inconditionnel mais c’est la pratique et ce qu’elle leur permet de comprendre du traitement administratif des populations exilées qui produit cet effet de mise à distance des contraintes. Le lien personnel créé par l’accueil explique également qu’il se poursuit au-delà des limites dans lesquelles le collectif s’est créé (statut administratif ; temporalité). Plusieurs collectifs montrent qu’un accueil inconditionnel a été effectivement mis en pratique, non sans débat, gestion de désaccords et disputes parfois, et grâce aux moyens à la disposition du collectif, à la capacité d’invention de ses membres et à l’indignation générée par le traitement administratif et politique des personnes et de la migration en général.

    Réciprocité

    « L’hospitalité, quoique asymétrique, rime avec réciprocité » (Anne Gotman)

    La réciprocité est un autre des éléments constitutifs fondamentaux de l’hospitalité. Comme le souligne #Anne_Gotman (Le sens de l’hospitalité), l’hospitalité pour s’exercer doit résoudre la contradiction entre la nécessaire réciprocité et l’#asymétrie évidente de la situation entre un besoin et une possibilité d’offre. Et c’est le décalage dans le temps qui permet cela : la réciprocité est mise en œuvre par la promesse d’accueil. On accueille inconditionnellement parce que tout le monde a besoin de savoir qu’ielle pourra être accueilli·e, sans faille, lorqu’ielle en aura besoin. Si l’on admet de considérer l’hospitalité comme une pratique de #don, la réciprocité est le #contre-don différé dans le temps.

    Cette interdépendance tient à un contexte où les circulations humaines et les voyages dépendaient de l’hospitalité sans laquelle il était impossible de trouver à se loger et se nourrir. Il s’agissait bien souvent d’un enjeu de survie dans des environnements hostiles. Si chacun·e a besoin de pouvoir compter sur l’hospitalité, chacun·e accueille. Aujourd’hui pourtant, la répartition des richesses et des pouvoirs au niveau global fait que ceux et celles qui voyagent n’ont plus besoin de l’hospitalité parce que cette fonction est devenue marchande et les voyageurs achètent l’« hospitalité » dont ielles ont besoin ; ce qui alors lui retire toute valeur d’hospitalité. Cette réalité crée une asymétrie, abyssale en réalité. Elle tire ses origines des fondations du capitalisme qui a construit l’Europe comme centre global et a posé les bases de la puissance et de la modernité occidentales.

    Aujourd’hui et dans le contexte français, cette asymétrie se retrouve dans une distribution de positions : celles et ceux qui sont les acteurs et actrices de l’hospitalité ne s’inscrivent plus dans ce système d’interdépendance dans lequel se situait l’hospitalité, ou se situe encore dans d’autres régions du monde. Ielles accueillent pour d’autres raisons. La #rencontre est souvent évoquée dans les enquêtes ethnographiques parmi les motivations principales des personnes engagées dans l’accueil des personnes venues chercher un refuge. Pourtant les personnes accueillies ne sont pas forcément dans cette démarche. Au contraire, parfois, elles se révèlent même fuyantes, renfermées par besoin de se protéger quand elles ont été abîmées par le voyage. Cette soif de rencontre qui anime les personnes offrant leur hospitalité n’est pas toujours partagée.

    Dans ce contexte, nous comprenons que l’hospitalité telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui autour de nous, et du fait de l’asymétrie des positions, pose une relation d’#aide. Or celle-ci est elle-même fortement asymétrique car elle peut se révéler prolonger et reproduire, dans une autre modalité, la relation de #domination. La #relation_d’aide est dominante quand elle ne conscientise pas l’asymétrie justement des positions et des moyens des personnes qu’elle met en jeu. Elle sortira de cet écueil de prolonger la domination en trouvant une place pour la réciprocité. C’est #Paulo_Freire qui nous a appris que l’#aide_authentique est celle qui permet à toutes les personnes impliquées de s’aider mutuellement. Cela permet que l’acte d’aider ne se transforme pas en domination de celle ou celui qui aide sur celle ou celui aidé·e.

    Pour éviter de rejouer une relation de domination, l’hospitalité qu’elle soit privée ou institutionnelle doit trouver ou créer un espace pour l’#aide_mutuelle. Dans les pratiques actuelles de l’hospitalité, les situations d’asymétrie sont nombreuses.

    Les deux parties réunies autour la pratique de l’accueil ne disposent pas d’une répartition égale de l’information sur chacune. En effet, les personnes accueillies disposent généralement de très peu, voire pas du tout, d’information sur les personnes qui les accueillent. Alors que les hébergeur·ses connaissent les nom, prénom, date de naissance et pays d’origine, et parfois des détails du parcours de la personne qu’ielles accueillent. Cette asymétrie de connaissance organise bien différemment la rencontre, en fonction du côté duquel on se trouve. Sans information, ce sont les représentations déjà construites qui s’imposent et plusieurs personnes accueillies témoignent de la peur qu’elles ont à l’arrivée, à la première rencontre, une peur du mauvais traitement qui peu à peu cède la place à l’étonnement face à la générosité, parfois à l’abnégation, des personnes accueillantes. On comprend qu’il contraste fortement avec les représentations premières.

    Une autre asymétrie, créant une forte dépendance, repose sur le fait de posséder un #espace_intime, un #foyer. Les personnes accueillies n’en ont plus ; elles l’ont perdu. Et aucun autre ne leur est offert dans cette configuration. En étant accueilli·es, ielles ne peuvent se projeter à long terme dans un espace intime où ielles peuvent déposer leur bagage en sécurité, inviter des ami·es, offrir l’hospitalité. L’#hébergement est généralement, au moins au début, pensé comme #temporaire. Ielles n’ont pas la maîtrise de leur habitat d’une manière générale et plus particulièrement quand des heures d’entrée et de sortie de l’habitation sont fixées, quand ielles ne disposent pas des clés, quand ielles ne sont pas autorisé·es à rester seul·es.

    Enfin cette relation dissymétrique s’exprime également dans les #attentes perçues par les personnes accueillies et qui sont ressenties comme pesantes. Le récit de soi fait partie de ces attentes implicites. Les personnes accueillies parlent de peur de décevoir leurs hôtes. Ielles perçoivent l’accueil qui leur est fait comme très fragile et craignent de retourner à la rue à tout moment. Cette #précarité rend par ailleurs impossible d’évoquer des choses mal comprises ou qui ne se passent pas bien, et ainsi d’éluder des malentendus, de s’ajuster mutuellement.

    Cette asymétrie finalement dessine les contours d’une relation unilatérale de l’accueil [peut-on encore parler d’hospitalité ?]. Les personnes et les entités (les institutions qu’elles soient publiques – collectivités territoriales – ou privées – associations) qui organisent une offre d’hospitalité, ne laissant pas de place à la réciprocité. Cela signifie que cette offre produit de la #dépendance et une grande incertitude : on peut en bénéficier quand l’offre existe mais on est dépendant de son existence. Par exemple, certains dispositifs publics ont des saisonnalité ; ils ouvrent, ils ferment. De même que l’hospitalité privée peut prendre fin : les collectifs citoyens peuvent se trouver à bout de ressources et ne plus pouvoir accueillir. Ou de manière moins absolue : les règles de l’accueil, dans le cas de l’hébergement en famille, sont fixées unilatéralement par les personnes qui accueillent : les heures d’arrivée et de retour ; les conditions de la présence dans le foyer etc. Cette asymétrie nous semble renforcée dans le cas de l’hospitalité institutionnelle où l’apparition du lien personnel qui peut produire de la réciprocité par le fait de se rendre mutuellement des services par exemple, a plus de mal à trouver une place.

    On le voit, il est nécessaire d’imaginer la forme et les modalités que pourraient prendre la réciprocité dans le cadre de l’hospitalité institutionnelle où elle ne peut surgir naturellement, mais également s’assurer qu’elle trouve un espace dans les initiatives citoyennes.

    Michel Agier voit dans le #récit_de_soi, livré par les personnes accueillies, une pratique de la réciprocité. L’accueil trouvé auprès d’une famille ou d’un foyer par une personne venue chercher un refuge en Europe ce serait le don. L’histoire de son exil racontée à ses hôtes serait le contre-don. Pourtant une analyse différente peut être faite : dans ces circonstances, le récit entendu par les hôtes relève d’une injonction supplémentaire adressée aux personnes venues chercher un refuge. Qu’elle soit implicite ou ouvertement exprimée, cette injonction structure la relation de domination qu’ielles trouvent à leur arrivée. C’est pourquoi le #récit ne peut représenter cette réciprocité nécessaire à l’instauration de l’égalité.

    La place de la réciprocité et l’égalité dans les relations qui se nouent autour des actes d’hospitalité se jouent à n’en pas douter autour des représentations de personnes auxquelles ces pratiques s’adressent : les discours dominants, qu’ils soient médiatiques ou politiques, construisent les personnes venues chercher un refuge comme des #victimes. S’il serait injuste de ne pas les voir comme telles, en revanche, ce serait une #instrumentalisation de ne les voir que par ce prisme-là. Ce sont avant tout des personnes autonomes et non des victimes à assister. L’#autonomie respective des protagonistes de l’acte d’hospitalité ouvre l’espace pour la réciprocité.

    #Politisation

    Le 21 décembre 1996, au Théâtre des Amandiers de Nanterre où avait été organisée une soirée de soutien à la lutte des « sans papiers », #Jacques_Derrida s’émeut de l’invention de l’expression « #délit_d’hospitalité » et appelle à la #désobéissance_civile. Suite à l’adoption d’une loi qui prévoit un tel délit et des sanctions jusqu’à l’emprisonnement, le philosophe invite à défier le gouvernement en jugeant librement de l’hospitalité que nous voulons apporter aux personnes irrégularisées. Avec cet appel, il transforme une opposition binaire qui mettait face à face dans ce conflit l’État et des immigré·es, en un triangle avec l’intervention des citoyens. Il appelle à la politisation de l’hospitalité.

    De son côté, Anne Gotman reconnaît le sens politique de la sphère privée quand elle devient refuge. Cette politisation s’exprime également par la mutation du geste d’hospitalité initial qui est action #humanitaire et d’#urgence à la fin de l’été 2015, quand les citoyen·nes ouvrent leur maison, offrent un lit et un repas chaud. En réalité, ielles créent les conditions d’un accueil que l’État se refusent à endosser dans l’objectif de dégrader les conditions de vie des personnes venues chercher un refuge pour les décourager. L’action citoyenne est de ce point de vue une #opposition ou une #résistance. Cette #dimension_politique devient consciente quand les citoyen·nes côtoient le quotidien des personnes en recherche de refuge et découvrent le traitement administratif qu’ils et elles reçoivent. Cette découverte crée une réaction d’#indignation et pose les bases d’actes de résistance conscients, de l’ordre de la #désobéissance.

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    * Ceci dit, l’association des villes et territoires accueillants, l’ANVITA, a vu récemment le nombre de ses adhérents considérablement augmenter : en novembre 2021, elle compte 52 membres-villes et 46 membres élu·es.

    –-> Intervention présentée à la semaine de l’Hospitalité, organisée entre le 13 et le 23 octobre par la métropole du Grand Lyon

    Références :

    – « Philosophie /et/ politique de la migration », Étienne Tassin, éditions Raison publique, 2017/1 n°21, p197-215

    – Le sens de l’hospitalité. Essai sur les fondements sociaux de l’accueil à l’autre, Anne Gotman, PUF 2001

    – Lettres à la Guinée-Bissau sur l’alphabétisation : une expérience en cours de réalisation, Paulo Freire, Maspero, 1978

    – Hospitalité en France : Mobilités intimes et politiques, Bibliothèque des frontières, Babels, Le passager clandestin, 2019, coordonné par Michel Agier, Marjorie Gerbier-Aublanc et Evangéline Masson Diaz

    – « Quand j’ai entendu l’expression “délit d’hospitalité”… », Jacques Derrida, Intervention retranscrite, 21/12/1996 au Théâtre des Amandiers ; http://www.gisti.org/spip.php?article3736

    https://blogs.mediapart.fr/modop/blog/221121/quelle-hospitalite-est-encore-possible-aujourd-hui

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  • Druga strana svega - L’Envers d’une histoire

    Dix ans après la révolution démocratique serbe, un regard à travers le trou de la serrure d’une porte condamnée dans un appartement de #Belgrade, dévoile à la fois l’histoire d’une famille et d’un pays dans la tourmente, et révèle la #désillusion d’une révolutionnaire et son combat contre les fantômes qui hantent le passé et le présent de la #Serbie.

    « Une porte restée fermée pendant plus de soixante-dix ans dans l’appartement d’une famille de Belgrade devient le point de départ d’une formidable chronique familiale, politique et historique. La famille est celle de la réalisatrice, incarnée par sa mère, la charismatique Srbijanka Turajlić, ancienne professeure universitaire et importante figure de l’#opposition au régime des années 1990. Grâce aux conversations des deux femmes, à la fois profondes et drôles, on parcourt l’histoire mouvementée d’un pays, ses bouleversements et ses changements politiques. Il est souvent question d’engagement citoyen et des responsabilités portées par chaque génération - celles des protagonistes mais aussi celles des spectateurs. Grâce à la générosité du récit, on plonge dans une passionnante fresque dans laquelle la réalisatrice, telle une habile couturière cinématographique, arrive à assembler le personnel et le politique, et par ricochet, la petite et la grande histoire. Dans ce voyage à travers les époques et les idéaux, cette porte fermée se révèle être un magnifique prétexte pour explorer cette aventure humaine. »

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/13548_1
    #film #film_documentaire #documentaire

    #Yougoslavie #ethnicité #communisme #nationalisation #bourgeoisie #Slobodan_Milosevic #Milosevic #guerre #conflit #résistance #responsabilité #Srbijanka_Turajlic #OTPOR #Université_de_Belgrade #révolution #5_octobre_2000 #histoire #révolution

    –—

    Une citation :

    Srbijanka Turajlić, min 31’00 :

    « On ne sait pas comment une guerre éclate ! Surtout une guerre civile. On ne sait pas comment ça arrive. Alors on ne croit pas que c’est en route. Jusqu’à ce que ça démarre »

  • Vor Landesparteitag Debatte in Berliner Linkspartei über Koalitionsvertrag. Delegierte wollen Ablehnungsempfehlung zur Abstimmung stellen
    https://www.jungewelt.de/artikel/415710.opposition-gegen-landesvorstand-regierungslinke-hegemoniekrise.html

    02.12.2021 von Nico Popp - Kurz vor dem außerordentlichen Landesparteitag am Samstag wird in der Berliner Linkspartei weiter intensiv darüber diskutiert, ob der am Montag vorgestellte Koalitionsvertrag mit SPD und Bündnis 90/Die Grünen eine akzeptable politische Grundlage für den erneuten Eintritt in die Landesregierung ist. Neben dem faktischen Einschwenken auf die SPD-Linie bei der Betreuung des Volksentscheidergebnisses vom 26. September und der auf maximale Verwirrung berechneten Positionierung beim Thema S-Bahn (Fortsetzung der laufenden Ausschreibung mit dem Ziel einer Zerschlagung von Netz und Betrieb einerseits und unverbindliche Bekenntnisse zu einem Vorstoß Richtung Kommunalisierung andererseits) empfinden große Teile der Partei offenbar als nicht mehr vermittelbare Zumutung, dass die SPD der Linkspartei ausgerechnet das Ressort für Stadtentwicklung und Wohnen abgenommen hat.

    Nach jW-Informationen steht inzwischen fest, dass es am Samstag einen Antrag an den Landesparteitag geben wird, in dem den Mitgliedern empfohlen wird, beim Mitgliederentscheid den Koalitionsvertrag abzulehnen. Im Kreis der Unterstützer wird davon ausgegangen, dass der geschäftsführende Landesvorstand versuchen wird, eine Abstimmung darüber mit einem Antrag auf Nichtbefassung zu unterbinden. In der Tagesordnung ist keine Antragsbehandlung vorgesehen. Sollte der Parteitag sich dann gegen den Vorstand und für eine Debatte über den Antrag entscheiden, sei »alles offen«, sagte am Mittwoch eine Delegierte gegenüber dieser Zeitung.

    Ein Entwurf des Antrags liegt jW vor. Darin wird der Umstand, dass die Linkspartei bei der Abgeordnetenhauswahl am 26. September keine substantiellen Stimmenverluste erlitten hat, darauf zurückgeführt, dass man den Wahlkampf vor allem auf das Mietenthema ausgerichtet hat. Um so enttäuschender seien die Verabredungen zur Stadtentwicklung, zur Mietenpolitik und insbesondere zum Volksentscheid im Koalitionsvertrag ausgefallen. Durch die neue Ressortverteilung zementiere die SPD außerdem ihren Führungsanspruch in diesem Bereich, während die Linke mit leeren Händen dastehe. Die Partei könne aus der Opposition heraus mehr bewirken als in einer solchen Regierung, heißt es in dem Entwurf.

    Widerstand gegen den Koalitionsvertrag kommt unterdessen auch aus der Fraktion im Abgeordnetenhaus. Die stellvertretende Fraktionschefin Franziska Brychcy hatte bereits den Antrag auf einen außerordentlichen Landesparteitag unterstützt. Am Montag hat sich mit Katalin Gennburg eine beim Thema Stadtentwicklung profilierte Fachpolitikerin und Abgeordnete, die ihren Wahlkreis im Treptower Norden am 26. September gegen den Trend erneut direkt gewinnen konnte, offen gegen den Vertrag ausgesprochen. In einem ausführlichen Facebook-Post, in dem sie auch berichtet, dass sie sich in der vergangenen Legislaturperiode mit der von der eigenen Partei gestellten Stadtentwicklungssenatorin Katrin Lompscher mehrmals »angelegt« und mit ihrem Nachfolger Sebastian Scheel »nie zusammengefunden« habe, bezeichnete sie den Verlust des Stadtentwicklungsressorts als »schwere Niederlage«.

    Die SPD habe in den vergangenen fünf Jahren »gemauert« und dafür gesorgt, dass »wir Verabredungen im Koalitionsvertrag nicht umsetzen konnten«. Nun würden die Sozialdemokraten das »einfach weiterhin tun und dazu noch überall die Chefs« stellen. Alle »kleinteiligen Verabredungen im Koalitionsvertrag« werde diese »Giffey-gentrifiziert-ganz-Berlin-SPD komplett ignorieren«. Die Linke habe »politisch verloren«; sie, Gennburg, werbe deshalb für ein Nein beim Mitgliederentscheid über den Koalitionsvertrag.

    Bemerkenswert ist die offene Kritik Gennburgs am Zustand der Landespartei: Diese brauche eine »innerparteiliche Erneuerung und eine radikale Demokratisierung« und außerdem »ein sozialistisches und antikapitalistisches Update«. Derlei war in Berlin bislang nur von kritischen Mitgliedern ohne Funktion und Mandat sowie einigen Funktionären auf Bezirksebene zu hören, aber nicht aus der Fraktion. Die lange unerschütterlich scheinende rechte Hegemonie im Berliner Landesverband ist unmittelbar vor dem Landesparteitag offensichtlich in eine echte Krise geraten. Aus der Partei ist zu hören, es gebe den Eindruck, der harte Kern der Regierungslinken in Fraktion und Landesvorstand bleibe im Moment bewusst passiv, um »bloß keine Diskussion zu provozieren«.

    #Berlin #gauche #politique #gouvernement #Regierungslinke #opposition #parlamentarisme

    • 09.03.20 21, 2h, un vidéo de la « Nouvelle Action Royaliste »,
      quand même il y a de valeur pour l’écouter

      Les médias français présentent l’ #opposition en #Russie sous la forme incarnée d’un seul opposant, suivi par des foules plus ou moins importantes selon les années : le joueur d’échec Garry Kasparov a longtemps tenu ce rôle, maintenant dévolu à Alexeï #Navalny. Cette focalisation sur un personnage masque une réalité complexe et mouvante car il n’y a pas qu’une seule opposition en Russie mais des oppositions, à l’intérieur des institutions et hors de celles-ci.

      Professeur de civilisation russe contemporaine à l’université de Paris-Ouest Nanterre, ancien directeur du collège universitaire français de Saint-Pétersbourg et du collège universitaire français de Moscou, Jean-Robert Raviot présente dans sa conférence le parti communiste russe et le parti nationaliste, les groupes ultras, les mouvements protestataires… et donne à voir une société russe diverse et très vivante.

  • Biélorussie : l’autocrate, l’opposition libérale et la classe ouvrière | Le mensuel
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2020/09/13/bielorussie-lautocrate-lopposition-liberale-et-la-classe-ouv

    L’opposition qui a pris forme durant la présidentielle autour de #Tikhanovskaïa, la femme d’un homme d’affaires et blogueur en vue, emprisonné pour avoir voulu faire acte de candidature, et des représentantes de deux autres opposants notoires, eux aussi empêchés de se présenter – un banquier catalogué comme pro-russe et un ex-ministre de Loukachenko – n’avait d’autres revendications que le départ de Loukachenko, pour organiser des élections honnêtes  ; et, depuis le déclenchement de la répression, ils y ont ajouté la fin des violences policières et la libération des prisonniers politiques.

    En guise de programme, cela fait un peu court. Au moins pour ce que l’opposition libérale en affiche, car elle se propose aussi, mais sans trop le claironner, de poursuivre et accélérer le programme de privatisations engagé récemment par Louka­chenko.

    [...]

    L’#opposition_libérale, qui regroupe des courants pro-occidentaux mais aussi parfois pro-russes, a constitué un conseil de coordination. Cet organe, censé préparer la relève, même pas du régime, mais du seul pouvoir de l’autocrate, est notamment constitué d’une brochette de juristes, d’un ex-ministre de Loukachenko, d’une prix Nobel de littérature, #Svetlana_Alexeïevitch qui, après avoir été une auteure en vue sous Brejnev, est devenue une adversaire déclarée de «  l’homme rouge  », du régime soviétique en particulier et du communisme en général.

    Qu’un ou plusieurs animateurs de comités de grève siègent à ce conseil ne change rien à son orientation de classe. Ils relaient auprès des travailleurs les slogans de l’opposition libérale  : élections libres, fin de la répression, libération des prisonniers politiques. Et s’ils y ajoutent des points spécifiques au monde du travail (droit de grève, droit de former des syndicats indépendants, abrogation des mesures gouvernementales de précarisation du travail, de celles qui repoussent l’âge de départ en retraite, etc.), ces revendications, amplement justifiées, ne sont pas à la hauteur des exigences de la lutte. Surtout pour obtenir un changement de régime.

    [...]

    En Biélorussie, personne ne propose rien à la classe ouvrière. Pas même de perspectives ouvertement bourgeoises, tant l’opposition libérale, de fait bourgeoise, à #Loukachenko est insignifiante, sans force, même si elle aimerait bien attacher à son char des cohortes de manifestants ouvriers. Ce qui, malgré cela, fait peur aux Macron et Merkel, c’est qu’une telle situation d’instabilité sociale et politique, même dans un petit pays, peut avoir un caractère contagieux quand c’est toute la société mondiale que secoue et frappe la crise du système capitaliste.

    Mais, faute d’un parti qui porte la perspective d’une réorganisation révolutionnaire de la société, du renversement de ce système capitaliste failli, et qui propose ce programme à l’ensemble de la population, au nom de la classe ouvrière, en cherchant à entraîner à sa suite les autres classes laborieuses, même une intervention massive des travailleurs dans des événements comme ceux de Biélorussie ne pourra rien changer de fondamental, même dans ce pays.

    – Une explosion de colère
    – Les grandes puissances à la rescousse du régime
    – Un régime bonapartiste en difficulté
    – Le régime et ses attaques contre la classe ouvrière
    – La #classe_ouvrière, ses perspectives de réorganisation de la société et son parti

  • Création de l’association des maires « #ma_commune_sans_migrants »

    Communiqué de presse de #Steeve_Briois, Maire d’#Hénin_Beaumont et Président de l’#association des maires « ma commune sans migrants »

    Steeve Briois, maire d’Hénin Beaumont, annonce la création d’une association de maires refusant l’#accueil des migrants. Cette association, intitulée « ma ville sans migrants », fait suite à l’annonce par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, d’un plan de dissémination de 12 000 migrants dans les villages et villes de France à la suite du démantèlement de la jungle de calais. Cette politique folle aurait pour conséquence de multiplier les #mini_Calais sur l’ensemble du territoire national, sans consulter préalablement les populations et les élus locaux. Ce passage en force du gouvernement socialiste est tout simplement inacceptable car il menace gravement l’#ordre_public et la #sécurité de nos administrés.

    C’est pourquoi les maires membres de cette association s’engagent à faire voter par le conseil municipal, une #charte intitulée « ma commune sans migrants ». Cette charte énonce huit points attestant devant les Français, que tous les moyens légaux en la possession des maires, seront mis en œuvre pour s’opposer à l’accueil des migrants.

    Cette association s’adresse aux 36 0000 maires de France sans préjuger de leur appartenance politique. L’opposition à l’#invasion migratoire dans nos communes doit devenir une cause nationale de #salut_public qui dépasse les clivages partisans.

    https://rassemblementnational.fr/communiques/creation-de-lassociation-des-maires-ma-commune-sans-migrants
    #réseau #France #anti-migrants #anti-réfugiés #RN #Rassemblement_national #non-accueil #opposition

    Ajouté en contre-exemple à la métaliste sur les #villes-refuge :
    https://seenthis.net/messages/759145

    ping @isskein @karine4 @thomas_lacroix