#ordine_nuovo

  • Le gouvernement Meloni à l’épreuve du procès de l’attentat de Bologne


    Sur les lieux de l’attentat à la gare de Bologne (Italie) le 2 août 1980. © Photo Farabola / Leemage via AFP

    La condamnation récente à perpétuité de deux néofascistes dans l’affaire de l’attentat de la gare de Bologne en 1980 provoque l’embarras de l’équipe de Giorgia Meloni qui voudrait réécrire l’histoire. Un ministre et une députée Fratelli d’Italia gravitent dans l’entourage des ex-terroristes.
    Karl Laske
    16 octobre 2023


    LeLe 27 septembre 2023, Gilberto Cavallini, dit « Gigi » ou « Il Nero », ne s’est pas présenté devant les juges. Le #néofasciste, ex-membre des Nuclei Armati Rivoluzionari (#NAR), auteur et coauteur de plusieurs assassinats – notamment ceux du policier Francesco Evangelista et du procureur Mario Amato, en 1980 –, a été condamné en appel à perpétuité pour sa participation à l’attentat commis gare de Bologne le 2 août 1980, qui avait fait 85 morts et 200 blessés . Arrêté en 1983, et déjà condamné pour différents crimes et association de malfaiteurs, l’ancien terroriste de 71 ans est en semi-liberté.
    Il y a peu, les enquêtes journalistiques de La Repubblica et de la Rai ont dévoilé ses réseaux et ses liens avec un membre du gouvernement, le sous-secrétaire d’État à l’environnement et à la sécurité énergétique, Claudio Barbaro. La condamnation en appel d’« Il Nero », et l’incarcération, en juin, d’un autre néofasciste, ex-membre d’#Avanguardia_Nazionale (AN), Paolo Bellini, 70 ans, condamné à perpétuité, en avril 2022, comme le coauteur du même attentat de Bologne, ont clarifié les responsabilités, et embarrassé le gouvernement de Giorgia Meloni, qui n’a jamais admis la mise en cause des néofascistes dans cet attentat.

    La « matrice néofasciste »
    Longues de 1 724 pages, les motivations de la sentence condamnant Bellini relèvent en particulier « la preuve éclatante » du financement de l’attentat par le haut dignitaire de la #loge_P2 (Propaganda Due), le financier d’extrême droite Licio Gelli, décédé en 2015. Preuve de la « #stratégie_de_la_tension » mise en œuvre par des réseaux clandestins au sein de l’#État et les #forces_armées. Sur une comptabilité manuscrite qu’il avait intitulée « Bologna » (un mot que les premiers enquêteurs n’avaient pas retranscrit), apparaissent une provision de 5 millions de dollars et un versement d’un million en espèces (20 %) peu avant l’attentat.

    La sentence souligne aussi les capacités de manipulation des groupes néofascistes par Licio Gelli et Federico Umberto D’#Amato, l’ancien chef du Bureau des affaires réservées du ministère de l’intérieur, également décédé, tous deux mis en cause lors d’un premier procès pour des manœuvres visant à désorienter l’enquête.
    La « coopération opérationnelle » des groupuscules Nuclei Armati Rivoluzionari et Avanguardia Nazionale a été par ailleurs établie par la justice : hold-up communs, faux papiers, caches d’armes partagées… La sentence relève au passage que l’une de ces caches se trouvait dans le local romain du journal Confidentiel, la couverture d’un réseau international impliquant d’anciens dirigeants du groupuscule français Ordre nouveau.
    En dépit de ces investigations, la présidente du Conseil Giorgia Meloni n’a cessé de contester, sur son compte Twitter (aujourd’hui « X »), les décisions de la justice concernant l’attentat de Bologne, réclamant « la vérité ». Et alors que le président de la République Sergio Mattarella a solennellement souligné, en août, « la matrice néofasciste » de l’attentat, Giorgia Meloni a, cette année encore, provoqué une vive polémique, le 2 août, parlant dans un message d’un des « coups féroces infligés » par « le terrorisme » à l’Italie, sans préciser lequel, et en signalant une nouvelle fois qu’il fallait « parvenir à la vérité » sur les attentats. Une façon à peine voilée de contredire l’institution judiciaire.

    Or la « matrice néofasciste » ne concerne pas que l’attentat de la gare de Bologne, mais toutes les « stragi », c’est-à-dire les #massacres, à commencer par l’attentat de #piazza_Fontana, à Milan, le 12 décembre 1969 (16 morts et 88 blessés), ou celui de la piazza della Loggia à #Brescia le 28 mai 1974 (8 morts et 102 blessés), dont les procès se sont conclus par la condamnation de membres du groupuscule néofasciste #Ordine_nuovo et de responsables opérationnels de sa cellule en Vénétie.
    Concernant #Bologne, la « vérité alternative » avancée par l’équipe Meloni tient en une « piste palestinienne » liée à l’incarcération d’un militant palestinien pour trafic d’armes en 1979, une piste explorée mais fermement écartée par la justice vu l’implication matérielle des néofascistes, et par ailleurs les preuves d’un dialogue entre Italiens et Palestiniens au sujet de cet épisode.
    Cette piste internationale avait fait partie des contre-feux ouverts par Licio Gelli lui-même, aux débuts de l’enquête. En 2019, huit députés Fratelli d’Italia ont tenté de la rouvrir par une demande de création d’une commission d’enquête parlementaire, faisant délibérément l’impasse sur les enquêtes judiciaires et les condamnations définitives, en 2007, de trois premiers auteurs de l’attentat, ex-membres des Nuclei Armati Rivoluzionari, Valerio Fioravanti, Francesca Mambro et Luigi Ciavardini.

    Cet été, l’un de ces députés, Federico Mollicone, a encore demandé la « levée du secret » sur d’éventuels documents concernant la piste palestinienne. « Ces documents n’existent pas, c’est le énième rideau de fumée lancé sur le 2 août », a commenté Paolo Bolognesi, le président de l’Association des familles de victimes de l’#attentat_de_Bologne.
    En février, c’est le ministre de la justice, Carlo Nordio, qui a soutenu devant le Sénat la validité des arguments des avocats de Cavallini visant à annuler la condamnation du néofasciste – en s’appuyant sur une jurisprudence inexistante concernant la limite d’âge des juges populaires. « Il a fourni une assistance aux terroristes », s’est indigné encore Bolognesi dans La Stampa.

    Un soutien matériel aux condamnés
    « La strage de 1980 est la plus contestée dans ses résultats judiciaires parce que les enquêtes et les sentences ont touché des points sensibles d’un système encore actif », a commenté l’un des anciens juges de Bologne Leonardo Grassi au Fatto Quotidiano.
    « Il est normal qu’aujourd’hui on revienne à la piste palestinienne, c’est la manière dont la partie politique qui se sent impliquée, et qui est au gouvernement, cherche une voie de sortie, poursuit-il. Parce que le parti de Giorgia Meloni revendique sa continuité avec le Movimento Sociale Italiano (#MSI), et celui-ci est proche du monde d’où proviennent les exécuteurs des stragi. »
    Un monde plus que proche. Comme l’a montré l’enquête de la Rai et de La Repubblica sur l’étrange coopérative Essegi 2012.
    Cette société est justement dirigée par l’un des premiers condamnés dans l’attentat de Bologne, Luigi Ciavardini, 61 ans. Et elle a permis à « Il Nero » Cavallini de décrocher un emploi et la semi-liberté.
    Condamné à treize et dix ans de prison pour les meurtres d’Evangelista et d’Amato, et à trente ans pour l’attentat de Bologne, Ciavardini, dit « Gengis Khan », a fait tourner sa coopérative, dédiée à l’accueil des détenus en semi-liberté, à coups de subventions publiques (plusieurs millions d’euros) de municipalités et collectivités locales amies – jusqu’à la perte de son agrément en juin dernier.
    Ces deux condamnés pour l’attentat de Bologne ont tous deux bénéficié du soutien du sous-secrétaire d’État à l’environnement de #Giorgia_Meloni, Claudio Barbaro, ancien élu du Movimento Sociale Italiano (MSI). Ciavardini a obtenu sa propre semi-liberté grâce à l’emploi que lui a offert Barbaro au sein de l’Alliance sportive italienne (ASI) qu’il a présidée pendant vingt-sept ans. Et le ministre a « contribué à payer » les frais judiciaires de Cavallini, selon un témoin cité par La Repubblica.

    Mais le ministre n’est pas le seul à soutenir les ex-terroristes des NAR. La députée (Fratelli d’Italia) Chiara Colosimo, une proche de Meloni, a ainsi rendu visite à Ciavardini à la prison de Rebibbia en 2014. L’émission « Report » de la Rai a dévoilé une photo de l’élue accrochée à son bras à cette occasion (voir ci-dessous).
    Malgré cette relation à l’évidence amicale, Chiara Colosimo a été élue en mai dernier présidente de la commission antimafia par le Parlement, provoquant une levée de boucliers parmi les familles des victimes des attentats, et un appel solennel de leur part, en vain.

    Cette nomination à la tête de la commission antimafia est d’autant plus problématique que Luigi Ciavardini a été aussi sous investigation pour ses contacts avec la #Camorra, la mafia napolitaine dans le cadre de l’enquête « Mafia Capitale ». L’ancien terroriste avait détenu un restaurant à Rome, Il Tulipano, en association avec le comptable du clan, Massimiliano Colagrande, alias « Small », condamné définitivement en février 2020, à 30 ans de prison.

    Début août, les néofascistes condamnés ont reçu un autre soutien, plus modeste, celui du responsable de la communication institutionnelle de la région du Lazio, Marcello De Angelis, un ancien parlementaire d’extrême droite, lui-même issu du groupuscule Terza Posizione, auquel avaient appartenu les trois premiers condamnés de l’attentat de Bologne avant de rejoindre les NAR, Valerio Fioravanti, Francesca Mambro et Luigi Ciavardini – ce dernier n’est autre que son beau-frère.
    Sur Facebook, De Angelis a assuré que ses trois camarades, condamnés définitifs, n’avaient « rien à voir avec le massacre de Bologne ». Son post a immédiatement été « liké » par Claudio Barbaro. Le communicant a démissionné fin août des services de la région après la découverte sur son compte de posts antisémites, ou encore célébrant Himmler. On relève au passage que l’ancien activiste dialogue sur Facebook avec un proche de Marine Le Pen, l’ex-chef du GUD #Frédéric_Chatillon installé à Rome depuis ses ennuis judiciaires.

    La « Primula nera »
    L’incarcération surprise de Paolo Bellini, en juin dernier, alors qu’il était dans l’attente de son procès en appel, a été décidée dans l’urgence pour des raisons de sécurité. Placé sur écoute, l’ancien membre d’Avanguardia Nazionale condamné à perpétuité a proféré des « menaces alarmantes » contre son ex-femme et un juge.
    Il a fait savoir qu’il préparait « quelque chose d’apocalyptique » pour « clore la carrière du président de la cour d’assises de Bologne » qui l’a condamné, et qu’il avait découvert que le magistrat avait un fils diplomate au Brésil. Il annonçait aussi avoir « tout juste fini de payer 50 000 euros » pour « descendre » son ex-femme qui a trop parlé lors de son procès. Des mesures de protection ont été prises.
    Quarante ans après les faits, Paolo Bellini a été confondu par l’exploitation d’une série d’images extraites d’un film super-8 tourné par un touriste suisse dans la gare de Bologne, quelques minutes après l’explosion de la bombe, le 2 août 1980. Un homme en tee-shirt bleu, cheveux frisés hirsutes, passe devant la caméra sur le quai numéro un de la gare. C’est lui.

    L’enquête est rouverte. Des photos anciennes sont saisies, analysées et comparées par des moyens techniques aux images en super-8. C’est positif. Le film est présenté à son ex-femme. Placée sur écoute, elle déclare à son fils reconnaître son ex-mari, formellement. Elle avoue alors aux juges que l’alibi qu’elle lui a fourni pendant la première enquête était inventé.
    Les menaces de Bellini sont prises au sérieux, car sa vie a été émaillée d’assassinats et de cavales qui lui ont valu le surnom de « Primula nera », le « Fantôme noir ». Après quelques années au MSI, un premier meurtre commis en 1975, il prend la fuite au Paraguay, aidé par le chef d’Avanguardia Nazionale, Stefano Delle Chiaie, l’homme lige de l’internationale fasciste.
    De retour en Italie sous une fausse identité brésilienne, il obtient des facilités de circulation et un port d’armes par des contacts au sein des #services spéciaux, et devient pilote d’avion privé. L’un des portraits-robots établis après l’attentat de Bologne fait émerger son vrai nom et son visage parmi ceux des suspects, mais la « Primula » demeure dans l’ombre.
    Interpellé en 1981, il échappe aux poursuites dans l’affaire de Bologne, mais reste incarcéré jusqu’en 1986 pour d’autres épisodes criminels qui avaient conduit à son départ en cavale. Il se rapproche alors de la #’Ndrangheta, la mafia calabraise, pour laquelle il commet au moins six assassinats entre 1990 et 1992, puis trois autres entre 1998 et 1999. Grâce à des aveux négociés, il bénéficie du statut de « collaborateur de justice » et de remises de peine.

    La mort de juge Falcone
    En 2019, les images de la gare de Bologne permettent aux juges de reconstituer l’histoire de son implication dans l’attentat, en rassemblant les éléments épars, qui s’avèrent accablants.
    Selon un témoin, son frère, Guido, décédé en 1983, avait expliqué à un proche son rôle dans l’attentat, et révélé la présence sur place de Stefano Delle Chiaie avec Gaetano Orlando, un néofasciste connu au Paraguay. D’après Guido, Paolo avait amené « le matériel » utilisé pour l’attentat dans « un sac de sport ou une valise », et était allé chercher Delle Chiaie pour l’accompagner à la gare avec trois complices.
    Selon Guido, Paolo avait reçu 100 000 millions de lires (environ 50 000 dollars) pour l’opération. Les juges relèvent des liens avérés avec Gilberto Cavallini, récemment condamné, et exhument aussi une écoute significative d’un néofasciste, ex-chef de la cellule vénitienne d’Ordine nuovo, Carlo Maria Maggi, condamné définitif pour l’attentat de la piazza della Loggia à Brescia en 1974. Maggi confirme à son interlocuteur l’implication des « NAR », Mambro et Fioravanti, et raconte que c’est « l’aviateur » (Paolo Bellini, donc) qui a apporté la bombe à la gare.
    Bellini, réincarcéré, n’a pas livré tous ses secrets, loin de là. Il est soupçonné dans l’affaire de l’attentat de Capaci qui a tué le juge Giovanni Falcone avec sa femme et son escorte, le 23 mai 1992.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/161023/le-gouvernement-meloni-l-epreuve-du-proces-de-l-attentat-de-bologne

    edit : l’article omet de signaler que Piazza fontana (1969) a immédiatement été attribué à l’extrême gauche

    #Italie #État #extrême_droite #attentat_massacre (s)

  • #Italie : Deux Italiens reconnus coupables de l’attentat fasciste de Brescia
    http://lahorde.samizdat.net/2015/07/24/italie-attentat-fasciste-brescia-annees-plomb

    41 ans après l’attentat de Brescia le 28 mai 1974, qui avait fait 8 morts et plus d’une centaine de blessés, deux militants néofascistes ont été condamnés le 22 juillet 2015 pour avoir commis cette acte, qui s’inscrivait à l’époque dans ce qu’on a appelé la #stratégie_de_la_tension en Italie. Un article du [&hellip

    #Extrême_droite_radicale #années_de_plomb #Mouvement_social_italien #MSI #Ordine_Nuovo #terrorisme