Alors que les plaintes pour agressions sexuelles ont augmenté de presque un tiers en octobre par rapport à l’année dernière à la même époque, les patrons de la police et de la gendarmerie nationales avouent avoir « encore de la marge » dans l’accueil des victimes. Ils misent sur la formation et se prononcent en faveur de la captation vidéo lors du dépôt de plainte.
Lutter contre les violences faites aux femmes en général, et les viols en particulier, c’est l’objectif que s’est fixée la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée dans les prochains mois. Afin de mieux comprendre le hiatus entre le nombre de viols et le dépôt de plainte effectif des victimes, les députés ont auditionné les responsables des forces de l’ordre le 5 décembre.
Chaque année selon l’INSEE, 200 000 personnes de 18 à 75 ans se disent victimes de violences sexuelles (viols, tentatives de viols, attouchements, atteintes ou exhibitions sexuelles). Un chiffre qui ne se traduit pas toujours dans les commissariats et gendarmeries : dans les cas de viols par exemple, « moins de 10% des femmes et des hommes portent plainte ».
Un effet Weinstein ?
« Je suis allée dans un commissariat à Tours, c’est la cour des miracles ! », fustige la députée Sophie Auconie (UDI, Agir et Indépendants). L’élue relate la difficulté des victimes à porter plainte dans un environnement serein.
Le directeur de la gendarmerie nationale, le général Richard Lizurey, le reconnaît sans détour : « Mal accueillir une victime de viol n’est pas acceptable ». Et, oui, « il y a encore de la marge » pour améliorer les conditions de recueil des plaignant(e)s, confirme son homologue de la police, Éric Morvan.
C’est « parfois un manque d’empathie, parfois un manque de formation, parfois un manque de professionnalisme... », énumèrent les deux patrons de forces de l’ordre.
Une situation aggravée par la recrudescence des plaintes en octobre : dans le sillage de l’affaire Weinstein, les plaintes pour violences sexuelles ont augmenté de 23% en zone police et de 30% en zone gendarmerie par rapport à la même période, en 2016.
Filmer la première audition
Parmi les pistes avancées pour améliorer la prise en charge des victimes, la captation vidéo de leur première audition fait son chemin. Une idée « essentielle dans la résolution de ce genre d’affaires », selon le patron des gendarmes :
Il faut absolument enregistrer les déclarations dès le départ. On a les moyens de le faire, faisons-le !
Général Richard Lizurey, 5 décembre 2017
Le matériel vidéo permettrait notamment de mieux appréhender le langage « non-verbal » d’une déclaration (geste, ton, émotion...).
Pourquoi si peu d’affaires élucidées ?
Les députés s’interrogent aussi sur le faible taux d’élucidation des plaintes (environ 10% des cas). « Il peut y avoir des retraits de plainte, ou parfois l’enquête n’arrive pas à démonter les faits ou à retrouver l’auteur », commente le patron de la police nationale Éric Morvan, qui estime qu’il faudrait « sans doute approfondir cette question ».
De son côté, le général Lizurey préconise de rappeler aux officiers de police et de gendarmerie que ce n’est pas parce qu’une plainte est retirée que la justice ne peut faire son travail : le procureur peut toujours décider de poursuivre l’enquête.