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  • La biologie synthétique fait son casting

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/11/14/la-biologie-synthetique-fait-son-casting_5030987_1650684.html

    Le concours iGEM a réuni 3 000 jeunes à Boston. Reportage auprès de ces passionnés, convaincus que la science du futur passe par la reprogrammation du génome.

    L’événement tient à la fois de l’épisode d’Intervilles et du congrès scientifique. Au concours iGEM (pour International Genetically Engineered ­Machine), le principal rassemblement mondial autour de la biologie synthétique, qui se tient ­chaque automne à Boston, on croise aussi bien des cohortes d’étudiants surexcités, portant des tee-shirts bariolés aux couleurs de leur équipe (sans compter les ­bannières, mascottes et autre ­accessoires), que l’élite des professeurs d’Harvard ou du MIT.

    Formellement, le rassemblement – qui a eu lieu cette année du 27 au 31 octobre – est une compétition : les quelque 3 000 participants qui ont fait le déplacement (dont environ 75 équipes nord-américaines, 75 européennes et 100 chinoises) rivalisent pour ­l’obtention du Grand Prix, qui ­récompense le meilleur projet. En pratique, tout le monde a au moins une médaille, et c’est plutôt l’esprit grand-messe qui prévaut – la religion célébrée étant celle de la biologie synthétique, dont chacun ici est persuadé qu’elle est la science du futur, et porteuse de lendemains qui chantent.

    Biologie synthétique ? Le terme se révèle aussi omniprésent que difficile à définir. « Il s’agit d’une nouvelle phase du développement des biotechnologies, où l’on prend en compte l’ensemble du système biologique plutôt que seulement un ou deux gènes, et qui est basée sur une démarche d’ingénieur plutôt que de chercheur classique », propose Sven Panke, professeur à l’Institut suisse de technologie (ETH) de Zürich. Concrètement, les équipes s’efforcent de reprogrammer plus ou moins radicalement le génome de cellules (et non plus seulement de le modifier à la marge, comme autrefois) pour ­obtenir quelque chose de potentiellement utile : un médicament, un diagnostic, un outil de recherche… Les projets, innombrables, vont de systèmes cellulaires permettant l’impression 3D d’organes destinés aux greffes (le vainqueur du Grand Prix, conçu par l’université de Munich) à la production d’astaxanthine, un pigment antioxydant, en passant par un riz génétiquement modifié. Plusieurs équipes françaises ont été primées, dont l’école de design ENSCI associée à l’Institut Pasteur, pour un piège à moustiques capable de détecter des arbovirus.

    Une autre façon d’enseigner

    La curiosité, l’autonomie et l’enthousiasme des équipes de l’iGEM sont impressionnantes. Agissant pour la plupart hors du cadre scolaire, les étudiants conçoivent leur projet, le financent, le promeuvent et le développent eux-mêmes. « Du coup, on se sent beaucoup plus impliqués et responsables », confie François, œil vif, sourire franc et collier de barbe, qui porte fièrement le tee-shirt vert de l’équipe d’Aix-Marseille et pense avoir trouvé ici sa voie. Il est persuadé que son profil d’informaticien lui ouvrira des portes – les équipes sont d’ailleurs encouragées à ­inclure dans leurs rangs toutes sortes de disciplines non biologiques : droit, communication, ­nanotechnologies, voire affaires.
    Dans l’immense hall accueillant les affiches où sont expliquées les réalisations de chaque équipe, les étudiants vont, par petits groupes, d’un « poster » à l’autre, à la rencontre de leurs collègues, engageant de longues discussions techniques, inévitablement ponctuées d’acronymes improbables, sur le rôle de tel ou tel gène, protéine, ­enzyme, promoteur, etc. « Amener des jeunes à l’iGEM, c’est une autre façon d’enseigner, bien plus efficace, fondée sur l’autonomie ; et ceux qui sont passés par ici réussissent souvent après », commente Philippe Bouloc, du CNRS, qui ­encadre les tee-shirts blancs de l’équipe de Paris-Saclay.

    Pas facile, cependant, de prédire quel type d’avenir ce bouillonnement intellectuel et humain prépare. Si la grande majorité des projets présentés visent à rendre le monde meilleur – en soignant, en dépolluant, ou simplement en ­décryptant un nouveau processus –, la pression entrepreneuriale est perceptible. Randy Rettberg, fondateur de l’iGEM, lui-même issu de l’univers de l’Internet, ­l’assume pleinement : « Ici nous essayons de créer une discipline scientifique, et aussi une industrie », indique-t-il avant de filer rencontrer le secrétaire d’Etat au commerce.

    Bientôt, la DNA-Valley

    Quelques heures plus tard, lors d’une assemblée plénière menée avec le professionnalisme américain du spectacle (donc force projecteurs, jingles rock et écrans géants), John Cumbers, autre fondateur de l’iGEM, enfonce le clou en martelant l’importance de « créer sa propre compagnie ». Et tant pis si les étudiants se montrent plutôt sceptiques : la question « qui prévoit de se lancer dans les cinq ans ? » ne fera se lever qu’une cinquantaine de mains…

    Durant son plaidoyer, Cumbers indique qu’il y a 350 compagnies de biologie synthétique dans le monde, qu’elles pèsent plus d’un milliard de dollars, et « que le tournant s’amorce qui fera de la Silicon Valley la DNA-Valley, puisque les ­investisseurs de la tech sont en train de se transformer en investisseurs des biotechs ». L’esprit « Silicon-Valley » est, du reste, partout à l’iGEM, où – par-delà le style vestimentaire casual de rigueur, l’adjectif cool est inlassablement employé, autant pour désigner les propriétés des protéines que les exposés scientifiques ou les personnalités.

    Une ambiance que Jim Thomas, de l’ONG de veille technologique ETC Group, analyse sans complaisance. « Derrière les promesses abstraites, ce que l’on voit se profiler en pratique, ce sont par exemple des entreprises de l’agroalimentaire qui veulent faire synthétiser par des microbes des parfums “naturels” de vanille, de safran ou de noix de coco – ce qui nuira aux pays du Sud sans être nécessairement bon pour les consommateurs. » Un scepticisme difficilement audible pour un public d’étudiants passionnés qui se voient déjà changer le monde en trouvant des microbes qui dépolluent, qui extraient le dioxyde de carbone de l’atmosphère, ou qui soignent le cancer.

    Sous le parrainage du FBI

    La sécurité biologique est une préoccupation manifeste des organisateurs d’iGEM – et sans nul doute à juste titre, tant il est devenu simple de modifier le génome des organismes avec les technologies actuelles. Des modifications qui pourraient se révéler dangereuses, que ce soit par accident ou malveillance. Car derrière la sémantique officielle, qui veut qu’ici l’on travaille avec des « machines génétiquement fabriquées » (Genetically Engineered Machines, d’où le nom iGEM), et avec des « biobriques » (le nom que l’on donne aux gènes ou groupes de gènes fabriqués par les étudiants), ce sont bien d’organismes dont il s’agit. Et si ni les machines ni les briques ne sont capables de muter, s’échapper ou se propager, les microbes, eux, le peuvent.

    La question est prise d’autant plus au sérieux à Boston que la législation américaine, en matière de génétique, est bien plus permissive qu’en Europe – où toute modification génétique doit faire l’objet d’une demande de permis. Aux Etats-Unis, une autorisation n’est nécessaire que pour travailler sur des pathogènes (anthrax, tuberculose, grippe, etc.). Avec de simples levures, ou des bactéries comme E. Coli, l’on peut librement faire des OGM dans son garage en utilisant des réactifs présents dans le commerce. (C’est d’ailleurs un loisir en vogue, baptisé « Do It Yourself Biology »).

    Appel à la vigilance

    Le FBI a donc choisi d’être non seulement présent mais co-organisateur d’iGEM. Et son représentant sur place, le biochimiste Edward You, passe beaucoup de temps à bavarder avec les étudiants présents. Il s’adressera même à eux depuis la tribune lors d’une séance plénière, cherchant manifestement à s’ériger en interlocuteur accessible. « Si quelqu’un dans un laboratoire voisin est en train de faire une expérience avec laquelle vous n’êtes pas à l’aise, venez nous en parler », conseille-t-il aux étudiants, précisant que « 9 fois sur 10 ce sera une fausse alerte, mais peut-être qu’un jour vous éviterez un gros problème ». Et le policier biochimiste de citer le cas du microbiologiste Larry Harris, sympathisant néonazi, arrêté pour s’être procuré le bacille de la peste, ainsi que celui d’Edward Bachner, condamné à sept ans de prison pour avoir constitué un stock de la toxine mortelle TTX, probablement pour assassiner sa femme.

    Très lucidement, Ed You conclura son allocution en disant aux étudiants qu’aujourd’hui, il les sollicite pour qu’ils soient vigilants, mais que demain il compte sur eux pour lui enseigner d’où viendra le danger et comment s’en prémunir. C’est que la vitesse d’évolution de la biologie fait sans cesse surgir de nouveaux risques. Il est par exemple frappant de constater que de nombreuses sociétés, souvent présentes à iGEM, voire sponsors de l’événement comme IDT (Integrated DNA Technologies), proposent désormais à bas prix de synthétiser des gènes à partir de séquences reçues par Internet. Elles délivrent ensuite ces gènes par voie postale, déjà conditionnés dans un vecteur qui les fera entrer dans une cellule. Ce qui permettrait, du moins en théorie, la synthèse de n’importe quelle toxine ou virus dont on connaîtrait la séquence.

  • Griechenland : Das « System Schäuble » - Kultur - Süddeutsche.de
    http://www.sueddeutsche.de/kultur/zorneines-soziologen-mexikaner-europas-1.2582666

    @colporteur

    Les Grecs - les Mexicains de l’Europe ?

    (Un article de Stephan Lessenich, prof de sociologie à l’Université de Munich, publié par la Süddeutche Zeitung)

    "Ce qui est nouveau, c’est qu’avec « le sauvetage de la Grèce » le modèle de développement colonial revient en Europe, son lieu de naissance historique. Si le « modèle Tietmeyer » (comme l’avait appelé Pierre Bourdieu au sujet d’un président de la Bundesbank) se limitait encore à imposer une certaine forme de capitalisme débridé à l’espace européen, le « système Schäuble » annonce la phase suivante, ouvertement autoritaire, de transformation radicale de la société dans l’unique but de plaire aux marchés.

    Nous vivons en ce moment la colonisation intérieure de l’Europe : l’économie politique de l’impérialisme européen revient sur le vieux continent et, mieux encore, à l’intérieur des frontières de l’Union européenne. On pourrait aussi à bon droit parler d’un pas supplémentaire vers l’américanisation de l’Europe, car avec la Grèce - et une, deux,...beaucoup d’autres Grèces suivront - l’Union économique et monétaire européenne se fabrique une arrière-cour pour sa propre maison, une petite Amérique latine au bord de la Méditerranée.

    La population grecque fait à présent l’expérience sur son propre corps de ce que le colonialisme européen a fait subir pendant des siècles aux populations d’autres régions du monde que nous aimons tant aujourd’hui qualifier de « corrompues » ou d’économiquement « sous-développées ». La « politique de développement » qui caractérisait le régime colonial, à coup de perte de souveraineté étatique et d’appauvrissement voulu, revient à la maison - et ainsi l’Europe des Lumières, la si fameuse Europe des Lumières, si amoureuse d’elle-même, l’Europe d’une certaine façon fait retour vers elle-même.

    Mais cela passe par un détour via les Etats-Unis qui, en tant que démocratie post-coloniale, ont perfectionné le régime colonial : sous la forme des non moins célèbres « mesures d’ajustement structurel » dont les sociétés de l’autre côté du Rio Grande ont eu à se réjouir des décennies durant.

    Qui veut savoir ce qu’est une « mesure d’ajustement structurel » n’a plus à voyager dans des pays exotiques, il n’a qu’à lire ce que le premier ministre grec a dû avaler à Bruxelles : ouverture des marchés et grande braderie de la propriété publique, baisse des des allocations sociales et privatisation des infrastructures - le tout accompagné de l’humiliation du gouvernement national et d’une déstabilisation de la démocratie.
    (...)
    Les conséquences à prévoir sont évidentes - on a vu ce que la politique américaine a produit en Amérique latine : des millions de réfugiés économiques qui quittent leurs pays ruinés politiquement et saignés à blanc économiquement et s’aventurent sur une voie dangereuse pour atteindre les marges des sociétés riches et y tenter leur chance, au risque d’y être criminalisés comme « migrants illégaux » ou d’y être persécutés par une populace raciste.

    Les Grecs deviennent les Mexicains de l’Europe - et pendant que les Bulgares et les Roumains, tous soupçonnés d’être vaguement « Roms », sont encore une marche en-dessous d’eux, les Espagnols et Italiens « bien éduqués » tremblent déjà et se demandent combien de temps leur capital humain sera jugé utilisable dans les centres prospères du capitalisme européen.

    (traduction-minute I.B.)

    Das Neue ist, dass mit der „Griechenlandrettung“ das koloniale politisch-ökonomische Entwicklungsmodell endgültig nach Europa, an seine historische Geburtsstätte, zurückkehrt.

    #colonialisme #Grèce #Union_Européenne

  • Pourquoi il faut faire l’éloge du plafond de la dette
    http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20131021trib000791656/pourquoi-il-faut-faire-l-eloge-du-plafond-de-la-dette.html

    Hans-Werner Sinn est professeur d’économie et de finances publiques à l’Université de Munich, et président de l’Ifo Institute.

    L’agitation autour du relèvement du plafond de la dette du gouvernement américain - fort heureusement désormais apaisée, au moins pour les prochains mois - met en lumière les risques que pose l’excès d’endettement des États. De nos jours, la tâche des gouvernements consiste pour l’essentiel à gérer un gigantesque mécanisme de redistribution des fonds issus du contribuable en direction d’un certain nombre de destinataires et autres bénéficiaires de la dépense publique. Et tandis que le camp aval ne cesse de demander davantage, l’amont s’attache avec zèle de préserver ses ressources.

     

    La tentation irrésistible de l’endettement

    Au bout du compte, la solution à un tel « défi de la redistribution » a souvent tendance à résider dans davantage d’emprunt de la part des gouvernements. Pour les démocraties actuelles, le fait que ceux qui devront en fin de compte payer les impôts nécessaires au service du reste de la dette ne puissent cependant pas voter fait de l’emprunt le moyen le plus commode d’échapper aux affrontements politiques les plus éprouvants.

     La tentation de l’endettement devient par ailleurs irrésistible lorsqu’il peut être considéré que le fardeau encouru sera reporté sur les catégories de population autres que celles bénéficiant aujourd’hui d’une faible imposition ou de dépenses publiques plus conséquentes. C’est par exemple le cas des personnes sans enfant à charge : celles-ci tirent parti de l’endettement public tout en parvenant d’un autre côté à transférer aux descendants d’autres familles le remboursement de la dette qui arrivera à échéance lorsque ces premiers ne seront plus là pour avoir à s’en soucier.

    #plafond de la #dette
    #Hans-Werner_Sinn
    #économie
    #endettement
    #emprunt

    • Dans le fond, ça résume bien la vision allemande, de penser long-terme et maitrise, plutôt que court-termisme et fuite en avant comme les latins ou même les américains.

      Le problème c’est que côté européen, la « règle d’or », c’est l’outil idéologique des capitalistes pour parvenir au démantèlement de l’Etat. Lutte contre la dette = austérité = lutte contre les défficits = baisse de la dépense publique = abandon et/ou privatisation des missions sociales...

      Pour revenir aux américains, c’est un peu pareil.. Je cite Guillaume Duval (Alternatives Economiques) sur son FB :

      Ils sont vraiment fous ces Américains. Quand ils habitent le centre du pays ils votent pour des illuminés qui ne croient pas à la théorie de l’évolution ni au changement climatique et sont prêts à mettre le pays en faillite pour être sûrs de ne jamais avoir d’assurance maladie.

  • Le skyrmion, mémoire en attente

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/08/26/le-skyrmion-memoire-en-attente_3466646_1650684.html

    Un nom imprononçable. Une définition impénétrable. Une représentation insaisissable. Mais des promesses palpables. Tels sont les skyrmions, nouveaux venus dans le catalogue des particules et prêts à bousculer bien des technologies.

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    Observés pour la première fois en 2009 en Allemagne, ils suscitent la passion de plusieurs groupes de recherche dans le monde, car ils pourraient remplacer rien de moins que les vaillants électrons dans tout ce qui sert à stocker et à traiter l’information dans les puces ou les disques durs des ordinateurs. Après l’électronique, la skyrmionique ?

    « Au début, nous avons observé quelque chose que nous ne comprenions pas. Les explications proposées avaient l’air tellement compliquées qu’on ne voulait même pas en entendre parler. Nous avions comme un blocage mental. Et puis cette idée inhabituelle s’est imposée », raconte Christian Pfleiderer, de l’université de Munich, auteur dans Science du premier article ayant identifié des skyrmions dans un cristal de silicium et de manganèse.

    « POUR NOUS AUSSI C’EST COMPLIQUÉ ! »

    Mais qu’est-ce qu’un skyrmion ? « Pour nous aussi c’est compliqué ! », prévient André Kubetzka, de l’université de Hambourg, qui, dans Science, vient d’expliquer comment son groupe a fait pour la première fois apparaître et disparaître à sa guise des skyrmions un à un.

    En fait, un skyrmion n’est pas une particule élémentaire comme peut l’être un électron. C’est plutôt une bille d’électrons dont le caractère surprenant vient d’une propriété subtile de l’électron : le spin. Le spin est une sorte de petite aiguille aimantée portée par les électrons, qui sont généralement utilisés comme porteurs des charges électriques négatives que les différents composants d’un ordinateur comptent, stockent, déplacent...

    Le spin, lui, peut bouger, sans que l’électron se déplace. Tête en haut, tête en bas, tête inclinée... Souvent les spins ont tendance à s’orienter tous dans la même direction : cela crée des aimants. C’est aussi la clé du stockage de l’information dans les disques durs.

    Dans un skyrmion, au contraire, les spins ne sont pas au garde-à-vous. Ils semblent s’enrouler de proche en proche, chaque spin pivotant par rapport à son voisin. La beauté est que cette configuration finale est stable et robuste, comme un simple noeud bien serré. Pas facile à défaire sans ciseaux. Finalement, le skyrmion se comporte comme une particule que les physiciens rêvent d’utiliser pour développer de nouveaux systèmes plus performants.

    « UN STOCKAGE D’INFORMATIONS PUREMENT ÉLECTRONIQUE »

    « Dans un disque dur, une tête de lecture se déplace mécaniquement au-dessus d’une surface pour lire les informations magnétiques. Les skyrmions défileraient, eux, devant une tête fixe. Un stockage d’informations purement électronique, sans dispositif mécanique, aurait beaucoup d’avantages », résume Albert Fert, Prix Nobel de physique 2007 et directeur d’un groupe de recherche commun à Thales et au CNRS.

    Sa passion pour ces états bizarres de spin remonte à loin. Il avait en effet prévu les forces au coeur des matériaux qui leur donnent naissance dès 1990. Mais sans les baptiser d’après le nom du physicien anglais Skyrme qui, en 1962, avait proposé cet objet mathématique pour décrire les particules élémentaires (mais sans succès). "A l’époque j’avais d’autres « soucis » ; ces états de spin pouvaient attendre", ironise le chercheur en évoquant son travail d’alors qui lui vaudra le prix Nobel : la découverte d’un effet magnétique géant qui dopera la quantité d’informations stockables dans les disques durs.

    L’autre avantage du skyrmion est qu’il est minuscule, de la taille de quelques atomes, et donc occupe cent fois moins de place que les domaines magnétiques qui servent aujourd’hui à stocker l’information, promettant des densités de stockage encore plus importantes.

    Encore faut-il être capable de les créer, de les voir, de les effacer, de les déplacer... Les skyrmions apparaissent en fait « naturellement » dans des cristaux bien choisis ou à l’interface entre une mince couche magnétique et un substrat de métal lourd. Des interactions particulières ont lieu alors entre les spins qui font que ceux-ci préfèrent s’entortiller plutôt que de pointer tous dans la même direction.

    « COUPURE » DU NOEUD MAGNÉTIQUE

    C’est ce que l’équipe de M. Pfleiderer a eu du mal à croire pendant presque deux ans entre 2007 et 2009. Puis que les Japonais de l’université de Tokyo ont confirmé par une autre méthode. Le 9 août, l’équipe d’André Kubetzka montrait sa capacité à détruire et à créer des skyrmions. Un effet étonnant puisqu’ils sont réputés stables. Les chercheurs ont en fait « coupé » le noeud magnétique grâce à la fine pointe d’un microscope à effet tunnel et en faisant passer un assez fort courant électrique... « Cependant on ignore ce qui se passe pendant le passage d’un état à l’autre. Les théoriciens ont encore du travail », souligne André Kubetzka.

    Les expérimentateurs aussi. Car pour l’instant aucun système n’est exploitable hors du laboratoire. Les champs magnétiques utilisés sont trop forts. Les températures très basses. Et la fabrication n’est pas simple : l’équipe de Kubetzka utilise une couche de fer aussi fine qu’un seul atome !

    Albert Fert reste optimiste. « Les simulations effectuées avec Vincent Cros et Joao Sampaio, que nous allons publier, montrent que des couches un peu plus épaisses, plus faciles à fabriquer, peuvent aussi contenir des skyrmions. Et des courants électriques polarisés peu intenses peuvent déplacer aussi ces objets. » Des expériences sont aussi en cours pour confirmer la faisabilité. Pour le Prix Nobel, « les skyrmions peuvent représenter l’entité ultime d’information magnétique manipulable. L’excitation actuelle devrait durer ». A moins de tomber sur un noeud vraiment costaud.