organization:comité adama

  • « Je viens manifester pour le pouvoir de vivre. Vous comprenez, le pouvoir de vivre ! » Laury-Anne Cholez et Nnoman (Reporterre) - 4 Février 2019
    https://reporterre.net/Je-viens-manifester-pour-le-pouvoir-de-vivre-Vous-comprenez-le-pouvoir-d

    Rendre hommage aux victimes de la répression policière et dénoncer l’usage des lanceurs de balles de défense (LDB) et autres armes mutilantes : l’Acte XII des Gilets jaunes du samedi 2 février a mobilisé plus de 10.000 personnes à Paris. Preuve que le mouvement est loin de s’essouffler. Reportage.

    • Paris, reportage
    Il est à peine midi et la place Daumesnil, dans le douzième arrondissement de Paris, est déjà remplie. C’est ici que les Gilets jaunes ont décidé d’organiser, samedi 2 février, une marche blanche en hommage aux « gueules cassées », ces hommes et ces femmes mutilés lors des précédentes manifestations. Le journaliste David Dufresne tient les comptes sur Twitter. Il a collecté 379 signalements, pour 168 blessures à la tête, 17 éborgnés et quatre mains arrachées. Patrick, Jérôme, Antonio, Robin, Franck, Axelle, David, Christophe, Laurent, Christian, Cynthia, Yvan, Élise, Sabrina, Martin, Sergio ou encore Lola. Tous et toutes portent dans leur chair les stigmates des tirs de grenades de désencerclement, de LBD et de GLI-F4.

    Des armes dangereuses dont le Défenseur des droits, Jacques Toubon, réclame sans succès l’interdiction. « Nous ne voulons pas de mesurettes sur la réglementation de ces armes, comme ces caméras portées par ceux qui les utilisent. Il faut totalement les interdire et les détruire car elles sont létales. La France est l’un des seuls pays en Europe à les utiliser, c’est un scandale », s’insurge Robin Pagès, administrateur de la page Facebook Grenades Flashball Interdiction et grièvement blessé au pied par l’explosion d’une GLI-F4 à Bure en 2017. Il assure que si le gouvernement reste sourd à ces revendications, un autre événement de grande ampleur sera organisé d’ici trois mois.

    Le cortège n’est pas encore parti que les blessés sont littéralement assaillis et bousculés par une horde de caméras, qu’on dirait affamées par le sang. « Et dire qu’avant, les journalistes ne parlaient jamais de nos blessés », grommelle un Gilet jaune, membre du cordon humain qui tente de contenir la foule autour des blessés. La tension est palpable et les rumeurs se propagent comme une traînée de poudre. Des « antifas » seraient en train de traquer les zouaves, ces militants d’extrême-droite qui ont attaqué des membres du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) samedi 26 janvier. Dans le même temps, Antoine, Gilet jaune amputé d’une main, assure avoir été agressé par un homme d’extrême droite au tout début de la manifestation. « Il est venu me voir et m’a demandé si j’étais un antifa. J’ai répondu “oui” et il m’a décroché une droite qui m’a explosé le nez (…). Il s’agit d’un facho qui voulait se taper un gaucho », a-t-il déclaré sur France Inter.

    « La France mutile son peuple »

    Un œil au beurre noir. Une pommette totalement déchiquetée et sanguinolente : la fausse blessure de Sophie, maquilleuse professionnelle venant de Nanterre (Hauts-de-Seine), fait terriblement illusion pour dénoncer les violences. « Je participe au mouvement depuis le début. Si le gouvernement avait la volonté d’apaiser les choses, il le ferait par le dialogue. Alors que là, il ne nous écoute pas. » En dépit des scènes de violences « surréalistes » auxquelles elle a assisté, sources de terribles cauchemars, elle continue de se mobiliser. « On n’a pas le choix, si on reste chez soi, on ne fait pas avancer les choses. C’est un risque qu’on prend en toute conscience, malgré la peur. » La peur des policiers, les habitants des quartiers populaires la connaissent bien et ne l’ont pas découverte en novembre 2018. « Nous sommes des Gilets jaunes depuis 40 ans. Qui peut mieux parler des violences policières que ceux qui la subissent au quotidien, sans même participer à une manifestation ? », lance Assa Traoré, à la tête du Comité Adama, qui avait appelé dès le 1er décembre à rejoindre le mouvement. Leur présence au sein d’un hommage aux victimes de violences policières leur paraît évident : « Le monde plus rural découvre maintenant ces violences. Bien sûr, c’est tard pour ceux qui sont déjà morts comme mon frère. Mais il est temps de se battre pour ceux qui sont encore vivants. »

    Le cortège s’ébranle lentement le long du boulevard Daumesnil. Tout devant, Etienne Zoldi fait partie du groupe sécurité, un service d’ordre autogéré et ouvert à tous : « A la base, on avait fait une organisation de sécurité centralisée depuis qu’on déclarait les manifs [Acte 8, NDLR]. Mais quand on donne du pouvoir à quelqu’un, il en abuse… Alors on a préféré retourner à une organisation décentralisée avec des petits groupes qui se coordonnent juste avant le départ. » Une coordination qui n’est pas toujours évidente. Au bout du boulevard Daumesnil, . . . . . . . .

    #GiletsJaunes #violence #violences_policières #police #dignité #france #violences #manifestations #solidarité

  • Les Gilets jaunes et la question démocratique | Samuel Hayat - Science politique - Mouvement ouvrier, démocratie, socialisme
    https://samuelhayat.wordpress.com/2018/12/24/les-gilets-jaunes-et-la-question-democratique

    Face à ce mouvement citoyenniste, qui ira défendre la vieille politique, celle des partis et des élu.e.s ? A part ceux qui sont payés pour, gageons qu’il y aura peu de monde. C’est que la #politique_partisane se trouve déjà fortement affaiblie, et ce de longue date. D’abord, le conflit partisan s’est émoussé : vu du dehors du monde des professionnel.le.s, il n’y a plus, depuis longtemps, de différence significative entre la #droite et la #gauche, qu’il s’agisse de l’origine sociale des candidat.e.s ou de la nature des politiques menées. Partout, avec quelques nuances indéchiffrables pour le plus grand nombre, on trouve la même marchandisation des services publics, les mêmes manœuvres de séduction adressées aux capitalistes pour attirer leurs précieux investissements, le même zèle à limiter les #libertés_publiques, surarmer les forces de l’ordre, enfermer les #pauvres et expulser les #étranger.e.s. A cette neutralisation du conflit politique s’ajoute le dépérissement des partis comme moyens d’inclusion de la masse des citoyen.ne.s dans la politique partisane : le nombre d’adhérent.e.s des partis ne cesse de chuter, comme celui des syndicats ou de tous les outils habituels (comme la presse militante) de socialisation à la politique partisane. Dans ces conditions, qu’est-ce qui pourrait s’opposer à la démonétisation de cette conception de la politique ? Les tenants mêmes du pouvoir, les professionnel.le.s de la politique, semblent ne plus croire aux possibilités de l’action politique, et répètent avec diverses modulations qu’il n’y a pas d’alternative au néolibéralisme. Pourquoi alors défendre leur jeu, si de leur propre aveu, il n’a plus d’enjeu ? Cette perte de sens de la politique partisane a permis à un simple conseiller économique, un technicien ignorant des usages de la politique partisane, Emmanuel Macron, de devenir ministre puis président, en répétant à l’envi transcender les clivages et en refusant de s’appuyer sur les partis existants – il préfère en créer un, portant ses initiales, un artifice marketing bouffon qui aurait dû immédiatement lui enlever tout crédit si le système partisan avait gardé un tant soit peu de sens de sa dignité. Comment Emmanuel Macron pourrait-il, lui qui s’enorgueillissait hier d’avoir mis à genoux l’ancien système, le vieux monde, en appeler aujourd’hui à la mobilisation pour sauver ce même système et ses affrontements désormais vides de sens ? D’où son silence, la position impossible dans laquelle il est, et l’usage disproportionné de la répression face à un mouvement qui lui doit tant et qui, par bien des aspects, en est comme le reflet inversé[8].

     

    #Citoyennisme et #néolibéralisme

    Car c’est bien là qu’est le problème : la politique citoyenniste puise sa force dans le mécontentement justifié vis-à-vis de la politique partisane et dans une longue histoire de l’aspiration démocratique, mais aussi dans la montée en puissance des cadres de pensée du #gouvernement_des_expert.e.s, de tous ceux qui veulent remplacer la politique (politics) par une série de mesures techniques (policies), néolibéraux en tête. Le mouvement des #Gilets_jaunes s’oppose aux technocrates, mais il en reprend largement la conception péjorative de la politique partisane et la manière de penser l’action publique. Le #référendum est le pendant démocratique du macronisme qui nous disent tous les deux qu’il faut en finir avec les idéologies : l’un comme l’autre réduisent la politique à une suite de problèmes à résoudre, de questions auxquelles répondre. Certes, il n’est pas équivalent de dire que ces questions doivent être résolues par des experts ou par les citoyens ; le citoyennisme propose bien une démocratisation, mais c’est la démocratisation d’une conception de la politique qu’il partage avec les néolibéraux. Le monde des citoyennistes est un monde homogène, peuplé d’individus qui ressemblent à s’y méprendre à ceux des économistes néoclassiques : on les imagine aller lors des référendums exprimer leurs préférences politiques comme les économistes imaginent les consommateurs aller sur le marché exprimer leurs préférences, sans considération pour les rapports de pouvoir dans lesquels ils sont pris, les antagonismes sociaux qui les façonnent.

     

    Mais comme chez les économistes, cette représentation de la citoyenneté est un mythe – agissant mais trompeur, agissant parce que trompeur. L’image du peuple décidant par référendum ou par le biais de délégué.e.s tiré.e.s au sort vient recouvrir l’aspect irréductiblement conflictuel de la politique, sa possibilité guerrière. Il n’y a rien ici de nouveau : l’historienne Nicole Loraux a déjà montré comment ce type de discours, dans l’Athènes démocratique, glorifiant l’unanimité du peuple et le caractère réglé de ses institutions, venait masquer l’autre aspect de la politique démocratique, le conflit (statis), faisant toujours courir le risque de la guerre civile et devant par là être oublié, refoulé[9]. Loin d’être une anomalie de la #démocratie, le conflit en était une possibilité toujours présente, et s’il apparaissait, il était obligatoire pour les citoyens de choisir un parti – l’abstention, signe de passivité et d’indifférence, valait retrait de ses droits politiques. En voulant se débarrasser des partis, au sens des organisations en compétition pour le pouvoir, le citoyennisme met aussi à mal la possibilité d’expression des divisions au sein de la cité. Or l’antagonisme politique, le conflit, est aussi nécessaire à la démocratie, même authentique et déprofessionnalisée, que ne l’est l’inclusion directe de tou.te.s les citoyen.ne.s.

    • Je republie ici un commentaire publié sur un fil FB en défense de ce texte et en réponse à une critique (visiblement d’orientation FI) qui y voyait une "cochonnerie" (sic) "social-démocrate".
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      Si Samuel Hayat ne s’avance sur le terrain de la définition d’un projet politique qu’indirectement (par référence notamment à 1848), c’est (indirectement donc mais sans équivoque) le projet et l’histoire socialistes qui forment l’arrière-plan (et la « culture » ou l’environnement de pensée) de son analyse.

      Sa critique d’une revendication « démocratique » (le #RIC) fondée sur une conception non-conflictuelle ou consensuelle de la « démocratie » est liée à l’idée selon laquelle il faudrait (et il est possible) d’assumer la conflictualité de classes qui existe bel et bien au sein du mouvement des #GiletsJaunes — conflictualité que « Chouard et ses amis », mais aussi une partie de FI, entendent évacuer.

      La position social-démocrate, du moins telle qu’elle se redéfinit après la fin des Trente Glorieuses, est fondée sur l’abandon de la classe ouvrière, qui s’apprête à partir du milieu des années 80 à recevoir de plein fouet le choc de la réorganisation du travail, de la modernisation de l’appareil de production et de la mondialisation des échanges. Cet abandon est aussi celui des générations qui suivront, marquées par le chômage de masse et la relégation urbaine (et, pour les enfants de l’immigration d’après-guerre et les descendants de l’histoire coloniale, par la discrimination et les violences policières). De cet abandon, la montée régulière du FN depuis 1983 est la principale traduction politique. (Du côté social-démocrate, cet abandon prend la forme idéologique de la surenchère droitière sur les questions d’immigration et sur la gestion policière des habitant.e.s de banlieues ; sur le plan économique, par le rôle-clef joué par les formations social-démocrates dans l’application des plans d’austérité.)

      Le type d’alliances de classes promu aujourd’hui sous l’appellation de « populisme » est notamment fondé sur l’alliance entre classes populaires « nationales » (imaginairement intégrées à l’Etat-Nation) et parties de la classe moyenne, de la petite bourgeoisie, de la petite entreprise menacées par la mondialisation, pour des raisons rappelées notamment ici : https://carbureblog.com/2018/12/23/sur-le-fil-le-ric-la-gauche-et-les-gilets-jaunes.

      Les résistances ou propositions alternatives à cette stratégie tiennent notamment au fait que la stratégie populiste repose sur / opère une fracture au sein même des classes populaires (entre blancs et racisés, nationaux et non-nationaux, voire selon des critères religieux : la charge de plus en plus agressive et exclusive de la thématique laïque en France au cours de ces dernières années est indicative de ce processus).

      Tout ce qui s’oppose à la stratégie populiste n’est pas forcément « social-démocrate ». D’autres alliances peuvent être promues et avancées, intégrant ces « segments de classe » qui ne peuvent être représentés par / se reconnaître dans les symboles nationaux, comme l’a prouvé l’initiative du Comité Adama. Cette dimension était aussi présente en Grèce avant 2015 (mais tend depuis, significativement, à céder le pas, ici comme ailleurs, à une logique nationale / nationaliste).

      Contrairement à ce que prétendent certains anarchistes grecs (notamment ici : https://agitationautonome.com/2018/12/15/gilets-jaunes-discussion-entre-la-grece-et-la-france, le mouvement des places en Grèce n’a pas été unifié / hégémonisé par un discours de type national-populiste mais par un discours social, ce qui explique que les discours d’extrême-droite aient été largement battus en brèche (jusqu’à disparaître presque complètement) au moment du référendum sur le « Non » (juillet 2015).

      Si l’auteur ne parle ici qu’indirectement de « socialisme » (comme si ce terme recouvrait plus un héritage et une toile de fond qu’un discours effectivement réactualisable, au moins sous sa forme classique : socialisation des moyens de production, dictature du prolétariat... — quelque chose pourtant qui, ne serait-ce qu’en toile de fond, demeure agissant et a une actualité propre), c’est probablement d’avoir conscience que les alliances de classes qui permettraient de résister au rouleau compresseur néo-libéral ne peuvent avoir un caractère purement ouvrier ou populaire (mais passent par une alliance avec cette classe moyenne menacée, présente dès le départ du mouvement des Gilets Jaunes et qui était aussi présente à Syntagma ; en atteste notamment le fait que des Gilets Jaunes qui appartiennent à cette classe moyenne précarisée et menacée s’expriment parfois comme s’ils étaient déjà passés de l’autre côté, comme s’ils avaient déjà décroché : « On crève »).

      Pour le dire autrement : impossible de faire l’économie d’une critique de l’UE et de contourner comme si de rien n’était la question du « retour » à une forme de redistribution garantie par l’Etat-nation.

      La situation actuelle en France montre bien que c’est d’une certaine façon dans le cadre même du processus populiste que nous sommes amené.e.s à redéfinir et à avancer des stratégies de résistance et d’alliances (et pas en extériorité à ce mouvement, comme a tenté de le faire la #CGT). Il ne s’agit pas de faire comme si la gauche n’avait pas perdu l’initiative.

      De ce point de vue, on peut peut-être dire que le moment, oui, est qu’on le veuille ou non « populiste », indéniablement marqué notamment par l’opposition « peuple » / « élites », mais que ça n’interdit pas (au contraire) de faire usage de la critique et d’ouvrir des pistes : orienter le mouvement dans un sens qui « nous » permette de « nous » y intégrer (« nous » minoritaire, notamment sur les orientations sexuelles ou religieuses, racisé, non-national) ; retraduire l’ensemble du processus en termes d’alliances de classe (contre la "simplification" de l’opposition des "99%" contre les "1%").

      La dualité des modes d’action qui caractérisent le mouvement des Gilets Jaunes (occupation des ronds-points en semaine, séquence émeutière le samedi) correspond peu ou prou (j’ai bien conscience de simplifier, mais il me semble qu’il y a quand même là "une part de vérité") à cette composition de classes et à cette alliance effective (entre prolétariat et "classe moyenne" précarisée ou en passe de l’être).

      On voit bien que l’impossibilité de contourner la question de l’Etat-Nation, par les traductions idéologiques quelle induit, se dresse aujourd’hui en face de ce « nous » comme un roc contre lequel « nous » risquons de nous fracasser. C’est pour cette raison que je parlais dans le texte que j’ai publié ces jours-ci (https://oulaviesauvage.blog/2018/12/23/on-vous-attend-notes-sur-les-gilets-jaunes) de « position défensive ». Cette position défensive n’induit pas nécessairement une position de repli (CGT) : elle peut trouver à s’exprimer politiquement par une sorte de contre-offensive au nom d’intérêts de classe communs (position du #Comité_Adama et de la Plateforme d’enquêtes militantes, parmi d’autres).

  • « On vous attend » : notes sur les gilets jaunes

    Pour essayer de penser les risques et les virtualités du mouvement en cours, les césures (par rapport à la stratégie "populiste") qu’introduisent des initiatives comme celles du Comité Adama ou du Collectif Féministes Révolutionnaires, et esquisser une mise en perspective à partir de l’expérience du mouvement des places de 2011 en Grèce.

    Le gilet jaune évoque l’uniforme de travail des employées du nettoyage (les balayeuses municipales des rues d’Athènes portent le même), celui des employés des compagnies d’électricité et des agent.e.s de la voirie (celles et ceux qui descendent de l’arrière du camion, à toute vitesse dans la lumière des phares, pour raccrocher les poubelles à la benne, la nuit). L’employée chargée de régler le trafic devant l’école primaire de ma fille porte le même, elle aussi gilet jaune : elle en rigole avec le gardien de l’école, à l’heure de la clope qu’ils fument devant les grilles quand tous les enfants sont passés. Un ami le porte sur les échafaudages. Quelques semaines après le début du mouvement, on voit des gilets jaunes partout : peints en bordure d’un terrain vague de Flint (USA), au milieu des bleus de travail d’un chantier de la périphérie d’Athènes. C’est un vêtement de travail de rue, parfois de nuit, une espèce de vêtement jetable et un étrange panneau de signalisation en tissu, à même le corps. On se rend compte à mesure que la lutte s’amplifie qu’il fait le lien entre bloqueurs et bloqués : il est sur les corps mais aussi sur le tableau de bord ou en réserve dans le coffre, des deux côtés. Ses usages commencent à être déclinés : il devient drapeau ou recouvre à Marseille les balcons d’un grand ensemble, comme du linge à sécher. Il anonymise en partie celles et ceux qui l’enfilent : de loin, on ne peut plus distinguer personne. Il les souligne aussi comme un marqueur fluo. Il se détache sur le fond de grisaille des paysages, en ville comme sur les aires d’autoroute. J’imagine que beaucoup portent un pull par-dessous car c’est un vêtement léger tandis que le mouvement des gilets jaunes est un mouvement d’hiver, comme l’était celui des chômeurs et précaires de 1997. Danielle, dans la région de Figeac, chez ma mère : « Je me suis lancée, j’ai enfilé le gilet jaune. » Il fait froid quand on sort, on est content d’arriver au rond-point, on a toujours eu du goût pour les feux, l’hiver, on regarde les flammes et on cause, on demande à celles et ceux qui viendront bientôt prendre leur quart d’apporter du café.

    Dans quelle mesure le mouvement des gilets jaunes est-il, grâce au coup de génie de son signe de ralliement, un « mouvement libre de droits » ? Dans quelle mesure et à quelles conditions le « copyleft » que met en œuvre sa structure horizontale et décentralisée, l’ouverture au « tout un chacun » qu’il met en jeu ouvrent-ils des perspectives inédites d’émancipation ? Dans quelle mesure, aussi, la stratégie de l’extrême-droite consiste-t-elle aujourd’hui à récupérer, pour étendre son hégémonie, des formes apparues à la faveur du mouvement des places ou issues de la culture du partage ? L’exemple récent d’un financement participatif (crowdfunding) aux finalités racistes interroge de façon aiguë le processus qui a cours aujourd’hui en France.

    https://oulaviesauvage.blog/2018/12/23/on-vous-attend-notes-sur-les-gilets-jaunes

    #giletsjaunes #gilets_jaunes #France #Grèce #mouvement_des_places

  • Chroniques de la couleur

    Une grosse recension de textes (et autres médias) sur les Gilets Jaunes.

    Les liens cliquables sont par là :
    http://inter-zones.org/chroniques-de-la-couleur

    –—

    Sophie Wahnich : Les gilets jaunes et 1789 : Résurgences révolutionnaires, 18 Décembre 2018

    Achille Mbembe : Pourquoi il n’y aura pas de gilets jaunes en Afrique, 18 décembre 2018

    Michalis Lianos : Une politique expérientielle – Les gilets jaunes en tant que peuple, 17 décembre 2018

    Fanny Gallot : Les femmes dans le mouvement des gilets jaunes : révolte de classe, transgression de genre, 17 décembre 2018

    Stéphane Zagdanski : Réflexions sur la question jaune, 17 décembre 2018

    Yves Pagès : Bloqueurs de tous les ronds-points, rions jaune… et ne cédons rien, 17 décembre 2018

    Alessandro Stella : Gilets jaunes et Ciompi à l’assaut des beaux quartiers, 16 décembre 2018

    Juan Chingo : Gilets jaunes : Le retour du spectre de la révolution, 16 décembre 2018

    Pierre-Yves Bulteau : À Saint-Nazaire : Je ne suis pas en lutte, je suis une lutte, 15 décembre 2018

    Florence Aubenas : Gilets jaunes : La révolte des ronds-points, 15 décembre 2018

    Sarah Kilani et Thomas Moreau : Gilets jaunes : Pour la gauche, l’antifascisme ne doit pas être une option, 15 décembre 2018

    Anonyme : Danse imbécile ! Danse ! Notes sur le mouvement en cours, 14 décembre 2018

    Jean-Baptiste Vidalou : L’écologie du mensonge à terre, 14 décembre 2018

    Toni Negri : Chroniques françaises, 14 Décembre 2018

    David Graeber : Les gilets jaunes font partie d’un mouvement révolutionnaire plus large, 14 décembre 2018

    Jérôme Ferrari : On fera de vous une classe bien sage, 13 décembre 2018

    Etienne Balibar : Gilets jaunes : Le sens du face à face, 13 décembre 2018

    Jérôme Baschet : Pour une nouvelle nuit du 4 août (ou plus), 13 décembre 2018

    Andreas Malm : Ce que le mouvement des gilets jaunes nous dit du combat pour la justice climatique, 13 décembre 2018

    Collectif : Communiqué de la coordination de Saint-Lazare, 12 décembre 2018

    Michèle Riot-Sarcey : Les gilets jaunes ou l’enjeu démocratique, 12 décembre 2018

    Mathieu Rigouste : Violences policières : Il y a derrière chaque blessure une industrie qui tire des profits, 12 décembre 2018

    Leslie Kaplan : Un monde soudain devenu injustifiable aux yeux de tous, 12 décembre 2018

    Pierre Dardot et Christian Laval : Avec les gilets jaunes : Contre la représentation, pour la démocratie, 12 décembre 2018

    Jacques Rancière : Quelle égalité de la parole en démocratie ? 12 décembre 2018

    Collectif : Gilets jaunes : Une enquête pionnière sur la révolte des revenus modestes, 11 décembre 2018

    Cédric Durand et Razmig Keucheyan : Avec les gilets jaunes, pour une nouvelle hégémonie, 11 décembre 2018

    Cédric Durand : Le fond de l’air est jaune, 11 décembre 2018

    Joshua Clover : Les émeutes des ronds-points, 11 décembre 2018

    Joao Gabriell : À propos du discours de Macron du 10 décembre, 11 décembre 2018

    Femmes en lutte 93 : Acte V Gilets jaunes : La place des femmes et LGBT est dans la lutte, 10 décembre 2018

    Michelle Zancarini-Fournel : Le mouvement des gilets jaunes favorise la cohésion intergénérationnelle des milieux populaires, 10 décembre 2018

    Syllepse : Gilets jaunes : Des clefs pour comprendre, 10 décembre 2018

    Annie Ernaux : Il n’y a pas de nouveau monde, ça n’existe pas, 9 décembre 2018

    Alain Bertho : Il ne s’agit pas d’un simple mouvement social, 8 décembre 2018

    Jérôme Baschet : Lettre à celles et ceux qui ne sont rien, depuis le Chiapas rebelle, 8 décembre 2018

    Raoul Vaneigem : Les raisons de la colère, 8 décembre 2018

    Laurent Mucchielli : Deux ou trois choses dont je suis presque certain à propos des gilets jaunes, 8 décembre 2018

    Les Gilets Jaunes de St Nazaire et leur Maison du Peuple, 7 décembre 2018

    Appel des gilets jaunes de Commercy à la formation d’assemblées populaires, 7 décembre 2018

    Lundimatin : Ici La Réunion ! 7 décembre 2018

    Pierre Bance : L’heure de la commune des communes a sonné ! En soutien à l’appel de Commercy, 7 décembre 2018

    Alèssi Dell’Umbria : Marseille, Debout, Soulève-toi ! 7 décembre 2018

    Eric Hazan : Paris n’est pas un acteur, mais un champ de bataille, 7 décembre 2018

    Rafik Chekkat : À Mantes-la-Jolie, domination policière et humiliation de la jeunesse, 7 décembre 2018

    Etienne Penissat et Thomas Amossé : Gilets jaunes : des automobilistes aux travailleurs subalternes, 6 décembre 2018

    Plateforme d’Enquêtes Militantes : Une situation excellente ? 6 Décembre 2018

    Alain Bertho : Gilets jaunes : Crépuscule du parlementarisme, 6 décembre 2018

    Frédéric Gros : On voudrait une colère, mais polie, bien élevée, 6 décembre 2018

    Danielle Tartakowsky : Les gilets jaunes n’ont rien de commun avec Mai 68, 6 décembre 2018

    Ballast : Gilets jaunes : Carnet d’un soulèvement, 5 décembre 2018

    Frédéric Lordon : Fin de monde ?5 décembre 2018

    Eric Toussaint : Gilets jaunes : Apprendre de l’histoire et agir dans le présent - Des propositions à ceux et celles qui luttent, 5 décembre 2018

    Grozeille, Que leur nom soit Légion : À propos des gilets jaunes, 5 décembre 2018

    Samuel Hayat : Les Gilets Jaunes, l’économie morale et le pouvoir, 5 décembre 2018

    Sophie Wahnich : La structure des mobilisations actuelles correspond à celle des sans-culottes, 4 décembre 2018

    Stefano Palombarini : Les gilets jaunes constituent une coalition sociale assez inédite, 4 Décembre 2018

    Édouard Louis : Chaque personne qui insultait un gilet jaune insultait mon père, 4 décembre 2018

    Chantal Mouffe : Gilets jaunes : Une réaction à l’explosion des inégalités entre les super riches et les classes moyennes, 3 décembre 2018

    Yves Pagès : La façade du triomphalisme macronien ravalée à l’aérosol par quelques bons-à-rien, 3 décembre 2018

    Yannis Youlountas : Cours, gilet jaune, le vieux monde est derrière toi ! 3 décembre 2018

    Les Lettres jaunes, Bulletin de lecture quotidien des Gilets Jaunes, pour aller plus loin ! 3 décembre 2018

    Alain Bihr : Les gilets jaunes : pourquoi et comment en être ? 2 décembre 2018

    Gérard Noiriel : Pour Macron, les classes populaires n’existent pas, 2 décembre 2018

    Temps critiques : Sur le mouvement des Gilets jaunes, 1 décembre 2018

    Zadibao : Climat jaune et changement de gilet, 30 novembre 2018

    Plateforme d’Enquêtes Militantes : Sur une ligne de crête : Notes sur le mouvement des gilets jaunes, 30 novembre 2018

    Lundimatin : Le mouvement des Gilets Jaunes à la Réunion, 29 novembre 2018

    Sophie Wahnich : Postérité et civisme révolutionnaire, 28 novembre 2018

    Le comité Adama rejoint les gilets jaunes : Ce n’est pas une alliance au prix d’un renoncement politique, 27 novembre 2018

    Comité Adama : Si nous voulons changer notre destin, nous devons lutter dans la rue, 26 novembre 26

    Bruno Amable : Vers un bloc antibourgeois ? 26 novembre 2018

    Benoît Coquard : Qui sont et que veulent les gilets jaunes ? 23 novembre 2018

    Félix Boggio Éwanjé-Épée : Le gilet jaune comme signifiant flottant, 22 novembre 2018

    Anshel K. et Amos L. : Les amours jaunes, 21 novembre 2018

    Les Chroniques de La Meute, 18 novembre 2018

    Aurélien Barrau : À propos de la manif du 17 novembre, 15 novembre 2018

  • Du bon usage des barbelés. Pourquoi la gauche éprouve tant de mal à admettre que les frontières tuent

    Dans une récente interview à la revue Ballast, le philosophe et économiste #Frédéric_Lordon aborde la question des #violences infligées aux migrantes et aux migrants en concluant qu’il est illusoire de lutter pour la #liberté_de_circulation. Lui plaide pour des frontières « plus intelligentes ». Au passage, il met en cause le journaliste indépendant Olivier Cyran, accusé de tenir sur le sujet des positions déraisonnables. Dans un contexte de forte mobilisation sociale et de vive confusion politique, ce dernier se saisit de cette perche pour questionner le rapport de la #gauche aux frontières et la stratégie périlleuse de sa principale composante, la #France_insoumise.

    Dans L’Homme qui n’a pas d’étoile, de King Vidor, il y a cette scène où un éleveur de bétail conseille au cow-boy solitaire joué par Kirk Douglas d’utiliser du fil de fer barbelé. En entendant ce mot, le héros se raidit, ses traits se durcissent. « Qu’est-ce qui ne va pas ? », demande l’éleveur. Et Kirk de lui répondre sèchement : « Je n’aime pas ça, ni celui qui s’en sert. »

    On repensait à cette réplique, l’autre jour, en voyant les images de soldats américains en train de dérouler sur les rives du Rio Grande des kilomètres de bobines de barbelé concertina – variante autrement plus redoutable, avec ses lames de rasoir conçues pour trancher jusqu’à l’os, que le gros barbelé à pointes inventé en 1874 par un fermier prospère de l’Illinois [1].

    C’est le même modèle qui borde la rocade menant au port de Calais, où il couronne un tentaculaire lacis de clôtures et de détecteurs à rayonnement infra-rouge. Dans le Pas-de-Calais, sa fonction consiste à stopper les saute-frontière et, s’ils insistent, à leur infliger des lacérations que les médecins sur place comparent à des blessures de guerre.

    Aux Etats-Unis, l’actuelle débauche de barbelés visait la « caravane des migrants », cette marche d’environ cinq mille personnes parties du Honduras début octobre à la recherche d’une meilleure vie dans le Premier monde. Les trimardeurs et les grandes voyageuses n’avaient pas encore atteint Mexico, à mille bornes du point frontière nord-américain le plus proche, que déjà Donald Trump dépêchait ses troupes à leur rencontre en annonçant, la bave littéralement aux lèvres, qu’elles avaient l’ordre de tirer dans le tas au premier jet de pierre – comme à Gaza, mais au Texas.

    Un spectre hante la gauche : le « No border »

    On s’est surpris à y repenser encore, par ricochets, en parcourant le très long entretien accordé à Ballast par Frédéric Lordon. Au cours de cet exercice en trois volets, consacré en sa partie centrale à valider la stratégie d’accès au pouvoir de la France insoumise, l’économiste hétérodoxe s’attaque entre autres à la question des migrantes et des migrants, en laissant entendre que les violences qu’ils et elles endurent feraient l’objet d’une attention excessive ou trop moralisante de la part d’une partie de la gauche.

    La « pensée militante » serait mieux employée à se fondre dans la « dynamique à gauche » incarnée avec prestance par Jean-Luc Mélenchon qu’à bassiner tout le monde avec nos histoires de barbelés, de duvets confisqués par la police et de centres de rétention qui débordent, puisque, souligne Lordon, « il ne devrait pas être nécessaire de dire qu’au premier chef, ce qui est insoutenable, c’est le sort objectif fait aux migrants. Car d’abord ce devrait être suffisamment évident pour qu’on n’ait pas à le dire. »

    Dans le champ de mines à fragmentation de la « vraie » gauche, la voix de Frédéric Lordon ne compte pas pour du beurre. Ses analyses sur la crise de 2008 ou sur le garrottage de la Grèce ont permis à des milliers de cancres en économie dans mon genre d’y voir plus clair sur le fonctionnement des banques, des institutions qui les gavent et des calamités qu’elles provoquent. Quand il passe à la débroussailleuse les fausses évidences du « système des prescripteurs » et raille leur « radicale incapacité de penser quoi que ce soit de différent », on boit volontiers du petit lait.

    Mais les efforts d’imagination qu’il mobilise pour concevoir des alternatives à l’ordre économique dominant ne paraissent plus de mise quand il s’agit des frontières. À rebours de la hardiesse qui l’avait conduit par exemple à appeler à la fermeture de la Bourse, Lordon prêche sur ce sujet la conservation de l’existant et sa répugnance pour les « No border », appellation qu’il s’abstient de définir, mais sous laquelle il semble ranger les quelques effronté.e.s qui, considérant la criminalité d’État instituée par les frontières, oseraient mettre en doute leur bien-fondé intrinsèque.

    Nous sommes quelques-uns en effet à considérer que les frontières physiques – non pas celles qui se volatilisent devant les capitaux et les marchandises, mais celles qui repoussent, blessent ou tuent les voyageurs sans visa au moyen d’un nombre toujours croissant de policiers, de garde-côte, de mercenaires, de fichiers d’empreintes digitales, de capteurs biométriques, de détecteurs de chaleur humaine ou de systèmes de surveillance satellitaire – ne constituent pas nécessairement l’horizon indépassable de la condition humaine, et qu’il y a lieu peut-être d’envisager leur démontage.

    Policiers à la cool et frontières intelligentes

    Chacun l’aura remarqué, ce point de vue n’occupe pas une place écrasante dans le débat public. S’il inspire un certain nombre d’actions militantes courageuses et salutaires, il ne bénéficie d’aucune espèce de visibilité dans le champ médiatique, politique ou intellectuel. En fait il n’est même jamais énoncé, encore moins discuté.

    D’où notre étonnement de voir Lordon s’en emparer brusquement pour s’efforcer de le disqualifier davantage, comme s’il y avait péril en la demeure. À ses yeux, remettre en cause la légitimité des frontières, c’est dégringoler tête en avant dans un « néant de la pensée » – le mien, en l’occurrence, puisque je me retrouve nommément visé dans ce passage.

    Les frontières, nous enseigne-t-il, ne sont pas mauvaises en soi. Elles sont, point barre. Elles peuvent d’ailleurs « prendre des formes extrêmement variées, des plus haïssables [...] jusqu’à de plus intelligentes. » Comment s’y prendre pour améliorer le QI d’une clôture ou d’une patrouille de Frontex, Lordon ne le précise pas – c’est sans doute, là aussi, « suffisamment évident pour qu’on n’ait pas à le dire ».

    On se contentera de prendre pour acquis que les frontières intelligentes font de bien belles choses, qu’elles « encouragent même circulation et installation, mais n’abandonnent pas pour autant l’idée d’une différence de principe entre intérieur et extérieur ». On est ravi de la nouvelle et on voudrait bien les connaître, ces murs de qualité qui allient gentillesse et attachement aux principes éternels.

    En quoi elle consiste au juste, la « différence de principe entre intérieur et extérieur », Lordon ne le précise pas non plus, mais on ne jurerait pas qu’elle n’ait rien à voir avec ces quinze migrants qui viennent de mourir de faim et de soif à bord d’un canot qui dérivait depuis douze jours au large des côtes libyennes. Ou avec ce sans-papiers guinéen forcé par un agent de la Police aux frontières de Beauvais de se mettre à genoux et de lui lécher ses chaussures.

    Mais attention, nous avertit le philosophe : le problème viendrait surtout de ces énergumènes qui voudraient détruire les frontières et jeter le barbelé avec l’eau du bain. « C’est de la problématisation pour “On n’est pas couché” ou pour C-News. En matière d’institutions, “pour ou contre”, c’est la pire manière de poser les questions », décrète-t-il, et là encore, c’est mézigue dont les oreilles sifflent.

    Ses remontrances font suite à une série de remarques que j’avais postées sur le réseau Twitter, puis remises en ligne ici-même, en réaction épidermique [2] à diverses prises de position sur le sujet, y compris celles, en effet, de Frédéric Lordon, détaillées précédemment sur son blog et révélatrices à mes yeux du fond de sauce mélenchonien qui englue les synapses de la gauche.

    Le différend qui nous oppose sur la question des frontières le conduit, dans un autre passage de son interview, à se demander quelles substances je consomme lorsque j’écris mes trucs. C’est une question légitime. J’avoue m’être parfois posé la même à son sujet, moins pour ses idées que pour ses tournures de phrase sophistiquées, cette fameuse « Lordon’s touch » qui procure à ses lecteurs un mélange unique de ravissement et de maux de tête. On devrait peut-être s’échanger les 06 de nos fournisseurs.

    Ne dites plus « prolétaires de tous les pays, unissez-vous »,
    dites « prolétaires de tous les pays, soyez gentils, restez chez vous »

    En lui répondant ici, je me plie à un exercice inconfortable. Lordon est une figure de la vie intellectuelle française, chercheur au CNRS et auteur prolifique, dont la sphère d’influence est sans commune mesure avec celle d’un journaliste précaire qui place ses piges où il peut et ne se connaît pas d’autres compétences que de faire du reportage au ras du sol. Nous ne jouons pas dans la même catégorie. Rien qu’à l’idée d’écrire à la première personne, je baille nerveusement. Mais puisque Lordon me fait l’honneur de me rabrouer avec insistance, en m’attribuant le rôle de repoussoir au service de sa démonstration, prenons cela comme un cadeau et profitons-en pour tâcher de tirer les choses au clair.

    Comme dit la chanson, « on lâche rien, on lâche rien ». Pourtant nous vivons une époque où on lâche beaucoup, au contraire, et même de plus en plus. Au cours de ces dernières années, par épluchages successifs, le périmètre de la gauche n’a cessé de se ratatiner. Quantité de références que l’on croyait l’apanage des tromblons réactionnaires ont percé son épiderme idéologique, nation, patrie, armée, police et fanion bleu-blanc-rouge n’y sont plus des cibles, mais des fétiches. « Oui, j’aime mon pays, oui, j’aime ma patrie ! Et je suis fier d’avoir ramené dans nos meetings le drapeau tricolore et la Marseillaise », proclame Jean-Luc Mélenchon [3].

    On lâche tout, on lâche tout, et c’est là que Lordon jaillit pour nous enjoindre de lâcher plus encore. L’internationalisme hérité de l’histoire du mouvement ouvrier, sans parler du rudimentaire principe de solidarité entre les abimé.e.s de ce monde, ne seraient plus que des breloques bonnes à remiser sur un napperon en dentelle. Ne dites plus « prolétaires de tous les pays, unissez-vous », dites plutôt « prolétaires de tous les pays, soyez gentils, restez chez vous ».

    À quoi s’ajoute que la question des frontières est devenue au fil de ces derniers mois un redoutable sac à embrouilles, débordant sur d’autres épineuses questions, liées notamment aux choix stratégiques de la France insoumise.

    Au point où on en est, ce n’est peut-être pas du luxe de le vider, ce sac, et de démêler un peu les désaccords, non-dits et quiproquos qui s’y sont accumulés, non par goût pour la chamaille, mais dans l’espoir d’éviter que « No border » devienne irrémédiablement un gros mot.

    Du mauvais côté de la barrière

    Pour cela, un retour sur les épisodes précédents s’impose. Fin septembre, trois médias classés plutôt à gauche – Politis, Regards et Mediapart – publient conjointement un « manifeste pour l’accueil des migrants » signé par cent cinquante « personnalités ». À partir d’un tableau succinct, pour ne pas dire sommaire, du bain de xénophobie où clapotent les décideurs politiques de France et d’Europe, leur texte se borne à affirmer que « la liberté de circulation et l’égalité des droits sociaux pour les immigrés présents dans les pays d’accueil sont des droits fondamentaux de l’humanité ». Pas de quoi se rouler par terre, mais, dans le contexte de sa parution, ce bref rappel à un principe de décence élémentaire fait l’effet d’une bulle d’oxygène.

    Il intervenait quelques jours après la décision du gouvernement Macron d’interdire à l’Aquarius, alors le dernier navire de sauvetage encore actif en Méditerranée, d’accoster en France et d’y débarquer les cinquante-huit rescapés recueillis à son bord. C’est qu’il est inconcevable, pour les start-uppers en chef de la nation, de déroger à leur politique de non-assistance aux naufragés, l’un des rares sujets sur lesquels les membres de l’Union européenne n’ont eu aucun mal à se mettre d’accord. On est déjà bien assez occupé à traquer les migrants sur notre territoire et à leur administrer un luxe inouï d’épreuves et de brutalités en tous genres pour se soucier d’en accueillir d’autres, surtout quand ils ont le mauvais goût d’être encore en vie. Le droit d’asile, dorénavant, ce sera au fond de l’eau ou dans les camps libyens.

    Deux semaines plus tôt, des hommes, des femmes et des enfants naufragés près des côtes maltaises avaient lancé un appel de détresse aux secours italiens, qui firent la sourde oreille. Plus de cent personnes seraient mortes noyées, tandis que les « garde-côte » libyens, une milice de rabatteurs opérant en sous-traitance pour l’UE, ramenaient les survivants dans les geôles de Tripoli. Externaliser la protection de nos frontières maritimes méridionales vers un pays en ruines dominé par des clans mafieux a ceci d’immensément commode que nul ne se formalisera du sort qui les attend là-bas – la faim, les viols et les tortures passeront inaperçues. Loin des yeux, loin du cœur, comme on dit.

    Quand, le 19 septembre, le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) sonne une nouvelle fois l’alarme en qualifiant de « cauchemardesques » les conditions de détention dans les camps libyens, personne à Rome, Paris ou Berlin ne bronche. Un mois plus tôt, le décompte de l’Organisation mondiale pour les migrations (OMI) évaluant à dix-sept mille le nombre de morts en Méditerranée depuis 2014 – estimation basse – n’avait pas non plus soulevé d’émotions particulières.

    Opération guillemets pour les « forces de progrès »

    Entre parenthèses : à l’heure où j’écris ces lignes, on apprend que l’Aquarius, immobilisé dans le port de Marseille, ne reprendra plus la mer. Pourquoi ? Parce qu’après après avoir été privé de son pavillon panaméen sur intervention de l’Italie et avec la complicité des autres pays européens, le navire de sauvetage a échoué à se trouver un pays d’attache.

    Alors que le plus pourri des cargos poubelle peut battre pavillon sans la moindre difficulté, on s’arrange pour refuser ce droit à un bateau dont la fonction consiste à secourir des naufragés. Pestiféré, l’Aquarius, pour la seule raison qu’il sauve des vies. Que pareille obscénité se déroule sous nos yeux sans que nul ne moufte en dit long sur l’accoutumance de nos sociétés à la noyade de masse comme outil de gestion des flux migratoires.

    Dans un tel contexte, tout ce qui peut nuire aux intérêts des maîtres de la forteresse me paraît bon à prendre. Je précise, à toutes fins utiles, que je n’ai rien à vendre à Politis, Regards ou Mediapart, que les défendre n’est pas mon affaire et que, d’ailleurs, je n’ai pas non plus signé leur manifeste.

    D’abord, parce que je dispose d’autres moyens pour m’impliquer. Ensuite, parce que ces grandes pétitions par voie de presse, indexées sur la notoriété de leurs premiers signataires, se passent fort bien de mes services. Mais je me serais bien gardé de dissuader quiconque de le faire.

    On le savait bien, de toute façon, que cette initiative serait sans effet concret sur le calvaire des migrant.e.s, hors ou au sein de nos frontières – on est peut-être borné, mais pas idiot. Cela n’a pas non plus échappé aux associations qui l’ont signée, dont l’Auberge des migrants, Roya citoyenne, le Baam, Utopia 56, le Gisti, la Cimade, la Fasti, les coordinations de sans-papiers et d’autres encore.

    Si ces collectifs, dont l’existence n’est jamais mentionnée par Frédéric Lordon, ont jugé bon malgré tout de s’associer au texte, c’est probablement qu’ils lui reconnaissaient quelque utilité. Celui par exemple de faire entendre un autre son de cloche que le fracas des macronistes, vallsistes, ciottistes, lepénistes et éditorialistes. Personnellement, je cherche encore le coton-tige miracle qui m’ôtera du coin de l’oreille la voix de ce type de Valeurs Actuelles, François d’Orcival, invité permanent des « Informés » de France Info et incarnation chevrotante de la hargne migranticide, exhortant Emmanuel Macron à ne surtout pas céder au « chantage à l’émotion » des survivants de l’Aquarius. Ce genre de son, à force de tourner en boucle sur toutes les antennes, ça vous colle au pavillon comme un furoncle.

    Mais le principal intérêt du texte, du moins aux yeux des personnes engagées sur le terrain, c’est qu’il semblait offrir l’occasion aux diverses chapelles de la gauche de se retrouver sur un dénominateur commun : l’urgence de mobiliser leurs forces pour ne plus laisser les gens mourir noyés ou fracassés aux pieds de nos forteresses. De cesser de tortiller et de mettre de côté les bisbilles pour faire de cette question-là une priorité commune. Mais c’était encore trop demander.

    Au lieu de fédérer les « forces de progrès », avec guillemets de rigueur, l’initiative aboutit en fait à creuser un peu plus l’une de ses lignes de fracture les plus béantes. D’un côté, le gros de la gauche non-mélenchoniste, allant du groupuscule hamoniste jusqu’au NPA en passant par le PCF, ainsi qu’un large éventail de syndicalistes, de militantes et de responsables associatifs, tous signataires du texte ; de l’autre, la France insoumise, repliée sur son hégémonie, qui refuse de le signer et érige ce rejet en ligne officielle du parti.

    L’internationalisme, c’est has been, braillons plutôt la Marseillaise

    Pour justifier leur rebuffade, les théoriciens de la FI vont déployer un argumentaire contrasté, où la vexation de n’avoir pas été consultés par les auteurs du manifeste se mêle au reproche de ne point y voir nommément accusé Emmanuel Macron, comme si la responsabilité de ce dernier dans la situation décrite n’allait pas de soi.

    On daube aussi sur la présence parmi les signataires de Benoît Hamon, preuve putative de leurs accommodements avec les reliefs carbonisés du Parti socialiste, comme s’ils étaient encore en capacité de nuire, et comme si Mélenchon, revenu d’un PS dont il fut membre pendant trente-deux ans, était le mieux placé pour donner dans ce domaine des leçons de savoir-vivre.

    On voudrait nous enfumer qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Quand Lordon, dans son entretien, fustige longuement une opération de « retournement de veste en loucedé », d’« autoblanchiment symbolique » et d’« unanimité morale », on lui concède volontiers qu’il y a parfois des jonctions surprenantes. À preuve, la manifestation des Gilets jaunes du 1er décembre, soutenue par la France Insoumise, une partie du NPA, Attac, les cheminots de Sud-Rail, le Comité Adama et Frédéric Lordon lui-même, mais aussi par Marine Le Pen, les Patriotes et l’Action française.

    Quoi que l’on pense de cette juxtaposition insolite, on peut supposer que la présence d’un ex-hiérarque socialiste sur les Champs-Élysées ce jour-là n’aurait pas posé à Lordon un problème insurmontable. La question est donc : pourquoi serait-elle rédhibitoire dans un cas et pas dans l’autre ?

    En fait, la position de la FI est surtout d’ordre stratégique. Dans un espace politique de plus en plus imbibé de fachosphère, les stratèges du parti estiment que faire campagne sur des thèmes susceptibles de braquer une partie de l’électorat – immigration, racisme, islamophobie, sexisme, violences policières, etc – ruinerait leurs chances de victoire. Remporter des scrutins imposerait d’y aller mollo sur les sujets qui fâchent et de mettre le paquet sur le « social », entendu comme un moyen de ramener dans le bercail de la gauche les brebis égarées à l’extrême droite.

    En juin dernier, François Ruffin avait théorisé cette mission pastorale dans un article du Monde diplomatique. Racontant sa campagne électorale victorieuse de 2017 dans sa circonscription de la Somme, ravagée par la précarité et les délocalisations, il y explique que ce n’est pas avec du vinaigre que l’on attire les sympathisants de Marine Le Pen. « Maintenant, à leur chute économique et sociale il faudrait ajouter une autre condamnation : politique et morale. Qu’ils votent FN, se reconnaissent dans un parti ostracisé, et leur exclusion en sera légitimée. La double peine. »

    L’ostracisme dont serait victime le FN ne saute pas aux yeux, les chefferies éditoriales ayant plutôt tendance à lui cirer les bottillons, mais on comprend bien l’idée de la main tendue. « Le FN, je l’attaquais peu, poursuit-il. Comment des gens qui vont mal, socialement, économiquement, croiraient-ils que Mme Le Pen ou son père, qui n’ont jamais gouverné le pays, sont responsables de leurs malheurs ? Le FN se combat en ouvrant une autre voie aux colères, à l’espoir. En offrant un autre conflit que celui entre Français et immigrés [4]. »

    Quadriller serré, ratisser large

    Combattre le racisme consisterait donc à le balayer sous le tapis et à n’endosser que les revendications jugées peu ou prou lepéno-compatibles. Le cas de Ruffin démontre qu’une telle stratégie peut en effet s’avérer ponctuellement gagnante. Elle présente néanmoins un inconvénient, celui de devoir expliquer aux populations issues de l’immigration post-coloniale que leurs préoccupations particulières, liées aux diverses déclinaisons du racisme d’État, ne font pas partie des thématiques sociales retenues comme pertinentes par le parti et doivent donc être sacrifiées à la bonne cause.

    Le soutien inconditionnel et tonitruant apporté par la FI aux Gilets jaunes, et cela dès les premiers jours, quand l’imbrication de l’extrême droite dans le mouvement ne pouvait guère être ignorée, s’inscrit dans cette même hiérarchie des priorités. On ne s’offusquera pas qu’au milieu de la détresse sociale des fins de mois invivables, des Dupont-Lajoie sonnent la chasse au migrant.e.s, ou que des grandes gueules locales imposent la « baisse des charges » ou la « diminution de l’assistanat » dans le cahier de doléances du mouvement, du moment que l’occasion se présente d’aller chanter la Marseillaise avec son cœur de cible.

    Mais on ne peut durablement gagner sur les deux tableaux. Comme le suggère la récente défaite de la candidate FI à l’élection législative partielle d’Évry, dans l’ancienne circonscription de Manuel Valls, où l’abstention a atteint le niveau stratosphérique de 82 %, le message ne suscite pas forcément l’enthousiasme dans l’électorat populaire racisé. Ruffin a eu beau se rendre sur place pour instruire les habitant.e.s des HLM que leur « bulletin [était] un enjeu pour la patrie », la pêche aux voix, cette fois, n’a pas fonctionné.

    Appliquée à la question migratoire, cette stratégie périlleuse contraint la FI à marcher sur des œufs. D’un côté, elle doit tenir compte de la présence en son sein d’individus sincèrement acquis à la cause du droit d’asile, comme Danielle Obono, qui s’est âprement battue à l’Assemblée nationale contre la loi Asile et immigration, ou comme nombre de militants ici ou là. De l’autre, elle doit donner des gages aux électeurs alléchés par l’extrême droite qu’il ne saurait être question d’ouvrir les frontières comme ça à n’importe qui, pensez donc.

    C’est là que la figure du « No border » se révèle d’une irrésistible utilité. Pour se sortir de la position délicate où les place l’initiative de Politis-Regards-Mediapart, Jean-Luc Mélenchon et ses amis vont accuser ses initiateurs de vouloir démolir les frontières, ce patrimoine-de-l’humanité-que-nous-chérissons-tant. Un passage dans le manifeste va leur en fournir l’occasion : « Il est illusoire de penser que l’on va pouvoir contenir et a fortiori interrompre les flux migratoires. À vouloir le faire, on finit toujours par être contraint au pire. La régulation devient contrôle policier accru, la frontière se fait mur. »

    On pourrait pinailler sur sa formulation, mais le constat est juste. N’importe quel exilé à la rue vous le confirmera : l’État a beau lui construire des barrières électrifiées, le traquer avec un détecteur à battements cardiaques ou l’empêcher à coups de tonfa de se poser sur un bout de trottoir, tant qu’il respire il continuera de se glisser par un trou de souris. Les frontières tuent, mutilent, séparent, mais elles ne dissuadent pas les candidats au voyage de tenter leur chance. Pour prétendre le contraire, il faut vraiment ne rien connaître au sujet.

    Toute la misère du monde dans la tête

    Mais, sur son blog, Jean-Luc Mélenchon s’indigne : affirmer qu’elles n’ont pas l’efficacité qu’on leur attribue « revient à dire que les frontières ne sont plus assumées. Ce n’est pas du tout notre point de vue. Nous croyons au bon usage des frontières. »

    La suite est de toute beauté : « Notre rapport aux frontière n’est pas idéologique. Il est concret dans un monde où celles-ci n’ont cessé d’exister que pour le capital et les riches et où nous avons l’intention de les rétablir contre eux. Disons-le clairement, nous ne sommes pas d’accord pour signer à propos d’immigration un manifeste “no border”, ni frontière ni nation. Nombre de nos amis les plus chers qui ont signé ce texte disent à présent n’avoir pas repéré cette phrase que les rédactions “no border” ont su placer. »

    Il faut relire ce passage lentement pour en apprécier le numéro de patinage artistique : invoquer la lutte contre « le capital et les riches » pour justifier le maintien d’un dispositif qui sert surtout à stopper les pauvres.

    Par souci de conférer un semblant de logique à cette acrobatie, on assimilera ensuite les initiateurs du manifeste, décrits par ailleurs comme vendus à la macronie (ou, variante, à l’oligarchie), à des anarchistes échevelés qui planquent de la dynamite dans leurs tiroirs. Edwy Plenel, patron de Mediapart et ancien comparse moustachu d’Alain Minc et de Jean-Marie Colombani à la tête du Monde, et qui sur le tard en a surpris plus d’un par ses prises de positions plutôt dignes, mais pas farouchement révolutionnaires pour autant, a dû s’en sentir tout ragaillardi. François Ruffin n’a pas fait tant de politesses quand il a déclaré sur France Info le 13 septembre : « On ne peut pas dire qu’on va accueillir tous les migrants, ce n’est pas possible. »

    Voilà encore le genre de fausse évidence que, pour paraphraser Chomsky, on met trois secondes à balancer et une demie heure à démonter. D’abord, c’est qui, « tous les migrants » ? Faut-il entendre : tous les migrants du monde et de la galaxie ? Tous ceux qui se noient à nos portes ? Tous ceux qui n’en sont pas encore mais qui, dans un coin de leur tête, caressent l’idée qu’un de ces jours ils iraient bien eux aussi faire un petit tour sur les Champs-Élysées ? Croit-il que la planète entière attend dans les starting-blocks de se précipiter en France, sa « patrie », comme il l’appelle ? Sur invitation de qui, de ces hérétiques « No border » qui auraient squatté l’Élysée ? Et que veut dire « on ne peut pas », si l’on s’abstient de préciser tout ce que l’on peut, et tout ce que l’on doit ?

    Mais les esprits ont déjà été si bien préparés en amont pour recevoir ce genre de poncif épongé à gauche comme à droite – à commencer par le fameux « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » de Michel Rocard – que nulle objection ou demande de précision ne lui a été opposée, en tout cas par le préposé de France Info. L’« unanimisme moral » qui inquiète tant Frédéric Lordon ne triomphe pas toujours, apparemment.

    http://lmsi.net/Du-bon-usage-des-barbeles
    #violence #border_violence #frontières #mourir_aux_frontières #frontières_intelligentes #smart_borders #murs #ouverture_des_frontières #fermeture_des_frontières #barrières_frontalières #migrations #asile #réfugiés

  • Acte IV : Gilets Jaunes des Luttes, via @paris
    https://paris-luttes.info/acte-iv-gilets-jaunes-des-luttes-11225

    Appel commun à un cortège massif des collectifs et des luttes pour un Acte IV, samedi 8 décembre, au départ de la Gare Saint Lazare et en direction des Champs-Élysées. Soyons plus nombreu.ses que jamais !

    Samedi 1er décembre, au milieu des nombreux affrontements entre Gilets jaunes et forces de police, un cortège hors du commun a vu le jour : à l’appel des Cheminots de l’Intergare, du Comité Adama, de la Plateforme d’Enquêtes Militantes, de l’Action Antifasciste Paris-Banlieue et du Comité de Libération et d’Autonomie Queer, nous avons défilé ensemble au départ de Saint-Lazare, vers les Champs-Élysées.

    Samedi 8 décembre, nous appelons à reproduire ces alliances pour faire front commun...

    Les banlieues hésitent à rejoindre le mouvement des « gilets jaunes », Louise Couvelaire (mais les lycéens du 93 et bien d’autres avant eux dès le 24 novembre ont déjà tranché, ndc)
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/05/les-banlieues-hesitent-a-rejoindre-le-mouvement-des-gilets-jaunes_5392966_32

    Les #banlieues hésitent à rejoindre le mouvement des « gilets jaunes »
    Après être restées à l’écart des #manifestations, des associations des quartiers populaires tentent de mobiliser.

    Pendant plusieurs semaines, elles n’ont pas bougé. Elles ont pris soin de rester à l’écart, « par prudence », expliquent-elles. D’abord parce qu’elles ont pensé que le mouvement était principalement conduit par des groupes d’extrême droite. Ensuite parce qu’elles ne voulaient pas qu’on impute aux banlieues les violences lors des manifestations. « Heureusement que les Noirs et les Arabes des cités n’y étaient pas dès le départ ! On leur aurait tout mis sur le dos », lance un associatif.
    Passé les premières réticences, certaines associations de banlieue tentent désormais de mobiliser les troupes. L’objectif ? Que les quartiers populaires rejoignent les « gilets jaunes » « massivement ». Un scénario que redoutent les pouvoirs publics. D’autant plus que les lycéens ont commencé à s’arrimer au mouvement.

    Les académies de Créteil et Versailles, en région parisienne, ont été parmi les premières à être touchées par les blocages, vendredi 30 novembre, sur fond de contestation autour de la réforme du baccalauréat et de Parcoursup. Ils étaient plus nombreux ce lundi à Aubervilliers et à Gagny (Seine-Saint-Denis), et à Chelles (Seine-et-Marne). Mardi, la contestation s’est poursuivie en Ile-de-France ainsi que dans plusieurs agglomérations de province, dont Marseille, Toulouse et Lyon, où des affrontements ont eu lieu entre manifestants et forces de l’ordre.

    « Nous, ce qu’on veut surtout, avant de pouvoir faire un plein d’essence, c’est du travail », lâche un résident des Yvelines
    « L’idée que les banlieues puissent se mettre en mouvement inquiète tout le monde, commente Stéphane Peu, député PC de Seine-Saint-Denis, sollicité ces derniers jours par plusieurs ministères anxieux de l’état d’esprit des quartiers. Je constate un soutien aux “#gilets_jaunes” mais pas de connexion directe. »
    Jusqu’à présent, nombre d’habitants des quartiers populaires se sont contentés d’observer ou de soutenir le mouvement à distance. « Pour une fois qu’on ne se retrouve pas en première ligne, lâche un résident des Yvelines, âgé d’une trentaine d’années, qui a participé, plus jeune, à des échauffourées dans sa ville. Et puis nous, ce qu’on veut surtout, avant de pouvoir faire un plein d’essence, c’est du travail. » D’autres ont participé dès la première journée de mobilisation, le 17 novembre, à des blocages, mais sans se revendiquer des « banlieues ». Ils l’ont fait au titre de leur activité professionnelle (contrats précaires, chauffeur VTC…) ou de leur situation personnelle (mère célibataire, chômage…), comme tout autre manifestant. « Le mouvement est né dans les zones rurales et les villes moyennes, alors forcément, les habitants des cités étaient moins représentés », précise un « gilet jaune » de Seine-Saint-Denis.

    La semaine dernière, le comité Vérité pour Adama – du nom d’Adama Traoré, 24 ans, mort en juillet 2016 à la suite d’une interpellation par des gendarmes dans le Val-d’Oise – a lancé un premier appel à rejoindre la manifestation du samedi 1er décembre, à la gare Saint-Lazare, à Paris, où se sont retrouvés ses alliés habituels : cheminots, étudiants proches de l’ultragauche et antifascistes. Etaient aussi présents le député de La France insoumise de Seine-Saint-Denis, Eric Coquerel, et le porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Oliver Besancenot. « Du MIB [Mouvement de l’immigration et des banlieues] au Larzac… Au comité Adama. En jaune », était-il inscrit sur l’une des banderoles.

    Cette semaine, le comité Adama, qui appelle à une « alliance des luttes », veut passer à la vitesse supérieure en activant tous ses réseaux. « Nous ne sommes pas porte-parole des quartiers ni représentatifs, il est essentiel que d’autres acteurs viennent grossir les rangs, on ne peut pas le faire tout seul : nous sommes donc en lien avec des associations en Ile-de-France mais aussi en province prêtes à suivre », affirme Assa Traoré, sœur d’Adama et figure de la lutte contre les violences policières.
    « Grave erreur »
    « On se sent une lourde responsabilité par rapport aux risques de violences et c’est en partie pour cela que l’on a hésité à y aller, explique Almamy Kanouté, militant politique et membre du comité Vérité pour Adama. Mais si nous restons plus longtemps absents de cette révolte légitime, cela va nourrir encore un peu plus le sentiment d’exclusion des habitants des quartiers. » Pour l’association, il s’agit avant tout d’« emmerder l’Etat » en essayant de « canaliser les énergies » sur des opérations précises : sièges de bâtiments institutionnels, opérations de péages gratuits…
    « Inciter les jeunes des quartiers à se joindre aux manifestations est une grave erreur, tempête un associatif. On sait très bien que certains ne viendront pas pour marcher ni bloquer, et personne ne pourra rien maîtriser. » « Parce que des “gilets jaunes” ont été violents, alors les quartiers n’auraient plus le droit d’y aller, sous prétexte qu’ils le seront forcément ? Et encore une fois on serait mis de côté ! Non », s’insurge Assa Traoré.
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    La contestation actuelle, « déstructurée », leur permet de se joindre au mouvement « sans avoir à demander l’autorisation ni à attendre une invitation ». Estimant que les quartiers populaires urbains sont confrontés aux mêmes problématiques que les territoires ruraux et périurbains – vie chère, fins de mois difficiles, injustice sociale… –, le comité Adama – associé au collectif des cheminots de l’Intergare, à l’Action antifasciste Paris-banlieue et au site Plate-forme d’enquêtes militantes –, veut également « faire remonter » certaines revendications propres aux habitants des banlieues, qui ne figurent, à l’heure actuelle, dans aucun des cahiers de doléances de « gilets jaunes », telle que la lutte contre le racisme, les discriminations et les violences policières.
    « L’enjeu pour les habitants des banlieues, c’est avant tout d’avoir un boulot, souligne Anasse Kazib, du collectif des cheminots de l’Intergare et militant à SUD-Rail. Il y a une rage dans les quartiers, mais ils ne se mobilisent pas facilement. » « Pour l’instant, ça n’a pas l’air de prendre, mais personne ne sait comment la situation peut évoluer, conclut Stéphane Peu. Les phénomènes déclencheurs sont toujours imprévisibles. »
    Louise Couvelaire

    « Les “gilets jaunes”, la mèche qui allume l’incendie », Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/05/les-gilets-jaunes-la-meche-qui-allume-l-incendie_5392928_823448.html

    Alors que les lycéens et les routiers se mobilisent, historiens et observateurs analysent le risque de coagulation.

    Le mouvement des « gilets jaunes » va-t-il s’éteindre ou donner des idées à d’autres composantes du corps social ? La question reste totalement ouverte, en dépit des annonces faites, mardi 4 décembre, par Edouard Philippe pour répondre aux attentes de milliers de personnes, engagées dans la bataille depuis près d’un mois. « Je suis très inquiète », confie au Monde Danielle Tartakowsky, historienne et auteure de plusieurs ouvrages sur les manifestations de rue en France. Pour elle, les mesures dévoilées mardi ne sont pas de nature à faire retomber la tension : « Ça vient beaucoup trop tard, il aurait fallu faire ça au début. » Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l’université de Bourgogne, n’est guère plus optimiste, et considère que « le gouvernement joue la montre en escomptant que la mobilisation pourrisse sur pied ».

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    Si le blocage des dépôts pétroliers de Lorient et de Brest a été levé après le discours de M. Philippe, les lycéens ont continué, mardi, à s’opposer à la réforme du lycée et à Parcoursup, avec plusieurs incidents à la clé. Deux sites d’universités parisiennes ont également été gagnés par le vent de fronde. Et l’UNEF appelle à défiler, le 13 décembre, contre l’augmentation des frais d’inscription infligée aux étudiants venus de pays extérieurs à l’Europe. La FNSEA, de son côté, brandit la menace de manifestations d’agriculteurs, la semaine prochaine.

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    Fronts ouverts
    A ce stade, la jonction n’a pas été établie entre ces nouveaux foyers de contestation. Mais ils représentent autant de fronts ouverts pour l’exécutif. D’autres pourraient surgir, à un échelon plus local. « Dans les entreprises, ça crée un appel d’air, avec une montée des revendications salariales, comme l’illustre le conflit en cours chez BNP Paribas », observe Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l’association Dialogues. Les « gilets jaunes » sont « la mèche qui allume l’incendie », déclare Yves Veyrier, numéro un de FO : « S’agrège dessus des mécontentements rentrés qui voient une opportunité de se faire entendre. » Espéré par la gauche de la gauche, dès le lendemain de la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, « le troisième tour social est là », considère un haut fonctionnaire, familier de ces problématiques. Et « la révolte vient de loin », ajoute-t-il, en faisant référence au titre d’un ouvrage de Charles Tillon, une figure du PCF au XXe siècle.

    Si la comparaison avec Mai-68 a pu être faite, Mme Tartakowsky ne la juge pas forcément pertinente. « A l’époque, il s’agissait de violences de la part d’étudiants qui défendaient leurs universités qu’ils considéraient comme leur territoire, dit-elle. Ça n’a rien à voir avec la violence de certains “gilets jaunes” qui est offensive et qui intervient sur le #territoire de l’autre – Paris et dans les quartiers riches. »

    L’issue du bras de fer est tributaire d’un élément : le soutien de l’opinion publique, resté élevé même après les violences de samedi. Un sondage BVA, réalisé lundi et mardi, révèle cependant que, pour près de sept personnes sur dix, un report de la hausse des prix des carburants justifierait l’arrêt de la confrontation.

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    « Ovni social »
    Mais personne ne peut prédire ce qui va se passer. « La forme du mouvement ne se prête pas à une sortie de crise classique car il n’y a pas d’interlocuteur, ce qui est désarmant », souligne un ex-conseiller de l’exécutif, qui a servi sous une précédente législature. « Les “gilets jaunes” représentent un phénomène que l’on n’a jamais connu, une sorte d’ovni social et politique qui a vu le jour à la faveur d’une #cyber-contestation, lancée sur les réseaux sociaux par des inconnus », complète Raymond Soubie, président de la société de conseil Alixio.

    Pour le moment, les organisations de salariés sont en dehors ou à côté des « gilets jaunes », mais elles peuvent difficilement rester spectatrices. Quelques-unes se mettent d’ailleurs en mouvement. Ainsi, les fédérations CGT et FO, dans le monde du transport, exhortent les salariés à cesser le travail, à partir du 9 décembre, estimant que les dispositions prises mardi en faveur du pouvoir d’achat sont trop faibles. La section cégétiste de l’entreprise Lafarge a de son côté annoncé qu’elle allait rejoindre les « gilets jaunes » samedi. A l’échelon confédéral, la CGT appelle à une « grande journée d’action », le 14 décembre « pour les salaires, les pensions et la protection sociale ». Mais les autres centrales, qui critiquent une façon de faire « unilatérale », ne semblent pas emballées.

    « L’ensemble des organisations syndicales ont un coup à jouer, il y a un espace à prendre face à un mouvement qui n’est pas parvenu à s’organiser, commente Jean-Marie Pernot, de l’Institut de recherches économiques et sociales. Mais chacun y allant de son couplet, elles sont inaudibles. » « La conjoncture devrait justifier un front commun et de s’entendre sur quelques propositions-clés », appuie M. Andolfatto, qui rappelle que la désunion ne date d’hier. C’est d’autant plus regrettable pour elles que le mouvement social actuel constitue « un moment unique », décrypte M. Pernot. Toutefois, les numéros uns des confédérations syndicales doivent se retrouver jeudi pour une réunion informelle au siège de la CFDT.

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    Mais la séquence d’aujourd’hui montre qu’une partie des actifs ne compte pas sur les corps intermédiaires pour exprimer leurs doléances. Un tel phénomène « commence à émerger dans certaines entreprises où il y a pourtant une présence syndicale », rapporte M. Simonpoli, en évoquant « des salariés qui s’organisent entre eux », sans passer par les canaux traditionnels. « C’est inquiétant pour les syndicats et les directeurs de ressources humaines, poursuit-il. Avec qui va s’organiser la négociation, en interne ? »
    Au fond, tout se passe comme si les « gilets jaunes » révélaient la fragile légitimité des #partenaires_sociaux « établis ». « La question se pose mais elle n’a pas été mise au jour par la mobilisation en cours, objecte Philippe Louis, le président de la CFTC. Nos organisations doivent faire leur mue, inventer de nouvelles méthodes pour aller au-devant des salariés et leur proposer d’autres services. »
    En attendant, des milliers de personnes crient leur colère et le rejet de nos institutions. Toutes sont jetées dans un même sac, aux yeux de M. Soubie : les partis politiques, les corps intermédiaires… « C’est très préoccupant pour le fonctionnement de notre démocratie », conclut-il

    .

  • Ces #gilets_jaunes et pacifiques m’ont raconté leur colère noire | Le Huffington Post

    https://www.huffingtonpost.fr/esther-benbassa/ces-gilets-jaunes-et-pacifiques-mon-raconte-leur-colere-noire_a_23606

    https://o.aolcdn.com/images/dims3/GLOB/crop/4722x2485+0+355/resize/1200x630!/format/jpg/quality/85/https%3A%2F%2Fmedia-mbst-pub-ue1.s3.amazonaws.com%2Fcreatr-uploaded-images

    amedi, vers 13h, j’ai rejoint le « Comité Adama » (du nom du jeune Adama Traoré mort à la gendarmerie de Persan en juillet 2016), devant la Gare Saint-Lazare pour défiler avec les gilets jaunes. J’avais tellement entendu parler des extrémistes de droite qui s’étaient introduits dans les rangs de ces derniers que j’avais un moment hésité, comme politique, à manifester avec eux. Le gouvernement avait assez martelé la chose, complaisamment reprise par les médias. Faisant fi de ce qui était en partie une intox, j’ai finalement préféré rejoindre les gilets jaunes en m’agrégeant à un groupe venu de nos quartiers populaires, qui partagent en fait avec eux plus d’une revendication.

  • les #quartiers en gilets jaunes
    https://nantes.indymedia.org/articles/43754

    Le Comité Adama appelle à manifester samedi 1er décembre aux cotés des gilets jaunes.Les quartiers #populaires sont confrontés aux mêmes problématiques sociales que les territoires ruraux ou périurbains - dits « périphériques » - touchés par la politique ultra libérale de Macron.

    #Resistances #Resistances,quartiers,populaires

  • Gilets jaunes, cheminots, collectifs antiracistes ou précaires : les appels à converger vers les Champs-Elysées ce 1er décembre
    https://www.bastamag.net/Gilets-jaunes-cheminots-collectifs-antiracistes-ou-precaires-les-appels-a

    Alors que des gilets jaunes appellent à se mobiliser à nouveau sur les Champs-Elysées le 1er décembre, des cheminots ainsi que le Comité Adama invitent à se joindre à eux. Deux autres mobilisations, l’une contre le chômage et la précarité, l’autre « pour exiger égalité et dignité pour tous et toutes » à l’initiative du collectif Rosa Parks, sont également prévues. Retrouvez les différents lieux de rassemblements, dans un contexte où des lycéens veulent poursuivre le blocage des lycées dès le 3 décembre, et que (...)

    ça bouge !

    / Démocratie !, #Luttes_sociales, #Syndicalisme

    #ça_bouge_ ! #Démocratie_ !

    • Pourquoi les Champs-Elysées ?
      C’est pas leur monde.

      le blocage des zones commerciales, des entrepôts, des péages . . . . ça les touche directement au portefeuille et ça leur fait peur, vraiment peur.
      Faire changer les choses, c’est pas faire des vidéos pour TF1.

  • BALLAST | Omar Slaouti : « Nous organiser »
    https://www.revue-ballast.fr/omar-slaouti-nous-organiser

    Le collectif Rosa Parks appelle à une grève antiraciste, celle des « héritiers de l’#immigration_coloniale », le 30 novembre prochain. À quitter, le temps d’une journée, les lieux de travail et de scolarisation, les réseaux sociaux et les espaces de consommation — pour réapparaître, le lendemain, sur les grandes places des villes de France. Pour parler de cette mobilisation, nous retrouvons, au lendemain de l’émeute des gilets jaunes sur l’avenue des Champs-Élysées et à la veille du soutien que le Comité Adama apporte à ces derniers, l’un des porte-parole du collectif dans les locaux de l’Association des travailleurs maghrébins de France : Omar Slaouti, militant et professeur de physique-chimie à Argenteuil.

    • Les corps intermédiaires doivent entendre qu’ils ne sont plus ceux qui donnent le la. Et c’est une très bonne nouvelle. Et certains ont la rage ! Ils ne comprennent plus, ils ne supportent plus de perdre la main. C’est la particularité de cette période : la spontanéité, l’auto-organisation et le questionnement des organisations traditionnelles — ce qui ne veut pas dire, en rien, qu’elles sont inutiles. Elles ne peuvent simplement plus dire quand démarre la grève et quand elle doit cesser. Il faut désormais conjuguer ces deux dynamiques.

      Un exemple : les gilets jaunes mettent le feu aux Champs-Élysées et on entend des gens, blancs et à visage découvert, nous expliquer que cette colère est des plus légitimes ; à La Réunion, on a, pour bien moins, des dispositifs policiers fous et des violences incroyables. L’État et son bras armé, la police, ne sont pas les seuls dans l’affaire : le monde journalistique sait lui aussi différencier.

      Des gilets jaunes au(x) gants noirs : égalité, justice, dignité ou rien !
      Collectif Rosa Parks, Mediapart, le 21 novembre 2018
      https://blogs.mediapart.fr/collectif-rosa-parks/blog/211118/des-gilets-jaunes-aux-gants-noirs-egalite-justice-dignite-ou-rien

      Disons-le clairement : il n’y aura pas de front large contre le régime de Macron ou contre le fascisme qui s’annonce si l’immigration et les banlieues qui constituent quelques millions d’âmes sont ignorées.

      #Omar_Slaouti #Rosa_Parks #Gilets_Jaunes #racisme #banlieues

  • Le comité Adama rejoint les gilets jaunes : « Ce n’est pas une alliance au prix d’un renoncement politique » - Bondy Blog
    https://www.bondyblog.fr/reportages/cest-chaud/gilets-jaunes-quartiers-comite-adama

    Lors des discussions concrètes avec les gilets jaunes, ils savent que nous ne sommes pas leurs ennemis ; il ne s’agit pas d’un racisme élaboré comme on peut le voir dans les élites qui, par opportunisme politique, veulent surfer sur les peurs pour éviter la question sociale. Il ne faut pas jeter la pierre aux gilets jaunes, je suis persuadé qu’avec du dialogue, leur racisme s’écroule.

    Le Bondy Blog : Comment voyez-vous cette alliance entre certains mouvements de quartiers populaires et les gilets jaunes ?

    Youcef Brakni : En fait, ce type de démarche, ce n’est pas nouveau. Le Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB), par le biais de Tarek Kawtari, avait déjà mis en place des tentatives d’alliance avec le monde rural, avec la critique de ces deux poids deux mesures lorsqu’il s’agit de se déplacer facilement vers le Larzac mais qu’il est, en même temps, difficile de traverser le périphérique pour soutenir les quartiers populaires. C’est tout le défi du Comité Adama de déplacer le centre de gravité politique pour l’amener dans les quartiers politiques. Sinon, il sert à rien de se réclamer de la gauche, du progressisme ou encore d’affirmer lutter pour l’égalité et la justice.

    Aujourd’hui, il s’agit de faire prendre conscience aux couches sociales les plus défavorisées ayant subi la désindustrialisation, que leut situation n’est pas due à l’immigration mais au libéralisme

    Le Bondy Blog : Ces tentatives de convergence des luttes n’ont pas duré. Pourquoi ? Quelles différences y a-t-il avec les gilets jaunes ?

    Youcef Brakni : Jusqu’ici, ça [la convergence des luttes, ndlr] a échoué parce que nous nous inscrivons dans un héritage des luttes des années 70-80 qui étaient dans les usines. Mais aujourd’hui, il n’y a plus d’espace de socialisation où l’on puisse créer des mouvements de masse. Il faut savoir que le Mouvement des Travailleurs Arabes à Marseille a fait une grève de 24h suivie par 20 000 ouvriers contre les ratonnades, les crimes racistes. L’enjeu est maintenant de reconstruire des espaces et à travers le comité Adama, nous pouvons créer un socle fort pour les quartiers populaires. Avec des bases solides, nous pourrons aller discuter avec les mouvements sociaux, le monde rural en leur faisant une proposition claire afin de nouer des causes communes

  • Racisme, exploitation, répression : nos alliances contre-attaquent
    http://www.platenqmil.com/blog/2018/07/18/racisme-exploitation-repression--nos-alliances-contre-attaquent

    Appel de la Plateforme d’Enquêtes Militantes, à participer massivement à la manifestation du Comité Adama, le 21 juillet à Beaumont-sur-Oise, deux ans après la mort d’Adama Traoré, étouffé par la police lors d’un contrôle.
     
    Nous pensons qu’il est important de saisir ce moment pour établir et consolider des liens multiples avec toutes celles et ceux des quartiers populaires qui se battent contre le racisme d’Etat.

    #Adama_Traoré #violences_policières #luttes_sociales

  • Comité Adama : « On va se battre ensemble »

    Ça pose la question de la centralité. Pour le mouvement social classique, porté à gauche, les « vraies luttes », ce sont celles des cheminots, les étudiants, les hospitaliers… Tout le reste est considéré comme secondaire. Dans l’imaginaire de cette #gauche, on soutient, d’accord, mais de loin ; on pense que la lutte « réelle » ne s’y joue pas. Beaumont, Aulnay, Grigny, ce sont des #territoires secondaires. (...) Ce qu’on dit, c’est qu’aucun #mouvement_social ne gagnera sans les #quartiers. C’est impossible. (...)

    « #Convergence », c’est un mot qui laisse des traces : c’est un rendez-vous manqué. C’est devenu creux. Quand je l’entends, j’entends une arnaque. Mais parlons d’#alliances, oui. Nous sommes des alliés. Nous avons à nous confronter à un même #ennemi. Les coups, on va les prendre ensemble. On va au front ensemble. On va se battre ensemble. C’est ce qu’on dit, pour le 26 mai et pour la suite. Ce que propose #Macron est inacceptable.

    « Nous sommes des #alliés. Nous avons à nous confronter à un même ennemi. Les coups, on va les prendre ensemble. On va au front ensemble. »

    Nous, on ajoute que le #racisme structurel englobe la question économique. L’#antiracisme structurel est anticapitaliste. Le #capitalisme s’est construit sur le corps des esclaves noirs : il n’y a pas de #colonialisme sans capitalisme, pas plus qu’il n’y a de capitalisme sans colonialisme. Lutter contre le racisme et lutter contre le capitalisme, c’est indissociable.

    https://www.revue-ballast.fr/comite-adama-on-va-se-battre-ensemble