• « L’#exil exige de bien doser sa visibilité »

    Refaire sa vie (4/6). L’émigration politique, témoigne l’écrivain d’origine bosniaque #Velibor_Colic, est une renaissance contrainte, pleine de #contradictions, entre l’amour du pays quitté et celui porté au pays d’accueil.

    Je m’appelle Velibor Colic et je suis réfugié politique. Entre le ciel et la terre, j’occupe un espace de 104 kg et de 195 centimètres. Selon mes estimations, je suis trop sage, trop blond, beau et talentueux, trop intéressant et charmant pour être un migrant. Je suis #polyglotte. Dans ma vie d’avant, j’étais parfois patriote. Depuis, je porte des lunettes.

    J’écris dans les deux #langues, le français et le serbo-croate. Mais il me semble que maintenant j’ai un accent, même en écrivant. C’est ainsi. Ma #frontière, c’est la langue ; mon exil, c’est mon #accent. J’habite mon accent en France depuis vingt-cinq ans. Tout une vie, en fait. Et je me sens bien, tellement bien qu’il m’arrive souvent de penser : tiens, je suis français.

    Puis la crise financière de 2008 est arrivée et, avec elle, un regain de la peur des étrangers. On a commencé à me dire que je n’étais pas français. Depuis, je m’accommode aussi bien que je peux de ce regard que l’on porte sur moi et je surveille les Bourses du monde entier. Rien n’arrive pour la première fois, tout est dans cette terrible répétition. Alors, je vis, je regarde et je note. Mon nom de famille sonne comme une excuse. Mon prénom aussi. Je suis apatride. Une chose est sûre : je suis le numéro 35030002019-13/06/1964, comme l’indique mon titre de séjour. Je suis #réfugié politique.

    Je sais parler. Je sais aussi chanter, quand je veux – Georges Brassens et Adamo, Tombe la neige. Mon nouveau pays a vieilli avec moi ; il est confortable maintenant, comme des chaussures de l’année dernière. Je suis presque comme tout le monde : effrayé devant la violence faite au nom de Dieu, perdu devant la triste Méditerranée devenue un cimetière bleu, attendri parfois devant l’humanité. Mon univers mental est constitué de signes et de gestes : #apprendre et #oublier à la fois. D’abord apprendre, puis oublier. Séparément. L’exil est bipolaire.
    Emotions clandestines

    L’exil est une balance aussi. Mesurer le poids métaphysique...

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/10/l-exil-exige-de-bien-doser-sa-visibilite_5170734_4415198.html
    #apatridie #asile #migrations #réfugié_politique

    cc @sinehebdo