• 20 février 1938 : « Léon Sédov, le fils – l’ami – le militant — dédié à la jeunesse prolétarienne » (Léon Trotsky)

    A l’instant où j’écris ces lignes, à côté de la mère de Léon Sédov, des télégrammes me parviennent de divers pays, m’apportant l’expression de condoléances. Et chacun de ces télégrammes suscite la même et insupportable question :

    « Ainsi tous nos amis de France, de Hollande, d’Angleterre, des Etats-Unis et du Canada et d’ici, au Mexique, considèrent comme définitif le fait que Sédov ne soit plus ? »
    Chaque télégramme est une preuve nouvelle de sa mort. Et pourtant, nous ne pouvons encore y croire. Et non pas seulement parce qu’il est notre fils, fidèle, dévoué, aimant. Mais avant tout, parce que plus que quiconque au monde, il est entré dans notre vie, s’y est lié avec ses racines, comme camarade d’idées, comme collaborateur, comme gardien, comme conseiller, comme ami.

    De cette génération aînée, dans les rangs de laquelle nous sommes entrés à la fin du siècle dernier, sur la route de la Révolution, tous, sans exception, ont été balayés de la scène. Ce que n’ont pu faire les bagnes du tsar, la déportation rigoureuse, les besoins des années d’émigration, la guerre civile et les maladies, Staline l’a fait au cours des dernières années, comme le fléau le plus malfaisant de la révolution. Après la génération aînée, a été anéantie la meilleure partie de la génération moyenne, c’est-à-dire celle qu’a suscitée 1917 et qui a reçu sa formation dans les 24 armées du front révolutionnaire. Piétinée sans traces la meilleure partie de la jeunesse, de la génération de Léon. Lui-même n’y a échappé que par miracle : grâce au fait qu’il nous a accompagnés en déportation et ensuite en Turquie. Au cours des années de notre dernière émigration, nous avons acquis de nombreux amis, et quelques-uns d’entre eux sont entrés étroitement dans la vie de notre famille, jusqu’à pouvoir être considérés comme ses membres. Mais tous nous ont approchés pour la première fois seulement dans ces dernières années, quand nous avons atteint le seuil de la vieillesse. Seul Léon nous a connu jeunes, et a participé à notre existence depuis le temps, où il a pris conscience de lui-même. Demeuré jeune, il fut comme de notre génération.

    Il a traversé avec nous notre deuxième émigration : Vienne, Zurich, Paris, Barcelone, New Amherst (le camp de concentration canadien) et, finalement, Pétrograd.

    Encore tout enfant – il allait sur ses douze ans – il avait à sa manière assimilé consciemment le passage de la révolution de février à celle d’octobre. Son adolescence s’est passée sous une haute pression. Il s’est ajouté une année pour entrer plus vite aux Jeunesses Communistes, qui brûlaient alors de toutes les ardeurs d’une jeunesse éveillée. Les jeunes boulangers, au milieu desquels il menait sa propagande, le gratifiaient d’un petit pain frais, et il le rapportait joyeusement sous le pan déchiré de sa veste. Ce furent des années brûlantes et froides, grandioses et affamées.

    De sa propre volonté, Léon quitta le Kremlin pour le logis en commun des étudiants prolétariens, afin de ne pas se distinguer des autres. Il refusait de s’asseoir avec nous dans l’auto, afin de ne pas jouir des privilèges des bureaucrates. En revanche, il prenait jalousement sa part dans tous les « samedis communistes » et autres « mobilisations de travail », il nettoyait la neige dans les rues de Moscou, « liquidait » l’analphabétisme, déchargeait le pain et le bois des wagons, et ensuite, en qualité d’élève polytechnicien, réparait les locomotives. Il ne s’est pas trouvé sur le front des opérations, c’est seulement parce que l’addition de deux et même trois années supplémentaires n’aurait pu l’aider : la guerre civile s’est terminée quand il avait seulement quinze ans. Mais plusieurs fois, il m’avait accompagné sur le front, s’imprégnant d’impressions sévères (rudes), et connaissait fermement le pourquoi de cette lutte sanglante.

    Les derniers télégrammes d’agence ont appris que Sédov vivait à Paris « dans les conditions les plus modestes ». Ajoutons, beaucoup plus modestes que celles des ouvriers qualifiés. Mais à Moscou, dons ces années où son père et sa mère occupaient de hautes fonctions, il ne vivait guère mieux que ces derniers temps à Paris, plutôt moins bien. Etait-ce une règle parmi la jeunesse bureaucratique ? Non, alors déjà, c’était une exception.

    Dans ce garçon, et plus tard dans l’adolescent, et dans le jeune homme, le sentiment du devoir et du sacrifice s’est éveillé de bonne heure.

    En 1923, Léon s’est brusquement et entièrement plongé dans le travail de l’opposition. II serait injuste de voir là seulement l’influence de ses parents. II avait quitté le bel appartement du Kremlin pour le logement en commun, froid, sale et sans pain, non seulement sans intervention de notre part, mais contre notre volonté.

    Son orientation politique a été déterminée par ce même instinct qui l’incitait à préférer les tramways surchargés de monde aux limousines du Kremlin. La plate-forme de l’Opposition a seulement donné une expression politique aux traits organiques de son caractère. Léon rompait inflexiblement avec les étudiants amis, que leurs pères bureaucrates arrachaient à coups de griffes du « trotskysme », et retrouvait le chemin de ses amis boulangers.

    Ainsi, à 17 ans, a commencé sa vie pleinement consciente de révolutionnaire. Il a vite assimilé l’art de la conspiration, des réunions illégales, de la presse secrète et de la diffusion des écrits oppositionnels.

    Le Komsomol a rapidement formé les cadres de ses chefs oppositionnels.

    Léon se distinguait par des qualités remarquables de mathématicien. Il venait infatigablement en aide aux étudiants prolétariens, n’ayant pas fait d’études secondaires. Et, dans ce travail, il mettait toute son ardeur, corrigeait, poussait en avant, grondant les paresseux. II considérait son jeune enseignement comme un service consacré à sa classe. Ses propres études à l’Institut technique supérieur se poursuivaient avec succès. Mais elles ne prenaient qu’une partie de sa journée de travail. La plus grande partie de son temps, il la donnait avec ses forces et son âme, à la cause de la révolution.

    En hiver 1927, quand commença la destruction politique de l’Opposition, Léon achevait sa vingt-deuxième année. Il avait déjà un enfant qu’il venait nous montrer avec fierté au Kremlin. Sons une minute d’hésitation, il s’est arraché à sa jeune famille et à son école, pour partager notre sort en Asie Centrale. II agissait non seulement comme un fils mais, avant tout, comme un camarade d’idées ; il fallait avant tout assurer notre liaison avec Moscou.

    Son travail à Alma-Ata, pendant toute une année, fut, en toute sincérité, incomparable. Nous le nommâmes ministre des Affaires étrangères, ministre de la police, ministre des P.T.T. Et, dans toutes ces fonctions, il fut obligé de s’appuyer sur un appareil illégal. Sur les instructions du Centre Oppositionnel de Moscou, le camarade X..., très dévoué et très sûr, avait acquis une voiture et une troïka de chevaux et travaillait en qualité de cocher indépendant entre Alma-Ata et Frounzé (Pichpek) alors station terminale de la ligne de chemin de fer.

    Le travail qui lui était dévolu était de nous apporter, toutes les deux semaines, le courrier secret de Moscou et de rapporter nos lettres et manuscrits à Frounzé où l’attendait le courrier de Moscou. Parfois, des courriers spéciaux nous arrivaient de Moscou. Les rencontrer n’était pas une chose facile à faire.

    Nous étions logés dans une maison de tous côtés entourée d’organisations de la Guépéou et des appartements de ses agents. Les rapports extérieurs reposaient sur Léon. Il quittait le logis par les nuits profondes, pluvieuses ou neigeuses, ou, trompant la vigilance des espions, il s’échappait dans la journée de la bibliothèque, retrouvant les agents de liaison à l’établissement des bains publics, ou dans les fourrés profonds, aux environs de la ville, ou encore au marché oriental où les Kirghizes grouillaient en foule, avec les chevaux, les ânes et les marchandises.

    Chaque fois, il revenait frémissant et heureux, avec une flamme guerrière dans les yeux et avec des acquisitions précieuses cachées sous le linge. Ainsi, pendant une année, il fut imprenable à l’adversaire.

    Et mieux que cela, il entretenait avec ces ennemis, « camarades » d’hier, les rapports les plus « corrects », presque « amicaux », montrant un self-contrôle et un tact constant et nous protégeant soigneusement de tout conflit avec l’extérieur.

    La vie idéologique de l’opposition était alors à son apogée. C’était l’année du 6º Congrès du Komintern. Dans les colis de Moscou arrivaient des dizaines de lettres, articles, thèses de célébrités et d’inconnus.

    Dans les premiers mois, jusqu’au changement brutal de la politique de la guépéou, de nombreuses lettres arrivaient aussi par la poste officielle des différents lieux de déportation.

    Dans ce matériel varié, il fallait opérer une soigneuse discrimination. Et là, je ne me convainquais qu’avec étonnement comment, d’une manière pour moi imperceptible, cet enfant avait eu le temps de mûrir, comme il savait bien choisir parmi les hommes, il connaissait une quantité beaucoup supérieure d’oppositionnels que moi. Combien sûr était son instinct révolutionnaire, lui permettant de distinguer sans hésitation le vrai du faux, le réel du superficiel. Les yeux de sa mère, qui connaissait davantage son fils, s’illuminaient de fierté à nos entretiens.

    D’avril à octobre, il nous arriva près de 1000 lettres politiques et documents et près de 700 télégrammes. Nous avons expédié, pour la même période, 800 lettres politiques, et, dans cette quantité, une série de travaux considérables comme la critique du programme du Komintern, etc. Sans mon fils, je n’aurais pu accomplir la moitié du travail.

    Une aussi étroite collaboration ne signifiait pas, toutefois, que des frictions ne s’élevaient pas entre nous, et parfois des différents aigus.

    Mes rapports avec Léon, pas plus à ce moment-là que plus tard, dans l’émigration, ne se distinguaient particulièrement – loin de là – par un caractère égal ni dépourvu d’aspérités.

    Je ne m’élevais pas seulement contre ses appréciations catégoriques à l’égard de certains « vieux » de l’opposition par des rectifications et des semonces énergiques, mais encore, je laissais apparaître, dans mes rapports avec lui, l’exigence et le formalisme qui me sont inhérents dans les questions pratiques.

    Ces traits peut-être utiles et même indispensables pour un travail de grande envergure, mais assez insupportables dans les relations privées, ont rendu la tâche difficile aux êtres qui me furent le plus proche. Et comme le plus proche d’entre tous les jeunes était mon fils, il a eu ordinairement plus à supporter que tous les autres. A un oeil superficiel, il pouvait même sembler que nos rapports étaient empreints de sévérité ou d’indifférence. Mais sous cette apparence existait un profond attachement réciproque, fondé sur quelque chose d’incomparablement plus grand que la communauté du sang : la communauté de vues et des jugements, les sympathies et les haines, les joies et les souffrances vécues ensemble, et les mêmes et grandes espérances. Et cet attachement mutuel s’illumina de temps à autre de flammes tellement vives, qu’elles récompensaient nos trois destins de la médiocre usure du quotidien.

    Ainsi nous vécûmes à 4000 Kms de Moscou, à 250 Kms de la voie ferrée, une année difficile et inoubliable, qui est restée toute entière sous le signe de Léon, ou plus exactement de « Lévik » ou de « Levoussetki », comme nous l’appelions.

    En janvier 1929, le bureau politique décréta mon bannissement « au-delà des limites de l’#URSS » et, comme il s’est avéré, en Turquie.

    Aux membres de ma famille fut laissé le droit de m’accompagner. De nouveau sans hésitation, Léon décida de nous suivre en exil, se séparant à jamais de sa femme et de son fils qu’il aimait beaucoup.

    Dans notre vie s’ouvrit un nouveau chapitre, avec une page presque vierge : relations, amitiés, liaisons, il fallut nouer tout cela à nouveau. Et de nouveau notre fils devint pour nous tous l’intermédiaire dans les rapports avec le monde extérieur, le gardien, le collaborateur, le secrétaire, comme à #Alma-Ata, mais sur un plan de beaucoup plus vaste. Les langues étrangères qu’il possédait, étant enfant, mieux que le russe, se trouvèrent presque oubliées dans la fièvre des années révolutionnaires.

    II fallut les étudier à nouveau. On commença un travail littéraire approprié. Les archives et la bibliothèque étaient entièrement dans les mains de Léon. Il connaissait bien les oeuvres de Marx, d’Engels et de #Lénine, il connaissait à merveille mes livres et manuscrits, l’histoire du parti et de la révolution, l’histoire des falsifications thermidoriennes. Dans le chaos même de la bibliothèque publique d’Alma-Ata, il avait étudié les collections de la Pravda des années soviétiques et avait tiré d’elles, avec un esprit d’investigation sans faille, les citations et les extraits indispensables. Sans cette documentation précieuse et sans les recherches ultérieures faites par Léon dans les archives et les bibliothèques, d’abord en #Turquie, ensuite à Berlin, finalement à Paris, pas un des travaux que j’ai écrits au cours de ces dix dernières années n’eut été possible, et en partie L’Histoire de la Révolution Russe. Sa collaboration, incalculable par sa quantité, n’avait pourtant pas qu’un caractère « technique ». Le choix personnel des faits, des citations, des caractéristiques, prédéterminait ma méthode de développement, ainsi que les conclusions. Dans #la_Révolution_Trahie, il y a pas mal de pages écrites par moi sur les données de quelques lignes extraites des lettres de mon fils et des illustrations tirées par lui des journaux soviétiques qui m’étaient inaccessibles. Encore plus de matériaux m’ont été fournis par lui pour la biographie de Lénine. Une telle collaboration était seulement possible parce que notre solidarité idéologique était entrée dans le sang et dons les nerfs. Presque tous mes livres à partir de l’année 1928 devraient en toute justice porter le nom de mon fils à côté du mien.

    A Moscou, il restait à Léon une année et demie jusqu’à l’achèvement de sa formation d’ingénieur. Nous insistions avec sa mère pour qu’il revint à l’étranger aux études abandonnées. Une nouvelle équipe de jeunes collaborateurs de tous les pays avait eu entre temps le loisir de se former à Prinkipo, en étroite collaboration avec mon fils. Léon ne consentit au départ que sous la pression du fait que, en Allemagne, il pouvait rendre d’inappréciables services à l’#Opposition_de_gauche internationale

    Ayant repris à Berlin ses occupations estudiantines (il fallut repartir au commencement), Léon en même temps s’était consacré tout entier au travail révolutionnaire. Bientôt il entra au Secrétariat International en qualité de représentant de la section russe. Ses lettres d’alors à sa mère démontrent avec quelle rapidité il s’était assimilé à l’atmosphère politique de l’Allemagne et de l’Europe Occidentale, comme il savait bien distinguer parmi les hommes et discerner parmi leurs divergences et les nombreux conflits de cette période infantile de notre mouvement. Son instinct révolutionnaire, enrichi déjà d’une sérieuse expérience, l’aidait à trouver la voie juste dans presque tous les cas, d’une manière indépendante. Comme nous nous réjouissions de trouver dans ses lettres fraîchement décachetées, les mêmes raisonnements et conclusions que je recommandais la veille à son attention. Et combien, passionnément et sobrement, se réjouissait-il de telles rencontres dans nos idées. Le recueil des lettres de Léon constituera indubitablement une des sources les plus précieuses pour l’étude de la préhistoire intérieure de la Quatrième Internationale.

    Mais les affaires russes demeuraient au centre de ses préoccupations. Encore à Prinkipo, il devint l’éditeur effectif du Bulletin de l’Opposition russe dès son apparition (mi-1929 et avait complètement pris en charge ce travail dans ses mains depuis son départ à Berlin ( début 1931 ), d’où le Bulletin fut transféré à sa suite à Paris. La dernière lettre de Léon que nous avons reçue, écrite le 4 Février 1938, douze jours avant sa mort, commence par ces mots :

    « Je vous envoie les épreuves du Bulletin, car le prochain bateau ne partira pas de sitôt, et le Bulletin ne sera prêt que demain matin. »
    La sortie de chaque numéro fut un petit événement dans sa vie – petit événement qui coûtait de grands efforts –. La composition du Bulletin, la finition des matériaux bruts, la rédaction des articles, une correction minutieuse, l’expédition, la correspondance avec les amis et les correspondants et ce qui ne vient pas à la dernière place, ce qui n’était pas le moins important la recherche des moyens financiers. En revanche, comme il s’enorgueillissait de chaque numéro « réussi ». Dans les premières années de l’émigration, il entretenait une correspondance considérable avec les oppositionnels en U.R.S.S. Mais en 1932, la Guépéou rompit presque tous nos liens.

    II fallut chercher des informations fraîches par des voies détournées.

    Léon était toujours sur le « qui-vive », cherchant avidement des tuyaux de Russie, s’emparant des touristes revenus d’U.R.S.S., des étudiants soviétiques en mission et des fonctionnaires sympathisants des Représentations à l’étranger. Il parcourait Berlin pendant des heures entières et ensuite Paris, pour semer les agents de la Guépéou à sa poursuite et ne pas compromettre ses informateurs. Pendant toutes ces années, il n’y eut pas un cas où quelqu’un eût à souffrir de son manque de vigilance, de son inattention ou de son manque de discernement.

    Sur les rapports de la #Guépéou, il figurait sous le sobriquet de « fiston », ainsi que nous en informait l’infortuné Reiss ; on a dit plus d’une fois à la Lublianka :

    "Le « Fiston » travaille habilement, le « Vieux » l’aurait dure sans lui."
    C’était la vérité. La tâche n’eût pas été facile sans lui ! Justement pour cette raison, les agents de la Guépéou, pénétrant aussi dans les organisations de l’Opposition, entouraient Léon d’un filet épais d’observations, d’intrigues, de pièges. Dans les procès de Moscou, son nom figurait invariablement à côté du mien. Moscou cherchait le moyen d’en finir à tout prix avec lui.

    Après l’arrivée de Hitler au pouvoir, le Bulletin de l’Opposition fut immédiatement interdit. Léon passa en Allemagne encore quelques semaines, menant un travail illégal et se cachant de la Gestapo dans les appartements étrangers. Nous sonnâmes l’alarme avec sa mère, insistant sur un départ immédiat de l’Allemagne. Au printemps 1933, Léon se décida enfin à abandonner un pays qu’il avait eu le temps de connaître et d’aimer et se logea à Paris où le suivit le Bulletin. Ici, Léon recommença ses études à nouveau : il fallut passer un examen dans une école française d’enseignement secondaire, ensuite, pour la troisième fois, recommencer en Sorbonne, depuis le début, ses études de Physique et de Mathématiques à la Faculté des Sciences. Il vivait à Paris dans des conditions difficiles, dans le besoin, s’occupant par à-coups de ses études universitaires, mais, grâce à des dispositions remarquables, il put mener ses études à bonne fin, c’est-à-dire jusqu’au diplôme.

    Ses principaux efforts, à Paris, étaient consacrés, encore plus qu’à Berlin à la #révolution et à une collaboration littéraire avec moi. Dans les dernières années, Léon commença à écrire lui-même plus systématiquement pour la presse de la Quatrième Internationale. A des signes divers, notamment à la rédaction de ses mémoires, pour mon autobiographie, j’ai commencé à soupçonner en lui, encore à Prinkipo, des dispositions littéraires. Mais il était surchargé par toutes sortes d’autres travaux, et, comme les idées et les thèmes nous étaient communs, il me consacrait toujours son activité d’écrivain.

    En Turquie, il écrivit, à ce qu’il m’en souvient, seulement un article de dimensions plus importantes : « Staline et l’Armée Rouge ou comment on écrit l’histoire », sous la signature de Markine, matelot révolutionnaire, auquel l’unissait, dans ses années d’enfance, une amitié colorée d’une véritable adoration. Ce travail entra dans mon livre « Les crimes de Staline ». Ultérieurement, ses articles ont paru toujours plus fréquemment, dans les pages du Bulletin et autres publications de la Quatrième Internationale, chaque fois sous la pression des nécessités. Léon écrivit seulement quand il avait quelque chose à dire et qu’il savait que nul autre ne pourrait l’exprimer mieux. Dans la période norvégienne de notre vie, je recevais de divers côtés des lettres me demandant d’analyser le mouvement stakhanoviste, qui atteignit, dans une certaine mesure, notre mouvement à l’improviste. Quand il apparut que le prolongement de ma maladie ne pourrait me permettre de faire face à ce problème, Léon me fit parvenir le projet de son article sur le stakhanovisme avec une lettre d’introduction très modeste. Le travail me parut, par son sérieux et par sa pénétration, embrasser la question sous tous ses aspects, plein de concision et de relief dans l’argumentation.

    Je me souviens quelle joie causa mon approbation chaleureuse à Léon. L’article fut imprimé en plusieurs langues et établit immédiatement un point de vue juste sur l’édification socialiste sous le fouet de la bureaucratie. Des dizaines d’articles ultérieurs n’ont rien ajouté de concret à cette analyse.

    Le principal ouvrage littéraire de Léon fut toutefois son livre « Le Procès de Moscou », consacré au procès des seize (Zinoviev, Kamenev et autres) et publié en français et en allemand. Nous nous trouvions alors, avec ma femme, dans la prison norvégienne, pieds et mains liés, sous les coups de la plus monstrueuse des calomnies. A certains degrés de la paralysie, les êtres voient, entendent et comprennent tout, mais sont incapables de remuer le petit doigt pour écarter un danger mortel.

    Le gouvernement « socialiste » norvégien nous contraignit à cette paralysie politique. Dans ces conditions, le livre de Léon fut pour nous un présent inappréciable, première et cinglante réplique aux falsifications du Kremlin. Je me souviens que les premières pages m’en parurent plutôt pâles ; ceci parce qu’elles répétaient une appréciation politique de l’ensemble de la situation en U.R.S.S. déjà faite précédemment.

    Mais à partir du moment où l’auteur a abordé l’analyse personnelle du procès lui-même, je me suis senti tout à fait entraîné. Chaque nouveau chapitre me paraissait meilleur que le précédent. « Bravo, Levoussetka, » nous disions nous avec ma femme. « Nous avons un défenseur ! » Comme ses yeux devaient briller joyeusement en lisant nos louanges chaleureuses !

    Dans certains journaux, et en partie dans l’organe central de la social-démocratie danoise, on émettait la conviction que, malgré les conditions rigoureuses de l’internement, j’avais visiblement trouvé le moyen de prendre part à l’ouvrage paru sous le nom de Sédov. « On sent la main de Trotsky ». Tout cela, inventions ! Dans le livre, il n’y a pas une ligne de moi.

    Beaucoup de camarades qui étaient enclins à considérer Sédov seulement comme le fils de Trotsky – comme en Karl Liebknecht, on n’a vu pendant longtemps que le fils de Wilhelm Liebknecht – ont eu la possibilité de se convaincre, ne fut-ce QUE PAR ce livre, qu’il représentait une personnalité indépendante, mais une personnalité d’envergure.

    Léon écrivait comme il faisait tout le reste, c’est-à-dire consciencieusement : il étudiait, réfléchissait, vérifiait. La gloire littéraire lui était étrangère. Les déclamations de propagande ne le séduisaient guère. En même temps, chaque ligne écrite par lui est illuminée par une flamme vivante dont la source était son rare tempérament révolutionnaire.

    Les événements de sa vie privée et familiale de notre époque, ont formé son caractère et l’ont trempé. En 1905, sa mère attendait sa naissance dans une prison de Pétersbourg.

    Le vent de libéralisme l’en a fait sortir en automne. l’enfant est venu au monde en février de l’année suivante. A ce moment-là, j’étais déjà en prison. Voir mon fils pour la première fois ne me fut possible que treize mois après, lors de l’évasion de Sibérie. Ses toutes premières impressions furent imprégnées du souffle de la première révolution russe, dont la défaite nous jeta en Autriche. La guerre frappa la conscience de ce garçon de huit ans, en nous rejetant en Suisse. Mon expulsion fut la seconde de ses grandes leçons.

    Sur le paquebot, il tenait des conversations révolutionnaires mimées avec le chauffeur catalan. La révolution signifiait pour lui tous les biens et, avant tout, le retour en Russie. Sur la route du retour d’Amérique, à Halifax, Lévik, âgé de douze ans, avait frappé du poing un officier britannique. II savait qui frapper : non les matelots qui m’emportaient du navire, mais l’officier qui commandait. Au Canada, au moment de mon internement au camp de concentration Léon apprit à dissimuler et à jeter furtivement à la boite les lettres non contrôlées par la police. A Pétrograd, il fut brusquement plongé dans une atmosphère de poursuite anti-bolchévique.

    A l’école bourgeoise où il se trouva d’abord, les fils de libéraux et des S.R. le battaient parce que fils de Trotsky.

    Il vint un jour au Syndicat des ouvriers du bois où travaillait sa mère, avec la main ensanglantée ; c’était le résultat d’une explication politique avec les fils des kérenskystes. Il se joignait dans la rue à toutes les manifestations et se cachait dans les portes cochères des forces armées du Front Populaire de l’époque (coalition des cadets, des S.R. et des menchéviks). Après les journées de juillet, amaigri et pâle il me rendait visite dans la prison de Kérenski et de Tséretelli. Dans la famille d’un colonel ami, au cours d’un déjeuner, Léon et Serge se jetèrent armés de couteaux sur un officier qui avait déclaré que les bolchéviks étaient des agents du Kaiser. Ils répondirent d’une manière à peu près analogue à l’ingénieur Sérébrowsky, plus tard membre du C.C. stalinien qui essaya de les persuader que Lénine était un espion allemand.

    Lévik apprit tôt à faire grincer ses jeunes dents à la lecture de la calomnie des journaux. Il passa les journées d’Octobre avec le matelot Markine qui, à ses heures de loisir, lui enseignait l’art du tir, dans la cave.

    Ainsi s’est formé le futur militant. La révolution n’était pas pour lui une abstraction, oh, non ! Elle le pénétrait par les pores de sa peau. C’est pourquoi il agissait sérieusement avec le devoir révolutionnaire commençant par les volontaires des samedis communistes et finissant par les traînards. C’est pourquoi plus tard, il est entré si ardemment dans la lutte contre la bureaucratie. En automne 1927, Léon accomplissait un voyage oppositionnel à travers l’Oural, en compagnie de Mratchkowsky et de Deloborodov. Au retour tous deux parlaient avec un enthousiasme sincère de la conduite de Léon, au cours d’une lutte aiguë et sans espoir, de ses interventions sans compromis aux réunions de la jeunesse, de son courage physique devant les bandes d’apaches suscitées par la bureaucratie, de sa virilité morale, lui permettant de subir la défaite en portant haut sa jeune tête. Quand il revint de l’Oural, devenu homme en six semaines, j’étais déjà exclu. II fallait s’apprêter pour la déportation.

    Il n’y avait en lui aucun manque de discernement, ni aucune forfanterie, loin de là. Mais il savait que le danger était l’essence de la révolution comme de la guerre. Il savait, quand il le fallait, et il le fallait souvent, aller au devant du danger. Sa vie, en France, où la Guépéou a des amis à tous les étages de l’édifice étatique, était une chaîne ininterrompue de dangers. Des assassins professionnels étaient sans relâche à ses trousses. Ils vivaient à côté de son appartement. Ils volaient ses lettres, ses archives et écoutaient ses conversations téléphoniques. Quand après sa maladie, il passa deux semaines sur les bords de la Méditerranée, son seul repos au cours de longues années, les agents du Guépéou prirent pension au même hôtel. Quand il se prépara à partir pour Mulhouse afin de rencontrer l’avocat suisse, à propos de l’affaire des calomnies staliniennes dans la presse, toute une bande de la Guépéou l’attendait à la gare de Mulhouse, celle-là même qui, plus tard assassina Ignace REISS. Léon échappa à une perte certaine, seulement grâce à ce que, tombé malade la veille, il ne pouvait quitter Paris avec une température de 40º. Tous ces faits sont établis par les autorités judiciaires de France et de Suisse. Et combien de secrets restent-ils non encore dévoilés ? Ses amis les plus proches nous écrivaient il y a trois mois, qu’à Paris, il courait un trop grand danger, et insistaient pour son départ pour le Mexique. Léon répondait que le danger était certain à Paris, mais que c’était un poste de combat trop important et que l’abandonner serait criminel. II ne restait qu’à s’incliner devant cette raison.

    Quand, à l’automne de l’année dernière, commença une série de rupture entre les agents soviétiques à l’étranger, le Kremlin et la Guépéou, Léon se trouva au centre de ces événements. Certains amis protestaient contre ses relations avec ces nouveaux alliés non encore « éprouvés » : une provocation était possible. Léon répliquait : le risque est indéniable, mais impossible de développer ce mouvement important en restant à l’écart. Il fallait prendre Léon, cette fois encore, tel que l’avaient fait la nature et les circonstances politiques. Comme un vrai révolutionnaire, il appréciait la vie seulement dans la mesure où elle servait la lutte libératrice du prolétariat.

    Le 16 février, les journaux mexicains du soir imprimèrent un court télégramme annonçant la mort de Léon Sédov à la suite d’une intervention chirurgicale. Pris par un travail urgent, je n’avais pas vu ces journaux. Diégo Rivera contrôla par radio de sa propre initiative et vint m’apporter la terrible nouvelle. Au bout d’une heure, j’ai appris la mort de notre fils à Natalia – dans ce même mois de février où, 32 ans plus tôt, elle m’avait appris en prison sa naissance. Ainsi s’acheva ce 16 février, la journée la plus noire de notre vie privée.

    Nous nous attendions à beaucoup, presque à tout, mais pas à cela. C’est que très peu de temps avant, Léon nous avait fait part de son intention d’entrer comme ouvrier dans une usine. En même temps, il exprimait l’espoir d’écrire, pour un centre d’études, l’histoire de l’opposition russe. II était rempli de projet. Seulement deux jours avant que la nouvelle de sa mort ne nous parvint, nous reçûmes de lui une lettre énergique et pleine de vie, datée du 4 février. Elle est devant moi. « Nous nous préparons au procès en Suisse ; l’affaire concerne la mise en jugement des participants à l’assassinat d’Ignace Reiss, écrivait-il l’atmosphère y est très favorable en ce qui concerne l’opinion publique et aussi l’attitude des autorités. » Il énumérait une série d’autres faits et symptômes favorables. « En somme, nous marquons des points. » La lettre respirait la confiance dans l’avenir. D’où provenait donc ce mal et cette mort fulgurante au bout de 12 jours ?

    Première et essentielle supposition : le poison. Trouver accès auprès de Léon, de ses vêtements, de sa nourriture n’offrait guère de difficultés aux agents de Staline. Est-ce qu’une enquête judiciaire, même libérée des raisons diplomatiques peut, à cet égard, parvenir à la pleine lumière ? En relation avec la guerre, la chimie et l’art de l’empoisonnement ont atteint, ces temps derniers, un développement tout particulier. Les secrets de cet art sont à vrai dire inaccessibles aux simples mortels. Mais aux empoisonneurs de la Guépéou tout est accessible. Il est tout à fait possible d’admettre qu’un tel poison, ne laissant pas de traces après le décès, même à la plus minutieuse des analyses. Et où sont les garanties de la minutie ?

    Ou bien l’ont-ils tué sans le secours de la chimie ? Il a fallu trop supporter à ce jeune être, très sensible et très tendre, dans les profondeurs de sa nature. Une campagne de plusieurs années déjà contre son père et les meilleurs de ses camarades aînés, que Léon s’est habitué dès l’enfance à respecter et à aimer, avait profondément secoué son organisme moral. Une longue suite de capitulations des participants de l’opposition ne lui a pas porté un coup moins rude. Ensuite suivit le suicide à Berlin de Zina, ma fille aînée, que Staline avait traîtreusement, par pure vengeance, arrachée de ses enfants, de sa famille, de son milieu. Léon se trouva sur les bras le cadavre de sa soeur aînée et un enfant de 6 ans. Il résolut d’essayer d’obtenir une communication téléphonique avec son frère cadet, Serge, à Moscou. Est-ce que la Guépéou avait perdu la tête devant le suicide de Zina, ou espérait-elle surprendre quelque secret, le fait est que la communication fut établie, contre toute attente, et Léon réussit à communiquer de vive voix la nouvelle tragique à Moscou. Telle fut l’ultime conversation des deux frères, condamnés déjà, sur le corps encore chaud de leur soeur. Les communications de Léon à Prinkipo sur ce qu’il venait de vivre furent courtes, avares, mesurées. Il nous épargnait trop. Mais sous chaque ligne se sentait l’insupportable tension morale.

    Les difficultés matérielles et les privations, Léon les supportait facilement, comme un vrai prolétaire, en plaisantant mais elles aussi, naturellement, laissèrent leur trace. Infiniment plus destructives furent les épreuves morales ultérieures. Le procès des seize à Moscou, le caractère monstrueux de l’accusation, les dépositions hallucinantes des accusés, et dans ce monde Smirnov et Mratchkowsky, que Léon connaissait bien et aimait, l’internement inattendu de son père et de sa mère en Norvège, quatre mois sans nouvelles, le vol des archives, notre déportation secrète avec ma femme au Mexique, le deuxième procès de Moscou, avec des accusations et des aveux encore plus délirants, la disparition de son frère Serge, sous l’accusation « d’empoisonnement d’ouvriers », les innombrables exécutions d’hommes qui furent autrefois des amis proches ou qui le restèrent jusqu’au bout, les poursuites et lès attentats de la Guépéou en France, l’assassinat de Reiss en Suisse, le mensonge, la bassesse, la trahison et les pièges – non, le « stalinisme » – était pour Léon autre chose qu’un phénomène politique abstrait, mais une série ininterrompue de coups moraux et de défaites psychiques. Fallut-il aux spécialistes moscovites recourir à la chimie afin de parachever leur oeuvre, ou suffisait-il de tout ce qu’ils avaient fomenté auparavant, le résultat demeure le même : ILS L’ONT ASSASSINÉ. Et la nouvelle de sa mort fut marqué comme un grand triomphe au calendrier thermidorien.

    Avant de le tuer, ils firent tout pour calomnier et noircir notre fils aux yeux des contemporains et des générations à venir. Caïn-Djougachvili et ses acolytes essayèrent de transformer Léon en agent du fascisme et en partisan secret d’une restauration capitaliste en URSS, en organisateur de catastrophes de chemin de fer et en assassin d’ouvriers. Grands furent les efforts de ces crapules ! Des tonnes de boue thermidorienne tombent sur sa jeune image sans y laisser une seule tâche. Léon était essentiellement un être humain d’une propreté et d’une honnêteté transparentes. II pouvait raconter sa vie à n’importe quelle assemblée ouvrière, sa vie brève par ses jours comme court est mon récit.

    II n’avait rien à se reprocher, rien à sceller. L’honnêteté morale était le fil conducteur de son caractère. II servait sans fléchir la cause des opprimés et, en cela, il restait fidèle à lui-même. Des mains de la nature et de l’histoire, il est issu homme d’une trempe héroïque. Les grands et terribles événements qui s’approchent de nous auront besoin de tels êtres. Si Léon avait vécu jusqu’à ces événements, il aurait montré sa vraie mesure. Mais il ne les a pas atteints. Notre Léon n’est plus, notre enfant, notre fils et militant héroïque !

    Avec sa mère, qui fut pour lui l’être le plus proche en ce monde, nous vivons ces heures terribles, évoquant son image, trait pour trait, ne pouvant croire qu’il n’est plus, et pleurons car il n’est plus possible de ne pas le croire.

    Comment nous habituer à cette idée qu’est disparu, sur l’étendue terrestre, le lumineux point humain, qui nous fut lié par les fils indestructibles des souvenirs communs, de la compréhension mutuelle et d’un tendre attachement. Personne ne nous connaissait ni ne nous connaît comme lui, avec nos côtés forts et nos côtés faibles. II était une part, la part jeune de nous deux. Pour cent raisons, nos pensées et nos sentiments allaient chaque jour vers lui, à Paris. Avec notre garçon est mort tout ce qui demeurait en nous de jeune.

    Adieu, Léon ! Adieu, cher et incomparable ami ! Nous ne pensions pas, avec ta mère, nous ne nous attendions pas à ce que le sort nous chargeât de cette terrible tâche : écrire ta nécrologie. Nous vivions avec la ferme certitude que longtemps après nous encore, tu serais le continuateur de l’oeuvre commune. Mais nous n’avons pas su te protéger. Adieu Léon ! Nous léguons ta pure mémoire à la jeune génération ouvrière de ce monde. Tu auras droit de cité dans les oeuvres de ceux qui travaillent, souffrent et luttent pour un monde meilleur.

    JEUNESSE RÉVOLUTIONNAIRE DE TOUS LES PAYS, PRENDS NOUS LE SOUVENIR DE NOTRE LÉON, ADOPTE LE, IL LE MÉRITE ET QUE, DÉSORMAIS, IL PARTICIPE INVISIBLE A TES LUTTES, PUISQUE LE SORT LUI A REFUSÉ LE BONHEUR DE PRENDRE PART A LA VICTOIRE FINALE.

    LÉON TROTSKY
    20 février 1938 – COYOACAN (Mexique)

    #Léon_Sédov #Léon_Trotsky #assassinat #Staline #stalinisme #jeunesse_révolutionnaire #révolution _sociale #procès_de_moscou

  • Les Cahiers de Verkhnéouralsk - Écrits de militants trotskystes soviétiques 1930-1933 (Lutte de Classe n°222 - 13 février 2022)

    Des textes émanant de trotskystes soviétiques du début des années 1930 parus aux éditions Les Bons Caractères.

    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2022/02/20/les-cahiers-de-verkhneouralsk-ecrits-de-militants-trotskyste

    https://www.lesbonscaracteres.com/livre/les-cahiers-de-verkhneouralsk

    C’est du fond d’une des plus sinistres prisons russes des années 1930, située au sud de l’Oural, que le hasard de travaux dans une cellule a permis de découvrir une profusion de journaux et écrits clandestins de membres de l’Opposition de gauche que Staline y avait fait enfermer.

    Nous publions huit de ces textes, la plupart traduits pour la première fois. De leurs auteurs, on ne connaissait parfois que le nom, et encore, tant la dictature stalinienne a voulu effacer jusqu’à la mémoire des militants qui restèrent fidèles aux idéaux d’Octobre 1917. Ils combattaient avec Trotsky la #dégénérescence du premier État issu d’une révolution ouvrière victorieuse. Ce que la dictature stalinienne ne pouvait tolérer. Car l’activité et l’existence même de ces milliers de #bolcheviks-léninistes représentaient une dénonciation vivante du stalinisme, de ce régime défenseur d’une #bureaucratie parasitaire qui écrasait la classe_ouvrière, qui trahissait les intérêts de la révolution socialiste #mondiale et qui donnait une image dévoyée et sanglante du communisme. Face à cette monstrueuse régression, il n’y eut alors que ces militants pour défendre les traditions de luttes et les idéaux du mouvement ouvrier. Jusqu’à ce que #Staline, qui n’avait pu en venir à bout, les fasse exécuter en masse dans ses camps en 1937.

    #stalinisme #Opposition_de_gauche #trotskisme #militants_trotskistes #révolution_russe

    • Face à ce que #Victor_Serge appela «  minuit dans le siècle  », ils tinrent bon. On voit dans leurs écrits leur lucidité quant à l’ampleur du reflux de la #révolution, et leur conviction que, quel que fût leur sort – et ils n’avaient pas d’illusions sur ce que le #stalinisme leur réservait –, il importait avant tout de préserver un héritage, de maintenir un drapeau  : ceux du #communisme_révolutionnaire et de l’#internationalisme, pour qu’ils puissent servir de guide aux générations futures de combattants de la cause ouvrière. Car même face à cette avalanche de trahisons, de défections et de défaites provoquées par le stalinisme et la #social-démocratie, ils avaient la certitude que tôt ou tard sonnerait l’heure de la «  lutte finale  ».

      Leur conviction inébranlable que la #classe_ouvrière a la capacité de transformer la société et que l’avenir appartient au #communisme, leur dévouement à la cause de la #révolution_mondiale, se lisent à chaque ligne des Cahiers. À huit décennies de distance, ce qu’ils nous lèguent là s’adresse tout particulièrement aux jeunes générations militantes, pourvu qu’elles prennent conscience que le système capitalisme, avec ses crises, ses guerres et ses horreurs, ne mérite qu’une chose  : être définitivement relégué au rayon de ce qui aura précédé l’avènement d’une humanité libérée de toute oppression et enfin digne d’elle-même.

    • Un autre livre sur Verkheouralsk :

      Verkhne-Ouralsk, l’isolateur politique 1925-1938, combats, débats et extermination d’une génération , d’AVSHALOM BELLAÏCHE

      A propos des #trotskystes de Verkhne-Ouralsk, ce papier de Jean-Jacques Marie
      https://cahiersdumouvementouvrier.org/a-propos-des-trotskystes-de-verkhne-ouralsk

      En janvier 2018 des ouvriers du bâtiment travaillant dans une vieille prison de la petite ville de #Verkhneouralsk, près de la ville de Tcheliabinsk, ont découvert sous le parquet d’une cellule des publications artisanales rédigées par des trotskystes déportés en 1929-1930. Ces déportés se désignent du nom de bolcheviks-léninistes pour souligner leur continuité avec l’héritage d’octobre 1917 dont #Lénine a été le véritable inspirateur. La #bureaucratie stalinienne ne pourra évidemment reproduire cette désignation et lui substitue le nom de « #trotskystes », qui vise à suggérer une filiation extérieure , puis étrangère à Lénine, et, au fil des années, en fait le synonyme de #menchéviks, contre-révolutionnaires, agents des services secrets divers et variés, puis fascistes et hitlériens mal déguisés. Mais le qualificatif de « trotskyste », malgré ses origines pour le moins malveillantes, est entré dans les moeurs.

      A quelques mois de distance sont parus deux ouvrages portant sur ces documents qui avaient échappé à la surveillance de la police politique de Staline, l’un écrit par Avshalom Bellaïche sous le titre Verkhne-Ouralsk l’isolateur politique 1925-1938, combats, débats et extermination d’une génération. L’autre intitulé Les cahiers de Verkhneouralsk, traduit, présenté et annoté par Pierre Laffitte, Pierre Matttei et Lena Razina, publié par Les bons caractères.

      Ce petit article porte sur le livre de Bellaïche un second sur celui des bons caractères suivra.

      #Avshalom_Bellaïche précise d’emblée que les textes dénichés par les ouvriers du bâtiment sont « des écrits politiques, des analyses théoriques et des textes polémiques »,qu’il qualifie à bon droit de « sources exceptionnelles, originales et précieuses » sur les trotskystes en URSS, sur leurs réflexions et leurs débats politiques, parfois très vifs mais qui témoignent toujours d’une indépendance de pensée remarquable au moment même où en URSS les slogans les plus primitifs et les mensonges les plus grossiers commencent à remplacer toute forme de pensée politique. Avshalom Bellaïche retrace minutieusement l’histoire de l’isolateur de #Verkhne-Ouralsk, connue jusqu’alors surtout par le récit qu’en donne dans son Au pays du mensonge déconcertant l’opposant yougoslave Anton Ciliga qui y fut déporté.

      Bellaïche souligne que son travail vise à « décrire au maximum les conditions de vie des prisonniers (…) et à montrer comment les prisonniers par leur organisation et leur cohésion politique parviennent alors que l’Union soviétique s’enfonce dans le régime totalitaire (…) à maintenir un rapport de force favorable qui leur permet de défendre leurs libertés politiques. » Il évoque à la fois leurs longues discussions et leurs actions comme la grève de la faim d’avril 1931 qui contraint la direction de l’isolateur à faire quelques concessions aux détenus consignées dans un texte que Bellaïche reproduit .

      La cohésion morale des détenus trotskystes n’empêche pas l’apparition rapide de divisions politiques, parfois vives, face à ce que l’on a appelé « le tournant à gauche » de Staline et de l’appareil du PC avec le lancement en 1929 du plan quinquennal et le déclenchement de la collectivisation agricole avec des méthodes d’une extrême brutalité, qui vont dresser contre elle une grande partie de la paysannerie soviétique, méthodes dont les militants internés n’avaient au début qu’une connaissance réduite.

      Une minorité approuve cette collectivisation, l’un de ses membres s’affirmant même partisan d’une « collectivisation à outrance », que la majorité des B-L critiquent vu l’absence de base matérielle technique et de véritable campagne politique préparatoire.

      Ce qu’on connaissait des débats vifs qui agitent la colonie des bolcheviks-léninistes, la plus importante et de loin des groupements politiques déportés à Verkhne-Ouralsk, se limitait jusqu’alors essentiellement à une correspondance avec Trotsky publiée dans le numéro 7/8 (1981) des Cahiers Leon Trotsky dont les derniers textes datent de l’automne 1930 et ce qu’en dit Ciliga dans ses souvenirs. Sur ce dernier Avshalom Bellaïche affirme : « Anton Ciliga escamote complètement l’état réel des discussions qui ont traversé les bolchevils-léninistes. » Et il ajoute, à bon droit, « Grâce à la découverte des manuscrits qui datent de 1932 nous connaissons enfin les enjeux et les débats qui ont réellement opposé les différentes tendances au sein du collectif bolchevik-léniniste ». Certes son étude minutieuse et précise des documents disponibles corrige certaines affirmations de Ciliga ou comble certains de ses silences. Mais Ciliga est partie prenante de ces débats dans lesquels il est très engagé et dont il n’est pas surprenant qu’il en donne une vision partiale et orientée, d’autant qu’à leur terme il rompra avec le bolchevisme… et – après la publication de ses souvenirs – évoluera très à droite.

      Les longues pages qu’Avshalom Bellaïche consacre aux débats internes des bolcheviks–léninistes aux divergences puis aux divisions – parfois provisoires – que ces débats font apparaitre sont sans doute les plus riches et les plus passionnantes de son travail. Elles témoignent de la volonté acharnée de ces militants isolés de réfléchir avec leur tête. Certes ils accordent une grande attention aux lettres et textes de Trotsky qu’ils peuvent recevoir – de façon très épisodique après l’automne 1930 – mais ils ne se contentent nullement de les répéter ou de les paraphraser et peuvent les critiquer. Au début ces débats portent sur l’appréciation du prétendu « tournant à gauche » que représenterait la collectivisation forcée et donc sur l’attitude à adopter à son égard. Elles se concluront par un débat sur la nature de l’URSS.

      Les résumer aboutirait à les caricaturer. Ainsi évoquer un « collectif majoritaire », qui publie son bulletin, puis un « collectif minoritaire » qui publie aussi le sien, bientôt flanqués d’une aile gauche critique qui compose son Bolchevik militant, avant l’apparition dans le collectif majoritaire d’une aile droite désignée par les initiales de ses trois représentants (MBM) en résumant en trois lignes la position de chaque courant rappellerait assez stupidement la vieille plaisanterie sur les trotskystes qui scissionnent dès qu’ils atteignent ou dépassent le nombre de trois.

      Or pour quiconque a une autre vision de l’histoire complexe de l’Union soviétique que la vision linéaire des historiens bourgeois qui dessinent une ligne droite imaginaire du prétendu coup de force( ou d’état) d’octobre 1917 au totalitarisme stalinien, les problèmes posés par la première révolution ouvrière victorieuse au sein d’une défaite de la révolution mondiale, surtout européenne, étaient d’une extrême complexité. Et les discussions et les débats qu’évoque Avshalom Bellaïche avec une grande clarté, une grande minutie et – je me répète – avec une tout aussi grande précision frappent par la volonté acharnée de comprendre qui anime leurs participants. Volonté d’autant plus étonnante que les possibilités d’agir ne peuvent que leur apparaitre lointaines. L’appareil policier du stalinisme, lui en revanche n’en est pas persuadé, les juge bien dangereux et les massacrera tous en 1937 et 1938 à Vorkouta et à Magadan . Ce massacre, raconté par plusieurs témoins qui ont survécu, conclut ou presque le récit d’Avshalom Bellaïche.

      Ces militants pensent avec leur tête. Ainsi Bellaïche signale les désaccords de certains d’entre eux avec plusieurs points du texte de Trotsky intitulé Les problèmes du développement de l’URSS (projet de plateforme de l’Opposition de gauche internationale sur la question russe paru dans le n° 20 du Bulletin de l’Opposition d’avril 1931) dans lequel il affirme : « La réalisation du plan quinquennal représente un pas en avant gigantesque en comparaison de l’héritage misérable que le prolétariat avait arraché des mains des exploiteurs » (Bulletin de l’Opposition n° 20, page 3).

      En 1932 Trotsky et les bolcheviks-léninistes de Verkhne-Ouralsk – et d’ailleurs – ont toujours la perspective de réformer le parti dirigeant et l’Internationale communiste même si les premières interrogations apparaissent ici et là. Ainsi Axel Bellaïche cite-t-il un article de décembre 1932 du Collectif majoritaire dont les auteurs affirment : « Il n’y a pas de doute qu’en comparaison avec le volume colossal des tâches à réaliser par l’Opposition léniniste ses forces sont pour le moment insignifiantes. » Avshalom Bellaïche ajoute : « Les tâches et les perspectives qu’ils [les bolcheviks-léni,nistes] donnent sont proportionnées aux nécessités de la politique générale et non à leur capacité réelle d’influencer ou de modifier cette même situation. »

      Le moment décisif dans ces discussions passionnées est celui qu’Axel Bellaïche appelle « le rubicon » c’est-à-dire le passage d’une vision du clan de Staline comme direction bureaucratique « centriste » du parti communiste à la conception d’une bureaucratie parasitaire qui doit être renversée par la mobilisation des masses, seul moyen de défendre durablement la propriété d’Etat, passage transitoire obligé vers la « propriété sociale » qui pour se réaliser, en suppose … en même temps la négation ! C’est la « révolution politique », que les détenus bolcheviks-léninistes esquissent dès décembre 1932 lorsqu’ils évoquent la grève générale et l’armement du prolétariat comme des slogans pour l’action de masse. « Certes, commente Avshalom Bellaïche, l’emploi de la violence reste conditionné, mais on est très loin du mécontentement limité au cadre soviétique de 1930. »

      Quelques mois plus tard chacun de son côté, Trotsky et les bolcheviks-léninistes de Verkhne-Ouralsk, tirent sans pouvoir se consulter, les mêmes conclusions de la politique stalinienne en Allemagne qui a ouvert la voie du pouvoir aux nazis et que Trotsky qualifie de « 4 août du #stalinisme », bref une trahison de la révolution similaire à celle de la social-démocratie en 1914. C’est le développement commun d’une analyse marxiste de fond commune. « Que ce soit à Prinkipo ou à Verkhne-Ouralsk, souligne Avshalom Bellaïche, les conclusions politiques de cette analyse sont formulées quelques mois plus tard à l’automne 1933 : le Parti communiste est mort, l’Internationale communiste est morte, la fondation d’une nouvelle Internationale révolutionnaire et la révolution politique qui renverserait le parti stalinien soviétique par l’insurrection armée des masses ouvrières sont désormais nécessaires. Sur la base de cette perspective nouvelle (…) les bolcheviks-léninistes de Verkhnéouralsk se réunifient à la veille de la seconde grève de décembre 1933 qui arrachera dans la douleur la libération de la majorité des militants révolutionnaires de l’#isolateur politique de Verkheouralsk. »

      Les détenus de Verkhne-Ouralsk ne pourront jamais lire une ligne de #la_Révolution_trahie achevée par Trosky en juin 1936. Mais si l’on juge par leurs écrits abondamment cités dans l’ouvrage d’Avshalom Bellaïche, ils en auraient sans aucun doute repris à leur compte les conclusions fondamentales.

      Avshalom Bellaïche signale aussi les positions des autres groupes d’opposants internés à Verkhne Ouralsk (les décistes – ou centralistes-démocratiques – de #Vladimir_Smirnov, eux aussi divisés entre ceux qui voient en URSS le triomphe du capitalisme dEtat et ceux qui y perçoivent la victoire politique de la petite-bourgeoisie, les miasnikoviens, les menchéviks).

      Il évoque en détail de nombreux militants bolcheviks-léninistes dont les plus importants, #Iakovine, #Solntsev, #Dilgenstedt, #Nevelson, #Boris_Eltsine et ses deux frères, #Poznansky, ancien secrétaire de Trotsky, #Guevorkian, tous liquidés plus tard, et #Starosselsky, le spécialiste de la Révolution française, mort en 1934. Ils sont tous massacrés parce que, pour Staline, si isolés soient-ils apparemment, ils ne sont pas des rêveurs utopiques mais un danger mortel .

      La preuve en est donnée par des manifestations de révolte contre la clique stalinienne collectées par le #NKVD au moment même où ces militants sont massacrés. Ainsi le fils du premier secrétaire du PC d’Ouzbeskitan Ikramov, condamné à mort lors du 3 ème procès de Moscou de mars 1938, envoyé lui à la #Loubianka, y rencontre brièvement un garçon de 14 ans interné pour avoir participé à la constitution à Oulianovsk d’un Parti panrusse contre Staline, sans aucun doute minuscule mais significatif d’un état d’esprit reflété à la veille de la manifestation du 1er mai 1938 à Moscou par des fondateurs d’un #Parti_ouvrier antifasciste qui avaient rédigé un tract antistalinien virulent qu’ils se préparaient à y distribuer, mais qui furent arrêtés la veille.[1]

      Pour interdire toute liaison entre cette protestation aux formes diffuses et les bolcheviks-léninistes, Staline a d’abord isolé ces derniers, les a calomniés, puis les a envoyés au Goulag pour les soumettre à la terreur exercée par les criminels de droit commun véritable lie sociale décomposée, image inversée de la bureaucratie parasitaire et les a finalement assassinés. On voit à quel point l’historien pro-stalinien Isaac Deutscher [2] se fourvoyait lorsque dans le troisième volume de son Trotsky il affirmait que ce dernier après son exil en 1929 aurait dû se contenter d’écrire des livres plutôt que d’animer une opposition de gauche que Deutscher traite avec mépris, et que l’ouvrage d’Avshalom Bellaïche, en lui rendant un bel hommage intelligent et argumenté, rappelle à la vie.

      Quelle conclusion ou quelle leçon peut-on tirer de la lecture du travail très riche d’Avshalom Bellaïche ? La première tentation peut être de souligner l’extraordinaire trempe morale de ces milliers d’hommes et de femmes qui se battent sans faiblir – sauf quelques inéluctables exceptions – dans des conditions où leur chances d’un quelconque succès sont microscopiques. Cette trempe morale est incontestable, mais on peut en trouver des exemples similaires chez les fanatiques religieux les plus bornés, dont ces #bolcheviks-léninistes se différencient radicalement par leur volonté farouche, amplement soulignée par Avshalom Bellaïche, d’analyser, de comprendre pour avoir éventuellement le moyen, si la possibilité – même infime – se présente, de transformer économiquement, socialement et politiquement, un monde dont le maintien en l’état est une menace pour l’humanité. A lire donc ! !

      [1] On voudra bien m’excuser (et puis tant pis si on ne m’en excuse pas !) de renvoyer à ce propos à mon livre Des gamins contre Staline où figurent nombre de données et de documents sur ces manifestations

      [2] Pro-stalinien … Deutscher, qualifié souvent d’historien trotskyste par la presse bourgeoise ? La preuve : Deutscher concluait sa biographie de Staline publiée en anglais en 1949 puis en français en 1951 par ces lignes : « Tel Cromwell il incarne la continuité de la révolution, à travers toutes ses phases et métamorphoses (…) comme Napoléon il avait construit son empire , mi-conservateur et mi-révolutionnaire et porté la révolution au-delà des frontières de son pays. La meilleure part de l’oeuvre de Staline durera certainement plus longtemps que lui (…) Afin de sauvegarder cette œuvre pour l’avenir et lui donner toute sa valeur, l’Histoire devra peut-être encore purifier et remodeler l’œuvre de Staline. » Il maintient cette conclusion dans sa nouvelle édition de 1960, quatre ans donc après le rapport de Khrouchtchev sur les « crimes de #Staline » au XX e congrès du PCUS.

      #trotskisme #trotskysme

  • Sur la tombe fraîche de Kote Zinzadze, par Léon Trotsky (7 janvier 1931)

    […] Lorsque la réaction contre Octobre a changé la composition et le caractère de l’appareil du parti ainsi que sa politique, Kote Zinzadze a été l’un des premiers à lutter contre les nouvelles tendances hostiles à l’esprit du bolchevisme. Le premier conflit a eu lieu pendant la maladie de Lénine : Staline et #Ordjonikidze, soutenus par #Djerjinsky, ont fait un coup d’état en Géorgie, remplaçant le noyau des vieux bolcheviks par des fonctionnaires carriéristes du type Eliava, Orechakashvili et autres. C’est précisément sur cette question que Lénine s’apprêtait à lancer une bataille implacable contre la fraction de Staline et contre l’appareil au douzième congrès du parti. Le 6 mars 1923, Lénine écrivit au groupe géorgien des vieux bolcheviks, dont #Kote_Zinzadze était l’un des fondateurs : « Je soutiens sincèrement votre cause. Je suis outragé par la grossièreté d’Ordjonikidze et par la connivence de Staline et de Djerjinsky. Je vous prépare quelques notes et un discours. ». La marche ultérieure des événements est suffisamment connue. La fraction de #Staline a écrasé la fraction de Lénine dans le Caucase. C’était la première victoire de la réaction dans le parti et c’est ouvert le deuxième chapitre de la révolution. Zinzadze, tuberculeux, portant le poids de décennies de travail révolutionnaire, persécuté par l’appareil à chaque pas, n’a pas un seul moment abandonné la lutte à son poste. En 1928, il a été déporté vers Bakhshi-Sarall où vent et poussière ont fait leur travail désastreux sur le reste de ses poumons. Plus tard, il a été transféré à Alioubcha où l’hiver pluvieux a complété ce travail de destruction. […]

    #stalinisme #répression #bolchevik #Trotsky #opposition_de_gauche

  • Le trotskysme, seul programme pour l’émancipation des exploités |
    Conférence de #Lutte_Ouvrière du 20 octobre 2018
    https://www.lutte-ouvriere.org/publications/brochures/le-trotskysme-seul-programme-pour-lemancipation-des-exploites-114339

    Intervention d’#Arlette_Laguiller – Lutte ouvrière

    Intervention de Pierre Royan – Lutte ouvrière
    I - Le trotskysme, l’héritage de la #révolution_russe et du #bolchévisme
    – Le combat de l’#Opposition_de_gauche en Union soviétique
    – Hors d’URSS, la stalinisation de l’Internationale communiste #stalinisme
    – La situation mondiale au moment de la fondation de la #IVe_Internationale
    – Le mouvement trotskyste après la mort de #Trotsky

    II – La #crise actuelle et le Programme de Transition
    – L’agonie du système capitaliste
    – L’actualité du #Programme_de_Transition