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  • Grégoire Chamayou : « Pour se défendre, le néolibéralisme a fait refluer le trop-plein de démocratie » - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2018/11/09/gregoire-chamayou-pour-se-defendre-le-neoliberalisme-a-fait-refluer-le-tr

    Confrontés à l’activisme des années 70 puis aux exigences éthiques des consommateurs, penseurs libéraux et directions d’entreprises ont mis au point des guides de management et des théories politiques pour défendre le capitalisme contesté. En disséquant ces discours, le philosophe dresse une brillante saga du libéralisme autoritaire.

    Dans sa Théorie du drone, parue il y a cinq ans aux éditions la Fabrique, le philosophe Grégoire Chamayou se penchait sur les enjeux éthiques de cette nouvelle arme de guerre. Avec la Société ingouvernable, une généalogie du libéralisme autoritaire (la Fabrique encore), il prend à nouveau de la hauteur pour dresser une saga du néolibéralisme « par en haut », du point de vue ceux qui ont défendu les intérêts du monde des affaires, aux Etats-Unis, à partir des années 70 : dirigeants d’entreprise, lobbyistes, théoriciens comme Milton Friedman et Friedrich Hayek… Chamayou a analysé les interviews des uns, les manuels de management des autres, les comptes rendus des assemblées générales, les textes de Prix Nobel comme les récits de briseurs de syndicats… « Une littérature grise, dit-il, qui n’est pas publiée en librairie. Les zones grises, aussi, des discours des économistes. Des textes disparates à considérer comme les éléments d’un même ensemble pratique. » Au terme de ce brillant panorama, la Société ingouvernable dresse un constat : le #néolibéralisme dans lequel nous évoluons n’a rien de naturel ni de pur. C’est un système chancelant qui s’est construit à hue et à dia, de manière pragmatique, en réaction à de multiples crises d’une société jamais totalement « gouvernable ».

    Politiquement autoritaires et économiquement libéraux, les gouvernements de Trump ou d’Orbán nous semblent des aberrations. Vous dites à l’inverse qu’ils n’ont rien de contradictoires, pourquoi ?

    On se fait souvent une idée fausse du néolibéralisme comme « phobie d’Etat », anti-étatisme unilatéral. L’actualité montre à l’inverse une nouvelle fois que libéralisme économique et autoritarisme politique peuvent s’unir : le conseiller économique de Bolsonaro, Paulo Guedes, est un « Chicago boy », un ultralibéral formé à l’École de Chicago, qui a enseigné au Chili sous Pinochet. La formule de « libéralisme autoritaire » a été employée dès 1933 par un juriste antifasciste, Hermann Heller, à propos d’un discours de Carl Schmitt face à une assemblée de patrons allemands. Schmitt y défendait un Etat extrêmement fort face aux revendications sociales mais renonçant à son autorité en matière économique. « Un Etat fort pour une économie saine », résumait-il. Cinquante ans plus tard, en pleine dictature Pinochet, le théoricien néolibéral Friedrich Hayek, qui a beaucoup lu Carl Schmitt, confie à un journal chilien : « Personnellement, je préfère un dictateur libéral à un gouvernement démocratique sans libéralisme. » Mais le libéralisme autoritaire a de multiples variantes. Thatcher, elle aussi, vise « un Etat fort pour une économie libre ». En pratique, cela suppose, à des degrés divers, de marginaliser la sphère parlementaire, restreindre les libertés syndicales, éroder les garanties judiciaires… A côté de ce renforcement de l’Etat, on limite, de manière paradoxale, son champ d’intervention. C’est le concept de libéralisme autoritaire : faible avec les forts et fort avec les faibles.

    Vous faites remonter cette forme abâtardie du libéralisme aux années 70, quand le monde des affaires doit réagir à une série de crises qui menacent le système…

    Au milieu des années 70, on pense assister à une crise de gouvernabilité. Dans un rapport de la Trilatérale (1), le néoconservateur Samuel Huntington s’inquiète d’un « déferlement démocratique ». A gauche, Michel Foucault écrit que l’ensemble des procédés par lesquels on conduit les hommes sont remis en question. Non seulement on se révolte partout, mais les techniques de gouvernement sont elles-mêmes en crise. L’Etat-providence qui devait avoir un effet pacificateur a mis le feu aux poudres. Avec le quasi-plein-emploi, les travailleurs ont un rapport de force favorable. Des activistes mettent en cause les pratiques des multinationales et l’État lui-même semble hors de contrôle… Les intellectuels conservateurs s’y résignent : « Il va falloir intervenir. » La « main invisible » ne réglera pas le problème toute seule… Dans ce livre, j’étudie comment ces stratégies se sont élaborées, ce qui ne veut pas dire qu’il y aurait quelque chose comme un « comité central de la classe capitaliste » qui tirerait les ficelles. Au contraire, ce que montrent les documents - articles d’économistes, mais aussi discours de PDG, guides de management… -, ce sont des formulations contradictoires, des réactions pragmatiques à chaque conflit qui surgit. Une pensée qui se cherche en colmatant les brèches.

    Comment le monde de l’entreprise va-t-il réagir à la remise en cause de l’entreprise qui émerge dans la société civile ?

    Le #management était habitué à gérer les conflits avec ses salariés. Il va devoir apprendre à répondre à des assauts externes. En 1970, l’activiste de la New Left mobilisée contre la guerre du Vietnam, Staughton Lynd, pose cette question : pourquoi continuons-nous à manifester à Washington comme si c’était là que se jouait la guerre du Vietnam ? Puisqu’elle est le produit d’un complexe militaro-industriel, il faut attaquer les grandes entreprises de l’armement, envahir les assemblées générales d’actionnaires. Les directions de ces entreprises sont d’abord démunies : des guides pratiques rédigés à l’attention des PDG leur conseillent de surtout rester cool en cas de débordements, on monte des sessions d’entraînement où les salariés jouent le rôle des activistes et soumettent les dirigeants à tous les outrages. « Ça a été l’une des épreuves les plus dures pour le PDG »,témoigne une secrétaire de direction dans l’un des documents que j’ai étudié. Et sans doute un moment jouissif pour les salariés…

    Nestlé, confronté, de 1977 à 1984, à un boycott international qui l’accuse de « tuer les bébés » avec son lait infantile vendu dans les pays du tiers-monde, opte vite pour une autre parade, laquelle ?

    La #multinationale recrute un conseiller en relations publiques venu du renseignement militaire, Rafael Pagan. La différence entre les activistes et vous, dit-il à Nestlé, c’est que les activistes, eux, savent qu’ils font de la politique. Avec sa cellule de crise, Pagan va s’appuyer sur la pensée de Clausewitz : priver l’adversaire de sa force morale. Il classe les militants en plusieurs profils : il faut isoler les « radicaux », avec lesquels il n’y a rien à faire, rééduquer les « idéalistes », sincères mais crédules. La tactique psychologique principale, c’est de les mettre en porte-à-faux, leur montrer qu’alors même ils croient défendre une cause juste, ils font du tort à d’autres groupes. Quant aux « réalistes », on parvient facilement à les coopter, à échanger un accord contre de la gloire ou de l’argent.

    Les années 80 voient émerger les discours sur la « responsabilité sociale » des entreprises. Le dialogue devient une arme dans la panoplie des firmes. Pourquoi ?

    Cela ne figure pas dans l’histoire officielle de la « responsabilité sociale des entreprises », mais une des premières publications sur le sujet a été parrainée aux Etats-Unis par Edward Bernays, l’auteur du fameux Propaganda. Or son modèle - fabriquer du consentement de manière verticale vers un public malléable, a trouvé ses limites. Bien sûr on continuera de faire de la pub, mais il faut recourir à des tactiques plus fines. C’est l’éloge d’une nouvelle idole : la communication dialogique, qu’on oppose à la manipulation. On vante la « coproduction de sens », la « communication éthique », « l’empathie entre les parties prenantes »… Un discours pseudo-philosophique qui masque une stratégie plus offensive. Lorsque Pagan dialogue avec les activistes de #Nestlé, il ne s’agit pas de négocier, c’est une ruse. Le dialogue permet de priver les militants d’une de leurs ressources les plus précieuses, la publicisation du conflit, puisqu’il doit être mené à huis clos. Il épuise l’adversaire dans d’interminables pourparlers, et en posant le consensus comme norme absolue, il permet de disqualifier ceux qui refusent le dialogue comme des irresponsables.

    En parallèle de ces tactiques pragmatiques mises en places par les firmes, les grands théoriciens du néolibéralisme, eux, vont mener une contre-offensive intellectuelle visant à « dépolitiser » l’entreprise afin de la faire échapper aux critiques des activistes.

    Dans les années 60, la pensée « managérialiste » admettait que la firme était un « gouvernement privé », un lieu de pouvoir, qu’il fallait bien tenter de légitimer : c’est notamment le rôle des discours sur la « responsabilité sociale » des entreprises ou le « managérialisme éthique ». Mais à partir des années 70 et 80, les théoriciens néolibéraux vont considérer qu’il est très dangereux de reconnaître ces rapports de pouvoir et de tenter de les justifier. C’est le cas de Milton Friedman qui critique ainsi le « greenwashing » naissant : « Peu de choses me soulèvent davantage l’estomac que de regarder ces spots télévisés qui voudraient nous faire croire que leur seule raison d’être est la préservation de l’environnement. » Pour ces économistes, il faut au contraire inventer une doctrine de l’entreprise qui la dépolitise. Pour cela, dans les années 70, les penseurs des « nouvelles théories de la firme » vont tâcher de déréaliser l’entreprise, dénier les rapports de force qui la constituent et la présenter comme une pure fiction juridique, un simple nœud de contrats. Aujourd’hui, dans les manuels d’économie, on présente ces thèses comme des doctrines neutres. Leurs auteurs, pourtant, les ont explicitement conçues comme des armes intellectuelles pour la défense d’un capitalisme contesté.

    Après les salariés, après les activistes, les néolibéraux s’attaquent à l’Etat lui-même, devenu « ingouvernable ». Comment s’y prennent-ils ?

    Face à l’inflation des revendications, on assiste à ce que Hayek appelle une « crise de gouvernite aiguë » de l’Etat. Ça régule, ça intervient… Comment faire refluer les demandes sociales, le trop-plein de démocratie ? Des économistes de l’université de Saint-Andrews, en Ecosse, proposent une nouvelle stratégie : la micropolitique de la privatisation. Cessons de nous focaliser sur la bataille des idées, disent-ils : conquérir les cœurs et les esprits ne suffit pas à changer les pratiques. C’est l’inverse : il faut changer pas à pas les comportements, et le reste suivra. Ouvrir progressivement les services publics à la concurrence, plutôt que privatiser brutalement, permet de dépolitiser la demande : tandis que l’usager insatisfait se retournait contre les pouvoirs publics, le client mécontent change de crémerie. Une fois la libéralisation actée, ce sont les individus eux-mêmes par leurs microchoix de consommateurs, qui deviennent les moteurs du changement. Le chef de file de ce courant, Madsen Pirie, cite l’exemple de la #dérégulation, par une Thatcher fraîchement élue, en 1980, du transport interurbain par bus - amorce pour la privatisation des chemins de fer britanniques…

    Votre livre approche l’entreprise par la philosophie. Pourquoi dites-vous que cette discipline tente trop rarement de saisir cet objet ?

    En philosophie, on a des théories de la souveraineté politique qui remontent au XVIIe siècle, mais peu de traités sur l’entreprise. Quand la philosophie intègre la question à ses enseignements, c’est trop souvent en reprenant les discours indigents produits dans les business schools. Il serait temps au contraire de développer des philosophies critiques de l’entreprise. Ce livre est un travail en ce sens, une enquête sur des catégories centrales de la pensée économique et managériale dominante. A la crise de gouvernabilité a répondu un contre-mouvement, une grande réaction où se sont inventés des nouveaux arts de gouverner, encore actifs aujourd’hui. Alors même que ces procédés de pouvoir nous sont appliqués en permanence, nous connaissons mal leur origine et leurs ressorts fondamentaux. Or, je crois que vendre la mèche, exposer leurs stratégies peut contribuer à mieux les contrer. Ce qui a été fait, on peut le défaire. Encore faut-il en connaître l’histoire.

    (1) Créée en 1973, la Commission trilatérale réunit des centaines de personnalités du monde des affaires et de la politique favorables à la globalisation économique.
    Sonya Faure

    Lien déjà cité par ailleurs mais sans l’interview en entier.

    #chamayou #capitalisme #entreprise #libéralisme #autoritarisme #état #privatisation

  • « Lula, le prisonnier politique le plus important au monde » | Textes à l’appui | Là-bas si j’y suis
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-j-ai-rencontre-lula-le-prisonnier-politique-le-plus-important-a
    https://la-bas.org/local/cache-gd2/6b/87bab6cd31ba8c8f6bce1feb4324b5.jpg?1540400822

    Fin septembre, accompagné de sa femme, Noam CHOMSKY (89 ans) est venu à la prison de Curitiba, capitale du Paraná, pour rendre visite à LULA, ancien président du Brésil. Alors qu’il était donné largement favori pour les élections, LULA a été condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption. Une peine qu’il conteste tout comme une grande partie des Brésiliens. Pour CHOMSKY, LULA est avant tout un prisonnier politique. Il dit pourquoi dans un article publié sur THE INTERCEPT. Nous vous en proposons une traduction :

    « Ma femme Valeria et moi, nous venons de rendre visite à celui qui est sans doute le prisonnier politique le plus important de notre époque, d’une importance sans équivalent dans la politique internationale contemporaine. Ce prisonnier, c’est Luiz Inácio Lula da Silva – plus connu dans le monde sous le nom de « Lula » – condamné à la prison à vie et à l’isolement, sans accès à la presse et avec des visites limitées à un jour par semaine.

    Le lendemain de notre visite, au nom de la liberté de la presse, un juge a autorisé le plus grand journal du pays, Folha de S. Paulo, à interviewer Lula. Mais un autre juge est aussitôt intervenu pour annuler cette décision, alors que les criminels les plus violents du pays – les chefs de milice et les trafiquants de drogue – sont régulièrement interviewés depuis leurs prisons. Pour le pouvoir brésilien, emprisonner Lula ne suffit pas : ils veulent s’assurer que la population, à la veille des élections, n’entende plus parler de lui. Ils semblent prêts à employer tous les moyens pour atteindre cet objectif.

    Le juge qui a annulé la permission n’innovait pas. Avant lui, il y a eu le procureur qui a condamné Antonio Gramsci pendant le gouvernement fasciste de Mussolini en 1926, et qui déclarait : « nous devons empêcher son cerveau de fonctionner pendant 20 ans. »

    Nous avons été rassurés, mais pas surpris, de constater qu’en dépit des conditions de détention éprouvantes et des erreurs judiciaires scandaleuses, Lula reste un homme très énergique, optimiste quant à l’avenir et plein d’idées pour faire dévier le Brésil de sa trajectoire désastreuse actuelle.

    Il y a toujours des prétextes pour justifier un emprisonnement – parfois valables, parfois pas – mais il est souvent utile d’en déterminer les causes réelles. C’est le cas en l’espèce. L’accusation principale portée contre Lula est basée sur les dépositions d’hommes d’affaires condamnés pour corruption dans le cadre d’un plaider-coupable. On aurait offert à Lula un appartement dans lequel il n’a jamais vécu.

    Le crime présumé est parfaitement minime au regard des standards de corruptions brésiliens – et il y a à dire sur ce sujet, sur lequel je reviendrai. La peine est tellement disproportionnée par rapport au crime supposé qu’il est légitime d’en chercher les vraies raisons. Il n’est pas difficile d’en trouver. Le Brésil fait face à des élections d’une importance cruciale pour son avenir. Lula est de loin le candidat le plus populaire et remporterait facilement une élection équitable, ce qui n’est pas pour plaire à la ploutocratie.

    Bien qu’il ait mené pendant son mandat des politiques conçues pour s’adapter aux préoccupations de la finance nationale et internationale, Lula reste méprisé par les élites, en partie sans doute à cause de ses politiques sociales et des prestations pour les défavorisés – même si d’autres facteurs semblent jouer un rôle : avant tout, la simple haine de classe. Comment un travailleur pauvre, qui n’a pas fait d’études supérieures, et qui ne parle même pas un portugais correct peut-il être autorisé à diriger notre pays ?

    Alors qu’il était au pouvoir, Lula était toléré par les puissances occidentales, malgré quelques réserves. Mais son succès dans la propulsion du Brésil au centre de la scène mondiale n’a pas soulevé l’enthousiasme. Avec son ministre des Affaires étrangères Celso Amorim, ils commençaient à réaliser les prédictions d’il y a un siècle selon lesquelles le Brésil allait devenir « le colosse du Sud ». Ainsi, certaines de leurs initiatives ont été sévèrement condamnées, notamment les mesures qu’ils ont prises en 2010, en coordination avec la Turquie, pour résoudre le conflit au sujet du programme nucléaire iranien, contre la volonté affirmée des États-Unis de diriger l’événement. Plus généralement, le rôle de premier plan joué par le Brésil dans la promotion de puissances non alignées sur les Occidentaux, en Amérique latine et au-delà, n’a pas été bien reçu par ceux qui ont l’habitude de dominer le monde.

    Lula étant interdit de participer à l’élection, il y a un grand risque pour que le favori de la droite, Jair Bolsonaro, soit élu à la présidence et accentue la politique durement réactionnaire du président Michel Temer, qui a remplacé Dilma Rousseff après qu’elle a été destituée pour des motifs ridicules, au cours du précédent épisode du « coup d’État en douceur » en train de se jouer dans le plus important pays d’Amérique Latine.

    Bolsonaro se présente comme un autoritaire dur et brutal et comme un admirateur de la dictature militaire, qui va rétablir « l’ordre ». Une partie de son succès vient de ce qu’il se fait passer pour un homme nouveau qui démantèlera l’establishment politique corrompu, que de nombreux Brésiliens méprisent pour de bonnes raisons. Une situation locale comparable aux réactions vues partout dans le monde contre les dégâts provoqués par l’offensive néolibérale de la vieille génération.

    Bolsonaro affirme qu’il ne connaît rien à l’économie, laissant ce domaine à l’économiste Paulo Guedes, un ultralibéral, produit de l’École de Chicago. Guedes est clair et explicite sur sa solution aux problèmes du Brésil : « tout privatiser », soit l’ensemble de l’infrastructure nationale, afin de rembourser la dette des prédateurs qui saignent à blanc le pays. Littéralement tout privatiser, de façon à être bien certain que le pays périclite complètement et devienne le jouet des institutions financières dominantes et de la classe la plus fortunée. Guedes a travaillé pendant un certain temps au Chili sous la dictature de Pinochet, il est donc peut-être utile de rappeler les résultats de la première expérience de ce néolibéralisme de Chicago.

    L’expérience, initiée après le coup d’État militaire de 1973 qui avait préparé le terrain par la terreur et la torture, s’est déroulée dans des conditions quasi optimales. Il ne pouvait y avoir de dissidence – la Villa Grimaldi et ses équivalents s’en sont bien occupés. L’expérimentation était supervisée par les superstars de l’économie de Chicago. Elle a bénéficié d’un énorme soutien de la part des États-Unis, du monde des affaires et des institutions financières internationales. Et les planificateurs économiques ont eu la sagesse de ne pas interférer dans les affaires de l’entreprise Codelco, la plus grande société minière de cuivre au monde, une entreprise publique hautement efficace, qui a ainsi pu fournir une base solide à l’économie de Pinochet.

    Pendant quelques années, cette expérience fut largement saluée ; puis le silence s’est installé. Malgré les conditions presque parfaites, en 1982, les « Chicago boys » avaient réussi à faire s’effondrer l’économie. L’État a dû en reprendre en charge une grande partie, plus encore que pendant les années Allende. Des plaisantins ont appelé ça « la route de Chicago vers le socialisme ». L’économie, en grande partie remise aux mains des dirigeants antérieurs, a réémergé, non sans séquelles persistantes de la catastrophe dans les systèmes éducatifs, sociaux, et ailleurs.

    Pour en revenir aux préconisations de Bolsonaro-Guedes pour fragiliser le Brésil, il est important de garder à l’esprit la puissance écrasante de la finance dans l’économie politique brésilienne. L’économiste brésilien Ladislau Dowbor rapporte, dans son ouvrage A era do capital improdutivo (« Une ère de capital improductif »), que lorsque l’économie brésilienne est entrée en récession en 2014, les grandes banques ont accru leurs profits de 25 à 30 %, « une dynamique dans laquelle plus les banques font des bénéfices, plus l’économie stagne » puisque « les intermédiaires financiers n’alimentent pas la production, ils la ponctionnent ».

    En outre, poursuit M. Dowbor, « après 2014, le PIB a fortement chuté alors que les intérêts et les bénéfices des intermédiaires financiers ont augmenté de 20 à 30 % par an », une caractéristique structurelle d’un système financier qui « ne sert pas l’économie, mais est servi par elle. Il s’agit d’une productivité nette négative. La machine financière vit aux dépens de l’économie réelle. »

    Le phénomène est mondial. Joseph Stiglitz résume la situation simplement : « alors qu’auparavant la finance était un mécanisme permettant d’injecter de l’argent dans les entreprises, aujourd’hui elle fonctionne pour en retirer de l’argent ». C’est l’un des profonds renversements de la politique socio-économique dont est responsable l’assaut néolibéral ; il est également responsable de la forte concentration de la richesse entre les mains d’un petit nombre alors que la majorité stagne, de la diminution des prestations sociales, et de l’affaiblissement de la démocratie, fragilisée par les institutions financières prédatrices. Il y a là les principales sources du ressentiment, de la colère et du mépris à l’égard des institutions gouvernementales qui balayent une grande partie du monde, et souvent appelé – à tort – « populisme ».

    C’est l’avenir programmé par la ploutocratie et ses candidats. Un avenir qui serait compromis par un nouveau mandat à la présidence de Lula. Il répondait certes aux exigences des institutions financières et du monde des affaires en général, mais pas suffisamment pour notre époque de capitalisme sauvage.

    On pourrait s’attarder un instant sur ce qui s’est passé au Brésil pendant les années Lula – « la décennie d’or », selon les termes de la Banque mondiale en mai 2016 [1]. Au cours de ces années, l’étude de la banque rapporte :

    « Les progrès socio-économiques du Brésil ont été remarquables et mondialement reconnus. À partir de 2003 [début du mandat de Lula], le pays est reconnu pour son succès dans la réduction de la pauvreté et des inégalités et pour sa capacité à créer des emplois. Des politiques novatrices et efficaces visant à réduire la pauvreté et à assurer l’intégration de groupes qui auparavant étaient exclus ont sorti des millions de personnes de la pauvreté. »

    Et plus encore :

    « Le Brésil a également assumé des responsabilités mondiales. Il a réussi à poursuivre sa prospérité économique tout en protégeant son patrimoine naturel unique. Le Brésil est devenu l’un des plus importants donateurs émergents, avec des engagements importants, en particulier en Afrique subsaharienne, et un acteur majeur dans les négociations internationales sur le climat. La trajectoire de développement du Brésil au cours de la dernière décennie a montré qu’une croissance fondée sur une prospérité partagée, mais équilibrée dans le respect de l’environnement, est possible. Les Brésiliens sont fiers, à juste titre, de ces réalisations saluées sur la scène internationale. »

    Du moins certains Brésiliens, pas ceux qui détiennent le pouvoir économique.

    Le rapport de la Banque mondiale rejette le point de vue répandu selon lequel les progrès substantiels étaient « une illusion, créée par le boom des produits de base, mais insoutenable dans l’environnement international actuel, moins clément ». La Banque mondiale répond à cette affirmation par un « non » ferme et catégorique : « il n’y a aucune raison pour que ces gains socio-économiques récents soient effacés ; en réalité, ils pourraient bien être amplifiés avec de bonnes politiques. »

    Les bonnes politiques devraient comprendre des réformes radicales du cadre institutionnel hérité de la présidence Cardoso, qui a été maintenu pendant les années Lula-Dilma, satisfaisant ainsi les exigences de la communauté financière, notamment une faible imposition des riches et des taux d’intérêt exorbitants, ce qui a conduit à l’augmentation de grandes fortunes pour quelques-uns, tout en attirant les capitaux vers la finance au détriment des investissements productifs. La ploutocratie et le monopole médiatique accusent les politiques sociales d’assécher l’économie, mais dans les faits, les études économiques montrent que l’effet multiplicateur de l’aide financière aux pauvres a stimulé l’économie alors que ce sont les revenus financiers produits par les taux d’intérêt usuraires et autres cadeaux à la finance qui ont provoqué la véritable crise de 2013 – une crise que « les bonnes politiques » auraient permis de surmonter.

    L’éminent économiste brésilien Luiz Carlos Bresser-Pereira, ancien ministre des Finances, décrit succinctement le déterminant majeur de la crise en cours : « il n’y a pas de raison économique » pour justifier le blocage des dépenses publiques tout en maintenant les taux d’intérêt à un niveau élevé ; « la cause fondamentale des taux élevés au Brésil, c’est le fait des prêteurs et des financiers » avec ses conséquences dramatiques, appuyé par le corps législatif (élu avec le soutien financier des entreprises) et le monopole des médias qui relaient essentiellement la voix des intérêts privés.

    Dowbor montre que tout au long de l’histoire moderne du Brésil, les remises en question du cadre institutionnel ont conduit à des coups d’État, « à commencer par le renvoi et le suicide de Vargas [en 1954] et le putsch de 1964 » (fermement soutenu par Washington). Il y a de bonnes raisons de penser que la même chose s’est produite pendant le « coup d’État en douceur » en cours depuis 2013. Cette campagne des élites traditionnelles, aujourd’hui concentrées dans le secteur financier et servie par des médias qu’ils possèdent, a connu une accélération en 2013, lorsque Dilma Rousseff a cherché à ramener les taux d’intérêt extravagants à un niveau raisonnable, menaçant ainsi de tarir le torrent d’argent facile dont profitait la minorité qui pouvait se permettre de jouer sur les marchés financiers.

    La campagne actuelle visant à préserver le cadre institutionnel et à revenir sur les acquis de « la décennie glorieuse » exploite la corruption à laquelle le Parti des travailleurs de Lula, le PT, a participé. La corruption est bien réelle, et grave, même si le fait de diaboliser le PT est une pure instrumentalisation, en regard des écarts de conduite de ses accusateurs. Et comme nous l’avons déjà mentionné, les accusations portées contre Lula, même si l’on devait lui en reconnaître les torts, ne peuvent être prises au sérieux pour justifier la peine qui lui a été infligée dans le but de l’exclure du système politique. Tout cela fait de lui l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période actuelle.

    La réaction récurrente des élites face aux menaces qui pèsent sur le cadre institutionnel de l’économie sociopolitique au Brésil trouve son équivalent dans la riposte internationale contre les remises en cause, par le monde en développement, du système néocolonial hérité de siècles de dévastations impérialistes occidentales. Dans les années 1950, dans les premiers jours de la décolonisation, le mouvement des pays non-alignés a cherché à faire son entrée dans les affaires mondiales. Il a été rapidement remis à sa place par les puissances occidentales. En témoigne dramatiquement l’assassinat du leader congolais, très prometteur, Patrice Lumumba, par les dirigeants historiques belges (devançant la CIA). Ce crime et les violences qui ont suivi ont mis fin aux espoirs de ce qui devrait être l’un des pays les plus riches du monde, mais qui reste « l’horreur ! l’horreur ! » avec la collaboration des tortionnaires historiques de l’Afrique.

    Néanmoins, les voix gênantes des victimes historiques ne cessaient de s’élever. Dans les années 1960 et 1970, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, avec le concours important d’économistes brésiliens, a présenté des plans pour un Nouvel Ordre Économique International, dans lequel les préoccupations des « sociétés en développement » – la grande majorité de la population mondiale – auraient été examinées. Une initiative rapidement écrasée par la régression néolibérale.

    Quelques années plus tard, au sein de l’UNESCO, les pays du Sud ont appelé à un nouvel ordre international de l’information qui ouvrirait le système mondial des médias et de la communication à des acteurs extérieurs au monopole occidental. Cette initiative a déchaîné une riposte extrêmement violente qui a traversé tout le spectre politique, avec des mensonges éhontés et des accusations ridicules, et qui finalement a entraîné le retrait du président américain Ronald Reagan, sous de faux prétextes, de l’UNESCO. Tout cela a été dévoilé dans une étude accablante (donc peu lue) des spécialistes des médias William Preston, Edward S. Herman et Herbert Schiller [2].

    L’étude menée en 1993 par le South Centre, qui montrait que l’hémorragie de capitaux depuis les pays pauvres vers les pays riches s’était accompagnée d’exportations de capitaux vers le FMI et la Banque mondiale, qui sont désormais « bénéficiaires nets des ressources des pays en développement », a également été soigneusement passée sous silence. De même que la déclaration du premier sommet du Sud, qui avait rassemblé 133 États en 2000, en réponse à l’enthousiasme de l’Occident pour sa nouvelle doctrine d’« intervention humanitaire ». Aux yeux des pays du Sud, « le soi-disant droit d’intervention humanitaire » est une nouvelle forme d’impérialisme, « qui n’a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations unies ni dans les principes généraux du droit international ».

    Sans surprise, les puissants n’apprécient guère les remises en cause, et disposent de nombreux moyens pour y répliquer ou pour les réduire au silence.

    Il y aurait beaucoup à dire sur la corruption endémique de la politique latino-américaine, souvent solennellement condamnée par l’Occident. Il est vrai, c’est un fléau, qui ne devrait pas être toléré. Mais elle n’est pas limitée aux « pays en voie de développement ». Par exemple, ce n’est pas une petite aberration que dans nos pays, les gigantesques banques reçoivent des amendes de dizaines de milliards de dollars (JPMorgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Deutsche Bank, Citigroup) à l’issue d’accords négociés à l’amiable, mais que personne ne soit légalement coupable de ces activités criminelles, qui détruisent pourtant des millions de vies. Remarquant que « les multinationales américaines avaient de plus en plus de difficultés à ne pas basculer dans l’illégalité », l’hebdomadaire londonien The Economist du 30 août 2014 rapportait que 2 163 condamnations d’entreprise avaient été comptabilisées entre 2000 et 2014 – et ces multinationales sont nombreuses à Londres et sur le continent européen [3].

    La corruption couvre tout un registre, depuis les énormités qu’on vient de voir jusqu’aux plus petites mesquineries. Le vol des salaires, une épidémie aux États-Unis, en donne un exemple particulièrement ordinaire et instructif. On estime que les deux tiers des travailleurs à bas salaire sont volés sur leur rémunération chaque semaine, tandis que les trois quarts se voient voler tout ou partie de leur rémunération pour les heures supplémentaires. Les sommes ainsi volées chaque année sur les salaires des employés excèdent la somme des vols commis dans les banques, les stations-service et les commerces de proximité. Et pourtant, presque aucune action coercitive n’est engagée sur ce point. Le maintien de cette impunité revêt une importance cruciale pour le monde des affaires, à tel point qu’il est une des priorités du principal lobby entrepreneurial, le American Legislative Exchange Council (ALEC), qui bénéficie des largesses financières des entreprises.

    La tâche principale de l’ALEC est d’élaborer un cadre législatif pour les États. Un but facile puisque, d’une part, les législateurs sont financés par les entreprises et, d’autre part, les médias s’intéressent peu au sujet. Des programmes méthodiques et intenses soutenus par l’ALEC sont donc capables de faire évoluer les contours de la politique d’un pays, sans préavis, ce qui constitue une attaque souterraine contre la démocratie mais avec des effets importants. Et l’une de leurs initiatives législatives consiste à faire en sorte que les vols de salaires ne soient pas soumis à des contrôles ni à l’application de la loi.

    Mais la corruption, qui est un crime, qu’elle soit massive ou minime, n’est que la partie émergée de l’iceberg. La corruption la plus grave est légale. Par exemple, le recours aux paradis fiscaux draine environ un quart, voire davantage, des 80 000 milliards de dollars de l’économie mondiale, créant un système économique indépendant exempt de surveillance et de réglementation, un refuge pour toutes sortes d’activités criminelles, ainsi que pour les impôts qu’on ne veut pas payer. Il n’est pas non plus techniquement illégal pour Amazon, qui vient de devenir la deuxième société à dépasser les 1 000 milliards de dollars de valeur, de bénéficier d’allègements fiscaux sur les ventes. Ou que l’entreprise utilise environ 2 % de l’électricité américaine à des tarifs très préférentiels, conformément à « une longue tradition américaine de transfert des coûts depuis les entreprises vers les plus démunis, qui consacrent déjà aux factures des services publics, en proportion de leurs revenus, environ trois fois plus que ne le font les ménages aisés », comme le rapporte la presse économique [4].

    Il y a une liste infinie d’autres exemples.

    Un autre exemple important, c’est l’achat des voix lors des élections, un sujet qui a été étudié en profondeur, en particulier par le politologue Thomas Ferguson. Ses recherches, ainsi que celles de ses collègues, ont montré que l’éligibilité du Congrès et de l’exécutif est prévisible avec une précision remarquable à partir de la variable unique des dépenses électorales, une tendance très forte qui remonte loin dans l’histoire politique américaine et qui s’étend jusqu’aux élections de 2016 [5]. La corruption latino-américaine est considérée comme un fléau, alors que la transformation de la démocratie formelle en un instrument entre les mains de la fortune privée est parfaitement légale.

    Bien sûr, ce n’est pas que l’interférence dans les élections ne soit plus à l’ordre du jour. Au contraire, l’ingérence présumée de la Russie dans les élections de 2016 est un sujet majeur de l’époque, un sujet d’enquêtes acharnées et de commentaires endiablés. En revanche, le rôle écrasant du monde de l’entreprise et des fortunes privées dans la corruption des élections de 2016, selon une tradition qui remonte à plus d’un siècle, est à peine reconnu. Après tout, il est parfaitement légal, il est même approuvé et renforcé par les décisions de la Cour suprême la plus réactionnaire de mémoire d’homme.

    L’achat d’élections n’est pas la pire des interventions des entreprises dans la démocratie américaine immaculée, souillée par les hackers russes (avec des résultats indétectables). Les dépenses de campagne atteignent des sommets, mais elles sont éclipsées par le lobbying, qui représenterait environ 10 fois ces dépenses – un fléau qui s’est rapidement aggravé dès les premiers jours de la régression néolibérale. Ses effets sur la législation sont considérables, le lobbyiste allant jusqu’à la rédaction littérale des lois, alors que le parlementaire – qui signe le projet de loi – est quelque part ailleurs, occupé à collecter des fonds pour la prochaine campagne électorale.

    La corruption est effectivement un fléau au Brésil et en Amérique latine en général, mais ils restent des petits joueurs.

    Tout cela nous ramène à la prison, où l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période est maintenu en isolement pour que le « coup d’État en douceur » au Brésil puisse se poursuivre, avec des conséquences certaines qui seront sévères pour la société brésilienne, et pour le monde entier, étant donné le rôle potentiel du Brésil.

    Tout cela peut continuer, à une condition, que ce qui se passe continue d’être toléré. »

    Noam Chomsky

  • La preuve sociologique
    http://www.laviedesidees.fr/Evidence-Becker.html

    Howard Becker, l’une des plus grandes figures de l’École de Chicago, s’interroge sur les conditions qui rendent possible la formulation d’un énoncé sociologique solide et robuste. Son dernier ouvrage est en effet consacré à la production des #données, par-delà le clivage entre quantité et qualité.

    #Recensions

    / #sociologie, méthodologie , données

    #_méthodologie_

  • Des milliardaires rêvent d’îles artificielles indépendantes pour échapper au réchauffement
    https://reporterre.net/Des-milliardaires-revent-d-iles-artificielles-independantes-pour-echappe

    Le TSI remonte à 2008. Il naît sous l’impulsion de #Patri_Friedman, petit-fils du célèbre économiste Milton Friedman, dont les ouvrages comme #Capitalisme et liberté et La liberté du choix ont nourri Ronald Reagan, Margaret Thatcher et les néolibéraux actuels. Bien vite s’y associe une des plus grosses fortunes de la #Silicon_Valley : Peter Thiel. Cofondateur du système de paiement électronique PayPal, le milliardaire est notoirement opposé à toute intervention étatique dans l’économie. De tous les entrepreneurs de la Silicon Valley, il est le seul à avoir publiquement appelé à voter Donald Trump. En outre, il fait partie des plus importants financeurs du #transhumanisme, car selon lui, « il est impossible de fixer a priori les limites de notre durée de vie ».
    Tous les volets pratiques de la vie sur des îles artificielles

    Depuis, le #TSI a consolidé ses principes — via des podcasts de consultants hérauts du #néolibéralisme — et les besoins concrets du projet. Sur le forum, les chefs d’entreprise intéressés par le TSI discutent de tous les volets pratiques de la vie sur des #îles_artificielles : la menace de la piraterie, l’évacuation des déchets, l’#autonomie énergétique… Jusqu’à aboutir l’an dernier à un projet concret, finalisé par la signature d’un « #recueil_d’intentions_réciproques » avec le gouvernement de la #Polynésie_française.

    #climat

    • À chaque fois, je me demande pourquoi on ne rappelle pas qu’il s’agit, avec ces histoires d’île de riches, de la lubie d’Ayn Rand dans son Atlas Shrugged (La Grève), dont le principe final est que les riches se retirent du monde, laissent le système s’effondrer, pour ensuite reconstruire la société selon leurs critères à eux.

    • Je ne sais pas, l’article évoque quand même l’appartenance au #libertarisme

      Friedman et Thiel appartiennent à une même école de pensée : le libertarisme, qui prône l’absolue indépendance des individus envers toute forme de gouvernement. Pour échapper aux normes fédérales et à l’imposition, leur vient alors l’idée de profiter des solutions techniques qu’offre la #géo-ingénierie pour construire des îles artificielles, situées en eaux internationales, afin d’échapper à toute règlementation.

    • Oui, au moins celui-ci le dit. Mais citer un « économiste » et une type qui a l’air de savoir faire de l’argent à la Silicon Valley, c’est pas la même chose que de citer comme source de cette idée cet horrible personnage qu’est Ayn Rand, ce qui rappellerait que c’est une escroquerie purement idéologique, sans aucun autres fondements qu’une tarée qui revendiquait l’égoïsme absolu tout en touchant discrètement la sécu sous un autre nom.

      Aux États-Unis, Ayn Rand est connue, et il est régulièrement dit que Atlas Shrugged y est le livre le plus influent après la Bible. Je ne sais pas pourquoi ce n’est pas systématiquement rappelé en France, où l’on préfère tourner autour du pot et balancer des références plus nobles à l’école de Chicago.

    • Ca fait aussi penser aux Georgia Guidestones....
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Georgia_Guidestones

      1) Maintenez l’humanité en dessous de 500 000 000 [500 millions d’individus] en perpétuel équilibre avec la nature.
      2) Guidez la reproduction sagement en améliorant l’aptitude et la diversité.
      3) Unifiez l’humanité avec une nouvelle langue vivante.
      4) Dirigez la passion, la foi, la tradition et toute chose par l’usage de la raison et de la modération.
      5) Protégez les peuples et les nations par des lois équitables et des tribunaux justes.
      6) Laissez toutes les nations se gouverner librement, et réglez les conflits internationaux devant un tribunal mondial.
      7) Évitez les lois tatillonnes et les officiels inutiles.
      8) Équilibrez droits individuels et devoirs sociaux.
      9) Privilégiez vérité - beauté - amour - recherche de l’harmonie avec l’infini.
      10) Ne soyez pas un cancer à la surface de la Terre. Laissez de l’espace à la nature. Laissez de l’espace à la nature

      Dix commandements pour l’après-catastrophe
      Randall Sullivan, Courrier International, le 16 décembre 2009
      http://www.courrierinternational.com/article/2009/12/17/dix-commandements-pour-l-apres-catastrophe

      #Georgia_Guidestones #néomalthusianisme

    • #Peter_Thiel #Silicons
      Et en attendant, la pauvreté augmente …

      Mon cousin vit à la Silicon Valley, y bosse en journalier, il vérifie les traductions pour apple, sa femme est prof et travaille aussi. Ils n’ont pas de quoi financièrement vivre ensemble ! Lui a passé 5 ans derrière la frontière mexicaine en attendant sa carte verte, mais l’équation finale donne en résultat leur retour en France, Montpellier justement … Elle laisse ses enfants là-bas.

    • Propeller Island City Lodge Gesamtkunstwerk Hotel Berlin
      http://www.propeller-island.de/english/2/7


      L’allemand a une jolie expression pour ce gendre de discours : abgehoben décrit l’état d’un avion juste après son décollage. C’est devenu une métaphore pour des idée sans aucun rapport avec la réalité. Cet hôtel montre ce qui arrive à toutes ces idées - d’abord on les poursuit avec un enthousiasme d’évangéliste mais une fois qu’on a compris qu’elles ne tiennent pas debout on les modifie jusqu’à ce quelles disparaissent dans une réalisation très banale. Malheureusement pour Peter Thiel (et pour nous aussi) ses projets sont d’une dimension telle qu’il risque d’avoir besoin de plus longtemps que durera son existance avant d’arriver à ce résultat inexorable.

      hotel closed
      for repairs and a new concept
      für unbestimmte Zeit stillgelegt
      Info (nur Presse) 0163 - 256 59 09 / SMS

      propeller island - this means aesthetic sensation for the eye and the ear. propeller island is a pseudonym used by the german artist lars stroschen to publish his audio-visual creations. unlimited diversity, repeating nothing and copying nothing are the guiding principles here.
      the most popular result: the CITY LODGE, a habitable work of art in the heart of berlin, whose wealth of ideas never fails to attract everyone into its gravitational field and to continue inspiring guests long afterwards. a magnet for creative individuals, those weary of consumption, those who see things differently, philosophers and seekers of perspective and vision. frequented by personalities from around the globe, this vision machine is a much-desired shooting site for photo sessions and video clips. is that perhaps the reason these rooms seem so familiar to you...?

      #blabla

      Albrecht-Achilles-Straße 58, 10709 Berlin
      http://www.openstreetmap.org/node/3051896521

      #Berlin #Charlottenburg #Albrecht-Achilles-Straße #tourisme #art #aviation

    • Exemple de la méconnaissance d’Ayn Rand en France, et là j’avoue que c’est grave de chez grave !
      À la fin de l’émission de philo sur FC, Géraldine Mosna-Savoye demande à la productrice Adèle Van Reeth (censée en connaitre un rayon en matière de philo et d’idéologie)

      Haïe par certains qui voient en elle le mal incarné, elle est aussi portée aux nues par d’autres. En fait, la lire rend, au choix, euphorique ou répugne à souhait. Née il y a tout pile 113 ans, disparue en 1982, ses livres sont encore les plus lus aux Etats-Unis, après la Bible, même si elle reste pourtant une figure méconnue en France…

      Peu importe d’ailleurs car ce qu’elle a dit, fait ou pensé, imprègne l’imaginaire de notre époque, faite de capitalisme, de masse, avec l’égoïsme en porte-drapeau. Cette philosophe, Stéphane Legrand nous en fait un portrait à la fois drôle et effrayant, dans un livre paru aux éditions Nova, de qui s’agit s’agit-il Adèle ?
      – j’en sais rien.

      https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-de-la-philo/portrait-dune-femme-capitale

    • Voir aussi:

      Doomsday Prep for the Super-Rich
      Evan Osnos, The New-Yorker, le 30 janvier 2017
      https://seenthis.net/messages/563102

      Pourquoi les millionnaires de la Silicon Valley se préparent à la fin du monde
      Xavier de La Porte, France Culture, le 28 février 2017
      https://www.franceculture.fr/emissions/la-vie-numerique/pourquoi-les-millionnaires-de-la-silicon-valley-se-preparent-la-fin-du

      Why Silicon Valley billionaires are prepping for the apocalypse in New Zealand
      Mark O’Connell, The Guardian, le 15 février 2018
      https://seenthis.net/messages/669620

      DOUGLAS RUSHKOFF « DE LA SURVIE DES PLUS RICHES »
      La Spirale, le 14 août 2018
      https://seenthis.net/messages/715011

  • Pourquoi et comment faire des marchés financiers le nouveau foyer des luttes sociales - Basta !
    https://www.bastamag.net/Pourquoi-et-comment-faire-des-marches-financiers-le-nouveau-foyer-des-lutt
    https://www.bastamag.net/IMG/arton6392.jpg?1508407526

    Remise en cause globale des droits sociaux, mythification de l’entrepreneuriat et de la prédation de richesses, baisse des dépenses publiques, avènement de la finance, généralisation de la précarité… Les néolibéraux ont réussi leur révolution. Comment y sont-ils parvenus ? Pourquoi la gauche s’est-elle laissée piéger ? Et, surtout, comment repenser des résistances et la construction d’alternatives qui ne se limitent pas à la nostalgie de l’État providence ou à la restauration du capitalisme d’antan ? Entretien avec le philosophe Michel Feher, auteur du passionnant livre « Le temps des investis ».

    Basta ! : Des « premiers de cordées » incarnés par les grandes fortunes, des salariés s’opposant à la réforme du droit du travail et des chômeurs en quête d’un emploi qui leur convient considérés comme des « fainéants », des contribuables « spoliés » par des impôts qui financent pourtant hôpitaux et éducation… Comment en est-on arrivé là ?

    Michel Feher [1] : La réussite idéologique des néolibéraux est d’avoir donné une allure proprement révolutionnaire à leur doctrine : repenser la lutte des classes non plus autour de l’exploitation mais à partir de l’abus ou de la spoliation. Cette rhétorique reprend, non sans effronterie, celle de l’abolition des privilèges des révolutions française et américaine. Les gens qui bossent, qui se lèvent tôt, sont spoliés par des privilégiés. Ceux-ci ne sont plus les aristocrates d’autrefois mais les fonctionnaires qui échappent aux conditions de compétition du privé, les chômeurs « payés à ne rien faire », les étrangers qui viennent « prendre nos allocs », et, enfin, les syndicalistes, défenseurs d’un statu quo qui causerait le malheur des employés précaires. Autant de gens qui, selon les néolibéraux, sont des protégés d’État, vivant d’une rente de situation : ils s’accaparent les ressources gagnées par ceux qui travaillent et ne comptent que sur leur mérite. La promesse néolibérale d’origine consiste donc à assurer aux méritants qu’ils pourront jouir des fruits de leur labeur sans que l’État ne les leur confisque pour les redistribuer aux nouveaux rentiers.

    La seconde innovation des pères fondateurs du néolibéralisme – Friedrich Hayek, Milton Friedman et ses acolytes de l’École de Chicago, et les ordo-libéraux allemands – est d’ériger l’entrepreneur en modèle universel. Pour les libéraux classiques, les entrepreneurs sont une classe à part, qui mérite l’admiration car tous les progrès viendraient d’elle. Mais c’est une petite élite menacée par d’autres catégories comme les intellectuels, les fonctionnaires et plus généralement les salariés qui ne partagent ni son goût du risque ni son hostilité au nivellement – et qui, étant majoritaires, sont susceptibles de porter leurs représentants au pouvoir. Les néolibéraux se sont donc donné pour mission de conjurer cette menace : non pas en restaurant le prestige des entrepreneurs de profession, mais en amenant tout le monde à penser et se comporter comme des entrepreneurs.

    Comment y sont-ils parvenus ?

    Par le biais de politiques publiques favorisant l’accès à la propriété individuelle, le passage à la retraite par capitalisation, le recours aux assurances maladies privées, voire encore les « vouchers », ces chèques éducation promus par l’école de Chicago : plutôt que d’investir dans l’éducation publique, donnons de l’argent aux pauvres pour qu’ils choisissent leur école privée. Le but est de constituer les gens en capitalistes, quitte à les contraindre à emprunter pour y parvenir. Car une fois dans la position d’un détenteur de capital à faire fructifier, chacun devient sensible aux arguments néolibéraux sur le « matraquage fiscal ». L’enjeu est donc de « déprolétariser » les salariés, non pour faire triompher le socialisme, mais pour leur conférer une mentalité d’entrepreneur.

    Comment expliquez-vous la débâcle politique et culturelle de la gauche, qu’elle soit social-démocrate ou « révolutionnaire », sur ces sujets ?

    En rompant avec les compromis sociaux des Trente glorieuses, les néolibéraux n’ont pas réussi à s’imposer comme les promoteurs du changement sans aussitôt faire passer la gauche pour conservatrice : celle-ci est en effet accusée de s’accrocher aux statuts et règlementations de l’État providence, soit à un ordre bureaucratique qui étouffe les initiatives individuelles. Or, la gauche s’est laissée prendre au piège en devenant largement ce que ses adversaires affirmaient qu’elle était : le parti de la défense des droits acquis. N’était-elle pas dépourvue de projet alternatif – en particulier à partir de 1989, lorsqu’il est devenu peu tenable de revendiquer la collectivisation des moyens de production ? Ne se bornait-elle pas à vouloir préserver un modèle à bout de souffle – dès lors que l’achèvement de la reconstruction des économies européennes faisait fléchir la croissance et que les revendications des femmes et des populations immigrées ne permettaient plus d’acheter la paix sociale en offrant des emplois et une protection sociale décente aux seuls hommes blancs salariés ? Ce dernier aspect de la crise du fordisme explique aussi pourquoi il existe aujourd’hui une gauche proprement réactionnaire. Car derrière la déploration de l’État social d’antan, s’exprime aussi une nostalgie des hiérarchies de genre, de sexualité et de race qui le soutenaient.

    Pour échapper aux accusations de conservatisme, la gauche aurait été bien inspirée de prendre exemple sur les penseurs néolibéraux eux-mêmes. En 1947, lorsque Friedrich Hayek crée la Société du Mont Pèlerin et y accueille ses amis de Chicago, de Fribourg ou de Londres, ces futurs architectes de la révolution néolibérale commencent par constater que le libéralisme est en grande difficulté, qu’un socialisme rampant triomphe, non pas du fait de la ferveur révolutionnaire des masses, mais à cause des politiques keynésiennes qui rendent les marchés dysfonctionnels en interférant dans leurs fragiles mécanismes. Pour conjurer l’étouffement progressif de l’économie libérale, les néolibéraux ne vont pas militer pour un retour en arrière mais au contraire réviser leur propre doctrine – d’une part en prônant la conversion de tous à la mentalité entrepreneuriale et d’autre part en renonçant au laisser-faire pour confier à l’État la mission de préserver et d’étendre l’empire des marchés. Il me semble que c’est l’absence d’une révision doctrinale de même ampleur qui a plongé la gauche dans un marasme dont elle ne sort pas. (...)

    La condition néolibérale : comment la définir, pourquoi l’épouser ? Michel Feher, 2009
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4186

    Quant à la condition néolibérale, faire l’hypothèse de son existence revient à avancer que l’individualisme possessif corrélatif du libéralisme, soit le statut de propriétaire soucieux de son intérêt mais aussi capable de désintéressement, ne correspond plus à la manière dont les politiques néolibérales appellent les hommes et les femmes à se reconnaître et à se comporter.

    Lui succède un sujet affecté d’une fâcheuse tendance à se déprécier mais aussi d’une formidable aspiration à s’apprécier : appréciation ou dépréciation de soi qui dépend de la valeur des conduites adoptées et qui dessine une relation non plus possessive mais bien spéculative du sujet à lui-même. Autrement dit, là où le mode de gouvernement libéral incite les individus à tirer le meilleur profit de ce qu’ils possèdent - capital pour les uns, force de travail pour les autres - pour sa part, un art de gouverner néolibéral appelle plutôt ses destinataires à valoriser ce qu’ils sont, c’est-à-dire à majorer la valeur actionnariale du portefeuille de conduites qui les constitue.

    Il reste alors à se demander si les adversaires des politiques néolibérales doivent tenir la condition qui est leur corrélat pour le mode de sujétion dont il leur faut à tout prix se déprendre ou si c’est au contraire en l’épousant, soit en s’appropriant l’aspiration à s’apprécier, qu’ils leur offriront la résistance la plus efficace.

    #néolibéralisme #gauche #onvautmieuxqueça

  • Résurgence ou renaissance : l’héritage ordolibéral. Entretien avec Thomas Biebricher (2 juillet 2017)
    http://www.vacarme.org/article3055.html

    Avec l’émergence de la crise des dettes souveraines en Europe au printemps 2010, le mot « ordolibéralisme » a fait — ou plus précisément refait — surface dans le discours public. En cause, le vif engouement des autorités allemandes, et du ministre des Finances Wolfgang Schäuble en particulier, pour des principes connus pour être fondamentalement ordolibéraux : la rigueur budgétaire et une gouvernance strictement attachée aux règles. De même, bien que leur champ d’action s’étende largement au-delà des frontières allemandes, les institutions européennes sont, elles aussi, considérées comme un pur produit de la pensée ordolibérale, notamment en raison du label « Made in Germany » qu’on leur a légitimement attribué.

    L’ordolibéralisme est la branche allemande de ce que l’économiste et historien Philip Mirowski a appelé la « pensée collective néolibérale ». Les multiples ramifications de cet arbre généalogique incluent la section de l’École autrichienne de Friedrich Hayek, l’École de Chicago de Milton Friedman et l’École du Choix Public de Virginie, ou « économie constitutionnelle », menée par James Buchanan et Gordon Tullock. Les ordolibéraux doivent leur nom au journal Ordo, fondé en 1848 par les économistes de l’École de Fribourg, Walter Eucken et Franz Böhm. Cependant, la sensibilité intellectuelle ordolibérale n’a pris corps que dans les années 1930, se nourrissant du travail de Wilhelm Röpke, Alfred Müller-Armack et Alexander Rüstow, parmi d’autres.

    Bien que la doctrine ordolibérale ait été largement reconnue comme la principale source d’inspiration de « l’économie sociale de marché » de l’Allemagne d’après-guerre — et ainsi comme une influence majeure sur Konrad Adenauer et Ludwig Erhard, les deux premiers chanceliers de la République fédérale d’Allemagne — sa marque, pourtant durable, dans les prises de décisions politiques a longtemps été maintenue dans l’ombre par la prééminence du Keynésianisme jusqu’au milieu des années 1970 et, après cela, par d’autres courants de la pensée néolibérale, particulièrement ceux de Hayek et Friedman. Comment comprendre et analyser la récente résurgence de l’ordolibéralisme, à la fois en Allemagne et dans l’Union européenne ? Quelles sont les caractéristiques distinctives de la branche ordolibérale du néolibéralisme ? Ce sont les questions que nous avons posées à Thomas Biebricher, dont le travail explore l’éventail des formes que revêt le néolibéralisme en se concentrant sur le grand frère allemand de la famille néolibérale, l’#ordolibéralisme.

  • Pinochet à l’école de Chicago
    http://www.laviedesidees.fr/Pinochet-a-l-ecole-de-Chicago.html

    Manuel Gárate revient sur la révolution économique que le Chili a connue à partir de 1975, avec un coût social et politique énorme. Une mise en perspective nécessaire, au moment où les États-Unis, anciens protecteurs de Pinochet, se tournent vers le populisme et le protectionnisme.

    Essais & débats

    / #coup_d'État, #démocratie, #libre-échange

    #Essais_&_débats

    • « La “Révolution économique” au Chili. A la recherche de l’utopie néoconservatrice 1973-2003 »
      https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00565323

      « La “Révolution économique” au Chili. A la recherche de l’utopie néoconservatrice 1973-2003 »
      Emmanuel Garate 1
      1 Mondes Américains - Mondes Américains : Sociétés, Circulations, Pouvoirs, XVème - XXIème siècles
      Résumé : Cette thèse traite deux questions fondamentales du passé récent du Chili. La première est la profonde transformation économique et sociale vécue entre 1973 et 2003, c’est-à-dire l’époque qui inclut le régime militaire et les trois premiers gouvernements de la transition démocratique. La deuxième se réfère à l’évolution de la pensée libérale économique au Chili, et l’apparition d’une nouvelle élite patronale formée à l’image du discours des économistes néoclassiques. Pour situer la profondeur des changements vécus dans le pays depuis 1973, la recherche remonte aux débuts du XIXème siècle, quand arrivent au Chili les premières idées du libéralisme économique, passant par la décennie de 1930 lorsque se crée le modèle de l’“État de compromis”. Cependant, l’analyse est centrée sur l’origine et l’essor des “Chicago Boys” comme gestionnaires de la transformation économique du Chili – comprise comme un genre spécial de violence – et des changements importants qui se produisirent au sein de l’élite dirigeante du pays (1973-2003). Enfin, la thèse aborde l’utilisation du passé récent dans les stratégies du pouvoir et les représentations de la nouvelle élite par rapport aux imaginaires d’une société articulée autour du modèle du libre marché.

  • Quelles « mesures » pour quantifier la #pauvreté ? Les #indicateurs produits par les organisations internationales

    Le sens commun de la pauvreté est généralement compris de tous et l’image à laquelle elle renvoie semble constante à travers les siècles ; les œuvres produites par les écrivains, les peintres, les cinéastes, les photographes et les compositeurs en témoignent. Par ailleurs, la pauvreté comme objet des sciences sociales a constitué l’un des thèmes de prédilection de l’école de Chicago au début du XXe siècle. En revanche, mesurer la pauvreté s’avère beaucoup plus difficile et controversé. Qu’est-ce que « mesurer la pauvreté » ? Évaluer un nombre de pauvres ? Estimer un seuil au-dessous duquel une personne est considérée comme pauvre ? Quels critères prendre en compte pour définir ce seuil ? Sont-ils synthétisables en un seul indicateur ? Les méthodes existantes sont assez nombreuses et les résultats peuvent être très différents. Les sources de ces disparités sont d’ordre technique mais aussi conceptuel et politique, et intimement liées à l’organisation qui produit et diffuse ces statistiques.

    http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part1/quelles-mesures-pour-quantifier-la-pauvrete?page=show
    #statistiques

  • Flexibilité des chômeurs, mode d’emploi. Les conseillers à l’emploi à l’épreuve de l’activation, Lynda Lavitry
    http://lectures.revues.org/20620

    La fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Assedic) opérée en 2008 et effective en 2009 a considérablement occupé la sphère publique et médiatique pendant de nombreux mois, tout particulièrement dans un contexte d’augmentation importante du nombre de demandeurs d’emploi. Allant au-delà des aspects largement publicisés d’une institution en profond changement, la recherche menée par Lynda Lavitry propose de s’intéresser au traitement bureaucratique contemporain des chômeurs et de s’interroger quant au rôle des conseillers de Pôle emploi en tant qu’intermédiaires publics de l’emploi. À travers un dispositif ethnographique ambitieux inspiré de la tradition interactionniste de l’École de Chicago, l’auteur livre ici une étude approfondie des coulisses du « nouveau » service public de l’emploi.

    2Dans un premier chapitre, l’auteure expose clairement sa posture, son terrain multisitué et son approche méthodologique. Faisant de l’entretien entre le conseiller à l’emploi et le chômeur le cœur de son enquête, elle a donc construit son dispositif méthodologique autour de la pratique de l’observation in situ, facilitée par la réalisation de sa thèse via l’obtention d’un contrat de recherche « Convention industrielle de formation par la recherche » (CIFRE) avec l’institution. Ainsi, Lynda Lavitry a pu observer 202 entretiens entre conseillers et demandeurs d’emploi au sein de 9 agences #Pôle_emploi, et mener elle-même 68 entretiens avec des conseillers. Si le dispositif est largement inspiré des méthodes ethnographiques de l’École de Chicago, Lynda Lavitry explicite sa posture, en soulignant comment elle s’inscrit dans le croisement de sociologies sectorielles, entre sociologie pragmatique, sociologie politique et sociologie des organisations.

    2 Comme le souligne l’auteure, il s’agit ici d’analyser, « leurs caractéristiques sociodémographiques (...)
    3 « L’#activation recouvre en tout cas, de manière centrale, une dimension contractuelle, qui vise à i (...)
    3En préalable à l’explicitation des données de l’enquête, l’auteure dresse la morphologie sociale des conseillers à l’emploi, notamment via les aspects de leur identité professionnelle au sens de Hughes2. Elle observe une féminisation importante des conseillers, leur nette surqualification et une certaine valorisation morale du travail. Elle souligne également ce qu’elle nomme des « parcours empêchés », puisque bon nombre de conseillers n’ont pas choisi par vocation leur métier mais plutôt par défaut, suite à des trajectoires professionnelles #précaires ou des échecs à d’autres concours administratifs. Ces conseillers sont soumis à de fortes injonctions paradoxales, liées à la tutelle de l’État, qui non seulement induisent un déficit de légitimité sociale de leur fonction mais les mettent également en tension entre une logique civique, « plutôt orientée vers une action contre-sélective en faveur des chômeurs » et une #logique_technico-commerciale, « plutôt orientée vers la satisfaction des offres des entreprises » (p. 50). Si les limites floues et réversibles du métier de conseiller à l’emploi ne vont pas sans difficultés et doutes, son utilité sociale demeure incontestable. Cette morphologie sociale des conseillers à l’emploi est enrichie par une présentation du contexte sociohistorique de l’ANPE, depuis sa création en 1967 jusqu’à sa fusion avec les Assedic pour devenir Pôle Emploi en 2009. Les transformations opérées par l’institution portent la marque des politiques publiques de l’emploi qui se sont succédées en France et mettent en évidence trois étapes : la première de 1970 à1980, principalement axée sur des interventions directes et massives en faveur de l’emploi ; la seconde dans les années 1990, privilégiant le traitement social et économique du chômage ; la troisième de la fin des années 1990 au début des années 2000, qui introduit la notion centrale d’activation et les mesures plus focalisées sur l’individu et son employabilité. Dans ce contexte, l’auteure souligne les formes et les bouleversements organisationnels induits par l’émergence d’une #rationalité_gestionnaire au sein de l’institution : gestionnarisation de l’accompagnement, notamment via le passage d’indicateurs d’activité à des indicateurs d’efficacité pour l’évaluation des conseillers, et un Suivi mensuel personnalisé (SMP) non dénué d’ambivalence, pour le suivi des demandeurs d’emploi ; gestionnarisation du tri des chômeurs, notamment à travers le #profilage, qui illustre comment la notion de parcours est davantage liée aujourd’hui à la #recrutabilitié de l’individu qu’à son employabilité ; gestionnarisation des #sanctions, enfin, à travers leur net renforcement.

    #chômeurs

  • Bernard Stiegler : « Le marketing détruit tous les outils du savoir » - Basta !
    http://www.bastamag.net/Bernard-Stiegler-Le-marketing
    http://www.bastamag.net/IMG/arton2202.jpg?1367182468

    En 1977, au moment du mouvement punk, c’est l’enclenchement d’une catastrophe annoncée. La droite radicale pense : il faut remplacer l’État par le marketing. En 1979, arrivent Thatcher puis Reagan en Grande-Bretagne et aux États-Unis, les conservateurs tirent les conséquences de ce qu’on appelle la désindustrialisation. L’énorme RCA (Radio Corporation of America, ndlr) est rachetée une bouchée de pain par Thomson, l’électronique part au Japon, Thatcher a compris que la grande puissance du Commonwealth touche à sa fin. Donc, pour pallier à la déroute de la puissance industrielle, ils se lancent tous les deux dans la spéculation financière. Tout ce système qui s’est écroulé en 2008 a été mis en place à cette époque, c’est l’école de Chicago. Ils dérèglent tout, les puissances publiques, le système social, et de manière systématique. Ils vont tout dézinguer. La conséquence de tout cela, c’est la destruction des savoirs et une nouvelle prolétarisation généralisée.

  • Prix Nobel d’économie 2013 : Vive l’efficience des marchés ! | Olivier Demeulenaere – Regards sur l’économie
    http://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2013/10/17/prix-nobel-deconomie-2013-vive-lefficience-des-marche

    Lu chez Philippe Béchade :

    "Le marché a toujours raison : c’est pour récompenser les travaux prouvant la véracité de cet axiome que messieurs Eugene Fama et Lars Peter Hansen ont reçu le Prix Nobel d’économie (“l’école de Chicago” est ainsi une fois de plus récompensée).

    A force de prétendre que les cours reflètent toute l’information et que le marché est de ce fait pleinement efficient, les plus malins s’emploient à manipuler les indices à qui mieux mieux avec de puissants logiciels algorithmiques (et une force de frappe financière qui se chiffre en milliards de dollars). Personne n’ose plus contester que les niveaux affichés correspondent à la meilleure estimation de la réalité économique.

    Nous assistons à la sacralisation de l’artifice et du panurgisme… et au dévoiement complet des mécanismes de fixation du cours, comme nous l’avons souvent démontré dans cette Chronique.

    Le Nobel millésime 2013 constitue un fantastique encouragement à continuer de manipuler les marchés puisqu’il est désormais gravé dans le marbre qu’un cours — même complètement idiot — est incontestable.

    Nous aimerions beaucoup que deux Nobélisés sur trois du moment nous expliquent comment la valorisation des subprimes, d’Enron, de Fannie Mae, de Lehman ou d’AIG reflétait “toute l’information” avant que leur notation passe de AAA à zéro en quelques jours.

    Tout le monde savait qu’Enron était un repaire d’escrocs de la pire espèce, que Fannie Mae n’était plus en mesure de garantir le moindre prêt hypothécaire, qu’AIG n’avait aucun moyen d’honorer les CDS en cas de défaut des émetteurs de CDO.

    Pour tenter une synthèse entre une théorie systématiquement démentie lors de chaque formation d’une bulle d’actif et notre propre expérience de l’inefficience des marchés, nous dirions que les mensonges officiels et la tromperie délibérée des investisseurs ont exactement la même capacité d’influencer la valeur d’une action, d’une dette (exemple grec ou irlandais) ou d’une devise (exemple argentin en 2001 ou indien en 2013).

    Messieurs Eugene Fama et Lars Peter Hansen semblent avoir négligé que la désinformation est également de l’information… et que dans de nombreuses circonstances, les cours reflètent davantage de tromperie que de prospective intelligente sur le “champ des possibles”."

    #économie
    #Prix-Nobel-d’économie
    #efficience
    #marchés
    #sacralisation de l’ #artifice et du #panurgisme… et au #dévoiement

  • Pacte budgétaire, TSCG et Règle d’or : la nouvelle gouvernance économique européenne - Institut Européen du Salariat

    Cette note fait état de la nouvelle gouvernance économique européenne et ses conséquences sur la justice sociale et la démocratie.

    http://www.ies-salariat.org/spip.php?article138

    Le décès de De Gaule a levé le veto français à l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne (1973) celle-ci est dirigée par Margaret Thatcher et les économistes du parti conservateur, entièrement acquis à l’idéologie économique de l’école de Chicago. Les maîtres-à-penser de ce courant sont les économistes néolibéraux Milton Friedman et Friedrich Von Hayek. Au Chili, leurs disciples expérimenteront leurs recettes en réduisant à néant les conquêtes sociales et économiques apportées par le gouvernement Allende, en conseillant la dictature de Pinochet sur les privatisations du secteur public et la libéralisation du marché privé.