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  • Sexisme, violences sexuelles : non, « le Figaro » n’est pas épargné - Libération
    https://www.liberation.fr/checknews/2019/03/12/sexisme-violences-sexuelles-non-le-figaro-n-est-pas-epargne_1714317

    Plusieurs cadres du quotidien conservateur avaient laissé entendre que seuls les médias de gauche étaient concernés par les différentes affaires de harcèlement des femmes dans les rédactions. Notre enquête montre le contraire.

    Bonjour,

    Votre question était la suivante : « Est-il vrai, comme le laisse entendre Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine, sur Twitter que Libération est le seul média concerné par les questions de harcèlement ou de cyberharcèlement ? Quels autres médias s’interrogent sur ces comportements au sein de leur rédaction ? »

    Vous faites référence à la réaction de plusieurs responsables du Figaro après les révélations de Checknews au sujet de la Ligue du LOL. Ce groupe Facebook privé créé il y a une dizaine d’années regroupait des personnes, très majoritairement des hommes, qui travaillaient pour plusieurs d’entre eux dans des titres de presse dits de gauche comme Libération, Slate ou les Inrocks. À la suite des révélations de CheckNews et des nombreux témoignages de victimes, accusant plusieurs membres de la Ligue du LOL de harcèlement, plusieurs journalistes (dont deux de Libération) ont été licenciés.

    Dans son numéro du mardi 12 février, Libération était revenu à chaud sur cette affaire en titre : « Ligue du LOL : les médias à l’heure des comptes ». En réaction à cette une, plusieurs cadres du Figaro avaient réagi en laissant entendre que le problème du harcèlement des femmes était cantonné à Libération ou à la « presse de gauche ».

    Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine, a ainsi demandé à Libé de « laver son linge sale en famille » sans « mouiller » les autres médias.

    Judith Waintraub, journaliste au Figaro Magazine, ironisait sur le fait que les médias touchés étaient tous de gauche. Idem pour ses collègues Jean-Christophe Buisson ou Eric Zemmour. D’autant que plusieurs autres affaires ont depuis été mises au jour, avec des licenciements ou suspensions à la clé, dans plusieurs médias dits « progressistes » : le Monde, le Huffington Post, Vice ou les Inrocks par exemple.
    Sexisme à l’ancienne

    Si rien n’est sorti concernant le Figaro, cela ne veut pas dire que le journal est pour autant épargné. C’est ce qui ressort de l’enquête et des entretiens que CheckNews a pu mener avec près de 30 personnes.

    Malgré l’omerta qui règne au sein de la rédaction sur les questions de harcèlement, CheckNews a pu établir l’existence de pratiques sexistes, proches du harcèlement et parfois connues de la direction, du fait d’un groupe restreint d’hommes, qui occupent des positions de pouvoir.

    Selon nos informations, une université dissuade par exemple ses étudiants de postuler dans un service du journal après l’expérience d’une jeune journaliste ayant postulé. Plus récemment, quelques semaines avant les révélations sur la Ligue du LOL, une dizaine de journalistes femmes du quotidien se sont plaintes auprès d’une cheffe de service d’un rédacteur en chef adjoint pour des avances répétées et insistantes faites à des journalistes précaires. Deux témoignages d’agression sexuelle nous ont aussi été rapportés. Dans les deux cas, par peur de représailles professionnelles, les victimes n’ont pas averti la direction, ni porté plainte.
    « Le dimanche, il n’y avait que des femmes : c’était le jour des adjointes »

    Dès les premiers moments de l’enquête, les premières personnes interrogées nous ont prévenus : « Le Figaro c’est une forteresse. Personne ne parle. » Autre difficulté : la réticence politique de certains ou de certaines envers #MeToo, perçu comme un mouvement de « délation organisée ». Mais le plus grand obstacle a été la peur de certaines sources d’être identifiables en interne, y compris quand il s’agit de personnes qui n’y travaillent plus. La quasi-totalité des propos et témoignages rapportés le sont donc de façon anonyme.

    C’est le cas par exemple d’un ancien journaliste et chef au Figaro qui l’assure d’emblée : « C’est une boîte de gens bien élevés. Donc il n’y a pas de Ligue du LOL. Personne ne harcèle publiquement, personne n’insulte. Mais oui, il y a une rédaction machiste. Un machisme ordinaire je dirais. » Il se souvient ainsi d’une époque pas si lointaine où « le comité de rédaction était composé à 99 % d’hommes ». Sauf le dimanche, « où il n’y avait que des femmes : c’était le jour des adjointes ». S’il se félicite qu’il y ait « depuis quelques années une politique volontariste de rattrapage », il reconnaît que la rédaction du Figaro « part de loin ». D’ailleurs, à chaque fois « qu’une femme est nommée » à un poste de responsabilité, « ça fait jaser ».

    Plusieurs journalistes interrogées par CheckNews confirment cette analyse : « Globalement, au Figaro, j’ai plutôt l’impression de travailler avec des gens bien, assure Marie*, une journaliste en poste depuis plusieurs années dans le quotidien. Après, on a nos quelques mecs lubriques bien insistants, bien gênants… » Une autre ajoute : « A ma connaissance il n’y a jamais eu de comportement façon Ligue du LOL. En revanche, un sexisme à l’ancienne chez certains. Pas tous, il y a beaucoup de gens super ! »
    « Le Figaro, c’est Mad Men »

    Pour résumer l’ambiance qui règne au sein de la rédaction, un journaliste a cette formule : « Le Figaro c’est Mad Men : des hommes d’un certain âge qui parlent beaucoup des femmes beaucoup plus jeunes. » Il ajoute : « J’ai assisté à des pauses clopes où c’était une boucherie dès qu’une petite nouvelle arrivait. Ils parlent d’elle comme d’un morceau de viande. C’est des conversations de lycéens, sauf que ces personnes ont 3 enfants. »

    Quelle forme prend, concrètement, ce « sexisme à l’ancienne » ? L’une des journalistes interrogées par CheckNews raconte : « Un jour je propose à un collègue voisin de bureau, un grand reporter, quelqu’un d’important dans le journal, s’il veut que je lui apporte un café. Il me répond "Non, je préférerais que tu me tailles une pipe". Tout le monde a éclaté de rire. Moi j’étais mal, je ne savais plus où me mettre. » Elle se souvient aussi de la « pluie de blagues sexistes » qui s’est abattue sur un service quand « plusieurs femmes sont tombées enceintes au même moment » : « Ça ne s’arrêtait pas sur les hormones, les caprices etc. » Une ancienne stagiaire, restée pendant deux mois boulevard Haussmann, se souvient aussi comment ses collègues masculins du service international lui ont demandé de « faire une danse de pom-pom girl » devant eux.

    Nathalie*, qui a depuis quitté la rédaction, se remémore un cinglant « Elle est pas contente, elle doit avoir ses règles », lancé à une femme, à l’époque cheffe de service. En sortant du comité de rédaction de 10 heures, cette dernière regrettait le peu de place qui lui avait été accordé pour le chemin de fer, se souvient Nathalie, qui avait assisté à la scène : « Elle avait un certain âge, elle était de toute évidence ménopausée. C’était d’une violence terrible, d’autant plus que les hommes, eux aussi chefs de service, qui avaient entendu la réflexion riaient grassement et bruyamment dans la salle. »
    « Un traquenard »

    Au-delà des saillies sexistes, les journalistes interrogés s’accordent à décrire un système bien rodé au Figaro, où une poignée d’hommes, tous en position de pouvoir dans la rédaction, se rapprochent systématiquement des jeunes femmes du journal en situation de précarité dès leur arrivée pour leur proposer des rendez-vous (déjeuners ou dîners). Tous évoquent un groupe restreint d’hommes, bien identifiés. « Il existe un sexisme institutionnalisé au Figaro », détaille un journaliste passé plusieurs années par la rédaction, avec « 3 ou 4 hommes à qui il est impossible de s’en prendre, sous peine de voir sa carrière ruinée ».

    Les personnes qui acceptent d’en parler évoquent une drague « très bourgeoise » et « à l’ancienne ». L’ancien chef interrogé se souvient ainsi de « ces dragueurs lourds, qui portent publiquement leur morale en bandoulière », de ces « pères de famille bien catholiques, qui se montrent bien insistants avec les jeunes femmes ».

    Une journaliste, qui a accepté un de ces rendez-vous, le qualifie en un mot : un « traquenard ». « En quelques minutes, tu comprends pourquoi tu es là. Il m’a parlé de mon style "intrigant, sensuel". Il commentait le physique de mes collègues. Et finit par me proposer de venir boire des verres chez lui », se souvient-elle.

    Les personnes visées évoquent un « malaise » causé par ces comportements « lubriques », « insistants » voire « insupportables ». D’autant plus que les journalistes visées sont majoritairement des stagiaires ou des salariées en contrats précaires, pour qui refuser les avances d’un homme à la position hiérarchique très élevée se révèle très compliqué. Plusieurs expliquent ainsi qu’elles n’auraient eu « aucun problème » à repousser sèchement des avances d’une personne extérieure, mais que la situation était problématique dans le cas de rédacteurs en chef ou de membres de la direction, qui peuvent évidemment peser dans la décision d’octroyer un stage ou de renouveler un CDD.

    « Soit les jeunes femmes ne se rendent pas compte, soit elles ne savent pas vers qui se tourner », regrette Sophie*, journaliste du Figaro qui raconte la difficulté de se saisir de ces sujets en interne. « Quand tu es en stage, ou que tu commences ta carrière, tu ne vas pas saisir les Ressources Humaines. Et ce n’est pas un sujet dont on parle vraiment au Figaro. En tant que femme, on se sent un peu seule face à ces problématiques dans la rédaction. On a peur d’en parler, mais aussi peur de se retrouver face à une personne qui ne comprendrait pas de quoi on parle. »
    Une plainte en interne

    Ces dernières semaines, la situation a toutefois évolué : une dizaine de journalistes de plusieurs services (Madame Figaro, Le Figaro Etudiant, LeFigaro.fr etc.) se sont formellement plaints. En cause, l’insistance d’un rédacteur en chef adjoint à proposer « régulièrement » des rendez-vous avec « les femmes journalistes précaires qui commençaient leur carrière », en stage ou en CDD, selon plusieurs sources internes. Un comportement insistant, comme CheckNews a pu le confirmer en consultant plusieurs mails.

    Début janvier, quelques semaines avant les révélations sur la Ligue du LOL, une journaliste, « mieux placée dans la rédaction » que les personnes visées, est ainsi allée voir une responsable haut placée du journal pour dénoncer ces agissements. Ce que cette dernière nous a confirmé. Ensuite ? Difficile de savoir précisément ce qu’il s’est passé. Le journaliste visé n’a pas donné suite à nos sollicitations. Sa supérieure hiérarchique directe, membre de la direction, se cantonne, elle, à indiquer qu’elle a convoqué tous ses « encadrants » pour leur demander d’être « vigilant » sur ces sujets. À notre connaissance, il n’y a eu dans cette affaire ni enquête interne, ni sanction formelle.
    Des stages déconseillés au Figaro

    Autre conséquence directe de certains comportements : le département journalisme d’une université française dissuade désormais ses étudiantes et étudiants d’envoyer des candidatures de stage à un service prestigieux du Figaro, comme l’ont confirmé à CheckNews plusieurs membres du personnel enseignant. En cause, les remarques sur le physique et les propositions déplacées du chef du service en question, lors d’un entretien avec une jeune journaliste il y a un peu plus d’un an. Cette dernière était venue voir une de ses responsables pédagogiques « en larmes, en tremblant, totalement bouleversée ».

    « C’était l’un de ses premiers contacts avec le monde professionnel, ça devait être l’une de ses premières expériences, raconte une de ses enseignantes. Elle pensait qu’elle allait pouvoir parler de ses capacités professionnelles… Nous nous sommes retrouvées un peu démunies d’autant plus qu’elle ne voulait pas entamer de procédure plus formelle, tout simplement parce qu’elle avait peur, ce qui était tout à fait compréhensible. »

    Des témoignages et des échanges de mails que CheckNews a pu consulter indiquent que ce même journaliste, à la position hiérarchique très importante, fait partie des journalistes qui se rapprochent systématiquement des jeunes journalistes femmes pour leur proposer des rendez-vous.
    « On n’a pas fait ce qu’il fallait. »

    Parmi les faits rapportés les plus graves figurent également deux cas qui relèvent de l’agression sexuelle.

    Patrick Bele, représentant syndical SNJ au Figaro, contacté par CheckNews, raconte : « Il y a quatre ans, un chef de service a essayé d’embrasser une stagiaire, dans l’ascenseur, sans son consentement. Je l’ai croisée dans le couloir, à la sortie de l’ascenseur. Elle n’était pas bien. Elle a refusé de se plaindre auprès de la direction. C’est souvent le cas au Figaro : face à des gens qui sont dans une position hiérarchique élevée, ou qui sont connus, une stagiaire se dit qu’elle peut mettre en péril sa carrière. C’est pour ça que les plaintes ne remontent pas. La personne harcelée est partie à l’issue de son stage. On n’a pas fait ce qu’il fallait. »

    Une autre journaliste, Marine*, elle en CDI au moment des faits, et toujours en poste, raconte une expérience similaire avec un autre haut responsable du journal, lui aussi toujours en poste : « C’était il y a quelques années, dans un ascenseur. Il m’a dit que mon rouge à lèvres l’excitait, et il m’a collé contre la paroi de l’ascenseur, en essayant de m’embrasser de force. Je l’ai violemment repoussé. Je n’ai pas porté plainte, et je n’ai pas averti la direction à cause du climat sexiste qui règne au Figaro : j’aurais fini par être sanctionnée, d’une façon ou d’une autre. Cet homme est intouchable. »
    « On ne va pas s’arrêter au tweet de Roquette »

    Contacté par CheckNews, le directeur des rédactions, Alexis Brézet, assure qu’aucun cas de harcèlement ou d’agression ne lui est remonté : « Pour le moment ni moi, ni les RH n’avons été saisis. Après personne ne peut être sûr qu’il n’y en a pas. » Il assure que son journal prend le sujet « très au sérieux depuis longtemps » et se « donne les moyens » pour entendre de potentielles victimes : « Nous nous sommes dotés d’une charte, qui ne date pas d’hier, très claire contre le harcèlement sexuel. On s’est également doté d’une plateforme de signalement de comportements sexistes. Pour l’instant il n’y en a pas eu. »

    Cette plateforme, obligatoire depuis 2016 et la loi Sapin 2, permet en effet aux salariés de dénoncer des comportements non éthiques au sein de leur société, de manière anonyme. Problème, selon un représentant syndical du Figaro, interrogé par CheckNews : « La plateforme ne parle que de corruption. On a donc demandé plusieurs fois à la direction qu’ils mettent en avant le fait que la plateforme s’adresse aussi aux salariés victimes de harcèlement sexuel, ou de violences sexistes. Cela n’a pas encore été fait. »

    « La parole est extrêmement difficile à recueillir au Figaro [sur ces questions], regrette le même élu qui assure que lors d’un récent comité d’entreprise, la direction générale du journal a annoncé qu’elle envisageait une campagne d’affichage contre le harcèlement pour sensibiliser. « On ne va pas s’arrêter au tweet de Roquette pour dire il n’y a pas de ça chez nous », conclut-il. Des propos confirmés par l’élu SNJ Patrick Bele : « Le Figaro n’est pas une entreprise hors sol. On n’a jamais été épargné par ce phénomène ».

    Désormais, les salariés sauront en tout cas vers qui se tourner : selon nos informations, le Figaro a annoncé hier, le 11 mars, en interne la nomination d’une référente en charge d’accompagner les salariés en matière de harcèlement sexuel et agissements sexistes. Comme la loi les y oblige.

    *Les prénoms ont été changés
    Vincent Coquaz , Robin Andraca

  • Sexisme, violences sexuelles : non, « le Figaro » n’est pas épargné - Libération
    https://www.liberation.fr/checknews/2019/03/12/sexisme-violences-sexuelles-non-le-figaro-n-est-pas-epargne_1714317

    Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine, a ainsi demandé à Libé de « laver son linge sale en famille » sans « mouiller » les autres médias.

    Judith Waintraub, journaliste au Figaro Magazine, ironisait sur le fait que les médias touchés étaient tous de gauche. Idem pour ses collègues Jean-Christophe Buisson ou Eric Zemmour. D’autant que plusieurs autres affaires ont depuis été mises au jour, avec des licenciements ou suspensions à la clé, dans plusieurs médias dits « progressistes » : le Monde, le Huffington Post, Vice ou les Inrocks par exemple.
    Sexisme à l’ancienne

    Si rien n’est sorti concernant le Figaro, cela ne veut pas dire que le journal est pour autant épargné. C’est ce qui ressort de l’enquête et des entretiens que CheckNews a pu mener avec près de 30 personnes.

    Malgré l’omerta qui règne au sein de la rédaction sur les questions de harcèlement, CheckNews a pu établir l’existence de pratiques sexistes, proches du harcèlement et parfois connues de la direction, du fait d’un groupe restreint d’hommes, qui occupent des positions de pouvoir.

    Selon nos informations, une université dissuade par exemple ses étudiants de postuler dans un service du journal après l’expérience d’une jeune journaliste ayant postulé. Plus récemment, quelques semaines avant les révélations sur la Ligue du LOL, une dizaine de journalistes femmes du quotidien se sont plaintes auprès d’une cheffe de service d’un rédacteur en chef adjoint pour des avances répétées et insistantes faites à des journalistes précaires. Deux témoignages d’agression sexuelle nous ont aussi été rapportés. Dans les deux cas, par peur de représailles professionnelles, les victimes n’ont pas averti la direction, ni porté plainte.
    « Le dimanche, il n’y avait que des femmes : c’était le jour des adjointes »

    Dès les premiers moments de l’enquête, les premières personnes interrogées nous ont prévenus : « Le Figaro c’est une forteresse. Personne ne parle. » Autre difficulté : la réticence politique de certains ou de certaines envers #MeToo, perçu comme un mouvement de « délation organisée ». Mais le plus grand obstacle a été la peur de certaines sources d’être identifiables en interne, y compris quand il s’agit de personnes qui n’y travaillent plus. La quasi-totalité des propos et témoignages rapportés le sont donc de façon anonyme.

    C’est le cas par exemple d’un ancien journaliste et chef au Figaro qui l’assure d’emblée : « C’est une boîte de gens bien élevés. Donc il n’y a pas de Ligue du LOL. Personne ne harcèle publiquement, personne n’insulte. Mais oui, il y a une rédaction machiste. Un machisme ordinaire je dirais. » Il se souvient ainsi d’une époque pas si lointaine où « le comité de rédaction était composé à 99 % d’hommes ». Sauf le dimanche, « où il n’y avait que des femmes : c’était le jour des adjointes ». S’il se félicite qu’il y ait « depuis quelques années une politique volontariste de rattrapage », il reconnaît que la rédaction du Figaro « part de loin ». D’ailleurs, à chaque fois « qu’une femme est nommée » à un poste de responsabilité, « ça fait jaser ».

    Plusieurs journalistes interrogées par CheckNews confirment cette analyse : « Globalement, au Figaro, j’ai plutôt l’impression de travailler avec des gens bien, assure Marie*, une journaliste en poste depuis plusieurs années dans le quotidien. Après, on a nos quelques mecs lubriques bien insistants, bien gênants… » Une autre ajoute : « A ma connaissance il n’y a jamais eu de comportement façon Ligue du LOL. En revanche, un sexisme à l’ancienne chez certains. Pas tous, il y a beaucoup de gens super ! »
    « Le Figaro, c’est Mad Men »

    Pour résumer l’ambiance qui règne au sein de la rédaction, un journaliste a cette formule : « Le Figaro c’est Mad Men : des hommes d’un certain âge qui parlent beaucoup des femmes beaucoup plus jeunes. » Il ajoute : « J’ai assisté à des pauses clopes où c’était une boucherie dès qu’une petite nouvelle arrivait. Ils parlent d’elle comme d’un morceau de viande. C’est des conversations de lycéens, sauf que ces personnes ont 3 enfants. »

    Quelle forme prend, concrètement, ce « sexisme à l’ancienne » ? L’une des journalistes interrogées par CheckNews raconte : « Un jour je propose à un collègue voisin de bureau, un grand reporter, quelqu’un d’important dans le journal, s’il veut que je lui apporte un café. Il me répond "Non, je préférerais que tu me tailles une pipe". Tout le monde a éclaté de rire. Moi j’étais mal, je ne savais plus où me mettre. » Elle se souvient aussi de la « pluie de blagues sexistes » qui s’est abattue sur un service quand « plusieurs femmes sont tombées enceintes au même moment » : « Ça ne s’arrêtait pas sur les hormones, les caprices etc. » Une ancienne stagiaire, restée pendant deux mois boulevard Haussmann, se souvient aussi comment ses collègues masculins du service international lui ont demandé de « faire une danse de pom-pom girl » devant eux.

    Nathalie*, qui a depuis quitté la rédaction, se remémore un cinglant « Elle est pas contente, elle doit avoir ses règles », lancé à une femme, à l’époque cheffe de service. En sortant du comité de rédaction de 10 heures, cette dernière regrettait le peu de place qui lui avait été accordé pour le chemin de fer, se souvient Nathalie, qui avait assisté à la scène : « Elle avait un certain âge, elle était de toute évidence ménopausée. C’était d’une violence terrible, d’autant plus que les hommes, eux aussi chefs de service, qui avaient entendu la réflexion riaient grassement et bruyamment dans la salle. »
    « Un traquenard »

    Au-delà des saillies sexistes, les journalistes interrogés s’accordent à décrire un système bien rodé au Figaro, où une poignée d’hommes, tous en position de pouvoir dans la rédaction, se rapprochent systématiquement des jeunes femmes du journal en situation de précarité dès leur arrivée pour leur proposer des rendez-vous (déjeuners ou dîners). Tous évoquent un groupe restreint d’hommes, bien identifiés. « Il existe un sexisme institutionnalisé au Figaro », détaille un journaliste passé plusieurs années par la rédaction, avec « 3 ou 4 hommes à qui il est impossible de s’en prendre, sous peine de voir sa carrière ruinée ».

    Les personnes qui acceptent d’en parler évoquent une drague « très bourgeoise » et « à l’ancienne ». L’ancien chef interrogé se souvient ainsi de « ces dragueurs lourds, qui portent publiquement leur morale en bandoulière », de ces « pères de famille bien catholiques, qui se montrent bien insistants avec les jeunes femmes ».

    Une journaliste, qui a accepté un de ces rendez-vous, le qualifie en un mot : un « traquenard ». « En quelques minutes, tu comprends pourquoi tu es là. Il m’a parlé de mon style "intrigant, sensuel". Il commentait le physique de mes collègues. Et finit par me proposer de venir boire des verres chez lui », se souvient-elle.

    Les personnes visées évoquent un « malaise » causé par ces comportements « lubriques », « insistants » voire « insupportables ». D’autant plus que les journalistes visées sont majoritairement des stagiaires ou des salariées en contrats précaires, pour qui refuser les avances d’un homme à la position hiérarchique très élevée se révèle très compliqué. Plusieurs expliquent ainsi qu’elles n’auraient eu « aucun problème » à repousser sèchement des avances d’une personne extérieure, mais que la situation était problématique dans le cas de rédacteurs en chef ou de membres de la direction, qui peuvent évidemment peser dans la décision d’octroyer un stage ou de renouveler un CDD.

    « Soit les jeunes femmes ne se rendent pas compte, soit elles ne savent pas vers qui se tourner », regrette Sophie*, journaliste du Figaro qui raconte la difficulté de se saisir de ces sujets en interne. « Quand tu es en stage, ou que tu commences ta carrière, tu ne vas pas saisir les Ressources Humaines. Et ce n’est pas un sujet dont on parle vraiment au Figaro. En tant que femme, on se sent un peu seule face à ces problématiques dans la rédaction. On a peur d’en parler, mais aussi peur de se retrouver face à une personne qui ne comprendrait pas de quoi on parle. »
    Une plainte en interne

    Ces dernières semaines, la situation a toutefois évolué : une dizaine de journalistes de plusieurs services (Madame Figaro, Le Figaro Etudiant, LeFigaro.fr etc.) se sont formellement plaints. En cause, l’insistance d’un rédacteur en chef adjoint à proposer « régulièrement » des rendez-vous avec « les femmes journalistes précaires qui commençaient leur carrière », en stage ou en CDD, selon plusieurs sources internes. Un comportement insistant, comme CheckNews a pu le confirmer en consultant plusieurs mails.

    Début janvier, quelques semaines avant les révélations sur la Ligue du LOL, une journaliste, « mieux placée dans la rédaction » que les personnes visées, est ainsi allée voir une responsable haut placée du journal pour dénoncer ces agissements. Ce que cette dernière nous a confirmé. Ensuite ? Difficile de savoir précisément ce qu’il s’est passé. Le journaliste visé n’a pas donné suite à nos sollicitations. Sa supérieure hiérarchique directe, membre de la direction, se cantonne, elle, à indiquer qu’elle a convoqué tous ses « encadrants » pour leur demander d’être « vigilant » sur ces sujets. À notre connaissance, il n’y a eu dans cette affaire ni enquête interne, ni sanction formelle.
    Des stages déconseillés au Figaro

    Autre conséquence directe de certains comportements : le département journalisme d’une université française dissuade désormais ses étudiantes et étudiants d’envoyer des candidatures de stage à un service prestigieux du Figaro, comme l’ont confirmé à CheckNews plusieurs membres du personnel enseignant. En cause, les remarques sur le physique et les propositions déplacées du chef du service en question, lors d’un entretien avec une jeune journaliste il y a un peu plus d’un an. Cette dernière était venue voir une de ses responsables pédagogiques « en larmes, en tremblant, totalement bouleversée ».

    « C’était l’un de ses premiers contacts avec le monde professionnel, ça devait être l’une de ses premières expériences, raconte une de ses enseignantes. Elle pensait qu’elle allait pouvoir parler de ses capacités professionnelles… Nous nous sommes retrouvées un peu démunies d’autant plus qu’elle ne voulait pas entamer de procédure plus formelle, tout simplement parce qu’elle avait peur, ce qui était tout à fait compréhensible. »

    Des témoignages et des échanges de mails que CheckNews a pu consulter indiquent que ce même journaliste, à la position hiérarchique très importante, fait partie des journalistes qui se rapprochent systématiquement des jeunes journalistes femmes pour leur proposer des rendez-vous.
    « On n’a pas fait ce qu’il fallait. »

    Parmi les faits rapportés les plus graves figurent également deux cas qui relèvent de l’agression sexuelle.

    Patrick Bele, représentant syndical SNJ au Figaro, contacté par CheckNews, raconte : « Il y a quatre ans, un chef de service a essayé d’embrasser une stagiaire, dans l’ascenseur, sans son consentement. Je l’ai croisée dans le couloir, à la sortie de l’ascenseur. Elle n’était pas bien. Elle a refusé de se plaindre auprès de la direction. C’est souvent le cas au Figaro : face à des gens qui sont dans une position hiérarchique élevée, ou qui sont connus, une stagiaire se dit qu’elle peut mettre en péril sa carrière. C’est pour ça que les plaintes ne remontent pas. La personne harcelée est partie à l’issue de son stage. On n’a pas fait ce qu’il fallait. »

    Une autre journaliste, Marine*, elle en CDI au moment des faits, et toujours en poste, raconte une expérience similaire avec un autre haut responsable du journal, lui aussi toujours en poste : « C’était il y a quelques années, dans un ascenseur. Il m’a dit que mon rouge à lèvres l’excitait, et il m’a collé contre la paroi de l’ascenseur, en essayant de m’embrasser de force. Je l’ai violemment repoussé. Je n’ai pas porté plainte, et je n’ai pas averti la direction à cause du climat sexiste qui règne au Figaro : j’aurais fini par être sanctionnée, d’une façon ou d’une autre. Cet homme est intouchable. »
    « On ne va pas s’arrêter au tweet de Roquette »

    Contacté par CheckNews, le directeur des rédactions, Alexis Brézet, assure qu’aucun cas de harcèlement ou d’agression ne lui est remonté : « Pour le moment ni moi, ni les RH n’avons été saisis. Après personne ne peut être sûr qu’il n’y en a pas. » Il assure que son journal prend le sujet « très au sérieux depuis longtemps » et se « donne les moyens » pour entendre de potentielles victimes : « Nous nous sommes dotés d’une charte, qui ne date pas d’hier, très claire contre le harcèlement sexuel. On s’est également doté d’une plateforme de signalement de comportements sexistes. Pour l’instant il n’y en a pas eu. »

    Cette plateforme, obligatoire depuis 2016 et la loi Sapin 2, permet en effet aux salariés de dénoncer des comportements non éthiques au sein de leur société, de manière anonyme. Problème, selon un représentant syndical du Figaro, interrogé par CheckNews : « La plateforme ne parle que de corruption. On a donc demandé plusieurs fois à la direction qu’ils mettent en avant le fait que la plateforme s’adresse aussi aux salariés victimes de harcèlement sexuel, ou de violences sexistes. Cela n’a pas encore été fait. »

    « La parole est extrêmement difficile à recueillir au Figaro [sur ces questions], regrette le même élu qui assure que lors d’un récent comité d’entreprise, la direction générale du journal a annoncé qu’elle envisageait une campagne d’affichage contre le harcèlement pour sensibiliser. « On ne va pas s’arrêter au tweet de Roquette pour dire il n’y a pas de ça chez nous », conclut-il. Des propos confirmés par l’élu SNJ Patrick Bele : « Le Figaro n’est pas une entreprise hors sol. On n’a jamais été épargné par ce phénomène ».

    Désormais, les salariés sauront en tout cas vers qui se tourner : selon nos informations, le Figaro a annoncé hier, le 11 mars, en interne la nomination d’une référente en charge d’accompagner les salariés en matière de harcèlement sexuel et agissements sexistes. Comme la loi les y oblige.

    #sexisme #discrimination #travail #femmes

    • une université dissuade par exemple ses étudiants de postuler dans un service du journal […] … une dizaine de journalistes de plusieurs services […] se sont formellement plaints. […] les salariés sauront en tout cas vers qui se tourner

      Du coup j’ai compris que ce sont des hommes qui sont harcelés et qui sauront vers qui se tourner.

  • Manon Garcia : « Le sexisme n’est pas le domaine réservé des réactionnaires »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/02/manon-garcia-le-sexisme-n-est-pas-le-domaine-reserve-des-reactionnaires_5430

    Dans On ne naît pas soumise, on le devient (Climats, 2018), réflexion menée à partir du travail pionnier de Simone de Beauvoir (1908-1986), dont elle réhabilite la puissance conceptuelle, la jeune philosophe Manon Garcia étudie les ressorts du consentement des femmes à la domination masculine.

    Pourquoi certaines femmes indépendantes sont-elles parfois complaisantes à l’égard de la « liberté d’importuner » et peut-on revendiquer l’égalité des sexes et attendre que les hommes fassent « le premier pas », se demande-t-elle ?

    Evitant l’écueil de l’essentialisme – les femmes seraient soumises par nature –, Manon Garcia développe une philosophie de l’émancipation féminine en étudiant « la façon dont les hiérarchies de genre dans la société façonnent les expériences des femmes ». Elle analyse pour Le Monde les raisons du sexisme des « boys clubs », notamment révélé par l’affaire de la Ligue du LOL.

    Le harcèlement des femmes sur les réseaux sociaux, orchestré par une petite caste de journalistes pour la plupart issus de rédactions dites « progressistes », est-il un nouveau type de domination masculine ou bien une déclinaison technique de celle-ci ?

    Non, il n’y a rien de nouveau dans cette histoire. Ce harcèlement sur les réseaux sociaux est une manifestation tout à fait classique de la domination masculine sous la forme de ce que l’on appelle la logique de « boys club ».

    Qu’il s’agisse des clubs anglais, de l’Automobile Club de France ou des groupes de messageries instantanées Slack dans lesquels seuls les hommes sont conviés, ce qui est en jeu est la construction d’un entre-soi d’hommes hétérosexuels blancs pour qui l’humour sexiste, raciste, grossophobe est une façon comme une autre de solidifier le sentiment d’appartenir à une élite.

    « Certaines femmes choisissent de ne pas résister à la domination masculine, d’être du côté des dominants, dans l’espoir d’échapper elles-mêmes au harcèlement »

    Certains se sont étonnés que les principales rédactions concernées soient progressistes, de Libération aux Inrocks en passant par Vice, mais ce n’est pas surprenant : les travaux universitaires sur le sexisme montrent que l’on a toujours tendance à croire que le sexiste, c’est l’autre.

    #paywall #sexisme

  • #Metoo, procès Baupin, Ligue du LOL : les saines colères des femmes

    Depuis des siècles, l’emportement est un territoire déconseillé aux femmes, qui doivent incarner la #tempérance, la #docilité et le #calme. Elles sont pourtant nombreuses, aujourd’hui, à revendiquer cette #émotion qui se décline traditionnellement au masculin.


    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/01/les-saines-coleres-des-femmes_5429749_3232.html
    #colère #femmes #masculinité #féminité #genre

    #sorcières #folie

  • La Ligue du LOL, la prescription ne tient plus qu’à un tweet - Pénal | Dalloz Actualité
    https://www.dalloz-actualite.fr/node/ligue-du-lol-prescription-ne-tient-plus-qu-un-tweet

    La prescription et l’oubli

    Traditionnellement, la prescription et l’oubli sont intimement liés. Le principal argument relatif à l’oubli considère qu’au fil des années, la tourmente se dissipe, les conséquences de l’infraction s’évanouissent et l’agitation collective disparaît. Ainsi, la prescription consacrerait juridiquement la fin du trouble à l’ordre public. Cela revient à supposer que, si l’agitation a disparu, le déclenchement de l’action publique aurait pour unique effet la réouverture de blessures cicatrisées.

    Parallèlement, l’oubli se manifeste sous une autre forme, celle de l’apaisement de la victime. Selon cet argument, la victime n’aurait plus besoin de réponse pénale, passé un certain temps.

    Toutefois, fonder l’institution sur la notion d’oubli rencontre rapidement quelques limites. En effet, nous évoluons dans une société hypermnésique car avant tout médiatique. Défiant l’effet du temps, internet peut faire ressurgir des événements que le législateur considérait pourtant comme « oubliés ». En témoignent les faits d’espèce, puisque ces cyberharcèlements réapparaissent après plusieurs années de silence. Rien ne s’efface. De même, il est difficile d’interpréter le silence comme un apaisement ou une renonciation. L’esprit humain ne semble pas si limpide et l’on sait pertinemment que nombreuses peuvent en être les causes. La peur, la culpabilité, le refoulement… Rien ne permet d’affirmer que tout silence signifie renonciation et oubli. User de celui de la victime pour fonder la prescription serait en abuser. À cet égard, les révélations concernant la Ligue du LOL illustrent parfaitement le fait que les victimes étaient loin d’avoir oublié. Des années après, les blessures n’étaient toujours pas cicatrisées.

    La situation semble plus complexe qu’il n’y paraît, « “la grande loi de l’oubli” n’apparaît plus dans notre société, tout à la fois société médiatique et de mémoire, comme une loi sociale si évidente qu’elle puisse fonder la prescription de l’action publique »10. Il nous est donc permis de nous interroger sur la connexion qui peut être faite entre prescription et sanction. Prescription pour mettre fin à la sanction, mais également prescription en tant que sanction.

    La prescription et la sanction

    Autour de l’idée de sanction gravitent deux fondements usuellement rattachés à la prescription. Le premier recouvre un aspect moral et touche au délinquant lui-même. Il se déduit de l’idée selon laquelle la vie du délinquant en attente d’une potentielle poursuite ne peut être qu’une vie effroyable, faite de crainte et d’angoisse. Finalement, une sanction en soi.

    À l’inverse, le second fondement s’éloigne du délinquant pour se rapprocher du ministère public. Il cristallise l’idée selon laquelle la prescription servirait à sanctionner le parquet pour son inaction et sa négligence, celle de ne pas avoir agi dans le temps imparti.

  • Pourquoi la levée de l’anonymat sur Internet ne mettra pas fin aux délits en ligne
    https://www.marianne.net/societe/pourquoi-la-levee-de-l-anonymat-sur-internet-ne-mettra-pas-fin-aux-delits-

    Un anonymat déjà très relatif

    Le levée de l’anonymat, une mesure miracle ? Renseignements pris, pas si sûr. Dans les faits, il s’agit déjà d’une notion très relative sur internet. Hormis quelques hackeurs insaisissables, l’immense majorité des internautes, qui sèment des petits cailloux à longueur de navigation, sont déjà traçables sur internet et peuvent être retrouvés, à condition de s’en donner les moyens. « Les gens qui le veulent peuvent se rendre plus difficilement traçable sur internet, mais ce n’est pas pour tout le monde, ce n’est pas à la portée du petit apprenti djihadiste », nous confirme Stéphane Bortzmeyer, ingénieur en réseaux informatiques. Ne laisser aucune emprunte en ligne relève, selon ce militant des libertés sur internet, de la gageure. « L’anonymat sur internet, ça revient au mode de pensée d’un espion en territoire ennemi, à la moindre erreur, vous êtes démasqué. Ça demande une mentalité paranoïaque. »

    Anonymat = violence ? Une idée reçue

    Hélas, allouer des moyens supplémentaires pour permettre à la police de retrouver les délinquants du web, et aux tribunaux de les condamner, n’aurait rien d’une solution miracle mettant fin à la haine sur la toile. En effet, le secret de l’identité civile sur internet ne semble pas corrélé avec le fait d’être plus ou moins violent en ligne. « Ce n’est pas le pseudo qui va faire le comportement déviant », insiste Lucile Merra. « Ces comportements violents préexistent à Internet. (…) Cela relève d’un comportement malsain de certains individus au sein de leur environnement social. »

    Une étude de juin 2016, publiée par équipe de chercheurs de l’Université de Zurich, tend à montrer que dans le contexte d’une polémique en ligne, l’anonymat ne démultiplie pas systématiquement l’agressivité des internautes. Au contraire, sur les 532197 commentaires analysés, tous postés sur une plateforme de pétitions en ligne allemande entre 2010 et 2013, les internautes écrivant sous leurs véritables identités étaient plus agressifs que ceux recourant à l’anonymat. La même année, une étude de l’université d’Etat du Michigan a également montré que, selon les données compilées dans 16 études scientifiques sur la question, les individus « sont en fait plus sensibles aux normes collectives d’un groupe lorsqu’ils sont moins identifiables par les autres membres de ce groupe ».

    L’idée selon laquelle le fait de se cacher derrière un avatar confèrerait aux internautes un sentiment d’impunité, qu’ils se penseraient alors invulnérables et profiteraient de la situation pour se livrer à un certain nombre de dérives, tiendrait ainsi de l’idée reçue. « Le sentiment d’impunité tient plus à qui vous êtes et d’où vous parlez qu’au fait que vous le fassiez sous pseudonyme. Un homme blanc éduqué pourra par exemple se sentir davantage autorisé à tenir certains propos », avance Stéphanie Wojcik, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-Est Créteil. Tristan Nitot, auteur du livre Surveillance, les libertés au défi du numérique, abonde en ce sens : « Le discours de haine ou le harcèlement surviennent quand ils sont considérés comme socialement acceptables, voire fédérateurs, au sein d’un groupe qui partage les mêmes opinions. » Le vice-président du moteur de recherche français Qwant pointe en outre une « inconscience » des internautes. "Je pense que le premier facteur du sentiment d’impunité, c’est le rapport au numérique, perçu à tort comme un domaine « virtuel », plutôt que le fait de porter un pseudonyme", explique-t-il. « Dans un café, je suis inconnu, anonyme, et pourtant je ne tiens pas de discours haineux. A l’inverse, les membres de la Ligue du LOL ne portaient pas de pseudonyme pour la plupart. »

    Une voie royale pour les Gafam

    Cependant, donner voix au chapitre aux géants du web sur ces questions, notamment en leur fournissant davantage d’éléments concernant l’identité de leurs utilisateurs, ne va pas sans de vives inquiétudes. Stéphane Bortzmeyer s’alarme du pouvoir exorbitant qui serait entre les mains de ces structures : « Les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) ont déjà trop d’informations, et on veut en faire les auxiliaires privés de l’Etat dans le contrôle des identités en ligne ! L’obsession du contrôle de l’internet mène à oublier à quel genre de sociétés on veut confier notre surveillance. On ne peut pas reprocher à Facebook de collaborer avec le gouvernement chinois pour contrôler qui fait quoi, si on fait la même chose chez nous. »

    Pour ces raisons, la « levée progressive de toute forme d’anonymat », tel qu’Emmanuel Macron l’avait initialement envisagé, a de quoi faire frémir quant aux rôles de ces entreprises privées, expose Tristan Nitot. « Aujourd’hui, sur Facebook, de nombreuses personnes se sont exprimées sur les gilets jaunes. Chacune a été identifiée, ça se fait automatiquement, par des robots qui analysent les données et des algorithmes de deep learning. Le métier de Google, c’est de tout savoir sur vous. Facebook ou Google sont conçus, structurellement, pour offrir un ciblage très fin à des annonceurs, c’est leur modèle commercial. Que vous ayez un pseudonyme ou non, on pourra vous cibler sur internet. Or, la question des identités appartient à l’Etat, pas aux entreprises. »

    Si le projet de loi qui sera présenté en mai prochain n’est que la première étape de cette « levée progressive » de l’anonymat, le poids des Gafam ne sera que l’un des problèmes qui se posera aux citoyens. Ne plus pouvoir se cacher sous un pseudonyme est loin d’aller soi en matière de liberté d’expression. « Si on va vers l’interdiction de l’anonymat, on va vers beaucoup plus de discrimination, avec des gens au statut social particulier - policiers, professeurs, hauts fonctionnaires ou anciens détenus - médiatisés ou non, qui pourraient devenir victimes de harcèlement, voire mis au ban de groupes sociaux », nous détaille Maryline Laurent, professeur à Telecom sup Paris et auteur du livre La gestion des identités numériques.

    #Anonymat #Identité_numérique #Liberté_expression #Stéphane_Bortzmeyer #Tristan_Nitot

  • la salope de la promo », le témoignage d’une ancienne étudiante Angélique Da Silva Dubuis - 19 Février 2010 - la voix du nord
    http://www.lavoixdunord.fr/540116/article/2019-02-19/j-etais-designee-comme-la-salope-de-la-promo-le-temoignage-d-une-ancien

    Nouveau coup dur pour l’École de journalisme de Lille. Les récentes révélations autour de la Ligue du LOL ont poussé Alexandra à dénoncer l’agression sexuelle dont elle a été victime durant ses études entre 2010 et 2012. Une délivrance pour cette jeune femme qui raconte une culture de l’entre-soi propice au sexisme et au harcèlement.

    Au bout du fil, les larmes d’une jeune femme de 30 ans. Remplies de courage et de dignité. « Mon métier, c’est de parler des autres, pas de moi », confie Alexandra qui a relaté son calvaire au magazine Vanity Fair http://www.lavoixdunord.fr/539915/article/2019-02-19/une-ancienne-etudiante-de-l-esj-victime-d-une-agression-sexuelle-il-y-s ce mardi. En 2010, elle quitte Bordeaux pour s’installer à Lille où elle a décroché le concours de la prestigieuse école. Très vite, la jeune étudiante se sent exclue par plusieurs étudiants qui avaient une certaine aura auprès de leurs camarades et des enseignants. « Il y avait les dominés, les dominants et les suiveurs. » Un climat délétère encouragé par une répartition des classes « très maladroite » selon elle, en fonction des connaissances en web notamment. « Il y avait les stars et les quiches... »

    Sa vie amoureuse jetée en pâture
    Il y a d’abord eu des remarques sur son look et sa personnalité « extravertie » . Puis, son histoire d’amour avec un étudiant étranger de l’école jetée en pâture sur fond de préjugés racistes. « J’étais désignée comme la salope de la promo » , livre Alexandra. Personne dans son entourage pour prendre sa défense. « Je n’étais pas la seule à souffrir de ces humiliations... On subissait dans notre coin. Tout ça était communément admis sous le vernis de l’humour. C’est malheureusement courant dans les grandes écoles qui vivent en vase clos. »

    Cette soirée chez un étudiant de l’école finit par briser la jeune femme. « Ce camarade de promo s’est jeté sur moi. J’ai eu la peur de ma vie... Au bout d’un moment, son ami lui a dit d’arrêter, que ça pourrait être du viol... » Pour Alexandra, c’est une évidence : le climat misogyne de sa promo est pour beaucoup dans le comportement de son agresseur. Qui, elle tient à le souligner, n’appartient pas aux auteurs de la fameuse Ligue du LOL. http://lavdn.lavoixdunord.fr/536041/article/2019-02-11/ligue-du-LOL-journalistes-harcelement

    « Ces mecs sont devenus des leaders d’opinion »
    Alexandra n’a jamais révélé les faits : « J’avais 22 ans. J’ai tout enfoui parce que je n’ai pas trouvé d’écoute. L’école de journalisme c’était toute ma vie. Ma famille était loin. Je me sentais terriblement seule... Mais la direction ne pouvait pas ignorer certains comportements. »

    Le mouvement #MeToo a été un déclencheur pour la jeune femme qui a apprécié la réaction de l’école ce mardi.
    Dans un communiqué, l’ESJ, qui rappelle les valeurs défendues par l’école et son engagement dans la lutte contre les discriminations et le harcèlement, assure la jeune femme de son soutien si elle décidait d’une suite judiciaire.

    Alexandra, qui travaille aujourd’hui dans la presse financière, n’a pas pris de décision. « Je reçois de nombreux messages de soutien qui me font du bien. J’apprécie la réaction de l’ESJ mais je n’oublie pas que tous ces mecs sont devenus des leaders d’opinion que plein de gamines admirent quand ils passent à la télé. »

    #ESJ_Lille #presse #harcèlement #ligue_du_lol

  • Après la Ligue du LOL, la gestion des « Inrocks » mise en cause
    https://www.mediapart.fr/journal/france/180219/apres-la-ligue-du-lol-la-gestion-des-inrocks-mise-en-cause

    « Ils avaient même créé un “mur des hommes” », soupire un ancien du journal. Une expression, confirmée par plusieurs sources, qui évoque le « mur des cons » du Syndicat de la magistrature. En l’occurrence, il s’agit d’un poteau sur lequel Doucet et ses amis – tous des hommes – ont accroché des photos d’eux au beau milieu de la rédaction.

    « J’ai du mal à comprendre ce qui a pu être perçu violemment dans ce mur. C’était des photos de garçons de la rédac dans des positions plutôt ridicules », tempère un journaliste.

    Les témoins que nous avons interrogés n’y voient pas non plus quelque chose de « violent », mais le symptôme d’une atmosphère parfois viriliste, voire carrément sexiste. Ils pointent aussi la diminution progressive du nombre de femmes au journal.
    « Il n’y a pas de gestion RH aux Inrocks »

    Le midi, une petite bande de journalistes part régulièrement manger ensemble – tous des hommes. Certains jouent aussi au foot ensemble, ils sont parfois devenus amis. Les filles, de moins en moins nombreuses, semblent à l’écart. « Cela leur a valu le surnom de “les boys du Web… et Fanny” », du prénom de la seule journaliste femme du site internet, raconte une salariée. « Il y avait un côté bande de mecs, cultivant manifestement l’entre-soi », confirme le secrétaire général de la rédaction Christophe Mollo.

    Cela a même fini par se savoir à l’extérieur : à l’automne 2017, le site Buzzfeed (fermé depuis) avait mené l’enquête, sans rien pouvoir publier finalement. Cela portait sur des témoignages de « harcèlement moral à dimension sexiste », confirme le journaliste, qui s’y était penché, Jules Darmanin. Huit mois plus tard, David Doucet s’en était inquiété en interne, tout en certifiant à une collègue n’avoir « rien à cacher sur [son] rapport aux femmes ».

    Pourtant, des journalistes du magazine s’étaient alarmés ces dernières années de la situation faite à certaines stagiaires (nombreuses) de passage. À plusieurs reprises, ils ont même signifié à David Doucet qu’il n’était pas forcément opportun de se rapprocher de jeunes aspirantes au métier, alors qu’il était rédacteur en chef.

    Ce fut le cas, par exemple, après cette interview qu’il a réalisée d’une jeune dessinatrice, parallèlement stagiaire aux Inrocks, au sujet de ses esquisses de fesses nues postées sur son compte Instagram. « Pas de problème, c’est pour l’aider, ça lui fait de la pub », aurait alors répondu Doucet.

    Interrogées par Mediapart, plusieurs des anciennes stagiaires du magazine confirment avoir fait l’objet d’avances plus ou moins fines. L’une d’entre elles rapporte avoir « dû mettre les choses au clair ». D’autres, en revanche, n’ont rien à redire. Deux racontent avoir été mises en garde à leur arrivée.

    Louise* va beaucoup plus loin : elle parle aujourd’hui d’une « oppression permanente vécue pendant un mois » de la part de Doucet, qui l’a « énormément affectée ». Dans des échanges que nous avons pu consulter, il s’excuse de lui envoyer des messages, il badine, parle de ses tenues, lui demande plusieurs fois où elle est.

    • David Doucet, nouveau rédacteur en chef de TPMP
      https://www.gqmagazine.fr/pop-culture/article/info-gq-david-doucet-nouveau-redacteur-en-chef-de-tpmp

      Le mercato des médias a commencé. D’après nos informations, David Doucet, ancien rédacteur en chef du site des Inrocks, aurait rejoint l’équipe de Touche pas à mon poste depuis lundi en tant que rédacteur en chef de l’émission. Le poste avait été occupé auparavant par Julien Lalande, Romain Ambro ou encore Emilie Lopez. Le journaliste David Doucet avait été licencié par le magazine culturel en mars dernier pour « faute grave » après les révélations sur la Ligue du LOL auquel son nom était rattaché.

      J’avais raté cette effet de la #fraternité dont bénéfice les misogynes. Viré des Inrocks il sera mieux payé à la TV. Ses victimes qui elles ont due partir des Inrocks, n’ont pas été promus, elles ont souvent du quitter la proffession.

  • « Ligue du LOL » : la délicate question des sanctions
    Pauline Graulle
    https://www.mediapart.fr/journal/france/160219/ligue-du-lol-la-delicate-question-des-sanctions

    C’est l’histoire d’un procès qui n’aura peut-être jamais lieu. Une semaine après les révélations sur la Ligue du LOL, la première affaire d’ampleur de cyberharcèlement en France pose une interminable série de questions à l’institution judiciaire : quels actes précis doivent être jugés, sachant que des centaines de tweets – de preuves – ont été détruits ? Qui doit être jugé, sachant que les harceleurs présumés ont souvent agi en « raids » ? Et d’abord, à qui revient-il de juger l’affaire ?

    Car ici, rien n’est simple. Pénalement, les actes de harcèlement, qui ont, pour la plupart, eu lieu entre 2008 et 2011, sont prescrits. Selon la loi du 28 février 2017 (lire ici), les victimes peuvent en effet déposer plainte dans un délai de six ans après la survenue des faits. Trop tard, donc. « Normalement, la question de la prescription pénale se pose à l’issue d’une enquête : exceptionnellement, le procureur peut quand même décider d’enquêter malgré une apparente prescription si les faits sont particulièrement graves et que la question de faits de nature criminelle se pose. Mais puisqu’il ne s’agit là que d’une affaire délictuelle, elle ne sera probablement jamais portée sur le terrain pénal », confirme Éric Morain, qui a été l’avocat de la journaliste Nadia Daam, victime en 2017 d’une campagne de harcèlement émanant d’un forum pour 18-25 ans du site jeuxvideo.com.

    © Reuters. © Reuters.

    Impossible de porter devant un tribunal les actes commis par les membres de la Ligue du LOL ? « Il est pourtant primordial que la justice s’en empare, estime Éric Morain. D’abord, parce que l’affaire ne doit pas se solder par un tribunal populaire sur les réseaux sociaux où une meute répondrait à une autre meute. Ensuite, parce que la société est amnésique, et qu’il ne faut pas que, dans quelques années, tout le monde ait oublié. » Enfin, et ce n’est pas un petit sujet : sans justice, pas de possibilité de reconnaissance des victimes, ni de possibilité de rédemption des coupables…

    Faute de procédure au pénal, Éric Morain réfléchit désormais au moyen d’assigner les responsables au civil. « Tout cela est en chantier », glisse-t-il à Mediapart, soulignant la difficulté des affaires de harcèlement (notamment sexuel), où les victimes doivent généralement entreprendre un long travail sur elles-mêmes avant de se sentir légitimes à passer à l’action judiciaire. De son côté, SOS Racisme a procédé, lundi 11 février, à un signalement auprès du parquet de Paris, afin qu’une enquête préliminaire soit ouverte.

    En attendant, la colère monte dans l’opinion : depuis une semaine, la twittosphère n’en finit plus d’exhumer les tweets des harceleurs présumés de la Ligue du LOL. Les témoignages glaçants ont envahi la presse, qui commence à enquêter sérieusement sur ces cas exposés au grand jour. Plus la société découvre l’étendue de l’affaire, plus la demande sociale est forte de punir les coupables.

    Résultat, comme dans un jeu de dominos, les employeurs des membres de la Ligue du LOL – pour la plupart des journalistes, communicants, développeurs ou graphistes exerçant au sein d’entreprises ayant pignon sur rue – se retrouvent en première ligne. À Télérama, Slate.fr, Publicis, Libération ou la mairie de Paris, les dirigeants et les ressources humaines se voient contraints, bon gré mal gré, de gérer la délicate question des sanctions. Un vrai casse-tête.

    Car sur quel motif sanctionner un salarié quand les faits n’ont pas été commis sur le lieu de travail, qu’ils remontent pour certains à une période antérieure à leur embauche ou qu’ils entrent dans une « zone grise », coincée entre le droit et la morale ? « Si les actes n’ont pas été commis sur le lieu de travail, le champ disciplinaire est à oublier », souligne Isabelle Taraud, avocate en droit du travail.

    Il y a aussi l’épineux problème de ceux qui ont été membres de la Ligue du LOL mais qui ne sont, pour l’heure, pas accusés de harcèlement à proprement parler. C’est par exemple le cas du journaliste de Télérama Olivier Tesquet : « La liste de “membres présumés” partagée anonymement sur le site Pastebin a contribué à aplanir les responsabilités, laissant croire qu’un groupe Facebook était une société secrète à l’intérieur de laquelle chacun est comptable des actions de tous les autres, explique-t-il à Mediapart. Je suis soulagé que le travail d’enquête vienne clarifier les choses, mais j’aurais préféré qu’il intervienne en amont. »

    Pour l’instant, l’intéressé a été reçu pour un entretien par la direction de Télérama, qui souhaitait en savoir plus sur son implication. Un entretien formel avec les ressources humaines est prévu la semaine prochaine : « À ce jour, personne ne nous a rapportés un tweet défaillant. Et d’ailleurs, Olivier, qui a présenté des excuses publiques, n’a supprimé aucun tweet », indique Catherine Sueur, du directoire de Télérama, qui ajoute qu’à l’automne, une enquête sur le harcèlement sexuel a été lancée au sein du groupe dans l’idée de mettre en place un plan d’action.
    « Nous sommes tombés de notre chaise »

    Plus fondamentalement, l’affaire pose un problème central : est-il vraiment du ressort de l’entreprise de sanctionner les personnes ayant participé, de près ou de loin, aux agissements de la Ligue du LOL ? « Cette affaire est complexe, car elle relève de faits qui ont eu lieu hors de l’entreprise, explique Judith Krivine, avocate spécialisée en droit du travail. Je vais le dire de manière abrupte, mais un mari qui bat sa femme ne peut pas être licencié pour cela. Ou alors, il faudrait démontrer que cela a un effet dans le cadre de son contrat de travail. »

    © Reuters. © Reuters.

    Un dirigeant de journal fait part, en off, de son malaise : « Vu le contexte de curée médiatique, c’est un discours qui est difficile à entendre en ce moment, mais ces salariés ont aussi droit au respect du droit du travail. C’est une question d’humanité, mais aussi une question juridique : il ne faudrait pas que ça finisse aux prud’hommes et qu’on se retrouve à payer 200 000 euros de dommages et intérêts. »

    Le collègue de l’un des hommes impliqués confie lui aussi sa perplexité : « Ce que les gens de la Ligue ont fait est immonde, mais mon collègue est au fond du trou : la pendaison en place publique qui a lieu en ce moment sur les réseaux sociaux, ce n’est pas acceptable, il faut garder la tête froide. Surtout que le cyberharcèlement n’est pas l’apanage de la Ligue du LOL. J’ai vu tourner des choses horribles dont personne ne parle. Et pendant ce temps-là, certains sont bannis sans autre forme de procès, et sans espoir de pouvoir se racheter. »

    Pour l’heure, chacun au sein des directions d’entreprise a trouvé ses propres réponses – en fonction des statuts, des types de contrats, etc. À la mairie de Paris, Julien Verkest, développeur web, et Gautier Gevrey, graphiste, tous deux membres de la Ligue et auteurs notamment de tweets antisémites (lire notre enquête ici), ont été convoqués, l’un après l’autre, en début de semaine, par l’adjoint à la direction de la communication au sein de laquelle ils travaillent.

    Ces deux agents administratifs municipaux seront reçus dans une dizaine de jours par la direction des ressources humaines, qui a été saisie « sur des bases légales ». Ensuite, seront déclenchées, ou non, des mesures administratives. « Ces deux agents travaillent en back office, dans les services, et ne sont pas “visibles” du grand public, du coup, leur présence ne porte pas atteinte à l’image de la mairie de Paris, justifie une source proche de la Ville de Paris quand on s’étonne de la lenteur du processus. Par ailleurs, à ce stade, les ressources humaines n’ont pas de lecture juridique de l’affaire. »

    Chez Slate.fr, site d’information ayant pourtant vu défiler en son sein ces dernières années bon nombre de journalistes membres de la Ligue, aucune sanction n’a pour l’instant été prise. Au risque pour le journal de se montrer d’un laxisme coupable aux yeux du grand public ? « Les explications détaillées que Christophe Carron [rédacteur en chef de Slate et ancien membre de la Ligue du LOL – ndlr] nous a fournies nous ont convaincus de son absence d’implication personnelle dans des actes répréhensibles ou contraires à nos valeurs », rétorquent, dans une tribune, Jean-Marie Colombani, président de Slate, et Marc Sillam, son directeur général.

    Libération, en revanche, a décidé immédiatement la « mise à pied à titre conservatoire » du chef adjoint au Web Alexandre Hervaud et de Vincent Glad, fondateur de la Ligue, qui officiait en tant que pigiste. Le quotidien a lancé une enquête interne, au terme de laquelle la direction décidera d’éventuelles sanctions.

    Publicis Consultants, où (personne anonymisée le 24/06/2022 à sa demande), accusé d’avoir harcelé plusieurs personnes, travaille en CDI depuis 2011, a décidé de la mise à pied immédiate de ce collaborateur, qui avait rejoint la Ligue en 2010. « Avec l’article de Libération [publié le 8 février – ndlr], nous sommes tombés de notre chaise », raconte un membre de la direction. Une enquête est lancée au sein de l’agence pour savoir si des faits de harcèlement – sur les réseaux sociaux et dans la vie réelle – ont eu lieu au sein de l’entreprise. « Pour l’instant, il semble que rien ne ressorte, mais nous verrons bien. Par ailleurs, le service juridique du groupe est en train de travailler sur le sujet. »

    Quel sera le sort réservé aux salariés : licenciement, rupture conventionnelle, blâmes ? Pour l’instant, le mystère demeure. Isabelle Taraud rappelle que les affaires mettant en cause des comportements de salariés sur Facebook ne sont pas nouvelles, et qu’il existe de la jurisprudence en la matière. « Si l’entreprise veut se séparer de son salarié pour des faits problématiques qui ont eu lieu en dehors de sa vie professionnelle, il faut qu’il y ait eu un “trouble objectif porté au bon fonctionnement de l’entreprise”, explique l’avocate, qui prend pour exemple la perte par un salarié de son permis de conduire. L’enjeu, pour les employeurs, consiste à le démontrer dans la lettre de rupture. Mais évidemment, on ne peut pas s’en tenir à la rumeur, il faut que les faits soient prouvés. » Et ce n’est pas le plus simple.

    #harcelement #discrimination #justice #sanctions #licenciement #liguedulol

    • Je viens de recevoir un mail d’une personne mise en cause dans cet article qui me dit qu’il a perdu deux emplois a cause de sa réputation autour de cette affaire de la ligue du LOL :

      "Si je ne remets pas en cause le droit à la liberté d’expression et d’information, je souhaite mettre en avant les éléments suivants à l’appui de ma demande. En effet, conformément aux critères dégagés par la jurisprudence européenne et par la CNIL, je considère que ce droit à l’information doit être mis en balance au regard des éléments suivants :

      – Je ne suis pas une personne publique. Je ne joue pas et n’ai jamais joué aucun rôle dans la vie publique ; j’ai exercé les professions de publicitaire et de consultant en communication, et n’ai jamais participé à la vie politique ou médiatique ;

      – L’article mentionné date de plus de trois ans et quatre mois, et ne concernent plus aucune actualité susceptible d’intéresser le public, le maintien de mes nom et prénom dans cette publication continue néanmoins de me stigmatiser et me porte un grand préjudice, sans toutefois avoir un intérêt prépondérant pour le public ;

      – Je n’ai jamais été condamné par la justice et je n’ai jamais fait l’objet d’aucun dépôt de plainte.

      Dans ce cadre, et comme mentionné ci-dessus, le préjudice que me porte le maintien de mes noms et prénoms sur cette URL est selon moi supérieur à l’intérêt du public à avoir accès à cette information, plus de dix ans après des faits qui n’ont fait l’objet d’aucune poursuite.

      Les journalistes d’Europe 1, Radio France, du Journal du Dimanche, d’Europe1, Numerama, de Marie-Claire, de La Croix, de Slate et du Figaro ont répondu positivement à ma demande et consenti à anonymiser mon prénom et mon nom dans leurs articles.

      Or je n’ai plus acces à mon compte madmeg sur seenthis car j’ai mis un faux mail et je ne me souviens plus de mes mots de passe. @b_b Je croi que c’est toi qui m’avais deja aidé une fois precedente pour que je recupère mon compte. Est-ce que tu pourrais m’aider encore une fois stp.

  • Etudiant·e·s en journalisme, nous demandons des mesures contre le harcèlement dans la profession
    Par Un collectif d’étudiant·e·s en formation de journalisme, (Celsa, CFJ, CFPJ, Cuej, EDJ Sciences Po, EJCAM, EJDG, EJT, EPJT, ESJ Lille, IFP, IJBA, IPJ Paris-Dauphine, IUT de Cannes, IUT de Lannion et master de journalisme de Gennevilliers)

    https://www.liberation.fr/debats/2019/02/14/etudiantes-en-journalisme-nous-demandons-des-mesures-contre-le-harcelemen

    Etudiant·e·s en journalisme, nous sommes indigné·e·s par les agissements du groupe connu sous le nom de « la Ligue du LOL ». Bientôt, nous travaillerons pour des rédactions telles que Libération, Vice, les Inrocks, Slate et bien d’autres. Nous avions déjà conscience de la récurrence du harcèlement dans de nombreux milieux professionnels, dont le nôtre. Mais nous sommes inquièt·e·s de voir que les journalistes mis·es en cause sont pour la plupart arrivé·e·s à des postes à responsabilités. La reproduction au sein même des rédactions de mécanismes de domination et d’humiliation régulièrement dénoncés par notre profession nous est insupportable.

    Nous ne pouvons accepter de faire nos premiers pas de journalistes dans ces conditions. De nombreux milieux professionnels, dont le journalisme, ont amorcé un processus d’autocritique. Cette introspection doit continuer afin d’enrayer l’omerta qui a permis à cette affaire de rester dans l’ombre. Nous nous engageons à faire preuve d’intransigeance envers les violences sexistes, homophobes, transphobes, grossophobes, antisémites, islamophobes, racistes.

    Nous appelons également les rédactions et les écoles de journalisme à renforcer les dispositifs de lutte contre les discriminations de toutes sortes. Une meilleure représentation des femmes et des groupes minorés dans les instances dirigeantes des médias nous paraît indispensable. Depuis 2015, le taux de cartes de presse de directeurs attribuées à des femmes n’est passé que de 21 à 26 %, alors qu’elles représentent aujourd’hui 47 % des titulaires de carte de presse selon la CCIJP. Cette évolution, qui va dans le bon sens, est encore trop lente.

    Nous avons conscience que ces dérives commencent dès l’école, c’est pourquoi nous proposons les mesures suivantes. Une règle de parité devrait s’appliquer aux enseignant·e·s et aux intervenant·e·s de toutes les écoles de journalisme. Nous demandons également aux directions de mettre en place des formations au traitement journalistique des discriminations de genre, d’orientation sexuelle ou de race. Nous appelons aussi à renforcer les chartes et règlements intérieurs des différentes écoles afin d’y inclure des mesures pour prévenir et agir contre toute forme de harcèlement, d’intimidation et protéger les victimes.

    Les rédactions françaises manquent cruellement de diversité, et les dispositifs mis en place par nos écoles peinent à lutter contre cet entre-soi. Nous demandons donc que les offres de stage ou d’emploi journalistiques soient publiques et que les recrutements se fassent en lien direct avec les directions des ressources humaines. Ce premier pas permettrait de lutter plus concrètement contre la cooptation et le réseautage, des mécanismes d’embauche prépondérants dans notre profession.

    Ensemble, nous nous engageons à agir pour encourager le changement. Nous n’avons pas vocation à représenter tou·te·s les étudiant·e·s en école de journalisme, mais souhaitons créer une solidarité forte au sein de notre profession. Serrons-nous les coudes, soyons solidaires.

    #harcèlement #liguedulol #sexisme #racisme #homophobie #transphobie #discrimination #tribune #fac #université

  • Victime de propos sexistes d’un sénateur RN, l’élue marseillaise Lydia Frentzel harcelée sur Internet
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/14/victime-de-propos-sexistes-d-un-senateur-rn-l-elue-marseillaise-lydia-frentz

    Caricaturée en poupée gonflable, insultée sur les réseaux sociaux, traitée de « constipée aux discours de vierge effarouchée » par le site d’extrême droite Riposte laïque, l’élue marseillaise Lydia Frentzel (Europe Ecologie-Les Verts) subit, depuis quelques jours, une vague de harcèlement sexiste. Une conséquence directe de sa plainte déposée contre le sénateur Rassemblement national (RN) Stéphane Ravier pour injure publique à caractère sexiste.

    Lundi 4 février, dans les derniers moments d’un conseil municipal de Marseille qui avait retrouvé tous ses excès trois mois seulement après le traumatisme des effondrements de la rue d’Aubagne, Mme Frentzel prend la parole. Chahutée par les élus RN, M. Ravier en tête, elle promet alors de retrouver le sénateur sur le terrain « dans les 13e et 14e arrondissements » où il est élu. A haute voix, depuis l’autre bout de l’hémicycle, celui-ci répond, goguenard : « Toujours au même hôtel, à la même heure ? » La remarque provoque alors un long incident de séance, durant lequel Mme Frentzel, choquée, traite son adversaire de « goujat », puis de « merde ». Le maire Les Républicains Jean-Claude Gaudin, après avoir ri de l’échange entre ses opposants et ajouté une remarque personnelle – « En tout cas, ce n’est pas dans mon bureau » –, finit par prononcer un « rappel à l’ordre » à l’encontre de M. Ravier et lui demande de retirer ses propos. Ce que le sénateur, déjà parti, ne fera pas, évoquant face aux caméras de l’émission « Quotidien » « un trait d’humour qui a beaucoup fait rire ».
    Stéphane Ravier refuse la confrontation

    Lydia Frentzel a choisi comme conseil Tewfik Bouzenoune, qui défend également Cécile Duflot, victime de Tweet d’insultes depuis son témoignage au procès des journalistes poursuivis par Denis Baupin. L’avocat a déposé plainte le 5 février pour « injures publiques sexistes » et envisage désormais de lancer une seconde procédure pour harcèlement. « Mme Frentzel est la cible sur Internet de tous les trolls d’extrême droite qui la harcèlent en soutien à M. Ravier », assure-t-il. Le site Riposte laïque, notamment, a publié trois articles très virulents à l’encontre de l’élue, dont l’un, qui la qualifie de « nouvelle copine de Schiappa », est illustré par une photo de poupée gonflable.

    « On ne va peut-être pas faire une police de la blague de mauvais goût »,
    a estimé Mme Le Pen

    « C’est immonde. Et il y a eu une deuxième vague après l’interview de Marine Le Pen sur France Inter », déplore Lydia Frentzel, qui ne cache pas son dégoût. Lundi 11, la présidente du RN, interrogée sur l’incident, a qualifié les propos de M. Ravier de « blague ». « On peut trouver que c’était une blague de mauvais goût mais on ne va peut-être pas faire une police de la blague de mauvais goût », a estimé Mme Le Pen.

    « Je trouve désastreux qu’une femme, dirigeante d’un parti, parle d’une mauvaise blague. Mme Le Pen a tort et l’actualité le prouve », rétorque Me Bouzenoune, faisant notamment allusion aux accusations portées contre Denis Baupin et à l’affaire de la Ligue du LOL. « Si le parquet ne le poursuit pas, nous nous porterons partie civile contre M. Ravier. Mme Frentzel n’a rien demandé, elle est victime du buzz que l’incident a provoqué. »

    Le 12 février, Lydia Frentzel et Stéphane Ravier ont tous deux été convoqués au commissariat du 2e arrondissement de Marseille en vue d’une confrontation, qui n’aura finalement pas lieu. Présente à 15 heures, l’élue écologiste s’est vu signifier que le sénateur, également dans les bureaux, avait refusé cette confrontation.

    Joint par Le Monde, Stéphane Ravier n’a pas souhaité commenter les évolutions de l’affaire, ni son refus d’être confronté à Mme Frentzel. Selon son attaché parlementaire, le sénateur des Bouches-du-Rhône n’a pas l’intention de « s’excuser pour une blague politique ». La même source précise que M. Ravier ne devrait finalement pas porter plainte contre l’élue EELV, comme il l’avait pourtant annoncé dès sa sortie de l’hémicycle.

    Gilles Rof (Marseille, correspondant)

  • Harcèlement : l’onde de choc dans les écoles de journalisme après l’affaire de la Ligue du LOL
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/15/harcelement-l-onde-de-choc-dans-les-ecoles-de-journalisme-apres-l-affaire-de

    Depuis quelques jours, à la suite des révélations sur l’existence d’un cyberharcèlement mené par des trentenaires issus des médias et de la communication, la parole se libère au sein des écoles de journalisme. A l’ESJ Lille tout d’abord, l’une des plus renommées et surtout celle dont est issu le fondateur du groupe informel la Ligue du LOL, Vincent Glad. L’incident était jusqu’ici resté entre les murs de l’école. Il s’est déroulé en septembre 2017, peu avant la déflagration #metoo. Dans un amphithéâtre bondé de l’ESJ, Sandrine Rousseau, une des quatre élues écologistes qui avaient accusé publiquement l’année précédente Denis Baupin de harcèlement et d’agressions sexuels, intervient devant une cinquantaine d’étudiants sur les stéréotypes de genre dans les médias.

    Elle en garde un souvenir cuisant. Un petit groupe de jeunes hommes, dans le style « boy’s club », ne cesse de marquer sa désapprobation par des « moqueries, des rires, des choses vraiment désagréables », témoigne Sandrine Rousseau. « Si la fille est bourrée, on peut quand même en profiter ! », lance l’un d’eux. Un sentiment de malaise s’installe, selon les témoignages recueillis par Le Monde. Alors qu’elle évoque en fin d’intervention les titres de presse employant l’expression « crime passionnel », lorsqu’il s’agit de meurtre ou d’assassinat, elle est interpellée sur la sincérité de son combat.

    Sur le moment, elle n’a pas trouvé les mots, finissant par claquer la porte. Dès le lendemain, elle les a couchés dans une lettre aux « étudiant.e.s » : elle s’attendait à un « débat sur l’ampleur des violences faites aux femmes et les ressorts sociaux de ces violences, pas un procès en starification ou en cupidité ». « La Ligue du LOL ne m’a pas étonnée, lorsque c’est sorti », dit-elle aujourd’hui. Une étudiante présente ne comprend toujours pas ce moment. « J’ai eu honte, mais en même temps cela ne correspond pas à ce que nous sommes au quotidien. Notre promotion n’est pas qu’un petit groupe de mecs machos », observe-t-elle, sous le couvert de l’anonymat. D’ailleurs, certaines étudiantes ont envoyé à titre personnel un mail d’excuse à Sandrine Rousseau.

    C’est fantastique de voire que c’est des étudiant E s qui s’excusent !

  • Ligue du LOL : aux racines d’une affaire de harcèlement qui secoue les médias français
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/14/ligue-du-lol-aux-racines-d-une-affaire-de-harcelement-qui-secoue-les-medias-

    Sur Twitter, les récits des méfaits de certains des membres de cette Ligue du LOL se multiplient ces derniers jours. Des « stars » auxquelles il était impensable de s’opposer, sous peine d’excommunication. Ils se veulent décalés et assument être des « trolls » – à l’époque, en 2010, quatre ans après la création de Twitter, on ne parle pas encore de « harceleurs ».

    Leurs victimes les décrivent comme arrogants, blessants et attaquant « en meute ». Celles et ceux qui ne leur plaisent pas subissent une vindicte numérique, des « raids » hostiles. Une ancienne blogueuse, Capucine Piot, raconte par le menu un « travail de démolition quotidien ». Des piques sur son physique, sur le moindre de ses Tweet.

    Une blogueuse féministe, Daria Marx, témoigne des attaques reçues lorsqu’elle a lancé une cagnotte pour acquérir un scooter. Son numéro de téléphone a été mis sur Leboncoin.fr, au bas d’une annonce de vente de scooter. « Les gens m’appelaient et me demandaient si je vendais mon scooter, en m’appelant “Madame Grosse”, le nom renseigné dans l’annonce », explique-t-elle. Elle a aussi eu droit à un photomontage pornographique avec sa tête. Stephen des Aulnois a, depuis, reconnu en être l’auteur.

    Les membres de la Ligue du LOL sont également accusés d’avoir commis des canulars cruels et anonymes. De grandes zones d’ombre persistent, dix ans après, entretenues par l’utilisation de comptes communs, de faux profils et le talent de dissimulation des membres du groupe. Et les aveux se font au compte-gouttes.

    David Doucet a reconnu avoir usurpé l’identité du producteur d’une émission de télévision très en vue auprès d’une jeune chroniqueuse scientifique, Florence Porcel. Il lui a proposé du travail pour mieux l’humilier ensuite en diffusant l’enregistrement du canular, effacé depuis, après que l’affaire a éclaté.

    « Ils avaient une envie de nuire sans limites », se souvient Martin Médus, un blogueur harcelé. En 2012, l’un des « loleurs » publie une photo retouchée de ce petit-fils de déportée. Le jeune homme apparaît avec une croix gammée sur le torse. « Ils s’en prenaient à tout le monde : aux hommes, aux femmes, aux juifs, aux autres, peu importe, se souvient la photographe Laurence Guenoun. Ils trouvaient une aspérité, et pour peu que la personne ait un peu de notoriété, ils lui sautaient dessus. Ils étaient organisés. C’était leur terrain de jeu. »

    Le retour de bâton est brutal pour ceux qui se présentaient comme des défenseurs du LOL. De l’anglais laughing out loud, « rire aux éclats », l’acronyme recouvre toute une culture, empruntée aux forums américains, aux mèmes – ces images détournées et réutilisées à l’infini – et aux communautés anonymes comme 4chan, célèbre pour son univers malsain. Au sein de la Ligue du LOL prédominait le sentiment que l’Internet leur appartenait.
    Une aristocratie des « early adopters »

    Au début des années 2010, le journalisme numérique tâtonne, entre budgets fragiles et notoriété à construire. Nombre de médias traditionnels tentent de s’adapter à un « Web 2.0 » qui se veut participatif. De ce décor en plein bouleversement émerge le fantasme d’ une aristocratie des early adopters, ceux qui ont usé des potentialités des nouvelles technologies avant les autres .

    « La génération des 30-40 ans a été bloquée par les soixante-huitards. Nous n’avons pas d’aînés dans la profession. Personne pour nous défendre, personne à imiter. Nous créons un nouveau métier », déclare Vincent Glad, cité dans « Les forçats de l’info », un article publié dans Le Monde en mai 2009.

    #Ligue_LOL #Cyberharcèlement

  • « La Ligue du LOL pourrait être notre affaire Weinstein »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/02/15/la-ligue-du-lol-pourrait-etre-notre-affaire-weinstein_5423700_3232.html

    Il aura donc fallu attendre une bonne année pour que l’affaire Harvey Weinstein éclabousse la France. Il aura fallu un article de Libération, publié le 8 février, pour apprendre qu’une trentaine de membres d’un groupe nommé Ligue du LOL, baignant dans la culture numérique et les réseaux sociaux, souvent journalistes, pour la plupart des hommes, se sont livrés à du harcèlement, le plus souvent contre des femmes, entre 2009 et 2012. Et la déflagration est énorme.

    Sans Weinstein, il n’y aurait sans doute pas d’affaire de la Ligue du LOL. Et cette dernière pourrait être notre affaire Weinstein. « Un #meetoo à la française », jugent plusieurs titres de la presse étrangère.

    A la manière du « dîner de cons », certains chassent en meute, en « boys club », comme il y eut la vogue des « boys band » musicaux, et cisèlent des phrases-chocs (punchlines), sur le modèle du stand-up au théâtre ou de la sitcom télévisuelle. Ils manient le photomontage porno, le canular téléphonique, créent des petites performances tyranniques. Bref, c’est bien une nouvelle culture.

    Un membre de la Ligue du LOL a dit : « On trouvait ça cool. » Ce cool a broyé des femmes, il s’est traduit en haine, moqueries, injures et humiliations en tous genres, notamment sur le physique, provoquant douleurs ou dépressions.

    Ce qui mène à ceci. Pour Weinstein comme pour la Ligue du LOL, le harcèlement n’est pas une spécialité culturelle ou médiatique, mais un attribut du pouvoir. Leurs auteurs tiennent une place et ils en abusent. En revanche, le combat à mener pour y remédier est culturel. Aussi, comme après le grand déballage qui a suivi Weinstein, nul ne sait jusqu’où va aller l’affaire de la Ligue du LOL. Pour l’instant, l’émoi est fort dans le monde de la presse et des écoles de journalisme. Mais il pourrait s’étendre ailleurs dans la société.

    #Ligue_LOL #Cyberharcèlement

  • Faire Genres !
    http://www.radiopanik.org/emissions/les-promesses-de-l-aube/faire-genres--7

    Faire Genres ! glisse ses pieds dans les pantoufles des Promesses de l’Aube et vous propose une matinale antipatriarcale, queer et féministe.

    Au programme de ce vendredi, un focus sur La Ligue du LOL, des podcasts ad hoc, l’écriture inclusive, Ovidie et l’anus non genré, l’enseignement des filles et les travaux d’aiguilles, Monique Wittig et l’agenda !

    Musiques :

    Chris Garneau - La plus belle pour aller danser

    Exotica - Dilka Tamay Huay

    Camille - My man is married but not to me

    Vidéoclub - Amour plastique

    http://www.radiopanik.org/media/sounds/les-promesses-de-l-aube/faire-genres--7_06195__1.mp3

  • L’étouffante homogénéité – johannaluyssen – Medium

    https://medium.com/@johannaluyssen/l%C3%A9touffante-homog%C3%A9n%C3%A9it%C3%A9-fc0bbe3285a4

    Depuis les révélations des infâmes pratiques de la « #Ligue_du_LOL », ce boys’ club ayant harcelé pendant des années principalement des femmes, des personnes LGBT ou des personnes racisées, je me pose des questions.
    La première concerne mon statut d’expatriée : la « Ligue du LOL » pourrait-elle exister en Allemagne ?

    Il me semble que non.

    Le harcèlement et le sexisme existent ici aussi, évidemment.

    Seulement, l’écosystème dans lequel cette histoire s’est déroulée est très français.

    #culture_du_viol #harcèlement #harcèlement_sexuel

  • « #Ligue_du_LOL » : les mécanismes de l’effet de meute
    https://www.franceculture.fr/sociologie/ligue-du-lol-les-mecanismes-de-leffet-de-meute

    Depuis jeudi 8 février, un article de la rubrique Checknews, chez Libération, a dévoilé l’existence de la « Ligue du LOL », un groupe Facebook très actif entre 2009 et 2012 regroupant une trentaine d’utilisateurs populaires sur les réseaux sociaux. De nombreux témoignages ont mis à jour des campagnes de cyber-harcèlement envers des femmes et des minorités (origine ethnique, orientation sexuelle…) menées à l’époque par des membres de ce groupe, et auxquelles auraient participé plusieurs journalistes ayant évolué depuis au sein des rédactions parisiennes. Parmi eux, Alexandre Hervaud et Vincent Glad (fondateur du groupe), aujourd’hui mis à pied par Libération, David Doucet, des Inrocks, Guilhem Malissen, avec qui Nouvelles Ecoutes a suspendu sa collaboration, ou encore Stephen des Aulnois, rédacteur en chef et fondateur du Tag parfait, qui a annoncé quitter son poste… pour ne citer qu’eux.

    Après des années sans compte Twitter, je sors du silence pour un thread sur la #liguedulol dont j’ai aussi été victime. Explications.
    — capucine piot (@capucinepiot2) February 8, 2019

    Alors que le hashtag #LigueduLol remontait en tendance ce week-end, les « excuses » des anciens membres de ce groupe ont posé la question de leur responsabilité. L’un d’eux, Baptiste Fluzin, directeur de création ayant admis avoir harcelé de nombreuses personnes dans un billet d’excuses publié sur Linkedin, précisait que « rien ne justifiait [ce] comportement de meute ». Décryptage de ces mécanismes de groupe toxiques avec le professeur de psychologie sociale Laurent Bègue, auteur de Psychologie du bien et du mal (Odile Jacob, 2011) :

  • La #Ligue_du_LOL était aussi une machine à broyer des femmes - Politique - Numerama

    https://www.numerama.com/politique/463806-la-ligue-du-lol-etait-aussi-une-machine-a-broyer-des-femmes.html

    [Enquête Numerama] Il y a dix ans, être une femme ciblée par la Ligue du LOL revenait à mettre le doigt dans un engrenage bien particulier. Influence, pouvoir, harcèlement et photos intimes volées : de nouveaux témoignages recueillis par Numerama montrent l’étendue d’un système où des femmes, volontaires ou non, étaient tour à tour convoitées, dénigrées, moquées, harcelées.

    Depuis la publication d’un article de Libération les accusant de cyberharcèlement le 8 février 2019, plusieurs membres de la « Ligue du LOL » ont publié des explications ou des excuses en ligne. La Ligue du LOL était le nom d’un groupe Facebook, créé par le journaliste Vincent Glad, qui rassemblait une trentaine de journalistes, communicants, blogueurs, et qui a harcelé en ligne de nombreux internautes francophones.

  • La #Ligue_du_LOL était aussi une machine à broyer des femmes

    Il y a dix ans, être une femme ciblée par la Ligue du LOL revenait à mettre le doigt dans un engrenage bien particulier. Influence, pouvoir, harcèlement et photos intimes volées : de nouveaux #témoignages recueillis par Numerama montrent l’étendue d’un système où des #femmes, volontaires ou non, étaient tour à tour convoitées, dénigrées, moquées, harcelées.

    https://www.numerama.com/politique/463806-la-ligue-du-lol-etait-aussi-une-machine-a-broyer-des-femmes.html

  • L’ESJ Lille ouvre une enquête interne après des « chants homophobes » d’étudiants AFP - 13 Février 2019 - Le Figaro
    http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2019/02/13/97001-20190213FILWWW00139-l-esj-lille-ouvre-une-enquete-interne-suite-a-des

    L’École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille a ouvert une enquête interne suite à des « chants homophobes » et « discriminants » intervenus en février 2018, lors d’un tournoi de football inter-écoles organisé par les étudiants, a appris l’AFP aujourd’hui auprès de la direction.

    Hier, alors que les élèves évoquaient, en cours, l’affaire de cyberharcèlement sur les réseaux sociaux du groupe « Ligue du LOL » et les discriminations au sein des rédactions, « des étudiants nous ont fait remonter qu’il y avait eu des propos anormaux, à l’extérieur de l’école, dans un bus » qui les menait à Strasbourg à l’occasion du tournoi de football inter-écoles de février 2018, a expliqué à l’AFP le directeur de l’ESJ, Pierre Savary.

    Chaque année, les bureaux des élèves organisent le temps d’un week-end cette compétition entre les 14 écoles reconnues par la profession, les étudiants se retrouvant dans la ville de l’équipe victorieuse l’année précédente. « Des étudiants nous ont indiqué avoir été choqués par des chants homophobes, discriminants, chantés par un groupe d’élèves » et « nous ont expliqué que, quand ils avaient demandé à ce que ces chants s’arrêtent, on les avait envoyé balader », a précisé Pierre Savary.

    « Nous avons encore peu de détails » mais « il semble qu’on soit dans un phénomène collectif, très ponctuel, d’étudiants enivrés et qui se comportent comme des supporteurs de sport », a-t-il ajouté, sans viser d’élèves en particulier. « Si les faits sont confirmés, ils sont graves, peuvent être répréhensibles et ne seront pas tolérés », car « même dans un tournoi inter-écoles, les étudiants se doivent d’être exemplaires, de défendre les valeurs de respect, de tolérance, que doit avoir un journaliste », a affirmé le directeur.

    L’enquête interne devra permettre de déterminer « la teneur exacte des propos et les circonstances » pour envisager « des sanctions ». « On a subi des chants sexistes-racistes-homophobes-négationnistes. Réponse, quand on a osé se plaindre : On n’est pas ici pour faire du politiquement correct (...) Sans parler de harcèlement, ces chants sont révélateurs de certains discours et de certaines mentalités. S’ils sont présents dans les écoles de journalisme, ce n’est pas étonnant qu’on se retrouve avec des histoires comme la #LigueDuLol des années après dans les rédactions », avait dénoncé dimanche sur Twitter un étudiant de l’ESJ. « Je pense que ceux qui ont chanté, entraînés par l’effet de groupe, ne se rendaient pas compte de la portée des mots » mais « en parler entre nous a provoqué une prise de conscience » et « c’est important, car en tant que futur journaliste, on a un rôle à jouer là-dessus », juge un élève de la promotion, interrogé par l’AFP.

    #homophobie #racisme #discriminations #médias #lol #liguedulol #ligue_lol #harcèlement #ligue_du_lol #masculinisme #cyberharcèlement #sexisme #école_supérieure_de_journalisme #académie_esj_lille #Lille

    • Démission de tous les directeurs des écoles de journalisme.
      Pour commencer.
      Et puis intéressant le pauvre naze qui argumente de la meute pour justifier et qui a besoin « d’en parler » pour prendre conscience.
      Les journalistes, c’est pas les mots leur fond de commerce ?
      Ils chantent mais ne comprennent pas ce qu’ils disent, contre les femmes, contre les Noirs, contre les Arabes, contre les LGBT+ et contre les Juifs (en niant la Shoah) ?
      Mais dégagez les gars, dégagez loin, loin du journalisme, loin des gens, barrez-vous en ermite. Et Jamais ne trouvez du boulot, des contrats. JAMAIS !

  • Oh, encore une loi pour « réguler » les réseaux sociaux en concevant des « règles de droit innovantes » avec… Facebook. Si c’est pas la définition du #peigne_cul, ça…

    Edouard Philippe annonce une loi pour réguler les contenus sur les réseaux sociaux "avant l’été"
    https://www.ozap.com/actu/edouard-philippe-annonce-une-loi-pour-reguler-les-contenus-sur-les-reseaux-sociaux-avant-l-ete/574697

    Après la loi anti-fake news, les réseaux sociaux toujours dans le viseur du gouvernement. Hier soir, depuis l’hôtel de Matignon, Edouard Philippe a tenu un discours inaugural lors de la première cérémonie de remise du prix Ilan Halimi, dédié notamment à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Au cours de ce discours, le chef du gouvernement a évoqué l’arrivée d’un nouveau dispositif de lutte contre les dérives observées sur les réseaux sociaux. « Nous allons lancer avec Facebook une expérimentation pour concevoir des règles de droit plus innovantes et plus adaptées afin de réguler les contenus sur les plateformes et les réseaux », a annoncé Edouard Philippe.

    Ah, donc, toujours cette même lubie de la responsabilité des intermédiaires techniques (« la vieille classification des éditeurs »… ?) et la censure privée, conneries qu’on en bouffe depuis 25 ans…

    « La consultation régulière de ces réseaux montre que le travail est devant nous (...) Notre objectif est d’inscrire les mesures nécessaires dans un texte législatif qui sera présenté avant l’été et de faire en sorte de ne pas s’arrêter à la vieille classification des éditeurs pour pouvoir effectivement obtenir des résultats et responsabiliser ceux qui n’ont pas le droit de ne dire qu’ils sont responsables de rien de ce qui est publié », a détaillé le Premier ministre. Reste à voir quels seront les contours de l’arsenal législatif à venir. Le rapport de 20 propositions sur la lutte contre la haine sur internet, commandé par Matignon dans le cadre de son deuxième plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme et remis par la député Laetitia Avia (LREM) en septembre dernier, semble tout désigné.

    Je signale à tout hasard que je n’ai pas 37,5 millions d’euros à dépenser sur Seenthis :

    Ce rapport propose notamment de s’aligner sur une loi allemande en obligeant les plateformes à retirer les publications signalées et qui apparaissent comme « manifestement » illégales dans un délai de vingt-quatre heures. Celui-ci serait ramené à seulement une heure pour les contenus à caractère terroriste. En cas de non-respect de cette disposition, les auteurs du rapport proposent une amende qui pourrait s’élever jusqu’à 37,5 millions d’euros. Ils préconisent également l’instauration d’un logo, qui serait commun à tous les réseaux sociaux et qui permettrait aux internautes de signaler la présence de contenus racistes.

    Et la très prévisible instrumentalisation de l’affaire de la « ligue du LOL », dont on sait pourtant très bien qui sont les acteurs, et lesquels d’entre eux sont désormais de respectables responsables dans de respectables journaux pas du tout anonymes…

    La question de l’anonymat pourrait aussi être un volet de la loi que prépare l’exécutif. Après l’éclatement de l’affaire de la « Ligue du LOL », Laetitia Avia s’est insurgée sur Twitter : « L’anonymat sur les réseaux sociaux encourage un sentiment d’impunité pour ceux qui s’autorisent à harceler, humilier et insulter ». « La loi contre la haine sur internet permettra de mieux lever cet anonymat lorsque ces délits sont commis » a-t-elle annoncé. Emmanuel Macron lui-même a fait connaître à plusieurs reprises sa position sur l’anonymat en ligne. Le 18 janvier dernier, à Souillac, le chef de l’État s’était dit favorable à « une levée progressive de toute forme d’anonymat (sur les plateformes) ».

    • Nous allons lancer avec Facebook une expérimentation pour concevoir des règles de droit plus innovantes et plus adaptées afin de réguler les contenus sur les plateformes et les réseaux

      Suis-je seul à devoir me frotter les yeux pour comprendre cette phrase ? Est-ce que si je la transpose dans un autre contexte c’est plus facile à comprendre ? Je vais essayer.

      Nous allons lancer avec Total une expérimentation pour concevoir des règles de droit plus innovantes et plus adaptées afin de réguler la pollution en mer

      Nous allons lancer avec la BNP une expérimentation pour concevoir des règles de droit plus innovantes et plus adaptées afin de réguler les marchés financiers

      Nous allons lancer avec la mafia une expérimentation pour concevoir des règles de droit plus innovantes et plus adaptées afin de réguler le commerce des stupéfiants.

  • Au Huffington Post, la dérive de la « Radio bière foot » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/120219/au-huffington-post-la-derive-de-la-radio-biere-foot?onglet=full

    La grande majorité des journalistes hommes du site étaient inscrits sur une boucle de messages où s’échangeaient des remarques à caractère sexiste, raciste ou homophobe. La direction a aussitôt décidé d’importantes sanctions disciplinaires.

    • C’est la dérive d’un entre-soi masculin, sûr de lui et finalement toxique. Avant même les dernières révélations sur la Ligue du Lol, plusieurs rédactions parisiennes ont été secouées par des affaires de boucles de mails entretenues par des hommes et polluées par des messages racistes, sexistes et/ou homophobes. C’est le cas de la rédaction de Vice, ainsi que l’a révélé L’Express, et de celle du Huffington Post.

      La déclinaison française du célèbre site américain, filiale du groupe Le Monde, a procédé en fin d’année dernière à trois licenciements et à de nombreuses mesures disciplinaires. En cause, selon des documents et des témoignages recueillis par Mediapart et déjà évoqués par CheckNews, une boucle Slack alimentée par la quasi-totalité des hommes de la rédaction, sur laquelle plusieurs d’entre eux ont publié des injures, des remarques sexistes, homophobes et racistes, et des informations personnelles sur certaines de leurs collègues.

      Une boucle Slack ou chan (une « chaîne ») est une messagerie interne qui peut se décliner en un nombre infini de groupes et de sous-groupes. En principe, ces boucles de messages servent à l’organisation du travail. Mais elles sont aussi utilisées à des fins récréatives, avec des groupes affinitaires (centres d’intérêt en commun, amitiés, etc.), aboutissant à un mélange entre les rapports professionnels et personnels et à un brouillage des frontières qui a mis le “HuffPost” dans une situation périlleuse.

      Plusieurs journalistes femmes ont en effet découvert au cours de l’été dernier que la « RBF », dont toutes connaissaient l’existence de longue date, avait violemment dérapé. La « RBF » (pour « Radio bière foot », en hommage aux Robins des Bois) a été créée il y a plusieurs années pour parler foot, s’envoyer des vidéos de but ou organiser des apéros devant des matchs.

      Mais la « RBF » a grossi au fil du temps, jusqu’à compter la quasi-totalité des hommes de la rédaction – à l’exception des principaux chefs, le directeur de la rédaction Paul Ackermann et le rédacteur en chef de l’époque Alexandre Phalippou, d’un chef de service perçu comme « vieille école », Geoffroy Clavel, et de deux rédacteurs identifiés comme homosexuels (et donc perçus comme peu sensibles au virilisme hétérosexuel).

      Selon les messages capturés au hasard par plusieurs personnes de la rédaction du HuffPost il y a quelques mois, les membres les plus actifs de la « RBF » lancent une conversation en disant : « je suis dispo pour bitcher sur quelqu’un si vous voulez » ; évoquent les motifs d’absence de leurs collègues femmes qu’ils encadrent parfois en tant que chefs de service ; parlent de collègues en utilisant les termes « bitch » (salope), « tasspé » (pétasse) et « putes », un mot qui vire parfois à l’obsession :

      capture-huff-02

      Cette conversation aboutira à la diffusion d’un émoji du Nord-Coréen Kim Jong-un avec du maquillage. Il vise l’une des journalistes métisses asiatiques, aujourd’hui partie du HuffPost. Dans un message raciste, la joueuse de tennis Serena Williams est traitée de « vigile trav » dont l’odeur doit « fouetter ».

      capture-d-e-cran-2019-02-12-a-13-24-56

      Les discussions sexualisées sont fréquentes. Exemples :

      capture-huff-01

      capture-huff-03

      « T’as 5 minutes pour une sodomie accidentelle ? », lance un chef de service dans une conversation portant sur un pot organisé par des stagiaires. Les remarques homophobes polluent le fil, notamment sur les lesbiennes – deux femmes journalistes sont surnommées « bouche à fesses » dans un message ; un gif porno de deux filles était parfois utilisé, se souvient un journaliste.

      Quand elles découvrent les messages, les femmes de la rédaction sont sous le choc. « Je crois que j’aurais préféré être insultée de “pute”, de “pupute”, de “casse-couilles”, de “pétasse”, de “bitch” en vrai, dans les yeux, plutôt que d’avoir des sourires hypocrites et d’être humiliée quotidiennement dans mon dos, dans le même open space que moi », explique l’une d’elles, sous le couvert de l’anonymat.

      Elle ajoute : « Je ne souhaite à personne, pas même à mon pire ennemi, de vivre cela. » Et : « On n’aime pas les “faibles”, c’est bien connu. Certains ont senti une “fragilité” chez moi, qui a ensuite été détournée à mon encontre pour m’enfoncer, me décrédibiliser. »

      Même plusieurs mois plus tard, toutes les personnes que nous avons interrogées, hormis la direction, ont requis l’anonymat. La peur, disent-elles, d’être jugées, critiquées, y compris en interne.

      Encore aujourd’hui, « c’est un peu dur à la rédaction », dit une autre journaliste. « C’est un enfer », dit une troisième. Ces derniers mois, plusieurs d’entre elles ont été en arrêt maladie ; d’autres, même parties, sont encore traumatisées. D’autant plus que la trentaine de journalistes se voyaient (globalement et à grands traits) comme progressistes, voire féministes, antiracistes, « ouverts », selon une expression entendue à plusieurs reprises.

      « Pour moi, on était une rédaction progressiste, confie le directeur de la rédaction Paul Ackermann. J’en ai eu le souffle coupé [en découvrant les messages – ndlr]. J’étais éberlué, et choqué sur le fond. »

      Avant que les femmes de la rédaction ne s’adressent à lui, Ackermann affirme n’avoir rien soupçonné. « Il y avait des rumeurs sur des slacks où les gens disaient du mal des autres… Mais à dire vrai, je croyais qu’ils ciblaient surtout les chefs… »

      La direction a tout découvert le 16 octobre 2018 quand, après plusieurs semaines, un collectif de femmes journalistes a décidé de s’ouvrir à elle. « Elles croyaient qu’on ne réagirait pas, raconte encore Ackermann. Ça aussi, ça a été un choc. D’autant qu’on voyait bien qu’elles avaient souffert gravement. »

      Aussitôt, la direction prend des mesures aussi sévères qu’exceptionnelles. Le président du directoire du groupe Le Monde, Louis Dreyfus, écrit dès le 17 octobre aux équipes du Huff’ : « De tels propos, dont la qualification pourrait confirmer qu’ils sont contraires à la loi, sont en tout état de cause contraires à l’ensemble des valeurs que nous portons et ne seront ni admis ni même tolérés. Je vous rappelle par ailleurs que depuis cet été, la loi condamne fermement les comportements ou propos sexistes, racistes, homophobes et plus largement discriminatoires. »

      Il y annonce l’ouverture d’une enquête interne. Et ajoute : « Sans attendre ou préjuger d’éventuelles sanctions, il est important collectivement que chacun prenne la mesure des faits et s’applique à modifier immédiatement son comportement. »

      Le 3 décembre, Dreyfus s’adresse de nouveau à l’équipe : il a décidé de licencier trois journalistes particulièrement actifs sur la « RBF », dont deux chefs de service. Un quatrième a été suspendu pendant une semaine et tous les autres seront avertis formellement. Dernier point, le président du directoire annonce qu’il a demandé au cabinet de conseil spécialisé Egae « d’accompagner l’équipe dans les prochaines semaines ».

      Jamais des sanctions aussi lourdes n’avaient été prononcées dans le groupe, explique Louis Dreyfus. « Les faits sont graves. Ils le sont d’autant plus par le nombre de salariés sur cette boucle », indique le patron du groupe à Mediapart.
      « Les effets sont désastreux pour les salariées »

      Depuis, le groupe Egae, dirigé par Caroline De Haas, a entendu les femmes et les hommes de la rédaction et prépare une présentation aux salarié.e.s de ses conclusions d’ici à dix jours. « Reconstruire la confiance est très difficile », explique Paul Ackermann, qui jure vouloir faire de sa rédaction une « safe place » (une place sûre) pour les femmes.

      Le travail sera lent et difficile. Ces messages sur les “chans” sont des « violences », explique Caroline De Haas. « Les effets sont désastreux pour les salariées, à la fois en termes de santé physique et mentale, de conditions de travail, de confiance en soi et de carrière, indique-t-elle. Il faut rappeler que les propos à connotation sexiste et/ou sexuelle répétés peuvent pousser des personnes très loin dans la dépréciation de soi, y compris dans la dépression. »

      Les hommes aussi, du moins ceux qui mesurent la gravité des faits, semblent parfois hébétés. « Encore aujourd’hui, je ne comprends pas comment j’ai pu ne pas réagir à certains propos », souligne un journaliste, sous le couvert de l’anonymat. Il évoque « sans doute un effet de groupe », « intimidant », conduisant au silence. Et puis, dit-il, « les personnes qui étaient sur la RBF étaient aussi des personnes valorisées par la hiérarchie dans leur travail », explique ce trentenaire.

      « C’est assez insidieux comme phénomène, dit un de ses collègues, lui aussi en plein exercice d’introspection. On était une petite boîte qui a grandi très vite. L’ambiance était familiale, puis des tensions sont apparues petit à petit. Et des groupes se sont créés. » Une description très classique pour les TPE en forte croissance.

      « Chez nous, dit encore ce journaliste, la polarisation au sein de la rédaction s’est focalisée sur le genre, sans même qu’on le comprenne… Comme dans un boy’s club [un club de garçons — ndlr]. »

      Au HuffPost, les femmes aussi avaient créé leur boucle – « Geneviève » – mais, selon de nombreux témoignages, elles s’échangeaient surtout des articles sur les thématiques féministes et se demandaient des tampons…

      « Le boy’s club désigne pour moi simplement la socialisation masculine, du vestiaire à la salle à café, des comités de direction aux pages privées Facebook où l’on construit et entretient sa masculinité sur le dos des minorités », explique sur son blog la militante féministe Valérie Rey-Robert, qui publie Une culture du viol à la française, du “troussage de domestique” à la “liberté d’importuner” (Libertalia, 2019).

      En face, les femmes de la rédaction n’ont pas non plus toujours perçu le sexisme qu’elles disent avoir subi. Ce sont aussi les révélations de ces derniers mois qui leur ont ouvert les yeux ou qui leur ont permis de verbaliser un malaise diffus que plusieurs d’entre elles ressentaient parfois, selon les nombreux témoignages recueillis.

      « Je me disais que c’était peut-être moi qui découvrais que le monde professionnel était sexiste », explique une journaliste, partie depuis. Et puis, ajoute-t-elle, « il y avait une ambiance de cour de récré, on ne savait pas si c’était du sexisme ou du copinage… En fait, les deux se croisaient ».

      « Jamais je n’aurais imaginé ces messages sur la RBF, dit une de ses anciennes collègues, toujours au HuffPost. Sur le coup, j’étais hyper choquée. Et en même temps, je me suis dit : “Je comprends mieux.” »

      En cause, des soirées de la rédaction où filles et garçons ne se mélangent plus du tout – notamment depuis la soirée de Noël d’il y a un an –, des non-dits, l’impression que les sujets les plus « sérieux » étaient plus facilement confiés à des hommes qu’à des femmes, de jeunes femmes qui ont refusé des CDI malgré la précarité régnant dans la profession…

      Plusieurs journalistes se plaignent aussi de « blagues sexistes » au vu et au su de tout le monde. En cause, notamment, l’ancien rédacteur en chef Alexandre Phalippou, parti depuis à L’Obs (également propriété du groupe Le Monde). Mais c’était un « sexisme insidieux », dit une autre ex du site. « On se disait qu’on n’arriverait jamais à le prouver. Finalement, le machisme à la papa, on est mieux armées pour le contrer. Là, c’était limite. »

      Selon plusieurs sources, l’ancien numéro 2 du site, qui n’était pas dans la « RBF » et dont le départ n’a rien à voir avec cette boucle, aurait ainsi multiplié les blagues à connotation plus ou moins sexiste, ou sexuelle. Selon plusieurs journalistes, « il a donné, même inconsciemment, le signal aux autres », une sorte de « permission », il a « installé un climat ».

      Contacté par Mediapart, le journaliste raconte qu’il a tout découvert en même temps que le reste de la direction. « Un miroir s’est brisé. Ça a été un choc, même s’il est sans commune mesure avec ce qu’ont pu ressentir les victimes », dit-il, alors qu’il faisait partie de l’équipe du départ du HuffPost, leur « bébé ». « Voir que ça pouvait arriver chez nous, ça a été un cataclysme. Depuis, je refais le film de ces derniers mois, de ces dernières années… Si on avait su que des choses étaient mal vécues, on y aurait mis fin immédiatement. »

      Lui aussi rappelle l’atmosphère au sein d’une rédaction passée de « 7 à 35 journalistes en quelques années ». Interrogé sur les blagues jugées sexistes : « On se disait entre nous la même chose qu’au bistro, entre potes. D’ailleurs c’était le cas : on travaillait énormément, on buvait des coups après. On n’a pas vu qu’on devenait une vraie entreprise… »

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      L’ancien rédacteur en chef peut d’ailleurs compter sur le soutien de sa hiérarchie. « Je n’ai jamais entendu dans la rédaction autre chose que des blagues comme chez Canteloup le matin [sur Europe 1 – ndlr], estime Paul Ackermann. Cela n’a rien à voir avec le fait d’insulter des gens qu’on connaît et avec qui on travaille au quotidien. »

      Cibler l’ex-numéro 2, « c’est trop simple », juge aussi Louis Dreyfus, le président du directoire du Monde. « Il ne figurait pas dans cette boucle Slack et ne peut être associé à cette affaire qu’il a découverte avec la direction de la rédaction du HuffPost quelques jours avant son départ. »

      Au sein du groupe, notamment à la demande des élus du personnel, une série de formations des cadres, consacrées à la prévention des violences sexuelles et sexistes, a été mise en place il y a plus d’un an. Une première au sein du groupe Le Monde, explique Sylvia Zappi, déléguée syndicale CFDT.

  • J’ai subi des raids de la Ligue du LOL et ça a pesé sur ma carrière | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/173364/ligue-du-lol-temoignage-journaliste-harcelement-raids

    Léa Lejeune a subi du cyber-harcèlement répété qui démarrait, à chaque fois, par des tweets ou messages d’un membre de la Ligue du LOL. Elle raconte les raids incessants, leur impact sur sa carrière et son engagement pour la défense des femmes journalistes.

    Au début, on échange sur les réseaux sociaux (vous retrouverez des blagues), on a l’air potes, au fur et à mesure, ça se gâte.

    Entre 2011 et 2013, j’ai subi du cyber-harcèlement répété qui démarrait, à chaque fois, par des tweets ou messages d’un membre de la Ligue du LOL. C’était souvent des blagounettes en 140 caractères, puis des commentaires injurieux, d’autres sur ma sexualité ou encore des commentaires sur le blog féministe que je tenais à l’époque, « Les diablogues du vagin ». Ensuite, il y a eu des « raids » organisés autour de certains tweets féministes ou d’articles que je publiais en ligne, une critique ciblée mais récurrente. À l’époque, nous évoquions des concepts féministes qui commençaient à peine à émerger dans le débat public français : le patriarcat, la culture du viol et le manspreading.

    Souvent des membres de la Ligue du LOL faisaient des blagues, d’autres critiquaient mes capacités professionnelles, j’avais encore des choses à apprendre. Plusieurs fois, ils ont suggéré que j’avais eu des relations sexuelles avec mon chef de service d’alors pour avoir mon poste en CDD à Libération.

    Quand on reçoit ce genre de message au travail, on ne sait pas comment réagir : on tremble, on rougit, on tente de désamorcer les choses avec humour, de se justifier vis-à-vis d’eux ou de faire de la pédagogie. J’ai perdu beaucoup de temps à faire ça et j’ai nourri ces trolls. Un mauvais réflexe. Un jour, ils me sont tombés dessus parce qu’il y avait une erreur secondaire dans un article (sur l’intitulé de poste d’un interviewé), le raid a commencé : quarante messages en deux heures qui se moquaient de moi. Prise de panique, j’ai mal réagi et commis une erreur professionnelle, une mauvaise réaction, pour laquelle je me suis confondue en excuses le jour même au sein du journal. Mais le raid a recommencé, redoublé, des dizaines et dizaines de messages. Dans un contexte économique difficile, alors que j’avais encore des progrès professionnels à faire, cela a joué contre l’obtention de mon CDI. Mon supérieur ne m’a pas aidée à faire face au cyber-harcèlement, peut-être ne savait-il pas comment s’y prendre, je n’ai pas su me défendre. J’ai pris un autre chemin professionnel. C’est après ce raid-là que j’ai coupé les ponts avec les membres de la Ligue du LOL que je connaissais.

    Ma réponse pour y échapper a d’abord été de tweeter « chiant » ou factuel, de partager des articles économiques et de ne plus m’essayer à l’humour. Puis de me concentrer sur mon travail pour prouver que je peux faire un travail journalistique de qualité. Vous ne lirez pas mes enquêtes sur les inégalités de salaires hommes-femmes dans le CAC40, ni celle sur le vrai business model de Station F, ils sont peu partagés sur internet car je suis plus discrète.

    Avec certaines victimes, nous sommes entrées en contact pour nous serrer les coudes. Pourquoi n’avons-nous pas parlé pendant toutes ces années ? Parce que ces gens-là avaient des postes importants, étaient amis avec des rédacteurs en chef influents ou des personnes à des postes de direction à Slate, à Libération, aux Inrocks, dans la presse people ou magazine –ceux qui sont cités parmi les membres de la Ligue du LOL. Précaires, nous avions peur de perdre des opportunités de travailler. Surtout, à l’époque, le cyber-harcèlement n’était pas encore puni par la loi en France. Il y a un aspect systémique dans le harcèlement pratiqué par des journalistes hommes, blancs, en poste ou en responsabilités, qui s’en prennent à des consœurs plus jeunes et dans la précarité. Parmi leurs autres victimes, il y avait aussi beaucoup d’hommes qui ne correspondaient pas aux normes idéales de la virilité, des personnes LGBT+, d’autres personnes racisées.

    Nous n’avons pas parlé car nous n’avions plus beaucoup de preuves : la quasi-totalité de ces messages a été effacée, de nombreux comptes ont été supprimés. Il y a un problème dans cette impunité. À quel titre un canard de gauche et progressiste peut-il permettre à des journalistes en poste d’écrire des tweets de blagues sexistes, homophobes ou racistes ? Même s’il ne s’agit plus de harcèlement ciblé...

    Mais le 3 novembre 2017, quand Libération a publié une tribune de soutien à Nadia Daam, journaliste pour 28 minutes et Europe 1 cyber-harcelée par les membres du site jeuxvideos.com, Prenons la Une n’a pas signé. Car parmi les signataires, il y avait plusieurs personnes qui avaient participé à mon harcèlement dont Vincent Glad et Alexandre Hervaud qui critiquaient sans gêne les autres. La tribune utilise ces mots : « Nous voulons simplement dire aux brutes qui la persécutent qu’elle n’est pas seule, que nous pensons, comme elle, qu’ils sont des êtres lâches, minables et méprisables, et que nous attendons patiemment, mais avec confiance, que la justice et la communauté même du web les mettent hors d’état de nuire ».

    Certains anciens harceleurs, comme Vincent Glad ou Guilhem Malissen ont construit, je le crois, une réflexion sur ces thèmes, appris à mieux réagir, voire adopté notre vocabulaire. Cela prouve notamment que nous avons gagné la bataille des idées, au moins dans ce milieu journalistique parisien. Je m’en réjouis. Merci pour vos excuses messieurs, continuez à réfléchir, intégrez ces concepts. Mais aujourd’hui faisons en sorte que le secteur des médias ne porte plus cette toxicité en lui. J’espère que nous y contribuons avec Prenons la Une.

    #Masculinisme #Ligue_LOL #Médias #Cyberharcèlement