organization:banque mondiale

    • https://www.lorientlejour.com/article/1174205/un-hydrogeologue-repond-au-cdr-pourquoi-stocker-de-leau-superficielle

      Dans le feuilleton à rebondissements de la construction du barrage de Bisri (la vallée entre Jezzine et le Chouf), un nouvel épisode vient de s’inscrire avec une réponse du Conseil du développement et de la reconstruction à des détracteurs du barrage après une éruption violente d’eau souterraine lors de la construction d’un puits destiné au village de Chehim dans l’Iqlim el-Kharroub. Le creusement d’un des puits s’était heurté à une couche de roches calcaires fissurées et fracturées, parcourues de zones caverneuses et de cours d’eau, ce qui a endommagé la structure en cours, selon les informations de l’hydrogéologue Samir Zaatiti à L’Orient-Le Jour. Les détracteurs du barrage, dont il fait partie, se demandent pourquoi stocker une si grande quantité d’eau venue d’ailleurs quand la région est si riche en eau souterraine accessible, d’autant plus que le sous-sol de la vallée pourrait ne pas supporter un poids si considérable.

      Le barrage de Bisri, rappelons-le, sera conçu pour stocker 125 millions de mètres cubes d’eau. Le projet devrait être exécuté par le CDR sur six millions de mètres carrés, pour un budget de plus de 1,2 milliard de dollars assurés par un prêt de la Banque mondiale. Il rencontre une vive opposition de la part des écologistes comme des habitants de la région : les détracteurs du barrage font valoir qu’il s’agit d’une vallée d’une grande beauté, dotée d’une biodiversité impressionnante et renfermant des vestiges historiques de première importance. De plus, ils invoquent tour à tour le fait que la vallée est traversée par l’une des failles géologiques les plus importantes du pays, mais aussi qu’elle possède un système d’eau souterraine qui aurait permis une exploitation différente, moins coûteuse pour l’environnement.

      La réponse du CDR à ces avis contraires, notamment après l’épisode du puits, s’est concentrée à démontrer que « le barrage de Bisri est la meilleure solution technique et économique pour assurer de l’eau au Grand Beyrouth » et que « s’il fallait assurer la même quantité d’eau par les puits, il faudrait en creuser 200, ce qui n’est pas justifiable étant donné le coût que cela impliquerait ». Le CDR assure qu’il n’est pas étonnant que l’eau ait jailli à l’endroit du puits en question, puisque toutes les études avaient montré la richesse de l’endroit en eaux souterraines. « Il ne sert à rien de dire que le niveau élevé de l’eau souterraine est un argument en faveur des détracteurs du barrage, puisque ce fait a toujours été connu », poursuit le communiqué.

      Pour ce qui est des roches fissurées et des grands vides de centaines de mètres sous terre, « il s’agit d’allégations sorties droit de l’imagination de certains », poursuit le texte. « Le travail sur ces puits se poursuivra puisque le niveau élevé constaté actuellement est dû à l’intensité des précipitations cette année et qu’il devrait baisser durant la période d’étiage ou lors de saisons plus sèches », souligne également le CDR. Il précise également que ce projet de creuser quatre puits ainsi que de construire une station de pompage fait partie du projet du barrage et qu’il servira à assurer une quantité supplémentaire d’eau en cas de besoin, le barrage devant également alimenter le caza de Jezzine et l’Iqlim el-Kharroub

  • Pauvreté: la misère des indicateurs

    Alors que l’#ONU s’était félicitée de la diminution de l’#extrême_pauvreté de moitié, la pauvreté, elle, aurait au contraire augmenté depuis 1990. Tout dépend des critères retenus.

    Eradiquer l’extrême pauvreté et réduire de moitié la pauvreté dans le monde. Tels sont les deux premiers buts que se sont fixés les Nations Unies d’ici à 2030 dans le cadre des Objectifs du développement durable (#Agenda_2030). Est-ce réaliste ? Tout dépend de la façon dont seront calculés les résultats !

    En 2015, l’ONU avait annoncé avoir atteint sa cible fixée en l’an 2000 : l’extrême pauvreté avait été réduite de moitié. Pourtant, son mode de calcul est largement contesté aujourd’hui. Non seulement, il n’est pas aisé de mesurer la pauvreté, mais la méthode choisie peut répondre avant tout à des considérations idéologiques et politiques.

    Selon le multimilliardaire #Bill_Gates, s’appuyant sur les chiffres de l’ONU, le monde n’a jamais été meilleur qu’aujourd’hui. Selon d’autres voix critiques, la pauvreté a en réalité progressé depuis les années 1980. Où est la vérité ?

    Le Courrier a voulu en savoir davantage en interrogeant #Sabin_Bieri, chercheuse au Centre pour le développement et l’environnement de l’université de Berne. La spécialiste était invitée récemment à Genève dans le cadre d’une table ronde consacrée à la lutte contre la pauvreté, organisée par la Fédération genevoise de coopération.

    L’ONU s’était félicitée de la réduction de l’extrême pauvreté de moitié (Objectifs du millénaire). Est- ce que cela correspond à la réalité des faits ?

    Sabin Bieri : Si l’on prend le critère qu’elle a choisi pour l’évaluer (élaboré par la #Banque_mondiale), à savoir un revenu de 1,25 dollar par jour pour vivre (1,9 à partir de 2005), c’est effectivement le cas, en pourcentage de la population mondiale. Mais pour arriver à ce résultat, la Banque mondiale a dû modifier quelques critères, comme considérer la situation à partir de 1990 et pas de 2000.

    Ce critère de 1,9 dollar par jour pour évaluer l’extrême pauvreté est-il pertinent justement ?

    Ce chiffre est trop bas. Il a été choisi en fonction de quinze pays parmi les plus pauvres du monde, tout en étant pondéré dans une certaine mesure par le pouvoir d’achat dans chaque pays. Ce seuil n’est vraiment pas adapté à tous les pays.

    Et si une personne passe à trois dollars par jour, cela ne signifie pas que sa qualité de vie se soit vraiment améliorée. De surcroît, la majeure partie de cette réduction de l’extrême pauvreté a été réalisée en #Chine, surtout dans les années 1990. Si on enlève la Chine de l’équation, la réduction de l’extrême pauvreté a été beaucoup plus modeste, et très inégale selon les continents et les pays. On ne peut donc plus s’en prévaloir comme un succès de la politique internationale ! L’extrême pauvreté a beaucoup augmenté en #Afrique_sub-saharienne en particulier.

    Tout cela est-il vraiment utile alors ?

    Il est pertinent de parvenir à une comparaison globale de la pauvreté. Je vois surtout comme un progrès le discours public qui a émergé dans le cadre de ces Objectifs du millénaire. La réduction de l’extrême pauvreté est devenue une préoccupation centrale. La communauté internationale ne l’accepte plus. Un débat s’en est suivi. Accepte-t-on de calculer l’extrême pauvreté de cette manière ? Comment faire autrement ? C’est là que j’y vois un succès.

    Dans ses travaux, le chercheur britannique #Jason_Hickel considère que la Banque mondiale et l’ONU ont choisi ces chiffres à des fins idéologiques et politiques pour justifier les politiques néolibérales imposées aux pays du Sud depuis la fin des années 1980. Qu’en pensez-vous ?

    Ce n’est pas loin de la réalité. Ce sont des #choix_politiques qui ont présidé à la construction de cet #indice, et son évolution dans le temps. La Banque mondiale et le #Fonds_monétaire_international ont mené des politiques d’#austérité très dures qui ont été vertement critiquées. Si on avait montré que la pauvreté avait augmenté dans le même temps, cela aurait questionné l’efficacité de ces mesures. Au-delà, ces #chiffres sur l’extrême pauvreté sont utilisés par nombre de personnalités, comme le professeur de l’université d’Harvard #Steven_Pinker pour justifier l’#ordre_mondial actuel.

    Certains experts en #développement considèrent qu’il faudrait retenir le seuil de 7,4 dollars par jour pour mesurer la pauvreté. A cette aune, si l’on retire les performances de la Chine, non seulement la pauvreté aurait augmenté en chiffres absolus depuis 1981, mais elle serait restée stable en proportion de la population mondiale, à environ 60%, est-ce exact ?

    Oui, c’est juste. Nombre de pays ont fait en sorte que leurs citoyens puissent vivre avec un peu plus de 2 dollars par jour, mais cela ne signifie pas qu’ils aient vraiment augmenté leur #standard_de_vie. Et le plus grand souci est que les #inégalités ont augmenté depuis les années 1990.

    Une mesure plus correcte de la pauvreté existe : l’#Indice_de_la_pauvreté_multidimensionnelle (#IPM). Qui l’a développé et comment est-il utilisé aujourd’hui dans le monde ?

    Cet indice a été créé à l’université d’Oxford. Adapté par l’ONU en 2012, il est composé de trois dimensions, #santé, #éducation et #standard_de_vie, chacune représentée par plusieurs indicateurs : le niveau de #nutrition, la #mortalité_infantile, années d’#école et présence à l’école, et le #niveau_de_vie (qui prend en compte l’état du #logement, l’existence de #sanitaires, l’accès à l’#électricité, à l’#eau_potable, etc.). L’indice reste suffisamment simple pour permettre une #comparaison au niveau mondial et évaluer l’évolution dans le temps. Cela nous donne une meilleure idée de la réalité, notamment pour les pays les moins avancés. Cela permet en théorie de mieux orienter les politiques.

    https://lecourrier.ch/2019/06/13/pauvrete-la-misere-des-indicateurs
    #indicateurs #pauvreté #statistiques #chiffres #ressources_pédagogiques #dynamiques_des_suds

    ping @reka @simplicissimus

    • J’explique régulièrement que l’argument monétaire est globalement de la grosse merde pour évaluer la pauvreté. Ce qu’on évalue, en réalité, c’est la marchandisation de populations qui étaient jusqu’à présent épargnées et donc une réelle augmentation de la pauvreté inhérente au fonctionnement du capitalisme.

      Un exemple simple pour comprendre : une famille de petits paysans qui vivent plus ou moins en autosuffisance.

      Ils ont un toit sur la tête (mais pas forcément l’eau courante et l’électricité) et ils cultivent et élèvent une grande part de leur alimentation. Les excédents ou produits d’artisanat permettent éventuellement d’acquérir des merdes modernes sur le marché monétarisé, mais majoritairement, ils échangent avec des gens comme eux.
      Ils sont classés extrêmement pauvres par la BM, parce qu’ils n’ont pas 2$/jour.

      Maintenant, ils sont dépossédés de leur lopin de terre, expulsés par le proprio ou à la recherche d’une vie plus moderne en ville.
      En ville, ils n’ont plus de toit sur la tête et tous leurs besoins fondamentaux sont soumis à la nécessité d’avoir de l’argent. S’ils se prostituent ou louent leur bras pour les jobs pourris et dangereux que personne ne veut, ils pourront éventuellement gagner assez pour manger un jour de plus (pas pour se loger ou subvenir à leurs besoins vitaux), ils n’auront jamais été aussi démunis et proches de la mort, mais du point de vue de la BM, ils sont sortis de la grande pauvreté parce qu’ils se vendent pour plus de 2$/jour.

      L’IPM est mieux adapté, mais je doute qu’on l’utilise beaucoup pour se vanter du soit-disant recul de la pauvreté dans le monde !

    • En fait, si, en France, être pauvre prive de l’accès à beaucoup de choses.
      Prenons le RSA 559,74€ pour une personne seule, moins le forfait logement de 67,17 (en gros 12% du montant), soit, royalement 492,57€ → 16,42€/jour pour les mois à 30 jours.

      Ceci n’est pas de l’argent de poche. En admettant que l’on touche l’APL au taquet, ce qui n’est jamais évident, on peut ajouter 295,05€ max d’APL à Paris et 241,00 pour un bled quelconque de province. Comparez avec le montant des loyers pratiqués, le prix des factures (eau, énergie, au même prix pour tout le monde) et demandez-vous comment fait la personne pour seulement se nourrir correctement.

    • Être pauvre monétairement est surtout du au fait que seules les banques sont autorisées a créer la monnaie (€)
      Mais rien nous empêche de créer notre propre monnaie (sans banque ni état), une monnaie créée à égalité par les citoyens pour les citoyens. Un vrai Revenu Universel n’est pas compliqué a mettre en place, ce sont seulement des chiffres dans des ordinateurs (comme pour l’€).
      Une nouvelle monnaie pour un nouveau monde ;)
      https://www.youtube.com/watch?v=SjoYIz_3JLI

  • Bientôt un identifiant numérique pour tous ? | Les Echos
    https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/bientot-un-identifiant-numerique-pour-tous-1016724


    Ben voyons, c’est juste pour aller vers le meilleur des mondes !
    Bêtement, je croyais que le truc important, c’est que chaque être humain est accès à une vie décente où tous ses besoins primaires sont satisfaits, mais non, la priorité, c’est que chaque personne, même crevant de faim ou de soif, ait un identifiant numérique !

    Autant d’expérimentations qui ont donné à certains responsables l’idée de fournir directement une identité digitale à toutes les personnes actuellement sans papier à travers le monde. Une initiative soutenue en particulier par la Banque mondiale . « Cela coûtera 9 milliards de dollars [NDLR : 8,07 milliards d’euros], détaille Vyjayanti Desai, responsable du programme ID4D (Identification for Development) de la Banque mondiale, à Washington. Une trentaine de pays ont lancé des études en ce sens : nous leur fournissons une aide technique ou financière. » La Banque mondiale a prévu de débloquer au total 1 milliard de dollars pour ce programme. Le 12 avril dernier, elle avait organisé une conférence sur ce projet. Un jury a récompensé les meilleures idées pour déployer une identité numérique, tout en protégeant les données et la vie privée.

  • Agriculture en RDC : un collectif d’associations appelle à soutenir les familles plutôt que les industriels
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/04/17/agriculture-en-rdc-un-collectif-d-associations-appelle-a-soutenir-les-famill

    « Nous demandons à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement de soutenir en priorité l’agriculture familiale et le désenclavement des zones rurales », a déclaré ce collectif de quatre associations au cours d’une conférence de presse mardi à Kinshasa.

    Ces associations demandent à la Banque mondiale de « tirer les leçons de la débâcle » du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, une exploitation de 75 000 hectares lancée en 2014 sous la présidence de Joseph Kabila à 220 km à l’est de la capitale. Avec l’appui d’un partenaire sud-africain, Africom Commodities, les autorités congolaises voulaient dépasser la petite agriculture de subsistance.
    « Concentration de la richesse »

    Le projet n’a jamais véritablement été mis en œuvre hormis l’ouverture de six points de vente à Kinshasa, mégalopole de 12 millions d’habitants. La production est au point mort. Africom réclame à la RDC le remboursement de 20 millions de dollars (17,67 millions d’euros).

    Africom est une entreprise sud-africaine
    #agriculture #agro-industrie

  • • Du nouveau sur madame Laurence Tubiana (et sur le mouvement Climat)
    http://fabrice-nicolino.com/?p=4785

    Du nouveau sur madame Laurence Tubiana (et sur le mouvement Climat)
    13 avril 2019Climat
    Allez, je vous raconte tout. Mais attention, je compte sur vous pour faire circuler les informations importantes que contient ce papier. Je veux vous parler de madame Laurence Tubiana, que j’ai sévèrement étrillée ici (le ridicule…) le 3 mars 2008. Comme le temps passe, hein ?

    Vous lirez peut-être ce lointain écho, qui vaut la peine selon moi. Si je reprends la plume, c’est que madame Tubiana, politicienne invétérée, est en train de réussir un rétablissement surprenant pour moi dans le mouvement Climat en cours, qui contient diverses promesses, dont celle d’une intervention enfin réelle de la jeunesse.

    Madame Tubiana a un long passé que personnellement, je juge détestable. Elle a travaillé pour l’Inra, institut au service de l’agriculture industrielle et pesticidaire. Elle a travaillé pour la Banque mondiale, l’un des moteurs essentiels de la destruction du monde. Elle a travaillé pour les services de Bruxelles, centrée sur les mêmes objectifs.

    Comme elle est de gauche – on ne rit pas -, elle a fait partie du cabinet de Lionel Jospin quand celui-ci était Premier ministre entre 1997 et 2002. Je rappelle aux oublieux que cette époque était cruciale. La France eût pu mener une politique cohérente de lutte contre le dérèglement climatique. Mais Jospin, en bon progressiste, était en vérité un climatosceptique, et en nommant ministre son compère Claude Allègre, ami de quarante ans, il savait bien ce qui se se passerait. Rien. Laurence Tubiana, dont le rôle était d’éclairer ce gouvernement négationniste de la crise climatique, n’aura pas moufté une seule fois.

    En 2001, elle a créé l’Institut du développement durable et des relations internationales (Idri) au conseil d’administration duquel se trouvaient le cimentier Lafarge, Véolia Environnement, et même Coca-Cola, Arcelor-Mittal, EDF, Rhodia, Dupont de Nemours, Solvay, Renault, Sanofi-Aventis, etc, etc.

    Elle a soutenu Hollande en 2012 – peut-on imaginer plus indifférent à la crise climatique ? – et en échange sans doute, a obtenu la présidence du conseil d’administration de l’Agence française du développement (AFD) en 2013. L’AFD ! Je n’ai pas le temps de détailler, mais cette structure, qui a été au centre de l’histoire de la Françafrique, mène des actions de « développement » dans le monde, mot qui est un synonyme de destruction des écosystèmes.

    Elle a été la personnalité socialo centrale de la funeste Cop21 qui, en décembre 2015, a fait croire au monde qu’on s’attaquait au dérèglement climatique quand on s’y congratulait entre nantis venus en avion du monde entier.

    Et comme il n’y a pas de petit profit politicien, madame Tubiana siège aujourd’hui, sur décision de monsieur Macron, dans le haut conseil Climat, machin aussi inutile et néfaste que tous les autres.

    Bref, amis et lecteurs, madame Tubiana n’est pas une alliée, mais une adversaire décidée, qui vit fort bien dans ce monde – c’est d’ailleurs son droit – et n’entend pas y changer quoi que ce soit. Mais voilà que j’apprends que certains tentent de lui faire une belle place dans le mouvement Climat lancé notamment par la jeunesse d’une partie du monde, et arrivé là, je le dis et le clame : halte-là ! Laurence Tubiana appartient à l’univers politique qui a empêché toute mesure efficace pour lutter contre le drame climatique dans lequel nous sommes plongés. Quiconque veut avancer vraiment doit savoir sur qui s’appuyer et qui repousser. Madame Tubiana ne doit pas monter à bord.

    #greenwasching #vieuxmonde #climat #ordure

  • L’Equateur retire l’asile à Julian Assange, la police britannique l’arrête dans l’ambassade (VIDEO) — RT en français
    https://francais.rt.com/international/60877-equateur-retire-asile-julian-assange-police-britannique-arrete-am
    https://www.youtube.com/watch?v=7Z00wtysST4

    Le lanceur d’alerte Julian Assange, réfugié depuis près de sept ans dans l’ambassade d’Equateur à Londres, a été arrêté ce 11 avril par la police britannique après que Quito a révoqué son asile.

    #WikiLeaks

    • Des fois qu’y est un rapport...
      https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/201902/20/01-5215529-lequateur-obtient-102-milliards-de-dollars-du-fmi-et-de-la-banqu

      L’Équateur a obtenu 10,2 milliards de dollars de crédits de la part d’organismes internationaux, principalement le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, avec lesquels le gouvernement précédent avait rompu, a annoncé mercredi le président Lenin Moreno.

    • Sinon, j’adore la langue de bois :

      Un accord avec le FMI améliorera le cadre de restructuration économique et permettra l’accès aux autres organisations multilatérales comme la Banque mondiale (BM), la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Corporation andine de développement (CAF). C’est pourquoi à la fin du mois de janvier 2019 s’est tenue une réunion avec le président de la République de l’Équateur, Lenín Moreno, son ministre des Finances Richard Martínez, et la directrice générale du FMI, Christine Lagarde.

      Cette rencontre promet des bénéfices, mais aussi des conditions à remplir par l’Équateur. Parmi les mesures du FMI figurent l’augmentation de la TVA, la subvention pour l’essence, la restructuration de la dette actuelle, le calcul de l’âge de la retraite, les réformes des contributions de sécurité sociale et la flexibilité du travail .

      Cette alliance aurait de ce fait pour résultat une consolidation budgétaire et un bon positionnement dans le marché mondial. En outre, cela comporterait la reprise des relations avec le FMI après avoir rompu tout lien avec lui au cours du gouvernement de l’ancien président, Rafael Correa. Une équipe du FMI se trouve déjà à Quito pour envisager l’amélioration du cadre de politique économique, ce qui peut comporter des avantages pour les citoyens équatoriens, essentiellement les plus pauvres et les plus vulnérables . De même, il y aurait une amélioration en ce qui concerne la compétitivité, la génération d’emplois, le renforcement des bases institutionnelles de la dollarisation et la lutte contre la corruption, d’après le porte-parole du FMI, Gerry Rice.

      http://www.espaces-latinos.org/archives/75085
      Le gros foutage de gueule!

    • Cependant, le Venezuela est loin d’être le seul pays d’Amérique latine à être visé par ces armes financières déguisées en institutions financières “indépendantes”. Par exemple, l’Equateur – dont l’actuel président a cherché à ramener le pays dans les bonnes grâces de Washington – est allé jusqu’à effectuer un “audit” de son asile de journaliste et éditeur de WikiLeaks, Julian Assange, afin de gagner un sauvetage de 10 milliards de dollars du FMI. L’Équateur a accordé l’asile à Assange en 2012 et les États-Unis ont demandé avec ferveur son extradition pour des charges encore scellées depuis lors.

      De plus, en juillet dernier, les États-Unis ont menacé l’Équateur de “mesures commerciales punitives” s’ils introduisaient à l’ONU une mesure visant à soutenir l’allaitement maternel plutôt que les préparations pour nourrissons, ce qui a stupéfié la communauté internationale mais a mis à nu la volonté du gouvernement américain d’utiliser des “armes économiques” contre les nations latino-américaines.

      http://unpeudairfrais.org/wikileaks-revele-que-les-etats-unis-ont-utilise-le-fmi-et-la-banque-

    • Il s’agit, a affirmé l’ex-chef d’Etat, de la révélation par le site Wikileaks « au niveau mondial » de l’existence d’« un compte secret au Panama, à la Balboa Bank », au nom de la famille Moreno. La semaine dernière, WikiLeaks déjà avait établi un lien entre le risque d’expulsion d’Assange et la publication d’informations privées compromettantes pour Lenin Moreno. « Des rumeurs injurieuses ! », avait réagi Quito. Selon Rafael Correa, ces accusations de corruption ont été « l’élément détonateur » qui a poussé Lenin Moreno à se « venger » en permettant à la police britannique d’entrer dans l’ambassade de Londres pour arrêter Assange.

      « Quelque chose d’incroyable, vraiment sans précédent », a-t-il dénoncé, rappelant que le fondateur australien de WikiLeaks, âgé de 47 ans, avait acquis en 2017 la nationalité équatorienne. Dans un tweet en fin de matinée, Rafael Correa avait déjà fustigé son ancien allié, ex vice-président sous sa mandature, le qualifiant de « plus grand traître de l’histoire latino-américaine ». Moreno a défendu le retrait de l’asile accordé à Assange, une décision présentée comme « souveraine ».

      http://www.lefigaro.fr/flash-actu/assange-une-vengeance-personnelle-du-president-equatorien-20190411

      On sent que le FMI n’a pas dû beaucoup insister, vu que le nouveau président équatorien est un gros corrompu !

    • L’arrestation de Julian Assange à Londres est « très choquante », estime Dick Marty. « Assange n’a fait que dire la vérité. Il a révélé des actions criminelles et réveillé la conscience internationale », déclare l’ancien rapporteur sur les prisons secrètes de la CIA pour le Conseil de l’Europe.

      L’ancien procureur général tessinois dénonce les pressions de « l’empire » américain sur les Etats impliqués dans cette affaire et les méthodes de la justice américaine.

      « Moi-même, j’évite pour l’instant de voyager aux Etats-Unis, révèle-t-il. Ils pourraient m’interroger sur les sources de mes rapports et me retenir, car je ne pourrais évidemment pas les dévoiler. »

      « Il faut être réaliste, ce n’est pas un système dans lequel, si vous êtes un cas de sécurité nationale, vous pouvez espérez de la justice », estimait lui-même Julian Assange en parlant des Etats-Unis dans un entretien à la RTS en 2015.

      https://www.rts.ch/info/monde/10359555--je-suis-choque-assange-n-a-fait-que-dire-la-verite-clame-dick-marty.ht
      https://www.rts.ch/play/tv/popupvideoplayer?id=10359748&startTime=9.486

    • A tous ceux qui nous ont abandonné : nous n’oublierons pas. A tous les autres : nous nous battrons jusqu’au bout pour empêcher l’extradition et la mise au ban de celui qui fut, il y a deux ans, reconnu par l’ONU comme le seul détenu politique du continent.

      Les cinq ans de prison auxquels fait face théoriquement Julian Assange sont d’évidence une façon pour les Etats-Unis d’obtenir son extradition – en prétendant à une peine légère – afin d’ensuite dévoiler l’ensemble des autres poursuites qui pourraient le mener à la prison à vie.

      Il n’y a aucun doute sur le fait que cette procédure, enclenchée dès le départ dans un seul but, détruire Wikileaks et cet individu, est politique et ne s’achèvera que lorsqu’il sera complètement écrasé.

      C’est à nous de l’éviter.

      Juan Branco

    • Contrary to Reports, the U.S. Gov. Can Add Charges After Assange Extradition
      http://accuracy.org/release/contrary-to-reports-the-u-s-gov-can-add-charges-after-assange-extradition

      He said today: “The New York Times report is wrong and understates the dangers to Assange. What it states is normally the case in extradition treaties, but it’s not the case in the relevant U.S.-British extradition treaty.

      “Once the U.S. government has Assange over here, they can concoct whatever charges they want to against him for anything and then ask the British to waive what’s called the Rule of Specialty. That could add up to much more than the current five years Assange is facing. The British government will almost certainly consent, unless Jeremy Corbyn becomes prime minister.

    • Assange refuse d’être extradé vers les Etats-Unis
      https://information.tv5monde.com/info/assange-refuse-d-etre-extrade-vers-les-etats-unis-298090

      Le représentant de la justice américaine, Ben Brandon, a confirmé jeudi qu’il risquait une peine maximale de cinq ans de prison.

      Mais les soutiens de Julian Assange craignent que les charges ne soient alourdies, la justice britannique n’ayant pas encore reçu tous les documents concernant la demande américaine.

    • Dans un article au titre évocateur - L’incroyable rétrécissement de l’Europe - le pourtant européiste Wall Street Journal se lamente : selon la Banque mondiale, entre 2009 et 2017, la croissance a atteint 139% en Chine, 96% en Inde, 34% aux Etats-Unis et... - 2% dans l’UE !! Bruxelles ou la seule zone de décroissance de la planète. De quoi donner du grain à moudre aux z’horribles partis « populistes » qui ne manquent pas de répéter que la zone euro est un véritable trou noir économique, un tonneau sans fond, et que la monnaie unique est un boulet.

      Le micron élyséen s’en rend bien compte, en proie à son propre « Maïdan » des Gilets Jaunes. L’ironie n’aura échappé à personne... Ceux-la même qui tressaient des louanges aux cagoulés néo-nazis de Kiev prennent aujourd’hui des airs consternés devant la révolte de la France d’en bas. Dans le rôle du clown de service, BHL est imbattable. Celui qui tapait sur l’épaule des nervis de Svoboda et du Pravy Sektor est soudain terrorisé devant le « fascisme nouveau » qui verrait apparemment le jour en France. Si les cons volaient...

    • Complètement perdue dans ce maelstrom, la presstituée européenne tente maladroitement de surnager. Ne sachant plus très bien dans quel sens doit aller sa propagande, elle se contente ces derniers temps de couvrir ses mensonges passés.

      Quand le comité d’enquête bipartisan du Sénat américain arrive à la conclusion qu’il n’y a pas eu de collusion entre Trump et la Russie, la MSN états-unienne fait une tête d’enterrement mais se voit tout de même obligée d’en parler. Ce n’est pas le cas de sa consoeur européenne qui, après deux ans de désinformation systématique, passe tout simplement la nouvelle sous silence. Pas vu, pas pris...

      Autre nouvelle escamotée, l’admission par le producteur de la BBC en charge de la Syrie que l’attaque chimique de la Douma était une mise en scène, une obscène masqarade. Certes, le fidèle lecteur du blog le sait depuis longtemps, mais imaginez la panique parmi la journaloperie. On imagine la fébrilité gagner les couloirs des rédactions et le caquètement de nos plumitifs : que fait-on ? La solution la plus simple est souvent la meilleure : rien. Le silence des vautours soudain devenus agneaux.

  • Bruxelles contre l’Europe Christian Rioux - 8 Février 2019 - Le Devoir
    https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/547418/bruxelles-contre-l-europe

    Faut-il y voir un nouvel exemple du déclin de l’Europe ? Mercredi, la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, a annoncé qu’elle imposerait son veto à la fusion des entreprises Alstom et Siemens. Selon Bruxelles, la fusion des géants français et allemand du chemin de fer, pourtant souhaitée par les deux pays, enfreint les règles de la concurrence européenne. C’est ainsi que Bruxelles vient d’immoler sur l’autel du sacro-saint marché libre la possibilité de créer un géant européen du chemin de fer, et cela, alors même que le mastodonte chinois CRRC est déjà numéro un mondial.

    Pourtant, faites le test. Demandez à n’importe qui de nommer la plus grande réalisation de l’Europe depuis 50 ans et il y a fort à parier que surgira le nom d’Airbus. Mais ce qui était possible dans l’Europe de de Gaulle et de Willy Brandt pour contrer l’Américain Boeing ne l’est plus aujourd’hui. Avec pour résultat que l’Europe ne compte pratiquement aucun géant dans des domaines aussi importants que le nucléaire, la téléphonie, l’Internet et le numérique.

    De là à conclure qu’en passant du Marché commun à la monnaie unique, le continent a fabriqué son propre déclin, il n’y a qu’un pas. C’est la thèse que défend brillamment le livre de l’économiste Ashoka Mody intitulé Eurotragedy (Oxford University Press). Ancien du FMI et de la Banque mondiale, Mody ne flirte ni avec le Rassemblement national, en France, ni avec Syriza, en Grèce. Son livre a d’ailleurs remporté le prestigieux prix du Livre économique de l’année décerné par l’Association des éditeurs américains.

    Dans ces 600 pages, l’économiste de Princeton raconte une tragédie qui, depuis vingt ans, mène l’Europe de déboires en déboires. Selon lui, non seulement la monnaie unique fut une erreur magistrale, mais depuis, l’Europe s’est enfermée dans une véritable « bulle cognitive » qui ne fait qu’aggraver son erreur et la rend sourde à ce que disent les peuples et la réalité économique.

    Les esprits les plus éclairés avaient pourtant tiré la sonnette d’alarme. Trente ans avant la crise grecque, Nicholas Kaldor, de l’Université de Cambridge, avait mis en garde les Européens contre un projet qui, en obligeant les pays les plus riches à soutenir les plus pauvres, diviserait profondément les vieilles nations européennes. Car il a toujours été clair que jamais l’Allemagne n’accepterait la moindre forme de péréquation, une condition pourtant indissociable de toute union monétaire.

    Bien avant la monnaie unique, le « serpent monétaire européen » et le Mécanisme européen des taux de change avaient montré l’impossibilité d’imposer une discipline monétaire commune à des pays aussi différents, explique Mody. Mais l’idéologie ne s’embarrasse ni du réel ni des peuples et de leur histoire. Les résultats ne se feront pas attendre. Sitôt les taux de change devenus fixes, la France verra ses excédents commerciaux fondre au soleil. Avec le recul, on voit que Paris a été pris à son propre jeu, dit Mody, lui qui croyait harnacher ainsi l’étalon allemand. Non seulement l’économie allemande a-t-elle continué à dominer l’Europe, mais l’euro permet aujourd’hui à Berlin de dicter ses réformes économiques à la France.

    Parodiant Aristote, l’économiste se demande comment « des hommes et des femmes éminemment bons et justes » ont pu déclencher une telle tragédie « non par vice et dépravation », mais par « erreur et faiblesse ». Selon lui, l’euro fut d’abord et avant tout un choix idéologique défiant toutes les lois de l’économie et de la géopolitique. Dans un monde de taux flottants, les pays européens se privaient de cette souveraineté monétaire qui agit comme un « pare-chocs ». Les dévaluations permettent aux plus faibles de reprendre leur souffle, contrairement à ce que croyaient Pompidou et Giscard d’Estaing, qui y voyaient un objet de honte.

    En entrevue sur le site Atlantico, https://www.atlantico.fr/decryptage/3565100/-la-tragedie-de-l-euro-ou-l-incroyable-bulle-cognitive-dans-laquelle-l-eur l’économiste note que les électeurs qui avaient voté en France contre le traité de Maastricht (1992) ressemblent étrangement à ces gilets jaunes qui ont récemment occupé les ronds-points. C’est de cette époque que date, dit-il, le début de la rébellion d’une partie de la population contre l’Europe. « Au lieu d’entendre la voix du peuple et de colmater la fracture, les responsables européens ont décidé de l’ignorer. »

    Ashoka Mody n’est pas antieuropéen. Au contraire, il rêve même d’une « nouvelle république des lettres » fondée sur la diversité des peuples européens. Selon lui, l’idéologie du « toujours plus d’Europe » est en train de déconstruire l’extraordinaire réussite économique qui avait caractérisé le Marché commun. Le refus de fusionner Alstom et Siemens en fournit aujourd’hui la preuve par l’absurde. Même le « couple franco-allemand » s’en trouve ébranlé.

    Soit Bruxelles accepte de redonner leur souveraineté aux États membres, dit l’économiste, soit l’euro continuera à agir comme « une force de décélération économique ». Dans ce cas, l’optimisme n’est guère de mise. Chaque nouvelle crise « surviendra dans un contexte de vulnérabilité financière et économique encore plus grand ». Or, la prochaine pourrait bien « déchirer durablement le délicat tissu européen ».

    #Ashoka_Mody #économie #monaie #euro #monaie_unique #UE #union_européenne #marché_commun #déclin #Alstom #Siemens

    • #Ashoka_Mody est professeur de politique économique internationale à l’Ecole Woodrow Wilson de l’Université de Princeton. Il fut Directeur Adjoint du Fonds Monétaire International, et a également travaillé à la Banque Mondiale, et aux Laboratoires AT&T Bell. Ashoka Mody a conseillé des gouvernements pour des projets financiers et de politique de développement. Il est le lauréat du prix du livre économique de l’année 2018, de l’association des éditeurs américains pour son livre EuroTragedy A Drama in 9 acts (éditions OUP USA).

  • Plongée dans la complexité des #inégalités mondiales - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/080219/plongee-dans-la-complexite-des-inegalites-mondiales

    Plongée dans la complexité des inégalités mondiales
    8 FÉVRIER 2019 PAR ROMARIC GODIN
    Les éditions La Découverte publient la traduction française de l’ouvrage d’un des plus grands spécialistes des inégalités, Branko Milanović. Un texte dense et riche, nécessaire à la compréhension d’un des sujets les plus brûlants du moment.

    Ce phénomène est relativement récent et il est devenu réellement central avec la grande crise entamée en 2007. Parmi ceux qui, auparavant, ont contribué à faire émerger ce problème, on trouve Branko Milanović, formé en Yougoslavie et économiste en chef de la Banque mondiale de 1994 à 2001. Son dernier ouvrage, publié en anglais en 2016, paraît le 7 février dans sa traduction française aux éditions La Découverte, sous le titre Inégalités mondiales – Le destin des classes moyennes, les ultra-riches et l’égalité des chances.

    Et, comme le souligne l’auteur, plus les revenus sont hauts, plus la concentration de #richesse est élevée. Ceux qu’il appelle les « vrais ploutocrates mondiaux », les 1 426 milliardaires (soit approximativement 0,000002 % de la population mondiale) recensés par #Forbes, pourraient ainsi concentrer 2 % des richesses mondiales. Leur poids en termes de richesse est donc un million de fois supérieur à leur poids réel dans la population. Et, entre 1987 et 2013, leur richesse a progressé deux fois plus vite que le PIB mondial.

    Le rôle des inégalités nationales reste cependant « secondaire » pour l’instant, car, comme l’explique Branko Milanović, les inégalités entre pays demeurent beaucoup plus élevées que les inégalités à l’intérieur des pays. En d’autres termes, les inégalités selon le lieu restent beaucoup plus fortes que les inégalités selon la #classe, qui étaient le phénomène dominant au début du XIXe siècle.

    Logiquement, les sociétés riches tendent à se refermer sur elles-mêmes pour protéger cette richesse et à oublier les oppositions de classe. Branko Milanović ne va pas jusque-là mais son analyse permet d’éclairer la #crise_de_la_gauche dans les pays avancés et le succès d’une extrême droite qui défend précisément « cette alliance de classe contre l’étranger ». C’est la traduction politique de cette période hybride en termes d’inégalités que nous vivons.

    Il tient cependant pour vain et inefficace de chercher à bloquer les flux par des barrières ou des politiques « d’#immigration choisie ». Pour lui, la solution consisterait plutôt à permettre des flux plus importants de personnes, tout en proposant aux migrants des droits inférieurs aux citoyens du pays d’accueil. Il y aurait ainsi « deux ou trois niveaux de citoyenneté, pendant un temps au moins ».

  • La fuite de documents par Wikileaks révèle l’utilisation militaire américaine du FMI et de la Banque mondiale comme armes « non conventionnelles ».
    https://www.crashdebug.fr/international/15618-la-fuite-de-documents-par-wikileaks-revele-l-utilisation-militaire-

    Pourquoi croyez vous qu’ont ai un type comme Emmanuel Macron comme président ? C’est pareil pour la France, ils ont utilisé la dette sortie d’un chapeau et fabriqué de toutes pièces depuis 1973 pour « piéger » le pays et ont imposé par l’intermédiaire de Europe des programmes d’ « ajustements structurels » (loi travail etc...) qui entraînent la privatisation massive des actifs publics, la déréglementation et l’austérité... (Plus d’info sur leur techniques d’après les révélations d’un de leur ex-agent : John Perkins, ci dessous)

    WASHINGTON - Dans un manuel militaire sur la « guerre non conventionnelle » récemment mis en lumière par WikiLeaks, l’armée américaine déclare que les grandes institutions financières mondiales - telles que la Banque mondiale, le Fonds (...)

    #En_vedette #Actualités_internationales #Actualités_Internationales

  • BILD in Venezuela : »Mein Kind muss sterben, weil ich kein Geld habe
    https://www.bild.de/politik/ausland/politik-ausland/bild-in-venezuela-mein-kind-muss-sterben-weil-ich-kein-geld-habe-59901546.bild.


    Quelle : BILD / Giorgos Moutafis, Paul Ronzheimer

    Le weekend commence et vous avez droit de la part de BILD à un reportage à vous faire pleurer . On vous y explique à quel point la situation au #Venezuela est tragique. La version dans l’édition sur papier ne contient que cette information. L’édition en ligne révèle son caractère manipulateur et faux. Des textes et graphiques supplémentaires expliquent le déclin du Venezuela vers l’enfer sans mentionner la guerre de la bourgeoisie et des bandes armée contre l’état, ses institutions et les défenseur de la politique socialiste du président. Bien entendu le journal ne fait pas allusion au boycott des #USA et des manoeuvres des corporations comme la saisie des infrastructures d’export de petrole. La conclusion implicite s’impose : c’est la faute aux Chavez, Maduro et leurs hordes socilistes si le pays est dans un tel état.

    Le message au public allemand est évident : Soutenez la ligne de la chancelière et soutenez les sanctions contre le Venezuela afin de stopper la catastrophe. L’Allemagne n’enverra pas de troupes en Amérique latine mais les lecteurs peu conscients des détails de la manipulation de BILD acceuilleront avec soulagement l’invasion du pays par les armées des ètats-Unis et des pays voisins contrôlés par des gouvernements de droite.

    Prendre en hôtage emotionnellement le public est une technique de manipulation chère aux militaristes. Dans le cas du Venzuela on ne peut pas appeller à la défense de nos campagnes, alors il faut un enfant ou un petit chien prétendument victime de machinations socialistes.

    Je me rappelle encore que les USA ont envahi la petite île de Grenade pour moins que cela. Heureusement le Venezuela a davantage d’allié que la petite île de la noix de muscade.

    BILD in Venezuela »Mein Kind muss sterben, weil ich keine Dollars habe

    Hyper-Inflation +++ Nahrungsmittel werden knapp +++ Ein Land vor dem Kollaps

    von: PAUL RONZHEIMER und GIORGOS MOUTAFIS (Caracas) veröffentlicht am 01.02.2019 - 22:26 Uhr
    Wenn sie über die zwei kleinen Jungen spricht, die neben ihrer Tochter Valentina (5) im Kinderkrankenhaus von Caracas gestorben sind, kommen Hilmar (34) die Tränen.

    „Sie hätten Medizin gebraucht, nach einer Therapie, bei Ihnen in Deutschland wären sie jetzt noch am Leben“, sagt sie zu uns. „Ich habe so große Angst, dass Valentina auch sterben muss, weil es keine Hilfe gibt.“

    Es ist Freitagmorgen in Caracas, wir sitzen im Kindergarten von Valentina, gerade eben haben alle zusammen die venezolanische Nationalhymne gesungen. Valentina trägt eine Schutzmaske, jeder Keim ist gefährlich für sie: Das Mädchen hat Leukämie (Blutkrebs), entdeckt wurde die Krankheit 2017.


    Hilmar (34) kämpft für ihre krebskranke Tochter – aber weiß nicht, was sie noch tun soll Foto: Giorgos Moutafis
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    Wer in Venezuela ins Krankenhaus kommt, hat ein hohes Risiko, dort zu sterben.

    Der Strom fällt aus, kaputte OP-Geräte, das Wasser ist schmutzig, Desinfektionsmittel fehlen. Aber das größte Problem: Es gibt kein Geld für teure Medikamente, die importiert werden müssen. Hilmar: „Ich habe der Regierung gesagt, dass mein Kind Leukämie hat, dass ich Hilfe brauche. Aber sie haben nur gesagt: Wir können nichts tun.“

    Hilmar musste das Geld für die erste Therapie privat auftreiben, hat ihr Auto und alle Habseligkeiten verkauft, wandte sich an Hilfsorganisationen, sammelte Spenden. Sie schaffte es, die erste Therapie zu finanzieren.


    Abgewetzte Matratzen: Wegen des fehlenden Geldes ist die Krankenhausausstattung in einem schlimmen Zustand Foto: Cristian Hernandez


    Zum Schaudern: Blick in ein Krankenhauszimmer in Venezuela Foto: Agustín Rodríguez/BILD

    Aber jetzt, knapp anderthalb Jahre später, braucht Valentina eine erneute Therapie. Und es fehlt wieder das Geld: Die einheimischen Bolivars sind wegen der Hyper-Inflation nichts mehr wert. „Wir müssen mit der Chemotherapie spätestens am Anfang des Sommers beginnen, aber uns fehlen noch mindestens 6000 Dollar. Wenn wir die Therapie nicht starten, droht meine Tochter zu sterben.“

    Die Mutter versucht in sozialen Netzwerken, Spender zu finden, wendet sich an berühmte Persönlichkeiten. „Es ist so schlimm in unserem Land, wie kann das alles passieren bei all dem Erdölreichtum, den wir haben?“


    Venezuela: Ölförderung 1970–2018 – Infografik

    Valentina ist trotz ihrer Krankheit ein aufgewecktes Mädchen, lernt Zählen und singt gerne Lieder. Aber am liebsten kuschelt sie mit ihrer Mutter. „Sie ist sehr tapfer, auch wenn sie ins Krankenhaus muss“, sagt Hilmar. „Ich habe aber jedes Mal Angst, weil die Situation dort so schlimm ist.“


    BILD-Reporter Paul Ronzheimer mit der kleinen Valentina (5) Foto: Giorgos Moutafis


    Chaos im Krankenhaus: Stühle, Kommoden und andere Ausstattung stapelt sich in einem Seitenzimmer Foto: Agustín Rodríguez

    Wer durch die Flure und Räume des Krankenhauses geht, bekommt das Schaudern. Zerfetzte Matratzen, dreckige OP-Räume, kaputte Türen. Viele Ärzte, die hier einst gearbeitet haben, sind ausgewandert, nach Argentinien, Brasilien oder Kolumbien. Die humanitäre Katastrophe Venezuelas wird nirgendwo so deutlich wie in den Krankenhäusern.


    Karte Flüchtlingsbewegungen aus Venezuela – info.BILD

    Heute wollen wieder Millionen auf die Straße gehen, weil sie diesen Zustand nicht mehr akzeptieren. Der selbst ernannte Interimspräsident Juan Guaidó will weiter Druck auf Nicolás Maduro ausüben.

    Auch Hilmar wird protestieren, sie sagt: „Die ganze Welt muss uns unterstützen. Es sterben in Venezuela Kinder, die leben könnten. Bitte helft uns!“

    Grenade (pays) — Wikipédia
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Grenade_(pays)#Histoire

    L’opposition se rassemble principalement au sein du New Jewel Movement (NJM) dirigé par Maurice Bishop (dont le père a lui-même été assassiné par le régime). Devant l’impossibilité de manifester légalement, celle-ci commence à organiser une branche militaire, l’armée révolutionnaire du peuple. Lorsque les dirigeants du mouvement apprennent qu’Eric Gairy s’apprête à les faire assassiner, ils choisissent d’opérer un coup d’État : le 13 mars 1979, un groupe de militants s’empare de l’unique caserne de la Grenade et désarment les soldats qui n’opposent que très peu de résistance4.

    Le NJM constitue un Gouvernement révolutionnaire du peuple présidé par Maurice Bishop, qui exprime son objectif : « Nous sommes un petit pays, nous sommes un pays pauvre, avec une population de descendant d’esclaves africains, nous faisons partie du tiers-monde exploité et, définitivement, notre défi est de chercher la création d’un nouvel ordre international qui mette l’économie au service du peuple et de la justice sociale ». Le nouveau gouvernement inquiète les États-Unis, qui avaient précédemment soutenu Eric Gairy, et dont l’ambassadeur avertit : « Le gouvernement des États-Unis verrait avec déplaisir toute inclinaison de la part des Grenadins à développer des liens plus étroits avec Cuba4. »

    Le régime s’emploie en particulier à développer des politiques sociales : un Centre pour l’éducation populaire est créé pour coordonner les initiatives du gouvernement en matière d’éducation, notamment des campagnes d’alphabétisation. L’apprentissage du créole de la Grenade est autorisé à l’école. Néanmoins, la tendance du gouvernement de Bishop à marginaliser le rôle de l’Église dans l’éducation contribue à la dégradation des relations avec le clergé. Dans le secteur de la santé, les consultations médicales sont rendues gratuites avec l’aide de Cuba qui fournit des médecins, du lait est distribué aux femmes enceintes et aux enfants. En économie, les autorités mettent en place un système de prêts financiers et de matériel à l’attention des agriculteurs, et des coopératives agricoles sont mises en place pour développer l’activité. Le gouvernement de Bishop s’emploie également à développer les infrastructures, notamment en construisant de nouvelles routes et en modernisant le réseau électrique. Enfin, le gouvernement s’attaque aux cultures de marijuana pour favoriser l’agriculture vivrière et faire baisser la violence4.

    À l’international, la Grenade est de plus en plus isolée. Le Royaume-Uni suspend ses aides économiques et les États-Unis usent de leur influence pour bloquer les prêts du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. La situation se dégrade également sur le plan intérieur : le 19 juin 1980, une bombe explose pendant un meeting au cours duquel Bishop devait intervenir. L’engin fait trois morts et vingt-cinq blessés. Bishop accuse ouvertement « l’impérialisme américain et ses agents locaux ». La responsabilité réelle de la CIA est cependant incertaine ; si elle avait en effet imaginé des opérations de déstabilisation, l’administration Carter y était opposée. En 1983, Bishop se rend finalement à Washington pour essayer de "négocier la paix". Au sein du gouvernement socialiste, des dissensions opposent une faction pro-soviétique et les partisans de Bishop. Le voyage à Washington de celui-ci est désavoué par le comité central du parti qui le destitue.le 14 octobre 1983 et le remplace par une direction collégiale. Le 19 octobre, une grève générale est déclenchée par les partisans de Bishop qui conduit à l’arrestation de ce dernier. Alors que les manifestants tentent de franchir les barrages pour le libérer, Il est assassiné par l’armée le 19 octobre 19834.

    Six jours après la prise de pouvoir par l’armée en octobre 1983, la Grenade est envahie par une coalition menée par les États-Unis. Cette intervention est demandée par l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO). La requête est rédigée à Washington5. L’opération est le plus grand déploiement américain depuis la guerre du Viêt Nam. La guerre est rapide et la coalition américaine (7 000 soldats américains et 300 hommes d’Antigua, la Barbade, la Dominique, la Jamaïque, Sainte-Lucie et Saint-Vincent, qui n’ont pas participé aux combats) vient rapidement à bout des forces grenadiennes (800 soldats, assistés par 784 Cubains - pour la plupart des ouvriers qui participaient aux travaux de construction d’un aéroport - et quelques instructeurs provenant d’URSS et d’autres pays communistes).

    #politique #Venezuela #impérialisme #cancer #enfants #Bild_lügt

  • En #Ouganda, la colère des petits marchands face à « l’invasion » des Chinois
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/04/en-ouganda-la-colere-des-petits-marchands-face-a-l-invasion-des-chinois_5405

    La #Chine est le principal #bailleur_de_fonds bilatéral pour les infrastructures en Afrique, avec un total excédant les financements combinés de la Banque africaine de développement, de l’Union européenne, de la Société financière internationale, de la Banque mondiale et du G8. L’investissement étranger chinois en Afrique subsaharienne s’est élevé à 298 milliards de dollars (environ 260 milliards d’euros) entre 2005 et 2018, selon le groupe de réflexion American Enterprise Institute.

  • EN TUNISIE, L’EGALITE DEVANT L’HERITAGE ENCOURAGERAIT L’ENTREPRENEURIAT FEMININ (Le Monde Arabe-Mounira ELBOUTI-2018-12-04)

    Aujourd’hui, les Tunisiennes sont considérées comme « non capables d’assurer une succession appropriée », indique un entrepreneur tunisien.

    Fin novembre dernier, le Conseil des ministres adoptait le projet de loi consacrant l’égalité entre les femmes et les hommes devant l’héritage en Tunisie. Et dans la foulée, le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, à l’origine de la réforme, le soumettait à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui ne devrait pas se prononcer dessus avant plusieurs mois. L’initiative, une première dans le monde arabe, résulte notamment des recommandations de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE). Qui, en juin dernier, avait estimé que Tunis devait effectuer des réformes substantielles concernant l’égalité entre les sexes et les libertés individuelles dans le pays. Réformes qui, longtemps revendiquées par une partie de la société civile tunisienne, doivent in fine servir à remettre en cause le système patriarcal en Tunisie, largement fondé sur la subordination des femmes.
    Ce n’est pas un hasard si le « berceau » des printemps arabes a décidé de s’emparer le premier du sujet. Le pays accorde bien plus de droit aux femmes que tout autre dans la région, et permet depuis un an aux Tunisiennes de confessions musulmane, d’épouser des hommes non musulmans. Ce qui n’empêche pas une fracture, dans la société, entre les pro et les anti-égalité de genre devant l’héritage. (Le système actuel, fondé sur la loi islamique, permet généralement aux hommes d’hériter du double de ce qu’une femme recevrait.) Face aux vives critiques provenant, notamment, d’Ennahdha – le parti islamiste, qui dispose de 30 % des sièges parlementaires, est le seul à avoir annoncé son opposition au projet de loi -, le président tunisien a assorti son texte de quelques exceptions. Les familles désirant poursuivre sous le régime de la charia étant autorisées à le faire.

    « Dynamisme, prudence et conformité »

    Si l’adoption de la loi est fondamentale pour le droit des femmes – dont les revendications doivent nécessairement s’émanciper de la question de l’ « identité arabo-musulmane » afin d’être traitées sur le terrain des droits humains, nous expliquait Leïla Tauil, chercheure et spécialiste de la question féministe, en octobre dernier -, elle s’avère également très intéressante d’un point de vue économique.
    Au printemps dernier, la Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale pour le secteur privé, a publié un rapport, intitulé « Miser sur les femmes en Tunisie », soulignant l’importance des prêts bancaires aux Tunisiennes pour l’économie du pays. Or, lors de l’évaluation d’un projet, les banques ne s’intéressent en général pas à sa qualité ni à celle de l’entrepreneur, mais aux garanties apportés par ce dernier. Et la loi sur l’héritage actuelle, qui réduit de facto l’autonomie économique des femmes, les empêche d’accéder à la propriété – les Tunisiennes ne sont que 12 % à posséder une maison et 14 % un terrain. Difficile, dans ces conditions, d’obtenir un prêt bancaire pour démarrer ou poursuivre une activité entrepreneuriale. Si bien que les femmes, en Tunisie, ne possèdent qu’entre 18 et 23 % des entreprises, selon le rapport de la Société financières internationale. Qui indique également que la différence de crédit combiné, pour les petites sociétés, entre les femmes et les hommes, atteint près de 600 millions de dollars…
    « Bien que la Tunisie dispose des lois les plus progressistes de la région en matière de droits des femmes […] cela ne s’est pas traduit proportionnellement par une participation économique à grande échelle des femmes », pointe du doigt le rapport de la Société financière internationale.
    Un sacré frein au développement de leur business, qui pourrait cependant être un peu plus lâche, si les Tunisiennes obtenaient davantage de biens, et donc de garanties, grâce à… un héritage égalitaire. La Société financière internationale l’a bien compris et incite vivement à accélérer les opportunités financières pour les Tunisiennes – et, globalement, toutes les citoyennes. D’autant plus que les établissements bancaires en sortiraient gagnants. Selon l’enquête de l’organisation internationale, les femmes seraient plus fidèles que les hommes à leur banque, à condition d’être traitées sur un même pied d’égalité et d’y recevoir des services satisfaisants. Sans compter que les entreprises qu’elles gèrent affichent de meilleurs résultats, et « sont connues, en particulier parmi les institutions de micro-finance, pour leur dynamisme, leur prudence et leur conformité ».

    Le paradoxe Ennahdha

    Interrogé sur l’impact de l’égalité entre femmes et hommes devant l’héritage en Tunisie, Wajdi Ben Rjeb, entrepreneur tunisien, estime que la loi donnerait « un coup de pouce au leadership féminin, par le biais de l’entrepreneuriat ou de la succession ». Aujourd’hui, explique-t-il, les femmes, souvent considérées comme « non prioritaires ou non capables d’assurer une succession appropriée », se voient attribuer « un héritage moins intéressant que leurs frères, aussi bien en terme de valeur que de potentiel ». Ce qui explique qu’il y a « peu de femmes aux commandes des entreprises familiales tunisiennes ayant passé le cap de la 2ème génération », dirigées plutôt par les fils. Un tropisme qui pourrait s’équilibrer avec la loi sur l’héritage, qui, selon Wajdi Ben Rjeb, « va apporter une égalité des chances en matière de succession et encouragera l’accès des femmes aux postes de haute direction et aux conseils d’administration des entreprises familiales. »
    Car cela n’est pas encore assez le cas. D’après l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui a publié en mars dernier un rapport sur l’économie tunisienne, en termes d’emplois, « les disparités hommes-femmes sont moins importantes que dans les autres pays MENA [Moyen-Orient et Afrique du Nord, ndlr] mais le taux d’emploi est bien plus faible pour les femmes que pour les hommes et les femmes occupent souvent des emplois moins qualifiés. » Et si les autorités tunisiennes, qui composent avec une embellie économique, veulent rendre la croissance davantage inclusive, elles doivent « favoriser le recrutement des femmes par des campagnes de sensibilisation sur les conséquences des choix éducatifs et de la formation sur les possibilités d’emploi et d’entrepreneuriat », estime l’OCDE.
    A charge pour Tunis, si la loi est adoptée à l’ARP, de faire progresser la notion d’entrepreneuriat féminin, en multipliant ainsi les initiatives éducatives pour aider les Tunisiennes à comprendre comment tirer parti de leurs nouveaux droits et atouts. Les débats, en raison des postures conservatrices d’une partie des politiques, promettent d’être mouvementés. Mais « le Parlement devrait adopter ce projet de loi et réaffirmer la place de la Tunisie comme leader régional dans le démantèlement de la discrimination juridique fondée sur le sexe », a déclaré Ahmed Benchemsi, directeur de la communication et du plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord chez Human Rights Watch. Ce dernier de noter toutefois le paradoxe Ennahdha, luttant « contre l’égalité dans les lois relatives aux successions, alors que le parti a soutenu d’autres réformes en faveur des droits de femmes. » Réponse dans quelques mois.

  • Tour d’horizon de la problématique foncière : enjeux, défis et perspectives
    https://www.cetri.be/Tour-d-horizon-de-la-problematique

    Madagascar est un pays profondément rural et agricole. La campagne constitue le cadre de vie des trois quarts de ses 24 à 25 millions d’habitants. Premier secteur économique du pays (entre 25 et 30 % du PIB) et principale source de devises (26 % du total des exportations en 2016)1, l’agriculture et ses activités connexes (pêche, élevage, sylviculture, etc.) mobilisent directement ou indirectement la majorité des actifs et procure la quasi-totalité des revenus familiaux (Banque mondiale, 2016). (...)

    #Le_regard_du_CETRI

    / #Analyses, #Madagascar, Agriculture & luttes pour la terre, #Le_Sud_en_mouvement, Le regard du (...)

    #Agriculture_&_luttes_pour_la_terre #Le_regard_du_CETRI
    https://www.cetri.be/IMG/pdf/etude_madagascar_2018.pdf

  • « Lula, le prisonnier politique le plus important au monde » | Textes à l’appui | Là-bas si j’y suis
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-j-ai-rencontre-lula-le-prisonnier-politique-le-plus-important-a
    https://la-bas.org/local/cache-gd2/6b/87bab6cd31ba8c8f6bce1feb4324b5.jpg?1540400822

    Fin septembre, accompagné de sa femme, Noam CHOMSKY (89 ans) est venu à la prison de Curitiba, capitale du Paraná, pour rendre visite à LULA, ancien président du Brésil. Alors qu’il était donné largement favori pour les élections, LULA a été condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption. Une peine qu’il conteste tout comme une grande partie des Brésiliens. Pour CHOMSKY, LULA est avant tout un prisonnier politique. Il dit pourquoi dans un article publié sur THE INTERCEPT. Nous vous en proposons une traduction :

    « Ma femme Valeria et moi, nous venons de rendre visite à celui qui est sans doute le prisonnier politique le plus important de notre époque, d’une importance sans équivalent dans la politique internationale contemporaine. Ce prisonnier, c’est Luiz Inácio Lula da Silva – plus connu dans le monde sous le nom de « Lula » – condamné à la prison à vie et à l’isolement, sans accès à la presse et avec des visites limitées à un jour par semaine.

    Le lendemain de notre visite, au nom de la liberté de la presse, un juge a autorisé le plus grand journal du pays, Folha de S. Paulo, à interviewer Lula. Mais un autre juge est aussitôt intervenu pour annuler cette décision, alors que les criminels les plus violents du pays – les chefs de milice et les trafiquants de drogue – sont régulièrement interviewés depuis leurs prisons. Pour le pouvoir brésilien, emprisonner Lula ne suffit pas : ils veulent s’assurer que la population, à la veille des élections, n’entende plus parler de lui. Ils semblent prêts à employer tous les moyens pour atteindre cet objectif.

    Le juge qui a annulé la permission n’innovait pas. Avant lui, il y a eu le procureur qui a condamné Antonio Gramsci pendant le gouvernement fasciste de Mussolini en 1926, et qui déclarait : « nous devons empêcher son cerveau de fonctionner pendant 20 ans. »

    Nous avons été rassurés, mais pas surpris, de constater qu’en dépit des conditions de détention éprouvantes et des erreurs judiciaires scandaleuses, Lula reste un homme très énergique, optimiste quant à l’avenir et plein d’idées pour faire dévier le Brésil de sa trajectoire désastreuse actuelle.

    Il y a toujours des prétextes pour justifier un emprisonnement – parfois valables, parfois pas – mais il est souvent utile d’en déterminer les causes réelles. C’est le cas en l’espèce. L’accusation principale portée contre Lula est basée sur les dépositions d’hommes d’affaires condamnés pour corruption dans le cadre d’un plaider-coupable. On aurait offert à Lula un appartement dans lequel il n’a jamais vécu.

    Le crime présumé est parfaitement minime au regard des standards de corruptions brésiliens – et il y a à dire sur ce sujet, sur lequel je reviendrai. La peine est tellement disproportionnée par rapport au crime supposé qu’il est légitime d’en chercher les vraies raisons. Il n’est pas difficile d’en trouver. Le Brésil fait face à des élections d’une importance cruciale pour son avenir. Lula est de loin le candidat le plus populaire et remporterait facilement une élection équitable, ce qui n’est pas pour plaire à la ploutocratie.

    Bien qu’il ait mené pendant son mandat des politiques conçues pour s’adapter aux préoccupations de la finance nationale et internationale, Lula reste méprisé par les élites, en partie sans doute à cause de ses politiques sociales et des prestations pour les défavorisés – même si d’autres facteurs semblent jouer un rôle : avant tout, la simple haine de classe. Comment un travailleur pauvre, qui n’a pas fait d’études supérieures, et qui ne parle même pas un portugais correct peut-il être autorisé à diriger notre pays ?

    Alors qu’il était au pouvoir, Lula était toléré par les puissances occidentales, malgré quelques réserves. Mais son succès dans la propulsion du Brésil au centre de la scène mondiale n’a pas soulevé l’enthousiasme. Avec son ministre des Affaires étrangères Celso Amorim, ils commençaient à réaliser les prédictions d’il y a un siècle selon lesquelles le Brésil allait devenir « le colosse du Sud ». Ainsi, certaines de leurs initiatives ont été sévèrement condamnées, notamment les mesures qu’ils ont prises en 2010, en coordination avec la Turquie, pour résoudre le conflit au sujet du programme nucléaire iranien, contre la volonté affirmée des États-Unis de diriger l’événement. Plus généralement, le rôle de premier plan joué par le Brésil dans la promotion de puissances non alignées sur les Occidentaux, en Amérique latine et au-delà, n’a pas été bien reçu par ceux qui ont l’habitude de dominer le monde.

    Lula étant interdit de participer à l’élection, il y a un grand risque pour que le favori de la droite, Jair Bolsonaro, soit élu à la présidence et accentue la politique durement réactionnaire du président Michel Temer, qui a remplacé Dilma Rousseff après qu’elle a été destituée pour des motifs ridicules, au cours du précédent épisode du « coup d’État en douceur » en train de se jouer dans le plus important pays d’Amérique Latine.

    Bolsonaro se présente comme un autoritaire dur et brutal et comme un admirateur de la dictature militaire, qui va rétablir « l’ordre ». Une partie de son succès vient de ce qu’il se fait passer pour un homme nouveau qui démantèlera l’establishment politique corrompu, que de nombreux Brésiliens méprisent pour de bonnes raisons. Une situation locale comparable aux réactions vues partout dans le monde contre les dégâts provoqués par l’offensive néolibérale de la vieille génération.

    Bolsonaro affirme qu’il ne connaît rien à l’économie, laissant ce domaine à l’économiste Paulo Guedes, un ultralibéral, produit de l’École de Chicago. Guedes est clair et explicite sur sa solution aux problèmes du Brésil : « tout privatiser », soit l’ensemble de l’infrastructure nationale, afin de rembourser la dette des prédateurs qui saignent à blanc le pays. Littéralement tout privatiser, de façon à être bien certain que le pays périclite complètement et devienne le jouet des institutions financières dominantes et de la classe la plus fortunée. Guedes a travaillé pendant un certain temps au Chili sous la dictature de Pinochet, il est donc peut-être utile de rappeler les résultats de la première expérience de ce néolibéralisme de Chicago.

    L’expérience, initiée après le coup d’État militaire de 1973 qui avait préparé le terrain par la terreur et la torture, s’est déroulée dans des conditions quasi optimales. Il ne pouvait y avoir de dissidence – la Villa Grimaldi et ses équivalents s’en sont bien occupés. L’expérimentation était supervisée par les superstars de l’économie de Chicago. Elle a bénéficié d’un énorme soutien de la part des États-Unis, du monde des affaires et des institutions financières internationales. Et les planificateurs économiques ont eu la sagesse de ne pas interférer dans les affaires de l’entreprise Codelco, la plus grande société minière de cuivre au monde, une entreprise publique hautement efficace, qui a ainsi pu fournir une base solide à l’économie de Pinochet.

    Pendant quelques années, cette expérience fut largement saluée ; puis le silence s’est installé. Malgré les conditions presque parfaites, en 1982, les « Chicago boys » avaient réussi à faire s’effondrer l’économie. L’État a dû en reprendre en charge une grande partie, plus encore que pendant les années Allende. Des plaisantins ont appelé ça « la route de Chicago vers le socialisme ». L’économie, en grande partie remise aux mains des dirigeants antérieurs, a réémergé, non sans séquelles persistantes de la catastrophe dans les systèmes éducatifs, sociaux, et ailleurs.

    Pour en revenir aux préconisations de Bolsonaro-Guedes pour fragiliser le Brésil, il est important de garder à l’esprit la puissance écrasante de la finance dans l’économie politique brésilienne. L’économiste brésilien Ladislau Dowbor rapporte, dans son ouvrage A era do capital improdutivo (« Une ère de capital improductif »), que lorsque l’économie brésilienne est entrée en récession en 2014, les grandes banques ont accru leurs profits de 25 à 30 %, « une dynamique dans laquelle plus les banques font des bénéfices, plus l’économie stagne » puisque « les intermédiaires financiers n’alimentent pas la production, ils la ponctionnent ».

    En outre, poursuit M. Dowbor, « après 2014, le PIB a fortement chuté alors que les intérêts et les bénéfices des intermédiaires financiers ont augmenté de 20 à 30 % par an », une caractéristique structurelle d’un système financier qui « ne sert pas l’économie, mais est servi par elle. Il s’agit d’une productivité nette négative. La machine financière vit aux dépens de l’économie réelle. »

    Le phénomène est mondial. Joseph Stiglitz résume la situation simplement : « alors qu’auparavant la finance était un mécanisme permettant d’injecter de l’argent dans les entreprises, aujourd’hui elle fonctionne pour en retirer de l’argent ». C’est l’un des profonds renversements de la politique socio-économique dont est responsable l’assaut néolibéral ; il est également responsable de la forte concentration de la richesse entre les mains d’un petit nombre alors que la majorité stagne, de la diminution des prestations sociales, et de l’affaiblissement de la démocratie, fragilisée par les institutions financières prédatrices. Il y a là les principales sources du ressentiment, de la colère et du mépris à l’égard des institutions gouvernementales qui balayent une grande partie du monde, et souvent appelé – à tort – « populisme ».

    C’est l’avenir programmé par la ploutocratie et ses candidats. Un avenir qui serait compromis par un nouveau mandat à la présidence de Lula. Il répondait certes aux exigences des institutions financières et du monde des affaires en général, mais pas suffisamment pour notre époque de capitalisme sauvage.

    On pourrait s’attarder un instant sur ce qui s’est passé au Brésil pendant les années Lula – « la décennie d’or », selon les termes de la Banque mondiale en mai 2016 [1]. Au cours de ces années, l’étude de la banque rapporte :

    « Les progrès socio-économiques du Brésil ont été remarquables et mondialement reconnus. À partir de 2003 [début du mandat de Lula], le pays est reconnu pour son succès dans la réduction de la pauvreté et des inégalités et pour sa capacité à créer des emplois. Des politiques novatrices et efficaces visant à réduire la pauvreté et à assurer l’intégration de groupes qui auparavant étaient exclus ont sorti des millions de personnes de la pauvreté. »

    Et plus encore :

    « Le Brésil a également assumé des responsabilités mondiales. Il a réussi à poursuivre sa prospérité économique tout en protégeant son patrimoine naturel unique. Le Brésil est devenu l’un des plus importants donateurs émergents, avec des engagements importants, en particulier en Afrique subsaharienne, et un acteur majeur dans les négociations internationales sur le climat. La trajectoire de développement du Brésil au cours de la dernière décennie a montré qu’une croissance fondée sur une prospérité partagée, mais équilibrée dans le respect de l’environnement, est possible. Les Brésiliens sont fiers, à juste titre, de ces réalisations saluées sur la scène internationale. »

    Du moins certains Brésiliens, pas ceux qui détiennent le pouvoir économique.

    Le rapport de la Banque mondiale rejette le point de vue répandu selon lequel les progrès substantiels étaient « une illusion, créée par le boom des produits de base, mais insoutenable dans l’environnement international actuel, moins clément ». La Banque mondiale répond à cette affirmation par un « non » ferme et catégorique : « il n’y a aucune raison pour que ces gains socio-économiques récents soient effacés ; en réalité, ils pourraient bien être amplifiés avec de bonnes politiques. »

    Les bonnes politiques devraient comprendre des réformes radicales du cadre institutionnel hérité de la présidence Cardoso, qui a été maintenu pendant les années Lula-Dilma, satisfaisant ainsi les exigences de la communauté financière, notamment une faible imposition des riches et des taux d’intérêt exorbitants, ce qui a conduit à l’augmentation de grandes fortunes pour quelques-uns, tout en attirant les capitaux vers la finance au détriment des investissements productifs. La ploutocratie et le monopole médiatique accusent les politiques sociales d’assécher l’économie, mais dans les faits, les études économiques montrent que l’effet multiplicateur de l’aide financière aux pauvres a stimulé l’économie alors que ce sont les revenus financiers produits par les taux d’intérêt usuraires et autres cadeaux à la finance qui ont provoqué la véritable crise de 2013 – une crise que « les bonnes politiques » auraient permis de surmonter.

    L’éminent économiste brésilien Luiz Carlos Bresser-Pereira, ancien ministre des Finances, décrit succinctement le déterminant majeur de la crise en cours : « il n’y a pas de raison économique » pour justifier le blocage des dépenses publiques tout en maintenant les taux d’intérêt à un niveau élevé ; « la cause fondamentale des taux élevés au Brésil, c’est le fait des prêteurs et des financiers » avec ses conséquences dramatiques, appuyé par le corps législatif (élu avec le soutien financier des entreprises) et le monopole des médias qui relaient essentiellement la voix des intérêts privés.

    Dowbor montre que tout au long de l’histoire moderne du Brésil, les remises en question du cadre institutionnel ont conduit à des coups d’État, « à commencer par le renvoi et le suicide de Vargas [en 1954] et le putsch de 1964 » (fermement soutenu par Washington). Il y a de bonnes raisons de penser que la même chose s’est produite pendant le « coup d’État en douceur » en cours depuis 2013. Cette campagne des élites traditionnelles, aujourd’hui concentrées dans le secteur financier et servie par des médias qu’ils possèdent, a connu une accélération en 2013, lorsque Dilma Rousseff a cherché à ramener les taux d’intérêt extravagants à un niveau raisonnable, menaçant ainsi de tarir le torrent d’argent facile dont profitait la minorité qui pouvait se permettre de jouer sur les marchés financiers.

    La campagne actuelle visant à préserver le cadre institutionnel et à revenir sur les acquis de « la décennie glorieuse » exploite la corruption à laquelle le Parti des travailleurs de Lula, le PT, a participé. La corruption est bien réelle, et grave, même si le fait de diaboliser le PT est une pure instrumentalisation, en regard des écarts de conduite de ses accusateurs. Et comme nous l’avons déjà mentionné, les accusations portées contre Lula, même si l’on devait lui en reconnaître les torts, ne peuvent être prises au sérieux pour justifier la peine qui lui a été infligée dans le but de l’exclure du système politique. Tout cela fait de lui l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période actuelle.

    La réaction récurrente des élites face aux menaces qui pèsent sur le cadre institutionnel de l’économie sociopolitique au Brésil trouve son équivalent dans la riposte internationale contre les remises en cause, par le monde en développement, du système néocolonial hérité de siècles de dévastations impérialistes occidentales. Dans les années 1950, dans les premiers jours de la décolonisation, le mouvement des pays non-alignés a cherché à faire son entrée dans les affaires mondiales. Il a été rapidement remis à sa place par les puissances occidentales. En témoigne dramatiquement l’assassinat du leader congolais, très prometteur, Patrice Lumumba, par les dirigeants historiques belges (devançant la CIA). Ce crime et les violences qui ont suivi ont mis fin aux espoirs de ce qui devrait être l’un des pays les plus riches du monde, mais qui reste « l’horreur ! l’horreur ! » avec la collaboration des tortionnaires historiques de l’Afrique.

    Néanmoins, les voix gênantes des victimes historiques ne cessaient de s’élever. Dans les années 1960 et 1970, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, avec le concours important d’économistes brésiliens, a présenté des plans pour un Nouvel Ordre Économique International, dans lequel les préoccupations des « sociétés en développement » – la grande majorité de la population mondiale – auraient été examinées. Une initiative rapidement écrasée par la régression néolibérale.

    Quelques années plus tard, au sein de l’UNESCO, les pays du Sud ont appelé à un nouvel ordre international de l’information qui ouvrirait le système mondial des médias et de la communication à des acteurs extérieurs au monopole occidental. Cette initiative a déchaîné une riposte extrêmement violente qui a traversé tout le spectre politique, avec des mensonges éhontés et des accusations ridicules, et qui finalement a entraîné le retrait du président américain Ronald Reagan, sous de faux prétextes, de l’UNESCO. Tout cela a été dévoilé dans une étude accablante (donc peu lue) des spécialistes des médias William Preston, Edward S. Herman et Herbert Schiller [2].

    L’étude menée en 1993 par le South Centre, qui montrait que l’hémorragie de capitaux depuis les pays pauvres vers les pays riches s’était accompagnée d’exportations de capitaux vers le FMI et la Banque mondiale, qui sont désormais « bénéficiaires nets des ressources des pays en développement », a également été soigneusement passée sous silence. De même que la déclaration du premier sommet du Sud, qui avait rassemblé 133 États en 2000, en réponse à l’enthousiasme de l’Occident pour sa nouvelle doctrine d’« intervention humanitaire ». Aux yeux des pays du Sud, « le soi-disant droit d’intervention humanitaire » est une nouvelle forme d’impérialisme, « qui n’a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations unies ni dans les principes généraux du droit international ».

    Sans surprise, les puissants n’apprécient guère les remises en cause, et disposent de nombreux moyens pour y répliquer ou pour les réduire au silence.

    Il y aurait beaucoup à dire sur la corruption endémique de la politique latino-américaine, souvent solennellement condamnée par l’Occident. Il est vrai, c’est un fléau, qui ne devrait pas être toléré. Mais elle n’est pas limitée aux « pays en voie de développement ». Par exemple, ce n’est pas une petite aberration que dans nos pays, les gigantesques banques reçoivent des amendes de dizaines de milliards de dollars (JPMorgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Deutsche Bank, Citigroup) à l’issue d’accords négociés à l’amiable, mais que personne ne soit légalement coupable de ces activités criminelles, qui détruisent pourtant des millions de vies. Remarquant que « les multinationales américaines avaient de plus en plus de difficultés à ne pas basculer dans l’illégalité », l’hebdomadaire londonien The Economist du 30 août 2014 rapportait que 2 163 condamnations d’entreprise avaient été comptabilisées entre 2000 et 2014 – et ces multinationales sont nombreuses à Londres et sur le continent européen [3].

    La corruption couvre tout un registre, depuis les énormités qu’on vient de voir jusqu’aux plus petites mesquineries. Le vol des salaires, une épidémie aux États-Unis, en donne un exemple particulièrement ordinaire et instructif. On estime que les deux tiers des travailleurs à bas salaire sont volés sur leur rémunération chaque semaine, tandis que les trois quarts se voient voler tout ou partie de leur rémunération pour les heures supplémentaires. Les sommes ainsi volées chaque année sur les salaires des employés excèdent la somme des vols commis dans les banques, les stations-service et les commerces de proximité. Et pourtant, presque aucune action coercitive n’est engagée sur ce point. Le maintien de cette impunité revêt une importance cruciale pour le monde des affaires, à tel point qu’il est une des priorités du principal lobby entrepreneurial, le American Legislative Exchange Council (ALEC), qui bénéficie des largesses financières des entreprises.

    La tâche principale de l’ALEC est d’élaborer un cadre législatif pour les États. Un but facile puisque, d’une part, les législateurs sont financés par les entreprises et, d’autre part, les médias s’intéressent peu au sujet. Des programmes méthodiques et intenses soutenus par l’ALEC sont donc capables de faire évoluer les contours de la politique d’un pays, sans préavis, ce qui constitue une attaque souterraine contre la démocratie mais avec des effets importants. Et l’une de leurs initiatives législatives consiste à faire en sorte que les vols de salaires ne soient pas soumis à des contrôles ni à l’application de la loi.

    Mais la corruption, qui est un crime, qu’elle soit massive ou minime, n’est que la partie émergée de l’iceberg. La corruption la plus grave est légale. Par exemple, le recours aux paradis fiscaux draine environ un quart, voire davantage, des 80 000 milliards de dollars de l’économie mondiale, créant un système économique indépendant exempt de surveillance et de réglementation, un refuge pour toutes sortes d’activités criminelles, ainsi que pour les impôts qu’on ne veut pas payer. Il n’est pas non plus techniquement illégal pour Amazon, qui vient de devenir la deuxième société à dépasser les 1 000 milliards de dollars de valeur, de bénéficier d’allègements fiscaux sur les ventes. Ou que l’entreprise utilise environ 2 % de l’électricité américaine à des tarifs très préférentiels, conformément à « une longue tradition américaine de transfert des coûts depuis les entreprises vers les plus démunis, qui consacrent déjà aux factures des services publics, en proportion de leurs revenus, environ trois fois plus que ne le font les ménages aisés », comme le rapporte la presse économique [4].

    Il y a une liste infinie d’autres exemples.

    Un autre exemple important, c’est l’achat des voix lors des élections, un sujet qui a été étudié en profondeur, en particulier par le politologue Thomas Ferguson. Ses recherches, ainsi que celles de ses collègues, ont montré que l’éligibilité du Congrès et de l’exécutif est prévisible avec une précision remarquable à partir de la variable unique des dépenses électorales, une tendance très forte qui remonte loin dans l’histoire politique américaine et qui s’étend jusqu’aux élections de 2016 [5]. La corruption latino-américaine est considérée comme un fléau, alors que la transformation de la démocratie formelle en un instrument entre les mains de la fortune privée est parfaitement légale.

    Bien sûr, ce n’est pas que l’interférence dans les élections ne soit plus à l’ordre du jour. Au contraire, l’ingérence présumée de la Russie dans les élections de 2016 est un sujet majeur de l’époque, un sujet d’enquêtes acharnées et de commentaires endiablés. En revanche, le rôle écrasant du monde de l’entreprise et des fortunes privées dans la corruption des élections de 2016, selon une tradition qui remonte à plus d’un siècle, est à peine reconnu. Après tout, il est parfaitement légal, il est même approuvé et renforcé par les décisions de la Cour suprême la plus réactionnaire de mémoire d’homme.

    L’achat d’élections n’est pas la pire des interventions des entreprises dans la démocratie américaine immaculée, souillée par les hackers russes (avec des résultats indétectables). Les dépenses de campagne atteignent des sommets, mais elles sont éclipsées par le lobbying, qui représenterait environ 10 fois ces dépenses – un fléau qui s’est rapidement aggravé dès les premiers jours de la régression néolibérale. Ses effets sur la législation sont considérables, le lobbyiste allant jusqu’à la rédaction littérale des lois, alors que le parlementaire – qui signe le projet de loi – est quelque part ailleurs, occupé à collecter des fonds pour la prochaine campagne électorale.

    La corruption est effectivement un fléau au Brésil et en Amérique latine en général, mais ils restent des petits joueurs.

    Tout cela nous ramène à la prison, où l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période est maintenu en isolement pour que le « coup d’État en douceur » au Brésil puisse se poursuivre, avec des conséquences certaines qui seront sévères pour la société brésilienne, et pour le monde entier, étant donné le rôle potentiel du Brésil.

    Tout cela peut continuer, à une condition, que ce qui se passe continue d’être toléré. »

    Noam Chomsky

  • Appels sans suite (1) : le climat, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 12 octobre 2018)
    https://blog.mondediplo.net/appels-sans-suite-1

    Et pendant ce temps, l’hypocrisie médiatique fait son beurre — son beurre symbolique, s’entend, parce que question tirages… Quand les médias soutiennent toutes les insurrections climatologiques en même temps qu’ils font élire un banquier d’affaire, interdisent de questionner le néolibéralisme essentiel de l’Union européenne, disent l’archaïsme des résistances sociales et la modernité des dérégulations, ou bien ils ne savent pas ce qu’ils font ou bien ils savent ce qu’ils font, et aucun des deux cas n’est à leur avantage. Gageons d’ailleurs que, dans les rédactions, les hypothèses concurrentes de la bêtise ou du cynisme doivent se départager différemment selon les étages, si bien qu’aucune ne devrait être écartée a priori. En tout cas le fait est là : il s’agit de travailler à laisser délié ce qui devrait impérativement être relié. Car, non, on ne peut pas éditorialiser simultanément sur le changement climatique et pour faire avaler les déréglementations de Macron ; on ne peut pas expliquer que la planète est en danger et que les magasins doivent ouvrir le dimanche ; alarmer maintenant tous les quinze jours sur le bord du gouffre et célébrer l’efficacité de la privatisation générale, c’est-à-dire la remise aux logiques de l’accumulation du capital de pans entiers d’activité qui lui échappaient.

    • Climat : comment expliquer une aussi criminelle apathie face au drame annoncé ? (Synthèse de Frédéric Joignot)
      https://lemonde.fr/idees/article/2018/10/06/bienvenue-dans-le-capitalocene_5365671_3232.html

      Nous avons « parfois l’impression d’observer une tragédie grecque », dans le sens où « vous savez ce qu’il va se produire, et vous voyez les choses se produire ! », confessait, le 26 septembre, sur France Info, la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, inquiète des dernières mesures sur la dégradation du #climat. Il faut dire qu’un rapport publié la veille, conjointement par l’Organi­sation de coopération et de développement ­économiques (OCDE), l’ONU Environnement et le Groupe de la Banque mondiale, n’était pas fait pour rassurer : on apprenait que, sur les 180 signataires de l’accord de Paris de 2015 (COP21), neuf pays seulement ont soumis aux ­Nations unies des programmes concrets pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES).

      En attendant que les 171 autres respectent leur engagement devant l’opinion mondiale, l’OCDE constate sombrement que « les gouvernements continuent de consacrer près de 500 milliards de dollars par an [430 milliards d’euros] pour subventionner le pétrole, le charbon et le gaz, et que la plupart d’entre eux n’ont pas su mettre fin à leur dépendance à l’égard des recettes provenant des énergies fossiles ». Ils n’ont pas non plus pris les mesures suffisantes pour placer leurs économies sur « une trajectoire “bas carbone” ». Le secrétaire général de l’organisation, Angel Gurria, prévient : « Cette inertie risque de nous faire perdre la guerre contre le réchauffement climatique », c’est-à-dire l’objectif d’un réchauffement maximal de 2 degrés.

      Comment expliquer une aussi criminelle apathie face au drame annoncé ? Depuis quelques années, des chercheurs, historiens, économistes, et non des moindres, avancent une explication radicale. Nous ne sommes pas entrés dans l’anthropocène avec la révolution industrielle et la mondialisation des économies, tant et si bien que l’empreinte colossale des activités humaines a précipité la terre dans une nouvelle ère géologique, où tous les ­écosystèmes sont affectés. Nous sommes entrés dans le « capitalocène » : l’ère du système capitaliste triomphant, incapable de contenir sa course effrénée au profit.

      Ainsi, Andreas Malm, professeur au département d’écologie humaine à l’université de Lund (Suède), explique, dans L’Anthropocène contre l’histoire. Le réchauffement ­climatique à l’heure du capital (La Fabrique, 2017), que ce n’est pas tant une « espèce humaine » abstraite qu’il faut rendre responsable du désastre écologique, mais d’abord l’Empire britannique. Il retrace ainsi l’histoire de la ­machine, puis de la locomotive à vapeur, brevetée par l’Ecossais James Watt en 1784, et décrit la manière dont les capitalistes anglais les ont popularisées en Europe, dans leurs colonies, puis dans le monde entier, démarrant ainsi la révolution industrielle.

      Malm rappelle ensuite comment l’exploitation des sources d’énergie a mené à la mise en place d’une « économie fondée sur la consommation croissante de combustibles fossiles », « en lien étroit avec le processus d’accumulation du capital qu’elle suppose ». C’est cette logique économique qui se perpétue aujourd’hui, générant « une croissance continue des émissions de gaz à effet de serre ». Pour Malm, « blâmer l’humanité du changement climatique revient à laisser le capitalisme se tirer d’affaire ».

      De leur côté, les chimistes américain et néerlandais Will Steffen et Paul J. Crutzen (Prix Nobel 1995), inventeurs du concept d’anthropocène, rappelaient en 2008, dans le Journal of Human Environment, comment la pression destructrice des activités humaines sur l’environnement a connu une « grande accélération » à partir des années 1950 : pollution industrielle massive, sixième extinction animale, acidification des océans, désertification, ­surpêche, fonte des glaces, concentration des GES, ­réchauffement, tout s’est aggravé – mondialisé. Si bien que le sociologue américain John Bellamy Foster comme la journaliste d’investigation canadienne Naomi Klein parlent d’un capitalisme dévastateur.

      En France, en 2016, Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences et des techniques, a ajouté un chapitre intitulé « Capitalocène » à la dernière édition de L’Evénement ­anthropocène. La Terre, l’histoire et nous (Seuil), livre qu’il a publié avec l’historien des sciences Christophe Bonneuil – popularisé par Thomas Piketty à l’Ecole d’économie de Paris. Ils expliquent que nous vivons aujourd’hui la confrontation violente du « système terre » et du « système monde » du capitalisme mondialisé, grand consommateur de matières premières et de ressources minérales, qui s’est « construit au moyen d’un accaparement des bienfaits de la terre et d’une externalisation des dégâts environnementaux, par le biais de phénomènes de dépossession et d’“échange inégal” ». Pour les auteurs, parler de « capitalocène » plutôt que d’anthropocène est stratégique : c’est désormais la fin du capitalisme qu’il faut penser, et non la fin du monde.

    • Lordon, Casaux, Ziegler, etc. : faut-il être anticapitaliste pour « sauver la planète » ? | Jean Gadrey | Les blogs d’Alternatives Économiques
      https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2018/10/16/lordon-casaux-ziegler-etc-faut-il-etre-anticapitalist

      Il se trouve que, comme signataire de certains de ces appels, je suis concerné par ce réquisitoire, que je prends d’ailleurs au sérieux en dépit de son ton polémique, qui fait partie des charmes d’écriture de Frédéric Lordon. J’ai un peu de mal à me situer entre la niaiserie humaniste et le refus catégorique de prendre parti sur le capitalisme…

      Lordon n’est pas le seul à sembler faire du combat explicite contre le capitalisme la précondition ou le cadre nécessaire de toute mobilisation pour sauver le climat, ou ce qui peut encore l’être. C’est ainsi que Jean Ziegler estime pour sa part que « Pour sauver la planète, il faut détruire le capitalisme » et que Nicolas Casaux, que je ne connaissais pas avant de le découvrir sur Facebook, s’en prend aux nombreux jeunes youtubeurs talentueux qui se sont engagés collectivement pour le climat (et dont la vidéo a été vue à ce jour plus de 9 millions de fois !). Il écrit ainsi : « nos youtubeurs… embrayent directement sur divers problèmes plus ou moins spécifiques… sans poser de diagnostic, sans déterminer la cause des problèmes, sans cibler le système économique dominant — le capitalisme. »

      J’explique en deux temps mon désaccord (partiel) avec ces points de vue, en privilégiant l’analyse de Frédéric Lordon qui est la plus complète et la plus radicale. Je serai bref sur le rôle du capitalisme dans l’effondrement écologique en cours, un peu plus explicite sur la condamnation sans appel de ces appels divers et de diverses autres initiatives, dont celles qui concernent la décroissance ou la post-croissance. Il faut d’ailleurs reconnaître à Lordon une certaine constance dans son manque d’appétence pour la critique de la croissance : « C’est d’ailleurs là le mot magique : pour ne pas avoir à dire « capitalisme », il suffit de dire « décroissance » ou, si la chose sent encore un peu trop le macramé, « post-croissance ». Brillant comme d’hab. mais pas forcément juste, j’y viens.

      LE CAPITALISME, ARME DE DESTRUCTION MASSIVE DE LA PLANÈTE ? OUI

      Sur ce premier point, je vais faire court car je m’en suis souvent expliqué ici et là, notamment dans ce billet de blog de 2010, qui m’a valu quelques réserves des plus sociaux-démocrates de mes amis (ils se reconnaîtront) : « Peut-on s’en sortir dans le cadre d’un capitalisme réformé ? ». J’y présentais « neuf caractéristiques structurelles du capitalisme qui font douter de sa capacité à nous sortir de la zone des tempêtes à répétition. » et je concluais ainsi : « il me semble que ceux mes amis qui pensent qu’un capitalisme régulé pourrait faire l’affaire devraient tenter soit de répondre aux questions qui précèdent, soit de m’expliquer en quoi elles sont mal posées. »

      Je suis donc d’accord avec Lordon, Ziegler, Casaux et d’autres sur l’énorme responsabilité (dans l’effondrement écologique mais aussi dans d’autres domaines) du capitalisme et de ses acteurs, et plus encore du capitalisme financier dont Lordon est l’un des meilleurs analystes. Il y a certes cet argument : on a connu, dans l’histoire, des systèmes non capitalistes tout aussi productivistes et destructeurs des écosystèmes. Exact, mais… il n’y en a plus… Une variante : certaines grandes entreprises publiques (non capitalistes) ont été ou sont encore clairement « climaticides », de même que certaines collectivités locales qui encouragent et financent de « grands projets inutiles », des aéroports par exemple, etc. C’est vrai, mais on peut rétorquer que le capitalisme néolibéral, avec ses lobbies, ses moyens de corruption, sa capacité à faire élire certains de ses meilleurs avocats et à orienter les grands médias (qu’il possède), est très largement à la manœuvre dans ces orientations publiques.

      On peut donc passer au point suivant.

      FAUT-IL ÊTRE EXPLICITEMENT ET PRIORITAIREMENT ANTICAPITALISTE POUR « SAUVER LA PLANÈTE » ?

      Pour moi, cette option désigne une stratégie d’une part perdante, d’autre part contradictoire avec ce que Frédéric Lordon lui-même écrivait dans son livre de 2009 « la crise de trop », qui est toujours pour moi une grande référence, je reste un étudiant de la « Lordon School of Economics »… Dans ce livre, les perspectives d’un dépassement du capitalisme ne sont évoquées qu’à l’extrême fin, dans une « projection » fort intéressante intitulée « Et pourquoi pas plus loin ? ». Mais le gros des propositions pour sortir de la crise, rassemblées dans les parties I (« Arraisonner la finance ») et II (« Défaire le capitalisme antisalarial » [traduisez : capitalisme actionnarial et financier]), est constitué de « réformes » certes ambitieuses mais qui ne consistent en rien à se débarrasser du capitalisme. Je cite : « à défaut du grand saut postcapitaliste, une transformation suffisamment profonde des structures actionnariales et concurrentielles serait déjà à même de produire le renversement non pas du capitalisme tout court, mais de ce capitalisme-là, le capitalisme antisalarial » (p. 160). Et, deux pages avant : « Le parti que je prends ici tient l’hypothèse que la sortie du capitalisme, dût-on le regretter, est l’issue la moins probable de la crise actuelle ». Positions que je partage depuis longtemps.

      Ce qui me sépare des points de vue critiques des « appels » en tout genre sur le climat ou sur le dogme de la croissance, ou de la critique des youtubeurs par Casaux, ne réside pas dans la portée, assez faible, de ces appels que je signe parfois. Non, ce qui me sépare est qu’il ne me viendrait pas à l’idée de reprocher à des initiateurs/trices ou signataires de ces textes, ou aux youtubeurs, de ne pas désigner explicitement le capitalisme comme adversaire principal. La seule question que je me pose avant de signer ou pas est : la cause ou les causes que ce texte met en avant, et ce qu’il revendique, invitent-ils ou non à agir en vue d’une réforme significative du « système » actuel dans ce qu’il a de plus détestable ? Ce n’est guère différent de mon attitude à l’égard de ce que Lordon propose pour « arraisonner la finance ».

      Prenons l’exemple de l’appel « nous voulons des coquelicots » (encore un que j’ai signé, en me déplaçant jusqu’à une mairie le 5 octobre pour le faire connaître). J’imagine que ça fait bien rigoler Lordon, Casaux et d’autres, qui doivent trouver ça au mieux « fleur bleue », si j’ose dire. Or de quoi est-il question : d’interdire les pesticides de synthèse, en tentant de mobiliser bien au-delà des cercles écolos usuels. Difficile de trouver plus clairement « anticapitaliste » : les multinationales des pesticides sont les premières cibles, avec l’agrobusiness. C’est assez comparable à l’interdiction des produits toxiques… des banques. Pourtant, le capitalisme n’est pas désigné en tant que tel dans l’appel. Ni dans les innombrables actions de désobéissance civique menées pour mettre fin aux paradis fiscaux ou aux investissement « climaticides » des banques.

      Depuis plus de quinze ans que j’ai quitté la recherche, je baigne dans des réseaux associatifs militants et je vois autrement les possibilités de s’en prendre au « système » en le mettant en difficulté par tous les bouts possibles, partout où il s’en prend à des biens communs auxquels les gens tiennent. Parmi ces biens communs à reconquérir en les « sortant du capitalisme financier », on trouve la monnaie et le climat, mais aussi la protection sociale, l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, une alimentation saine, la qualité de l’air en ville, les terres arables et les sols vivants, les forêts, etc.

      Mon hypothèse est, d’une part, que le néolibéralisme et le capitalisme financier ont plus à craindre de ces nouveaux mouvements sociaux autour de biens communs multiples que des discours anticapitalistes. Et que, d’autre part, la prise de conscience de la nocivité du « système » du capitalisme financier et de ses multinationales a plus de chances de se développer au cours de ces mouvements qu’en l’exigeant comme préalable à l’action.

      Quant aux « appels », un peu d’observation de ce qu’ils produisent est utile. Pour certains, rien de significatif, c’est vrai. Mais d’autres produisent du débat public et de l’action collective, par exemple le 8 septembre et le 13 octobre dernier à propos du climat. Et ce que j’ai vu, en participant à des réunions de préparation des actions (300 personnes à Lille pour préparer une marche qui a rassemblé 5000 personnes), c’est la forte présence de personnes, souvent jeunes, qui n’avaient jamais milité nulle part. Et qui sont souvent venues à la suite de ces « appels », dans la mesure où ils ont été relayés sur le terrain.

      « Après l’effacement de tant de systèmes politiques au cours des 50 derniers siècles et alors que de toutes parts nous parviennent des rapports sur les bouleversements qui affectent la Terre, n’est-il pas téméraire de considérer le capitalisme industriel et consumériste comme immortel ? Étant donné qu’il est la cause du dérèglement planétaire, il me semble plutôt intéressant de penser son effondrement, voire même de le préparer !

      Comment ?

      En multipliant par exemple les actes de non-coopération avec le modèle consumériste, en résistant aux dérives fascisantes ou aux oppressions que la crise écologique ne manque pas de favoriser, en s’opposant aux projets inutiles et à la poursuite de l’extraction des énergies fossiles comme des minerais, en renforçant les alternatives qui émergent. A l’image du « dernier homme » post-apocalyptique et individualiste hollywoodien, je préfère plutôt l’image des collectifs qui participent à l’effondrement d’un vieux monde productiviste : ceux qui bloquent les mines et font chuter le cours des actions des multinationales, ceux qui réinventent des communs – du mouvement de la transition aux zones à défendre. Une autre fin du monde est possible ! »

    • Appels sans suite (2)
      Migrants et salariés
      https://blog.mondediplo.net/appels-sans-suite-2

      Or c’est bien ce qu’il y a à discuter ici si l’intention particulière du « Manifeste » n’est pas tant d’attirer l’attention sur le sort des migrants en général que d’en finir avec l’imputation faite aux migrations d’entretenir la misère salariale. Donc de relever les migrants d’une causalité qui ne leur appartient pas, en tout cas pas en première instance, et de lui substituer la bonne : celle qui évite de dresser un salariat contre un autre. Mais alors, la logique élémentaire devrait commander, d’abord de nommer les vraies causes avec la plus grande clarté, et ensuite de s’en prendre très directement à elles, avec normalement le double bénéfice et d’améliorer les effets pour tous et d’en finir avec les débats mal posés. C’est à ce moment qu’on prend la mesure des blocages mentaux qui, le problème déplié, empêchent de se rendre à sa solution — et ni les migrants, ni les salariés nationaux ne sont sortis de l’auberge.

      Car on voit bien que la « frénésie » et la « ronde incessante » avaient surtout vocation à faire faire l’économie des mots — et surtout de ce qui peut s’en suivre une fois qu’on les a lâchés. Il fallait bien suggérer un petit quelque chose, mais le priver autant que possible de sa consistance logique et même de sa force nominale. Il est vrai qu’ayant fait à des degrés divers campagne pour savonner la planche de la seule force politique qui pouvait entraver la marche consulaire de Macron (c’est-à-dire entraver l’approfondissement des causes en question ici même !), voire pour certains ayant positivement servi la soupe à ce dernier, on ne pouvait guère attendre des initiateurs du « Manifeste » qu’ils prissent tout soudain une ligne autre que compatible avec leur projet foncier de reconstitution d’une force finalement socialiste-courtoise (satellites compris), avec une réelle amplitude de débat puisqu’on autorisera de discuter de tout pour savoir si c’est Benoît Hamon ou Christiane Taubira qui doit en prendre la tête — en tremblant même du fol espoir que Raphaël Glucksmann puisse faire don de son corps à l’Europe sociale et à l’accueil de l’Autre. De là d’ailleurs ce cycle asymétrique caractéristique, indexé sur le calendrier électoral, qui fait assaut de toutes les audaces pendant quatre ans et demi, puisqu’elles sont essentiellement verbales, et pendant les six mois qui précèdent l’élection enjoint de retourner à l’écurie pour voter Hollande, Macron, ou bien le prochain équivalent fonctionnel, il faut quand même être raisonnable — ou bien faire barrage. En tout cas ne rien commettre d’irréparable qui dérangerait l’ordre contemporain autrement qu’en mots (et encore).

      La question de l’euro n’étant que la projection régionale du problème global de la mondialisation, les élections européennes promettent de tracer à nouveau la ligne de fracture qui sépare les courtois, ou disons plutôt les stupéfiés : ils sont face à l’ordre du monde, en voient le principe mais, saisis de tremblements, se refusent à le changer et lui demandent simplement de bien vouloir jouer autrement (une autre Union européenne, une autre mondialisation, un autre commerce international, un autre appareil génital de ma tante pour qu’on puisse l’appeler mon oncle), et d’autre part ceux qui cherchent les voies pour mettre une ligne politique au bout d’une analyse. Pendant ce temps, Salvini donne au défi à l’Europe la plus sale gueule possible. Il aurait tort de se gêner : le boulevard est désert — ou plutôt déserté. Il est vrai qu’aux mauvais vouloirs et aux rationalisations démissionnaires, cette sale gueule-là s’avère parfaitement fonctionnelle.

      En tout cas l’inconséquence, qui est partout, donne la mesure de la profondeur à laquelle l’ordre présent a vissé dans les têtes l’idée de sa propre immuabilité, et conforté les tempéraments portés à l’accommodation. Aussi bien en matière de changement climatique que de migrants, les appels se partagent entre ceux qui ne voient même pas ce qu’il y a à voir et ceux qui ne veulent surtout rien faire quand bien même ils ont un peu vu. Ainsi donc, ce n’est pas tant la pratique des appels en général qui est à mettre en question (l’auteur de ces lignes en a signé suffisamment pour ne pas se déjuger au mépris de toute logique) que les usages qu’on en fait : pour dire quoi, ou pour éviter de dire quoi — et alors pour tirer quelles sortes de bénéfices de ces évitements...

  • Baisse de l’espérance de vie au Royaume-Uni et aux Etats-unis : quand la redistribution ne fonctionne plus
    https://information.tv5monde.com/info/baisse-de-l-esperance-de-vie-au-royaume-uni-et-aux-etats-unis-

    Interrogé par Le Monde, un chercheur de l’université d’Oxford, Danny Dorling résume la situation : « Si plus de gens vivent sous le seuil de pauvreté, qu’on réduit les aides aux personnes âgées, que le budget du système de santé ne progresse pas, qu’il y a plus de sans-abri, peut-être qu’on ne devrait pas être surpris des conséquences ».

  • Demain, les Suisse·sses votent pour/contre l’ #initiative appelée "Initiative pour la #souveraineté_alimentaire" .

    Le site de l’initiative :

    En Suisse, 2 à 3 exploitations agricoles ferment leurs portes chaque jour. En 30 ans, le #revenu_paysan a baissé de 30% et plus de 100’000 emplois ont disparu. La #Suisse dépend de plus en plus des #importations en matière d’alimentation, et notre santé se dégrade face à la perte en qualité de notre #nourriture, toujours plus chargée en intrants chimiques. En outre, la nature pâtit d’une exploitation trop agressive des sols. Même les institutions officielles le disent : en 2008, un rapport de 400 experts, mandatés par la Banque Mondiale, se positionne face au modèle agricole productiviste actuel : « business as usual is not anymore possible ». Face à ce constat alarmant, un changement de cap de nos politiques agricole et alimentaire est indispensable.

    L’initiative pour la souveraineté alimentaire soutient une #agriculture qui, dans un espace rural vivant et créateur d’emplois, produit une #alimentation_saine et de proximité permettant des prix, des conditions de travail et des salaires justes ; elle participe par ailleurs à un commerce international équitable et une exploitation durable des ressources.

    Pour une une alimentation saine et de proximité
    Aujourd’hui, quelques grandes entreprises dominent le système alimentaire et mobilisent des terres agricoles, avec pour seul objectif le prix le plus bas, sans tenir compte des aspects sociaux et environnementaux. L’accès aux ressources (terre, eau, semences et biodiversité) est la base d’une agriculture paysanne qui produit une alimentation socialement juste et écologique : naturellement sans OGM !
    Pour une agriculture diversifiée et sans #OGM !
    Le rôle premier de l’agriculture est de nourrir la population avec une alimentation saine tout en préservant les ressources naturelles. La souveraineté alimentaire place les besoins de l’être humain au centre des enjeux alimentaires et agricoles plutôt que de répondre aux seules attentes du marché.
    Pour des #prix, des #salaires et des #conditions_de_travail justes
    Depuis 2000, les prix des produits agricoles ont diminué de 12% pour les paysan·ne·s alors qu’ils ont augmenté de 5% pour les consommateurs·trices. Plus de transparence dans la formation des prix, des marges et dans la gestion des quantités produites, permettra d’obtenir des prix rémunérateurs pour les paysan·ne·s, des conditions de travail justes et harmonisées pour les salarié·e·s agricoles et des prix accessibles à la consommation.

    Pour un commerce international équitable !
    Les changements climatiques, l’augmentation du prix du pétrole, la spéculation sur les aliments et les crises politiques affecteront de manière croissante le marché global. La souveraineté alimentaire contribue à la réduction de la dépendance aux marchés internationaux en valorisant l’agriculture locale, au Nord comme au Sud. Les importations doivent respecter les critères sociaux et environnementaux et les exportations ne doivent pas nuire aux marchés agricoles d’autres régions.
    Pour la santé, la nature et le climat !
    Pour garantir une alimentation diversifiée et un système alimentaire durable, il faut des fermes en nombre et de toutes tailles. Elles doivent fournir une large gamme de produits, selon des modes de production variés. L’équilibre doit être conservé tant dans nos champs que dans nos assiettes. Moins de viande mais plus locale, issue d’animaux bien traités et nourris avec de l’herbe et des fourrages locaux. Moins de transports inutiles et de gaspillage alimentaire et plus de produits frais !

    Pour la création d’#emplois dans un espace rural vivant
    #Paysannerie, artisanat de transformation, commerce et consommation de proximité font vivre l’#espace_rural. Les structures locales de production, de transformation, de stockage et de distribution doivent être encouragées, favorisant un tissu social et économique fort. La traçabilité des produits est ainsi garantie tout en créant des places de travail. Un gage d’avenir pour les jeunes générations !


    https://initiative-souverainete-alimentaire.ch

    Curieuse de voir les résultats des urnes demain...

    • Les Suisses balaient les deux initiatives alimentaires, mais plébiscitent le vélo

      - Les deux initiatives agricoles ont été nettement rejetées dimanche dans les urnes. Selon les résultats définitifs, l’initiative pour des aliments équitables est refusée à 61,30% et l’initiative pour la souveraineté alimentaire à 68,37%.

      – Seuls quatre cantons romands ont accepté ces textes, Neuchâtel, Genève, Vaud et le Jura, alors que Fribourg, le Valais, Berne et toute la Suisse alémanique ont dit non.

      https://www.rts.ch/info/suisse/9861213-les-suisses-balaient-les-deux-initiatives-alimentaires-mais-plebiscitent

    • La peur au ventre

      Le verdict est net et sans appel. Avec respectivement 61% et 68% de non, les deux initiatives pour des aliments équitables et pour la souveraineté alimentaire ont été rejetées par le peuple. En clair : ces textes ont fait le plein de voix dans le camp progressiste, mais ont peiné à dépasser le clivage politique gauche-droite. On continuera à avoir sur nos étals des tomates récoltées en Espagne ou en Italie dans des conditions semi-esclavagistes, qui enrichissent des circuits mafieux, et autre céréales qui sentent le glyphosate.

      On relèvera tout d’abord la présence d’un énorme #Röstigraben. Car quatre cantons romands ont accepté ces textes : Genève, Vaud, Jura et Neuchâtel. A des majorités souvent plus que confortables. Ce qui s’explique sans doute par le fait qu’Uniterre, le syndicat paysan alternatif qui avait lancé le second texte, est présent surtout dans la partie francophone de la Suisse. Le discours d’une agriculture plus durable a pu se frayer un chemin porté par ces milieux qui ont su incarner une alliance entre producteurs et consommateurs. Un résultat d’autant plus remarquable que ce sur ce genre de sujets de société, on était habitué à un vote plus progressiste outre-Sarine. En l’occurrence, en Suisse alémanique, les lobbies agroalimentaires dominants ont pesé, seuls, de tout leur poids.

      Deuxième facteur : un électorat urbain plus marqué en terres romandes. Le fameux clivage villes-campagne a sans doute aussi joué : on voit qu’en ville de Zurich, ce sont près de 47% de oui qui sortent des urnes, et même 52% en ville de Berne.

      On regrettera à cet égard que le Parti socialiste ne se soit guère investi dans la campagne, assurant un service que l’on peut qualifier de minimum et ait laissé aux Verts le soin de défendre leur texte maison. Dommage, cela aurait pu contribuer à infléchir le résultat en contrant la propagande populiste distillée par leur conseiller fédéral Alain Berset qui – sans aller jusqu’à brandir la pénurie de foie gras, comme l’a fait le PLR – a tout de même feint de s’inquiéter pour le panier de la ménagère, arguant que les pauvres n’ont pas les moyens de manger bio, alors que le problème est peut être davantage à chercher du côté des revenus trop bas. Bref, à emboucher les trompettes de la peur dans lesquelles soufflaient à pleins poumons des milieux de l’économie soucieux des bénéfices engrangés par les géants de l’agroalimentaire.

      Mais ce n’est que partie remise. Les formations bourgeoises ont assuré la bouche en cœur que la législation actuelle serait suffisante. Reste que l’article constitutionnel largement adopté l’an passé sur la sécurité alimentaire sera sacrifié plus souvent qu’à son tour sur l’autel du dieu Mo-loch libre-échangiste. L’Union suisse des paysans – déjà échaudée par les frasques de l’inénarrable Johann Schneider-Ammann – n’avait d’ailleurs pas donné de mots d’ordre.

      Rendez-vous est donc pris : la question d’une agriculture durable et moins industrielle reviendra inéluctablement sur le tapis. Le vote de ce week-end a montré que la question du mode de production agricole est une préoccupation centrale des Suisses.

      https://lecourrier.ch/2018/09/23/la-peur-au-ventre

  • « Changer de système ne passera pas par votre caddie »

    En rendant cheap la nature, l’argent, le travail, le care , l’alimentation, l’énergie et donc nos vies - c’est-à-dire en leur donnant une #valeur_marchande - le capitalisme a transformé, gouverné puis détruit la planète. Telle est la thèse développée par l’universitaire et activiste américain #Raj_Patel dans son nouvel ouvrage, intitulé Comment notre monde est devenu cheap (Flammarion, 2018). « Le capitalisme triomphe, non pas parce qu’il détruit la nature, mais parce qu’il met la nature au travail - au #moindre_coût », écrit Patel, qui a pris le temps de nous en dire plus sur les ressorts de cette « #cheapisation » généralisée.

    Raj Patel est professeur d’économie politique à l’université du Texas d’Austin. À 46 ans, c’est aussi un militant, engagé auprès de plusieurs mouvements, qui a travaillé par le passé pour la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce. Logique, quand on sait qu’il se définit lui-même comme « socialiste », ce qui « n’est pas facile au Texas », nous précise-t-il dans un éclat de rire. Patel a déjà écrit sur les crises alimentaires, dont il est un expert. Il signe aujourd’hui un nouvel ouvrage, Comment notre monde est devenu cheap, co-écrit avec Jason W. Moore, historien et enseignant à l’université de Binghampton.

    Ces deux universitaires hyper-actifs y développent une nouvelle approche théorique pour appréhender l’urgence dans laquelle nous nous trouvons, mêlant les dernières recherches en matière d’#environnement et de changement climatique à l’histoire du capitalisme. Pour eux, ce dernier se déploie dès le XIVème siècle. Il naît donc avec le #colonialisme et la #violence inhérente à l’#esclavage, jusqu’à mettre en place un processus de « cheapisation » généralisé, soit « un ensemble de stratégies destinées à contrôler les relations entre le capitalisme et le tissu du vivant, en trouvant des solutions, toujours provisoires, aux crises du capitalisme ». Une brève histoire du monde qui rappelle, sur la forme, la façon dont Yuval Harari traite l’histoire de l’humanité, mais avec cette fois une toute autre approche théorique, que Raj Patel n’hésite pas à qualifier de « révolutionnaire ».

    Entretien autour de cette grille de lecture, qui offre également quelques perspectives pour sortir de ce que les auteurs appellent le « #Capitalocène », grâce notamment au concept d’ « #écologie-monde ».

    Usbek & Rica : Des scientifiques du monde entier s’accordent à dire que nous sommes entrés depuis un moment déjà dans l’ère de l’#Anthropocène, cette période de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre. Mais vous allez plus loin, en parlant de « Capitalocène ». Le capitalisme serait donc la cause de tous nos problèmes ?

    Raj Patel : Si vous avez entendu parler de l’Anthropocène, vous avez entendu parler de l’idée selon laquelle les humains sont en grande partie responsables de la situation désastreuse de notre planète. À ce rythme, en 2050, il y aura par exemple plus de plastique que de poissons dans les océans. Si une civilisation survient après celle des humains, les traces qui resteront de notre présence seront le plastique, la radioactivité liée aux essais nucléaires, et des os de poulet. Mais tout cela n’est pas lié à ce que les humains sont naturellement portés à faire. Il y a quelque chose qui conduit les humains à cette situation. Et si vous appelez cela l’Anthropocène, vous passez à côté du fond du problème. Ce n’est pas l’ensemble des comportements humains qui nous conduit à la sixième extinction. Il y a aujourd’hui beaucoup de civilisations sur Terre qui ne sont pas responsables de cette extinction de masse, et qui font ensemble un travail de gestion des ressources naturelles formidable tout en prospérant. Et ces civilisations sont souvent des populations indigènes vivant dans des forêts.

    Mais il y a une civilisation qui est responsable, et c’est celle dont la relation avec la nature est appelée « capitalisme ». Donc, au lieu de baptiser ces phénomènes Anthropocène, appelons-les Capitalocène. Nous pouvons ainsi identifier ce qui nous conduit aux bouleversements de notre écosystème. Il ne s’agit pas de quelque chose d’intrinsèque à la nature humaine, mais d’un système dans lequel évolue un certain nombre d’humains. Et ce système nous conduit vers une transformation dramatique de notre planète, qui sera visible dans l’étude des fossiles aussi longtemps que la Terre existera.

    Vous établissez, avec votre co-auteur, une histoire du capitalisme fondée sur sept choses « cheap ». Quelles sont-elles, et comment êtes vous parvenus à cette conclusion ?

    Dans ce livre, nous évoquons les sept choses que le capitalisme utilise pour éviter de payer ses factures. C’est d’ailleurs une définition courte du capitalisme : un système qui évite de payer ses factures. C’est un moyen de façonner et de réguler les relations entre individus, et entre les humains et la reste de la vie sur Terre. Ces sept choses sont la nature « cheap », l’argent « cheap », le travail « cheap », le care « cheap », l’alimentation « cheap », l’énergie « cheap » et les vies « cheap ». Nous sommes parvenus à cette conclusion en partie grâce à un raisonnement inductif fondé sur l’histoire, mais aussi en s’intéressant aux mouvements sociaux d’aujourd’hui. Par exemple, le mouvement Black Lives Matter ne proteste pas uniquement contre l’inégalité historique qui résulte de l’esclavage aux Etats-Unis. Ses membres se penchent aussi sur le changement climatique, l’équité entre les genres, le travail, la réforme agraire ou la nécessaire mise en place de meilleurs systèmes alimentaires et de systèmes d’investissement solidaires qui permettraient à des entreprises d’émerger.

    C’est une approche très complète, mais l’idée qui importe dans la structuration des mouvements sociaux est celle d’intersectionnalité. Et on peut identifier nos sept choses « cheap » dans presque tous les mouvements intersectionnels. Tous les mouvements visant à changer l’ordre social se tiennent à la croisée de ces sept choses.

    Vous expliquez que la nourriture est actuellement peu chère, mais que cela n’a pas été le cas à travers l’histoire. Dans votre introduction, vous prenez pour exemple les nuggets de MacDonald’s pour illustrer votre théorie des sept choses « cheap ». Pourquoi ?

    Il n’a pas toujours été possible d’obtenir un burger ou quelques chicken nuggets pour un euro ou deux. Au XIXème siècle, les ouvriers anglais dépensaient entre 80 et 90% de leurs revenus en nourriture. Aujourd’hui, nous consacrons à peu près 20% à l’alimentation. Quelque chose a changé. Et le nugget est devenu un fantastique symbole la façon dont le capitalisme évite de payer ses factures.

    Reprenons nos sept choses « cheap ». La nature « cheap » nous permet de retirer un poulet du monde sauvage et de le modifier en machine à produire de la viande. Cette approche de la nature est assez révélatrice de la façon dont le capitalisme opère. La deuxième chose, c’est le travail : pour transformer un poulet en nugget, il vous faut exploiter des travailleurs. Et partout dans le monde, ces ouvriers avicoles sont extrêmement mal payés. Une fois que les corps de ces ouvriers sont ruinés par le travail à la chaîne, qui va veiller sur eux ? Généralement, cela retombe sur la communauté, et particulièrement sur les femmes. C’est cela que j’appelle le « cheap care ». Les poulets sont eux-mêmes nourris grâce à de la nourriture « cheap », financée par des milliards de dollars de subventions. L’énergie « cheap », c’est-à-dire les énergies fossiles, permet de faire fonctionner les usines et les lignes de production. Et l’argent « cheap » permet de faire tourner l’ensemble, parce que vous avez besoin de taux d’intérêt très bas, et que les grandes industries en obtiennent des gouvernements régulièrement. Et enfin, vous avez besoin de vies « cheap » : il faut reconnaître que ce sont les non-blancs qui sont discriminés dans la production de ce type de nourriture, mais aussi que les consommateurs sont considérés comme jetables par l’industrie.

    Vous insistez sur le fait que le capitalisme est né de la séparation entre nature et société, théorisée notamment par Descartes. Et que cette naissance a eu lieu au XIVème siècle, dans le contexte de la colonisation. On a donc tort de dire que le capitalisme est né avec la révolution industrielle ?

    Si vous pensez que le capitalisme est né au cours de la révolution industrielle, vous êtes en retard de trois ou quatre siècles. Pour que cette révolution advienne, il a fallu beaucoup de signes avant-coureurs. Par exemple, l’idée de la division du travail était déjà à l’oeuvre dans les plantations de cannes à sucre à Madère à la fin du XIVème siècle ! Toutes les innovations dont on pense qu’elles proviennent de la révolution industrielle étaient déjà en place quand les Portugais ont apporté la production de sucre, l’esclavage et la finance à Madère.

    Quant à la division du monde entre nature et société, il s’agit là du péché conceptuel originel du capitalisme. Toutes les civilisations humaines ont une façon d’opérer une distinction entre « eux » et « nous », mais séparer le monde entre nature et société permet de dire quels humains peuvent faire partie de la société, et d’estimer qu’on est autorisé à exploiter le reste du monde. Les colons arrivant en Amérique considéraient ceux qu’ils ont baptisé « Indiens » comme des « naturales ». Dans une lettre à Isabelle Iʳᵉ de Castille et Ferdinand II d’Aragon, Christophe Colomb se désole de ne pouvoir estimer la valeur de la nature qu’il a devant lui aux Amériques. Il écrit aussi qu’il reviendra avec le plus d’esclaves possibles : il voit certains hommes et la nature comme des denrées interchangeables car ils ne font pas partie de la société. Cette frontière entre nature et société est propre au capitalisme, et c’est pourquoi il peut utiliser les ressources fournies par la nature tout en la considérant comme une immense poubelle.

    Le capitalisme fait partie, selon vous, d’une écologie-monde, un concept forgé par votre co-auteur. En quoi ?

    Nous nous inspirons de Fernand Braudel et du concept d’économie-monde. En résumé, l’historien explique que si l’on veut comprendre comment fonctionne le monde, on ne peut pas prendre l’Etat-nation comme unité fondamentale d’analyse. Il faut comprendre que cet endroit est défini par son rapport aux autres endroits, tout comme les humains sont définis par leurs relations aux autres humains. On doit également penser au système dans lequel le pays que l’on étudie se trouve.

    L’économie n’est qu’une façon de penser la relation entre les humains et le tissu du vivant. Par exemple, Wall Street est une façon d’organiser le monde et la nature. Les traders qui y travaillent font de l’argent en faisant des choix, et en les imposant via la finance et la violence qui lui est inhérente. Le tout pour structurer les relations entre individus et entre les humains et le monde extra-naturel. Ce que nous faisons, c’est que nous replaçons tout cela dans son écologie, et c’est pourquoi le concept d’écologie-monde fait sens. Si vous vous intéressez à la façon dont les humains sont reliés les uns aux autres, vous devez choisir la focale d’analyse la plus large possible.

    Vous dites qu’il est plus facile d’imaginer la fin du la planète que la fin du capitalisme. Pourquoi ?

    J’expliquais dernièrement à mes étudiants que nous avons jusqu’à 2030 si l’on veut parvenir à une économie neutre en carbone. Et ils étaient désespérés et désemparés. Ce désespoir est un symptôme du succès du capitalisme, en cela qu’il occupe nos esprits et nos aspirations. C’est pourquoi il est, selon moi, plus facile d’envisager la fin du monde que celle du capitalisme. On peut aller au cinéma et y admirer la fin du monde dans tout un tas de films apocalyptiques. Mais ce qu’on ne nous montre pas, ce sont des interactions différentes entre les humains et la nature, que certaines civilisations encore en activités pratiquent actuellement sur notre planète.

    Je vis aux Etats-Unis, et tous les matins mes enfants doivent prêter serment et répéter qu’ils vivent dans « une nation en Dieu » [NDLR : « One nation under God »]. Mais les Etats-Unis reconnaissent en réalité des centaines de nations indigènes, ce que l’on veut nous faire oublier ! Tous les jours, on nous apprend à oublier qu’il y existe d’autres façons de faire les choses, d’autres possibilités. Cela ne me surprend pas que certains estiment impossible de penser au-delà du capitalisme, même si les alternatives sont juste devant nous.

    Parmi ces alternatives, il y en a une qui ne trouve pas grâce à vos yeux : celle du progrès scientifique, incarnée en ce moment par certains entrepreneurs comme Elon Musk.

    Ce que je ne comprends pas, c’est que ceux que nous considérons comme nos sauveurs sont issus du passé. Beaucoup pensent qu’Elon Musk va sauver le monde, et que nous allons tous conduire des Tesla dans la joie. Mais si on regarde ce qui rend possible la fabrication des Tesla, on retrouve nos sept choses « cheap » ! Les travailleurs sont exploités, notamment ceux qui travaillent dans les mines pour extraire les métaux rares nécessaires aux batteries. Et Musk lui-même s’attache à éliminer les syndicats... Je suis inquiet du fait que l’on fonde nos espoirs sur ces messies.

    Des initiatives comme celle du calcul de son empreinte écologique ne trouvent pas non plus grâce à vous yeux. Pourquoi ?

    Parce qu’il s’agit d’un mélange parfait entre le cartésianisme et la pensée capitaliste. C’est une façon de mesurer l’impact que vous avez sur la planète en fonction de vos habitudes alimentaires ou de transport. À la fin du questionnaire, on vous livre une série de recommandations personnalisées, qui vous permettent de prendre des mesures pour réduire votre empreinte écologique. Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir de mal à ça ? Evidemment, je suis d’accord avec le fait qu’il faudrait que l’on consomme moins, particulièrement dans les pays développés.

    Pourtant, présenter le capitalisme comme un choix de vie consiste à culpabiliser l’individu au lieu de condamner le système. C’est la même logique qui prévaut derrière la façon dont on victimise les individus en surpoids alors que leur condition n’a pas grand chose à voir avec leurs choix individuels, mais plutôt avec leurs conditions d’existence. On ne pourra pas non plus combattre le réchauffement climatique en recyclant nos déchets ! Du moins, pas uniquement. En mettant l’accent sur le recyclage, on sous-estime l’immensité du problème, mais aussi notre propre pouvoir. Parce que si vous voulez changer de système, ça ne passera pas par ce que vous mettez dans votre caddie, mais par le fait de s’organiser pour transformer la société. Et c’est l’unique façon dont une société peut évoluer. Personne n’est allé faire les courses de façon responsable pour mettre un terme à l’esclavage ! Personne n’est sorti de chez lui pour acheter de bons produits afin que les femmes obtiennent le droit de vote ! Tout cela dépasse le niveau des consommateurs. Il va falloir s’organiser pour la transformation, c’est la seule façon de combattre.

    C’est pour ça que le dernier mot de votre livre est « révolution » ?

    Si nous continuons comme ça, la planète sur laquelle nous vivons sera en grande partie inhabitable. Si je vous dis que j’ai l’idée révolutionnaire de transformer le monde pour le rendre inhabitable, vous me répondrez qu’il faudrait que j’évite de faire ça. Le problème, c’est que si je vous dis que j’ai l’idée révolutionnaire de se détourner du capitalisme pour vivre mieux qu’aujourd’hui, vous me diriez la même chose. On choisit sa révolution. Soit on essaye de maintenir les choses comme elles sont, avec leur cortège d’exploitation, de racisme et de sexisme, la sixième extinction de masse, et la transformation écologique pour prétendre que tout va bien se passer. Soit on accueille le changement à venir, et on tente de s’y connecter.

    Les systèmes sociaux meurent rapidement. Le féodalisme a par exemple disparu pendant une période de changement climatique et d’épidémies. Plusieurs expériences ont été tentées pour remplacer le féodalisme, et parmi elles, c’est le capitalisme qui a gagné. Ce que je veux dire, c’est que nous pouvons choisir le monde que nous voulons construire maintenant pour être capables de supporter l’après-capitalisme. On peut choisir sa révolution, mais la chose qu’on ne peut pas choisir, c’est de l’éviter. Le capitalisme nous rend aveugles à la révolution qu’il opère lui-même à la surface de la planète en ce moment.

    Donc, selon vous, il faudrait se tourner vers le concept d’écologie-monde pour reprendre espoir ?

    Une partie de ce que l’on voulait faire avec Comment notre monde est devenu cheap, c’était d’articuler théoriquement ce qui est déjà en train d’advenir. Je suis très inspiré par ce que met en place le mouvement paysan La Via Campesina. Ce mouvement international qui regroupe des petits paysans fait un travail incroyable, notamment en Amérique du Sud, en promouvant l’agroécologie.

    L’agro-écologie est un moyen de cultiver la terre qui est totalement à l’opposé de l’agriculture industrielle. Au lieu de transformer un champ en usine en annihilant toute la vie qui s’y trouve, vous travaillez avec la nature pour mettre en place une polyculture. Cela vous permet de lutter contre le réchauffement en capturant plus de carbone, et de vous prémunir contre ses effets en multipliant le type de récoltes. Enfin, vous vous organisez socialement pour soutenir le tout et gérer les ressources et leur distribution, ce qui ne peut se faire sans combattre le patriarcat. Voilà un exemple de mouvement fondé autour d’une lutte contre l’OMC et qui a évolué en une organisation qui combat les violences domestiques, le patriarcat et le réchauffement climatique. C’est un exemple concret, et presque magique, d’intersection entre les choses « cheap » que nous évoquons dans notre livre. Et tout cela est rendu possible parce que le mouvement est autonome et pense par lui-même, sans s’appuyer sur de grands espoirs, mais sur l’intelligence de chaque paysan.

    Votre livre compte 250 pages de constat, pour 10 pages de solution. Est-ce qu’il est vraiment si compliqué que ça d’accorder plus de place aux solutions ?

    Il y a déjà des organisations qui travaillent sur des solutions. Mais pour comprendre leur importance et pourquoi elles se dirigent toutes vers une rupture d’avec le capitalisme, on s’est dit qu’il était de notre devoir de regrouper un certain nombre d’idées qui parcourent le monde universitaire et le travail de nos camarades au sein des mouvements sociaux. Notre rôle me semble être de théoriser ce qui se passe déjà, et de nourrir nos camarades intellectuellement. Et ces sept choses « cheap » pourraient être une nouvelle manière d’appréhender nos systèmes alimentaires et tout ce que l’on décrit dans l’ouvrage, mais pas seulement. Le cadre théorique pourrait aussi s’appliquer à la finance, au patriarcat ou au racisme, et permettre aux mouvements en lutte de se rendre compte qu’il faut qu’ils se parlent beaucoup plus. Nous n’avions pas l’objectif de faire un catalogue de solutions, encore moins un programme politique : beaucoup d’acteurs engagés font déjà de la politique, et c’est vers eux qu’il faut se tourner si vous voulez changer les choses maintenant, sans attendre l’effondrement.

    https://usbeketrica.com/article/changer-de-systeme-ne-passera-pas-par-votre-caddie
    #intersectionnalité #mouvements_sociaux #post-capitalisme #capitalisme #alternatives #nature #responsabilité #résistance

    • Comment notre monde est devenu cheap

      « Cheap » ne veut pas simplement dire « bon marché ». Rendre une chose « #cheap » est une façon de donner une valeur marchande à tout, même à ce qui n’a pas de #prix. Ainsi en va-t-il d’un simple nugget de poulet. On ne l’achète que 50 centimes, alors qu’une organisation phénoménale a permis sa production : des animaux, des plantes pour les nourrir, des financements, de l’énergie, des travailleurs mal payés…
      Déjà, au XIVe siècle, la cité de Gênes, endettée auprès des banques, mettait en gage le Saint Graal. Christophe Colomb, découvrant l’Amérique, calculait ce que valent l’eau, les plantes, l’or… ou les Indiens. Au XIXe siècle, les colons britanniques interdisaient aux femmes de travailler pour les cantonner aux tâches domestiques gratuites. Jusqu’à la Grèce de 2015, qui remboursait ses dettes en soldant son système social et ses richesses naturelles.
      Le capitalisme a façonné notre monde : son histoire, d’or et de sang, est faite de conquêtes, d’oppression et de résistances. En la retraçant sous l’angle inédit de la « cheapisation », Raj Patel et Jason W. Moore offrent une autre lecture du monde. De cette vision globale des crises et des luttes pourrait alors naître une ambition folle : celle d’un monde plus juste.

      https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/documents-temoignages-et-essais-d-actualite/comment-notre-monde-est-devenu-cheap

      #livre

  • Ethiopia-Eritrea Border Opens for First Time in 20 Years

    Astebeha Tesfaye went to visit friends in Eritrea, and had to stay 20 years.

    “I was going to take the bus the next day,” he said by phone on Tuesday, “but I heard that the roads were blocked, and that no one was going to move either to Eritrea or Ethiopia.”

    Mr. Tesfaye was traveling as war broke out between Ethiopia and Eritrea, locking the two countries in hostilities that eventually left tens of thousands dead. Cross-border phone calls were banned, embassies were closed and flights were canceled. Travel between the countries became impossible.

    But on Tuesday, the leaders of Ethiopia and Eritrea reopened crossing points on their shared border, clearing the way for trade between the two nations. The development was part of a series of reconciliation moves that began in July, when Prime Minister Abiy Ahmed of Ethiopia and President Isaias Afwerki of Eritrea signed a formal declaration of peace.

    Fitsum Arega, Mr. Abiy’s chief of staff, said on Twitter that the reopening of border crossings had created “a frontier of peace & friendship.”

    Mr. Abiy and Mr. Isaias visited the Debay Sima-Burre border crossing with members of their countries’ armed forces to observe the Ethiopian new year. They then did the same at the #Serha - #Zalambesa crossing, the Eritrean information minister, Yemane Meskel, said on Twitter.

    Photographs posted online by Mr. Arega and Mr. Meskel showed the two leaders walking side by side, passing soldiers and civilians who waved the countries’ flags. In a ceremony broadcast live on Ethiopian television, long-separated families held tearful reunions. People from both sides ran toward one another as the border crossings opened, hugging, kissing and crying as if in a coordinated act.

    “This must be how the people during World War I or World War II felt when they met their families after years of separation and uncertainty,” said Mr. Tesfaye, who is from a border town but was caught on the wrong side of the frontier during the war.

    Eritrea gained its independence from Ethiopia in the early 1990s, and war broke out later that decade, locking the two nations in unyielding hostilities that left more than 80,000 people dead. The turning point came in June, when Mr. Abiy announced that Ethiopia would “fully accept and implement” a peace agreement that was signed in 2000 but never honored. The formal deal was signed weeks later.

    Few people expected such a quick turn of events. Embassies have reopened, telephone lines have been restored and commercial flights between the capitals have resumed. An Ethiopian commercial ship docked in an Eritrean port last Wednesday — the first to do so in more than two decades.

    Ethiopia has a strategic interest in a critical Eritrean port, Assab, as a gateway to international trade via the Red Sea. Landlocked since Eritrea gained independence, Ethiopia sends 90 percent of its foreign trade through Djibouti.

    Bus routes through Zalambesa are expected to start soon, helping residents to move freely for the first time in decades.

    Mr. Tesfaye, for one, is thrilled.

    “There wasn’t any day that went by that I didn’t think of my mother,” he said, choking up. “I never thought this day would come.”


    https://www.nytimes.com/2018/09/11/world/africa/ethiopia-eritrea-border-opens.html

    #frontières #Erythrée #Ethiopie #paix

    • #Ouverture_des_frontières et fuite des Erythréens

      Le 11 septembre dernier, à l’occasion du nouvel an éthiopien, les deux dirigeants, Isayas Afewerki et Abiy Ahmed ont ouvert leurs frontières.

      Les civils et les soldats, habités d’une euphorie certaine, brandissaient les deux drapeaux.

      Bien que cette nouvelle peut sembler réjouissante, elle s’accompagne aussi d’un certain nombre de préoccupations et d’effets inattendus. Depuis une dizaine de jours, un nombre croissants de mères et d’enfants quittent l’Erythree.

      Au début de cette dizaine de jours, il était difficile de distinguer les individus qui quittaient l’Erythree, pour simplement revoir leurs familles se trouvant de l’autre côté de la frontière, de ceux qui quittaient le pays pour bel et bien en fuir.

      Il convient de rappeler que malgré le fait que le rapprochement avec l’Ethiopie peut être perçu comme un progrès à l’échelle régionale et internationale, il n’empêche que du côté érythréen ce progrès découle d’une décision unilatérale du Président Afewerki. Celle-ci motivée par les Etats-Unis et par des incitations de nature financière qui demeurent encore particulièrement opaques.

      Comme Monsieur Abrehe l’avait indiqué dans son message au Président : « les accords diplomatiques rapides et peu réfléchis que vous faites seul avec certaines nations du monde (…) risquent de compromettre les intérêts nationaux de l’Érythrée. ».

      Ce message ainsi que le départ important de mères érythréennes avec leurs enfants vers l’Ethiopie sont l’aveu de :

      – l’absence de confiance des érythréens vis-à-vis de leurs autorités ; et
      – de leur décision contraignante à devoir trouver une alternative de survie par leurs propres moyens.

      Il convient aussi de constater l’asymétrie non-négligeable dans la rapidité et l’efficacité dans les solutions trouvées et fournies par le gouvernement érythréen pour les demandes venant du côté éthiopien. Alors que dans l’intervalle, aucune solution tangible n’est apportée pour que sa propre population ait accès à son droit à un standard de vie suffisant (manger à sa faim, disposer de sa liberté de mouvement pour notamment subvenir à ses besoins, etc.).

      Le gouvernement est parfaitement conscient de ses départs vu qu’il a commencé à émettre lui-même des passeports à ceux qui le demandent. Il reste à savoir si les autorités érythréennes se complaisent dans ce schéma hémorragique ou si elles mettront en place des incitations pour assurer la survie de l’Etat de l’Erythrée.

      https://www.ife-ch.org/fr/news/ouverture-des-frontieres-et-fuite-des-erythreens

    • L’enregistrement d’Erythréens dans les camps de réfugiés en Ethiopie a quadruplé depuis l’ouverture des frontières avec l’Ethiopie, le 11 septembre 2018, selon UNHCR.

      Le 26 septembre 2018, la « European Civil Protection and Humanitarian Aid Operations » a indiqué que l’absence de changements en Erythrée et l’ouverture des frontières en seraient les raisons. « L’assistance humanitaire va devoir augmenter les ressources pour répondre aux besoins et pour réduire les risques d’une migration qui se déplace ».

      Samedi dernier, le Ministre des Affaires Etrangères a prononcé un discours devant l’Assemblée Générale de l’ONU à New York dans lequel il :
      Rappelle le récent rapprochement avec l’Ethiopie et les nombreux fruits qu’il porte tant au niveau national qu’au niveau régional ;
      Demande à ce que les « déplorables » sanctions à l’encontre de l’Erythrée soient immédiatement levées et à cet égard, il dénonce les préconditions imposées par certains Etats ;
      Précise que « quand l’Etat de droit est supprimé et supplanté par la logique de force ; quand l’équilibre du pouvoir mondial est compromis, les conséquences inévitables sont des crises difficiles à résoudre et des guerres qui dégénèrent. »
      Dénonce les « principaux architectes » de ces sanctions, à savoir d’anciennes administrations étatsuniennes ;
      Insiste sur le fait que « le peuple d’Erythrée n’a commis aucun crime, ni aucune transgression qui le pousse à demander clémence. Ainsi, ils demandent non seulement la levée des sanctions, mais demandent aussi, et méritent, une compensation pour les dommages causés et les opportunités perdues. »
      Il convient de souligner que ces propos prononcés « au nom du peuple » n’ont fait l’objet d’aucune consultation représentative du peuple ou de sa volonté. Il s’agit à nouveau d’un discours construit par le parti unique qui ne dispose toujours pas de mandat pour gouverner.

      Par ailleurs, aucune mention n’a été faite sur l’entrée en vigueur de la Constitution, ni sur le changement de la pratique du service national/militaire. Deux points critiques qui étaient très attendus tant par les fonctionnaires de l’ONU que par les différentes délégations.

      Lors de cette session, l’Assemblée Générale votera sur :

      La levée ou non des sanctions ; et
      L’adhésion ou non de l’Erythrée au Conseil des Droits de l’Homme.

      Message reçu par email, de l’association ife : https://www.ife-ch.org

    • Nouvel afflux de migrants érythréens en Ethiopie

      Le Monde 30 octobre 2018

      L’ouverture de la frontière a créé un appel d’air pour les familles fuyant le régime répressif d’Asmara

      Teddy (le prénom a été modifié) est sur le départ. Ce jeune Erythréen à peine majeur n’a qu’une envie : rejoindre son père aux Etats-Unis. Originaire d’Asmara, la capitale, il a traversé la frontière « le plus vite possible »quand le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, et le président érythréen, Isaias Afwerki, ont décidé de la démilitariser et de l’ouvrir, le 11 septembre.

      Cette mesure a donné le signal du départ pour sa famille, qui compte désormais sur la procédure de regroupement familial pour parvenir outre-Atlantique. Ce matin de fin octobre, sa mère et ses trois frères patientent à Zalambessa, ville frontière côté éthiopien, comme 700 autres Erythréens répartis dans 13 autobus en partance pour le centre de réception d’Endabaguna, à environ 200 km à l’ouest, la première étape avant les camps de réfugiés.

      L’ouverture de la frontière a permis aux deux peuples de renouer des relations commerciales. Mais elle a aussi créé un appel d’air, entraînant un afflux massif de migrants en Ethiopie. Selon des chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 15 000 Erythréens ont traversé la frontière les trois premières semaines.

      « Là-bas, il n’y a plus de jeunes »

      Certains d’entre eux sont simplement venus acheter des vivres et des marchandises ou retrouver des proches perdus de vue depuis la guerre. Mais la plupart ont l’intention de rester. « Je n’ai pas envie de rentrer à Asmara. Là-bas, il n’y a plus de jeunes : soit ils sont partis, soit ils sont morts en mer, soit ils sont ici »,poursuit Teddy.

      Chaque année, des milliers d’Erythréens fuient leur pays, depuis longtemps critiqué par les organisations de défense des droits humains pour le recours à la détention arbitraire, la disparition d’opposants et la restriction des libertés d’expression et de religion. La perspective d’être enrôlé à vie dans un service militaire obligatoire, jusque-là justifié par la menace du voisin éthiopien, a poussé une grande partie de la jeunesse sur la route de l’exil. Pour l’heure, l’accord de paix entre les deux pays n’a pas fait changer d’avis les candidats au départ, au contraire.

      Depuis plusieurs semaines, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) fait des allers-retours entre le centre d’Endabaguna et Zalambessa et Rama, les principaux points de passage grâce auxquels la grande majorité des nouveaux arrivants – surtout des femmes et des enfants – traversent la frontière. « L’affluence ne tarit pas », explique un humanitaire. Près de 320 personnes franchiraient la frontière quotidiennement, soit six fois plus qu’avant. Côté érythréen, les militaires tiennent un registre des départs, mais le contrôle s’arrête là.

      Après leur enregistrement au centre d’Endabaguna, les migrants seront répartis dans des camps. Plus de 14 000 nouveaux arrivants ont été recensés depuis l’ouverture de la frontière. « L’un des camps est saturé », confie le même humanitaire. Quant au HCR, il juge la situation « critique ». Cette nouvelle donne risque d’accentuer la pression sur l’Ethiopie, qui compte déjà près d’un million de réfugiés, dont plus de 175 000 Erythréens et voit augmenter le nombre de déplacés internes : ceux-ci sont environ 2,8 millions à travers le pays.

      Si la visite du premier ministre éthiopien à Paris, Berlin et Francfort, du lundi 29 au mercredi 31 octobre, se voulait à dominante économique, la lancinante question migratoire a forcément plané sur les discussions. Et l’Europe, qui cherche à éviter les sorties du continent africain, a trouvé en Abiy Ahmed un allié, puisque l’Ethiopie prévoit d’intégrer davantage les réfugiés en leur accordant bientôt des permis de travail et des licences commerciales. C’est l’un des objectifs du « cadre d’action globale pour les réfugiés » imaginé par les Nations unies. Addis-Abeba doit confier à cette population déracinée une partie des 100 000 emplois créés dans de nouveaux parcs industriels construits grâce à un prêt de la Banque européenne d’investissement et aux subventions du Royaume-Uni et de la Banque mondiale.

      En attendant, à Zalambessa, les nouveaux arrivants devront passer une ou plusieurs nuits dans un refuge de fortune en tôle, près de la gare routière. Ils sont des centaines à y dormir. Adiat et Feruz viennent de déposer leurs gros sacs. Autour d’elles, des migrants s’enregistrent pour ne pas rater les prochains bus. « Notre pays est en train de se vider. Dans mon village, il n’y a plus personne », lâche Feruz, qui rappelle que beaucoup d’Erythréens sont partis avant l’ouverture de la frontière, illégalement. Elle se dit prête à sacrifier une ou deux années dans un camp de réfugiés avant d’obtenir, peut-être, le droit d’aller vivre en Europe, son rêve.

      –-> Ahh ! J’adore évidemment l’expression « appel d’air » (arrghhhh)... Et l’afflux...

    • L’ONU lève les sanctions contre l’Érythrée.

      Après quasi une décennie d’isolement international du pays, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé à l’unanimité de lever les sanctions contre l’Érythrée. Un embargo sur les armes, un gel des avoirs et une interdiction de voyager avaient été imposés en 2009, alors que l’Érythrée était accusée de soutenir les militants d’al-Shabab en Somalie, ce qu’Asmara a toujours nié, note la BBC (https://www.bbc.com/news/world-africa-46193273). La chaîne britannique rappelle également que le pays, critiqué pour ses violations des droits de l’homme, a longtemps été considéré comme un paria sur la scène international. La résolution, rédigée par le Royaume-Uni, a été soutenue par les États-Unis et leurs alliés. La #levée_des_sanctions intervient dans un contexte de dégel des relations entre l’Érythrée et ses voisins après des années de conflit, notamment avec l’Ethiopie – Asmara et Addis-Abeba ont signé un accord de paix en juin –, mais aussi la Somalie et Djibouti. “La bromance [contraction des mots brother (frère) et romance (idylle)] entre le nouveau dirigeant réformiste éthiopien Abiy Ahmed et le président érythréen Isaias Aferweki semble avoir déteint sur les dirigeants voisins”, analyse le journaliste de la BBC à Addis-Abeba.


      https://www.courrierinternational.com/article/pendant-que-vous-dormiez-caravane-de-migrants-israel-erythree
      #sanctions #ONU

    • L’ONU lève les sanctions contre l’Erythrée après un accord de paix

      Le Conseil de sécurité de l’ONU a levé mercredi les sanctions contre l’Erythrée après un accord de paix historique avec l’Ethiopie et un réchauffement de ses relations avec Djibouti.

      Ces récents développements laissent augurer de changements positifs dans la Corne de l’Afrique.

      Le Conseil a adopté à l’unanimité cette résolution élaborée par la Grande-Bretagne. Il a levé l’embargo sur les armes, toutes les interdictions de voyage, les gels d’avoirs et autres sanctions visant l’Erythrée.

      Les relations entre Djibouti et l’Erythrée s’étaient tendues après une incursion en avril 2008 de troupes érythréennes vers Ras Doumeira, un promontoire stratégique surplombant l’entrée de la mer Rouge au nord de Djibouti-ville. Les deux pays s’étaient opposés à deux reprises en 1996 et 1999 pour cette zone.
      Accord signé en juillet

      L’Erythrée est depuis 2009 sous le coup de sanctions du Conseil de sécurité pour son soutien présumé aux djihadistes en Somalie, une accusation que le gouvernement érythréen a toujours niée.

      Asmara a signé en juillet avec l’Ethiopie un accord de paix qui a mis fin à deux décennies d’hostilités et conduit à un apaisement de ses relations avec Djibouti.


      https://www.rts.ch/info/monde/9995089-lonu-leve-les-sanctions-contre-lerythree-apres-un-accord-de-paix.html

  • Joseph Stiglitz : « La politique économique de Trump est conçue pour les ultra-riches »

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/08/joseph-stiglitz-trump-met-en-place-une-politique-economique-concue-pour-les-

    Pour le prix Nobel et ancien conseiller de Bill Clinton, la politique menée par le locataire de la Maison Blanche est désastreuse pour l’Américain ordinaire.

    Professeur d’économie à l’université Columbia, Joseph Stiglitz a dirigé les conseillers économiques du président Clinton (1995-1997), avant d’être chef économiste de la Banque mondiale (1997-2000). En 2001, il a reçu le prix Nobel d’économie pour ses travaux sur l’asymétrie d’information sur les marchés imparfaits. Il a publié de nombreux ouvrages dont La Grande Désillusion (Fayard, 2002) ou plus récemment, L’Euro : comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe (éd. Les Liens qui libèrent, 2016).

    Depuis l’élection de Donald Trump, le S&P 500, indice basé sur les 500 plus grandes sociétés cotées aux Etats-Unis a augmenté de 33 % pour atteindre son plus haut niveau historique, le taux de chômage est bas, et celui de la croissance, annualisée, atteint plus de 4 %. Finalement, Trump, ça marche ?

    La bonne santé de l’économie américaine n’est pas à mettre au crédit de Donald Trump. Premièrement, il bénéficie de la reprise économique qui a débuté sous Barack Obama. Deuxièmement, il a fait exploser le déficit budgétaire en augmentant la dépense publique et en baissant les impôts, ce qui, naturellement, crée de la croissance à court terme. En France, un choc fiscal de cette ampleur, qui a vu le déficit public américain passer de 3 % à presque 6 % du produit intérieur brut (PIB), n’aurait même pas été autorisé par les traités européens.

    Troisièmement, si les cours de la Bourse ont tant augmenté, c’est surtout parce que les impôts sur les sociétés ont beaucoup baissé, ce qui a augmenté les valeurs des entreprises. Enfin, si on compare la situation aux Etats-Unis depuis l’élection de Trump avec celle des autres pays de la région, on se rend compte qu’elle n’a rien d’exceptionnel. Par exemple, entre 2016 et 2017, la croissance a davantage augmenté au Canada qu’aux Etats-Unis.

    En faisant exploser le déficit public, Trump déplace le fardeau de la charge fiscale sur les générations futures. Sa politique n’est pas viable à long terme. Je m’attends à un vrai ralentissement de la croissance vers la fin 2019, début 2020, car ses réformes ne favorisent pas l’investissement. La Réserve fédérale [la banque centrale des Etats-Unis] va devoir augmenter les taux d’intérêt plus que s’il n’y avait pas eu de baisse massive des impôts.

    De plus, Trump a réduit certains programmes publics, et on peut s’attendre à moins d’investissements productifs dans ce secteur. Au total, sa politique économique aura donc des effets très néfastes.

    Vous mettez aussi en cause le caractère inégalitaire de sa politique économique…

    Alors que, les Etats-Unis sont déjà le pays le plus inégalitaire des pays développés, Trump met en place une politique économique conçue pour les ultra-riches mais désastreuse pour l’Américain ordinaire. Il finance une baisse d’impôts pour les très riches par une hausse pour les classes moyennes.

    Sur le plan éducatif, il fait ouvrir des « charter schools » [écoles privées à financements publics] qui par le passé ont pourtant contribué à faire beaucoup augmenter les inégalités. Par ailleurs, il a fait passer une réforme qui va faire perdre à treize millions d’Américains leur couverture santé, alors que dans ce pays le problème du manque d’accès aux soins est tel que l’espérance de vie est aujourd’hui en déclin.

    Les mesures favorables aux entreprises ne vont-elles pas, cependant, susciter une croissance bénéfique à tous ?

    Les revenus des 1 % les plus riches n’ont cessé d’augmenter ces quarante dernières années, tandis que ceux des 90 % les plus pauvres ont stagné. Les faits le prouvent : l’enrichissement des plus riches ne bénéficie qu’aux plus riches.

    Par ailleurs, l’argent que Trump a rendu aux riches et aux entreprises n’a pas été réinvesti, ni utilisé pour augmenter les salaires, mais a servi à financer des programmes de rachat d’actions, ce qui a mis de l’argent dans les poches d’Américains déjà très riches.

    Parlons justement des inégalités, que vous voyez comme l’un des défis majeurs du XXIe siècle. Pourquoi ont-elles explosé au sein de nos sociétés ces quarante dernières années ?

    Certaines tendances majeures, comme les évolutions technologiques, la mondialisation ou la libéralisation des échanges, sont les mêmes dans tous les pays. Pourtant, les inégalités n’ont pas augmenté de la même manière partout, ce qui prouve que les choix politiques en sont en partie responsables.

    Les Etats-Unis ont, par exemple, rendu la vie des syndicats très compliquée et ont réduit les droits des salariés, ce qui a nui à leur pouvoir de négociation avec les patrons. Conséquence : les salaires les plus bas sont au même niveau qu’il y a soixante ans. Dans la plupart des pays ce serait inadmissible. Plus généralement, ceux qui ont fait les mêmes choix économiques que les Etats-Unis ont de hauts niveaux d’inégalités, tandis que ceux qui ont suivi d’autres chemins en ont moins. La France, par exemple, a fait plus pour protéger les salariés.

    Les réformes qui seraient nécessaires pour réduire les inégalités ne nuiraient-elles pas à l’efficacité économique ?

    Non, cette vieille idée a été totalement discréditée ces dix dernières années. L’inégalité est coûteuse pour la société. Je l’ai expliqué dans un livre appelé Le Prix de l’inégalité (éd. Les liens qui libèrent, 2012). D’ailleurs, les travaux économétriques et statistiques réalisés par le Fonds monétaire international (FMI) ou par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) ont toujours soutenu que les économies les plus égalitaires étaient les plus efficaces.

    Il y a au moins deux raisons à cela. D’abord, les pays les plus égalitaires sont généralement ceux où les riches ne peuvent pas se limiter à exploiter leurs rentes, ce qui induit une utilisation plus efficace des ressources. Ensuite, dans les pays très inégalitaires, il n’existe souvent pas d’égalité des chances. Du coup, des jeunes talentueux mais défavorisés n’obtiennent pas le niveau d’éducation qui leur permettrait d’exploiter leur potentiel et de contribuer pleinement à l’économie du pays.

    Donald Trump a augmenté les tarifs douaniers pour les exportations chinoises de 16 milliards de dollars (14 milliards d’euros). Certains commentateurs pensent que cette guerre commerciale sera plus douloureuse pour la Chine que pour les Etats-Unis, et qu’elle devra donc céder aux exigences américaines…

    Ce point de vue ne prend pas en compte le fait que la Chine a des moyens non économiques de faire souffrir les Etats-Unis. Elle peut le faire par le biais diplomatique avec, par exemple, son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) ou par le biais politique, comme à travers ses choix vis-à-vis de la Corée du Nord.

    Le jeu auquel joue Trump est donc dangereux, et à terme pourrait nuire aux intérêts des Etats-Unis. De plus, même en ne regardant que l’aspect purement économique, il n’est pas donné que la Chine soit forcément perdante dans cette guerre commerciale.

    « EN CHINE, (...) IL PARAÎT INCONCEVABLE DE SE LAISSER HUMILIER UNE NOUVELLE FOIS, SURTOUT PAR TRUMP, VU COMME UN RACISTE INCOMPÉTENT. »

    Le gouvernement chinois aimerait que l’économie du pays soit plus autosuffisante, qu’elle repose davantage sur sa demande intérieure plutôt que sur ses exportations, et que ses entreprises puissent développer leurs produits sans avoir recours à la technologie étrangère.

    La guerre commerciale peut se révéler, pour la Chine, une forte incitation à atteindre plus rapidement ces objectifs. Et il est intéressant de se rappeler qu’au XIXe siècle, l’Occident a mené contre ce pays deux guerres pour lui imposer d’ouvrir ses frontières au commerce d’opium. En Chine, où ces défaites sont encore dans les mémoires, il paraît inconcevable de se laisser humilier une nouvelle fois, surtout par Trump, vu comme un raciste incompétent. Néanmoins, Pékin ne serait pas forcément contre un accord raisonnable, mais je doute que Trump soit capable d’accepter les concessions nécessaires.

    Pourquoi les mesures protectionnistes de Donald Trump sont-elles plébiscitées par ses supporteurs ?

    Les économistes sont d’accord sur le fait qu’à l’échelle macroéconomique, le libre-échange, bien géré, est bénéfique. En revanche, à l’échelle des individus il fait, au moins à court terme, des victimes, le plus souvent des travailleurs peu qualifiés. Or, ces dernières décennies, au lieu d’aider les travailleurs des régions frappées par la désindustrialisation, nous leur avons dit : « Ne vous inquiétez pas, vous bénéficierez du libre-échange plus tard. » Certains, qui n’en bénéficient toujours pas, sont logiquement en colère.

    Cela étant, un retour au protectionnisme ne les aiderait pas non plus. La mondialisation a été très disruptive, mais la « démondialisation » le serait plus encore et, paradoxalement, ferait beaucoup de mal à une tranche de la population qui a déjà fortement souffert de la mondialisation.

    Le populisme s’épanouit aux Etats-Unis, mais aussi en Europe. Comment expliquez-vous le rejet des partis traditionnels et des experts ?

    Aux Etats-Unis comme en Europe, un gouffre énorme s’est creusé entre ce qui a été promis par les élites et les résultats obtenus. La mondialisation, censée être bénéfique à tous, a été néfaste à nombre de gens. La libéralisation des marchés financiers, censée créer de la croissance, a abouti à la plus grande crise financière depuis 1929.

    L’euro, censé apporter la prospérité à toute l’Europe, a enrichi l’Allemagne et affecté les pays européens les plus pauvres. Les électeurs se tournent donc vers des partis qui n’ont jamais été au pouvoir. Mais les promesses des formations populistes ne seront pas davantage tenues.

    Je ne vois guère, alors, que deux possibilités : soit de nouvelles forces, véritablement progressistes, émergeront, et mettront en œuvre les mesures nécessaires, soit les gens se tourneront vers des partis de plus en plus fascistes.

    Vous avez écrit que l’euro était « un système conçu pour échouer ». Pourquoi ?

    Les pays qui sont passés à l’euro ont perdu plusieurs leviers d’ajustement, notamment une politique monétaire indépendante qui leur aurait permis de choisir leurs propres taux d’intérêt ou de dévaluer pour rendre leurs exportations plus compétitives.

    Or, au moment du passage à l’euro, il manquait en Europe toutes les institutions nécessaires au bon fonctionnement d’une monnaie unique : il n’y avait pas de garantie commune des dépôts bancaires, pas d’union bancaire, pas de système commun d’assurance-chômage…

    Aux Etats-Unis, nous avons le dollar, mais aussi toutes les institutions qui vont avec. Même s’il y a des progrès, je suis peu confiant dans la capacité des Européens à faire face à une nouvelle crise, car au sein de l’Union européenne, les processus décisionnels sont compliqués et requièrent parfois l’unanimité des pays membres, difficile à obtenir en présence d’intérêts souvent divergents.

  • Le Grand Dé-Globalisateur
    http://www.dedefensa.org/article/le-grandde-globalisateur

    Le Grand Dé-Globalisateur

    Dans un texte sur le site du Saker-US, le 22 juillet 2018, Peter Koenig écrit un article sur l’évolution de l’économie mondiale, essentiellement avec et grâce à l’intrusion de Trump avec ses initiatives brutales et déstabilisantes. Koenig prend la chose sous l’aspect essentiellement économique, appuyé sur une solide expérience : ancien expert-économiste de la Banque Mondiale et de l’Organisation Mondiale de la Santé, passé depuis à la dissidence-Résistance (Saker, RT, Press-TV, Global Research) et auteur ou co-auteur de livres hérétiques (“Implosion – An Economic Thriller about War, Environmental Destruction and Corporate Greed”, “The World Order and Revolution ! – Essays from the Resistance”).

    Koenig décrit un monde où toutes les dynamiques jusqu’alors cadrées pour évoluer dans le (...)

  • Un "drôle" de petit article sur les orientations futures de l’#aide_au_développement en direction des "pays fragiles". Enfonçages de portes ouvertes garantis où l’on vous assène de gros poncifs sur les vertus de l’économie privée ... Quand la Banque Mondiale et toutes ses officines vous font croire qu’elles sont sorties poliment par la porte, les #banksters n’ont même plus à se gêner pour rentrer par les fenêtres.

    Aide au développement : « Il faut changer nos manières de faire »_ID4D
    https://ideas4development.org/aide-developpement-vulnerabilites

    Récemment, j’ai coécrit le rapport Escaping the Fragility Trap avec le professeur Tim Besley de la London School of Economics. Il est issu des travaux de la Commission Cameron, une commission indépendante présidée par David Cameron, ancien Premier ministre britannique, et Donald Kaberuka, ancien président de la Banque africaine de développement. Il s’agit d’un rapport très important sur la fragilité. La priorité de la communauté internationale, sur le plan politique, devrait être d’encourager les structures de partage du pouvoir. Sur le plan économique, la sortie de la fragilité repose en grande partie sur la création d’emplois. Ce sont les entreprises qui créent des emplois mais elles sont très peu incitées à s’installer dans les États fragiles. L’innovation engendre des pertes qui doivent être financées par l’argent public. C’est à cela que servent les États. (ouch !)

    La priorité est donc d’utiliser les deniers publics pour inciter les entreprises à faire des affaires dans des endroits où elles auraient très peu intérêt à s’installer autrement. C’est un message difficile à entendre pour les agences d’aide au développement, mais c’est un message réaliste.

    (Ils sont vraiment très forts chez #ID4D ...)

  • YOUGOSLAVIE PERDUE.
    RETRANSCRIRE LA MÉMOIRE D’UNE HISTOIRE RESTÉE SANS AUTEUR.
    https://legrandcontinent.eu/2017/10/13/yougoslavie-perdue

    Presque partout dans la littérature qui analyse le Brexit et l’arrivée de Trump au pouvoir, on retrouve constamment le thème de la chute de l’époque dorée de la fin de la guerre froide, de la nostalgie d’un temps où la victoire inexorable de la démocratie et de l’économie néolibérale était certaine et où le capitalisme libéral représentait le sommet des réussites humaines.

    Ce genre de récits m’a toujours mis mal à l’aise. C’est en partie parce que je n’y ai jamais cru et parce que mon expérience personnelle a été assez différente. Plutôt que de croire à la fin de l’Histoire, j’ai vu la fin de la guerre froide comme un événement ambivalent : bon pour de nombreuses personnes à qui il a apporté la libération nationale et la promesse de meilleures conditions de vie, mais traumatique pour d’autres à qui il a offert la montée d’un nationalisme féroce, guerres, chômage et un effondrement catastrophique du revenu.

    Je sais que cette conception a été influencée par la certitude que, une fois que le mur de Berlin était tombé, la guerre civile en Yougoslavie était inévitable (je me rappelle un dîner plutôt sombre avec ma mère ce jour de novembre) et par l’expérience directe de la misère soudaine qui a envahi la Russie au début des années 90 lorsque j’y ai voyagé pour la Banque mondiale [où B. Milanovic était lead economist de 1993 à 2001, ndlr]. J’étais donc conscient que mon malaise avec le triomphalisme pouvait être expliqué par ces circonstances rarement combinées. C’était peut-être un malaise idiosyncrasique.

    Mais en lisant d’autres livres et notamment le livre tant vanté de Tony Judt, je me suis rendu compte que le malaise était plus profond. Dans le déluge de la littérature écrite ou publiée après la fin de la guerre froide, je ne pouvais tout simplement rien trouver qui rendait compte de mes propres expériences dans la Yougoslavie des années soixante et soixante-dix.