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  • La culture du Paléolithique moyen ancien en Inde autour de 385-172 ka redéfinit les modèles de migrations dit « Out of Africa ».
    Early Middle Palaeolithic culture in India around 385–172 ka reframes Out of Africa models | Nature
    https://www.nature.com/articles/nature25444

    La découverte, présentée dans la revue Nature, jeudi 1er février, par une équipe indo-française, repose la question épineuse de l’origine de ce type d’innovation technique.

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/01/31/des-outils-sophistiques-vieux-de-385-000-ans-decouverts-en-inde_5250039_1650

    Que dit l’article ?

    La datation par luminescence sur le site préhistorique stratifié de Attirampakkam en Inde a montré que les processus étudiés montrent la fin de la culture acheuléenne et l’émergence de la culture du paléolithique moyen vers 385 ± 64 ka, soit beaucoup plus tôt que prévu pour l’Asie du Sud.
    Le paléolithique moyen s’est poursuivi à Attirampakkam jusque vers 172 ± 41 ka.

    Notes : la chronologie des technologies du Paléolithique moyen dans les régions éloignées d’Afrique et d’Europe sont cruciales pour :
    1/ tester les théories sur la origines et l’évolution précoce de ces cultures
    2/ comprendre leur association avec les humains modernes ou homininés archaïques
    3/ comprendre leur liens avec les cultures acheuléennes précédentes et la propagation de la technique Levallois.

    La situation géographique de l’Inde et de ses riches archives du Paléolithique moyen sont idéales pour traiter ces problèmes. Cependant, les progrès dans les connaissances ont été limités par la rareté des sites et des fossiles homininés ainsi que par les contraintes géochronologique.

    Qu’a-t-on relevé à Attirampakkam ? Une désaffection progressive pour les bifaces, une prédominance des petits outils, l’apparition de flocons Levallois distinctifs et diversifiés... Tout cela souligne de façon notable qu’on s’éloigne des technologies précoces acheuléennes à grandes flocons.
    Ces résultats montre qu’un changement de comportement s’est produit en Inde vers 385 ± 64 ka, contemporain avec des processus similaires enregistrés en Afrique et L’Europe.

    Ainsi, cela suggère donc qu’il y a eu des interactions complexes entre un développement local et des transformations globales en cours. Toutes ces observations appelleraient donc une reformulation des modèles qui font débuter les origines de la culture indienne du Paléolithique moyen au moment de la dispersions des hommes modernes vers 125 ka même si

    Yanni Gunnell et ses collègues ne vont pas jusqu’à écrire qu’Homo sapiens était le fabricant des Levallois d’Attirampakkam. « Cela relèverait plus du sentiment que de la preuve », admet-il.

    Quelques éléments en faveur de la diffusion d’une telle invention, au gré des déplacements des populations humaines :

    Les fourchettes très larges des datations pourraient rendre un tel scénario envisageable : si l’on prend la marge haute de la datation des fossiles marocains (315 000 ans + 34 000 ans) et la plage basse pour le site indien (385 000 ans – 64 000 ans), les incompatibilités temporelles s’effacent.

    Sachant qu’à la même époque, on a enregistré un épisode de « Sahara vert », le tableau se complète : « Les chasseurs-cueilleurs auraient ainsi rencontré entre l’Afrique et l’Asie du Sud un continuum d’écosystèmes de steppe et de savane sans interruption majeure par une barrière désertique, favorable à la dispersion des faunes cynégétiques avec lesquelles ils ont co-évolué

    Yanni Gunnell (dans le communiqué de presse qui accompagne la publication dans Nature).

    Maintenant, qu’en disent les contradicteurs ?

    Une technologie comme le débitage Levallois [a pu être] « inventée » de façon indépendante dans diverses régions du monde, par des espèces tout aussi diverses. « Cette hypothèse de la convergence technologique correspond à l’opinion dominante

    Jean-Jacques Hublin (Collège de France, Institut Max-Planck, Leipzig)

    Les pierres taillées présentées « ne sont pas du Levallois ». [ Eric Boëda, spécialiste de la taille des outils lithiques (université Paris-X Nanterre) ] estime qu’elles correspondent à « une analogie non contrôlée » avec cette méthode de taille, à « un début de production normalisée, un débitage même pas suivi de façonnage, une simple recherche de tranchant ». Mais pas au fruit de l’anticipation subtile qui permet de débiter une série d’outils à partir d’un bloc initial.

    Mais , Vincent Mourre (Institut national des recherches archéologiques préventives), lui aussi spécialiste de la production des industries lithiques,

    estime que les doutes émis par Eric Boëda « ne sont pas justifiés » - même si la qualification de « laminaires » de certaines production « pourrait sans doute être tempérée ». La critique de son confrère « ne tient pas compte de la variabilité des méthodes Levallois dans le temps et dans l’espace ni de la nécessaire adaptation aux matières première locales, en l’occurrence, du quartzite ». Une des planches présentant des « nucléus », ces noyaux de pierre dont sont tirées les lames, lui semble « particulièrement convaincante ». « En l’absence de fossile humain ancien bien daté dans le sous-continent indien, les retombées immédiates sont peut-être un peu plus modestes que ce que laisse entendre le titre de l’article de Nature », tempère cependant le chercheur.

    Affaire à suivre...

    #préhistoire #industrie_lithique #inde #Levallois #paléolithique_moyen #paléolithique_supérieur
    #385-172ka

  • De quoi l’expression « en même temps » est-elle le symptôme ? par Roland Gori
    https://www.lemediatv.fr/articles/de-quoi-l-expression-en-meme-temps-est-elle-le-symptome

    Comment préserver l’autorité de l’Etat et « en même temps » externaliser ses missions en les abandonnant à la spéculation financière ? Comment « en même temps » placer la République sous l’enseigne de la « fraternité » et évoquer ces « gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien » ? Comment concilier Ricoeur et le CAC 40 ? Le psychanalyste Roland Gori explore brillamment pour « Le Média » les paradoxes et les impostures d’une expression devenue la marque Macron...

    Le « en même temps », riche d’un potentiel symbolique, n’exprime plus la contradiction, la dialectique, le dialogue, l’invention du politique, le pouvoir sacré et symbolique, mais se réduit à la portion congrue du spectacle, de l’illusion brillante et habile. Reconnaissons-lui ce talent qui aveugle le peuple sur la férocité des pratiques néo-libérales mise en œuvre. La « fraternité » à laquelle conviaient les vœux présidentiels, et dont Bergson disait qu’elle était la valeur citoyenne qui réconciliait ces « sœurs ennemies » que sont l’égalité et la liberté, cède la place à l’ontologie entrepreneuriale présidentielle : l’humain ne vaut que par ce qu’il fait et rapporte. L’appel à la fraternité est épidictique, ornement d’une pratique néolibérale férocement assumée.

    Un seul exemple récent : l’école. Le ministre en charge des petits Français est un universitaire brillant, au parcours exemplaire, désireux d’apparaitre comme un des nouveaux héritiers de la tradition des érudits humanistes dont la France s’est montrée éplorée et orpheline. Jean-Michel Blanquer déclare se référer à « l’esprit Montessori », en appelle à « la créativité, la diversité des expériences », et « en même temps » nomme un Conseil scientifique de l’Education Nationale « endogamique », désireux d’éclairer les managers des écoles maternelles et primaires par la science positive.

    Voilà un ministre qui a compris la signification d’« en même temps », puisque « en même temps » qu’il prononce un discours rassurant, humaniste et pluraliste, il nomme un Conseil Scientifique de l’Education Nationale à la tête duquel il place Stanislas Dehaene, éminent professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France, entouré d’une « brochette » de positivistes assumés. Pour le pluralisme, on repassera. Point de professionnels de terrain, de cliniciens, de sociologues critiques, d’historiens de l’éducation, de chercheurs critiques en sciences de l’éducation… Non, que du beau monde, bien propre, objectif, neutre, prompt à la mesure et à l’imagerie fonctionnelle du cerveau qui feignent d’oublier que parfois « les experts se trompent plus que les chimpanzés »...

    #Macron #En_même_temps #Etat #Finance

  • Avant de quitter Facebook, voici la facture.
    USD 350.000.000.000.000
    Trois Cent Cinquante Mille Milliards de Dollar

    Lettre ouverte à Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook.

    Salut Mark !

    meilleurs voeux et toutes mes félicitations pour tes bonnes résolutions 2018 !

    1) tu nous dis que tu as pris conscience « qu’avec l’émergence d’un petit nombre de grandes entreprises technologiques - et les gouvernements utilisant la technologie pour surveiller leurs citoyens - beaucoup de gens croient maintenant que la technologie centralise le pouvoir plutôt qu’elle ne le décentralise. »

    Ce n’est pas qu’une croyance, c’est un peu vrai non ? Et tu y es un peu pour quelque chose n’est-ce pas ?

    Là dessus, tu nous dis être « intéressé à approfondir et étudier les aspects positifs et négatifs des technologies de décentralisation. »

    C’est cool ! Tu dois savoir que d’autres travaillent depuis longtemps ces questions - déjà bien avant la création de Facebook - en vue de créer les conditions d’une société plus équitable. Si ta prise de conscience est réelle, tu pourras sans doute nous aider. On manque de développeurs !

    2) tu sembles aussi avoir compris que tes algorithmes rendaient les gens fous en les inondant de posts sponsorisés et de fake news. Tu dis : « le renforcement de nos relations améliore notre bien-être et notre bonheur ». Tu vas donc modifier quelques lignes de code pour renforcer ce que tu appelles nos « liens forts » (strong ties) qui selon toi ont beaucoup de « valeur » (high value). Au final tu veux que le temps que les gens « dépensent » sur Facebook soit « plus précieux ».

    C’est cool ! Cependant, mon cher Mark, il faut que tu comprennes que ce temps est bien plus précieux encore que ce que tu imagines.

    Pour ma part, disons que je passe(ais) environ une heure par jour sur Facebook à développer ces liens et ma propre documentation professionnelle. En dehors de cela, j’y passe(ais) aussi du temps à titre « récréatif ». Ce point est évoqué plus bas(i).

    Or comme mes liens et ma documentation sont irrécupérables par le système backup de Facebook comme je l’ai expliqué à ton collègue Yann LeCun (ii), je suis obligé de constater que Facebook me les a volés.

    Voyons combien cela coûte...

    365 heures par an. Arrondissons à 50 jours par an. Si je compte mon prix de journée à USD 1.000 /jour (c’est très raisonnable, les avocats de FB sont payés USD 1.000 de l’heure), ça fait USD 50.000 par an. Comme je suis sur Facebook depuis 7 ans, je t’adresserai une facture de USD 350.000.

    Les statistiques montrent que je suis dans la moyenne des utilisateurs de Facebook en terme de durée d’utilisation et d’ancienneté. On peut donc multiplier ce coût par le nombre d’utilisateurs (non pas les 2 milliards actuels mais disons 1 milliard pour faire bonne mesure sur les 7 dernières années). On obtient donc une facture globale de :

    USD 350.000.000.000.000
    (Trois Cent Cinquante Mille Milliards de Dollar).

    En conclusion, mon cher Mark, tu fournis une véritable interopérabilité des données personnelles qui permettrait aux gens de ne pas être otages de Facebook et de sa centrallisation, ou bien tu rembourses !

    Bien à toi

    Olivier Auber

    (i) Le temps récréatif n’est pas décompté. En effet, le divertissement fourni par Facebook est financé par la publicité. C’est-à-dire que chacun paie pour ce divertissement à travers sa consommation quotidienne de produits surfacturés à cause des budgets publicitaires des marques captés pour une bonne part par Facebook..

    (ii) Lettre ouverte à Yann LeCun, ancien Professeur au Collège de France, responsable de la recherche en Intelligence Artificielle de Facebook.
    http://perspective-numerique.net/wakka.php?wiki=YannLeCun

    1) Résolution 1 : https://www.facebook.com/zuck/posts/10104380170714571
    2) Résolution 2 : https://www.facebook.com/zuck/posts/10104413015393571

  • Pierre Bourdieu, cible et repère

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/11/pierre-bourdieu-cible-et-repere_5240483_3232.html

    Dans le débat public, le nom du chercheur, mort en janvier 2002, resurgit à chaque attaque contre la sociologie. C’est parce qu’il a marqué la discipline : les querelles autour de son œuvre sont à la mesure de son importance.

    A chaque attaque contre la sociologie, le nom de Pierre Bourdieu resurgit. En 2015, il était déjà dans la ligne de mire de l’essayiste Philippe Val, qui s’en prenait au « sociologisme » dans ­Malaise dans l’inculture (Grasset). Quand l’ancien premier ministre Manuel Valls déclare, quelques mois plus tard, qu’« aucune excuse sociale, sociologique et culturelle » ne doit être cherchée au terrorisme, c’est encore à lui qu’on pense.

    Et c’est toujours lui qui est au cœur d’une charge venue, cette fois, de l’intérieur de la discipline : dans Le Danger sociologique (PUF, 2017), qui a suscité un émoi médiatique, Gérald Bronner et Etienne Géhin accusent Bourdieu d’avoir contribué à propager la « théorie du déterminisme social », sans considération pour la liberté des acteurs sociaux.

    « Les progrès de la neurobiologie et des sciences cognitives ne permettent plus aux sociologues de tout ignorer des ressources d’un organe qui est le moyen de la pensée, de l’intelligence, de l’inventivité, du choix, et par là, d’un certain libre arbitre », écrivent-ils.
    Gérald Bronner, professeur à l’université Paris-Diderot, persiste et signe : « Tout n’est pas prédictible. Si un chercheur n’est jamais surpris par ses résultats, c’est quand même un problème ! » Dans la foulée, la revue Le Débat consacre notamment son numéro de novembre-décembre 2017 à « la sociologie au risque d’un dévoiement » ; la sociologue Nathalie Heinich, très virulente, y reproche au « courant bourdieusien » la reprise « de grilles de perception du monde directement importées du vocabulaire militant ».

    Mais pourquoi ce chercheur agite-t-il autant le débat public seize ans après sa mort ? Comment expliquer que l’évocation de son seul patronyme continue d’échauffer les esprits dans la sphère publique ? Ou autre façon de poser la question : y a-t-il un Pierre Bourdieu médiatique, qui sentirait encore le soufre, et un Pierre Bourdieu académique, devenu un auteur classique ?

    Crispations hexagonales

    Il est vrai que brandir son nom revient à raviver des crispations hexagonales. Comme le rappelle Marc Joly, chercheur associé au CNRS, membre du Laboratoire Printemps et auteur d’un essai à paraître sur le sociologue :

    « Il fait partie des quatre grands noms de la sociologie française des années 1970, avec Michel Crozier, Raymond Boudon et Alain Touraine. Tous se sont retrouvés susceptibles d’être jugés par Raymond Aron. Mais celui qui est reconnu, c’est Bourdieu. »

    En effet, dès les années 1960, les travaux sur l’Algérie de ce normalien, fils de postier, attirent l’attention de la sommité, qui en fait son assistant. Bourdieu est âgé d’à peine plus de 30 ans quand il se voit confier le poste de secrétaire du Centre de sociologie européenne.

    Il rêve de réveiller une discipline qui a perdu de son crédit et d’y réinjecter une ambition scientifique. En tant qu’agrégé de philosophie et ancien élève de l’Ecole normale supérieure, il a toute légitimité pour le faire. Dans Le Métier de sociologue (Mouton/Bordas, 1968), Bourdieu fixe, avec Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron, les principes élémentaires de la discipline. Son champ d’influence s’étend très vite : déjà directeur d’une collection aux Editions de Minuit, il fonde une revue, Actes de la recherche en sciences sociales, qui existe toujours, crée le Centre de sociologie de l’éducation et de la culture, et dirige, enfin, le Centre de sociologie européenne, qui fusionnera avec le Centre de recherches politiques de la Sorbonne.

    En 1982, il obtient la chaire de sociologie au Collège de France, qu’il occupera vingt ans. « Bourdieu a marqué l’espace académique », résume le sociologue Stéphane Dufoix, professeur de sociologie à l’université Paris-Nanterre. « Une des caractéristiques de la postérité de Bourdieu, c’est qu’il est le seul à avoir réussi à faire école parmi les sociologues français de sa génération. Rares sont, par exemple, les chercheurs en sciences sociales qui se réclament exclusivement de l’influence de Raymond Boudon », ajoute Philippe Coulangeon, directeur de recherche au CNRS.

    Aujourd’hui, ses héritiers sont actifs, à l’image de Frédéric Lebaron, professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay, Gisèle Sapiro ou Louis Pinto, tous deux directeurs de recherche au CNRS. Mais l’influence du maître va bien au-delà du cercle de ses disciples : « A quelques exceptions près, les grands noms de la sociologie française encore en activité sont tous d’anciens proches ou d’anciens collaborateurs de Bourdieu : Jean-Claude Passeron, Luc Boltanski, Nathalie Heinich, Jean-Louis Fabiani, Bernard Lahire… », ajoute Stéphane Dufoix.

    Les tensions que suscite une recherche sont évidemment proportionnelles à son influence. Bourdieu a touché à tous les domaines : la justice, la littérature, les médias, la religion, l’école… Pour décrire le monde social, il a inventé des outils efficaces : le terme « habitus », par exemple, permet de rendre compte du processus qui conduit les gens à incorporer des manières d’agir et de penser propres au contexte dans lequel ils grandissent et vivent, donc à leur milieu social, au pays dans lequel ils sont nés, à leur genre, leur rang dans la fratrie ou à leur carrière professionnelle. La notion de « champ », qui vient en complément, désigne les contextes différenciés – artistique, politique ou encore économique – dans lesquels se forme et s’exprime l’habitus. La fréquentation précoce d’un champ permet, enfin, d’accumuler des « capitaux », et en particulier du « capital culturel », lequel renvoie au niveau de connaissance d’un individu, à ses diplômes comme à ses goûts littéraires ou musicaux.

    « Beaucoup ont critiqué Bourdieu parce que c’est lui qui dominait scientifiquement et qui continue de le faire. Et, d’une certaine manière, c’est normal : dans une discipline, on se bat pour essayer de trouver les failles et de faire avancer les problèmes », souligne Bernard Lahire, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon et membre du Centre Max-Weber. Lui-même admet volontiers avoir voulu « tuer le père » : « On me l’a souvent dit et ça ne me gêne pas. La science n’est que dépassement permanent de l’acquis. On passe notre temps à critiquer nos maîtres. Mais la question est de savoir si le meurtre est parfait. Je veux être reconnu comme un tueur professionnel ! », ­blague-t-il. « La plupart des sociologues qui ont été formés par Bourdieu ont voulu tuer le père pour tenter de fabriquer quelque chose de singulier », confirme Stéphane Dufoix.

    Mais la controverse actuelle lancée par Gérald Bronner est d’une autre nature. Il ne s’agit pas d’un dépassement ou d’une critique. L’élève de Raymond Boudon rejoue plutôt une bataille des idées née dans les années 1970. Pour aller vite, deux courants s’opposent alors : le déterminisme, qui veut que les individus soient façonnés par les structures sociales, et l’individualisme méthodologique, qui insiste sur la liberté des acteurs sociaux. C’est la fameuse querelle avec Raymond Boudon, qui s’est invitée dans les manuels scolaires.

    En 1973, ce dernier publie en réponse au courant déterministe L’Inégalité des chances (Fayard). Pour Boudon, la réussite des enfants est moins corrélée à leur origine sociale qu’aux attentes des parents vis-à-vis de l’école. L’ouvrage divise « structuralistes » et « individualistes », au prix de raccourcis de chaque côté. La querelle est-elle aujourd’hui dépassée ? « L’opposition déterminisme/liberté continue de sous-tendre le débat en sciences sociales sous des formes diverses. Ce sont cependant de fausses oppositions le plus souvent, explique Gisèle Sapiro. Ce n’est pas parce qu’on réfléchit au poids des structures sociales sur les individus qu’on est déterministe au sens strict. Le déterminisme causal ne s’applique pas aux sciences sociales, qui relèvent du domaine de la probabilité. Bourdieu parle de dispositions, et non de conditionnement au sens du béhaviorisme. » Il n’empêche : si elle est moins rigide qu’il n’y paraît, la théorie de Bourdieu reste assez tranchante. Elle ramène au rang de mythes de grands idéaux : « Ce qui rend ses concepts insupportables aux yeux de certains, c’est qu’ils remettent en cause la liberté, par exemple, ou la méritocratie », suggère Marc Joly.

    A la mort de Bourdieu, en 2002, Alain Touraine déclare, au passé : « Il était une référence positive ou négative indispensable. » Peut-être pressent-il alors que cette relation passionnée, mélange d’amour et de haine, va devoir évoluer. Et, en effet, débute à ce moment-là une période de latence. Le fantôme de Pierre Bourdieu plane sur les sciences sociales, mais plus grand-monde n’ose s’en revendiquer. L’auteur de La Misère du monde (Seuil, 1993) sent le soufre, probablement aussi en raison de la forme qu’a prise son engagement politique dans les dernières années de sa vie, et notamment à partir des grandes grèves de l’automne 1995 contre le « plan Juppé ». Ce que d’aucuns considèrent comme une entorse à l’exigence de « neutralité axiologique » héritée de Max Weber rejaillit soudain sur l’ensemble de son œuvre.

    Nouvelle génération de chercheurs

    En tout état de cause, « à la fin de la vie de Bourdieu, et peut-être encore plus après sa mort, être ouvertement bourdieusien était un handicap pour le recrutement, par exemple au CNRS. Quand j’ai soutenu ma thèse, en 2010, on ne pouvait toujours pas vraiment le citer sans risque. On parlait d’“espace” plutôt que de “champ”, de “ressource” plutôt que de “capital” », témoigne Wilfried Lignier, membre du Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP). En 2012, la publication aux éditions du Seuil d’un premier cours au Collège de France – Sur l’Etat – marque une nouvelle étape dans l’héritage.

    Et, dans la foulée du succès que celui-ci rencontre à l’étranger, les usages commencent à changer dans l’Hexagone. Désormais, mobiliser ses concepts, sans réinventions ni reformulations, est davantage possible. Une nouvelle génération de chercheurs, indifférente à l’ancienne guerre des chefs, pioche dans cette boîte à outils pour comprendre le métier d’agent immobilier, les relations entre enfants dans les cours de récréation, les choix d’école par les parents, la récupération des victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC), les tensions dans le corps des officiers de l’armée de terre, l’entre-soi dans les clubs de loisirs privés…

    « Cette référence à Bourdieu est en train de devenir positive, voire incontournable dans certains domaines de recherche », avance M. Lignier. Au risque de perdre de son mordant ? De l’avis de Philippe Coulangeon, « le capital culturel, par exemple, est aujourd’hui une notion banalisée dans les sciences sociales, mais beaucoup d’auteurs l’utilisent pour désigner seulement les ressources culturelles, alors que Bourdieu, plus exigeant, l’utilisait en référence à la notion marxiste de capital. En voyageant dans le temps et dans l’espace, ces concepts finissent parfois par s’affadir ». L’œuvre est en tout cas un canon de la discipline.

    « Dès les années 1980, La Distinction [Minuit, 1979] a largement contribué à la reconnaissance académique de Bourdieu à l’étranger. Et depuis sa mort, tandis que des colloques lui étaient consacrés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Inde ou au Chili, il est devenu un classique », affirme Gisèle Sapiro. Entre 2003 et 2012, il grimpe dans les statistiques américaines, au point de devancer Emile Durkheim (1858-1917) : il devient le sociologue le plus cité aux Etats-Unis selon la revue European Journal of Sociology, qui souligne « un taux de croissance fortement positif ».

    En France, depuis une décennie, une abondante production bibliographique le prend pour objet afin de le discuter, de le présenter, le relire, le vulgariser : depuis le Pourquoi Bourdieu (Gallimard, 2007), de Nathalie Heinich, ont suivi trois publications intitulées Pierre Bourdieu, par Patrick Champagne (Milan, 2008), Edouard Louis (PUF, 2013) et Jean-Louis ­Fabiani (Seuil, 2016). Et deux autres ouvrages sont attendus rien que pour le mois de février : Foucault, Bourdieu et la question néolibérale, de Christian Laval (La Découverte), et Pour Bourdieu (CNRS), de Marc Joly.

    Les anciens conflits sont en voie de s’apaiser, les positions sont moins binaires, la discipline plus spécialisée et aussi plus éclatée. « En fait, la sociologie française actuelle est surtout dominée par une absence d’école. Il n’existe pas de paradigme dominant, pas de véritable conflit entre deux manières d’interroger le social », affirme Stéphane Dufoix. Dans ce climat dépassionné, la polémique récente ressemble donc plutôt à un ultime soubresaut. Volonté de se positionner dans un champ aujourd’hui éclaté pour créer la surprise ? Tentative pour se frayer un chemin vers le monde médiatique et intellectuel ? Les deux se mêlent, selon Arnaud Saint-Martin, chargé de recherche au CNRS, qui y voit une « stratégie d’intervention médiatique ainsi que, in fine, une recherche de pouvoir institutionnel dans la discipline ».

    Match déterminisme/liberté

    Pour Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS, « Gérald Bronner veut redonner vie et visibilité dans la vie intellectuelle au courant de l’individualisme méthodologique, orphelin en France depuis la mort de Raymond Boudon [en 2013]. Ce courant n’a jamais été très puissant en France, beaucoup moins que dans la sociologie internationale. Même s’il va falloir d’abord juger sur pièces à partir des travaux de recherche qui seront produits, ce n’est pas une ambition médiocre ». Lui pense que la postérité n’a pas encore fait son œuvre et que le canon n’est pas fixé ad vitam aeternam : « C’est une question de cycle ou de mode. Attendons de voir si les concepts de Bourdieu résistent au temps… »

    Reste que le match déterminisme/liberté semble aujourd’hui quelque peu anachronique, à en croire les usages qui sont faits des concepts sociologiques par une génération qui ne se reconnaît pas dans les guerres de tranchées. « La sociologie telle qu’elle se pratique aujourd’hui est loin de ces traditions représentées par deux ou trois totems sur lesquels on serait censé gloser pour toujours », affirme Arnaud Saint-Martin. Le sociologue Marc Joly préfère regarder vers l’avenir : « On est dans un moment de transition où l’on solde des querelles anciennes pour pouvoir passer à autre chose. »

    • Si on utilise le même mot pour 12000 trucs différents, on ne s’en sort pas. Le travail, dans le langage courant c’est depuis déjà fort longtemps le travail capitaliste précisément : du temps de dépense d’énergie humaine contre un salaire (Marx dit "une dépense de cervelle, de muscle, de chair").

      Dans tous les cas l’humain s’active, seul et à plusieurs, transforme son environnement, etc. Mais ne "travaille" pas obligatoirement. Le travail c’est une activité sociale propre au capitalisme, et appliquer cette vue à des sociétés du passé est un biais anthropologique. L’utilisation de ce mot avant le capitalisme n’avait aucunement le même sens et ne recouvrait pas du tout les mêmes activités sociales (et donc le fait d’utiliser le même mot ne veut pas dire qu’on parle de la même chose).

      Par ailleurs les robots ne créent pas de "richesses", mais le mot est un peu vague encore une fois. Les robots créent des marchandises (objets ou services), mais ne créent aucune valeur. Seul la dépense de travail humain génère de la valeur. D’où l’obligation de créer de l’argent totalement virtuel par le crédit, puisque normalement c’est la création de valeur qui aboutit à de l’argent.

      La fin du travail n’est pas une expression criminelle, c’est la description factuelle du capitalisme qui s’auto-dissout puisqu’il réduit chaque année un peu plus ce qui fait sa propre substance : l’automatisation réduit le travail humain, et donc réduit la création de valeur : ça va dans le mur. Il faut arrêter de défendre ça, déjà passer par une étape intellectuelle de prise de conscience de ça, et s’activer à construire des relations sociales débarrassées du travail, de la marchandise, de la valeur. Un monde libéré du travail a donc tout à fait un sens, et c’est un monde débarrassé du capitalisme.

      Voir : Le groupe Krisis/Exit et son fameux "Manifeste contre le travail", #Robert_Kurz, #Roswitha_Scholz, #Anselm_Jappe, Lohoff&Trenkle, André Gorz… (suivre les tags, pas mal de sources référencées ici)

      Sur le fait que le travail n’est pas transhistorique, entretien récent d’Anselm Jappe pour La société autophage
      http://www.hors-serie.net/Dans-le-Texte/2017-12-16/La-societe-autophage-id278

      Et l’entretien avec Harribey
      https://seenthis.net/messages/655411
      http://www.palim-psao.fr/2017/12/fetichisme-et-dynamique-autodestructrice-du-capitalisme-entretien-d-ansel

      Bien sûr, une précision « sémantique » s’impose : le travail dont nous mettons en doute le caractère universellement humain ne peut pas être identique à ce que Marx appelle « le métabolisme avec la nature » ou aux activités productives en général. Ici, nous ne discutons que de la forme sociale qu’ont prise historiquement ces activités. Dire que la forme sociale capitaliste du métabolisme avec la nature n’est qu’une forme spécifique de la nécessité éternelle d’assurer ce métabolisme est un truisme vide de sens : c’est comme dire que l’agriculture capitaliste est un développement de la nécessité humaine d’avoir un apport journalier en calories. C’est indubitablement vrai, mais ne signifie rien. Cette base commune à toute existence humaine n’a aucun pouvoir spécifique d’explication.

      La question n’est donc pas de savoir si, dans toute société humaine, les êtres s’affairent pour tirer de la nature ce dont ils ont besoin, mais s’ils ont toujours opéré à l’intérieur de leurs activités une coupure entre le « travail » d’un côté et le reste (jeu, aventure, reproduction domestique, rituel, guerre, etc.). Et je pense qu’on peut dire « non ».

      Extrait de l’entretien publié en guise de présentation du livre de Kurz, « Vies et mort du capitalisme. Chroniques de la crise »
      http://www.palim-psao.fr/article-theorie-de-marx-crise-et-depassement-du-capitalisme-a-propos-de-l

      Traditionnellement, la critique du capitalisme se faisait au nom du travail. Or vous, Robert Kurz, vous n’opposez pas le capital au travail. Vous considérez au contraire le capitalisme comme société de travail. Pourquoi rejetez-vous le travail ?

      R. Kurz : Le concept marxien manifestement critique et négatif de travail abstrait peut être défini comme synonyme de la catégorie moderne de « travail ». Dans des conditions prémodernes, cette abstraction universelle soit n’existait pas, soit était déterminée négativement d’une autre façon : en tant qu’activité d’individus dépendants et soumis (esclaves). Le « travail » n’est pas identique avec la production tout court ou avec « le métabolisme entre l’homme et la nature » (Marx), même si, à ce propos, la terminologie de Marx reste imprécise. Le capitalisme a généralisé pour la première fois la catégorie négative de « travail ». Il l’a idéologisée positivement, entraînant ainsi une inflation du concept de travail. Au centre de cette généralisation et de cette fausse ontologisation du travail, il y a la réduction historiquement nouvelle du processus de production à une dépense complètement indifférente par rapport à son contenu d’énergie humaine abstraite ou de « cerveau, de nerf, de muscle » (Marx). Socialement, les produits ne « valent » pas en tant que biens d’Usage, mais en ce qu’ils représentent du travail abstrait passé. Leur expression générale est l’argent. C’est en ce sens que, chez Marx, le travail abstrait (ou l’énergie humaine abstraite) est la « substance » du capital. La fin en soi fétichiste de la valorisation, qui consiste à faire d’un euro deux euros, est fondée sur cette autre fin en soi qui est d’accroître à l’infini la dépense de travail abstrait sans tenir compte des besoins. Mais cet impératif absurde est en contradiction avec l’augmentation permanente de la productivité, imposée par la concurrence. Critiquer le capitalisme du point de vue du travail est une impossibilité logique, car on ne peut critiquer le capital du point de vue de sa propre substance. Une critique du capitalisme doit remettre en cause cette substance même et donc libérer l’humanité de sa soumission à la contrainte du travail abstrait. C’est seulement alors que l’on pourra supprimer l’indifférence par rapport au contenu de la reproduction et prendre au sérieux ce contenu lui-même. Lorsqu’on comprend le capital au sens étroit comme capital-argent et capital physique (« capital constant » chez Marx), il y a certes une contradiction fonctionnelle entre le capital et le travail. Ce sont des intérêts capitalistes différents au sein d’un même système de référence. Mais lorsqu’on comprend le capital au sens plus large de Marx, alors le travail n’est que l’autre composante du capital.

      Sur la théorie de la crise, le crédit, la dévalorisation du capital qui s’auto-détruit (en détruisant le monde du coup) : La Grande Dévalorisation, de Lohoff et Trenkle
      https://www.post-editions.fr/LA-GRANDE-DEVALORISATION.html

      Qu’est-ce que la valeur ?
      http://www.palim-psao.fr/article-35929096.html

      Contrairement à un produit, la marchandise se définit par le fait qu’elle peut s’échanger contre une autre marchandise. La marchandise, un marteau par exemple, n’a donc pas seulement la qualité d’être faite de bois et d’acier et de permettre d’enfoncer des clous dans le mur. En tant que marchandise, le marteau possède la « qualité » d’être échangeable. Qu’est ce que ça signifie ?

      Pour garder cet exemple, comment échanger un marteau contre une bouteille de bière ? Bière et marteau sont deux objets totalement différents qui ne servent pas à satisfaire le même besoin. Leur différence peut être d’importance pour celui qui veut boire une bière ou celui qui veut planter un clou dans un mur. Mais pour l’échange, en tant qu’opération logique, leur utilité concrète n’est pas pertinente. Dans l’acte d’échange, il s’agit d’échanger des choses égales ou des équivalents. Si ce n’était pas le cas, on échangerait sans hésiter un morceau de beurre contre une voiture. Mais tout enfant sait qu’une voiture a plus de valeur. Manifestement ce n’est donc pas l’attribut qualitatif d’une marchandise (sa nature concrète ou sensible) qui rend l’échange possible. Bière, marteau et voiture doivent donc posséder quelque chose qui les rend semblables et ainsi comparables.

      @ktche :)

    • En effet, nous assistons à une crise du « travail capitaliste ». Le capitalisme va être remplacé par autre chose. Le mot « travail » ne va pour autant disparaître. Son sens est simplement appelé à changer. L’expression « fin du travail » est donc impropre. Il faut parler de la « fin du travail capitaliste ».

      La liste des mots que le capitalisme s’est approprié est infinie. Par exemple le mot « élite » (voir l’article de wikipédia qui retrace bien son histoire). De même, ce n’est pas parce que la capitalisme s’effondre que ce mot va disparaître.

      Un objet n’a en effet aucune valeur intrinsèque. Il n’a qu’une valeur relative négociée au cours des échanges. Cependant, les catégories habituelles de « valeur d’usage » et « valeur d’échange » devraient être complétées de la notion de « valeur d’otage » qui traduit mieux à mon avis le rapport dominant à l’économie. Par exemple, Facebook a de la valeur parce qu’il a pris 2 milliards d’individus en otages, l’énergie nucléaire nous a pris en otages, etc. Le sens du mot « otage » qui est rejeté par la société capitaliste sur les vilains terroristes est donc amené à changer. Il va s’appliquer à ses propres pratiques !

    • Et si le nouveau fil d’actualité de #Facebook marquait le début d’une nouvelle période de choix mûris pour l’entreprise de Mark Zuckerberg ?

      https://www.numerama.com/business/321313-le-jour-ou-facebook-a-enfin-choisi-ses-utilisateurs-face-a-la-bours

      Pour le dire brièvement, Facebook va préférer notre famille, nos proches, et leurs émotions, à l’information, la pub, et bien sûr, la désinformation. Bien que cela puisse apparaître comme une évidence pour ce type de réseau social, l’entreprise prend là probablement plus de risques qu’elle n’en a jamais pris avec ses changements passés. Au fil des versions, et surtout des enjeux économiques, Facebook avait fini par mélanger la chèvre et le chou, quitte à devenir le fourre-tout qu’est aujourd’hui le réseau, de moins en moins, social.

    • c’est peut-être le moment de lui faire connaître le prix de nos « strong ties » dont il admet qu’ils ont beaucoup de « value » ?
      Pour ma part, disons que je passais environ une heure par jour sur Facebook à développer ces liens et ma propre documentation professionnelle (En dehors de cela, j’y passais aussi du temps à titre « récréatif ». Ce point est évoqué plus bas*). Comme mes liens et ma documentation sont irrécupérables par la système backup de Facebook, je suis obligé de constater que Facebook se les est appropriés contre mon gré. Voyons combien cela coûte...

      365 heures par an. Arrondissons à 50 jours par an.
      Si je compte mon prix de journée à 1 K$/jour (c’est très raisonnable, les avocats de FB sont payé 1 K$ de l’heure), ça fait 50 K$ par an. Comme j’ai été sur Facebook pendant 7 ans, ça fait une facture de 350 K$.

      Imaginons que je suis dans la moyenne des utilisateurs de Facebook en terme de durée d’utilisation et d’ancienneté. On pourrait donc multiplier ce coût par le nombre d’utilisateurs (non pas les 2 milliards actuels mais disons 1 milliard pour faire bonne mesure). On obtient donc le chiffre de 350 000 000 000 000 $ (Trois cent cinquante mille milliards de Dollar).

      Mark, tu fournis une véritable interopérabilité des données personnelles, ou bien tu rembourses. Salut !

      (*) Le temps récréatif n’est pas décompté. En effet, le divertissement fourni par Facebook est financé par la publicité. Chacun paie pour ce divertissement à travers sa consommation quotidienne de produits surfacturés à cause de la pub.

    • @olivier8 je n’ai jamais eu de compte facebook et vu tes avertissements, c’est pas demain la veille que je vais m’inscrire.
      Déjà link-guedin (linkedin) ça m’a bien gonflé et je suis smicard, les sommes que tu annonces disent bien ce qu’il y a de pourri dans ce bizzness.

    • Avant de quitter Facebook, voici la facture.
      USD 350.000.000.000.000
      Trois Cent Cinquante Mille Milliards de Dollar

      Lettre ouverte à Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook.

      Objet : Quitter Facebook

      Salut Mark !

      meilleurs voeux et toutes mes félicitations pour tes bonnes résolutions 2018 !

      1) tu nous dis que tu as pris conscience « qu’avec l’émergence d’un petit nombre de grandes entreprises technologiques - et les gouvernements utilisant la technologie pour surveiller leurs citoyens - beaucoup de gens croient maintenant que la technologie centralise le pouvoir plutôt qu’elle ne le décentralise. »

      Ce n’est pas qu’une croyance, c’est un peu vrai non ? Et tu y es un peu pour quelque chose n’est-ce pas ?

      Là dessus, tu nous dis être « intéressé à approfondir et étudier les aspects positifs et négatifs des technologies de décentralisation. »

      C’est cool ! Tu dois savoir que d’autres travaillent depuis longtemps ces questions - déjà bien avant la création de Facebook - en vue de créer les conditions d’une société plus équitable. Si ta prise de conscience est réelle, tu pourras sans doute nous aider. On manque de développeurs !

      2) tu sembles aussi avoir compris que tes algorithmes rendaient les gens fous en les inondant de posts sponsorisés et de fake news. Tu dis : « le renforcement de nos relations améliore notre bien-être et notre bonheur ». Tu vas donc modifier quelques lignes de code pour renforcer ce que tu appelles nos « liens forts » (strong ties) qui selon toi ont beaucoup de « valeur » (high value). Au final tu veux que le temps que les gens « dépensent » sur Facebook soit « plus précieux ».

      C’est cool ! Cependant, mon cher Mark, il faut que tu comprennes que ce temps est bien plus précieux encore que ce que tu imagines.

      Pour ma part, disons que je passe(ais) environ une heure par jour sur Facebook à développer ces liens et ma propre documentation professionnelle. En dehors de cela, j’y passe(ais) aussi du temps à titre « récréatif ». Ce point est évoqué plus bas*.

      Or comme mes liens et ma documentation sont irrécupérables par le système backup de Facebook comme je l’ai expliqué à ton collège Yann LeCun ? , je suis obligé de constater que Facebook me les a volés.

      Voyons combien cela coûte...

      365 heures par an. Arrondissons à 50 jours par an. Si je compte mon prix de journée à USD 1.000 /jour (c’est très raisonnable, les avocats de FB sont payés USD 1.000 de l’heure), ça fait USD 50.000 par an. Comme je suis sur Facebook depuis 7 ans, je t’adresserai une facture de USD 350.000.

      Les statistiques montrent que je suis dans la moyenne des utilisateurs de Facebook en terme de durée d’utilisation et d’ancienneté. On peut donc multiplier ce coût par le nombre d’utilisateurs (non pas les 2 milliards actuels mais disons 1 milliard pour faire bonne mesure sur les 7 dernières années). On obtient donc une facture globale de :

      USD 350.000.000.000.000
      (Trois Cent Cinquante Mille Milliards de Dollar).

      En conclusion, mon cher Mark, tu fournis une véritable interopérabilité des données personnelles qui permettrait aux gens de ne pas être otages de Facebook et de sa centrallisation, ou bien tu rembourses !

      Bien à toi

      Olivier Auber

      () Le temps récréatif n’est pas décompté. En effet, le divertissement fourni par Facebook est financé par la publicité. C’est-à-dire que chacun paie pour ce divertissement à travers sa consommation quotidienne de produits surfacturés à cause des budgets publicitaires des marques captés pour une bonne part par Facebook..

      ( *) Lettre ouverte à YannLeCun, ancien Professeur au Collège de France, responsable de la recherche en Intelligence Artificielle de Facebook.
      http://perspective-numerique.net/wakka.php?wiki=YannLeCun

      1) Résolution 1 : https://www.facebook.com/zuck/posts/10104380170714571
      2) Résolution 2 : https://www.facebook.com/zuck/posts/10104413015393571

  • Lettre ouverte à Yann LeCun, ancien Professeur au Collège de France, responsable de la recherche en Intelligence Artificielle de Facebook.

    De la part de Olivier Auber, chercheur, Université Libre de Bruxelles (VUB)

    Objet : Quitter Facebook

    en tant que chercheur comme vous l’êtes aussi, mais dans un autre domaine, celui de l’Intelligence Naturelle (IN), je me permets de m’adresser à vous publiquement pour vous signaler que je quitte Facebook, sans doute définitivement.

    La raison est simple. Facebook est évidemment un outil puissant de mise en relation. Je constate que beaucoup de chercheurs avec lesquels je travaille ont pris l’habitude de l’utiliser pour leurs échanges informels. Les conversations qui y sont menées sont parfois futiles, mais souvent aussi du plus grand intérêt.

    Or nous nous rendons compte que ces conversations, en quelque sorte, ne nous appartiennent plus dès lors qu’elles sont menées sur Facebook !

    La preuve en est que lorsque l’on veut quitter Facebook, la plate forme vous propose d’emporter avec nous une archive des plus sommaire. Elle ne comprend pas :

    – les liens des publications personnelles (rien que ça !)
    – les discussions suivant les publications personnelles.
    – les commentaires laissés sur d’autres publications
    – les liens des publications que vous republiez.
    – votre carnet d’adresse (on obtient que les noms, pas les mails ou autres coordonnées théoriquement partagées avec vous)

    Facebook retient environ 90% des données qui nous intéressent ! De plus, lorsque l’on quitte Facebook, au delà d’un certain nombre, la messagerie interdit d’envoyer un mot à chacun des contacts afin de les informer et de recueillir leurs coordonnées !

    En d’autres termes, Facebook ressemble à une sorte de saloon du Far-West dans lequel l’alcool serait gratuit. Si vous y entrez, non pour boire, mais pour discuter simplement avec vos amis, vous vous apercevez au moment de sortir que vos conversations et votre carnet d’adresse ne vous appartiennent plus. Ils appartiennent au patron du saloon ! Pour couronner le tout, le patron vous interdit de dire au revoir à vos amis avant de partir !

    Par cette lettre ouverte, je souhaite alerter mes collègues et plus généralement tous les travailleurs intellectuels professionnels ou indépendants (potentiellement tout le monde) :

    Ne publiez pas vos idées sur Facebook ! Ne menez aucune conversation digne d’intérêt sur Facebook ! Choisissez plutôt de discuter sur des réseaux sociaux libres et distribués tels Diaspora ou bien Mastodon. Choisissez des plateformes de veille partagée tel Seenthis ou des outils de rédaction collective tel Cryptpad qui, contrairement à Facebook ne donne aucun droit ni aucune visibilité à son fournisseur sur ce que vous écrivez.

    En particulier, amis chercheurs et artistes indépendants, n’attendez pas que Mark Zuckerberg, enrichi à l’extrême par votre travail gratuit, veuille bien vous verser un revenu de base. Il n’a aucune légitimité pour cela ! Expérimentez plutôt des réseaux distribués de création monétaire libre tels Duniter.

    Cher Yann, pour conclure, je ne doute pas que grâce à votre talent et à celui des chercheurs que vous avez rassemblés, Facebook dispose un jour de la plus puissante Intelligence Artificielle qui soit. Ce jour-là cependant, cette IA risque de régner sur un désert, car en se comportant ainsi Facebook pourrait se vider de ses utilisateurs. Gone !

    Bien à vous

    Olivier Auber
    http://perspective-numerique.net/wakka.php?wiki=YannLeCun
    #Duniter #Diaspora #Framasphere #Seenthis #Mastodon #Cryptpad INSIDE

    • En fait j’évalue à 90% les données textuelles qui sont retenues par FB, donc les utilisateurs n’ont droit qu’à 10% de leurs données personnelles. Cela n’a évidemment qu’un sens limité car les data ne se comptent pas en kilos... Une meilleure analogie serait le corps humain. FB garde tout sauf, disons les genoux, ou les avant bras avec lesquels vous pouvez repartir... ce qui ne fait pas un corps valide... Ce qui est grave, c’est que dans ses ToS, FB prétend que les utilisateurs peuvent repartir avec leurs data. C’est totalement faux. C’est une tromperie ! (UNFAIR). Je crois que devant un tribunal impartial et qui n’a pas froid aux yeux, c’est plaidable...

    • Pour aller dans votre sens, j’ai découvert, après le décès d’une amie et la transformation de sa page en page « souvenir » ou « hommage » je ne sais plus le terme, que la correspondance privée que j’avais eu avec elle via Fb Messenger avait été tronquée de ses écrits. Il n’y avait plus que mes propres interventions et des blancs à la place de ses contributions...J’ai également fermé mon compte qui avait été ouvert il y a 10 ans.

    • Il serait intéressant en effet de détailler un peu ce chiffre de 90%. Il est parlant, on aime les chiffres ronds et gros (comme nos patriarches), mais souvent ils manquent de précision.

      Une discussion récente m’a interloquer à ce sujet. On parle identité et anonymat à toutes les sauces, mais, ces 90% d’information, ces j’aime/j’aime pas, ces déplacements relevés par le localisateur, ces mots envoyés à la ronde.. sans compter les inscriptions -comme tu le mentionnes- à divers services (cafés, parking lots, et autre cyber communautés) qui demandent ton « compte Facebook ». Ça fait beaucoup de mon identité mise en morceau. Seul un inconscient volontaire qualifiera cette amoncellement de détails à mon sujet comme « anonymes ». Et pourtant.

    • @najort Ce chiffre de 90% n’est là que pour donner une idée du racket et accrocher l’attention (sorry, on fait son temps) mais au fond on ne peut bien entendu pas mesurer « l’information » de cette manière. Est-elle seulement mesurable ? C’est une grande question ! Une chose est claire, les mots au kilomètre livrés par Facebook n’ont pratiquement aucune valeur sans les liens qui les relient entre eux et avec leur environnement.
      Voici par exemple la sauvegarde de ma timeline :
      http://perspective-numerique.net/Facebook2011-2018/html/timeline.htm

    • Je m’interroge sur l’archivage de ses données personnelles sur les réseaux sociaux. Ce n’est jamais le pourquoi de ce genre de service. Ces services web seraient même plutôt basés sur l’idée de faire monter les gens dans le train pour qu’ils l’alimentent de leur énergie vitale mais jamais pensés pour qu’ils puissent en descendre. Je ne parle même pas des spécificités de FB, vols d’images, des droits, des visites, des mots, de la pensée spécifique, de l’annihilation sociale. Non, par exemple sur seenthis, on en discute parfois, lorsqu’une personne veut partir, je ne crois pas qu’elle ait cette possibilité d’archiver ses activités, toutes ses données sont supprimées et ses posts disparaissent. Du coup il faut deviner que @aude_v au milieu d’une discussion avait posté un truc important, et pas seulement important pour elle. Ça, ça fait chier quand même, non seulement la personne se casse mais en plus on perd des interventions souvent pertinentes.
      Voila, je note comme ça, pour aussi souligner les aspects de pourquoi c’est différent/ou pas et ce qui est questionné quand on parle d’archiver (ses) ces données.

    • Avant de quitter Facebook, voici la facture.
      USD 350.000.000.000.000
      Trois Cent Cinquante Mille Milliards de Dollar

      Lettre ouverte à Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook.

      Objet : Quitter Facebook

      Salut Mark !

      meilleurs voeux et toutes mes félicitations pour tes bonnes résolutions 2018 !

      1) tu nous dis que tu as pris conscience « qu’avec l’émergence d’un petit nombre de grandes entreprises technologiques - et les gouvernements utilisant la technologie pour surveiller leurs citoyens - beaucoup de gens croient maintenant que la technologie centralise le pouvoir plutôt qu’elle ne le décentralise. »

      Ce n’est pas qu’une croyance, c’est un peu vrai non ? Et tu y es un peu pour quelque chose n’est-ce pas ?

      Là dessus, tu nous dis être « intéressé à approfondir et étudier les aspects positifs et négatifs des technologies de décentralisation. »

      C’est cool ! Tu dois savoir que d’autres travaillent depuis longtemps ces questions - déjà bien avant la création de Facebook - en vue de créer les conditions d’une société plus équitable. Si ta prise de conscience est réelle, tu pourras sans doute nous aider. On manque de développeurs !

      2) tu sembles aussi avoir compris que tes algorithmes rendaient les gens fous en les inondant de posts sponsorisés et de fake news. Tu dis : « le renforcement de nos relations améliore notre bien-être et notre bonheur ». Tu vas donc modifier quelques lignes de code pour renforcer ce que tu appelles nos « liens forts » (strong ties) qui selon toi ont beaucoup de « valeur » (high value). Au final tu veux que le temps que les gens « dépensent » sur Facebook soit « plus précieux ».

      C’est cool ! Cependant, mon cher Mark, il faut que tu comprennes que ce temps est bien plus précieux encore que ce que tu imagines.

      Pour ma part, disons que je passe(ais) environ une heure par jour sur Facebook à développer ces liens et ma propre documentation professionnelle. En dehors de cela, j’y passe(ais) aussi du temps à titre « récréatif ». Ce point est évoqué plus bas*.

      Or comme mes liens et ma documentation sont irrécupérables par le système backup de Facebook comme je l’ai expliqué à ton collège Yann LeCun ? , je suis obligé de constater que Facebook me les a volés.

      Voyons combien cela coûte...

      365 heures par an. Arrondissons à 50 jours par an. Si je compte mon prix de journée à USD 1.000 /jour (c’est très raisonnable, les avocats de FB sont payés USD 1.000 de l’heure), ça fait USD 50.000 par an. Comme je suis sur Facebook depuis 7 ans, je t’adresserai une facture de USD 350.000.

      Les statistiques montrent que je suis dans la moyenne des utilisateurs de Facebook en terme de durée d’utilisation et d’ancienneté. On peut donc multiplier ce coût par le nombre d’utilisateurs (non pas les 2 milliards actuels mais disons 1 milliard pour faire bonne mesure sur les 7 dernières années). On obtient donc une facture globale de :

      USD 350.000.000.000.000
      (Trois Cent Cinquante Mille Milliards de Dollar).

      En conclusion, mon cher Mark, tu fournis une véritable interopérabilité des données personnelles qui permettrait aux gens de ne pas être otages de Facebook et de sa centrallisation, ou bien tu rembourses !

      Bien à toi

      Olivier Auber

      () Le temps récréatif n’est pas décompté. En effet, le divertissement fourni par Facebook est financé par la publicité. C’est-à-dire que chacun paie pour ce divertissement à travers sa consommation quotidienne de produits surfacturés à cause des budgets publicitaires des marques captés pour une bonne part par Facebook..

      ( *) Lettre ouverte à YannLeCun, ancien Professeur au Collège de France, responsable de la recherche en Intelligence Artificielle de Facebook.
      http://perspective-numerique.net/wakka.php?wiki=YannLeCun

      1) Résolution 1 : https://www.facebook.com/zuck/posts/10104380170714571
      2) Résolution 2 : https://www.facebook.com/zuck/posts/10104413015393571

  • Manifeste pour une mondialité apaisée
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/241217/manifeste-pour-une-mondialite-apaisee

    Professeure honoraire au Collège de France et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, la juriste #Mireille_Delmas-Marty confie à Mediapart son Manifeste pour une mondialité apaisée et apaisante. Afin d’éviter, écrit-elle, que « l’humanité, prise dans un tourbillon de vents contraires, [soit] impuissante à influencer son propre avenir, déboussolée au sens propre ».

    #Culture-Idées #droit_international #Edouard_Glissant #Mondialisation #Mondialité #Patrick_Chamoiseau

  • Un duo en or pour les ondes gravitationnelles
    https://lejournal.cnrs.fr/articles/un-duo-en-or-pour-les-ondes-gravitationnelles

    Ce 14 décembre 2017, Alain Brillet et Thibault Damour reçoivent la médaille d’or du CNRS, lors d’une cérémonie au Collège de France à suivre en direct sur la page Facebook de l’organisme. Portrait de ces deux scientifiques qui ont contribué ensemble, de façon déterminante, à la découverte des ondes gravitationnelles en 2015.

  • Pierre-Michel Menger et Simon Paye (dir.), Big data et traçabilité numérique : Les sciences sociales face à la quantification massive des individus, Collège de France, 2017.
    Nos traces numériques sont devenues un gisement de connaissances considérable. Comment ces données sont-elles prélevées, stockées, valorisées et vendues ? Les big data sont-elles à notre service, ou font-elles de nous les rouages consentants du capitalisme informationnel et relationnel ? Cet ouvrage collectif explore l’expansion de la traçabilité numérique dans ces deux dimensions, marchande et scientifique.
    > http://books.openedition.org/cdf/4987

    # Humanités numériques

    • Réponse aux attaques conjointes de fdesouche, de la LICRA et du Ministère de l’Éducation Nationale contre Sud Éducation 93 - article publié le 20 novembre 2017

      Après deux journées d’études sur l’intersectionnalité interdites aux enseignant-es à Créteil en mai dernier, après un colloque sur l’islamophobie censuré à Lyon en septembre, c’est au tour d’un stage organisé par Sud Éducation 93 de susciter la vindicte de la fachosphère.

      Depuis dimanche 19 novembre au soir, le syndicat Sud Éducation 93 est victime d’insultes de la part de plusieurs groupes très actifs sur les réseaux sociaux et connus pour leurs positions d’extrême droite, suite aux critiques diffamatoires contre un stage de formation syndicale sur l’antiracisme à l’attention des personnels d’éducation les 18 et 19 décembre.

      Cette campagne se traduit par des messages mensongers, de haine et d’attaques sur les réseaux sociaux. De plus, le syndicat Sud Éducation 93 subit depuis lundi matin un grand nombre d’appels téléphoniques déversant des insultes.

      Le stage est annoncé sur notre site depuis le 19 octobre sans avoir suscité la moindre réaction. Or, il aura fallu attendre dimanche 19 novembre dans l’après midi, et un article paru sur le compte Facebook de « FdeSouche », pour que quelques heures après la LICRA, puis le lendemain le ministre reprennent ces propos.

      Nous souhaitons souligner et dénoncer la coïncidence des agendas des réseaux d’extrême droite et de notre ministère.

      Les attaques portent sur un « tri des origines » qui serait fait sur les participants du stage. Sud Éducation 93 condamne fermement ces propos et compte porter plainte pour diffamation contre tous les sites et individus qui propageraient ces propos. Un dépôt de plainte est par ailleurs en cours concernant les insultes téléphoniques reçues à ce jour.

      Les questions abordées par le stage sont des questions essentielles dans l’enseignement aujourd’hui. Il est inutile de nier des questions que les enseignant-es vivent au jour le jour. Le combat contre le racisme est au cœur de la société multiculturelle mais aussi au cœur des programmes scolaires, notamment ceux d’EMC. Ce stage entend donner des temps et des moyens de réflexions sur ces questions cruciales.

      Nous apprécierions qu’au lieu de calquer son agenda sur celui de « FdeSouche » notre ministre, et les organisations qui se réclament de l’égalité républicaine, s’intéressent aux manques de moyens dont souffrent l’École et nos élèves. La liste est non exhaustive : manque de postes à tous les niveaux (agent-es, AED, enseignant-es, personnel-les administratif), professeur-es non remplacé-es, manque de moyens dans les dotations pour les collèges, les lycées, les écoles, manque d’établissements dans le territoire, absence d’une véritable médecine scolaire, ...

      Nous rappelons enfin que tou-tes les personnel-les ont été invité-es à s’inscrire à ce stage (d’ailleurs complet).

      http://www.sudeducation93.org/Reponse-aux-attaques-conjointes-de.html

    • #blasphème #sens_commun #manif_pour_tous #racisme_d'Etat #racisme #non-mixité

      « On parle de “non-mixité raciale”, on parle de “blanchité”, on parle de “racisé” c’est-à-dire les mots les plus épouvantables du vocabulaire politique sont utilisés au nom soi-disant de l’antiracisme alors qu’en fait ils véhiculent évidemment un racisme », a critiqué M. Blanquer.

      #vocabulaire #langage #domination_blanche #épouvante

    • Blanquer attaque la fédération SUD éducation à l’assemblée nationale - Racisme d’État, personnes racisées, non-mixité, discriminations : mise au point [21 novembre]
      http://www.sudeducation.org/Blanquer-attaque-la-federation-SUD.html

      Nous avons pris connaissance de l’intention de M. Blanquer de porter plainte pour diffamation contre le syndicat SUD éducation 93 au motif que celui-ci utilise le terme de “racisme d’État”. Si le ministre veut attaquer en justice toutes les organisations qui utilisent ce terme, la fédération SUD éducation en fait partie. En effet, son dernier congrès, en 2015, s’est donné parmi ses objectifs de combattre le racisme d’État, outil de division des travailleurs et des travailleuses.

    • C’est pas une atteinte aux libertés syndicales ce que fait Blanquer ? Il me semble que le droit de se réunir est une liberté fondamentale. Comme la liberté de s’exprimer sur le racisme d’etat. Est-ce qu’un ministre peut porter plainte pour la diffamation d’une entité comme celle d’Etat ? Est-ce qu’on peut diffamé un Etat ? Si je dit que la langue française est sexiste est-ce qu’il va m’attaqué pour diffamation de la langue ? Ca fait un peu comme si il y avait atteinte à une marque et une mentalité de copyright. On a même plus le droit de choisir comment et avec qui se réunir ni de quoi on peut parler ni des mots qu’on veut utiliser et pas non plus de la manière de les accordés.

    • Jean-Michel Blanquer ne peut pas poursuivre un syndicat pour diffamation
      http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/11/23/jean-michel-blanquer-ne-peut-pas-poursuivre-un-syndicat-pour-diffamation_521

      Le droit français ne permet pas au ministre de l’éducation nationale de porter plainte contre SUD-Education 93. Il peut, en revanche, poursuivre son représentant.

      C’est assez incroyable qu’un ministre ne connaisse pas le B-A-ba du droit de la république qui lui paye son salaire pour la représenté.

      Jean-Michel Blanquer, en tant que personne physique, peut donc porter plainte contre une autre personne physique.

      L’article de monde est quand même un peu à la masse de pas rappeler que Blanquer n’est pas diffamé en tant que personne physique car Blanquer n’est pas l’Etat et la République incarné.

    • Du racisme aux politiques de racialisation
      Eric Fassin, Médiapart, le 18 novembre 2014
      https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/181114/du-racisme-aux-politiques-de-racialisation

      Les responsables nationaux, mais aussi locaux, prétendent certes répondre à une demande populaire, comme si le racisme d’État pouvait s’autoriser de celui qui est censé définir les « riverains ».

      Une plainte contre #Eric_Fassin ?

      #racialisation

    • Racisme d’Etat et libertés syndicales : Derrière l’écran de fumée… de réelles attaques !
      #Solidaires, le 22 novembre 2017
      https://www.solidaires.org/Racisme-d-Etat-et-libertes-syndicales-Derriere-l-ecran-de-fumee-de-reell

      Le Ministre de l’Education, JM Blanquer, s’en prend violemment depuis plusieurs jours au syndicat SUD Education 93, membre de la fédération SUD Education et de l’union départementale Solidaires 93.

      Tout est parti d’une dénonciation de racisme supposé d’un stage syndical (parce qu’il prévoit des ateliers réservés aux personnes victimes du racisme), dénonciation relayée très largement par l’extrême-droite puis par JM. Blanquer lundi. Le ministre s’est rendu compte de son erreur grossière et, de fait, a changé rapidement son discours plus tard dans la journée à l’Assemblée nationale : c’est désormais l’utilisation de la notion de « racisme d’Etat », abordée dans le stage, qu’il juge « diffamatoire » et au sujet de laquelle il a annoncé vouloir déposer une plainte pour ce motif.

      Mettons les choses au point, pour l’Union syndicale Solidaires :

      L’accusation de racisme à l’encontre de SUD Education 93 est ridicule et volontairement malveillante au vu des valeurs, des positions et combats portés par ce syndicat et ses militant-es : Solidaires lutte pour l’égalité entre tous et toutes, quelles que soient leurs origines, et combat le racisme et le fascisme, et SUD Education 93 ne déroge pas à ces principes. Il ne s’agit pas de partager tous les détails du contenu du stage mis en cause, mais on ne peut inverser ni la réalité ni l’engagement des personnels de l’Education nationale membres de Sud éducation 93 pour leurs élèves et les populations de Seine-Saint-Denis.

      L’Union syndicale Solidaires et certaines des structures qui la composent mettent en œuvre depuis des années en lien avec leur engagement dans le mouvement féministe des réunions séparées de femmes et elle ne partage pas l’idée qu’une telle pratique appliquée à des personnes victimes du racisme constituerait un scandale.

      Il s’agit d’un stage syndical : c’est aux syndicats de construire leurs formations en toute liberté. Il n’est pas question que l’extrême-droite ou des ministères s’immiscent dans les contenus des formations syndicales.

      Le racisme existe dans nos sociétés. Et le "racisme d’Etat" aussi. Ce n’est pas un slogan, c’est un concept utilisé et pensé par des chercheuses et chercheurs mais aussi par des dizaines de structures associatives, syndicales ou politiques. Une rapide interrogation sur un moteur de recherche sur internet permettra à JM Blanquer de s’en rendre compte. Des statistiques, études et recherches effectuées à la demande des ministères eux mêmes font état de situations de discrimination liées à l’origine réelle ou supposée, aux noms, quartiers, dans la société, dans l’emploi public, dans l’école... Nous refusons de mettre sous le tapis une situation qui concerne des millions de personnes dont une partie d’entre nous, au quotidien. Nous refusons de nous faire dicter ou imposer les termes du débat par celles et ceux qui participent à construire et entretenir les problèmes.

      Nous sommes face à une volonté de manipuler politiquement et médiatiquement un stage de quelques dizaines de personnes. Pendant ce temps, on ne parle pas des conséquences sociales des mesures prises par ce gouvernement, qui touchent fortement des départements comme la Seine-Saint-Denis et le quotidien de la population qui y vit. Derrière le rideau de fumée, on trouve des attaques contre les droits sociaux, la suppression des contrats aidés, la destruction des services publics, en particulier de l’Education, bref la destruction du tissu social qui alimente les haines et la xénophobie... Ce contre-feu gouvernemental cache mal la volonté de nier la situation de racisme vécue en particulier en Seine-Saint- Denis et ses aspects structurels.

      L’Union syndicale Solidaires apporte son soutien au syndicat SUD Education 93, à ses adhérent-es qui font face à un déchaînement d’une rare violence et aux menaces de la part l’extrême-droite. Nous ne doutons pas que ce gouvernement cherche aussi à limiter les libertés syndicales et d’expression, en particulier chez les fonctionnaires qui militent pour transformer la société.

      L’Union syndicale Solidaires continuera son combat pour les libertés individuelles et collectives, pour l’égalité de tou-tes, contre toutes les discriminations.

      #liberté_syndicale #syndicats #France

    • Suite :

      « Blanchité », « racisé », « racisme d’État » : M. Blanquer, ces concepts sont légitimes dans le débat public
      Mélusine, Libération, le 23 novembre 2017
      https://seenthis.net/messages/647064

      "Racisme d’Etat" : derrière l’expression taboue, une réalité discriminatoire
      Pierre Ropert, France Culture, le 24 novembre 2017
      https://seenthis.net/messages/647064

      On y cite #Michel_Foucault : une plainte à titre posthume contre lui aussi ?

      Chronique d’une année scolaire : quand le Ministre parle
      K. D., La Rotative, le 24 novembre 2017
      https://seenthis.net/messages/647120

    • Pour une mise en perpective du racisme d’État, une référence étonnamment non citée, sauf erreur de ma part, par tous les commentateurs alors même que c’est lune des analyses les plus fortes de cet enjeu : « Il faut défendre la société », Cours au Collège de France (1975-1976) de Michel Foucault, texte intégral en ligne
      https://monoskop.org/images/9/99/Foucault_Michel_Il_faut_defendre_la_societe.pdf

      (...) ce discours de la lutte des races – qui, au moment où il est apparu et a commencé à fonctionner au XVIIe siècle, était essentiellement un instrument de lutte pour des camps décentrés – va être recentré et devenir justement le discours du pouvoir, d’un pouvoir centré, centralisé et centralisateur ; le discours d’un combat qui est à mener non pas entre deux races, mais à partir d’une race donnée comme étant la vraie et la seule, celle qui détient le pouvoir et celle qui est titulaire de la norme, contre ceux qui dévient par rapport à cette norme, contre ceux qui constituent autant de dangers pour le patrimoine biologique. Et on va avoir, à ce moment-là, tous les discours biologico-racistes sur la dégénérescence, mais aussi toutes les institutions également qui, à l’intérieur du corps social, vont faire fonctionner le discours de la lutte des races comme principe d’élimination, de ségrégation et finalement de normalisation de la société. Dès lors, le discours dont je voudrais faire l’histoire abandonnera la formulation fondamentale de départ qui était celle-ci : « Nous avons à nous défendre contre nos ennemis parce qu’en fait les appareils de l’État, la loi, les structures du pouvoir, non seulement ne nous défendent pas contre nos ennemis, mais sont des instruments par lesquels nos ennemis nous poursuivent et nous assujettissent. » Ce discours va maintenant disparaître. Ce sera non pas : « Nous avons à nous défendre contre la société », mais : « Nous avons à défendre la société contre tous les périls biologiques de cette autre race, de cette sous-race, de cette contre- race que nous sommes en train, malgré nous, de constituer. » La thématique raciste va, à ce moment-là, non plus apparaître comme instrument de lutte d’un groupe social contre un autre, mais elle va servir à la stratégie globale des conservatismes sociaux. Apparaît à ce moment-là – ce qui est un paradoxe par rapport aux fins mêmes et à la forme première de ce discours dont je vous parlais – un racisme d’État : un racisme qu’une société va exercer sur elle-même, sur ses propres éléments, sur ses propres produits ; un racisme interne, celui de la purification permanente, qui sera l’une des dimensions fondamentales de la normalisation sociale. Cette année, je voudrais alors parcourir un petit peu l’histoire du discours de la lutte et de la guerre des races, à partir du XVIIe siècle, en la menant jusqu’à l’apparition du racisme d’État au début du XXe siècle.

      #racisme_d’État

      @rezo ?

    • Le droit français ne permet pas au ministre de l’éducation nationale de porter plainte contre SUD-Education 93. Il peut, en revanche, poursuivre son représentant. (...)
      En effet, aucune personne morale (entreprise, association, organisation, syndicat…) ne peut être attaquée pour diffamation ou injures (qu’elles soient publiques ou non).

      http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/11/23/jean-michel-blanquer-ne-peut-pas-poursuivre-un-syndicat-pour-diffamation_521
      Portés à montrer leur force face à toute opposition, ils ne se souviennent même pas qu’ils imposent à des structures collectives de désigner des responsables légaux individuels contre lesquels agir en justice.
      #hybris_de_gouvernement

    • « Nous en avons assez des tergiversations et des atermoiements de tous ces “responsables’’ élus par nous qui nous déclarent “irresponsables’’ (…). Nous en avons assez du racisme d’État qu’ils autorisent. » #Pierre_Bourdieu, Contre-feux, 1998

      Une plainte à titre posthume contre lui aussi ?

      Sur le racisme d’Etat : brèves remarques à l’attention de Jean-Michel Blanquer et de quelques autres
      Olivier Le Cour Grandmaison, Médiapart, le 27 novembre 2017
      https://seenthis.net/messages/647829

  • Françoise Héritier et les lois du genre
    https://lejournal.cnrs.fr/videos/francoise-heritier-et-les-lois-du-genre

    L’anthropologue et ethnologue Françoise Héritier est décédée la nuit dernière à l’âge de 84 ans. Dans ce film de CNRS Images réalisé en 2009, elle développait sa pensée sur les rapports hiérarchiques entre les sexes et brossait un récit de ses recherches depuis ses premiers terrains en Afrique jusqu’au Collège de France.

  • En marche ou crève.

    interruption du séminaire au collège de france de monsieur start-up nation, le conseilller de la présidence Philippe Aghion.
    D’une pierre trois coups. En dénonçant pour le prime time des « multirécidivistes du refus d’emploi », #Macron criminalise tous ceux qui n’acceptent pas de travailler dans n’importe quelles conditions et à n’importe quel tarif. Il prépare une vague de #radiations des #chômeurs et, en même temps, par ce choix du terme pénal « multirécidiviste », menace toute opposition qui ne serait pas sans conséquences .

    Mardi 31 octobre, des chômeuses, intermittentes et précaires, sont intervenues au séminaire de #Philippe_Aghion au Collège de France [1], conseiller « officieux » de la présidence, pour y diffuser le tract qui suit et prendre la parole pour en restituer l’argument : le discours de cet économiste du régime a pour fonction de masquer la terrible #violence_sociale_organisée par les dirigeants économiques en charge de l’entreprise France.

    Une partie d’un public nombreux constitué majoritairement de septuagénaires à l’allure bourgeoise sans doute venus vérifier la qualité de leur placement a tenté de mettre fin à la main à cette intervention rapidement relayés par les vigiles maison. Refusant de participer au pugilat qui s’annonçait et menaçait de tourner au lynchage, les contradicteurs ont alors décidé d’aller prendre l’air.

    Tout ce que nous souhaitons à Macron et à ses semblables est d’avoir à subsister en conduisant un fenwick dans un entrepôt frigorifique en équipe de nuit.

    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8788#nb1

    Dans le projet de loi de finances de 2018, les entreprises se voient accorder des baisses massives d’impôts : réduction de l’impôt sur les sociétés à 25% d’ici 2022, suppression de la tranche supérieure de la taxe sur les salaires, suppression de la taxe sur la distribution de dividendes. Au total, le gouvernement Macron offre aux entreprises des réductions d’impôts de 15 à 17 milliards d’euros… qui iront pour une bonne part grossir les dividendes distribués à leurs actionnaires (45,8 milliards d’euros déjà distribués en 2016, soit 57 % des bénéfices des entreprises).

    Pas de justice, pas de paix.

  • CIP-IDF > Interruption d’un séminaire au Collège de France de Philippe Aghion, conseiller de la présidence
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8788

    La nouvelle n’est pas neuve. Cela fait 40 ans que l’on nous promet le retour de la #croissance, la fin du tunnel et le début de la reprise pendant que progressent la précarisation de l’emploi, les inégalités et la misère. Il aura bien fallu admettre depuis que, derrière ce voile de fumée, il n’y a rien de moins que la #destruction des conditions mêmes de la vie humaine. Car, non, ce n’est pas la planète qui est en danger, mais bien les habitantes de cette planète. Déjà, les trois quarts des insectes ont disparu en Europe. Et il n’y a plus de moineaux à Paris.

  • Interruption du séminaire au Collège de France de monsieur start-up nation , le conseiller de la présidence Philippe Aghion - Quelques travailleurs du dimanche et multirécidivistes du refus
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8788

    D’une pierre trois coups. En dénonçant pour le prime time des « multirécidivistes du refus d’emploi » , Macron criminalise tous ceux qui n’acceptent pas de travailler dans n’importe quelles conditions et à n’importe quel tarif. Il prépare une vague de radiations des chômeurs et, en même temps , par ce choix du terme pénal « multirécidiviste », menace toute opposition qui ne serait pas sans conséquences .

    Mardi 31 octobre, des chômeuses, intermittentes et précaires, sont intervenues au séminaire de Philippe Aghion au Collège de France, conseiller « officieux » de la présidence, pour y diffuser le tract qui suit et prendre la parole pour en restituer l’argument : le discours de cet économiste du régime a pour fonction de masquer la terrible violence sociale organisée par les dirigeants économiques en charge de l’entreprise France.

    Une partie d’un public nombreux constitué majoritairement de septuagénaires à l’allure bourgeoise sans doute venus vérifier la qualité de leur placement a tenté de mettre fin à la main à cette intervention rapidement relayés par les vigiles maison. Refusant de participer au pugilat qui s’annonçait et menaçait de tourner au lynchage, les contradicteurs ont alors décidé d’aller prendre l’air.

    Tout ce que nous souhaitons à Macron et à ses semblables est d’avoir à subsister en conduisant un fenwick dans un entrepôt frigorifique en équipe de nuit.

    À quoi peut donc servir un économiste du régime ? (...)

    On peut voir le clip de #Philippe_Aghion à droite de cette page
    http://www.college-de-france.fr/site/philippe-aghion/course-2017-2018.htm

    #toctoc #militants_de_l'économie #start_up_nation #violence_sociale #économiste #Philippe_Aghion #luttes #chômeurs #précarisation #croissance

  • Pourquoi la violence faite aux femmes
    https://www.franceculture.fr/conferences/hesam-universite/pourquoi-la-violence-faite-aux-femmes
    Un débat enregistré en 2014.

    Catherine Deschamps, co-auteur avec Christophe Broqua de « L’échange économico-sexuel »
    Éliane de Latour, IRIS/EHESS
    Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue, Centre Edgar Morin/EHESS
    Françoise Héritier, anthropologue, professeure honoraire au Collège de France.

    On nous parle d’une nature, d’une nature qui serait plus violente chez les hommes, qui serait fondamentalement dominatrice, et on nous parle aussi d’accès de bestialité. Dans tous les cas, on a tout faux ! Ce n’est pas une nature, c’est une culture ! C’est justement parce que les humains sont capables de penser, qu’ils ont érigé un système, qui est un système de valences différentielles du sexe. Et cela s’est passé il y a fort longtemps.

    Nous sommes ainsi les seuls parmi les espèces où les mâles tuent les femelles. Ce n’est donc pas une question de bestialité, de nature, et parce que ce n’est qu’une question de pensée, de culture, de construction mentale, nous pouvons penser que la lutte peut changer cet état de fait.

  • Loi antiterroriste : « Nous sommes passés de l’Etat de droit à l’Etat de surveillance »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/11/mireille-delmas-marty-nous-sommes-passes-de-l-etat-de-droit-a-l-etat-de-surv

    L’accumulation de textes sur la sécurité inquiète la juriste Mireille Delmas-Marty. ­ Elle dénonce une quasi-fusion entre le droit d’exception et le droit commun.

    Quel regard portez-vous sur les lois ­antiterroristes adoptées en France ­ces dernières années ?

    Quand on compare le débat sur la loi Sécurité et liberté présentée par Alain Peyrefitte, au ­début des années 1980, à ce qui s’est passé ­depuis une quinzaine d’années, on a l’impression d’avoir changé d’univers : à partir des ­années 1970, la montée en puissance des droits de l’homme semblait irréversible et l’Etat de droit un dogme inébranlable.

    Depuis les attentats du 11 septembre 2001, un repli ­sécuritaire et souverainiste semble avoir levé un tabou : il légitime jusqu’à la torture aux Etats-Unis et déclenche un peu partout une spirale répressive qui semble accompagner une dérive sans fin de l’Etat de droit.

    Peut-on reconstituer la généalogie de ce changement de monde ?

    L’Etat de droit a commencé sa dérive avec le Patriot Act, qui a été adopté aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.

    L’exemple américain a encouragé d’autres pays démocratiques, y compris en Europe, à faire de même : en ce début du XXIe siècle, des pays comme l’Allemagne ou la France ont abandonné peu à peu des garanties qui paraissaient pourtant définitivement acquises. Outre-Rhin, la Cour de Karlsruhe a ainsi ­accepté, en 2004, la réactivation d’une loi nazie de 1933 sur les internements de sûreté qui n’avait pas été abrogée mais qui était longtemps restée inactive.

    En France, une loi de 2008 a introduit une ­rétention de sûreté conçue sur le modèle allemand de 1933. La dérive s’est ensuite

    • Mireille Delmas-Marty est juriste, professeure émérite au Collège de France. Elle a notamment publié Aux quatre vents du monde. Petit guide de navigation sur l’océan de la mondialisation (Seuil, 2016). A l’occasion du projet de loi antiterroriste, qui a été adopté à l’Assemblée nationale mercredi 11 octobre, elle analyse, ici, les dérives sécuritaires depuis le 11 septembre 2001.

      Quel regard portez-vous sur les lois ­antiterroristes adoptées en France ­ces dernières années ?

      Quand on compare le débat sur la loi Sécurité et liberté présentée par Alain Peyrefitte, au ­début des années 1980, à ce qui s’est passé ­depuis une quinzaine d’années, on a l’impression d’avoir changé d’univers : à partir des années 1970, la montée en puissance des droits de l’homme semblait irréversible et l’Etat de droit un dogme inébranlable.

      Depuis les attentats du 11 septembre 2001, un repli ­sécuritaire et souverainiste semble avoir levé un tabou : il légitime jusqu’à la torture aux Etats-Unis et déclenche un peu partout une spirale répressive qui semble accompagner une dérive sans fin de l’Etat de droit.

      Peut-on reconstituer la généalogie de ce changement de monde ?

      L’Etat de droit a commencé sa dérive avec le Patriot Act, qui a été adopté aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.

      L’exemple américain a encouragé d’autres pays démocratiques, y compris en Europe, à faire de même : en ce début du XXIe siècle, des pays comme l’Allemagne ou la France ont abandonné peu à peu des garanties qui paraissaient pourtant définitivement acquises. Outre-Rhin, la Cour de Karlsruhe a ainsi ­accepté, en 2004, la réactivation d’une loi nazie de 1933 sur les internements de sûreté qui n’avait pas été abrogée mais qui était longtemps restée inactive.

      En France, une loi de 2008 a introduit une ­rétention de sûreté conçue sur le modèle allemand de 1933. La dérive s’est ensuite accélérée après les attentats de Paris commis en 2015.

      Il était légitime de proclamer l’état d’urgence mais les prolongations qui ont suivi ne s’imposaient pas. D’autant que, simultanément, la France a adopté plusieurs lois sur la sécurité, dont celle sur le renseignement de juillet 2015 qui légalise des pratiques restées en marge de la légalité. Cette accumulation n’a pas de précédent dans l’histoire du droit pénal français.

      Décèle-t-on, dans les années qui ­précèdent, les germes de ce mouvement de dérive de l’Etat de droit ?

      En France, ce mouvement est tangible dès la loi sur la rétention de sûreté de 2008, qui ne ­ concerne pas le terrorisme mais la criminalité à caractère sexuel. C’est à cette époque que l’on voit naître l’idée d’une dangerosité détachée de toute culpabilité.

      En vertu de ce texte, un simple avis de dangerosité émis par une commission interdisciplinaire suffit pour que le juge pénal ordonne la rétention d’une personne ayant déjà exécuté sa peine, et ce pour une ­période d’un an renouvelable indéfiniment.

      Depuis 2007, les discours politiques sur la ­récidive suggéraient de transposer le principe de précaution, jusqu’alors réservé aux produits dangereux.

      Cette démarche repose sur une vision anthropologique nouvelle. Auparavant, la justice s’inspirait de la philosophie des Lumières, qui est fondée sur le libre arbitre et la responsabilité. Avec le principe de précaution, on entre dans une philosophie déterministe : la personne étiquetée dangereuse est comme prédéterminée à commettre le crime. C’est une forme de déshumanisation qui me semble très dangereuse.

      Cette loi de 2008 a-t-elle inspiré les lois ­antiterroristes ?

      La notion de dangerosité est en effet très présente dans les textes de ces dernières années. En matière de terrorisme, la police administrative ne connaît qu’une seule limite : une formule standard qui prévoit que l’autorité administrative peut agir si elle a des « raisons sérieuses de penser » qu’une personne constitue une menace pour l’ordre public. Cette formule magique est beaucoup trop vague : ­répétée de loi en loi, elle dispense de démontrer en quoi le comportement de l’intéressé constitue une menace.

      Pourtant, c’est précisément la notion de ­limite qui caractérise l’Etat de droit dans une démocratie. La justice pénale est ainsi limitée par le principe de la légalité des délits et des peines et par la présomption d’innocence, qui impose de prouver la culpabilité avant de prononcer une peine.

      Avec la notion de dangerosité, on entre dans une logique d’anticipation qui, par définition, n’a pas de limites. Comment savoir où commence et où se termine la dangerosité ? Comment une personne peut-elle démontrer qu’elle ne passera jamais à l’acte ? Il ne peut pas y avoir de « présomption d’innocuité » car nous sommes tous potentiellement dangereux : nous sommes donc tous des suspects en puissance.

      Diriez-vous que les lois antiterroristes ­menacent fortement l’Etat de droit ?

      C’est tout l’ensemble qu’il faut considérer pour mesurer à quel point les garanties se sont affaiblies : en quelques années, nous sommes passés de l’Etat de droit à un Etat de surveillance, voire à une surveillance sans Etat au niveau ­international. Il faut nuancer, bien sûr : après 2015, la France n’a pas instauré la torture, ni ­remis en cause l’indépendance de la justice – nous ne sommes ni en Turquie ni en Pologne.

      L’Etat de droit, au confluent de la séparation des pouvoirs et du respect des droits de l’homme, est d’ailleurs un horizon que l’on n’atteint jamais complètement, comme la ­ démocratie. Mais cette avalanche sécuritaire nous en éloigne et l’on peut craindre que le mouvement continue. Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a précisé que le projet en discussion « est loin d’épuiser le sujet ».

      Alors que la loi sur le renseignement de 2015 restreint déjà fortement le droit au respect de la vie privée, certains de ses dispositifs réservent encore des surprises, notamment les ­fameux algorithmes de détection des profils suspects, qui n’ont pas encore été expérimentés en France. Avec ces algorithmes, la surveillance ciblée sur les individus risque de basculer vers une surveillance de masse. Le tri des suspects potentiels pourrait se faire par une sorte de « pêche au chalut » à partir d’une masse de données indifférenciées, les big data, que des logiciels automatiques auraient la possibilité d’interpréter.

      Plus largement, les lois antiterroristes instituent une confusion générale des pouvoirs alors que l’Etat de droit repose, au contraire, sur la séparation des pouvoirs.

      En matière de terrorisme, la police administrative, qui est traditionnellement préventive, devient ­répressive : le ministre de l’intérieur ou le préfet peuvent ainsi imposer des assignations à résidence qui ressemblent à une peine, le suivi sociojudiciaire. A l’inverse, la justice ­pénale, qui est traditionnellement répressive, devient préventive, puis prédictive, voire divinatoire : en invoquant la notion de dangerosité, on remonte à des intentions qui n’ont aucun commencement d’exécution.

      Les lois antiterroristes du gouvernement font entrer certaines des dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun. Craignez-vous un phénomène de ­contamination ?

      On est au-delà de la contamination, il y a presque fusion entre le droit d’exception et le droit commun : on ne voit plus très bien ce qui les distingue ! Le rapporteur de l’Assemblée nationale a d’ailleurs expliqué que les nouveaux pouvoirs de l’autorité administrative étaient « inspirés » par l’état d’urgence. Et le projet durcit le droit commun en étendant les ­contrôles de police dits « aux frontières » par un amalgame douteux entre terrorisme et migrations irrégulières.

      Comment caractériseriez-vous la période que nous vivons ?

      Je parlerais à la fois de confusion et de fusion. Confusion entre terroristes et étrangers, ­entre mesures administratives et mesures pénales, entre droit commun et droit d’exception. Mais aussi fusion entre paix et guerre.

      George W. Bush, après les attentats du 11-Septembre, a proclamé l’« état de guerre », mais il n’y avait pas d’autre moyen, aux Etats-Unis, pour transférer des pouvoirs à l’exécutif : la Constitution américaine ne prévoit pas d’état d’exception.

      En 2015, la France était en revanche dans une autre situation : il n’était pas nécessaire de ­ déclarer la guerre pour appliquer la loi de 1955 sur l’état d’urgence, et pourtant, les discours officiels ont usé et abusé de l’expression « guerre contre le terrorisme », et pas seulement comme un argument rhétorique ou une simple métaphore.

      La France a mené des opérations militaires dans plusieurs pays étrangers et elle y a ajouté des opérations de police, puis des « attentats ciblés » et autres « exécutions extrajudiciaires » qui marquent une nouvelle confusion des rôles : le chef d’Etat déclare la culpabilité, prononce la peine et la fait exécuter.

      Comment résister à cet affaiblissement de l’Etat de droit ?

      Ce qui m’inquiète le plus, c’est la résignation apparente d’une grande partie de la société qui s’est habituée aux dérives de l’Etat de droit. La France semble atteinte d’une espèce d’anesthésie générale, un assujettissement consenti.

      Suivra-t- elle la voie américaine du repli souverainiste qui conduit au populisme ? Je crains en tout cas de voir un jour l’avènement de ce que Alexis de Tocqueville [1805-1859] appelait le « despotisme doux » : il fixe, écrivait-il, « les humains dans l’enfance et réduit chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger ».

      Il est vrai que les dernières élections ont prouvé que l’espérance pouvait aussi changer la donne, y compris sur le destin de l’Europe. Ma réponse à votre question est peut-être de garder l’esprit critique et de refuser d’être gouvernés par la peur.

      Puisque le Parlement est décidé à voter le texte, prenons ses promesses au sérieux et interprétons les ambiguïtés de la nouvelle loi comme un tremplin pour résister aux dérives sécuritaires.

    • Merci @enuncombatdouteux pour le détail de l’interview.

      Je suis interloquée par ceci :

      Outre-Rhin, la Cour de Karlsruhe a ainsi ­accepté, en 2004, la réactivation d’une loi nazie de 1933 sur les internements de sûreté qui n’avait pas été abrogée mais qui était longtemps restée inactive.

      Les lois nazies n’ont pas été supprimé après guerre ?!

  • La terrible souffrance des gens riches | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/152186/terrible-souffrance-gens-riches

    Il y a des phrases, à force de les entendre rabâchées, répétées, redites sans cesse pendant des années, on finit par oublier de les interroger. Ça m’a frappée l’autre jour, dans la matinale de France Inter. L’invité était Philippe Aghion, économiste, professeur au Collège de France et soutien actif d’Emmanuel Macron –Nicolas Demorand l’a même qualifié de « penseur du macronisme économique ». Vu mon immense amour pour le Collège de France, je m’attendais à être éblouie. Ça n’a pas vraiment été le cas. Notamment parce qu’il a répété à plusieurs reprises, comme explication des mesures économiques du gouvernement, « il ne faut pas culpabiliser les riches ».

    #guerre_aux_pauvres #En_marche #macron

  • La commande vocale, machine à casser les salariés | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/commande-vocale-machine-a-casser-salaries/00080734

    Un sérieux accroissement des risques pour la santé des salariés. C’est le bilan que l’on peut tirer de l’accentuation des exigences de productivité et des innovations technologiques qui ont accompagné le développement rapide des plates-formes logistiques. L’aspect le plus manifeste de cette dégradation des conditions de travail concerne les atteintes de l’appareil locomoteur, en lien avec l’activité de manutention. Dans les plates-formes, le travail des préparateurs de commandes combine des tâches de « dépalettisation » - prélever des produits en stock - et de « repalettisation » - construire une palette qui correspond à la commande du client. La hauteur de prise et de dépose des colis varie du niveau de la palette, posée au sol, jusqu’à 1,80 m.

    #attention_danger_travail #rage_against_the_machine

    • L’article en entier :

      Conditions de travail La commande vocale, machine à casser les salariés
      Philippe Davezies 29/09/2017


      Un sérieux accroissement des risques pour la santé des salariés. C’est le bilan que l’on peut tirer de l’accentuation des exigences de productivité et des innovations technologiques qui ont accompagné le développement rapide des plates-formes logistiques. L’aspect le plus manifeste de cette dégradation des conditions de travail concerne les atteintes de l’appareil locomoteur, en lien avec l’activité de manutention. Dans les plates-formes, le travail des préparateurs de commandes combine des tâches de « dépalettisation » - prélever des produits en stock - et de « repalettisation » - construire une palette qui correspond à la commande du client. La hauteur de prise et de dépose des colis varie du niveau de la palette, posée au sol, jusqu’à 1,80 m.

      L’intensité du travail a augmenté avec l’introduction de systèmes de guidage par reconnaissance vocale, ou voice picking.

      L’intensité de ce travail a augmenté avec l’introduction de systèmes de guidage par reconnaissance vocale, ou voice picking en anglais : un ordinateur dicte au préparateur les actions qu’il doit effectuer. Ces systèmes visent à « libérer » les mains du préparateur, en le déchargeant de tâches de gestion qu’il assurait antérieurement. Résultat : la part de manutention dans l’activité et le nombre de colis manipulés par heure ont augmenté. L’usage de primes individuelles de productivité contribue aussi à cette accélération. Les préparateurs manipulent communément 200 colis par heure et certains montent à 300, voire plus.

      « Ça casse de ramasser en bas »

      Une telle gymnastique exerce des contraintes majeures sur les régions lombaires et sur les membres supérieurs. Lorsque le corps est penché vers l’avant, la partie antérieure de la colonne - les corps vertébraux et disques intervertébraux - subit des pressions très importantes, qui dépendent du poids de l’objet. Par ailleurs, y compris pour des objets légers, les forces exercées sur les disques lombaires sont considérables si l’objet est ramassé loin en avant. « Ça casse de ramasser en bas, surtout quand c’est au fond », comme l’expriment les préparateurs.

      Une telle gymnastique exerce des contraintes majeures sur les régions lombaires et sur les membres supérieurs.

      Le fait de devoir prendre ou déposer en hauteur impose, au contraire, une accentuation de la courbure lombaire et une augmentation de la pression sur la partie postérieure de la colonne - les petites articulations interapophysaires postérieures. Enfin, les mouvements de rotation du tronc pour assurer les transferts ont un effet négatif sur les structures antérieures et postérieures. Ils exercent sur le disque intervertébral des forces de cisaillement et traumatisent les apophyses postérieures qui tendent à limiter les mouvements de rotation. L’usure de ces régions du corps se traduit par toute une gamme de phénomènes douloureux, dont la plus grande partie échappe à la prise en charge en maladie professionnelle.

      Fidéliser les salariés est un souci des directions des plates-formes logistiques. La pénibilité particulière du travail a pour conséquence un flux important de sorties. Or il faut souvent des mois pour qu’un préparateur de commandes atteigne le niveau de performance souhaité. Dans cette perspective, les femmes constituent une main-d’oeuvre intéressante, car elles sont moins mobiles géographiquement que les hommes. La montée des exigences de productivité et l’augmentation induite de la pénibilité se sont donc accompagnées d’un appel accru à la main-d’oeuvre féminine, afin de pallier la fuite des hommes.

      En raison des différences de force musculaire et de taille, les femmes sont néanmoins plus pénalisées par les contraintes de manutention et elles ont une productivité moindre lorsqu’elles travaillent sur les mêmes circuits que les hommes. "Elles sont plus stables, mais elles s’usent plus vite", confie un responsable. Une moindre productivité est tolérée par la hiérarchie si elle s’accompagne d’une plus grande disponibilité en cas de pointe d’activité. Car cela répond à un besoin de l’encadrement : pouvoir gérer la variabilité du flux quotidien de marchandises, en partie non prévisible, en ayant recours aux heures supplémentaires et, donc, au volontariat.

      Les femmes ont ainsi particulièrement intérêt à se montrer arrangeantes sur ce point. Mais leurs disponibilités temporelles sont très différentes selon qu’elles sont célibataires, mères de famille en couple ou en situation de parent isolé. Dans pareille situation, et lorsque le personnel féminin est dirigé par une maîtrise masculine, le risque est que les arrangements et la disponibilité débordent sur des registres non professionnels. Il faut donc regarder avec beaucoup de méfiance une organisation qui, après les avoir mises dans une position difficile, incite les femmes à tenter individuellement de se concilier la hiérarchie… De fait, des sentiments d’injustice et de jalousie, liés à des relations privilégiées entre la maîtrise et certain(e)s salarié(e)s, sont souvent signalés sur les plates-formes.

      Enfin, les conditions de travail constituent un risque pour la grossesse. La chose est claire pour les contraintes physiques, mais elle reste discutée pour l’exposition aux ondes radio émises par les systèmes de guidage par reconnaissance vocale. Cependant, l’Agence nationale de sécurité sanitaire recommande d’éviter l’exposition des enfants à ces ondes, ce qui vaut a fortiori pour les foetus, et l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) indique que, dans le doute, le retrait est la solution.

      Les épaules sont aussi une zone cible. En effet, il est important, dans les activités de manutention, de pouvoir garder les bras proches du corps. Lorsqu’ils sont levés, l’articulation de l’épaule travaille dans de mauvaises conditions. Les réactions inflammatoires qui peuvent s’ensuivre sont susceptibles d’évoluer vers des pathologies chroniques très invalidantes. Les syndromes du canal carpien et épicondylites du coude, liés à la haute fréquence des gestes de préhension, complètent le tableau des atteintes de l’appareil locomoteur.

      Les accidents de circulation constituent une autre source de lésions pour les salariés. Là aussi, les systèmes de guidage par reconnaissance vocale sont incriminés. Les préparateurs évoquent la crainte d’être focalisés sur le dialogue avec l’ordinateur et de ne pas entendre venir les chariots automoteurs qui circulent dans l’entrepôt. Les caristes qui les conduisent ont, eux, le sentiment que les préparateurs sont « enfermés dans leur bulle ».
      Plus permis d’anticiper

      Enfin, les systèmes de guidage par reconnaissance vocale constituent une source de dégradation de la santé par le biais de leur effet sur le travail du préparateur de commandes. Celui-ci n’a plus connaissance de la commande du client et ne peut plus organiser son parcours dans l’atelier pour structurer sa palette. La voix synthétique de l’ordinateur lui donne les coordonnées du point où il doit se rendre. A l’endroit indiqué, le préparateur lit à haute voix un code dit « détrompeur », qui permet à l’ordinateur de vérifier que le salarié est bien en place. Il lui indique alors la quantité de colis à prendre. Le travailleur confirme le nombre de colis qu’il prélève et l’ordinateur lui fournit les coordonnées du point suivant. Un tel fonctionnement est en complète contradiction avec la dynamique de l’activité.

      L’acquisition du métier - cette compétence qui fait que le professionnel aguerri ne travaille pas comme le novice - passe toujours par le développement de la capacité du salarié à anticiper les actions nécessaires, à les organiser selon une perception moins ponctuelle et mieux structurée. Cette tendance à la proactivité est une caractéristique physiologique fondamentale : toute l’organisation du système nerveux est tendue vers l’anticipation. Comme le résume Alain Berthoz, neurophysiologue et professeur au Collège de France, « le cerveau sert à prédire le futur, à anticiper les conséquences de l’action, à gagner du temps ».


      Chez l’être humain, un comportement purement réactif est anormal. Il n’y a que la machine pour fonctionner de cette façon. De fait, les préparateurs tentent d’échapper à cet assujettissement. Ils poussent à fond la vitesse d’expression de l’ordinateur et apprennent par coeur les codes détrompeurs, afin d’obtenir à l’avance les informations sur le type et le nombre de colis qu’ils vont devoir charger. Cette tendance à se projeter vers l’avant est repérée comme un facteur d’accident : certains conduisent le chariot automoteur en anticipant la descente, une partie du corps à l’extérieur, ou bien descendent avant l’arrêt complet.

      Cette autoaccélération constitue un moyen efficace de lutter contre la souffrance liée à la vacuité du travail. En l’absence de perspective de développement personnel, et si la réalité ne peut pas être transformée, il faut tenter de s’adapter, ne plus penser au gâchis que représente une telle situation. En somme, réprimer sa subjectivité pour barrer la voie à la souffrance. L’auto-accélération permet tout cela, car elle empêche de penser. « Dans ce travail, ça va mieux quand on va vite », déclarent ainsi les préparateurs.

      Evidemment, certains ne se plieront pas à ce travail d’autorépression. Ils quitteront la plate-forme dès que possible. Mais d’autres persisteront, surtout si la vie les a déjà maltraités et qu’ils ont déjà appris à « prendre sur eux ». Cette « capacité » à tenir face à la pénibilité est renforcée par le travail sur la plate-forme. Les responsables d’entrepôt le soulignent : celui-ci accroît la capacité des salariés à supporter des conditions de travail dures et en fait des travailleurs recherchés à l’extérieur.
      Enfermement dangereux

      En réalité, ce qui est présenté ainsi comme un avantage recouvre un processus d’enfermement dangereux. La mise à distance par le salarié de ses propres émotions réduit sa capacité à comprendre autrui. Réciproquement, les individus qui répriment leurs émotions bénéficient moins de compréhension et de soutien. En focalisant l’attention sur le dialogue avec l’ordinateur, les systèmes de guidage par reconnaissance vocale tendent à couper les salariés les uns des autres, et la mise à distance de leurs émotions creuse cet isolement.

      Par ailleurs, ce régime de fonctionnement induit à terme une dérégulation du système biologique de réponse au stress, responsable à son tour de l’installation d’un état inflammatoire chronique dit « de bas grade ». Celui-ci favorise le développement de l’ensemble des pathologies chroniques liées au vieillissement. Dès les années 1970, les études de Robert Karasek et Töres Theorell ont démontré que le travail de type taylorien était à l’origine d’une augmentation des maladies cardiovasculaires. Et en 1991, la nécessité d’adapter le travail à l’homme en limitant le travail monotone et le travail cadencé a été inscrite dans les principes de prévention du Code du travail (article L. 4121-2).

      Certains préparateurs disent avoir l’impression que l’ordinateur parle directement dans leur tête Twitter

      Tout cela a été ignoré lors de la mise en place des systèmes de guidage par reconnaissance vocale sur les plates-formes logistiques. Et le taylorisme y a été poussé à l’extrême. Aujourd’hui, certains préparateurs disent avoir l’impression que l’ordinateur parle directement dans leur tête. Le pas suivant va-t-il consister à greffer une puce sur leur cortex cérébral ? Il est plus que temps de faire « machine » arrière et de rechercher des compromis moins destructeurs entre productivité et santé.

      Philippe Davezies est chercheur en médecine et santé au travail. Membre du comité de rédaction de Santé & Travail, il a publié en décembre 2008 l’étude : « Enjeux de santé liés à l’utilisation de la commande vocale sur les plates-formes logistiques. Enquête exploratoire » consultable sur son site.
      Cet article a initialement été publié dans Santé & Travail d’avril 2016 sous le titre Une palette de troubles de santé

  • Laurent Alexandre, prophète du QI artificiel Le Comptoir le 22 septembre 2017 - Michel Juffé
    https://comptoir.org/2017/09/22/laurent-alexandre-prophete-du-qi-artificiel

    Les discussions autour de la technologie sont sujettes à de nombreuses spéculations plus ou moins rigoureuses. Le Comptoir vous propose ici une version remaniée d’un texte initialement paru sur le blog technocritique Mais où va le web ?. Plein de bon sens, le philosophe Michel Juffé y questionne les fondements et les errances intellectuelles des interventions-spectacles de Laurent Alexandre, (fut)urologue (spécialiste) de l’intelligence artificielle et fondateur du site Doctissimo dont le “sérieux” n’est plus à prouver. Le philosophe répond notamment à son entretien publié au Figarovox en juin 2017 et qui donne le ton : « “Bienvenue à Gattaca” deviendra la norme ».

    Laurent Alexandre n’hésite pas à déclarer que :

    « L’intelligence dans une société numérique est la clé de tout pouvoir politique et économique. Nous avons créé une société de la connaissance sans réfléchir aux conséquences. Nous avons bâti une économie de la connaissance, sans comprendre que nous allions donner un avantage immense aux gens maîtrisant les données, dotés de plasticité cérébrale leur permettant de changer régulièrement de métier et de se former leur vie durant : toutes qualités qui sont mesurées par le QI [quotient intellectuel, NDLR]. Un point de QI supplémentaire fera de plus en plus la différence dans la société de la connaissance. Il faudrait rebaptiser le QI et l’appeler QCIA, le Quotient de complémentarité avec l’intelligence artificielle, pour lui ôter son caractère stigmatisant. À partir de 2020, le QI minimum pour avoir un emploi va augmenter de l’ordre de cinq à dix points par décennie. »

    Le QI n’a jamais été présenté, par ses inventeurs, comme une mesure de l’intelligence au sens global du terme – qui mesurerait la capacité de discriminer, jugement, esprit d’analyse et de synthèse, créativité, etc. – mais comme une mesure de performances dûment étalonnées, c’est-à-dire, pour grossir le trait, celles qu’on attend d’un élève qui a appris à lire, écrire, compter et dessiner.


    Prenons par exemple un test de QI en ligne (il y a des dizaines de sites du genre, ils sont rarement très sérieux…). On nous dit que : « Ce test de QI en ligne évaluera votre quotient intellectuel ou QI. Ce test QI rapide donne un résultat quantitatif et standardisé lié à l’intelligence abstraite. Nous utilisons la méthode du “QI par rang”. Elle permet à une personne de se comparer à un ensemble d’individus classés par secteur. » En clair, c’est un test comparatif, qui ne peut donner de valeurs absolues. Le QI donne donc un indice de dispersion autour d’une moyenne. En l’occurrence pour le QI standard, la moyenne est fixée à 100 pour des raisons arbitraires et historiques. La dispersion des valeurs de QI se situe généralement entre 60 à 140, sachant que moins de 70 est considéré comme “extrêmement inférieur” et que plus de 130 est “extrêmement supérieur”. À quoi ? Eh bien à la moyenne toujours arbitrairement fixée à 100. On a ainsi pu dire que le QI ne mesure que lui-même !

    Ainsi, quand on lit, par exemple, que le QI moyen des Français est de 98, que celui de la plupart des pays d’Afrique est de 70, et que celui de la Chine est de 105, c’est entièrement faux. N’y voir aucun préjugé racial ! Pour que de tels résultats soient valides, il faudrait placer un échantillon de toute la population mondiale dans un seul lot, un seul “secteur”, lui faire disposer des mêmes éléments culturels, des mêmes conditions de passation du test, et d’une garantie très forte de bonne lecture des résultats. C’est rigoureusement impossible. Ce que révèle l’édification du QI en mesure de l’intelligence ou encore en point de comparaison entre sociétés ou civilisations, c’est surtout une position idéologique très forte. Ce qu’on promeut à travers ce genre de démarche, c’est la correspondance accrue à un certain système de valeurs, à un environnement particulier qui valorise ce genre d’intelligence pour de bonnes ou de mauvaises raisons et avec de bons ou de mauvais effets. Rien ne dit que ces systèmes sont plus “intelligents” que les autres, plus humains, plus sains. L’histoire du QI ne dit pas autre chose : cette mesure a servi à justifier toutes les inégalités sociales, voire à produire des politiques publiques discriminantes.

    « Prendre le QI comme signe d’intelligence, c’est à peu près comme demander à un chien de chasse de sauter dans un cerceau, sans tenir compte de son intelligence de chasseur. »

    Revenons à notre (fut)urologue et calculons un peu. Selon Laurent Alexandre, dans 50 ans il faudra avoir un QI de 150 pour avoir un emploi, et dans 100 ans un QI de 200. C’est bien embêtant, car, en réalité, la moyenne restera toujours à 100, donc seulement 1/1000 de la population, au plus, aura un emploi. Et on ne pourra pas supprimer les autres, car cela ne servirait plus à rien d’avoir un QI de 200 et plus (faute de base : toujours cette satané moyenne !). Ici, je pense à la reine rouge d’Alice : il faut courir deux fois plus vite pour rester sur place.

    Le QI, ce Graal
    Moderniser l’école, bien sûr. Car à présent les « classes populaires » sont dépassées par « la technologie qui galope ».

    Il faut, nous dit Laurent Alexandre, augmenter les « capacités cognitives de la population, puisque dans le futur la quasi-totalité des inégalités seront liées aux capacités cognitives ». Comme c’est simple ! À concevoir tout au moins. Toujours la même erreur de raisonnement : si tout augmente, rien n’augmente.

    « La bétise, mieux vaut la prévenir, car on ne peut pas la guérir. »

    Peu importe. Le rôle de l’école va devenir « la programmation des prothèses cérébrales ». Sous le contrôle de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), bien sûr ! On a eu chaud. Imaginons que le rôle de l’école soit d’augmenter la taille des élèves, leur poids ou la longueur de leurs cheveux, ce serait beaucoup plus difficile. Tandis que là, l’école aura seulement à s’occuper de mieux remplir le cerveau des élèves… Ce qu’elle fait déjà depuis 130 ans (avec l’obligation d’instruire toute la population), avec les programmes ministériels et les manuels scolaires. Ce seront toujours des manuels, mais sous forme d’implants cérébraux. La niaiserie, dont Laurent Alexandre accuse l’école, est plutôt celle des adorateurs des “manipulations cérébrales made in Californie” qu’il invoque comme d’autres invoquent les esprits de la forêt ou dansent devant un totem.


    D’où cette mâle proposition : « On ne sauvera pas la démocratie si nous ne réduisons pas les écarts de QI. » Le QI devient ainsi une baguette magique… à mettre entre toutes les mains. Faut-il encore répéter – pour les malcomprenants – que le QI est une mesure de performances standardisées qui n’a de sens que par des écarts, sur une échelle conventionnelle ? Bref, le QI ne mesure pas l’“intelligence” mais des capacités combinatoires, numériques et géométriques, soit une faible partie des capacités intellectuelles, une goutte d’eau dans un océan de complexité. Prendre le QI comme signe d’intelligence, c’est à peu près comme demander à un chien de chasse de sauter dans un cerceau, sans tenir compte de son intelligence de chasseur. Par ailleurs, même en se plaçant dans un contexte de concurrence mondialisée “inévitable” qui semble être l’unique système de pensée supportant les analyses de Laurent Alexandre, le QI n’offre aucune garantie qu’on s’en tirera vraiment mieux ; puisqu’il ne mesure ni la créativité, ni le talent, qui seront pourtant les “compétences” les plus utiles dans le monde automatisé qui s’annonce.

    Foin de ces raffinements, ce qui compte est d’augmenter le QI, comme l’annonce le Prophète – Elon Musk – qui sait que l’augmentation “massive” du QI aura lieu par implants cérébraux. « La seule solution, avec le développement de colonies sur Mars, pour éviter que l’humanité tout entière soit exterminée d’un coup. » Elles sont quand même fortes ces IA ! Elles pourraient nous exterminer « d’un coup. »

    Vous ne connaissez pas Elon Musk ? Cet homme, dont le QI doit être très élevé, sûrement plus que 260 (le record officiel, de 250, est détenu par un américain – of course !), a 46 ans, est père de jumeaux et de triplés, pèse 17 milliards de dollars, et dirige plusieurs sociétés, grâce auxquelles il va nous transporter à 2 000 km/h par voie terrestre, nous envoyer sur Mars par millions, supprimer les bouchons des grandes villes et fusionner l’IA et le cerveau humain (dès 2021).

    IA, implantation : fusion et confusion
    Rappelons rapidement ce qu’est l’IA. L’intelligence artificielle est « l’ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence » (Encyclopédie Larousse). C’est sommaire et un peu tautologique, mais cela nous suffira pour la suite.

    Quelles sont les possibilités d’une IA ? On parle d’IA depuis Turing (1950) mais on se heurte toujours à la question du traitement de données non formalisées, autrement dit des connaissances qualitatives – une grande partie de celles qui nous sont utiles. S’il est vrai que le “deeplearning” est un saut qualitatif en matière d’analyse du signal sonore ou visuel – reconnaissance faciale, reconnaissance vocale, vision par ordinateur, traitement automatisé du langage, par exemple – nous restons dans le connu, le perceptible et le sensible. Je veux dire par là que nous n’apprenons pas à créer par automatisme, et que dès que l’objet reconnu comporte un très grand nombre de dimensions (un corps humain en action par exemple), il devient inanalysable… pour le moment.

    « Durant la transmission électrochimique entre nos neurones, l’ordinateur, même s’il ne fonctionne qu’au ralenti a pu accomplir un million d’opérations, tandis qu’un être humain n’a pu en effectuer une seule. »

    Et s’il est vrai que la dictée orale de textes sur ordinateur est un vrai progrès pour ceux qui écrivent beaucoup, les corrections restent longues et fastidieuses. Quant à la traduction automatique, elle réserve de belles et parfois cocasses surprises. Il s’agit bien d’intelligence artificielle, si intelligere est avant tout discriminer, différencier, trier, comme le suggère l’étymologie latine. Mais la modélisation ne peut pas être illimitée, car quelles que soient la vitesse et l’architecture de traitement de données d’un ordinateur, l’augmentation des dimensions à paramétrer excède assez vite toute possibilité de calcul.

    Ce qui est “profond” est le nombre de couches de traitement de données et non l’apprentissage lui-même, au sens habituel du terme. Et ce qui est important est le service rendu, par exemple à des aveugles pour se diriger et reconnaitre des objets et des personnes. Bref, l’IA ne va pas, par un coup de baguette magique, rendre les gens intelligents, mais elle facilite l’usage de leur intelligence et peut les dispenser des tâches qui requièrent une intelligence répétitive, habituelle, conventionnelle, etc. N’oublions pas, aussi, que l’IA reste opaque pour la plupart des usagers, à commencer par le GPS des voitures et des téléphones mobiles, les moteurs de recherches, et bien d’autres “applis” auxquelles ils ne comprennent rien. D’où non seulement le danger d’une grande fracture numérique mais aussi celui de distorsion et de falsification des informations, aides et renseignements recueillis.

    Il ne faut pas, non plus, surestimer les performances d’une IA. Par exemple, depuis 2016, celle de battre un champion du jeu de Go. Il a bien fallu programmer l’ordinateur – pardon l’IA – pour qu’il combine des successions de coups. Et qui l’a programmé ? Des gens qui savent jouer au Go et ont eu tout leur temps pour bâtir ce programme. Ce qui est nouveau est que les concepteurs ont imité une forme d’intuition, produite par des milliards d’ajustements automatiques dont personne ne comprend la logique.

    Pour le reste, ça n’est qu’une question de vitesse relative : la transmission électrochimique (celle de nos neurones) est au mieux de 100 m/s, donc 1/200 de seconde pour 50 centimètres (entre l’œil et la main, par exemple). Durant cet intervalle, l’ordinateur, même s’il ne fonctionne qu’au ralenti – disons à 10­ 000 km/s – a pu accomplir un million d’opérations, tandis que par ailleurs, un être humain n’a pu en effectuer une seule, car le cerveau ne discrimine que des durées supérieures à 1/25 de seconde.

    L’IA de demain
    Aux dires de 252 experts en apprentissage par ordinateur (les plus qualifiés du monde, bien sûr), l’IA “battra” les humains en traduction des langues (à l’horizon 2024), en rédaction d’essais (2026), en vente (2031), en chirurgie (2050). En ce qui me concerne, encore neuf ans de patience et je pourrai arrêter d’écrire. En revanche rien n’est dit sur la fabrication des tartes aux pommes, où j’excelle, et je vais peut-être pouvoir continuer à en faire jusqu’en 2035 ou plus. Les mêmes prédisent que tous les emplois humains seront remplacés dans 120 ans. Encore une prédiction cocasse : comme on ne sait rien de notre mode de vie dans 120 ans, que peut-on prévoir sur l’emploi ou quoi que ce soit d’autre ? Qui aurait imaginé la machine à laver le linge et la pilule contraceptive au début du XXe siècle ? C’est pourtant ce qui a le plus changé la vie des femmes (donc de l’espèce humaine) durant ce siècle, en incluant les progrès de la chirurgie et de l’imagerie médicale. Personne n’aurait l’idée de parler d’IA à propos de la machine à laver, c’en est pourtant un des plus beaux succès.

    Toujours est-il qu’Elon Musk et ses compétiteurs (car c’est un marché de milliers de milliards de dollars, bien sûr) ne veulent pas que nous soyons dépassés par les IA (au sens fort du terme : machines capables d’apprendre, d’éprouver des émotions, de se reproduire).

    « Pour nous sauver des IA tyranniques, des composants électroniques seraient implantés dans le cerveau “entrelacés entre nos 83 milliards de neurones, ce qui nous transformerait en cyborgs” [sic(k)]. » Laurent Alexandre

    Car, ayant lu trop de science-fiction de médiocre qualité et ayant vu plusieurs fois Terminator I, II et III, ils sont persuadés de la révolte des machines, autrement dit que l’IA va “dépasser” (à droite ou à gauche ?) l’homme, ce qui « nous transformerait en animaux domestiques dans le meilleur des cas. »

    « Elon Musk, nous dit Laurent Alexandre, est très influencé par Nick Bostrom [44 ans, professeur à Oxford], le théoricien des IA hostiles, qui défend l’idée qu’il ne peut y avoir qu’une seule espèce intelligente (biologique ou artificielle) dans une région de l’univers. Ayant comme premier objectif sa survie, toute IA forte se protégera en cachant ses intentions agressives et en attaquant préventivement. » Qu’est-ce qu’une espèce intelligente ? Et pourquoi ne pourrait-il y en avoir qu’une dans une région de l’univers ? Et les fourmis, alors ? Et les rats, qui nous parasitent autant qu’ils veulent ? Et les arbres, sans lesquels nous n’existerions même pas ? J’oubliais : toutes ces choses-là (fourmis, rats, arbres) ne peuvent pas passer un test de QI, alors que les IA le peuvent.

    Bref, pour nous sauver des IA tyranniques, des composants électroniques – je suppose de la taille de quelques micromètres (10-6 µm), avec une finesse de gravure de 10 nanomètres (10-8 nm) – seraient implantés dans le cerveau « entrelacés entre nos 83 milliards de neurones, ce qui nous transformerait en cyborgs » (comme il peut y avoir jusqu’à 20 000 synapses par neurone, on ne sait pas très bien où se passera l’entrelaçage). Difficile de rester plus vague : à quoi serviront ces implants ? Faudra-t-il les remplacer ? À quel rythme deviendront-ils obsolètes ? Qui va les réparer ? Eux-mêmes ? Un couple de médecins et d’IA-médecins ? Leur porteur (puisqu’il est devenu très intelligent) ? Un électronicien ? Un plombier ?

    L’idée même de fusion – étape suivante de l’augmentation cérébrale – entre IA et êtres humains, sous des dehors riants (fusionner c’est augmenter, en mieux) est assez mal venue. La fusion est généralement une régression ; l’amour fusionnel diminue les deux partenaires et augmente leur fragilité. Le métal en fusion perd toute forme (mais le forgeron est là pour lui en donner une). Faire fondre quelque chose (du liquide au solide) peut être très utile, faire fusionner deux choses en les rendant liquides pour les mélanger (amalgame dentaire) aussi. La fusion de deux sociétés est quant à elle pleine d’aléas (si ce sont des réseaux ferroviaires, électriques ou bancaires, on en voit les avantages en termes de solidarité et de fiabilité, mais si ce sont des entités industrielles et/ou commerciales très variées, c’est souvent un échec). Mais fusionner deux organismes tels qu’un réseau de composants électroniques et un cerveau humain, si c’est seulement possible, relève d’une erreur d’attribution : ce n’est pas parce qu’on a parlé de réseaux de neurones en IA qu’il s’agit de vrais neurones artificiels. Cette prétendue fusion aboutirait plus probablement à Brendel/mouche/télépode (cf. le film La Mouche) – soit un abominable mélange régressif et non viable. En réalité, il ne s’agit pas de fusion mais de greffe (si la chose implantée s’incorpore à peu près complètement) ou de prothèse (si elle remplace passivement).

    À la question « Quel est le contraire de l’intelligence artificielle ? », Henri Atlan répondit « La bêtise humaine »

    Revenons au futur proche. “L’augmentation cérébrale”, en supposant qu’elle réussisse, serait-elle d’une quelconque utilité ? Si elle affine nos sens, nous permet de mémoriser plus aisément, de réagir plus vite, d’être plus précis dans nos gestes, elle ne sera pas mal venue. Rendra-t-elle plus intelligent ? Oui, si toutes les qualités susnommées nous rendent plus aptes à discerner, à juger, à nuancer, à peser, à imaginer, à choisir. Ce qui n’a rien de sûr, car les hautes performances corporelles ne garantissent en rien la moindre capacité à faire face aux diverses situations sociales, économiques, techniques, écologiques… auxquelles sont confrontés en permanence les êtres humains (comme tous les autres êtres vivants d’ailleurs). En revanche la saturation d’informations, l’implantation d’éléments à très haute vitesse et inaptes à se régénérer risquent d’induire de graves dysfonctionnements et des phénomènes de types cancéreux.

    D’ailleurs, pourquoi les adorateurs de l’IA n’ont-ils pas pensé à quelque chose de bien plus simple : doubler, tripler ou décupler le nombre de neurones, ce qui nous rendrait – forcément – deux, trois ou dix fois plus “intelligents” ? Il suffirait d’augmenter aussi le volume intérieur de la boîte crânienne ou de la remplacer par un casque hémisphérique en tungstène.
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    Puces RFID implantées dans les mains.

    Revenons à notre ami Laurent Alexandre. Lorsque le journaliste (Vincent Tremolet de Villers) lui dit : « L’homme ne se réduit pas à son cerveau. Il est aussi sensibilité et vie intérieure. Ces deux dimensions sont-elles menacées ? », il a droit à cette réponse digne de figurer dans une anthologie du non-sens : « Vous avez à mon sens tort, l’homme se réduit à son cerveau. Nous sommes notre cerveau. La vie intérieure est une production de notre cerveau. L’Église refuse encore l’idée que l’âme soit produite par nos neurones, mais elle l’acceptera bientôt. »

    À l’appui de cette vérité définitive, Laurent Alexandre cite le révérend Christopher Benek [dont le site “illuminant” vaut le détour], qui souhaite que les machines douées d’intelligence puissent recevoir le baptême si elles en expriment le souhait. Ouf, nous sommes sauvés : c’est bien connu, des machines chrétiennes ne pourront être que des apôtres de l’amour universel et ne chercheront jamais à éliminer l’être humain. Bien mieux que les trois lois de la robotique d’Asimov.

    L’ordre numérique et la loi technologique
    Les élucubrations franchissent un cran dans la mégalomanie, lorsque Laurent Alexandre nous explique que nous, auditeurs moyens, n’avons pas encore compris que les “vrais” maîtres du monde sont les Gafa [Google, Amazon, Facebook, Apple, NDLR] et leurs semblables asiatiques. Ce sont eux qui font la “loi” (on ne sait pas laquelle, mais peu importe) et dictent leur conduite aux gouvernements (NB : avant c’était les Ford, les Rockefeller, etc.). « L’essentiel des règles n’émane plus des parlements mais des plateformes numériques. » Les parlements sont dépassés et même obsolètes, puisqu’ils ne comprennent rien à LA technologie, ne pourraient pas « auditer » les IA (je n’ai pas compris en quel sens Laurent Alexandre emploie le mot “auditer”). Bref, les politiques, comme les éducateurs, vivent dans le passé et feraient bien de se mettre à l’écoute des dirigeants de la révolution numérique, qui vont parvenir, enfin, à créer “l’homme nouveau” dont rêvaient les communistes dans les années 1920.

    « Deux choses sont infinies, l’univers et la bêtise humaine, et pour l’univers je n’en suis pas absolument sûr » citation attribuée à Albert Einstein

    Il est quand même douteux que les politiques y parviennent (à écouter les maîtres du monde) car ils « raisonnent à quinze jours, la Silicon Valley à 1 000 ans », clame Laurent Alexandre (cité par Hubert Guillaud sur le site Internetactu, d’après son discours déjanté à la conférence Unexpected sources of inspiration, centrée sur les enjeux du digital et créée il y a 10 ans ; elle a accueilli 1 800 personnes au Carrousel du Louvre en 2015).

    Quel manque d’ambition de la Silicon Valley (telle que l’imagine Laurent Alexandre). Car, en réalité, ses 6 000 entreprises de haute technologie et ses liens consubstantiels avec l’université de Stanford, une des meilleures du monde, sont capables de réalisations de grande qualité. Des auteurs tels que H.G. Wells, A.E. Van Vogt, A.C. Clarke, I. Asimov, R. Silverberg, etc. anticipent sur des centaines de milliers, des millions et même des milliards d’années (cf. La Cité et les Astres, d’Arthur Clarke, écrit en 1956).

    De plus, ce jugement est faux : les hommes d’État de quelque envergure ont depuis longtemps envisagé le futur sur des centaines d’années ou plus, et ont tout fait pour bâtir pour des millénaires. Il est également faux que tout se passe à la Silicon Valley. Les fabricants de matériel électronique, de systèmes, réseaux et terminaux (tels que les smartphones, par exemple) informatiques, œuvrent dans le monde entier. Et l’inventivité en matière d’usages du “numérique” n’est pas l’apanage de l’Amérique du Nord. Ce qui distingue les Californiens est d’une part une capacité à capitaliser vite et bien, et par suite à monter rapidement de grandes compagnies, d’autre part leur industrie du spectacle (show business) qui en fait les premiers “communicants” (baratineurs et propagandistes) du monde.

    Certes, une branche d’industrie peut vouloir “faire la loi” dans son domaine (comme EDF entre 1945 et 1985), mais ne peut pas voter les lois, et c’est pourquoi le lobbying et la corruption d’élus et de fonctionnaires existent.

    De l’urologie à la futurologie
    Laurent Alexandre est médecin diplômé d’urologie et a suivi les cours de MBA d’HEC, ce qui lui a manifestement réussi puisqu’il a créé Doctissimo – site plusieurs fois dénoncé pour son peu de fiabilité –, qu’il a vendu au groupe Lagardère pour 70 millions d’euros en 2008. Depuis, il a ajouté trois lettres à sa spécialité de départ, « f-u-t » comme dans futé, car il l’est, pour faire avaler de telles énormités. Car ce n’est pas fini : il est aussi généticien, cosmologue et visionnaire à très, très long terme.

    « Contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain » Friedrich Schiller, La pucelle d’Orléans, 1801

    Pour lui, l’espèce humaine va devenir immortelle… d’ici 1 000 ans au plus. Pour cela, il faudra avoir fusionné avec l’IA. « Le but ultime de la science est de combattre la mort de l’univers, par la création artificielle de nouveaux univers. Après la mort de la mort, la science se consacrerait à combattre la mort de l’univers. La cosmogénèse artificielle mobiliserait toute l’énergie de l’humanité dans les prochaines milliards d’années. »

    Isaac Asimov avait trouvé plus simple de construire un ordinateur, Multivac, qui, après des milliards d’années d’auto-perfectionnement (et suite à la fusion, hors espace-temps, entre ordinateur et être humain), découvrirait enfin, après la disparition de l’univers, la réponse à la question : « Peut-on inverser l’entropie ? » et engendrerait un nouvel univers en disant simplement : « Que la lumière soit ! » (La Dernière Question, 1956). Mais Laurent Alexandre ne cite pas Asimov.

    En revanche, il croit citer Darwin qui aurait “expliqué” que si l’univers mourrait, alors l’aventure humaine n’aurait eu aucun sens. On peut toujours chercher quoi que ce soit qui ressemble à ce genre de réflexion chez Darwin, ce serait en vain, car Darwin comprenait que l’espèce humaine est une espèce parmi d’autres, vouée à disparaître, comme les autres. Il est vrai que Darwin ne savait rien de l’IA. Quel était son QI, au fait ?

    Il prétend aussi citer Teilhard de Chardin, qui aurait introduit en 1922 le terme de “noosphère”, alors que, même s’il y a pensé dans les années 1920, le terme a été d’abord utilisé publiquement par Édouard Leroy au Collège de France en 1927, et diffusé par Vernadski, auteur de La Biosphère (1926) – ouvrage traduit en français en 1929 – qui formule le triptyque suivant : lithosphère, biosphère, noosphère. Teilhard en parle dans Le Phénomène humain, qui n’a paru qu’en 1955, ayant été interdit par l’Église catholique durant près de dix ans. Ce qui est certain, c’est que Laurent Alexandre ne comprend rien à la pensée de Theilhard : « Le monde futur décrit par Teilhard est bien cette fusion neurotechnologique où le corps disparaît progressivement. » Teilhard n’a jamais envisagé ce genre de futur. Il voulait concilier la théorie darwinienne et un Dieu « Moteur, Collecteur et Consolidateur, en avant, de l’Évolution » (La place de l’homme dans la Nature : Le groupe zoologique humain, 1956 ; ce livre fut interdit à la publication durant sept ans).

    Laurent Alexandre est quand même un grand humaniste, porteur d’une nouvelle éthique : « Je suis persuadé que le sauvetage de notre corps constitue l’un des trois piliers essentiels de notre humanité avec le maintien du droit à nous déconnecter de la matrice et le maintien d’une part de hasard génétique. » Comme la vie humaine est simple : tous les autres maux dont nous pouvons souffrir ne sont rien à côté des trois qu’il dénonce !

    Par exemple : les maladies dégénératives, les guerres de religion, les pénuries alimentaires, les pollutions (air, sol, eau), les catastrophes naturelles, les accidents industriels, l’exploitation des enfants, les viols et violences continuels, etc. Laurent Alexandre vit déjà dans un monde virtuel où rien ne compte d’autre que la projection permanente de visions manichéennes (transhumains, tous bons – IA, toutes mauvaises) et d’ennemis imaginaires propres aux délires paranoïaques (au vrai sens du terme : se croire menacé de destruction). À moins qu’il ne fasse semblant, parce que ça peut rapporter encore plus d’argent que Doctissimo.

    #Qi #discriminations #IA #Elon_Musk #Laurent_Alexandre #RFID #stupidité #Urologie #futurologie #Doctissimo #Isaac_Asimov #noosphère

  • M. Picq fait de la prospective
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=967

    Parution du Manifeste des Chimpanzés du futur contre le transhumanisme, début septembre 2017. Voir ici

    Au cas, toujours possible, où vous auriez eu envie de lire le dernier livre de Pascal Picq (Qui va prendre le pouvoir ? Les grands singes, les hommes politiques ou les robots. Odile Jacob, 2017), laissez tomber, on l’a fait pour vous, et franchement, ce qu’on a fait là, aucune bête ne l’aurait fait. Mais bien sûr, vous n’êtes pas obligé de vous fier à notre recension et vous pouvez juger par vous-mêmes (330 p et 22€90, tout de même. On vous aura prévenus). Ethologue et paléoanthropologue, maître de conférences au Collège de France, Pascal Picq fait partie de ces vieux mâles plastronnant dans leur territoire académique, tel Michel Serre, Axel Kahn & Jean-Didier Vincent, que leur expertise réelle ou (...)

    #Nécrotechnologies
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/m._picq_fait_de_la_prospective.pdf

  • Oyez, braves gens ! "Libération" vient de découvrir l’eau chaude ...

    Les voitures électriques sont-elles vraiment « propres » ? - Libération
    http://www.liberation.fr/futurs/2017/09/16/les-voitures-electriques-sont-elles-vraiment-propres_1596551

    Constructeurs et politiques œuvrent de plus en plus au développement des véhicules électriques, qu’ils appellent « véhicules propres ». Terme qui peut porter à confusion et qui occulte la pollution qu’engendrent ces bolides.

    Les voitures électriques sont-elles vraiment « propres » ?

    « Véhicules propres », sous-entendu n’émettant pas de CO2, donc non-polluants. L’expression est aujourd’hui utilisée pour faire référence aux voitures électriques. Mais à y regarder de plus près, ces véhicules ne sont pas si écologiques.

    Après Tesla, constructeur californien qui s’est positionné sur le créneau des voitures électriques il y a dix ans, les autres fabricants (BMW, Volkswagen, General Motors, entre autres, et plus récemment Volvo) se « mettent au vert ». Les taxes dissuasives sur les émissions de CO2 et les incitations financières (bonus, subventions) en faveur de l’électrique mises en place par de nombreux Etats ont aidé à cette reconversion.

    La France et le Royaume-Uni ont même récemment pris la décision d’interdire la vente de véhicules essence et diesel à partir de 2040. Et histoire de concurrencer les acteurs occidentaux, la Chine, premier marché automobile mondial, envisage de suivre le mouvement. En France, les collectivités locales investissent aussi dans ce sens. Jeudi, Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, s’est targué d’avoir lancé une prime régionale « véhicule propre ».

    Nous avons mis en place 1 prime régionale « véhicule propre » pour toute acquisition de véhicules propres (élec/GNV /hydrogène) pic.twitter.com/SLeQE5fhQ1
    — Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) 14 septembre 2017

    En juin 2014, le jury de déontologie publicitaire JDP, instance de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), a pourtant conclu que la voiture électrique ne pouvait pas être considérée comme « écologique » ou « propre ». L’Observatoire du nucléaire, association antinucléaire, avait notamment dénoncé les publicités trompeuses de véhicules en libre-service du groupe Bolloré. Le JDP avait déjà épinglé les publicités Citroën, Opel ou encore Nissan pour des raisons similaires. Cette instance émet seulement des avis, pas des sanctions, mais les marques rectifient souvent le tir pour épargner leur image.

    Le directeur général de l’ARPP, Stéphane Martin, déclarait alors au Monde : « Tout véhicule a un impact sur l’environnement, lors de sa construction comme de son cycle de vie. On ne peut pas qualifier la voiture électrique de propre mais on peut avancer qu’elle contribue au développement durable ou qu’elle est plus propre que les voitures thermiques, à condition d’en apporter la preuve. » Comment éviter les raccourcis ?
    Une réduction de la consommation d’énergie discutable

    Dans son rapport datant d’avril 2016, l’ADEME souligne que « le développement du véhicule électrique permet de réduire la dépendance au pétrole importé ». Grâce à un « excellent rendement énergétique », il consomme aussi moins d’énergie qu’un véhicule thermique pour se déplacer. Mais il y a un hic : « Sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d’un VE [vehicule électrique] est globalement proche de celle d’un véhicule diesel ». Cela s’explique par le fait qu’une voiture électrique nécessite deux fois plus d’énergie pour sa fabrication qu’une voiture thermique. Un des pôles les plus énergivores est l’assemblage des batteries.

    « Aujourd’hui, les matériaux sont préparés dans des fours à 400°C, ce qui engendre une consommation d’énergie relativement importante. Mais cela devrait s’améliorer dans les années qui viennent : les chercheurs essayent de développer des méthodes de synthèse qui ont lieu à 150°C, ce qui demande moins d’énergie », explique Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France et chercheur en stockage électrochimique de l’énergie.

    « A la différence des véhicules thermiques, la majorité des impacts environnementaux d’un VE interviennent lors de la phase de fabrication. Les gains environnementaux d’un véhicule électrique se retrouvent donc à l’usage », conclut l’Ademe.
    Pas d’essence ne veut pas dire pas de pollution

    « Voiture électrique, zéro émission » est devenu un argument de promotion de ces véhicules. Or quand elles roulent, les voitures électriques émettent bien du CO2, même si les rejets sont beaucoup moins importants que pour le diesel ou l’essence (environ 9 tonnes de CO2-eq contre 22 tonnes de CO2-eq en France sur l’ensemble du cycle de vie selon l’Ademe). Comment une voiture sans carburant fossile peut-elle émettre du CO2 ? La pollution est en fait indirecte. Elle est causée par la production de l’électricité utilisée pour recharger les véhicules. En Chine, où l’électricité provient de centrales à charbon, l’impact écologique est par exemple beaucoup plus important.

    « L’électricité utilisée en France émet peu de CO2 grâce au nucléaire. Mais ce n’est pas une énergie propre, puisque cela produit des déchets radioactifs. Et nous importons aussi de l’électricité d’Allemagne, essentiellement produite grâce aux centrales à charbon », relativise Stéphane Lhomme, président de l’Observatoire du nucléaire, association antinucléaire. « Si l’énergie utilisée est renouvelable, qu’elle provient d’éoliennes ou du photovoltaïque, cela a un avantage énorme et la pollution est vraiment diminuée », indique Jean-Marie Tarascon.

    Contrairement aux diesels et essence, les véhicules électriques ne dégagent pas de polluants (COV et NOx) favorisant la formation d’ozone, qui est responsable de la dégradation de la qualité de l’air. Mais ils émettent quand même des particules fines. Et pour ça, pas besoin de pot d’échappement. Une étude de l’Observatoire de la qualité de l’air en Ile-de-France a démontré que 41% des particules fines en suspension émises en 2012 par le trafic routier dans la région parisienne étaient issues de l’abrasion des pneus, du revêtement routier et des freins.
    L’enjeu des batteries

    Toujours selon l’Ademe, le potentiel d’épuisement des ressources fossiles pour la fabrication d’un véhicule électrique et plus important que pour les véhicules thermiques. En cause, l’extraction des matériaux rares (cobalt, lithium, graphite…) qui composent les batteries lithium-ion utilisées sur le marché. « La filière nécessaire à la fabrication des batteries a des effets dramatiques, ce qui a été démontré de manière édifiante par deux documentaires. Celui de France 5 en Amérique du Sud sur les réserves de lithium. Il y a aussi celui d’Envoyé spécial sur le graphite de Chine », ajoute Stéphane Lhomme.

    Lire aussiBolivie : sur un baril de lithium

    « Le cobalt provient de RDC, là-bas les exploitations sont d’un point de vue éthique totalement anormales, c’est pourquoi nous essayons de nous en affranchir. Aujourd’hui beaucoup de compagnies essaient de recycler ces matériaux à partir de batteries usagées pour les réutiliser dans les nouvelles. Cela a aussi un coût moins important que d’aller extraire du nouveau cobalt », explique le chercheur Jean-Marie Tarascon. Il est aujourd’hui possible de recycler une batterie en intégralité, mais là aussi, cela a un coût que les constructeurs ne veulent pas forcément assumer. L’Union européenne oblige depuis 2011 à recycler au moins 50% du poids des batteries. Et comme le lithium est un produit léger, il n’est pas recyclé en priorité.

    Dans un futur plus ou moins proche, les voitures électriques pourraient devenir plus « propres ». « Les chercheurs ont bien pris conscience de ces problèmes environnementaux et tentent de les minimiser. Pour réduire le coût énergétique, nous travaillons au niveau des batteries. Des recherches tentent de développer des technologies qui utilisent du sodium, plus abondant que le lithium. Il ne fait aucun doute que dans le futur les voitures électriques seront fabriquées avec peu d’enjeu environnemental », prévoit le chercheur Jean-Marie Tarascon.
    Margaux Lacroux

    #qu'est-ce_qu'on_rigole

    • Quand en plus, on t’annonce que les transporteurs vont avoir une fiscalité adaptée pour leur carburant ( traduction : les camionneurs paieront leur gasoil moins cher que les prolos qui ont besoin d’une caisse pour aller bosser), y a des claques qui se perdent ...

    • Donc... Je ne sais pas si la voiture électrique est plus ou moins propre, mais voici un retour d’expérience : nous en avons une depuis quatre ans avec laquelle nous roulons en moyenne 20 000 km par an, en Norvège, dans des conditions climatiques compliquées. Pas de carburant, pas d’huile (sauf pour les rouages), entretien divisé par Économies annuelles par rapport à une voiture classique dont le prix d’achat est le même : environ 4000 euros on fait 30 km en voiture électrique pour le prix d’un km en voiture à essence (en Norvège l’électricité est d’origine hydraulique), que nous consacrons à l’éducation, culture et musique en partie, et en remboursement beaucoup plus rapide des prêts bancaires pour la maison ou le matériel informatique...

      C’est pas plus propre, mais c’est au moins une « réattribution » qui allège le budget familial de manière très sensible. Le monde est un système, tout est lié.

    • Pour la voiture que j’utilise, l’électrique reste plus cher. En juillet, où je devais décider, c’était 30% plus cher. La suivante sera sans doute électrique... le marché semble vouloir devenir mature. Par contre, en effet, quel massacre que les batteries actuelles. Mais l’exploitation des champs de pétrole n’a jamais été un rêve pour les populations locales.

    • @monolecte oui enfin quand je dis « camionneur », je pensais surtout aux entreprises de transport routier. Quant à les favoriser parce qu’ils ont le plus grand pouvoir de nuisance, je pense qu’ils s’agit de catégories qui font preuve du plus intense lobbying.

      @biggrizzly

      le marché semble vouloir devenir mature. Par contre, en effet, quel massacre que les batteries actuelles. Mais l’exploitation des champs de pétrole n’a jamais été un rêve pour les populations locales.

      Mais de toute façon, il faudra amplifier l’extraction de minéraux. Alors un marché mature, c’est quoi au juste ? Un marché qui édicterait des règles de bonne conduite quant à l’environnement et la main d’œuvre ?

      On parle de la production de l’électricité et de ses nuisances environnementales ?

      On aborde le sujet d’une bonne gestion des transports ferrovières (fret et passagers) ?

      Allez zou ! On se lâche !...

  • Exploite-toi toi-même
    http://www.laviedesidees.fr/Exploite-toi-toi-meme.html

    Via le prisme de l’auto-entreprise, l’enquête de la sociologue Sarah Abdelnour révèle des dynamiques de fragilisation du #salariat. Elle en explore les différentes facettes, depuis ses enjeux idéologiques et politiques jusqu’aux réalités vécues par des acteurs qui ne distinguent plus leurs clients de leurs patrons.

    Livres & études

    / salariat, #entreprise, #patron, #auto-entrepreneur

    #Livres_&_études

    • Fondé sur une solide enquête, écrit dans un style très accessible, direct mais toujours réflexif quant aux conditions de l’enquête et à ce que permettent ou ne permettent pas les données récoltées, cet ouvrage a vocation à intéresser bien au delà du cercle des sociologues du travail, et même du petit monde de la sociologie. L’analyse de l’acceptabilité, voire de la désirabilité d’une condition, au bout du compte, plutôt précaire, conduit la sociologue à des réflexions intéressantes sur la « double vérité du travail » et sur l’auto-exploitation qui mobilisent Bourdieu, Gramsci et Burawoy, et plus largement sur le statut de la parole des enquêtés dans l’analyse sociologique.

      #exploitation #travail

    • Ce livre est mentionné dans les commentaires de cet article : https://blog.monolecte.fr/2017/09/05/pigeons-se-prenaient-aigles

      Tout contre le salariat, ce régime d’auto-entrepreneur se développe toutefois « contre » lui, insiste Sarah Abdelnour, là aussi à plusieurs reprises et sous plusieurs angles. Il se présente d’abord souvent, dans le discours politique, mais aussi dans celui des acteurs, comme une voie délibérée de sortie du salariat. Mais il se développe également contre la société salariale en ce qu’il la « détricote par le bas ». Ainsi, en aménageant le cumul des revenus et en faisant reposer la situation du travailleur sur la « débrouille individuelle », ce régime rend par exemple plus difficile la construction de collectifs de travailleurs, et tend à affaiblir la revendication salariale. Cette offensive contre le salariat, les concepteurs même du régime de l’auto-entrepreneur ne s’en sont d’ailleurs jamais cachés, comme le souligne à plusieurs reprises Sarah Abdelnour. « Cela abolit d’une certaine manière la lutte des classes », écrivaient ainsi Hervé Novelli et Arnaud Floch en 2009 : « Il n’y a plus d’“exploiteurs” et d’“exploités”. Seulement des entrepreneurs : Marx doit s’en retourner dans sa tombe. »

      Et aussi :

      Sarah Abdelnour s’interroge enfin sur les effets de la diffusion de ce dispositif sur les pratiques de travail mais aussi, plus largement, sur les rapports aux institutions et les représentations politiques des individus. En testant l’hypothèse d’une « libéralisation de la société par le bas » et en observant au plus près le quotidien des auto-entrepreneurs et de leurs pratiques, elle s’intéresse in fine à la manière dont ce régime participe plus largement d’un nouveau mode de gouvernement des conduites, un mode néolibéral au sens de Foucault. Sarah Abdelnour reprend à son compte ce passage des cours au Collège de France où ce dernier suggère que c’est « la vie même de l’individu – avec par exemple son rapport à sa propriété privée, son rapport à sa famille, à son ménage, son rapport à ses assurances, son rapport à sa retraite » qui ferait de lui « comme une sorte d’entreprise permanente et d’entreprise multiple ». Foucault se joint donc à Bashung pour éclairer le titre du livre…

      https://www.youtube.com/watch?v=9wflvuzLm2o

  • Michelle Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Une #histoire populaire de la France de 1685 à nos jours
    http://lectures.revues.org/23332

    1On peut s’étonner que cet ouvrage n’ait point suscité la polémique. Peut-être eût-il fallu que l’auteure soit professeure au Collège de France pour s’attirer le même courroux que Pierre Nora manifestât à l’encontre de Patrick Boucheron et son Histoire mondiale de la France. Elle aurait peut-être alors connu l’honneur d’être traitée de « Bourdieu historienne du Collège de France ». Ou bien les foudres de Patrice Gueniffey qui frappaient cette même Histoire mondiale de la France1 du label d’histoire « culpabilisante et honteuse », tout en affirmant le mérite d’un récit national permettant de définir « une identité collective ordonnée autour de l’idée de liberté »2. Parce que, tout de même, cette Histoire populaire de la France s’ouvre avec l’instauration du Code noir et l’histoire de l’esclavage aux Antilles dont la destinée est présente tout au long du livre. Cette « idée de liberté » chère à Gueniffey n’est donc pas si partagée, idéal pour certains, horreur pour d’autres du moment qu’elle ne leur est pas propriété exclusive. Et à ceux qui voudraient ordonner téléogiquement l’histoire de la France autour de quelques grands principes ou grands hommes, faisons remarquer que l’ouvrage présente une histoire de France. Une question de choix, à opérer dans ce réel infini à la description, qui dit tout à la fois une position modeste et résolue.

    #livre

  • De L’Inde au Népal, du Népal à la France : les tribulations du manuscrit de la Perfection de sagesse en huit mille vers, Inde, XIe siècle – Colligere
    https://archibibscdf.hypotheses.org/559

    Un des fleurons des collections patrimoniales de l’Institut d’ études indiennes du Collège de France, un manuscrit bouddhique du XIe siècle portant des peintures d’une rare beauté, présentait des altérations très préoccupantes. Une restauration financée par le Collège de France en 2013 a permis à cette œuvre exceptionnelle d’être sauvée et de retrouver tout son éclat. Ce manuscrit sera prochainement mis en ligne en haute définition sur la bibliothèque numérique du Collège de France Salamandre (https://salamandre.college-de-france.fr), grâce au mécénat de la fondation de l’Orangerie pour la numérisation des collections patrimoniales.

    #manuscrit #restauration