#oqtf

  • L’opération dans toute la France pour contrôler les sans-papiers, symbole de la « tolérance zéro » voulue par Bruno Retailleau
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/06/19/operation-nationale-contre-les-sans-papiers-bruno-retailleau-prone-la-tolera

    L’opération dans toute la France pour contrôler les sans-papiers, symbole de la « tolérance zéro » voulue par Bruno Retailleau
    Par Julia Pascual
    « Ne venez pas en France, nous n’accepterons rien, c’est la tolérance zéro. » Planté au-dessus des quais de la gare du Nord, à Paris, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, martèle, jeudi 19 juin, un discours martial devant les micros des télés et radios conviées pour orchestrer la mise en scène d’une vaste opération nationale de contrôle d’identité. Etalée sur deux jours, les 18 et 19 juin, et intitulée de façon pléonastique « lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine », elle aurait mobilisé pas moins de 4 000 policiers, gendarmes, douaniers et militaires de « Sentinelle » dans le but d’interpeller des « clandestins » aux abords des gares et dans les trains. A titre de comparaison, quelque 5 400 effectifs de forces de l’ordre avaient été requis à Paris en prévision de troubles éventuels, le 31 mai, lors de la finale de la Ligue des champions.
    S’il était encore trop tôt, jeudi en début de soirée, pour connaître les premiers résultats de ce déploiement d’envergure, le ministère de l’intérieur expliquait, dans son instruction aux préfets diffusée le 12 juin, et dont Le Monde a obtenu copie, qu’une première opération nationale de contrôle a eu lieu les 20 et 21 mai, cette fois dans les bus internationaux à bas coût. Selon la Place Beauvau, alors que près de 900 bus ont été contrôlés, 759 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés. Des « résultats significatifs », souligne Bruno Retailleau, dans son instruction. Interrogés sur les suites des interpellations, les services du ministère de l’intérieur précisent que 245 obligations de quitter le territoire ont été prononcées, ainsi que 34 placements en rétention, et 72 réadmissions.
    « C’est de l’esbroufe et de l’intimidation », dénonce Vincent Souty, avocat au barreau de Rouen et membre du Syndicat des avocats de France, qui souligne le fait que les centres de rétention administrative sont réservés en priorité aux personnes qui troublent l’ordre public. « Ça fait du chiffre de manière stupide », s’indigne l’avocate Cécile Madeline. Un de ses clients, un Algérien, a été arrêté mercredi alors qu’il rentrait chez lui. « Il n’a rien à faire dans un centre de rétention. Il est vendeur sur les marchés. Il a un appartement, une femme, trois enfants scolarisés et ne présente aucune menace pour l’ordre public. »
    L’opération décidée par le ministre est inédite dans sa forme. « Depuis vingt-cinq ans que je fais du droit des étrangers, je n’avais jamais vu ça, témoigne Henri Braun, avocat parisien et membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Pour moi, c’est un appel à une grande rafle pour mettre sur pied un climat de terreur. » « Attention ! Risque de rafle de personnes sans papiers (…) Prenez les transports le moins possible », mettaient en garde des petites affiches collées aux abords de la gare du Nord, dès mardi 17 juin, traduites en plusieurs langues. Un contexte qui n’est pas sans faire écho aux opérations d’arrestations massives menées aux Etats-Unis par l’administration de Donald Trump contre des immigrés sans papiers.Quatre organisations , dont le Syndicat des avocats de France, le Gisti et le Syndicat de la magistrature, ont déposé, mercredi 18 juin, devant le Conseil d’Etat, un recours en urgence demandant la suspension de l’instruction de Bruno Retailleau. La requête a été rejetée dans la soirée de jeudi pour défaut d’urgence, étant donné que l’opération avait touché à sa fin. Une requête au fond devait également être déposée dans les prochains jours, alors que le ministre explique dans son instruction vouloir que ces opérations « soient régulièrement organisées ». « C’est illégal, affirme Vincent Souty. Le déploiement de contrôles systématisés et généralisés pendant deux jours porte atteinte à la liberté fondamentale d’aller et venir et à la liberté personnelle. En outre, on demande aux policiers de contrôler les étrangers, mais sur quoi vont-ils se fonder pour cela ? Il s’agit de contrôles au faciès généralisés. C’est discriminatoire. »
    Au ministère de l’intérieur, on explique que les contrôles ont été déployés soit en s’appuyant sur des réquisitions judiciaires de parquets, soit sur une base administrative dans les zones frontalières – dont les gares avec des destinations internationales font partie.Dans son instruction, Bruno Retailleau défend le caractère « dissuasif » de sa manœuvre, dans un contexte où, écrit-il, « les tentatives de départ vers le Royaume-Uni depuis les côtes françaises sont en forte progression depuis le début de l’année ».
    Plus de 16 000 personnes ont réussi à rejoindre les côtes britanniques, en traversant la Manche à bord de canots pneumatiques de piètre facture depuis le début de l’année. Cela représente 4 000 traversées de plus qu’en 2024 à la même époque, soit un niveau record. Reste que la grande majorité des personnes qui parviennent au Royaume-Uni demandent et obtiennent l’asile. Mais le ministre français, sous la pression des autorités britanniques et qui martèle depuis son arrivée au gouvernement qu’il veut réduire l’immigration, le répète : « Les clandestins ne sont pas les bienvenus en France. » Interrogé, mercredi, sur Europe 1, il s’enorgueillissait du fait que 47 000 étrangers sans papiers avaient été interpellés depuis le début de l’année. Un chiffre qui ne dit rien des expulsions qui ont ensuite été menées à leur terme.

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#migrationirreguliere#politiquemigratoire#droit#OQTF#expulsion#retention#sante

  • Quarante-huit heures pour quitter la France : une Franco-Algérienne sous le coup d’une OQTF incompréhensible
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/06/11/quarante-huit-heures-pour-quitter-la-france-une-franco-algerienne-sous-le-co

    Quarante-huit heures pour quitter la France : une Franco-Algérienne sous le coup d’une OQTF incompréhensible
    Par Simon Roger
    Dans la file d’attente du poste de douane de l’aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle, le 2 juin vers 9 heures, Soraya (le prénom a été modifié à sa demande) pensait déjà aux retrouvailles avec ses parents, quelques heures plus tard à Alger, la ville où elle a grandi et où elle retourne fréquemment. Mais c’est à un tout autre scénario que cette femme de 58 ans, qui possède la double nationalité algérienne et française, a été confrontée, jusqu’à la notification, le 2 juin au soir, d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) d’un an.
    Elle n’a pas bénéficié du délai de départ volontaire, généralement fixé à trente jours, et est sommée de quitter la France sous quarante-huit heures. Pour étayer cette mesure d’OQTF, la Préfecture de police de Paris indique dans le courrier remis à Soraya – dont Le Monde a pris connaissance – qu’elle ne « justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ». L’intéressée vit pourtant en France depuis 1993, elle y a obtenu son certificat de nationalité française quatre ans plus tard, y a fondé une famille et jouit d’une situation professionnelle stable.
    Contactée par Le Monde, la Préfecture de police n’a pas donné suite à nos questions. « Elle se contente de cocher des cases, de reproduire des phrases stéréotypées, alors que ses services ont à leur disposition les informations nécessaires pour vérifier les éléments qui semblent poser problème », déplore Samy Djemaoun, l’avocat de Soraya. Cette dernière aurait également, d’après la préfecture, « contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité et de voyage ».
    « Ces mots sont forts, mais surtout ils ne correspondent pas à la réalité des faits », réagit Me Djemaoun. La « contrefaçon » dénoncée renvoie à une erreur d’état civil et non à un acte intentionnel : « Je suis française par ma mère, qui elle-même avait obtenu la nationalité par son père, car elle était mineure au moment où il avait engagé la démarche. L’administration s’est rendu compte, bien plus tard, que ma mère était majeure, à un mois près, quand la nationalité française lui a été accordée, détaille Soraya. Par conséquent, ma mère aurait dû engager elle-même la demande pour que je puisse bénéficier, à mon tour, de la naturalisation. »
    Une procédure est diligentée contre Soraya et aboutit en 2001 à une décision de justice constatant l’extranéité. La mère de famille la conteste par voie d’avocat. Dès lors, elle n’aura plus aucune nouvelle de ce dossier. Elle poursuit sa vie normalement, jusqu’à cette journée du 2 juin où elle est retenue tout l’après-midi dans une cellule de la direction de la police aux frontières (PAF) de Roissy, avant que son mari ne soit autorisé à venir la chercher à 19 heures.
    « Dans ces locaux, on m’appelle par mon nom de jeune fille, on me demande de retirer mes bagues, mon soutien-gorge et mes chaussures, et je rejoins la cellule n° 3 dans l’attente de mon audition par un officier de police judiciaire », témoigne Soraya, qui vit depuis dans l’angoisse d’un contrôle d’identité, alors que sa carte d’identité et ses passeports français et algérien lui ont été confisqués.
    Dans la matinée du 2 juin, elle a déjà dû faire face aux questions et remarques d’une fonctionnaire qui lui répète qu’elle est en situation irrégulière, qu’elle risque d’être placée en centre de rétention administrative et que la seule option qui lui reste est de prendre l’avion pour Alger car elle dispose d’un billet d’avion et d’un passeport algérien en règle. « Mais ma vie est ici, se justifie Soraya. J’y ai un mari, deux grands garçons et une fille qui est encore petite. »En près de vingt-cinq ans d’existence de ce côté-ci de la Méditerrannée, elle a obtenu à trois reprises le renouvellement de son passeport, et a vu aussi sa carte d’identité renouvelée. Elle a toujours circulé sans entrave hors de France. Et a donc été considérée comme une citoyenne française de bonne foi… jusqu’au 2 juin.
    L’avocat de Soraya va déposer un recours devant le tribunal administratif compétent afin de contester l’OQTF et l’IRTF qui lui ont été notifiées. L’exécution de l’OQTF sera dans ce cas-là suspendue jusqu’à ce que le juge statue sur le recours. Il a six mois pour le faire. Pour Me Djemaoun, sa cliente ne peut être éloignée puisqu’elle est éligible à un titre de séjour : elle démontre une présence continue sur le sol français depuis dix ans, est parent d’enfant français et son conjoint est un Français. « Ce que fait Bruno Retailleau, cette façon de lâcher la bride aux forces de police, peut expliquer certaines décisions et certains comportements », avance le mari de Soraya. « Le contexte est particulier en ce moment, reconnaît cette dernière. Mais j’ai connu un autre contexte, particulier lui aussi, lorsque nous sommes arrivés en France en 1993. L’Algérie basculait dans une guerre civile terrible. La France, à l’époque, nous a offert la possibilité de construire notre vie. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#algerie#OQTF#politiquemigratoire#sante#droit

  • Quarante-huit heures pour quitter la France : une Franco-Algérienne sous le coup d’une OQTF incompréhensible
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/06/11/quarante-huit-heures-pour-quitter-la-france-une-franco-algerienne-sous-le-co

    Une mère de famille de 58 ans, qui vit en France depuis 1993 et possède une double nationalité, a été retenue tout un après-midi par la police aux frontières de Roissy. Elle conteste l’obligation de quitter le territoire qui lui a été notifiée.

    https://archive.ph/GNkXg

    Pas besoin d’un président extrémiste ou de déchéance de la nationalité. La PAF sait faire.

    #douce_France #OQTF

  • Admission exceptionnelle au séjour après la circulaire Retailleau : quelles possibilités de régularisation ? ⋅ GISTI
    https://www.gisti.org/article7522

    Petites nouvelles du front... Pendant que ministres, élu·es, responsables de partis rivalisent d’idées de mesures plus régressives les unes que les autres en matière de politique migratoire, que se passe-t-il « sur le terrain », aux guichets des administrations, pour les personnes étrangères résidant en France, et tout particulièrement pour les 300, 600, ou 800 000 d’entre elles, en situation irrégulière, qui, parce que leur vie, leurs attaches, leur travail sont en France, cherchent à obtenir un titre de séjour ?

    .... en Île-de-France justement, les départements 75 (Paris), 77, 78, 92 et 93 viennent de mettre en place une plateforme commune sur le site « démarches simplifiées » pour les demandes d’admission exceptionnelle au séjour (AES), c’est-à-dire les demandes de #régularisation.

    Et alors que ce nouvel outil pourrait avoir été conçu pour permettre de traiter enfin les milliers de dossiers dont l’instruction est en panne depuis des mois, voire des années, on voit arriver des annonces de clôture de dossier, accompagnées de la suggestion de... reformuler la demande de rendez-vous en préfecture ! Des mois d’attente pour rien...

    Les personnes, plus chanceuses, qui parviennent aux guichets des préfectures se voient, de plus en plus fréquemment depuis quelque temps, soumises à des procédures qui ne sont prévues par aucun texte : on teste leur maîtrise de la langue française, on les interroge sur leurs connaissances de l’histoire de France, des « valeurs de la République », etc.

    Quant aux sans-papiers qui pouvaient prétendre à être régularisé·es en raison de divers motifs que listait la circulaire Valls du 28 novembre 2012, aujourd’hui abrogée – parents d’enfants scolarisés, conjoint·es d’une personne en situation régulière, jeunes devenu·es majeur·es, personnes vivant dans une structure agréée Oacas, victimes de traite, de proxénétisme, de violences conjugales – la nouvelle circulaire sur l’AES en fait des catégories qui ne sont plus à privilégier.

    #étrangers #étrangers_en_situation_irrégulière #OQTF

  • « La démocratie a besoin d’un regard indépendant dans les centres de rétention »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/11/la-democratie-a-besoin-d-un-regard-independant-dans-les-centres-de-retention

    « La démocratie a besoin d’un regard indépendant dans les centres de rétention »
    Tribune Collectif
    Le 12 mai, le Sénat examinera une proposition de loi visant à confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) la mission d’information juridique dans les centres de rétention administrative (CRA), ces lieux de privation de liberté où des personnes sont enfermées car elles n’ont pas de papiers. L’objectif de cette proposition est d’évincer les associations de ces centres en supprimant leur mission d’aide à l’exercice des droits. Ce texte, s’il était adopté, porterait un coup fatal à l’exercice des droits des personnes privées de liberté et à la transparence démocratique.
    Le droit au recours effectif est une exigence constitutionnelle (article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), ainsi qu’une obligation européenne et internationale. Il garantit à toute personne, notamment une personne placée en rétention, la possibilité de contester devant un juge impartial les décisions qui la concernent : ici, sa privation de liberté ou la décision d’éloignement du territoire français.
    Ce droit n’est effectif que si l’aide apportée est délivrée par un acteur sans conflit d’intérêts. Cette exigence a été rappelée par le Conseil d’Etat dès 2009 et consacrée par le droit européen. L’OFII, établissement public sous tutelle directe du ministère de l’intérieur, chargé de la politique d’éloignement, ne saurait répondre à cette exigence élémentaire.
    Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs de la proposition de loi, l’intervention des associations en CRA est strictement encadrée par la loi. Les juristes informent les personnes retenues sur leurs droits et les accompagnent dans leurs démarches, sans jamais décider à leur place. Loin de nourrir de faux espoirs, l’assistance repose sur une information rigoureuse et réaliste. Les associations n’ont aucun intérêt à encourager des démarches inutiles : leur rôle est d’aider chacun et chacune à comprendre ses droits et à agir en connaissance de cause.
    Les parlementaires qui attaquent le rôle des associations en CRA dénoncent un nombre trop élevé de recours. Mais s’il y a des contestations, c’est parce qu’il y a des décisions contestables. En janvier 2024, la Cour des comptes pointait la surcharge des préfectures, avec une augmentation de 60 % du nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) en cinq ans. Cette massification des OQTF est le fruit d’une politique de restriction du séjour qui produit toujours plus de sans-papiers. Elle conduit la France à produire à elle seule près d’un tiers des décisions d’éloignement en Europe. Les décisions sont automatiques, sans examen individuel, parfois vers des pays où les personnes risquent leur vie, et souvent inapplicables. Dans ce contexte, les erreurs sont inévitables, et les associations permettent simplement aux personnes concernées de les identifier.
    Les recours se multiplient contre des mesures de plus en plus nombreuses et de plus en plus souvent contestables du point de vue du droit puisque plus d’une personne sur deux est finalement libérée. Les associations assurent aussi un rôle unique et indispensable : produire la seule source publique et indépendante d’information sur les CRA, notamment grâce au rapport interassociatif publié chaque année. C’est ce travail qui permet aux parlementaires, aux journalistes, aux chercheurs et aux citoyens de comprendre ce qui se passe derrière les murs des centres de rétention.
    Ce rôle est d’autant plus essentiel que les conditions de rétention sont préoccupantes : situations de grande vulnérabilité, problèmes de santé non pris en compte par les autorités, etc. Nous alertons régulièrement sur l’impact de la rétention sur la santé des personnes, sur les tensions et les gestes désespérés qui en résultent, et qui mènent parfois à des situations dramatiques, notamment des décès. Nous dénonçons régulièrement des éloignements réalisés par l’administration hors cadre légal. Supprimer ce regard indépendant reviendrait à rendre la société aveugle sur les CRA. Cette transparence, loin d’être une posture, est un devoir démocratique. Elle est au fondement de tout contrôle citoyen sur l’exercice du pouvoir, en particulier lorsqu’il implique la privation de liberté.
    Les détracteurs de cette mission avancent également un argument de maîtrise des dépenses publiques. Mais en 2024, le coût total de l’assistance juridique en CRA s’élève à 6,5 millions d’euros. C’est une somme dérisoire comparée aux 220 millions d’euros consacrés chaque année à la rétention, selon la Cour des comptes.
    Plus incohérent encore : les sénateurs favorables à ce texte sont souvent les mêmes qui soutiennent une autre proposition visant à allonger la durée maximale de rétention de quatre-vingt-dix à deux cent dix jours. Une mesure extrêmement coûteuse – jusqu’à plus de 70 000 euros par personne – et totalement inefficace : les données disponibles montrent que la majorité des expulsions ont lieu dans les tout premiers jours.
    Derrière cette remise en cause ciblée se joue bien plus qu’un débat technique sur l’assistance juridique en rétention. Les associations jouent un rôle de vigie démocratique, elles assurent l’exercice effectif des droits, signalent les dysfonctionnements et les violations des droits, rendent visibles les réalités invisibles. Fragiliser leur place, c’est affaiblir un pilier de la démocratie : celui qui permet à la société civile d’opérer son devoir d’alerte.
    Face à cette proposition de loi, nous appelons les parlementaires à ne pas franchir une ligne rouge : celle qui sépare une démocratie d’un système où le respect des droits et libertés devient une variable d’ajustement du pouvoir. Maintenir une assistance juridique indépendante en CRA, c’est respecter l’Etat de droit.
    Parmi les signataires : Jean-Marc Borello, président du directoire du Groupe SOS ; Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité ; Sylvie Guillaume, présidente de Forum réfugiés ; Benoît Hamon, président d’ESS France ; Henry Masson, président de la Cimade ; Alexandre Moreau, président de l’Anafé ; Jean-François Ploquin, président de Solidarité Mayotte ; Anne Savinel-Barras, présidente d’Amnesty International France ; Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’homme ; Najat Vallaud-Belkacem, présidente de France terre d’asile.

    #Covid-19#migration#migrant#france#CRA#droit#sante#OFII#OQTF#politiquemigratoire

  • En 2024, 16 000 étrangers sont passés en centres de rétention, dont une majorité de Maghrébins, selon un rapport de La Cimade - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/64241/en-2024-16-000-etrangers-sont-passes-en-centres-de-retention-dont-une-

    En 2024, 16 000 étrangers sont passés en centres de rétention, dont une majorité de Maghrébins, selon un rapport de La Cimade
    Par Charlotte Boitiaux Publié le : 29/04/2025
    Selon le dernier rapport de La Cimade, en 2024, la France a recouru massivement aux placements en centres de rétention (CRA) pour tenter d’éloigner les étrangers en situation irrégulière. Parmi eux, une majorité d’Algériens, de Tunisiens et de Marocains. Une méthode inefficace juge la Cimade : 60 % des personnes en CRA finissent par être libérées.
    C’est un nouveau rapport très critique envers le gouvernement français. Dans son bilan annuel, publié mardi 29 avril, La Cimade dresse un tableau acerbe « des pratiques abusives et des violations des droits des personnes enfermées » en centres de rétention français en 2024. Des privations de liberté « inutiles », juge l’association de défense des droits des étrangers dès les premières pages du rapport.
    Non seulement les expulsions au terme de cet enfermement restent faibles mais surtout le placement en rétention « augmente les tensions entre les personnes retenues, ainsi que leur angoisse et leur détresse, notamment concernant les personnes particulièrement vulnérables, souffrant de maladies graves ou de troubles psychiatriques ». Au total, 16 228 personnes ont été enfermées dans ces lieux de privation de liberté en France hexagonale, un chiffre peu ou proue similaire à celui de 2023. « Cela représente une baisse de près de 5 % par rapport à l’année précédente », note l’association. Ce nombre grimpe à 40 000 si l’on inclut les étrangers enfermés en CRA à Mayotte (22 300 en 2024) et dans les Outre-mer (Guadeloupe, Réunion, Guyane…)
    En ce qui concerne l’Hexagone, La Cimade rappelle que l’écrasante majorité des retenus sont maghrébins, ils constituent le trio de tête des nationalités : un peu plus de 5 000 Algériens, 1 900 Tunisiens et 1 700 Marocains sont passés par des CRA en 2024. Des chiffres loin devant les autres nationalités : 700 Roumains, 450 Albanais, 350 Guinéens, 300 Afghans ou encore 300 Ivoiriens. Pourtant, selon le droit français - et européen - l’enfermement d’un étranger en CRA est une mesure qui ne doit être utilisée qu’en dernier recours, « dans les cas où l’administration n’a pas d’autres moyens moins attentatoires aux libertés pour réaliser l’expulsion », rappelle l’association. Dans les faits, donc, il n’en est rien. L’immense majorité des retenus en France ont été placés en rétention suite à la réception d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) non respectée. Un peu plus de 128 000 ont été émises l’année dernière, seules 11 % ont été exécutées.
    La Cimade rappelle aussi que la majorité des étrangers en centre de rétention ne sont pas des délinquants - 28 % sont emmenés en CRA à leur sortie de prison. Les autres n’ont commis aucun crime sur le sol français. Ils sont sans-papiers. Mais être en situation irrégulière n’est pas un délit en France mais une irrégularité administrative.
    Une frontière sémantique de plus en plus floue, dénonce La Cimade. Les autorités brandissent de plus en plus « la menace à l’ordre public » pour justifier des placements en rétention. Cette mesure « participe [...] à troubler la perception des situations dans l’opinion publique, en martelant l’assimilation entre ’personnes étrangères’ et ’délinquance’ ».
    « La notion de ’menace à l’ordre public’ a aussi fortement influencé les décisions des juges judiciaires, qui se sont saisis de ce critère (apprécié très largement) pour accorder à la préfecture la prolongation de la rétention », écrit La Cimade. « Ces situations sont révélatrices d’une volonté politique de stigmatiser toujours plus les personnes étrangères ». Pourtant, le gouvernement ne semble pas amorcer de virage moins répressif. En 2023, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait annoncé à l’époque vouloir augmenter les places en CRA - actuellement de 1950 lits - à une capacité de 3 000 lits à l’horizon 2027 à travers la construction de nouveaux centres de privation de liberté et la multiplication des locaux de rétention administrative (LRA), notamment à Dijon, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Nice, Mayotte, ou encore à Dunkerque. Un objectif inchangé par le nouveau ministre, Bruno Retailleau.
    En 2024, la durée moyenne de rétention s’établissait à près de 33 jours, soit 5 jours de plus par rapport à 2023. « Nos associations constatent quotidiennement l’impact de périodes d’enfermement de plus en plus longues sur la santé mentale et physique des personnes enfermées et sur le niveau de tension dans les CRA. Gestes désespérés, tentatives de suicide, actes d’automutilation, violences [...] ». Le gouvernement actuel souhaite pourtant allonger la durée de rétention à 210 jours - contre 90 aujourd’hui. Le 18 mars 2025, le Sénat a adopté en première lecture cette proposition de loi.
    Autant de mesures politiques raillées par la Cimade : « La multiplication des locaux de rétention administrative, n’est pensé qu’à l’aune de la chimère selon laquelle enfermer plus permettrait d’éloigner plus ». Il n’en est rien. Près de 60 % des personnes en rétention ont finalement été relâchées l’année dernière, estime l’association, 27 % ont été expulsées dans un pays hors Union européenne (UE), 11 % éloignées vers un pays de l’UE (via le règlement Dublin notamment).
    Un manque d’efficacité déjà souligné par la Cour des comptes l’année dernière. Cette dernière recommandait de miser davantage sur les « retours volontaires ». Ils sont moins coûteux qu’un éloignement forcé, rappelait Pierre Moscovici, le premier président de la Cour. Pour rappel, il est juridiquement contraignant d’expulser un étranger : certains sont inexpulsables (comme les Afghans, par exemple), d’autres, qui n’ont plus de documents d’identité, ne sont pas reconnus par leur pays d’origine (notamment par les pays du Maghreb) - et les États en question ne délivrent pas de laissez-passer consulaires.
    La Cimade insiste enfin sur la présence des mineurs en CRA. La loi asile et immigration du 26 janvier 2024 a acté la fin de l’enfermement des enfants dans les centres de rétention administrative. Une mesure plutôt respectée à l’exception des préfectures du Bas-Rhin et du Doubs qui ont ordonné le placement en CRA de six enfants et trois familles, selon l’association. « [Ces] préfectures ont profité des quelques semaines du mois de janvier précédant l’entrée en vigueur de la loi pour placer au CRA de Metz-Queuleu trois familles, accompagnées de six enfants. Le plus âgé d’entre eux avait 7 ans, deux étaient des nourrissons », écrit La Cimade. Cette interdiction du placement des enfants en rétention ne s’appliquera à Mayotte qu’à partir du 1er janvier 2027. « Ce décalage dans le temps vide de son sens la mesure puisque c’est dans ce territoire ultramarin que la majorité des familles avec enfants sont enfermées ; en moyenne ce sont 40 fois plus d’enfants qui y sont privés de liberté par rapport au reste des centres de rétention », écrit La Cimade.
    Au total, la France a été condamnée à onze reprises par la CEDH pour l’enfermement d’enfants en centre de rétention.

    #Covid-19#migrant#migration#france#CRA#OQTF#politiquemigratoire#sante#santementale#droit

  • Devant les commissions d’expulsions des délinquants étrangers, des casiers judiciaires et des vies passés au crible
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/29/devant-les-commissions-d-expulsions-des-casiers-judiciaires-et-des-vies-pass

    Devant les commissions d’expulsions des délinquants étrangers, des casiers judiciaires et des vies passés au crible
    Par Julia Pascual
    Il est arrivé en France au début des années 1980. Il s’y est marié, ses deux filles y sont nées et il y a divorcé au début des années 2000. Mardi 25 mars, c’est un petit homme dégarni de 62 ans qui fait face à trois magistrats, dans une salle du tribunal judiciaire de Paris. Lian (tous les prénoms ont été modifiés) n’est pas là pour être jugé. Ce ressortissant chinois l’a déjà été en 2022 et condamné pour proxénétisme. Il doit porter un bracelet électronique jusqu’en mai pour avoir loué deux appartements à Paris où des passes avaient lieu.Si ce serveur d’un restaurant du quartier de Belleville est de nouveau convoqué devant des magistrats, c’est parce que ces derniers, réunis en commission d’expulsion (Comex), doivent évaluer s’il représente « une menace grave pour l’ordre public » et si l’arrêté d’expulsion envisagé à son encontre par la Préfecture de police n’est pas disproportionné au vu de ses attaches en France.
    Les arrêtés d’expulsion sont des actes administratifs plus lourds que les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Ils peuvent viser des personnes en situation régulière et sont assortis d’une interdiction permanente de retour en France. En outre, le recours au tribunal administratif ne suspend pas leur exécution. D’où la consultation pour avis préalable d’une Comex – la préfecture est tenue de la solliciter, mais pas de suivre ses recommandations.
    En 2024, 731 étrangers ont fait l’objet d’un arrêté d’expulsion, contre 472 en 2023, 124 en 2020 ou encore 136 en 2015. Une goutte d’eau au regard d’une population étrangère de 5,6 millions de personnes en France en 2023 (dont 2,3 millions d’Européens).
    Mais le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, nommé en septembre 2024, a fait de la « reprise du contrôle de l’immigration » le premier axe de son action Place Beauvau. Et il entend tirer tout le bénéfice politique de ces chiffres en augmentation sous l’effet de la loi « immigration » promulguée le 26 janvier 2024.
    L’une des mesures phares du texte, porté à l’époque par Gérald Darmanin, l’actuel ministre de la justice, et résumée sous le credo « être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils », a consisté à lever les protections contre l’éloignement dont bénéficiaient jusque-là certains étrangers : ceux arrivés avant l’âge de 13 ans, ou résidant depuis plus de vingt ans dans le pays, ou encore vivant en France depuis plus de dix ans et étant conjoint ou parent de Français. Avant, seuls des actes de terrorisme ou portant atteinte aux « intérêts fondamentaux de l’Etat » les exposaient à une expulsion. Désormais, il suffit qu’ils aient commis des faits passibles de cinq ans de prison ou de trois ans en réitération. « Un vol simple est passible de trois ans de prison, donc c’est comme si on avait élargi la possibilité de cette mesure à tout le code pénal », résume un fonctionnaire du ministère de l’intérieur.
    Les préfectures sont sous pression pour expulser tous azimuts les délinquants étrangers. Dès février 2024, dans une circulaire aux préfets, M. Darmanin avait exigé « un réexamen complet de l’ensemble des situations individuelles d’étrangers (…) dont le comportement constitue une menace grave pour l’ordre public ». Quelques mois plus tard, dans une circulaire d’octobre 2024, M. Retailleau insistait : « Votre activité ne doit pas se limiter aux flux de situations nouvelles, mais doit porter sur les dossiers qui n’avaient pu, par le passé, faire l’objet de mesures appropriées, désormais rendues possibles. (…) [Les mesures d’éloignement] doivent être désormais amplifiées et systématisées. »
    C’est « ceinture et bretelles », résume un magistrat, sous le couvert de l’anonymat, devant la multiplication des arrêtés. « On sent une énorme pression sur les Comex, dans une volonté qui a l’air d’être statistique », abonde un autre, qui a l’habitude de présider ces commissions. Des avocats s’agacent de voir les préfectures faire « les fonds de tiroirs ». Dans leur volonté de systématiser les procédures, elles n’hésitent pas, en tout cas, à prendre des arrêtés, parfois en dépit de perspectives d’éloignement ténues.Le 3 avril, la commission d’expulsion de Versailles s’est étonnée d’être saisie du cas d’un détenu portugais de 59 ans qui n’est pas libérable avant 2034. Condamné pour des agressions sexuelles entre 2007 et 2010 sur la mère de ses enfants, Carlos D. a fini par l’assassiner en lui assénant 60 coups de tournevis un matin de septembre 2014, l’année de leur divorce. Son comportement de détenu est irréprochable et la préfecture anticipe un éventuel relèvement de sa peine de sûreté. Autre cas, à Bobigny le 8 avril, d’un Haïtien – condamné en 2017 pour des viols répétés sur l’une de ses filles, alors âgée d’une dizaine d’années – visé par un arrêté d’expulsion alors même qu’aucun éloignement dans son pays ne peut avoir lieu compte tenu du chaos sécuritaire qui y règne.
    Devant la commission d’expulsion de Paris, le 6 mars, un Portugais de 56 ans – et trente-six mentions au casier – expliquait vainement aux magistrats qu’il ne « sert à rien » de l’expulser. « Je l’ai déjà été sept ou huit fois. Ça ne vaut pas la peine, insiste cet homme établi depuis plus de trente ans en France. Je ne connais personne au Portugal. Je vais rester un ou deux jours, dormir à la gare et revenir. » « Ceux qui vont rester ne seront pas régularisables, on va créer des gens encore plus à la marge », redoute l’avocat Rachid Abderrezak, rencontré lors d’une Comex, et qui déplore un « retour de la double peine ».
    Le matin du 25 mars, à Paris, outre le cas de Lian, quatre autres situations ont été examinées en moins de trois heures. Des parcours de vie déroulés à grands traits et mis en regard avec des casiers judiciaires. Parmi eux, celui d’Emmanuel, un Camerounais de 24 ans accueilli en France par sa tante et son oncle à l’âge de 3 ans, après le décès de son père. Devant les juges, il soutient qu’il ne connaît « rien d’autre que la France ». Mais ses sept condamnations, entre 2021 et 2023, pour port d’arme, vol en réunion, conduite sous l’emprise de stupéfiants, ou encore la séquestration lors d’un cambriolage d’un couple, de leur bébé de 7 mois et de sa nounou, l’accablent. (...)
    La commission d’expulsion rendra des avis favorables aux expulsions pour l’ensemble des dossiers ce matin-là, à l’exception de celui d’un Tunisien de 36 ans, 18 fois condamnés entre 2007 et 2022 pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, des actes de rébellion, de conduite sans permis, d’agression au couteau… « Nous sommes en présence d’une décision [d’expulsion] plus de onze ans après les faits de violence et près de trois ans après la dernière condamnation pour des faits commis en 2020 », plaide son avocate. Son client est désormais marié à une Française et père d’un enfant français né en 2021. « Sa vie s’est stabilisée », conviendra la Comex, défavorable à un renvoi en Tunisie.
    « On ne peut pas se limiter à citer les condamnations sans voir quel est l’homme qui se présente à vous aujourd’hui », critique une autre avocate devant la Comex de Paris, le 6 mars, alors que l’agent de la Préfecture de police égraine le casier de son client, un Ivoirien condamné, dix ans auparavant, pour cinq viols sur mineures de 15 ans. Il imposait des rapports anaux à ses victimes et les faisait chanter en diffusant pour certaines des captations vidéo des viols. « Ce n’est plus moi, promet l’homme de 25 ans. J’ai investi ma détention, j’ai eu mon bac, une formation de cuisine. Je veux montrer que je ne suis plus une menace pour les victimes. Je vous demande de me laisser cette chance, de vous montrer que j’ai changé. » Son avocate obtiendra un avis défavorable de la Comex.
    A Bobigny, le 8 avril, les juges rendront aussi un avis défavorable à l’expulsion d’un Tunisien de 46 ans. Condamné en 2022 pour des violences conjugales et démis de son autorité parentale sur ses trois filles mineures, il n’a pas fini de purger sa peine et est toujours mis en examen dans une enquête pour des viols sur son ex-femme. « Il est important que l’institution judiciaire aille au terme de son processus », justifie ce jour-là le président de la Comex.
    Des avis défavorables qui pèsent peu face à la volonté des préfectures de répondre à la commande ministérielle. « Elles ne suivent jamais nos avis », se désole un magistrat qui a l’habitude de siéger dans ces commissions d’expulsion. Un autre, tout aussi rompu à l’exercice, évoque un « sentiment d’inutilité crasse ». La Comex, une instance accessoire ? Suffisamment pour que Gérald Darmanin exprime, le 9 février sur BFM-TV, son souhait de la supprimer, pour gagner du temps. « Cette suppression constituerait un nouveau recul de l’Etat de droit, une nouvelle marque de défiance à l’égard de l’autorité judiciaire », estime Guillaume Daieff, premier vice-président du tribunal judiciaire de Paris. Dans l’entourage de Bruno Retailleau, on se dit davantage favorable à une simplification des règles entourant la composition ou les délais de cette commission, qui demeure le seul gage de contradictoire d’une procédure appelée à se multiplier.

    #Covid-19#migrant#migration#france#expulsion#OQTF#COMEX#politiquemigratoire#sante#droit

  • Dans la Creuse, #Manssour_Sow, ouvrier agricole sans papiers, est suspendu à la décision de la #préfecture

    Cet exilé mauritanien travaille dans trois fermes et permet de nourrir de nombreux habitants, participant au « dynamisme » de tout un territoire. Mais depuis le 3 avril, il est assigné à résidence et menacé d’expulsion. Ses soutiens invitent les autorités à le régulariser.

    « Je n’aurais jamais cru en arriver là », soupire Manssour Sow. À l’autre bout du fil, le trentenaire se dit fatigué. Il explique qu’il « travaille », dans un métier en tension qui plus est, et qu’il a « tous les documents qui le prouvent ». « Je n’arrive pas à comprendre », dit-il.

    Quelques semaines plus tôt, cet exilé mauritanien a reçu un courrier de la préfecture de la Creuse, une convocation pour lui faire signer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et une assignation à résidence (depuis contestée en justice). Manssour Sow avait déjà fait l’objet d’une OQTF en août 2022, après avoir vu sa première demande de régularisation rejetée.

    Finalement, « ils ne [lui] ont pas fait signer la nouvelle #OQTF, en disant que c’était une erreur ». Mais la première mesure d’éloignement étant toujours en cours (elles sont exécutoires durant trois ans depuis la loi Darmanin), il est assigné à résidence depuis le 3 avril, contraint de pointer chaque jour à la gendarmerie.

    « Ça me fait mal, c’est comme si j’étais un criminel. Cette situation m’empêche de dormir la nuit. » La gendarmerie étant éloignée de son lieu de vie, la préfecture a depuis accepté de réduire la fréquence des pointages à trois fois par semaine. De nombreux soutiens de Manssour Sow invitent la préfecture à réexaminer sa situation.

    Sollicités par Mediapart, ni les services de la préfète de la Creuse ni le cabinet du ministre de l’intérieur n’ont répondu à l’heure où nous publions cet article. Selon nos informations, la préfecture a accepté de prendre un nouveau dossier le 16 avril, après qu’une délégation a été reçue par le secrétaire général la semaine précédente. « On a compris que ce qui bloquait, c’était la circulaire Retailleau », raconte une source ayant participé à l’entrevue.

    Adressées aux préfets le 23 janvier, ces consignes venues du ministre de l’intérieur durcissent les conditions de régularisation des sans-papiers, en imposant un délai de présence en France de sept ans et l’absence d’OQTF pour toute demande. « La circulaire met la pression sur les préfets aujourd’hui. Peu importe la situation des gens, ils l’appliquent », poursuit cette source.
    Un secteur et un territoire qui peinent à recruter

    Le dossier de Manssour Sow n’est pas anodin : il se trouve à la croisée de plusieurs chemins, entre agriculture et monde rural, métiers en tension et régularisation des travailleurs sans papiers… Et c’est sans doute ce qui explique le soutien très large dont le jeune homme bénéficie depuis l’annonce de son assignation à résidence.

    « Tout le monde me connaît dans le coin », confie l’intéressé à Mediapart. « Quand les habitants ont appris ce qui lui arrivait, ils sont allés se rassembler devant la préfecture, et ce alors qu’ils ne sont pas forcément militants », complète Olivier Thouret, représentant de la Confédération paysanne creusoise.

    Ce dernier est témoin des difficultés de recrutement que connaît le secteur, notamment « pour les petites fermes en vente directe » – Manssour Sow travaille depuis deux ans dans trois fermes différentes dans la Creuse. Pour pouvoir tenir dans la durée, précise Olivier Thouret, « on a besoin d’emplois, parce que c’est aussi très chronophage ». Ces emplois ne sont pas toujours à temps plein, mais permettent d’assurer la « vivabilité » des fermes. Et « ni France Travail ni les services de remplacement ne permettent de trouver la polyvalence » dont elles ont besoin.

    « Le travail se passe bien, raconte Manssour Sow. Je m’occupe des vaches laitières et des vaches limousines, mais aussi de la volaille et des cochons. Je dois les nourrir, les sortir, les soigner. Je fais plein d’activités différentes. » Il participe aussi à la fabrication de yaourts et de fromages vendus aux particuliers.

    L’une des fermes qui l’embauchent a également une serre pour le maraîchage ; une autre activité qu’il maîtrise. « Manssour est d’une polyvalence quasi extrême, commente Olivier Thouret. Cela montre sa volonté de s’adapter aux besoins locaux. »

    Selon Catherine Couturier, ancienne députée de la première circonscription de la Creuse (La France insoumise) ayant suivi le dossier de Manssour Sow, les services de la préfecture seraient « embêtés » par la situation, et par la mobilisation qui l’accompagne. Lors du rendez-vous auquel elle a participé, la délégation « a insisté sur les spécificités du métier et la difficulté que les fermes rencontrent pour trouver de la main-d’œuvre formée ».

    « On parle d’une agriculture qui fait de la vente directe, avec des marchés de proximité et des livraisons en épicerie dans de petits bourgs. Cela vient donc en contradiction avec les objectifs affichés par l’État », souligne-t-elle, comme pour le programme « villages d’avenir » et les projets alimentaires territoriaux (PAT).

    « Ces fermes participent à l’animation du territoire et apportent une dynamique sociale », reprend Olivier Thouret, qui rappelle que les marchés sont aussi l’occasion de se rencontrer, d’échanger et de s’alimenter en mangeant local. « On ne peut pas faire croire qu’en enlevant ce maillon de la chaîne [Manssour Sow – ndlr], ça continuera de fonctionner comme avant. »
    Une rencontre décisive

    Pour la société creusoise, perdre Manssour Sow serait une « catastrophe », estime Fabien, lui aussi paysan et atterré par la situation. « On nous parle sans arrêt de repeupler la Creuse, on a trois fermiers qui sont unanimes sur son savoir-faire, sa connaissance de la vie des sols et des bêtes… »

    Si Manssour Sow connaît aussi bien son métier, c’est parce qu’il était éleveur dans son pays d’origine, la Mauritanie, qu’il a dû quitter en 2019 après avoir vu ses terres accaparées par autrui. Son père a été emprisonné durant huit mois et a perdu la vie deux mois après sa libération, du fait de « mauvais traitements ».

    Manssour Sow fuit et vit un temps au Maroc, sans se douter une seconde, dit-il, qu’il gagnerait l’Europe un jour. « J’étais avec des amis d’enfance, du même village que moi, et ils ont décidé de partir parce qu’ils n’arrivaient plus à gagner leur vie au Maroc. »

    Après un passage par la rue à Paris, il rejoint un hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda) à Peyrat-le-Château (Haute-Vienne), heureux de s’éloigner des grandes villes pour retrouver le calme auquel il était habitué. Mais sa demande d’asile finit par être rejetée et il se voit contraint de quitter son lieu d’hébergement.

    Il est alors pris en charge par une association locale, qui lui propose une chambre. « Je faisais du bénévolat pendant ma demande d’asile, j’ai donc connu plein de gens, ça m’a aidé. » Il apprend également le français, qu’il maîtrise depuis.

    Une rencontre change le cours de sa vie alors qu’il fait du stop au bord de la route : « Une dame qui m’a parlé des fermes alentour qui avaient besoin de travailleurs déjà formés. » Il fait alors un stage découverte. « Je suis né et j’ai grandi avec les animaux, ils ont tout de suite vu que je connaissais le métier. »

    Membre de Réseau éducation sans frontières (RESF) et mère de l’une des employeuses de Manssour Sow à Maisonnisses, Pierrette Bidon vante ses qualités. « C’est quelqu’un de discret et de droit, qui aime son travail et sait faire énormément de choses. Il est décrit comme un “pilier” par l’un de ses collègues. »
    Une première tentative de régularisation qui a échoué

    La retraitée se souvient des premières tractations avec la préfecture de la Creuse, lors du refus de sa demande d’admission exceptionnelle au séjour en 2022, doublé d’une OQTF. Le dossier est alors déposé « trop tôt », et ne remplit pas les conditions de la circulaire Valls – qui permettait, jusqu’à la circulaire Retailleau, de régulariser les personnes sans papiers selon divers motifs et critères précis.

    « Mais la préfète de l’époque avait accepté notre recours gracieux, et était prête à réexaminer sa situation si de nouveaux éléments étaient apportés. » Dont un CDI et des fiches de paie qui démontreraient son insertion professionnelle.

    Manssour Sow est embauché par trois fermes dans la foulée, début 2023, mais la préfète de l’époque est entre-temps remplacée. « Il a déposé une nouvelle demande en 2024 », témoigne Pierrette Bidon.

    En dehors de la circulaire Retailleau, Manssour Sow pourrait prétendre à un titre de séjour en vertu de la loi Darmanin, qui ouvre la voie à la régularisation pour les travailleurs des métiers en tension. Mais la demande reste sans réponse durant plusieurs mois.

    En juillet 2024, après une relance auprès de la préfecture, il lui est demandé d’envoyer le timbre fiscal pour compléter son dossier. « On pensait que c’était bon signe, mais il ne s’est rien passé ensuite », regrette Pierrette Bidon. Jusqu’à ce courrier l’invitant à se rendre en préfecture pour son assignation à résidence en 2025.

    « J’ai dit à la préfecture de ne pas me renvoyer en Mauritanie, car c’est dangereux pour moi là-bas », confie Manssour Sow, dont la mère et la petite sœur ont fui pour le Sénégal. « Je ne m’imagine pas quitter la France, mais ce n’est pas moi qui décide. Ça fait bientôt cinq ans que je vis ici et j’ai toujours été actif : on ne peut pas dire que je ne me suis pas intégré », conclut-il.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/170425/dans-la-creuse-manssour-sow-ouvrier-agricole-sans-papiers-est-suspendu-la-
    #sans-papiers #migrations #France #agriculture #élevage #dynamisme_territorial #assignation_à_résidence #expulsion #régularisation #travail #intégration_professionnelle #métiers_en_tension #Creuse #assignation_à_résidence #loi_Darmanin #criminalisation_de_la_migration #circulaire_Retailleau #travailleurs_sans-papiers #titre_de_séjour

    via @karine4

  • Au Maroc, Bruno Retailleau salue « l’amélioration très significative » des réadmissions de ressortissants en situation irrégulière
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/04/14/au-maroc-bruno-retailleau-salue-l-amelioration-tres-significative-des-readmi

    Au Maroc, Bruno Retailleau salue « l’amélioration très significative » des réadmissions de ressortissants en situation irrégulière
    Par Alexandre Aublanc (Casablanca, Maroc, correspondance)
    Bruno Retailleau a pris dimanche 13 avril le chemin de Rabat, un mois après le déplacement du ministre de la justice, Gérald Darmanin. Une visite éclair de moins de vingt-quatre heures que le locataire de la place Beauvau a consacrée à son sujet de prédilection : l’immigration illégale.
    Le candidat déclaré à la présidence du parti Les Républicains (LR), qui était accompagné de son tout nouveau directeur de l’immigration, Frédéric Joram, n’est pas venu les mains vides. Il a remis à son homologue, Abdelouafi Laftit, une liste de ressortissants « présumés marocains » sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). « C’est la procédure normale avec le Maroc, rien de comparable avec ce qui a été envoyé aux autorités algériennes en mars », s’est empressé de préciser l’entourage de Bruno Retailleau, alors que la crise culmine entre Paris et Alger.
    Le nombre des personnes concernées n’a pas été communiqué, mais il s’agit d’une version actualisée, « avec des cas supplémentaires et d’autres toujours bloqués », d’une précédente liste que le ministre avait remise en octobre 2024 lors de son premier déplacement au Maroc à l’occasion de la visite d’Etat du président Emmanuel Macron. « J’avais alors indiqué que je reviendrai dans six mois », a-t-il déclaré lundi au ministère marocain de l’intérieur.
    La relation bilatérale au beau fixe après un long passage à vide, Bruno Retailleau s’est félicité « de la relance sans précédent » entre les deux pays. Le ministre en veut pour preuve « l’amélioration très significative » de la coopération depuis six mois : le taux d’acceptation par le Maroc des demandes d’OQTF « a doublé », a-t-il précisé, tandis que le délai moyen de délivrance des laissez-passer consulaires est passé « de 26 à 18 jours ».
    Le ministre a par ailleurs salué la perspective d’un futur groupe mixte franco-marocain chargé d’instruire les cas d’étrangers sans papiers. « Le principal problème dans l’exécution des OQTF, c’est que nous butons sur leur identification », a-t-il souligné.
    Comme le fit Gérald Darmanin avant lui, Bruno Retailleau a réitéré « la menace criminelle » que représente le narcotrafic. Le chef de l’Office antistupéfiants (Ofast), Dimitri Zoulas, doit se rendre prochainement au Maroc, a-t-il ajouté, rappelant le rôle « précieux » des autorités marocaines dans l’arrestation de Félix Bingui, le présumé chef du clan Yoda interpellé à Casablanca en mars 2024, et dans celle de deux complices présumés de Mohamed Amra, retrouvés à Marrakech en février 2025.
    Son second déplacement au Maroc lui a aussi permis de nouer une relation plus personnelle avec Abdelouafi Laftit. « Tous deux ne se connaissent pas vraiment », indique son cabinet. Peu après l’arrivée du ministre à Rabat dimanche, un dîner privé les a réunis à l’hôtel Four Seasons.

    #Covid-19#migrant#migration#france#maroc#OQTF#readmission#politiquemigratoire#sante

  • La #circulaire_Retailleau vient briser les espoirs de #régularisation des #sans-papiers

    Adressées aux préfets le 23 janvier, de nouvelles consignes imposent des critères très contraignants aux personnes qui espèrent obtenir un droit au séjour en France. L’étau se resserre contre les immigrés, dans un contexte politique de plus en plus hostile.

    « Retailleau fait ça pour décourager les gens. » Sur la place de la République à Paris, le 4 avril, la voix de Mariama Sidibé est contrariée. C’est là que se retrouvent les membres de la Coordination des sans-papiers de Paris (CSP 75) depuis tant d’années pour revendiquer leurs droits. Des pancartes à la main, ils et elles s’élancent chaque vendredi après-midi vers un lieu différent, encadrés par la police et tantôt applaudis par les passant·es, tantôt maudit·es par les automobilistes.

    Aux côtés de Mariama, une septuagénaire se plaint de devoir travailler alors que son corps est usé. « Je suis restée sans-papiers vingt ans. » Elle n’aime pas raconter son histoire. « Trop dur », dit-elle. « Les gens meurent noyés pour venir ici. Ils ne savent pas la souffrance qu’on connaît. » Régularisée trois ans plus tôt – « un vrai soulagement » –, elle a travaillé le plus gros de sa vie sans pouvoir cotiser à la retraite, faute de titre de séjour.

    Originaire de Côte d’Ivoire, une autre membre du collectif n’en mène pas large à l’écoute des nouveaux critères de régularisation imposés par le ministre de l’intérieur, #Bruno_Retailleau, dans sa #circulaire adressée aux préfets et préfètes le 23 janvier, par laquelle il entend rendre l’#admission_exceptionnelle_au_séjour (#AES dans le jargon) encore plus « exceptionnelle ». « Ne jamais avoir eu d’#OQTF, c’est impossible. » Aide-soignante, elle en a fait l’objet, en 2021, après avoir été déboutée du droit d’asile.

    Installée en France depuis six ans, il lui faudrait attendre encore un an pour pouvoir déposer une demande de régularisation – la nouvelle circulaire impose une présence de sept ans en France, contre cinq ans auparavant, voire trois selon les cas. Mais avec l’OQTF dont elle a fait l’objet, le doute persiste.

    « Il y a plusieurs points imprécis, et donc laissés à la libre interprétation des préfets », souligne Joëlle, fervent soutien de la CSP 75. Pour les OQTF, « on ne sait pas s’il faut ne jamais en avoir eu, ou n’avoir aucune OQTF en cours ». Depuis la loi Darmanin, celles-ci ont une durée de vie de trois ans.
    Les portes se referment

    « On pensait avoir touché le fond au moment de cette loi, réagit Anzoumane Sissoko, mais là c’est pire encore. » Avec ces nouveaux critères, estime cet élu du XVIIIe arrondissement, lui-même ancien sans-papiers, « ils rendent la régularisation quasiment impossible ». Et même si certain·es cochent toutes les cases, « ils ne trouveront pas de rendez-vous en préfecture » du fait de la dématérialisation des démarches et des dysfonctionnements associés.

    Au milieu des manifestant·es, Yoro, l’un des porte-parole de la CSP 75, avance, un sweat-shirt blanc sur le dos. Il présente ses excuses pour son retard : « Je devais m’occuper du dossier d’un collègue », pour qui la situation se complique. Celui-ci avait pourtant obtenu un récépissé de six mois en 2024 grâce à la CSP 75, après des années de travail.

    « On a envoyé plusieurs fois le Cerfa et la promesse d’embauche de l’employeur, mais la préfecture a prétendu qu’elle n’avait rien reçu. » Le jeune homme s’est alors vu délivrer une OQTF, depuis suspendue grâce aux efforts de Yoro. Le concerné reste sceptique. « On verra », susurre-t-il, las des faux espoirs.

    Un autre cas vient illustrer ce tournant : « Un monsieur qui ne connaissait pas le collectif a déposé sa demande seul, en mars », rapporte Yoro. Avec huit années de présence en France, des fiches de paie et l’absence d’OQTF, l’homme pensait avoir toutes ses chances. « Il rentrait dans la circulaire Retailleau, mais il a eu un refus et une OQTF. » Il ajoute : « Tout est bloqué depuis Retailleau. »

    Fin janvier, la CSP 75 a reçu un mail de la préfecture l’informant qu’une nouvelle circulaire était passée et que les demandes collectives ne seraient plus acceptées, alors qu’elle parvenait à déposer régulièrement quatre voire cinq dossiers au nom du groupe. Jusqu’ici, aucun préfet ou ministre n’avait osé toucher à la relation privilégiée nouée avec ce collectif – obtenue grâce à une mobilisation continue.

    « Comment vont faire tous ceux qui ne maîtrisent ni le français ni les démarches ? », interroge Yoro. Pour Anzoumane Sissoko, le ministre de l’intérieur « met fin à tout ce qui a été construit depuis des décennies, alors que beaucoup disent [que celles et ceux qui soutiennent les sans-papiers font] un travail de service public ». L’élu invoque les milliers de personnes « sorties de la clandestinité », qui ont enfin pu obtenir des droits.

    Dans l’un des centres d’accueil pour étrangers et étrangères de la préfecture de Paris, où Mediapart a pu se rendre en avril et où il y a encore quelques mois, des sans-papiers affluaient pour demander leur régularisation, les demandes AES ne sont tout bonnement plus traitées. Sur ordre « venu d’en haut », priorité est désormais donnée aux personnes en situation régulière, surtout salariées, venant pour un renouvellement de titre de séjour, nous confie-t-on.

    Dans les Yvelines, un agent travaillant en préfecture explique que « tous les dossiers AES motif “travail” sont en stand-by ou proposés au refus ». « Ça se referme complètement, constate l’avocat Laurent Charles, spécialisé en droit des personnes étrangères. Il y a énormément d’OQTF, et très peu de rendez-vous pour l’AES. » Dans le Val-de-Marne, des sans-papiers de Chronopost ont reçu des OQTF juste après l’évacuation de leur piquet de grève, alors qu’ils attendaient une régularisation depuis trois ans.

    En Seine-Saint-Denis, et même à Paris, poursuit-il, « ils ont eu pour consigne de ne plus délivrer de rendez-vous, ou alors très peu ». À Nanterre aussi (préfecture des Hauts-de-Seine), « on sait qu’ils arrêtent de donner des rendez-vous, sauf cas exceptionnel », ajoute l’avocat. Désormais, la régularisation ne doit être envisagée que pour les métiers en tension (loi Darmanin), dont la liste définitive n’a pas encore été dévoilée.
    La question des demandes en cours

    « C’est une catastrophe », tranche Me Delphine Martin, également avocate en droit des étrangers et étrangères. Sur trois pages qui ne disent « pas grand-chose », la circulaire Retailleau vient « abroger la circulaire Valls » qui, malgré des défauts, offrait la possibilité d’une régularisation au titre du travail ou de la vie privée et familiale depuis 2012, avec des critères précis. Ces nouvelles consignes n’ont à ses yeux qu’un seul objectif : donner aux préfectures « la possibilité de rejeter massivement les demandes ».

    L’un de ses dossiers, déposé en janvier 2025, a été expédié « manu militari ». Un monsieur sénégalais ayant plus de cinq ans de présence en France, avec fiches de paie et promesse d’embauche, s’est ainsi vu délivrer un refus le 6 février ; quand, en temps normal, il faut attendre un an et demi, voire deux ans pour obtenir une réponse. « On voit déjà que les préfectures ont pris le virage », commente Me Martin.

    Elle reçoit de nombreux appels de clients inquiets, dont la demande a été déposée avant la circulaire Retailleau. « C’est très dur de leur expliquer. Ils rappellent qu’ils remplissent les critères de l’ancienne circulaire. » Pour l’une de ses clientes, « nounou colombienne » dont le dossier a été déposé en 2022, et qui aura sept ans de présence en France à la rentrée, l’avocate « joue la montre », espérant que l’examen de sa demande traîne encore un peu.

    Pour l’heure, Me Charles ne s’est désisté d’aucun dossier en cours. Il dit surtout compter sur la jurisprudence des tribunaux : la préfecture disposant d’un délai de quatre mois pour répondre (délai qu’elle respecte rarement, donnant lieu à un refus implicite), les avocat·es peuvent saisir la justice pour contester une décision de refus implicite. « Les juges voient s’il y a au moins cinq ans de présence en France », précise l’avocat, qui continuera donc de déposer des demandes pour des durées de présence équivalente.

    Contrariée par cette circulaire, Martine, qui accompagne les sans-papiers dans leurs démarches de régularisation depuis l’occupation de l’église Saint-Bernard en 1996, s’est rendue dans trois préfectures différentes – Paris, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne – depuis le passage de la circulaire Retailleau, pour des rendez-vous pris à chaque fois un an et demi, voire deux ans plus tôt.

    « Déjà, on ne dit pas assez que l’AES prend des années », lance-t-elle lorsque nous la rencontrons à son domicile en novembre 2024, où elle reçoit les intéressé·es pour les aider à préparer leur demande. Dans son salon, des piles de dossiers colorés occupent l’espace, empilés les uns sur les autres ou rangés sur des étagères ; et traduisent son investissement pour « la cause des sans-papiers ».

    Depuis la circulaire Retailleau, la militante va droit au but avec les agent·es qu’elle rencontre en préfecture : « Je leur dis qu’ils ne peuvent pas m’imposer la circulaire Retailleau pour des dossiers déposés en 2023, sur les critères de la circulaire Valls. Ce n’est pas de ma faute s’ils mettent deux ans pour donner un rendez-vous », lâche-t-elle.

    Pour les dossiers qu’elle avait tout juste constitués en revanche, il a fallu temporiser. « J’ai expliqué aux concernés qu’il valait mieux attendre d’avoir les sept ans de présence, au risque d’avoir une OQTF [dans sa circulaire, Retailleau invite les préfets et préfètes à délivrer une OQTF systématiquement après un refus – ndlr]. » Découragé, l’un d’eux envisage de retourner en Espagne.

    Alors qu’elle échange habituellement avec des responsables en préfecture, pour elle aussi, des portes se referment. « Ils ont le cul entre deux chaises. Retailleau a fait tellement de com’ autour des étrangers, des sans-papiers et des OQTF… » Elle trouve la situation « insupportable ».

    « Les sans-papiers ne sont pas des délinquants, ce sont des réfugiés économiques, qui viennent souvent des anciennes colonies françaises. » Les discours répressifs, les lenteurs de l’administration ou le manque de moyens relèvent à ses yeux d’un « choix politique ». « On exploite et on maltraite les immigrés. La France est à côté de la plaque. »
    La seule solution pour n’être plus exploité

    Pour l’avocate Delphine Martin, la France épouse la théorie de « l’environnement hostile », expérimentée au Royaume-Uni, qui ne vise qu’à « décourager et rendre impossible la régularisation », pour en arriver à l’idée qu’« il ne faut pas venir en France et que les personnes déjà présentes en situation irrégulière doivent partir ».

    C’est dans ce contexte peu favorable que des livreurs travaillant pour Uber Eats et Deliveroo, à Poitiers, ont déposé collectivement une demande de régularisation le 22 mars ; et ce, bien qu’ils n’aient pas tous sept ans de présence ou qu’ils soient sous OQTF. Lorsque nous les rencontrons dans les locaux de La Cimade, association qui les accompagne, ils reconnaissent qu’ils ne s’attendaient pas à « autant de difficultés ».

    Moustapha, Ibrahima, Mamadou ou Mohamed, âgés de 25 à 34 ans, rêvent de devenir chauffeur-routier, carreleur ou agent de sécurité – autant de professions qui manquent cruellement de main-d’œuvre. En attendant, ils livrent des repas ou des courses à des particuliers, participant ainsi au confort quotidien des Français·es.

    Ils racontent leurs conditions de travail extrêmes ; le froid l’hiver, qui paralyse mains et orteils ; la chaleur l’été, qui étouffe et épuise. « C’est très dur », souffle Mamadou. Et d’ajouter : « Tu parcoures 10 kilomètres pour gagner 5 euros… »

    Cette demande de régularisation était donc la « seule solution » pour sortir de cette précarité. « Pour être autonome, explique Moustapha, il faut avoir des papiers, se former, avoir un métier. » « Pour la République, on n’existe pas », regrette Mohamed.

    La circulaire Retailleau ? « On est au courant. Mais cette demande est notre dernier espoir, on ne peut pas rester comme ça », insiste le groupe, qui réclame de pouvoir vivre dans la « dignité ».

    Interrogée par Mediapart, la préfecture de la Vienne indique que « l’instruction des situations individuelles est en cours ». La Cimade entend entamer un « rapport de force » avec les autorités, grâce à l’existence de ce groupe « soudé, structuré et organisé » qui revendique ses droits, explique Mathis.

    Le jeune bénévole compte ainsi sur le caractère inédit de la mobilisation – une manifestation organisée le 22 mars a réuni cinq cents personnes, dont de nombreux soutiens, et une pétition circule en ligne –, mais aussi du dépôt collectif, une démarche assez exceptionnelle en dehors de la région parisienne.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/130425/la-circulaire-retailleau-vient-briser-les-espoirs-de-regularisation-des-sa

    #France #migrations #déboutés #préfectures
    via @karine4

  • Laurent Wauquiez provoque un tollé en proposant d’« enfermer » les « étrangers dangereux sous OQTF » à Saint-Pierre-et-Miquelon
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/04/08/laurent-wauquiez-provoque-un-tolle-en-proposant-d-enfermer-les-etrangers-dan

    Laurent Wauquiez provoque un tollé en proposant d’« enfermer » les « étrangers dangereux sous OQTF » à Saint-Pierre-et-Miquelon
    En campagne pour la présidence des Républicains (LR), le chef de file des députés de droite, Laurent Wauquiez, a proposé, mardi 8 avril, « que les étrangers dangereux sous OQTF [obligation de quitter le territoire], soient enfermés dans un centre de rétention à Saint-Pierre-et-Miquelon, hors de l’Hexagone », dans un entretien au JDNews, provoquant un tollé politique.
    Le patron des députés du groupe Droite républicaine, qui dénonce le fait que la rétention administrative des étrangers sous OQTF soit limitée à quatre-vingt-dix jours – sauf en cas d’infraction terroriste –, souhaite mettre la pression sur ces étrangers pour qu’ils acceptent de repartir dans leur pays. « Ils auraient une seule alternative : soit partir à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit rentrer chez eux », explique M. Wauquiez, ajoutant que ces individus seraient bloqués à la douane s’ils revenaient dans l’Hexagone, car ce territoire d’outre-mer situé au large du Canada ne fait pas partie de l’espace Schengen.
    Il semble aussi compter sur le climat de cet archipel français, situé à quelque 4 000 kilomètres de la métropole et qui compte un peu moins de 6 000 habitants, pour les inciter à repartir vers leur pays d’origine. « Il fait 5 degrés de moyenne pendant l’année, cent quarante-six jours de pluie et de neige. Je pense qu’assez rapidement ça va amener tout le monde à réfléchir », déclare le député de Haute-Loire.
    Refusant la comparaison avec le président américain, Donald Trump, il assure s’inspirer de l’Australie qui envoie certains migrants arrivés illégalement sur ses côtes sur l’île de Nauru, un atoll du Pacifique.
    L’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes plaide également pour que cette mesure d’éloignement soit accompagnée « d’un vrai allongement de la durée de rétention, comme nos parlementaires l’ont proposé. C’est dix mois en Italie ; illimité au Royaume-Uni ».La proposition de Laurent Wauquiez a provoqué très rapidement l’indignation d’une grande partie de l’échiquier politique. Saint-Pierre-et-Miquelon, « c’est la France, pas une prison ou un centre de rétention », s’est indigné le ministre des outre-mer, Manuel Valls, dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse (AFP). « Aucun territoire français ne mérite d’être traité comme une zone de relégation », a-t-il dénoncé. « L’exil forcé, c’est une méthode de colon, pas d’élu de la République. Le bagne de Cayenne, c’est loin, et tant mieux », a insisté M. Valls.
    La leader du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, a aussi réagi sur X, estimant que « la place des OQTF, c’est dans leur pays…, sûrement pas dans un territoire français. Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas des sous-citoyens ».Quant à Stéphane Lenormand, député de l’archipel et membre du groupe parlementaire LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), il a déploré, sur le même réseau social, le « mépris » du député de Haute-Loire pour les habitants de l’archipel. « Les OQTF, c’est dans leur pays qu’il faut les renvoyer, pas dans le nôtre. Et c’est un descendant de bagnard qui le dit », a également réagi Nicolas Metzdorf, député non indépendantiste de Nouvelle-Calédonie.
    A gauche, de nombreuses voix se sont aussi élevées, comme celle du député de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière. « Quand le chef de la droite française réinvente le bagne, aboli en 1938 ! », s’est indigné l’ancien « insoumis » sur X. « Que va-t-il rester à l’extrême droite ? Renaissance va continuer de gouverner avec un président de groupe qui n’a plus aucun surmoi ? », s’est interrogé le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure. Le chef de file des députés PS, Boris Vallaud, a, lui, raillé un « Guantanamo-sur-Mer », un projet aussi « indigne qu’idiot ».
    Au sein du camp présidentiel, Pieyre-Alexandre Anglade, dont la formation fait partie de la même coalition gouvernementale que LR, s’est également insurgé : « Tout ce qui reste de républicain chez Laurent Wauquiez, c’est le nom de son parti ! »L’annonce de cette proposition se produit à un peu plus d’un mois du congrès LR qui doit désigner, à la mi-mai, le nouveau président du parti. Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, qui brigue lui aussi la tête du parti et est donné favori par les sondages, a subi il y a un mois un revers après le refus de l’Algérie de recevoir une soixantaine de ses ressortissants sous OQTF dont le profil était qualifié de « dangereux » par Beauvau. « Bruno Retailleau a défendu une ligne de fermeté et il n’a pas été écouté », a déploré Laurent Wauquiez, qui assure « faire tout » pour être candidat à la présidentielle en 2027.

    #Covid-19#migrant#migration#france#retention#politiquemigratoire#OQTF#relegation#droit

  • Je propose que les étrangers dangereux sous OQTF soient enfermés dans un centre de rétention à Saint-Pierre-et-Miquelon, hors de l’Hexagone

    https://www.lejdd.fr/politique/laurent-wauquiez-enfermons-les-oqtf-a-saint-pierre-et-miquelon-156841

    À Saint-Pierre-et-Miquelon, à proximité du Canada, il fait 5 degrés de moyenne pendant l’année, il y a 146 jours de pluie et de neige. Je pense qu’assez rapidement, ça va amener tout le monde à réfléchir

    #bagne

  • Une liste d’Algériens à expulser de France bientôt transmise à Alger
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/03/14/une-liste-d-algeriens-a-expulser-de-france-bientot-transmise-a-alger_6580921

    Une liste d’Algériens à expulser de France bientôt transmise à Alger
    Le Monde avec AFP
    Publié le 14 mars 2025 à 10h22, modifié le 14 mars 2025 à 11h20
    Trois sources gouvernementales ont fait savoir jeudi 13 mars à l’Agence France-Presse (AFP) que cette liste, comprenant « plusieurs dizaines » de noms, devait être officiellement adressée à l’Algérie très prochainement, une source évoquant « cette semaine », une autre « aujourd’hui ou demain », la troisième notant le caractère « imminent ». « C’est une première liste », avait déclaré mercredi sur la radio RTL le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, faisant lui-même état de quelques dizaines de personnes.
    Le refus de l’Algérie d’accepter des ressortissants en situation irrégulière renvoyés par Paris, dont l’auteur d’un attentat qui a fait un mort le 22 février à Mulhouse (est de la France), a fini d’envenimer des relations déjà très dégradées depuis la reconnaissance, par la France, à la fin de juillet 2024, de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
    En accédant à une demande du Maroc, pour qui le Sahara est une cause existentielle, Emmanuel Macron a déclenché de sérieuses turbulences avec Alger. Et les rapports se sont encore tendus avec la détention de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, que Paris juge arbitraire.
    La liste des Algériens expulsables, en l’état, semble loin des aspirations de Bruno Retailleau, qui avait initialement évoqué plusieurs centaines de personnes. Mais d’autres listes pourraient suivre.M. Retailleau a rencontré mercredi Emmanuel Macron, « en tête à tête », a fait savoir à l’Agence France-Presse (AFP) un proche du président français. « Sur l’Algérie, on en fait beaucoup sur leurs divergences », a-t-il souligné, alors qu’ils « sont d’accord sur le principe : expulser des Algériens » sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
    Pour autant, le chef de l’Etat souhaite ne pas crisper davantage le pouvoir algérien sur la question migratoire, pour éviter un effet boomerang sur d’autres sujets sensibles comme le maintien des échanges en matière de renseignement antiterroriste.En toile de fond du réchauffement des relations diplomatiques, se joue en effet la nécessaire coopération pour lutter efficacement contre le djihadisme au Sahel. La stabilité de l’Algérie, le plus grand pays d’Afrique, entouré de voisins dont la situation sécuritaire est chaotique, revêt un intérêt pour la France.
    En outre, Paris a en tête le possible retour, de Syrie, de djihadistes algériens ou franco-algériens, une menace potentielle pour la France. Des diplomates français jugeaient récemment que les deux pays étaient dans une situation de « quasi-rupture ». Emmanuel Macron s’est, lui, efforcé de calmer le jeu en appelant à cesser de « se parler par voie de presse ». « C’est ridicule, ça ne marche jamais comme cela », avait-il lancé fin février.Une réponse au président algérien, Abdelmadjid Tebboune, qui avait dénoncé le « climat délétère » entre les deux pays dans un entretien au journal L’Opinion, évoquant alors la nécessité de reprendre le dialogue, à la condition qu’Emmanuel Macron en exprime le souhait.
    La presse algérienne avait salué « les propos apaisants » du chef de l’Etat français tout en regrettant la surenchère de Bruno Retailleau. Interrogé sur une potentielle reprise de dialogue direct entre les deux présidents, l’Elysée n’a pas répondu.Cette semaine, c’est le ministre des affaires étrangères français qui a signalé la volonté de Paris de reprendre langue avec Alger. « Bien sûr que la France aspire à avoir de bonnes relations avec l’Algérie, qui est un pays voisin avec lequel nos relations sont denses », a assuré Jean-Noël Barrot. « Pour cela, il faut que ces relations s’apaisent. Mais l’apaisement, ça ne se décrète pas unilatéralement », a-t-il néanmoins souligné.
    Il a également appelé les autorités algériennes à se saisir de la liste des ressortissants algériens à expulser afin qu’elles « initient ainsi une nouvelle phase de nos relations qui nous permette de traiter nos différends et d’amorcer d’éventuelles coopérations stratégiques ».
    Pour l’heure, la crispation semble intacte. Les élus de Marseille, Montpellier et Nice ont annoncé que l’Algérie avait rompu ses relations consulaires avec ces villes du Sud. « Nous n’avons reçu aucune notification officielle faisant étant de la suspension, par des consulats algériens, de leurs activités consulaires », a assuré une source diplomatique à l’AFP. « La remise d’une liste de noms à expulser offre un répit mais ne désactive pas les causes de la crise, souligne Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, à Genève. Seule une reprise de l’action diplomatique et d’un dialogue peut permettre une sortie honorable. »

    #Covid-19#migrant#migration#algerie#france#expulsion#OQTF#politiquemigratoire

  • La guerre à l’#accès_aux_droits des étrangers

    Pour les avocats spécialisés en #droit_des_étrangers, la tâche est ardue. Ils occupent une position dominée dans leur champ, les lois évoluent très vite, et une nouvelle forme de #violence se fait jour, y compris contre les magistrats : des campagnes diffamatoires par des médias d’extrême droite – jusqu’à rendre publics les noms des « coupables de l’invasion migratoire ».
    Le gouvernement Bayrou, dans une continuité incrémentale avec l’orientation répressive déjà actée par les gouvernements Attal puis Barnier, est entré dans une #guerre ouverte contre les étrangers.

    L’arsenal lexical et juridique déployé en témoigne : de la #rhétorique de la « #submersion » à l’enterrement du #droit_du_sol à #Mayotte, en passant par la restriction drastique des conditions pour l’#admission_exceptionnelle_auséjour, l’attitude belliqueuse de l’exécutif et de ses alliés dans l’hémicycle n’a de cesse de s’affirmer et de s’assumer, quitte à remettre en cause l’#État_de_droit qui, selon Bruno Retailleau, ne serait désormais ni « intangible, ni sacré ».

    Il faut dire aussi que le vent xénophobe qui souffle sur l’Europe ne fait qu’encourager ces choix nationaux décomplexés : le Nouveau Pacte européen sur l’asile et l’immigration, adopté au printemps 2024 et dont le Plan français de mise en œuvre n’a pas été rendu public malgré les diverses sollicitations associatives, a déjà entériné le renforcement des contrôles aux frontières extérieures, la banalisation de l’#enfermement et du #fichage des étrangers[1],dans un souci de résister « aux situations de #crise et de #force_majeure ».

    C’est donc dans ce contexte politique hostile, caractérisé entre autres par une effervescence législative remarquable qui les oblige à se former constamment, que les avocats exercent leur métier. Ainsi, défendre les droits des personnes étrangères est difficile, d’abord et avant tout parce qu’ils en ont de moins en moins.

    Deuxièmement, les conditions pour exercer le métier afin de défendre ce qui reste de ces #droits peuvent être difficiles, notamment à cause des contraintes multiples d’ordre économique, symbolique ou encore procédural. Tout d’abord, ces professionnels savent qu’ils pratiquent un droit doublement « des pauvres » : d’une part, cette matière est plutôt dépréciée par une grande partie des collègues et magistrats, car souvent perçue comme un droit politique et de second rang, donnant lieu à des contentieux « de masse » répétitifs et donc inintéressants (on aurait plutôt envie de dire « déshumanisants ») ; d’autre part, ces mêmes clients ont souvent réellement des difficultés financières, ce qui explique que la rémunération de leur avocat passe fréquemment par l’#Aide_Juridictionnelle (AJ), dont le montant est loin d’évoluer suivant le taux d’inflation.

    Concernant les obstacles d’ordre procédural, la liste est longue. Que ce soit pour contester une décision d’éloignement du territoire ou une expulsion de terrain devenu lieu de vie informel, le travail de l’avocat doit se faire vite. Souvent, il ne peut être réalisé dans les temps que grâce aux collaborations avec des bénévoles associatifs déjà débordés et à bout de souffle, mais proches des situations de terrain, et donc seuls à même de collecter les nombreuses pièces à déposer pour la demande de l’AJ ou encore pour apporter les preuves des violences subies par les justiciables lors d’évacuations ou d’interpellations musclées. Pour gagner ? Pas autant de fois qu’espéré : les décisions de #justice décevantes sont légion, soit parce qu’elles interviennent ex post, lorsque la #réparation du tort n’est plus possible, soit parce qu’elles entérinent l’#impunité des responsables d’abus, soit parce que, même lorsqu’elles donnent raison aux plaignants, elles ne sont pas exécutées par les préfectures, ou encore elles ont peu de pouvoir dissuasif sur des pratiques policières ou administratives récidivantes.

    Enfin, même lorsque des droits des étrangers existent toujours sur le papier, en faire jouir les titulaires est un parcours du combattant : l’exemple de la #dématérialisation des services publics est un exemple flagrant. Assurément, Franz Kafka en aurait été très inspiré : toutes les démarches liées au #droit_au_séjour des étrangers doivent désormais se faire en ligne, alors que dans certaines préfectures l’impossibilité de prendre un rendez-vous en des temps compatibles avec le renouvellement du #titre_de_séjour fait plonger dans l’#irrégularité beaucoup de personnes parfois durablement installées et insérées professionnellement en France.

    Même la Défenseure des droits, dans un rapport rendu public le 11 décembre 2024, a épinglé l’#Administration_numérique_des_étrangers_en_France (#ANEF) en pointant du doigt sa #responsabilité en matière d’« #atteintes_massives » aux droits des usagers. Parmi ces derniers, les étrangers sont de plus en plus nombreux à faire appel à des avocats censés demander justice en cas de risque ou de perte du droit au séjour à la suite des couacs divers en #préfecture, dans sa version numérique ou non, comme dans le cas des « #refus_de_guichet ». Et encore une fois, pour les avocats il s’agit d’intenter des #procédures_d’urgence (les #référés), qui engorgent la #justice_administrative à cause de dysfonctionnements généralisés dont les responsables sont pourtant les guichets de ce qui reste du #service_public.

    Ces dysfonctionnements sont au cœur d’une stratégie sournoise et très efficace de #fabrication_de_sans-papiers, et les craintes des personnes étrangères sont d’ailleurs bien fondées : avec l’entrée en vigueur de la nouvelle #loi_immigration, dite Darmanin, les refus ou pertes de titre de séjours sont assorties d’obligations de quitter le territoire français (#OQTF), avec, à la clé, le risque d’enfermement en #Centre_de_Rétention_Administrative (#CRA) et d’#éloignement_du_territoire.

    Au vu du nombre grandissant d’étrangers déjà en situation irrégulière ou craignant de le devenir, des nouvelles entreprises privées y ont vu un marché lucratif : elles vendent en effet à ces clients potentiels des démarches censées faciliter leur #régularisation ou encore l’accès à la nationalité française. À coup de pubs sur les réseaux sociaux et dans le métro, puis de slogans aguicheurs (« Devenez citoyen français et démarrez une nouvelle vie ! ») et de visuels bleu-blanc-rouges, ces entreprises facturent des prestations de préparation de dossier à plusieurs centaines voire milliers d’euros, sans toutefois vérifier systématiquement l’éligibilité de la personne au titre demandé et donc sans même garantir le dépôt effectif du dossier[2].Qui sont donc ces magiciens autoproclamés des procédures, qui se font payer à prix d’or ? Les équipes sont présentées sur les sites de ces entreprises comme étant composées d’« experts spécialisés en démarches administratives », et encore de « conseillers dévoués ». Si l’accompagnement d’un avocat est nécessaire ou souhaité, mieux vaut aller voir ailleurs avant d’avoir signé le premier chèque…

    Les temps sont donc troubles. Et ils le sont aussi parce que les vrais professionnels du droit, celles et ceux qui ne cessent de se mettre à jour des derniers changements législatifs ou procéduraux, et de travailler en essayant de tenir les délais de plus en plus serrés de la justice (au rabais) des étrangers, sont ouvertement menacés.

    Le cas du hors-série n° 1 du magazine Frontières est exemplaire d’une attitude fascisante et décomplexée, déterminée à jeter le discrédit sur les avocats, les #magistrats et les #auxiliaires_de_justice (accompagnés bien sûr des ONG, associations, et universitaires « woke »), coupables de défendre les droits de celles et ceux que la fachosphère voudrait bien rayer de la catégorie de justiciables : les #étrangers. Discrédit qui devient #menace et #mise_en_danger, lorsque les noms, les prénoms, la fonction et le lieu d’exercice de ces maîtres à abattre sont rendus publics : en effet, ces supposés coupables du « #chaos_migratoire » sont explicitement identifiés dans ces pages. Plus précisément, plusieurs dizaines d’« #avocats_militants », profitant des dossiers de l’aide juridictionnelle pour « passer des vacances au soleil toute l’année », sont nommément pris à parti. Les magistrats ne sont pas épargnés dans cette cabale, et le magazine les épingle également.

    Plusieurs sonnettes d’alarme ont été tirées, du Conseil des barreaux européens (CCBE) au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTA) : cette dernière instance relevant du Conseil d’État, généralement très discrète, s’est exprimée publiquement le 11 février dernier pour dénoncer sans ambiguïté les injures et menaces proférées nominativement à l’encontre d’avocats et #juges, ainsi que la mise en cause de l’#indépendance et de l’#impartialité de la justice administrative, estimant que « toutes les suites pénales susceptibles d’être engagées doivent l’être ». La matière pour le faire ne semble pas manquer, et des #plaintes avec constitution de partie civile ont déjà été déposées par le passé par des magistrats, donnant lieu à des contentieux pénaux dont certains sont encore en cours. Mais face à la montée des récriminations violentes contre les juges « rouges », plusieurs juridictions s’organisent pour attribuer la #protection_fonctionnelle à leur personnel.
    Et ce n’est pas bon signe.

    Malgré le soutien de #Gérald_Darmanin aux magistrats menacés, dans ses nouvelles fonctions de Ministre de la Justice, son homologue de l’Intérieur a repris un vieux cheval de bataille qui revient à fustiger la supposée « #confiscation_du_pouvoir_normatif » par les juridictions européennes ou nationales : en défendant la légitimité du #non-respect_du_droit lorsqu’il est considéré incompatible avec les principes nationaux, une brèche de plus a été ouverte par #Bruno_Retailleau pour qui « on doit changer la loi. Aujourd’hui, on a quantité de règles juridiques qui ne protègent pas la société française ».

    En réalité, Gérald Darmanin doit en partager le raisonnement, puisque, lorsqu’il était lui-même à l’Intérieur, il avait osé autoriser l’expulsion d’un ressortissant Ouzbèke soupçonné de radicalisation malgré la décision contraire de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), pour ensuite être débouté par le juge des référés du Conseil d’État qui avait enjoint sa réadmission. Ce #contrôle_juridictionnel est considéré par un nombre croissant d’élus, et d’internautes violents, comme excessif et nuisible à l’efficacité du maintien de l’ordre. De là à traiter les avocats et magistrats « fautifs » de trop brider les ambitions sécuritaires du gouvernement comme des ennemis intérieurs, il n’y a qu’un pas.

    Les plus optimistes pourront toujours considérer le #Conseil_Constitutionnel comme le dernier rempart vis-à-vis des risques d’ingérence de l’exécutif sur le judiciaire. Mais que peut-on attendre de cette institution et de son #impartialité, lorsque l’on sait que les « Sages » sont souvent d’anciens professionnels de la politique, peu ou pas formés au droit, dont #Richard_Ferrand, à peine nommé, est un exemple parfait ?

    L’histoire nous le dira. En attendant, il serait opportun de penser à faire front.

    https://aoc.media/analyse/2025/03/16/la-guerre-a-lacces-aux-droits-des-etrangers
    #mots #vocabulaire #terminologie #Etat_de_droit #xénophobie #contrôles_frontaliers #avocats #juges_rouges
    ping @reka @isskein @karine4

  • François Bayrou réunit un comité interministériel de contrôle de l’immigration, sur fond de tensions entre Paris et Alger
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/02/26/francois-bayrou-reunit-un-comite-interministeriel-de-controle-de-l-immigrati

    François Bayrou réunit un comité interministériel de contrôle de l’immigration, sur fond de tensions entre Paris et Alger
    Le Monde avec AFP
    Pour débattre des moyens visant à « reprendre le contrôle des flux migratoires » et définir ses « orientations » en la matière, François Bayrou réunit, mercredi 26 février, une partie de son gouvernement, divisé sur le sujet, sur fond de tensions croissantes avec Alger.
    A partir de 14 heures, une dizaine de ministres seront rassemblés autour du premier ministre pour un comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI). Ils discuteront notamment de « la maîtrise des flux migratoires » et des moyens « nationaux, européens et diplomatiques pour renforcer les contrôles », a appris l’Agence France-Presse auprès de Matignon. A l’issue de ce premier échange, prévu pour une heure, François Bayrou prendra la parole, selon la même source.
    Les ministres de l’intérieur, Bruno Retailleau, des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, de la santé et du travail, Catherine Vautrin, du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, de la justice, Gérald Darmanin, et de la santé, Yannick Neuder, entre autres, aborderont également la transposition du pacte européen sur la migration et l’asile – adopté en mai et censé entrer en vigueur mi-2026 –, qui prévoit un durcissement du « filtrage » aux frontières et un mécanisme de solidarité entre les Vingt-Sept.
    Créé en 2005, le CICI a été réactivé par M. Retailleau « dans le contexte d’une immigration importante » et « pour répondre aux attentes des Français en faveur d’une plus grande maîtrise des flux migratoires », par un décret du 22 janvier. Annoncé à la fin de janvier puis reporté, ce rendez-vous se tiendra finalement après l’attaque survenue samedi à Mulhouse (Haut-Rhin), pour laquelle un Algérien de 37 ans en situation irrégulière est accusé d’avoir tué à l’arme blanche une personne et d’en avoir blessé sept autres.
    « Il avait été présenté dix fois aux autorités algériennes pour que son pays d’origine accepte que nous le renvoyions chez lui. Les dix fois, la réponse a été non », a dénoncé lundi François Bayrou, qui juge « inacceptable » le refus d’Alger de reprendre son ressortissant, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
    Cette nouvelle affaire vient aggraver un peu plus les tensions entre Paris et Alger, qui a refusé à de multiples reprises ces dernières semaines de laisser entrer sur son sol plusieurs de ses ressortissants expulsés de France.
    La question algérienne devrait être au menu des discussions du CICI. Plusieurs solutions ont été évoquées ces dernières semaines, mais elles divisent profondément le gouvernement entre les partisans du « rapport de force », à l’instar de Bruno Retailleau, et ceux de la voie diplomatique, comme Jean-Noël Barrot.Ainsi, le ministre de l’intérieur a récemment plaidé pour « priver un certain nombre de personnalités de la nomenklatura, de diplomates » des « facilités » dont ils bénéficient actuellement. Le chef de la diplomatie, Jean-Noël Barrot, a annoncé, mercredi sur France 2, qu’il allait proposer que les délivrances de visas soient réduites « par tous les pays européens en même temps » pour les Etats qui ne reprennent pas leurs ressortissants expulsés. « Quand on le fait à titre national, malheureusement ça ne fonctionne pas », a-t-il plaidé. (...)
    Le ministre de l’intérieur est allé plus loin en suggérant, comme Edouard Philippe et Gabriel Attal, de « remettre en cause de façon plus générale [l’]accord » avec l’Algérie de 1968. « La question n’est pas forcément d’être aussi abrupt que ça, mais en tout cas la question doit être posée aux Algériens de la réciprocité », a jugé, mardi, Marc Fesneau (chef de file des députés MoDem et proche du premier ministre), sur France 2. « Nous avons tendu beaucoup de fois la main auprès de nos amis algériens, et beaucoup de fois cette main n’a pas été saisie », a-t-il encore relevé, en ajoutant qu’« il faut peut-être changer de registre et de braquet ». « Dire “j’arrête les visas pour un pays donné”, ça ne fonctionne pas », a, à l’inverse, insisté dimanche Jean-Noël Barrot. « Lorsqu’on a réduit les visas, on était à 800 » expulsions par an, mais « lorsqu’on a engagé une coopération exigeante, on a multiplié par trois les expulsions », a-t-il illustré.

    #Covid-19#migrant#migration#france#algerie#OQTF#visas#fluxmigratoires#CICI#accordmigratoire#sante

  • Désavoué sur une expulsion, Bruno Retailleau s’attaque au droit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/07/desavoue-sur-une-expulsion-bruno-retailleau-s-attaque-au-droit_6535702_3224.

    Désavoué sur une expulsion, Bruno Retailleau s’attaque au droit
    Par Julia Pascual
    Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, qui clame depuis qu’il est entré en fonctions, en septembre 2024, son désir d’ordre et sa volonté de réduire l’immigration, a fustigé, jeudi 6 février, les « règles juridiques qui (…) entravent », après avoir essuyé un désaveu cinglant de la justice dans son entreprise d’expulsion d’un ressortissant algérien.Boualem Naman, surnommé « Doualemn » et âgé de 59 ans, avait été libéré plus tôt du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), après que le tribunal administratif de Melun a annulé, tout à la fois, l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai et l’interdiction de retour pendant trois ans, que lui avait infligées la préfecture de l’Hérault, fin janvier.
    Le renvoi de cet homme, dont le compte TikTok, qui comptait 138 600 abonnés avant sa fermeture, diffusait régulièrement des menaces contre des opposants au régime algérien, a déjà été plusieurs fois contrarié. Le 9 janvier, alors qu’il avait atterri à Alger sous escorte policière, les autorités algériennes ont refusé de l’admettre, et il a été refoulé vers la France, portant la crise entre Paris et Alger – nourrie par un contentieux sur le Sahara occidental et l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal – à un niveau de gravité sans précédent depuis une vingtaine d’années.
    Après cela, le 29 janvier, le tribunal administratif de Paris avait validé le retrait du titre de séjour de M. Naman, mais suspendu en référé l’arrêté d’expulsion délivré par le ministre de l’intérieur, considérant que la procédure d’expulsion « en urgence absolue » avait été appliquée à tort. Elle prive un étranger de garanties essentielles, notamment de l’audition par une commission composée de magistrats, alors que M. Naman résidait régulièrement depuis quinze ans en France, où vivent ses deux enfants et sa compagne, tous français.
    Le préfet de l’Hérault (département de résidence de M. Naman) avait prononcé aussitôt une OQTF. « Un détournement de procédure et un acharnement avec pour unique objectif de le maintenir enfermé », dénoncent les avocates de l’intéressé, Marie David-Bellouard et Julie Gonidec. Le tribunal administratif de Melun a enjoint, jeudi, au préfet de réexaminer la situation de M. Naman et, dans l’intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
    Le ministère de l’intérieur a annoncé faire appel et « continuer la procédure d’expulsion ». Invité sur le plateau de LCI dans la soirée de jeudi, Bruno Retailleau a tenté de faire oublier ce camouflet en livrant une attaque en règle contre le droit. « Cette décision tombe bien, a ainsi affirmé le ministre de l’intérieur. Ça va me permettre d’expliquer aux Français tous les obstacles qu’on rencontre. » L’ex-chef de file des Républicains (LR) eu Sénat a expliqué que le droit international, européen et français « rend très très difficile le fait de reprendre le contrôle de l’immigration ». Il a dit vouloir « prend[re] à témoin les Français » de « règles juridiques, qui (…) entravent et ne protègent plus la société ». Peu après sa prise de fonctions, le 29 septembre 2024, il avait estimé dans Le Journal du dimanche : « L’Etat de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. »
    De façon presque simultanée, le ministre de la justice et ancien locataire de la Place Beauvau, Gérald Darmanin, s’est déclaré favorable à une modification de la loi pour que « la République et l’Etat ne fassent pas preuve d’impuissance, mais expulsent du territoire national toute personne étrangère irrégulière », alors même qu’il porte la paternité d’un texte sur l’immigration, promulgué en janvier 2024, déjà censé lever un maximum de freins aux expulsions d’étrangers délinquants. M. Darmanin a, par ailleurs, défendu la tenue d’un référendum pour modifier la constitution sur le droit du sol, au sortir de l’Assemblée nationale où venait d’être adoptée une loi plus restrictive pour Mayotte.
    M. Retailleau a, lui aussi, dégainé l’arme référendaire sur le sujet migratoire. « Je pense que le peuple souverain devra tôt ou tard trancher cette question par la voix du référendum », a-t-il déclaré, prenant pour exemple son souhait de conditionner à cinq ans de résidence l’accès à certaines prestations sociales pour les étrangers. Une proposition législative de LR instaurant cette forme de préférence nationale avait été rejetée, en avril 2024, par le Conseil constitutionnel, car jugée disproportionnée. Se prévalant du « soutien des Français », y compris d’une « majorité de Français de gauche » sur les questions de l’immigration, M. Retailleau a rappelé sa volonté de rétablir le délit de séjour irrégulier. Il avait été supprimé en 2012 par la gauche, en application d’une directive européenne interdisant l’édiction d’une peine privative de liberté, remplacé par la possibilité de placer les étrangers en retenue administrative. Le ministre s’est enfin redit en faveur d’une loi pour augmenter la durée maximale de placement en rétention des étrangers sans titre de séjour, qui est de 90 jours depuis 2018.

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#politiquemigratoire#OQTF#expulsion#algerie#sante#droit

  • Immigration : des flux stables, moins de régularisations, plus d’expulsions
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/04/immigration-des-flux-stables-moins-de-regularisations-plus-d-expulsions_6531

    Immigration : des flux stables, moins de régularisations, plus d’expulsions
    Par Julia Pascual
    A l’heure où le premier ministre, François Bayrou, est prompt à reprendre à son compte l’idée de « submersion » migratoire, souvent agitée à l’extrême droite, la publication des chiffres annuels (provisoires) de l’immigration, mardi 4 février, par le ministère de l’intérieur, tend plutôt à illustrer une relative stabilité de l’entrée d’étrangers dans le pays.
    Au point qu’après plusieurs années consécutives de hausse des délivrances de premiers titres de séjour, tirée notamment par le dynamisme économique à la sortie de la crise liée au Covid-19, un plateau pourrait être atteint. Même la demande d’asile, qui reste à un niveau élevé, engage un reflux, à l’image d’une tendance observée en Europe.
    Enfin, conséquence logique du raidissement annoncé par le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, depuis son arrivée Place Beauvau en septembre 2024, les régularisations sont en recul après cinq années de progression, tandis que les expulsions progressent, sans retrouver leur niveau d’avant la pandémie de Covid-19.
    L’administration française a délivré 336 700 premiers titres de séjour à des étrangers en 2024, soit un volume proche de celui de 2023, en hausse de 1,8 %. Ces titres correspondent à différents motifs de migration et, pour la troisième année consécutive, c’est le motif étudiant qui arrive en tête (près de 109 300, soit + 0,2 %), devant les motifs familial (près de 90 600, en baisse de 1,2 %), économique (près de 55 600, + 0,9 %) et humanitaire (près de 54 500, + 13,5 %). « Même s’il y a une stabilisation, on reste à un niveau relativement élevé et supérieur à avant le Covid-19, souligne Jean-Christophe Dumont, chef de la division chargée des migrations internationales à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). On peut noter une dynamique positive de l’immigration de travail, contrairement à ce qui est observé pour l’immigration familiale, qui baisse depuis 2022. La hausse significative des réfugiés traduit, quant à elle, le résultat de l’augmentation de la demande d’asile observée en 2023. »
    Sans surprise, les ressortissants du Maghreb sont les premiers bénéficiaires de titres de séjour, suivis des Chinois, des Américains et des Afghans. Derrière ce positionnement se trouvent des motifs de migration différents. Ainsi, environ les deux tiers des titres de séjour délivrés à des Marocains et des Tunisiens le sont pour des raisons familiales ou professionnelles, tandis que le motif familial préside à l’arrivée de 55 % des nouveaux immigrés algériens. A contrario, plus de la moitié des immigrants chinois et américains sont des étudiants, et 96 % des premiers titres accordés à des Afghans relèvent de la protection humanitaire.« Ces niveaux de flux migratoires, qui représentent environ 0,5 % de la population, sont deux fois plus faibles que la moyenne des flux migratoires dans l’OCDE en 2023 [0,97 %] », relativise encore Jean-Christophe Dumont.
    Au total, quelque 4,3 millions de ressortissants de pays tiers à l’Union européenne (UE) sont aujourd’hui détenteurs d’un titre de séjour, dont 650 000 Algériens, 617 000 Marocains et 304 000 Tunisiens. Leur présence est plus importante dans certains départements, parmi lesquels la Seine-Saint-Denis (26,9 % de la population), la Guyane (26,8 %), Mayotte (21,3 %) et l’ensemble de l’Ile-de-France.Quant à la catégorie des visas de court séjour, délivrés pour l’essentiel à des touristes, elle poursuit sa hausse en 2024 pour atteindre 2,5 millions de visas, sans retrouver les niveaux d’avant la crise liée au Covid-19, notamment pour les ressortissants chinois, qui en sont les premiers bénéficiaires.
    Si la France compte de plus en plus de réfugiés (630 000 titres humanitaires valides en 2024), la demande d’asile a amorcé, elle, une baisse en 2024 de 5,5 %, avec quelque 158 000 requêtes, selon les données provisoires du ministère de l’intérieur. Ukrainiens, Afghans et ressortissants de la République démocratique du Congo sont les premières nationalités représentées. Avec plus de 13 000 dossiers enregistrés, « la demande d’asile ukrainienne est un phénomène nouveau », a souligné, mardi, lors d’une conférence de presse, le directeur général des étrangers en France, Eric Jalon. Elle traduit la recherche d’un statut plus pérenne de la part de personnes déjà présentes sur le territoire et qui bénéficient jusque-là du statut particulier de la protection temporaire, accordée par tous les Etats membres de l’UE aux Ukrainiens après le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, en février 2022. Plus de 56 000 Ukrainiens continuent d’ailleurs de séjourner en France sous le régime de cette protection temporaire.
    Conséquence de la présence croissante de ressortissants de pays touchés par des conflits armés, le taux d’accord d’une protection progresse, pour atteindre près de 50 %. Même si elle reste à un niveau élevé, la demande d’asile fléchit donc « de façon sensible pour la première fois depuis 2007, en dehors de la période de la crise sanitaire », remarque le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, Julien Boucher. Une tendance qui fait écho à celle que l’on observe à l’échelle européenne. Les chiffres ne sont pas encore disponibles pour l’ensemble de l’année 2024, mais le ministère de l’intérieur table sur une baisse d’environ 10 % en Europe, avec une demande autour du million de requérants. La France se situerait dans le top 4, derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
    Elle se singularise en outre par la variété des nationalités requérantes, au contraire de pays comme l’Allemagne, où un tiers des demandeurs sont syriens, ou comme l’Espagne, où deux demandeurs d’asile sur trois sont vénézuéliens ou colombiens.
    Pour la première fois depuis 2020, les régularisations sont en baisse. Ainsi, 31 250 étrangers sans papiers en ont bénéficié en 2024, soit 3 500 de moins qu’en 2023. Un volume qui reste quoi qu’il en soit modeste, même si l’inflexion observée (− 10 %) tranche avec la progression des régularisations depuis 2020 et la sortie de la crise liée au Covid-19. Sans surprise, elle traduit le souhait de Bruno Retailleau, qui l’a plusieurs fois revendiqué, de réduire ces mesures d’admission exceptionnelle au séjour. Compte tenu de la circulaire ministérielle qu’il a diffusée aux préfets le 23 janvier, visant à durcir les critères d’examen de ces demandes de régularisation, le chiffre devrait continuer de baisser. Néanmoins, mardi, le directeur général des étrangers en France a expliqué qu’il n’existait « pas de prévisions » ni d’« objectifs », mais simplement « une orientation générale ».
    Le recul des régularisations tranche avec les déclarations du précédent ministre de l’intérieur (et actuel garde des sceaux), Gérald Darmanin, qui avait manifesté son souhait, au travers de sa loi sur l’immigration promulguée en janvier 2024, de faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers dans certains secteurs en tension, compte tenu des besoins de l’économie. Ce chiffre reste le mètre étalon de la lutte contre l’immigration irrégulière. Environ 21 600 étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, telle qu’une obligation de quitter le territoire ou une interdiction du territoire, ont été expulsés, dont 60 % de force (près de 13 000). Si ces éloignements sont en hausse, ils restent inférieurs au niveau d’avant la pandémie de Covid-19 (23 746 en 2019).
    Les premiers pays concernés sont ceux du Maghreb, mais aussi l’Albanie, la Géorgie et la Roumanie. Les mesures d’expulsion exécutées diffèrent selon les origines. Ainsi, les éloignements forcés sont surreprésentés parmi les Algériens (près de 73 %), les Marocains (près de 71 %), mais aussi les Afghans (près de 96 %, uniquement vers un autre pays de l’UE). A contrario, les Géorgiens et les Turcs éloignés le sont pour moitié ou presque à travers des dispositifs de retours volontaires aidés, c’est-à-dire assortis d’un pécule.
    Le ministère de l’intérieur a aussi communiqué sur les plus de 147 000 interpellations d’étrangers en situation irrégulière en 2024 (à son niveau le plus élevé depuis 2014), reflet de l’action des forces de l’ordre davantage que de la présence de personnes sans papiers.

    #Covid-19#migration#migrant#france#statistique#immigration#regularisation#expulsion#OQTF#politiquemigratoire#sante#eloignement

  • François Héran : « Exploiter sans scrupule la xénophobie est la voie de la facilité en matière d’immigration »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/03/francois-heran-exploiter-sans-scrupule-la-xenophobie-est-la-voie-de-la-facil

    François Héran : « Exploiter sans scrupule la xénophobie est la voie de la facilité en matière d’immigration »
    Tribune François Héran, Professeur au Collège de France
    Jusqu’au 23 janvier, les sans-papiers en attente de régularisation pouvaient espérer une « admission exceptionnelle au séjour » (AES) grâce à la circulaire Valls de 2012. L’actuel ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, l’a remplacée par sa propre circulaire. Comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans son rapport de 2013 sur le « droit souple », ces missives aux préfets ne créent pas de nouveau droit. Ce sont des recommandations de nature interprétative et non impérative.
    Personne n’est dupe : les destinataires de la nouvelle circulaire ne sont pas les préfets mais l’opinion publique, à qui l’on veut faire croire que MM. Manuel Valls et Gérald Darmanin autorisaient des régularisations « à tour de bras » (sic), « trop quantitatives » (re-sic). Les préfets ont dû apprécier ces tautologies : leur rappeler que les « admissions exceptionnelles au séjour doivent rester exceptionnelles » et qu’il n’y a « pas de droit automatique à la régularisation », c’est leur faire injure.
    Comment donc traitaient-ils les dossiers des sans-papiers ? Au cas par cas, et non au fil de l’eau. La décision finale sur les dossiers dépendait de leur pouvoir discrétionnaire, avec des chances de succès fort inégales d’une préfecture à l’autre. En octobre 2022, une enquête de la commission des lois a confirmé le témoignage des associations : un tiers environ des préfets renonçaient déjà à appliquer la circulaire Valls, faute de moyens ou de volonté. Les bureaux devaient privilégier le renouvellement des titres de séjour. Dans certaines préfectures, des dossiers de régularisation dûment remplis n’avaient toujours pas été ouverts au bout de trois ans.
    Quel est le bilan ? En 2023, le nombre d’AES octroyées grâce à la circulaire Valls s’élevait à 34 700 : 11 500 au titre du travail, 22 200 au titre de la famille et 1 000 à des étudiants. Ces chiffres absolus impressionnent à bon compte. Mais, rapportés aux 500 000 sans-papiers qui vivent en France (estimation plausible), c’est un taux de régularisation annuel de 7 %. Chiffre plus fiable : sur l’ensemble des nouveaux titres de séjour accordés en France en 2023, seulement 9,5 % étaient des AES. A supposer que M. Retailleau parvienne à réduire le nombre d’un tiers, le taux de régularisation chuterait de 7 % à 5 %. Comment croire qu’on passerait ainsi du prétendu « chaos migratoire » à la « reprise de contrôle » ?
    Au lieu d’exiger, comme naguère, des « preuves de présence » dans les sphères du travail, du logement, de l’école…, la nouvelle circulaire porte la durée de séjour de cinq ans à sept ans. Elle exige aussi l’absence d’obligation de quitter le territoire (OQTF) et une maîtrise du français certifiée. Seront donc retenus les postulants qui auront échappé aux OQTF pendant sept ans tout en fréquentant un institut de langue… La contradiction est flagrante : on invoque l’intégration pour relever le niveau de langue, mais on la retarde en différant de deux ans l’octroi d’un titre. Reclus dans sa tour d’ivoire, le ministre n’a aucune idée du parcours kafkaïen infligé aux intéressés, à commencer par les effets délétères de ces retards sur la santé morale des enfants et leur insertion scolaire, un lien attesté par nombre d’études recensées en 2021 par la Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (« plateforme de coopération internationale sur les sans-papiers »).
    A ce jeu du tour de vis, la vis est sans fin et l’on trouve toujours plus dur que soi. Le 25 janvier, sur Franceinfo, le député (Rassemblement national) de Moselle Laurent Jacobelli a traité le ministre de l’intérieur de « faux dur » : au lieu de différer la régularisation de deux ans, il faudrait l’abolir. Dans cette course effrénée, l’objectif rêvé est l’abolition de la réalité. « Les Français nous le demandent », martèle le ministre. Mais la vox populi est, au choix, vox Dei ou vox Diaboli : il faut l’écouter en matière d’immigration, surtout pas sur la réforme des retraites ou la fin de vie. Quand les deux tiers des Français s’opposaient à la réforme des retraites, M. Retailleau préconisait sur France Inter, le 15 mars 2023, de l’adopter par la voie « parfaitement démocratique » du 49.3. Il ne donnait alors pas cher de la demande du peuple…
    Certes, nombre de sondages menés en France et à l’étranger traduisent un sentiment partagé : les autres sont de trop, ils sont trop visibles, ne s’intègrent pas… Face à ce fonds commun de xénophobie, que faire ? L’exploiter sans scrupule est la voie de la facilité : il se trouve toujours des leaders d’opinion pour tenir ce rôle. L’autre approche est celle de la démocratie délibérative, plus exigeante : au lieu de caresser la population dans le sens de ses peurs, il s’agit de l’armer en données permettant de traiter une réalité complexe. Faut-il s’étonner qu’une opinion informée à sens unique soit tentée d’opiner à sens unique ?
    L’enquête de la commission nationale consultative des droits de l’homme parue en juin 2024 livre un tableau de l’opinion plus nuancé que les idées binaires de M. Retailleau. De 2000 à 2022, la part des Français d’accord avec l’affirmation « il y a trop d’immigrés en France » a reculé de 59 % à 45 %, avant de revenir à 56 % en 2023. Or, ces oscillations n’ont aucun lien avec la progression continue de la part des immigrés dans la population de la France depuis 2000, qui suit à distance une progression européenne et mondiale. Dans le même temps prévaut l’idée que « les travailleurs immigrés doivent être considérés ici comme chez eux puisqu’ils contribuent à l’économie française » (80 % d’accord en 2023) ou que « la présence d’immigrés est une source d’enrichissement culturel » (69 %).
    Dans l’idée de M. Retailleau, les régularisations ne sont qu’une partie de l’immigration à réduire. Il faudrait s’aligner sur les membres de l’Union européenne (sauf l’Espagne et l’Italie), en espérant que chacun puisse dévier sur ses voisins la poussée mondiale des migrations observée depuis l’an 2000. Cette défausse généralisée est un leurre. La montée linéaire de l’immigration est une réalité en France, mais très éloignée des diagnostics outranciers du type « chaos », « submersion », « tsunami ». Les indicateurs de l’ONU, de l’OCDE ou d’Eurostat sur son ampleur attestent que, vu sa population, la France se situe autour du 15e rang en Europe.
    En 2015, Marine Le Pen s’écriait : « J’accuse l’ONU, de concert avec la Commission européenne, d’organiser sciemment la submersion migratoire de l’Europe. » Quinze ans plus tôt, son père les accusait déjà de programmer « la poursuite d’une immigration débouchant sur la submersion pure et simple des Français de souche et la disparition de la France ». C’était un contresens total sur un rapport de l’ONU qui démontrait que des myriades de migrants ne suffiraient pas à bloquer le vieillissement de la population. Il est affligeant d’entendre le premier ministre reprendre ce vocabulaire à son compte.

    #Covid-19#migration#migrant# france#politiquemigratoire#asile#OQTF#sante#droit#intergration#regularisation#economie#immigration

  • La circulaire Retailleau sur les immigrés sans papiers accentue les craintes : « On leur met encore plus de bâtons dans les roues »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/02/la-circulaire-retailleau-sur-les-immigres-sans-papiers-accentue-les-craintes

    La circulaire Retailleau sur les immigrés sans papiers accentue les craintes : « On leur met encore plus de bâtons dans les roues »
    Par Julia Pascual (envoyée spéciale à Rouen)
    A Rouen, immigrés sans papiers et bénévoles de la Cimade, patrons et avocats s’inquiètent des répercussions du texte du ministre de l’intérieur du 23 janvier. Il vise à durcir les critères de régularisation en demandant aux préfets de privilégier les travailleurs dans les métiers en tension et d’exiger sept années de présence en France pour tous les autres.
    « C’est de pire en pire pour les immigrés. » Sarah (toutes les personnes citées par un prénom ont requis l’anonymat) aimerait que « le gouvernement change d’avis », mais, en attendant, cette Algérienne sans papiers mesure la difficulté du parcours dans lequel elle s’est engagée. Dans les locaux de la Cimade, une association d’aide aux migrants, de Rouen, ils sont quelques immigrés à défiler, jeudi 30 janvier, pour se faire aider à constituer un dossier de régularisation ou à obtenir un rendez-vous à la préfecture. Ou simplement être épaulés. Et personne n’est enthousiaste après que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a diffusé, le 23 janvier, une nouvelle circulaire visant à durcir les critères de régularisation.
    Ce texte remplace la circulaire Valls de 2012 qui permettait à environ 30 000 personnes d’être régularisées chaque année, au titre du travail qu’elles exercent ou, plus souvent, de leur vie privée et familiale en France. Désormais, en dehors de certains travailleurs dans des métiers en tension, la régularisation n’interviendra qu’au terme de sept années de présence, contre cinq jusque-là, sous réserve d’une certification du niveau de français, en l’absence de comportement troublant l’ordre public et d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) de moins de trois ans.
    S’il est encore trop tôt pour mesurer la façon dont les préfectures se saisissent du texte, son écho parvient aux principaux intéressés comme une menace sourde. Arrivée il y a un an et demi en France, Sarah vit à Rouen avec son mari et ses deux enfants. Si son époux, sans papiers également, réussit à glaner quelques petits boulots au noir sur les marchés ou des chantiers, Sarah bute contre son statut administratif. « Les patrons ont peur, ils ne veulent pas m’embaucher, dit-elle. Mais pour demander une régularisation, il faut des bulletins de paie. Je ne comprends pas, il y a une contradiction. »
    Cette contradiction, Ahmed, un Franco-Algérien à la tête d’une entreprise de peinture, dans la Seine-Maritime, y est aussi confronté. Avant même la circulaire Retailleau, il a vu les pratiques de l’administration se raidir. « Je ne comprends pas pourquoi on freine cette main-d’œuvre qui fait du bien à tout le monde, aux caisses de l’Etat comme aux entreprises », s’interroge ce patron. Il a voulu accompagner, il y a deux mois, un de ses ouvriers sans papiers dans sa demande de régularisation par le travail, en lui fournissant des documents à l’appui de son dossier, mais il redoute un retour de manivelle. Ces derniers mois, Ahmed a appris que deux dirigeants de société dans son entourage, l’un turc, l’autre marocain, s’étaient vu retirer leur carte de résident par la préfecture. Leur faute ? « Ils avaient embauché des sans-papiers et fourni une attestation pour qu’ils soient régularisés », dit-il. « En procédant de la sorte, on incite au travail au noir », dénonce l’avocate rouennaise en droit des étrangers Cécile Madeline.
    Emé a beau être déclarée pour les trois heures de ménage qu’elle effectue au quotidien dans des appartements loués sur Airbnb, elle a toutefois remarqué que ses collègues en règle gagnent plus qu’elle. Elle ne peut pas s’en plaindre. Elle n’a pas encore déposé sa demande de titre de séjour auprès de la préfecture de Rouen. Alors elle prend son mal en patience. Viviane Hue, la bénévole de 70 ans qui l’accompagne, assistante sociale à la retraite, explique qu’elle attendait « la fin de l’année et qu’elle soit prête à prendre le risque ». Celui d’essuyer un refus et une OQTF. Maintenant que la circulaire Retailleau exige sept ans de présence sur le territoire, elle doit attendre encore deux ans, car ça ne fait « que » cinq ans qu’Emé est « coincée », vit à la rue, qu’elle a laissé ses quatre enfants en Angola. En son absence, sa fille de 15 ans est devenue mère, à la suite d’un viol. « Comme je ne suis pas là-bas, je ne sais pas ce qu’il s’y passe vraiment », bredouille-t-elle, inquiète.
    Cet entrelacs de règles mouvantes et d’impasses administratives, Fadila le trouve « énervant ». Auxiliaire de vie de 47 ans, arrivée du Maroc à l’âge de 11 ans et naturalisée française, elle est venue à la permanence de la Cimade pour faire avancer la demande de régularisation de sa mère de 84 ans. Cette dernière avait un titre de séjour auparavant mais, confinée au Maroc pendant la crise liée au Covid-19, elle n’a pas pu le renouveler. Revenue en France avec un visa en 2024, elle a depuis basculé en situation irrégulière. « J’ai déposé une demande de titre en mars 2024, je n’ai pas de nouvelles depuis. J’ai écrit trois fois à la préfecture, envoyé des mails. Je ne peux pas y aller sans rendez-vous, ni prendre de rendez-vous », souffle Fadila. Elle est d’accord pourtant, pour que l’on réduise l’immigration ; d’accord pour que la France n’accepte pas « tout le monde » et exige un niveau de français aux immigrés. Mais pas à sa mère.
    Elle ne trouve en revanche « pas normal » que les demandeurs d’asile aient, selon elle, « des aides et des logements faciles ». Elle se souvient aussi de cette réfugiée ukrainienne à côté de qui elle avait pris place dans le bus et qui s’était fait contrôler sans titre de transport. « Elle a montré son récépissé et le contrôleur ne lui a pas mis d’amende. Si ça avait été moi, je suis sûre que j’aurais été verbalisée. C’est pas normal », répète-t-elle.Installé dans un autre bureau de la permanence associative, Alexandre n’est, pour sa part, pas opposé à ce que « les étrangers qui font n’importe quoi soient expulsés ». Mais « on n’est pas tous des voleurs », insiste ce Brésilien de 38 ans qui voudrait des papiers. Père de deux enfants, il cumule dix années de présence sur le territoire. Néanmoins, son dossier de demande de régularisation comporte des fragilités. En particulier ce bracelet électronique qu’il a porté six mois en 2016 pour avoir, dit-il, « rendu service à [son] patron » qui lui a demandé de l’aider à passer à tabac l’amant de sa femme. Et puis il a écopé d’une OQTF à la même époque.
    Mais, depuis, « je vis comme un Français, assure-t-il. Ce qui me manque, c’est d’aller en vacances au Brésil et de faire un crédit pour acheter une maison ». Viviane Hue essaie de « gonfler » son dossier, pourtant déjà épais comme deux bottins. « On n’a pas le diplôme de français, mais on a des certificats de formation, au désamiantage ou au travail dans des espaces confinés. Et il est professeur de ju-jitsu dans un club », énumère la bénévole. Comme la circulaire Retailleau exige un niveau de langue certifié, Alexandre s’est aussi renseigné auprès de l’Alliance française de Rouen et, pour 500 euros, il pourrait décrocher une preuve de son niveau B1. Alexandre reconnaît qu’il a pris du retard dans l’acquisition du français, en évoluant longtemps au seul contact de collègues lusophones sur des chantiers de décontamination au plomb et à l’amiante.
    « On demande aux gens des parcours invraisemblables en leur mettant encore plus de bâtons dans les roues », regrette Mme Hue. En matière d’intégration, sous le régime de la circulaire Valls, les certificats de scolarisation des enfants étaient des pièces maîtresses. Mais la circulaire Retailleau ne les mentionne plus. Les bénévoles devront redoubler d’imagination pour étayer auprès des préfectures l’insertion de gens pourtant contraints à des existences discrètes. « On fournit déjà des attestations de visite de musées, illustre Viviane Hue. On fournit aussi des lettres de voisins pour prouver qu’ils se conduisent bien et ne font pas de bruit. »
    Atanda n’a pas de voisin. Cette Nigériane de 30 ans, mère de trois enfants, est à la rue, comme d’autres. La famille est tantôt hébergée par le SAMU social, « une semaine ici, trois jours là ». « Je suis si fatiguée », confie-t-elle. Ballottée entre ces hébergements, sa fille aînée arrive souvent en retard à l’école. Atanda a déposé un dossier de régularisation en décembre 2023. Elle est sans nouvelles depuis. « Je veux commencer une nouvelle vie, payer mes impôts, faire de mon mieux », promet-elle. Voilà huit ans qu’Atanda est en France. De ce point de vue, elle remplit le nouveau critère de la circulaire Retailleau, assimilé, selon le texte, à un « indice d’intégration pertinent ». Atanda peut dire ce que huit années d’errance lui ont apporté : des migraines ophtalmiques chroniques. « Je pense trop, justifie-t-elle. Je me demande si Dieu va m’aider. » Faire davantage attendre les gens est « une folie », tranche Jacqueline Madeline. A 84 ans, cette médecin retraitée engagée à la Cimade de Rouen questionne : « On veut des gens qui arrivent avec un espoir ou qui font la queue aux Restos du cœur ? Qui supporterait ça ? »

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#migrationirreguliere#economie#regularisation#OQTF#retailleau#droit#sante

  • Nouvelle #circulaire_Retailleau : Un pas de plus dans la guerre contre les migrant-es ! !

    Le ministre de l’intérieur, #Bruno_Retailleau, multiplie depuis des mois les déclarations visant à supprimer les possibilités d’accueil et de #régularisation des personnes migrantes. Sur fond de #racisme décomplexé inspiré par l’extrême droite, le ministre passe aujourd’hui de la parole aux actes. Il vient de publier une circulaire qui abroge la #circulaire_Valls de 2012, et donne aux préfets des consignes fermes de #non-régularisation des personnes étrangères vivant en France sans titre de séjour.

    Dans la continuité de la loi Darmanin de janvier 2024, cette circulaire met à bas les possibilités de #régularisation_exceptionnelle des étrangers au titre de la situation familiale ou du travail, telle que pratiquées jusqu’alors en application de la circulaire Valls.

    Elle augmente la #durée_de_séjour requise sur le territoire à #7_ans au lieu de 5 ans précédemment, voire 3 ans au titre du travail, pour pouvoir solliciter une #régularisation_à_titre_exceptionnel.

    Elle rend quasi-impossible la régularisation d’une personne ayant subi une #OQTF, exécutée ou pas, même datant de plusieurs années.

    Elle impose des critères de maîtrise du #français et de « respect des #valeurs_républicaines » qui permettent un total arbitraire de la part des #préfectures dans l’examen des dossiers de demande de régularisation.

    Alors même que la liste des #métiers_en_tension, des plus restrictives et établies selon les seuls critères du patronat, n’est toujours pas actualisée, cette circulaire ferme la porte à toute possibilité de régularisation à des centaines de milliers de travailleuses et #travailleurs_sans-papiers qui font tourner des secteurs entiers de l’économie du pays, comme dans la logistique, le nettoyage, la restauration, le BTP, l’aide à la personne et bien d’autres.

    La première conséquence de cette circulaire sera l’#exploitation de ces personnes, contraintes à une #clandestinité et donc une #précarité renforcée, exclues de tous #droits_sociaux, de toutes les protections accordées aux autres salariées, et donc à la merci d’un patronat qui, de toutes façons, trouve son intérêt et ses profits dans l’exploitation des travailleurs-euses sans-titre.

    L’Union syndicale Solidaires dénonce avec force cette déclaration de #guerre_à_l’immigration du gouvernement Bayrou/Retailleau/Darmanin.

    Elle continue d’exiger la régularisation de tous les sans papier, à commencer par nos camarades de Chronopost en lutte depuis plus de 3 ans.

    Elle appelle à se mobiliser aux côtés des autres organisations syndicales, des associations d’aide aux migrants-tes, des collectifs de sans-papiers pour soutenir et participer à toutes les actions en cours et en préparation pour s’opposer à l’application à ces mesures scélérates, et en obtenir l’abrogation !

    https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/nouvelle-circulaire-retailleau-un-pas-de-plus-dans-la-guerre-contre-les-
    #France #migrations #sans-papiers #clandestinisation #guerre_contre_les_migrants
    ping @karine

  • Bruno Retailleau durcit la ligne sur la régularisation des sans-papiers
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/01/23/bruno-retailleau-durcit-la-ligne-sur-la-regularisation-des-sans-papiers_6512

    Bruno Retailleau durcit la ligne sur la régularisation des sans-papiers
    Par Julia Pascual
    C’est un virage à droite, de ceux qui valent pour leur symbole, mais tout autant pour leurs implications réelles dans la vie des gens. Des sans-papiers, en l’occurrence. Bruno Retailleau a diffusé, jeudi 23 janvier, à l’ensemble des préfets la nouvelle circulaire qui va désormais régir l’accès à la régularisation des étrangers sans titre de séjour. Et l’impulsion donnée par le ministre de l’intérieur est celle d’un durcissement. Dans le texte de trois pages, dont Le Monde a obtenu copie, le ministre de l’intérieur demande aux préfets de recentrer les régularisations qu’ils accordent sur les travailleurs dans les métiers en tension, par opposition à la régularisation des personnes au titre de leur vie personnelle et familiale en France, majoritaire aujourd’hui. La régularisation des salariés des métiers en tension, introduite par la loi sur l’immigration de janvier 2024, exige trois ans de présence en France et douze mois d’ancienneté dans le travail et l’exercice d’un métier relevant d’une liste arrêtée par décret. Pour tout ce qui ne relève pas de ces travailleurs, les critères d’admission au séjour sont notoirement durcis.
    Ainsi, la régularisation sera conditionnée à une « durée de présence d’au moins sept ans » sur le territoire, contre cinq ans aujourd’hui. Les préfets devront également apprécier la maîtrise du français par un « diplôme français ou bien une certification linguistique ».
    Tout élément tendant à constituer une « menace à l’ordre public » sera rédhibitoire (dans les faits, cela était déjà le cas). De même, si l’étranger a déjà fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) sans l’exécuter, il ne pourra obtenir un titre de séjour. Un point non négligeable, compte tenu de l’allongement d’un à trois ans de la durée de validité d’une OQTF, depuis la loi sur l’immigration de 2024. Enfin, tout refus de régularisation devra enfin être « systématiquement » assorti d’une OQTF.
    « On régularisait déjà au compte-gouttes, et on va vers de nouvelles restrictions, sur la base de pseudo-critères d’intégration comme la langue, qui devient un levier d’exclusion, dénonce, auprès du Monde, la secrétaire générale de la Cimade, Fanélie Carrey-Conte. Quel est le sens de maintenir dans la précarité des gens qui travaillent, des personnes qui pourraient sortir de l’hébergement d’urgence saturé, de faire vivre dans la peur de la séparation ? On est dans le choix de la fermeture et du déclin. »
    Vendredi matin, le personnel politique avait encore peu réagi à ce nouveau texte. Invité de TF1, le vice-président de l’Assemblée nationale et macroniste historique Roland Lescure s’est néanmoins dit « en désaccord ». « On surfe sur une vague anti-immigration (…). Je pense qu’on va trop loin », a-t-il déploré sur TF1. Quelques anciens macronistes s’étaient aussi exprimés, jeudi, sur le réseau social X, à l’image de Sacha Houlié, député (non inscrit) de la Vienne en rupture avec les macronistes : « Plusieurs pays européens (Allemagne, Espagne, Italie) ont procédé à des régularisations, la France s’entête dans la mauvaise voie, a-t-il écrit. Quand vous ne trouverez plus personne pour vous soigner, pour s’occuper de vos parents ou de vos enfants, pour vous servir au restaurant ou construire vos routes ou vos maisons, vous penserez au populisme crasse de M. Retailleau. » « Les Français méritent mieux que cette démagogie qui est une forme d’irrespect », a également déclaré l’ancien ministre de la santé et député des Yvelines (Place publique) Aurélien Rousseau.
    Bruno Retailleau entend distiller au compte-gouttes les régularisations. Sa circulaire abroge la circulaire Valls, en vigueur depuis 2012, qui tenait jusque-là lieu de boîte à outils pour les préfets. Le ministre a voulu la réduire et la durcir. Et, au passage, il a drastiquement diminué les critères d’appréciation. « Rien n’est précisé sur la durée de scolarisation des enfants. Ça va être laissé à l’arbitraire des préfets », pressent Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes. « On ne voit pas comment un dossier peut être considéré comme recevable, ça renforce le pouvoir discrétionnaire du préfet », abonde Jean-Albert Guidou, du collectif migrants de la CGT. Plus optimiste, un préfet veut croire à sa « possibilité de débloquer des situations ». « Le ministre veut une approche plus stricte, mais il ne nous a fixé aucun objectif quantitatif », se rassure-t-il. Un autre haut fonctionnaire a une analyse différente : « A la lecture du texte, un préfet ne régularisera plus pour motif familial et privé », lâche-t-il.
    Le texte de 2012 de 12 pages signé par Manuel Valls, ancien ministre de l’intérieur de François Hollande (et actuel ministre des outre-mer de François Bayrou), n’avait, cependant, pas fait la preuve de son obsolescence. Au sein du ministère de l’intérieur, depuis sa mise en œuvre, on n’osait jusque-là y toucher et on vantait plutôt sa praticité. La circulaire Valls permettait de sortir des limbes, peu ou prou, 30 000 personnes chaque année – sur une population de sans-papiers estimée, de façon approximative, entre 400 000 et 700 000 personnes. Qualifiée de soupape, elle cadrait, à travers des critères indicatifs, mais non opposables en droit, une forme de régularisation « au fil de l’eau ».
    Place Beauvau, on la préférait, car plus discrète, aux grandes opérations de régularisations décidées à intervalles réguliers à partir des années 1970, politiquement plus inflammables dans une arène où l’extrême droite n’a eu de cesse de renforcer son poids électoral, en faisant de la lutte contre l’immigration la pierre angulaire de ses programmes. Même les préfets les plus orthodoxes lui trouvaient l’avantage de sortir de situations inextricables, par exemple, des étrangers ni régularisables ni expulsables, à l’image de parents d’enfants scolarisés depuis plusieurs années.
    Lire aussi la chronique | Article réservé à nos abonnés « La confusion entretenue sur l’immigration légale, l’immigration irrégulière et le droit d’asile brouille le débat sur un sujet majeur pour l’avenir des sociétés européennes »
    Du côté des personnes sans papiers et des associations ou avocats qui les soutiennent, la circulaire Valls comportait des avantages et des imperfections. Elle était la promesse d’un avenir en France, au terme d’années difficiles dans l’irrégularité. Mais n’ayant pas force de loi, elle laissait entier le pouvoir d’appréciation discrétionnaire des préfets – « l’arbitraire », disaient les plus critiques. Liberté était en effet laissée à ces commis de l’Etat d’en faire l’application ou pas. La circulaire Valls était donc très inégalement mise en œuvre sur le territoire. Des préfectures étaient rétives à l’appliquer, quand d’autres se montraient plus bienveillantes, comme Paris.
    C’est d’ailleurs pour sortir partiellement de cette ambiguïté que, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, l’actuel garde des sceaux, a voulu un temps permettre une régularisation de droit des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Dans un contexte post-Covid-19 où des secteurs entiers de l’économie avaient grandement besoin de main-d’œuvre, comme l’hôtellerie-restauration, l’agriculture ou encore le bâtiment, l’ex-maire de Tourcoing (Nord) avait joué une partition qu’il résumait ainsi : « Etre méchant avec les méchants et gentil avec les gentils. »
    En l’espèce, le projet de loi « asile et immigration », tel que présenté fin 2022 par le ministre, faisait la part belle aux mesures élargissant les possibilités d’expulser les étrangers constituant un trouble à l’ordre public et, dans un équilibre incertain, devait aussi permettre de reconnaître l’apport des sans-papiers à l’économie. « Nous ne donnons peut-être pas assez de titres de séjour aux gens qui travaillent et qu’un certain patronat utilise comme une armée de réserve, pour parler comme [Karl] Marx », avait déclaré M. Darmanin, dans un entretien au Monde, le 2 novembre 2022.
    Mais, sans surprise, en l’absence de majorité parlementaire, le gouvernement a ensuite choisi de faire alliance avec la droite sénatoriale – dont Bruno Retailleau était alors le chef de file – pour assurer l’adoption de son texte. Et, chez Les Républicains (LR), la mesure sur la régularisation de droit a d’emblée été une ligne rouge, un totem à détruire.Fin 2023, alors que les débats parlementaires battaient leur plein, Bruno Retailleau s’était même enorgueilli d’avoir obtenu, dans l’entreprise de négociation de l’appui de son groupe, l’engagement du gouvernement en faveur d’une « réécriture durcie » de la circulaire Valls. Sans doute ne savait-il pas encore qu’il en serait l’auteur.
    La loi sur l’immigration, promulguée en janvier 2024, a bien créé une nouvelle possibilité de régularisation aux critères plus souples que ceux de la circulaire Valls, mais toujours à la main des préfets et uniquement dans des métiers en tension, dont la liste – arrêtée par décret et jugée obsolète aujourd’hui – n’a toujours pas été mise à jour. La dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron, le 9 juin 2024, et l’avènement, place Beauvau, de Bruno Retailleau et d’une ligne LR plus dure, a fait le reste.A son arrivée au poste de ministre de l’intérieur, auquel il s’est maintenu entre le gouvernement Barnier et le gouvernement Bayrou, Bruno Retailleau n’a pas fait mystère de son ambition : réduire l’immigration, légale et illégale, quitte à sembler délaisser les autres sujets régaliens de son portefeuille. Et, dès octobre 2024, il a annoncé à un parterre de préfets conviés au ministère son intention de remplacer la circulaire Valls. C’est désormais chose faite.

    #Covid-19#migration#migrant#france#regularisation#economie#metierentension#sante#politiquemigratoire#OQTF

  • Meurtre de Lola : Ciblé par une « horde monstrueuse », Christophe Hondelatte se retire de la vie médiatique
    https://www.20minutes.fr/arts-stars/people/4123910-20241128-meurtre-lola-cible-horde-monstrueuse-christophe-hondelatt

    Il ne s’attendait certainement pas à de telles réactions : après avoir, sur le plateau de l’émission C l’hebdo (France 5) du samedi 23 novembre 2024, commenté les suites de « l’affaire Lola », le journaliste Christophe Hondelatte a subi un déferlement de haine tel qu’il l’a conduit à « temporairement (se) mettre en retrait », rapporte Public.
    Alors que l’animatrice de l’émission mentionnait le fait que la meurtrière présumée de la petite Lola (assassinée fin 2022), sous #OQTF, était pénalement responsable du crime, Christophe Hondelatte avait rebondi en affirmant que le drame prouvait qu’il fallait soigner les sans-papiers en France.
    « On a là une preuve flagrante que l’aide médicale d’État est indispensable. Ces gens-là, fussent-ils sans-papiers, ont aussi besoin d’être soignés, y compris sur le plan psychiatrique », a-t-il en effet déclaré. Ceci, en présence de la mère de Lola, également présente en plateau.
    Sa position avait rapidement ulcéré de nombreux internautes, qui l’avaient abondamment commentée sur les réseaux sociaux. C’est donc sur X (anciennement Twitter) que le journaliste de 61 ans s’est « expliqué », reprochant à ses détracteurs leur « récupération misérable ».

    #AME #bonne_ambiance

  • « Vos enfants sont majeurs, ils n’ont plus besoin de vous » : Bob, menacé d’expulsion après 40 ans de vie en France - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/61416/vos-enfants-sont-majeurs-ils-nont-plus-besoin-de-vous--bob-menace-dexp

    Arrivé en France en 1984, Bob, originaire de République démocratique du Congo (RDC) a reçu une Obligation de quitter le territoire français (#OQTF) au moment du renouvellement de son visa. Motif de cette décision ? Ses enfants nés sur le sol français étant désormais majeurs, Bob, n’était plus exempté d’une expulsion.

    #étrangers #Droit_du_séjour #expulsions #Retailleau

  • Comment les #centres_de_rétention se sont transformés en outil sécuritaire pour l’État

    Alors que le nouveau ministre de l’intérieur multiplie les déclarations autour de ces lieux de #privation_de_liberté, Mediapart retrace l’évolution de leur utilisation, désormais assumée comme l’espace où doivent être enfermés en priorité les étrangers dits « dangereux ».

    Le tournant a sans doute été pris au lendemain de la mort de la petite #Lola, tuée à l’âge de 12 ans par une ressortissante algérienne, le 14 octobre 2022 à Paris. À l’époque, un sigle se répand à une vitesse éclair sur les plateaux télé et dans les pages des grands titres nationaux : #OQTF, pour « #Obligation_de_quitter_le_territoire_français ». La meurtrière de la fillette était visée par cette #mesure_d’éloignement qui permet à l’État d’expulser les étrangers qui n’ont pas, selon lui, vocation à rester sur le territoire.

    Peu après le drame, et son #instrumentalisation par la droite et l’extrême droite, Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, annonce vouloir rendre « impossible » la vie des étrangers faisant l’objet d’une OQTF, déplorant un « droit trop complexe » pour y parvenir. « [Nous nous sommes] intéressés aux étrangers qui posaient des questions d’#ordre_public, soit parce qu’ils étaient #fichés_S, soit parce qu’ils étaient auteurs de crimes ou de délits très graves », déclare-t-il alors.

    Trois mois plus tôt, en août 2022, il adressait déjà une circulaire à tous les préfets de France les invitant à enfermer et à éloigner en priorité les étrangers en situation irrégulière auteurs de #troubles_à_l’ordre_public. « En cas de manque de places disponibles [en centre de rétention – ndlr], il convient de libérer systématiquement les places occupées par les étrangers sans antécédents judiciaires non éloignables et de les assigner à résidence », assumait-il.

    C’est ainsi que la population placée en centre de rétention administrative (CRA) semble avoir évolué, sous l’impulsion de l’ancien locataire de la Place-Beauvau. Et désormais avec la validation de son successeur, #Bruno_Retailleau, qui a affirmé vouloir une nouvelle #loi_immigration pour augmenter la #durée_maximale de rétention pour les auteurs de crimes sexuels ; une exception jusqu’alors uniquement possible pour les terroristes.

    Lundi 28 octobre, c’est dans une #circulaire adressée aux préfets que le ministre officialise la chose, les appelant à « utiliser tous les moyens de droit à disposition face aux étrangers considérés comme menaçant l’ordre public ». Le document fuite dans le contexte de la visite présidentielle d’Emmanuel Macron au Maroc, en compagnie de Bruno Retailleau.

    Lors de sa visite du CRA du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) le 11 octobre, le nouveau ministre de l’intérieur n’a pas manqué de surfer sur une autre affaire, celle de Philippine, une jeune étudiante tuée par un ressortissant marocain, déjà condamné pour viol et lui aussi visé par une OQTF et libéré de centre de rétention faute de laissez-passer consulaire – nécessaire pour mettre en œuvre son expulsion – obtenu à temps par les autorités.

    Bruno Retailleau insiste lourdement sur « des profils très, très dangereux, qui ont écopé de plusieurs années de prison », et souligne que désormais, « le peu de places » disponibles sont « réservées » aux « cas les plus lourds ».

    La quasi-totalité des retenus connus pour « trouble à l’ordre public »

    Le 20 septembre, lors d’une visite parlementaire dans ce même centre de rétention, les député·es Ersilia Soudais et Aurélien Taché (La France insoumise) sont d’abord alerté·es par les #conditions_de_vie des retenus, leurs problèmes de santé et le manque d’#accès_aux_soins, ou encore les #tensions et #violences qui découlent de l’enfermement.

    Les deux parlementaires aperçoivent notamment une minuscule pièce servant à l’« #isolement », avec une couchette, séparée d’un WC par un muret. L’homme enfermé là aurait cherché à fuir du centre la veille et restera là jusqu’à ce qu’il se « calme ».

    Un peu plus loin, la question sécuritaire s’illustre encore différemment. Plusieurs agents du greffe sont réunis dans un bureau, dont les murs sont entièrement habillés de tableaux, sur lesquels figurent les nom, prénom, nationalité, préfecture de rattachement, date et motif d’arrivée de chaque retenu. « Aujourd’hui, 100 % des retenus sont connus pour des troubles à l’ordre public », lance l’un des policiers. Cela date « d’un an ou deux », poursuit-il, soit au moment de la fameuse #circulaire_Darmanin.

    Le chiffre a de quoi surprendre. Durant des années, de nombreuses personnes #sans-papiers, et sans histoire aucune avec la police ou la justice, se retrouvaient enfermées en CRA et menacées d’#expulsion alors qu’elles résidaient, travaillaient et avaient parfois des enfants scolarisés en France, victimes du cycle infernal des expulsions mis en place par les autorités.

    « Ils ont tous 30 à 40 faits [derrière eux] pour violences, etc. Donc le but du jeu, c’est qu’ils soient éloignés, et pas sur le territoire français pour commettre d’autres violences », poursuit cet agent du greffe. La tendance s’est donc inversée, comme le souhaitait l’ancien ministre de l’intérieur, confirmant que les CRA sont devenus des outils purement sécuritaires.

    « Avant, on voyait beaucoup de simples personnes en situation irrégulière. Maintenant, ce sont des sortants de prison », confirme en off un policier qui travaille en CRA.

    Une annexe de la prison

    Une information que confirme Thierry*, agent de sécurité dans un CRA de France, qui souhaite garder l’anonymat. « On reçoit beaucoup de #sortants_de_prison. À peine libérés, on les voit arriver ici. Ils n’ont pas le temps de repasser chez eux ou de s’échapper. » Il décrit une #machine_infernale où dès qu’une « #mise_à_l’avion » est effectuée – autrement dit, une expulsion – ou qu’une libération a lieu, la place est immédiatement attribuée à un autre et ne reste « jamais vacante ».

    Et puisqu’il ne s’agit désormais que de ces profils, sur son lieu de travail, l’aile consacrée aux femmes a quasiment disparu. La majorité des hommes retenus ici « se comportent bien », souligne-t-il, tout en sachant que dans le lot, certains ont pu commettre un viol, une agression, ou baigner dans les trafics.

    « On a une petite minorité qui est dans la provocation. Mais quand on sait qu’ils vivent reclus, à quatre dans une chambre, sans aucune intimité, je les comprends. C’est normal que ça rende fou. »

    « Les gens sont enfermés, on dirait un lieu pénitentiaire. D’ailleurs, quand les femmes viennent rendre visite à leur conjoint, elles parlent souvent d’un #parloir. Ça en dit long », relève Thierry. Dans son imaginaire, avant de travailler en CRA, l’homme se figurait un lieu où étaient placés les sans-papiers censés être renvoyés dans leur pays. « Pas un endroit où on enferme des criminels ou des bandits… »

    Interrogés sur l’évolution des profils parmi les retenus, les services du ministère de l’intérieur indiquent à Mediapart qu’au niveau national 96 % des retenus sont « des étrangers en situation irrégulière ayant un profil évocateur d’une menace à l’ordre public », pouvant être fichés S, connus pour des faits de terrorisme ou de droit commun, ou sortir de prison.

    L’expulsion des étrangers « dont le profil est évocateur de risques de trouble à l’ordre public est prioritairement recherché », poursuivent-ils, précisant que cela ne concerne pas uniquement des individus condamnés, mais « plus largement des individus défavorablement connus des services de police », qui ont pu faire l’objet de classement sans suite, de mesures alternatives ou encore d’un fichage pour radicalisation.

    C’est une « priorité d’action » depuis plusieurs années, assume le ministère, en citant les attentats d’Arras et d’Annecy, qui ont conduit à une meilleure « prise en compte de l’#ordre_public dans le cadre de la rétention […], que l’étranger soit en situation irrégulière, qu’il soit détenteur d’un titre de séjour, demandeur d’asile ou bénéficiaire de la protection internationale ».

    Elsa Faucillon, députée NFP des Hauts-de-Seine, dit constater un changement de profil parmi les retenus : « On voit beaucoup moins qu’avant des personnes placées en rétention après un “simple” contrôle d’identité, et quasi exclusivement des personnes qui représentent un “#danger” ou une “#menace”. » Mais cette dernière notion « relève d’un grand #flou et de beaucoup d’#arbitraire », estime-t-elle.

    « Dans un même lieu, on va retrouver des personnes suspectées ou accusées d’actions terroristes, passées par la case prison, et d’autres pour qui la rétention est uniquement administrative », précise la députée, avec le souvenir d’un homme accusé de trouble à l’ordre public pour avoir mendié dans la rue.

    « Moi, je sors de prison, mais je ne mérite pas de me retrouver ici, j’ai purgé ma peine », nous glisse un Algérien rencontré au CRA du Mesnil-Amelot, avec le sentiment d’être puni une seconde fois. À ses côtés, un jeune homme fulmine : « J’ai une carte d’identité italienne et je me retrouve ici. Je me suis battu avec un collègue dehors, on m’a mis la mention “trouble à l’ordre public”. J’ai dit que je pouvais rentrer dans mon pays par mes propres moyens, mais ils n’ont rien voulu savoir. »

    Un autre, de nationalité égyptienne, explique avoir été « ramassé » à l’aube, alors qu’il travaillait au noir sur un marché. Près des chambres où sont parqués les retenus apparaissent des lits superposés et un matelas posé à même le sol. Mounir, du haut de ses 20 ans, a le visage déconfit. Il dit en chuchotant avoir utilisé l’identité d’un autre pour pouvoir travailler. « Ils m’ont chopé alors que je faisais une livraison, je n’avais pas de permis. » Son dossier a été estampillé d’un « trouble à l’ordre public ».

    Non expulsables et enfermés malgré tout

    De toute façon, commente un Tunisien derrière le grillage qui entoure la cour, comparant lui aussi les lieux à une « prison », « ils ramènent les gars ici juste pour faire du #chiffre ». L’obsession est telle que, parmi les personnes enfermées au Mesnil-Amelot lors de notre visite, se trouvent également des étrangers considérés comme non expulsables, parce que leur pays connaît une situation de conflit et de chaos – à l’instar de l’Afghanistan, du Soudan ou d’Haïti.

    Lorsque notre regard se pose sur la mention « Afghan », inscrite au tableau du bureau du greffe, le responsable de la visite l’admet : « Celui-là sera relâché à l’issue des trois mois, il ne peut pas être expulsé. »

    Quant aux Algériens, en théorie expulsables, il devient presque impossible pour les autorités d’obtenir le fameux #laissez-passer_consulaire nécessaire à leur éloignement, selon l’agent de sécurité déjà cité.

    « Tous les retenus de nationalité algérienne restent trois mois, soit la durée maximale de rétention, et ressortent ensuite, le plus souvent avec une #assignation_à_résidence, rapporte-t-il. J’en ai vu faire trois passages d’affilée en CRA, à chaque fois libérés, puis replacés en rétention, puis de nouveau libérés… » La situation ne risque pas de s’arranger avec la « réconciliation » opérée par la France avec le Maroc, au détriment de ses relations avec l’Algérie.

    Mais au milieu de ces profils dits « dangereux », dont certains ont le visage marqué par la vie et les bras balafrés, il arrive encore de croiser des hommes sans histoire. Tel ce cinquantenaire burkinabé, vivant en France depuis vingt ans.

    Lorsque nous l’interrogeons sur d’éventuels antécédents judiciaires, celui-ci est catégorique. « Je sais quand je fais des bêtises, et je n’en ai pas fait. Je ne suis pas un danger pour la France. Je vis avec les Français, je n’ai pas de problèmes avec eux. Je me sens français », déclare-t-il, précisant que ses enfants, qui résident sur le territoire français, sont aujourd’hui majeurs.

    Selon le ministère de l’intérieur, à l’heure actuelle « seuls 6 % [des retenus] sont des étrangers non connus pour des menaces à l’ordre public » en France.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/301024/comment-les-centres-de-retention-se-sont-transformes-en-outil-securitaire-

    #CRA #détention_administrative #rétention #migrations #réfugiés #enfermement #politique_du_chiffre #expulsabilité