• UBS deploys AI analyst clones
    https://www.ft.com/content/0916d635-755b-4cdc-b722-e32d94ae334d

    UBS has started using artificial intelligence to turn its analysts into avatars, sending videos of the simulated bankers to clients in a move the lender said would free up staff to focus on more productive tasks.

    The Zurich-based bank is using OpenAI and Synthesia models to create AI-generated scripts and avatars of its analysts following increased client demand for research in video format, UBS said.

    “It’s not a parlour trick,” Scott Solomon, head of global research technology at UBS’s investment bank, told the Financial Times.

    “There are two drivers for it: the client driver and the efficiency driver . . . It is helping you scale your video capabilities in a way that clients are asking you for, and ultimately saving you time to do your research and meet with clients.”

    The initiative, which UBS started to roll out in January, comes as large financial institutions increasingly experiment with generative AI tools to cut costs and boost efficiency.

    The avatars UBS is creating of its analysts are similar to AI deepfakes, or realistic AI-generated videos, audio or images of people. To create the AI avatars, UBS analysts go into a studio, where Synthesia captures their likeness and voice.

    To create a video, UBS analysts can use a language model to analyse their reports and generate a script. They can then review the script before it is turned into a lifelike video using their avatar.

    • Plus anecdotique :
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2010/12/04/cantona-va-t-il-faire-sauter-la-banque_1447286_3234.html

      Tout est parti d’une de ces fulgurances dont Eric Cantona a le secret. Un coup du sombrero aux traders de la City, suivi d’une reprise de volée en pleine lucarne du système bancaire. Dans une interview à Presse Océan, début octobre, le « King » se laisse aller à quelques réflexions sur la crise : "La révolution, aujourd’hui, se fait dans les banques : tu vas à la banque de ton village et tu retires ton argent. Et s’il y avait 20 millions de gens qui retirent leur argent, le système s’écroule. Pas d’armes, pas de sang, rien du tout, à la Spaggiari [connu comme le cerveau du « casse du siècle » à la Société générale en 1976]."

      Ce qui aurait pu rester un simple apparté ou une banale discussion de comptoir s’est vite tranformé en un nouveau manifeste révolutionnaire pour des milliers d’internautes. L’interview, sous-titrée en plusieurs langues, rencontre un franc succès sur les sites de partage de vidéos. Un groupe Facebook, associé à un site Internet en huit langues, relaie la pensée de l’ancien attaquant de Manchester sous ce mot d’ordre : « Le 7 décembre, retirons notre argent des banques ! » Sur Facebook, plus de 34 000 personnes se sont engagées à retirer leurs économies à la date prévue, 26 000 iront « peut-être » et 425 000 sont « en attente de réponse ». On est loin des 20 millions préconisés par « Canto », mais un tel enthousiasme à vouloir châtier les banques quelque trois ans après le début de la crise des subprimes a de quoi interpeller.

      Propulsé gourou d’un nouvel ordre mondial, le King, qu’on pourrait croire un brin dépassé par son aura, assume : il a rejoint le groupe et a promis de joindre le geste à la parole. Face à « l’étrange solidarité qui est en train de naître, oui, le 7 décembre, je serai à la banque », a-t-il déclaré à Libération. Dans la foulée, plusieurs sites, notamment en France et aux Etats-Unis se sont associés à la démarche ainsi que d’autres groupes sur Facebook. La campagne aurait essaimé dans une vingtaine de pays. La presse s’en fait l’écho. The Guardian s’est ainsi fendu de deux articles, l’un pour rendre compte de l’ampleur de la campagne, l’autre pour critiquer l’initiative d’"Eric the Red", tout comme El Pais, la presse allemande ou encore belge.

      Qu’est-ce qu’une panique bancaire ?

      Mardi 7 décembre, donc, des milliers de personnes devraient se présenter à leur guichet munis de valises vides et en repartir des billets plein les poches. Objectif : faire vaciller le système bancaire en rendant les banques insolvables. C’est ce qu’on appelle une « panique bancaire », ou « bank run ».

      « Le système bancaire fonctionne comme celui des assurances, explique Nicolas Bozou, économiste du bureau d’analyse Asterès. Il fonctionne sauf si tous les clients connaissent un sinistre au même moment, ou décident de retirer leur argent en même temps ». En d’autres termes : le système bancaire est parfaitement sécurisé tant que tout le monde le pense.

      #bankrun #panique_bancaire

  • « #Wokisme » : pourquoi ce mot est piégé

    Le « wokisme », idéologie incertaine, enkystée dans la gauche des mouvements sociaux, menacerait la société, la famille, le progrès et les Lumières.

    Voilà le refrain seriné à longueur de journée par Donald Trump, par le Rassemblement national et des médias d’extrême droite, par des politiques conservateurs. Mais aussi par des essayistes qui se réclament de la gauche, et également, peut-être, par des membres de votre famille ou vos amis.

    Que signifie ce terme ? Pourquoi est-il devenu si présent ? Que veut dire cette présence dans le contexte politique actuel ?

    Si le « wokisme » n’existe pas, est-ce qu’il ne faudrait pas l’inventer ?

    Nos invité·es :

    - #Laure_Bereni, sociologue, directrice de recherche au CNRS, autrice de Management de la vertu. La diversité en entreprise à New York et à Paris (éd. Presses de Sciences Po, 2023) ;
    - #Solène_Brun, sociologue, chargée de recherche au CNRS, coautrice avec - - - Claire Cosquer de La Domination blanche (éd. Textuel, 2024). Elle a aussi publié Derrière le mythe métis. Enquête sur les couples mixtes et leurs descendants en France (éd. La Découverte, 2024) ;
    - #Pierre_Tevanian, philosophe et enseignant, auteur de Soyons woke. Plaidoyer pour les bons sentiments (éd. Divergences, 2025). Il coanime le site collectif Les mots sont importants (lmsi.net) et a publié plusieurs ouvrages, comme On ne peut pas accueillir toute la misère du monde. En finir avec une sentence de mort (éd. Anamosa, 2022).

    https://www.youtube.com/watch?v=9NE9Jj0Ud5c


    #woke #piège #vidéo #ressources_pédagogiques #définition #liberté_d'expression #menace #terminologie #mots #panique_morale #genre #race #racisme #panique #violences_sexuelles #racialisme #décolonial

  • Les PUF vont bien publier le 30 avril leur ouvrage collectif titré « Face à l’obscurantisme woke » – Libération
    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/les-puf-vont-bien-publier-le-30-avril-leur-ouvrage-collectif-titre-face-a
    https://www.liberation.fr/resizer/4-kOO9rgCtPc-HlSlJfEV9DVHpI=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(1380x1237:1390x1247)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/4SNNRVYQDFDALM4ZN26LOIOSVU.jpg

    Finalement, c’est oui. Dans une lettre aux contributeurs, que Libération a pu consulter, Paul Garapon, directeur éditorial des Presses universitaires de France (PUF), affirme que l’ouvrage collectif titré Face à l’obscurantisme woke, et dirigé par les universitaires Emmanuelle Hénin, Xavier-Laurent Salvador et Pierre Vermeren, sera bien publié le 30 avril prochain. Il affirme même aux auteurs que « la volonté de publier (leur) ouvrage ne (l’)a jamais quitté ».

    Pourtant, la parution de l’ouvrage, initialement prévue pour le 9 avril, avait été suspendue, comme Libération le révélait le 10 mars. Et pour cause, publier un livre dénonçant l’« assaut inédit » du « mouvement woke » sur la science en Amérique du Nord et en Europe peut sembler contestable à l’heure où le président Trump s’attaque aux champs universitaires touchant aux inégalités sociales, aux discriminations raciales, au climat ou encore à la santé. A coup de licenciements, coupes budgétaires drastiques ou censure de mots comme « changement climatique », « genre » et « diversité ». Les PUF estimaient d’ailleurs, dans un communiqué, « que les conditions nécessaires à un accueil serein de ce livre collectif ne sont plus réunies aujourd’hui

    #PUF #recherche #woke #panique_morale ?

    • On se moque parfois du zèle, or il peut être d’avant-garde.

      Les Etats-Unis réclament à des entreprises françaises de se conformer aux lois fédérales anti-discrimination
      https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/28/les-etats-unis-reclament-a-des-entreprises-francaises-de-se-conformer-aux-lo

      « Le contractant ou l’offrant potentiel certifie qu’il (…) ne met pas en œuvre de programmes de promotion de la diversité, de l’équité, et de l’inclusion qui enfreignent les lois fédérales anti-discrimination applicables » aux Etats-Unis, demande un questionnaire attaché au courrier adressé à plusieurs entreprises, que l’Agence France-Presse (AFP) a pu consulter.

      ... « Nous vous informons que le décret 14 173, concernant la fin de la discrimination illégale et rétablissant les opportunités professionnelles basées sur le mérite, signé par le président Trump, s’applique également obligatoirement à tous les fournisseurs et prestataires du gouvernement américain, quels que soient leur nationalité et le pays dans lequel ils opèrent », peut-on lire dans le courrier publié par Le Figaro.

      "Qu’on leur coupe la langue !" L’émancipation c’était Macron, le refus de la discrimination c’est Trump, la lutte contre le racisme anti-blancs, c’est la gauche.

      Ad libitum.

    • « Le wokisme est l’épouvantail par lequel on cherche à empêcher le débat rationnel sur les discriminations », Isabelle Kersimon, Autrice, Alain Policar, Politiste, Jean-Yves Pranchère Philosophe
      https://archive.ph/oSg2R

      L’antiwokisme procède en vérité d’un désir de simplification, mais aussi de refoulement. Refoulement d’un passé dont on veut minimiser les crimes, de façon qu’il apparaisse comme une sorte d’accident ou d’anomalie au regard de l’universalité de nos principes. A défaut d’être un phénomène identifiable, le wokisme est l’épouvantail par lequel on cherche à empêcher le débat rationnel sur les questions liées aux discriminations et à leur généalogie.

  • In Defense of (Click to) Cancel Culture
    https://www.streamingmedia.com/Articles/Columns/Editors-Note/In-Defense-of-(Click-to)-Cancel-Culture-167814.aspx

    The ascendancy of free speech absolutist Elon Musk and his transformation of an online platform that once empowered individuals to speak truth to power through “cancellation” into a false-claim free-for-all has rendered the court’s ruling largely moot.

    A newly available-in-English book by German literary scholar Adrian Daub contends that the panic over cancel culture was a ginned-up tempest in a teapot, a wolf-crying way for the powerful to silence minority perspectives. Daub’s book says that cancel culture has largely receded as a cultural bogeyman, and cancel-panic-adjacent anti-wokeness has replaced it as the illiberals’ weapon of choice.

    In the streaming world, cancel culture is still going strong, although we prefer to call it churn. Subscription cancellation has traditionally been the number-one way viewers voice dissatisfaction, whether in rebellion against Netflix’s periodic “pricing updates” or simply as a way of declaring, “I’ve run out of things to watch.” With scripted TV and film production down a staggering 40% since pre-2023 SAG and writers’ strike levels and premium streamers investing massive sums in one-off high-visibility sports events, the “nothing to see here” problem is going to get worse before it gets better. With the shifting emphasis to sports and the ongoing trend toward ad-supported monetization mod¬els, streaming is looking more like cable TV every day, even if swiftly and reliably delivering sports at scale remains a work in progress.

    But for viewers who still yearn to churn—particularly those binge-and-purge users who churn in and out of subscriptions in rhythm with their favorite shows’ release schedules—cancellation may be getting easier, as the Federal Trade Commission’s (FTC) Negative Option, or Click to Cancel, rule announced in October 2024 attempts to cut through the red tape and sidestep the counter-intuitive maze of virtual blind alleys that streaming platforms often deploy to make churning more trouble than it’s worth.

    #Cancel_culture #Paniques_morales #Streaming

  • Parents Have a Worse Relationship to Tech Than Their Kids - Bloomberg
    https://www.bloomberg.com/news/articles/2025-01-24/parents-have-a-worse-relationship-to-tech-than-their-kids?embedded-checko

    Adults are sacrificing social connection to veg out with their phones, setting a bad example for kids.

    By danah boyd
    24 janvier 2025 at 12:00 UTC+1
    Parents Have a Worse Relationship to Tech Than Kids (Audio)
    7:31

    A decade ago, danah boyd wrote It’s Complicated: The Social Lives of Networked Teens (Yale University Press) to “shed light on the complex and fascinating practices of contemporary American youth” navigating the evolving online world. In this Next Chapter, boyd explores the role of parents, who are upset about their kids’ online habits — but also modeling the same or worse behaviors.

    Many kids are not OK. Over the past few years, we have seen countless headlines about the mental health challenges young people face. Much ado is made of their relationship with technology. This isn’t the first time there’s been a panic about the role of tech broadly, and social media specifically. When I wrote It’s Complicated, the dominant fears were bullying, predation and addiction.

    But now, as then, people have the analysis backwards. Technology is not creating a lack of social connection; it’s the lack of social connection that is driving young people to technology. This time, ironically, parents are also a much bigger part of the problem than they were a decade ago.

    Many parents today focus all their spare time on helping their children thrive, often to the detriment of nurturing their own friendships and activities. The result of this intensive parenting is that too many young people don’t get to witness their parents socializing or engaging in activities they’re passionate about. Instead, all the children see is their parents staring at a phone.

    In 2014, teenagers told me that they were turning to social media to find entertainment and to connect with friends. They were stressed, exhausted and had no time to hang out, other than online. A decade later, parents seeking downtime and connections make the same excuses. It’s an understandable response to soaring stress levels. But since they were little, many teens have watched their parents using technology to veg out or pretend to be present at the game while doomscrolling. Through a teenager’s eye, adulting looks like a horror show of exhaustion, lost friendships and zero joy.
    Social Connections

    The problem goes well beyond hypocrisy. By letting go of their own social connections to manage their kids’ lives, parents are hurting their offspring in ways they most likely don’t realize. The deep connections forged by intensive parenting during the elementary years start to feel overbearing during adolescence. As teenagers pull away to develop their independence, some parents become co-dependent caregivers whose identities depend on being needed.

    Recent data from the US Centers for Disease Control and Prevention shows that the more toxic a home environment is, the more likely it is that a teenager will struggle with mental health and the more likely it is that they will have unhealthy technology use.

    After writing It’s Complicated, I became a founding board member of a mental health organization called Crisis Text Line, which supports people in their darkest hours by connecting them with trained counselors. Through my involvement with this group, I’ve gotten a front-row seat to the issues that bring teenagers to the brink. A little secret? Its almost never about technology.

    When trained counselors work to de-escalate someone in the throes of a suicide attempt, the top priority is to get rid of the gun or the pills, or to otherwise walk someone back from the edge. The next move is to create an alternate plan for the next 24 hours and beyond. Crisis work isn’t about fixing the underlying problem, but assisting the person in seeking out more sustained support. A key element is to help the person in crisis identify a responsible, trusted individual they can turn to. When it comes to young people, that person is typically a non-custodial adult.

    Teenagers today, however, struggle to identify any trusted adult they can turn to. It’s a dynamic that was exacerbated during the pandemic, which upended social practices. We saw a range of natural experiments unfold as kids were maximally online and had few interactions with people outside of their family.
    Supportive Adults

    “Non-custodial adult” sounds awfully clinical, but I’m using the term intentionally. This category could include aunties and pastors, neighbors and coaches, mentors and camp counselors. These adults are present in a kid’s life in varying ways, and ideally not as a source of pressure or oversight. (Sadly, many coaches are now a source of pressure rather than support. And because of new state laws requiring that teachers inform parents if their kids identify as LGBT, many teens are scared to talk to teachers.)

    Think back to the adults that had your back in different ways when you were growing up and you’ll find that many were not your parents. These supportive adults aren’t just there for kids when they need them; they are also often well placed to identify a problem. They can recognize changes in mood or behaviors over time.

    But when Covid-19 hit, we saw a disturbing pattern: Many young people in crisis couldn’t identify a single trusted adult they could turn to. This made sense since teenagers were stuck at home. But even as stay-at-home restrictions eased, the dynamic didn’t let up.

    Through a teenager’s eye, adulting looks like a horror show of exhaustion, lost friendships and zero joy.

    In my book, I talk about how young people have lost access to public spaces since the 1970s, but I didn’t identify the parallel loss of access to trusted adults. When I went back to interviews from a decade ago, I realized that the signs were already there.

    Teens were telling me that every adult in their life was putting pressure on them — to succeed in school, to perform at sports, to be perfect for college admissions. They were telling me about how they’re not allowed to sleep over at friends’ houses. They were describing how their parents don’t have any friends anymore. And two decades of fear-mongering about interacting with adults online meant that few teens had digital connections with adults, even among their own family. This has only gotten worse.
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    For many adults, social ties also disintegrated during the pandemic. But even though the pandemic is over, many of us feel too busy to rebuild them. This is dreadful for our children. Meanwhile, adults who were once amazing anchors for teens — like teachers and coaches — feel pressured to minimize informal interactions with young people. Fewer non-parents or empty nesters are devoting time to ensuring that the kids around them are doing okay. Decades of sexual-predation paranoia means that even well-meaning adults don’t want to create the wrong impression.
    Key Connections

    Young people need to bear witness to grown-up relationships and they need to have access to a wide range of adults who will be there for them when things get rough. Today’s dominant intensive parenting strategy leaves no room for either of these. It’s not just bad for parents; it’s also bad for their children.

    Teenagers are still turning to their phones to find and maintain social relationships. We should recognize their longing to socialize and support them. This will not happen by simply taking kids phones in the hope that they will wake up from some stupor and go play outside. If you tell young people to stop using social media, they don’t suddenly have “real” connections. Nurturing relationships takes time, space and support. Technology use is not the problem here; it’s the symptom.

    Relationships matter. Technology can play a supporting role, but it is neither the solution to the relationship problem nor the cause of it. For young people, learning how to develop healthy relationships is a journey. Not only do children need the space to nurture relationships, they also need role models. One major challenge today’s children face may be that their parents have forgotten how to nurture relationships of their own. Luckily, this is something that we can all do something about.

    danah boyd is an incoming professor of communication at Cornell University.

    #danah_boyd #parents #technologie #paniques_morales #vie_sociale

  • #Chowra_Makaremi : « Le #viol devient le paradigme de la loi du plus fort dans les #relations_internationales »

    En #Ukraine, Poutine revendique de faire la guerre au nom du genre. En #Iran, le régime réprime implacablement la révolution féministe. Dans d’autres pays, des populistes virilistes prennent le pouvoir. Une réalité que décrypte l’anthropologue Chowra Makaremi.

    IranIran, Afghanistan, invasion russe en Ukraine, mais aussi les discours des anciens présidents Donald Trump ou Jair Bolsonaro ou du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan : tous ont en commun de s’en prendre aux #femmes, comme l’explique l’anthropologue Chowra Makaremi.

    L’autrice de Femme ! Vie ! Liberté ! Échos du soulèvement en Iran (La Découverte, 2023) fait partie des chercheuses sollicitées par Mediapart pour #MeToo, le combat continue, l’ouvrage collectif publié récemment aux éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-clé sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été traversées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Entretien.

    Mediapart : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il va falloir supporter. » Cette phrase a été prononcée le 7 février 2022 par le président russe, #Vladimir_Poutine, devant Emmanuel Macron. Elle était adressée à l’Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, qui venait de critiquer les accords de Minsk, signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. Quelle lecture en faites-vous ?

    Chowra Makaremi : Le viol devient le paradigme de la #loi_du_plus_fort dans les relations internationales. La philosophe #Simone_Weil souligne dans un texte combien la #guerre relève de la logique du viol, puisque sa matrice est la #force qui, plus que de tuer, a le pouvoir de changer l’être humain en « une #chose » : « Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. [L’âme] n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence », écrit-elle.

    Cette comptine vulgaire de malfrats que cite #Poutine dit la culture criminelle qui imprègne sa politique. Elle me fait penser à ce que l’anthropologue Veena Das nomme la dimension voyou de la souveraineté étatique : la #truanderie comme n’étant pas seulement un débordement illégitime du pouvoir mais, historiquement, une composante de la #souveraineté, une de ses modalités.

    On le voit avec le pouvoir de Poutine mais aussi avec ceux de #Narendra_Modi en #Inde (dont parle Veena Das), de #Donald_Trump aux #États-Unis, de #Jair_Bolsonaro au #Brésil, de #Recep_Tayyip_Erdogan en #Turquie. Quand Poutine a dit sa comptine, personne n’a quitté la salle, ni Emmanuel Macron ni la presse, qui a cherché, au contraire, à faire parler la symbolique de cette « remarque ». Tout le réseau de sens et de connexions qui permet à cette cruelle boutade de tenir lieu de discours guerrier intuitivement compréhensible et audible montre que le type d’#outrage dont elle relève est une #transgression qui appartient, à la marge, à l’#ordre.

    On parle de la #masculinité_hégémonique au pouvoir avec Poutine, mais elle fait écho à celle de nombreux autres chefs d’État que vous venez de citer. Quelles sont les correspondances entre leurs conceptions de domination ?

    Il n’y a pas, d’un côté, les théocraties comme l’Iran et l’Afghanistan, et, de l’autre, les populismes virilistes de Trump, Erdogan, Bolsonaro, qui s’appuient sur des « #paniques_morales » créées par la remise en cause des rôles traditionnels de #genre, pour s’adresser à un électorat dans l’insécurité. Bolsonaro, très lié à l’armée et à l’Église, s’est appuyé sur je ne sais combien de prêcheurs pour mener sa campagne. Dimension religieuse que l’on retrouve chez Poutine, Modi, Erdogan.

    La #religion est un des éléments fondamentaux d’un #pouvoir_patriarcal très sensible à ce qui peut remettre en question sa #légitimité_symbolique, sa #domination_idéologique, et dont la #puissance est de ne pas paraître comme une #idéologie justement. Cette bataille est menée partout. Il y a un même nerf.

    Quand l’anthropologue Dorothée Dussy parle de l’inceste et de sa « fonction sociale » de reproduction de la domination patriarcale, son analyse est inaudible pour beaucoup. C’est ainsi que fonctionne l’#hégémonie : elle est sans pitié, sans tolérance pour ce qui peut en menacer les ressorts – et du même coup, en cartographier le pouvoir en indiquant que c’est là que se situent les boulons puisque, précisément, la puissance de l’hégémonie est dans l’invisibilité de ses boulons.

    Si on prend le #droit_de_disposer_de_son_corps, en Occident, il s’articule autour de la question de la #santé_contraceptive et du #droit_à_l’avortement et dans les mondes musulmans, autour de la question du #voile. De façon troublante, une chose est commune aux deux situations : c’est le viol comme la vérité des rapports entre genres qui organise et justifie la #contrainte sur les femmes à travers leur #corps.

    En Occident, le viol est le cas limite qui encadre juridiquement et oriente les discussions morales sur l’#avortement. Dans les sociétés musulmanes, la protection des femmes – et de leur famille, dont elles sont censées porter l’honneur – contre l’#agression_masculine est la justification principale pour l’obligation du voile. Il y a de part et d’autre, toujours, cet impensé du #désir_masculin_prédateur : un état de nature des rapports entre genres.

    C’est ce qu’assènent tous les romans de Michel Houellebecq et la plupart des écrits du grand Léon Tolstoï… « L’homme est un loup pour l’homme, et surtout pour la femme », dit un personnage du film Dirty Dancing. Cette population définie par ces rapports et ces #pulsions, il s’agit de la gouverner à travers l’#ordre_patriarcal, dont la domination est posée dès lors comme protectrice.

    L’Iran et l’#Afghanistan figurent parmi les pays les plus répressifs à l’encontre des femmes, les régimes au pouvoir y menant un « #apartheid_de_genre ». Concernant l’Afghanistan, l’ONU parle même de « #crime_contre_l’humanité fondé sur la #persécution_de_genre ». Êtes-vous d’accord avec cette qualification ?

    Parler pour la persécution de genre en Afghanistan de « crime contre l’humanité » me semble une avancée nécessaire car elle mobilise les armes du #droit pour désigner les #violences_de_masse faites aux femmes et résister contre, collectivement et transnationalement.

    Mais il me paraît tout aussi important de libérer la pensée autour de la #ségrégation_de_genre. À la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan, au #Baloutchistan, après la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, les femmes sont sorties dans la rue au cri de « Femme, vie, liberté », « Avec ou sans le voile, on va vers la révolution ». Dans cette région, leur place dans l’espace public n’est pas un acquis – alors qu’il l’est à Téhéran – et elles se trouvent au croisement de plusieurs dominations de genre : celle d’un patriarcat traditionnel, lui-même dominé par la puissance étatique centrale, iranienne, chiite.

    Or, en participant au soulèvement révolutionnaire qui traversait le pays, elles ont également renégocié leur place à l’intérieur de ces #dominations_croisées, chantant en persan, avec une intelligence politique remarquable, le slogan des activistes chiliennes : « Le pervers, c’est toi, le salopard, c’est toi, la femme libérée, c’est moi. »

    C’est en écoutant les femmes nommer, en situation, la #ségrégation qu’on saisit le fonctionnement complexe de ces #pouvoirs_féminicides : en saisissant cette complexité, on comprend que ce n’est pas seulement en changeant des lois qu’on les démantèlera. On se trouve ici aux antipodes des #normes_juridiques, lesquelles, au contraire, ressaisissent le réel dans leurs catégories génériques. Les deux mouvements sont nécessaires : l’observation en situation et le #combat_juridique. Ils doivent fonctionner ensemble.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/chowra-makaremi-le-viol-devient-le-paradigme-de-la-loi-du-plus-fort-dans-l

  • Caricatural, ultra-politisé : le grand n’importe quoi du nouveau #musée_d'Histoire de #Lyon

    Nous avons visité la nouvelle #exposition_permanente du #musée niché dans le vieux Lyon : un parcours déroutant, regorgeant de lacunes, défendant une vision de l’#histoire_engagée et surtout trompeuse.

    Le jour de notre visite, un dossier de presse le martèle, en #écriture_inclusive : le nouveau parcours du musée d’Histoire de Lyon, qui achevait samedi 2 décembre une réorganisation commencée en 2019, a été « co-construit », aussi bien avec des « expert.es » que des témoins et… « témouines », citoyens anonymes de Lyon. Une des conceptrices du musée le détaille : « On est allé en ville, on a posé des questions aux passants, à des jeunes qui faisaient du skate pour leur demander leur récit de la ville ». Un postulat de départ qui fait sourire autant qu’il inquiète et augure du sentiment qu’on éprouvera pendant toute la visite.

    Celle-ci tient par-dessus tout à s’éloigner de la si décriée approche chronologique. Une première salle « questionne » donc la ville, exposant pêle-mêle des objets touristiques ou sportifs récents (maillot de foot), sans enseignement apparent. Il faudra s’y faire : l’histoire n’est pas vraiment au centre du musée d’histoire. La fondation de la ville est évoquée au détour d’un panneau sur lequel un Lyonnais de l’Antiquité exhibe sa… Rolex. Une farce assumée par le musée, dont les guides nous préviennent que les anachronismes fleuriront tout au long des salles. On se mettrait à rire si le musée n’était pas destiné aux enfants aussi bien qu’aux adultes, avec la confusion que ces erreurs assumées entraîneront chez les premiers.
    L’homme blanc quasi absent de... l’industrie lyonnaise

    Les salles, justement, sont magnifiques dans cet hôtel de Gadagne, bâti au XVIe siècle. Mais l’architecture des lieux ne semble pas devoir nous intéresser : un tout petit cartel pour présenter une cheminée monumentale, puis plus rien. Les objets historiques sont rares et s’effacent au profit de montages photographiques et de récits (tous en écriture inclusive bien sûr) de quatre personnages fictifs censés raconter la ville : trois femmes nées à différents siècles, et Saïd, ouvrier devenu bénévole associatif. À l’étage suivant, une pirogue-vivier datée de 1540 trône quand même, dans une ambiance bleutée : c’est la partie consacrée au Rhône et à la Saône. Quelques (beaux) tableaux figurant des scènes de vie des deux fleuves sont exposés... à quelques centimètres du sol : cette seconde partie est dédiée aux enfants de cinq ans et l’on apprend que deux groupes de maternelle ont été consultés pour la concevoir. Des jeux ont été élaborés avec eux, « sans mauvaise réponse pour ne pas être moralisateurs » et parce que le musée est un avant tout un lieu d’amusement. Nous commençons à le croire.

    La suite de l’exposition permanente, qui aborde le sujet de l’industrie lyonnaise, prend toutefois un tour nettement plus désagréable, voire odieux. Voyons bien ce que nous voyons : une absence quasi totale de référence aux ouvriers masculins et blancs. Un métier à tisser inanimé constitue la seule preuve tangible de l’existence des canuts et une salopette vide accrochée au mur figure le prolétariat du XXe siècle. Une véritable provocation car les ouvrières sont elles bien mises en avant, et surtout les travailleurs immigrés. Le directeur, Xavier de La Selle, avait prévenu : « Le concept de Lyonnais de souche n’a aucun sens. » Un visiteur manquant de recul sortira de cette pièce convaincu que la ville n’a été construite que par le travail de femmes et de maghrébins. Le prisme social de l’histoire aurait pu présenter ici un réel intérêt : il est manipulé pour servir une vision politique qu’on ne peut qualifier autrement que de délirante.

    Et nous ne sommes pas au bout de ce délire : la dernière partie, celle qui vient d’être révélée au public, porte sur les « engagements » des Lyonnais. On entre ici dans un bric-à-brac stupéfiant, synthèse gauchiste assumée faisant de l’histoire politique de Lyon une sorte de grande convergence des luttes. Sur les murs et dans les vitrines, des nuages de mots à peu près tous synonymes de rébellion, des pancartes féministes, un haut-parleur, et même un objet sordide : un fait-tout utilisé par une avorteuse locale, célèbre semble-t-il, qui y stérilisait ses ustensiles médicaux mais y cuisait aussi ses pâtes. Le père Delorme, prêtre connu pour avoir organisé en 1983 une grande marche contre le racisme, est abondamment glorifié. Rappelons qu’en matière de religion, le musée ne nous a toujours pas expliqué pourquoi et quand fut construite la basilique de Fourvière ! L’autre référence au catholicisme dans la ville est celle du Sac de Lyon par les calvinistes, une œuvre de bois peint de 1565 décrivant des scènes de pillage, un bûcher d’objets liturgiques, des moines chassés. Son intérêt historique est toutefois anéanti par le commentaire de notre guide, qui n’y voit « pas du tout une scène violente ».

    Désacralisation du savoir

    À ce stade, le musée d’Histoire de Lyon réussit son pari : il n’est plus qu’un divertissement. On aborde une salle qui couvre à rebours la crise algérienne, la Seconde Guerre mondiale et enfin la Révolution. Cette dernière ne fait l’objet que d’un panneau succinct. Le musée est-il ennuyé de devoir évoquer plus en détail les tendances contre-révolutionnaires de Lyon ? À propos de Joseph Chalier, qui avait mis en place une dictature sanguinaire dans la ville avant d’être renversé par le peuple en 1793, un commentaire : « Certains l’ont considéré comme un martyr de la liberté. » L’homme avait commandé la première guillotine à Lyon et préconisait de l’installer sur le pont Morand afin que « les têtes tombent directement dans le Rhône »... Le principal historien consulté sur cette époque, Paul Chopelin, est entre autres fonctions président de la Société des études robespierristes. Enfin, une galerie des grandes figures de l’histoire lyonnaise conclut ce drôle de parcours. Miracle : il s’y trouve presque autant de femmes que d’hommes. Quitte à ce que la première conseillère municipale féminine y tienne la même place qu’Édouard Herriot, maire pendant près d’un demi-siècle. Pas de portrait de Raymond Barre en revanche, mais une lettre anonyme fièrement disposée, le qualifiant de « peu regretté [maire], qui de toute sa carrière s’est bien peu occupé du sort de ceux que son système économique met de côté ».

    Tirons un bilan positif : il n’est pas donné à tout amateur d’histoire d’expérimenter une telle distorsion, une telle désacralisation du savoir. Aux inventions « pédagogiques » en vogue, pour certaines réussies mais souvent inutiles, le musée d’histoire de Lyon ajoute un militantisme qui laisse pantois, et ignore des pans entiers de l’histoire lyonnaise, ne faisant qu’effleurer le reste. L’équipe du musée est certes enthousiaste, convaincue de bien faire, mais s’est méprise sur la notion d’engagement. Plus qu’une déception, pour une structure qui emploie 50 personnes (et exploite aussi un musée de la marionnette et de guignol, peut-être moins amusant) avec un budget annuel d’environ 3 millions d’euros. Son projet scientifique et culturel, validé par l’État, bénéficie du plein soutien de l’actuelle mairie : le maire Grégory Doucet (EELV) se dit ainsi « admiratif du travail colossal » des équipes du musée d’une ville « profondément humaine, tissée par les lumières du monde ». Un tissu, oui, mais pas vraiment de lumière.

    https://www.lefigaro.fr/histoire/mensonger-ultra-politise-le-grand-n-importe-quoi-du-nouveau-musee-d-histoir

    Mots-clé tirés de l’article et de la vidéo :
    #wokisme #woke #révolution_culturelle_woke #intersectionnalité #affaire_de_Grenoble #militantisme #militants_extrémistes #ségrégationnisme #séparatisme #pride_radicale #non-mixité #genre #panique_morale #anti-wokisme #universalisme #universités #culture #films #imaginaire #civilisation_occidentale #industrie_lyonnaise #woke-washing #engagement #père_Delorme #1983 #Marche_pour_l'égalité_et_contre_le_racisme #planning_familial #catholicisme #racisme_systémique #Sac_de_Lyon #divertissement #Joseph_Chalier #histoire #Paul_Chopelin #militantisme

    Les invité·es :

    1. #Nora_Bussigny, autrice de ce #livre :
    Les Nouveaux Inquisiteurs


    https://www.albin-michel.fr/les-nouveaux-inquisiteurs-9782226476951

    2. #Pierre_Valentin, auteur de ce livre :
    L’#idéologie_woke. Anatomie du wokisme


    https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-1-anatomie-du-wokisme

    3. #Samuel_Fitoussi :
    https://www.wikiberal.org/wiki/Samuel_Fitoussi
    (et je découvre au même temps « wikilibéral »)
    –-> qui parle notamment du film #Barbie (min 18’30)

    https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-1-anatomie-du-wokisme

  • Transition énergétique : pour Agnès Pannier-Runacher, « la transformation à engager est d’une ampleur comparable à celle de la première révolution industrielle »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/21/transition-energetique-pour-agnes-pannier-runacher-la-transformation-a-engag

    Transition énergétique : pour Agnès Pannier-Runacher, « la transformation à engager est d’une ampleur comparable à celle de la première révolution industrielle »

    Pour qui voulait encore en douter, une preuve supplémentaire que le capitalisme est à la recherche de sa sauvegarde à travers la "transition énergétique" (qui succède bien entendu au "développement durable" en attendant la prochaine trouvaille des élites dirigeantes). Où est la prochaine source d’accumulation, viiiiite !

    Pannier-Runacher, si parfait exemple de la déconnexion des hauts fonctionnaires avec le monde réel.

    #capitalisme #accumulation #panique (on la sent un peu quand même)
    #paywall (mais en fait à ce stade je crois bien que je m’en fous)

    • Ah mais non, pas question : tu vas boire le calice jusqu’à la lie. Et pouvoir t’endormir en rêvant de voitures électriques (qui consommeront moins de carburant) pilotées par Agnès Pannier-Nulle-à-chier qui fera rien qu’à demander gentiment à Patrick Pouyanné d’éviter de produire davantage d’hydrocarbures à l’horizon 2030.
      On ne saurait trop conseiller à la ministre (de la trahison énergétique) de se déguiser en éolienne : cela lui donnera un prétexte pour pouvoir continuer à brasser du vent.

      https://justpaste.it/apdke

      Ah mais tiens, ça me revient : on lui dit aussi de rapatrier les avoirs qu’elle détient dans des établissements financiers de Guernesey, de Hong Kong et de l’état américain du Delaware et de nous raconter une belle histoire de décarbonation ?

      https://disclose.ngo/fr/article/petrole-et-paradis-fiscaux-les-interets-caches-de-la-ministre-de-la-transi

      ♫♪ Perenco, raconte-nous histoire. Perenco, raconte-nous une histoire ...♪♫

  • Immigration : une autre voie est possible, nécessaire, urgente

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de #Gérald_Darmanin, la France s’illustre encore dans le #repli, le #rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaire, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. Quelques réflexions alternatives sur la « #misère_du_monde » et son « #accueil », parce qu’on ne peut plus se rendre complice de cinq mille morts chaque année.

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de Gérald Darmanin, la France s’illustre encore dans le repli, le rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaires, et alors que s’annonce l’examen parlementaire d’un projet de loi plus brutal et liberticide que jamais, signé par le même Darmanin, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. C’est ce à quoi s’efforce Pierre Tevanian dans le texte qui suit. Dans la foulée de son livre « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort->, co-signé l’an passé avec Jean-Charles Stevens, et à l’invitation de la revue Respect, qui publie le 21 septembre 2023 un numéro intitulé « Bienvenue » et intégralement consacré à l’accueil des migrants, Pierre Tevanian a répondu à la question suivante : de quelle politique alternative avons-nous besoin ? De son article intitulé « Repenser l’accueil, oser l’égalité », le texte qui suit reprend les grandes lignes, en les développant et en les prolongeant.

    *

    Lorsqu’en juillet 2022 nous mettions sous presse notre ouvrage, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, l’association Missing Migrants recensait 23801 morts en méditerranée pour la décennie passée, ainsi que 797 morts aux frontières Nord et Est de la « forteresse Europe ». Un an plus tard, l’hécatombe s’élève à 20 089 morts en méditerranée et 1052 au Nord et à l’Est [Chiffres produits le 20 septembre 2023]. Soit 5340 vies de plus en un an, fauchées par une politique concertée qui, adossée à ce simple dicton sur la « misère du monde », s’arroge insolemment le monopole de la « raison » et de la « responsabilité ».

    C’est de là qu’il faut partir, et là qu’il faut toujours revenir, lorsqu’on parle d’ « immigration » et de « politique d’immigration ». C’est à ce « reste » consenti de la « gestion » technocratique des « flux migratoires » que nous revenons constamment, opiniâtrement, dans notre livre, afin de ré-humaniser un débat public que cinq décennies de démagogie extrémiste – mais aussi de démagogie gouvernante – ont tragiquement déshumanisé.

    L’urgence est là, si l’on se demande quelle politique alternative doit être inventée, et tout le reste en découle. Il s’agit de libérer notre capacité de penser, mais aussi celle de sentir, de ressentir, d’être affectés, si longtemps verrouillées, intimidées, médusées par le matraquage de ce dicton et de son semblant d’évidence. Ici comme en d’autres domaines (les choix économiques néolibéraux, le démantèlement des services publics et des droits sociaux), le premier geste salutaire, celui qui détermine tous les autres mais nécessite sans doute le principal effort, est un geste d’émancipation, d’empowerment citoyen, de sortie du mortifère « TINA » : « There Is No Alternative ».

    Le reste suivra. L’intelligence collective relèvera les défis, une fois libérée par ce préalable nécessaire que l’on nomme le courage politique. La question fatidique, ultime, « assassine » ou se voulant telle : « Mais que proposez-vous ? », trouvera alors mille réponses, infiniment plus « réalistes » et « rationnelles » que l’actuel « pantomime » de raison et de réalisme auquel se livrent nos gouvernants. Si on lit attentivement notre livre, chaque étape de notre propos critique contient en germe, ou « en négatif », des éléments « propositionnels », des pistes, voire un « programme » alternatif tout à fait réalisable. On se contentera ici d’en signaler quelques-uns – en suivant l’ordre de notre critique, mot à mot, du sinistre dicton : « nous » - « ne pouvons pas » - « accueillir » - « toute » - « la misère du monde ».

    Déconstruire le « nous », oser le « je ».

    Tout commence par là. Se re-subjectiver, diraient les philosophes, c’est-à-dire, concrètement : renouer avec sa capacité à penser et agir, et pour cela s’extraire de ce « on » tellement commode pour s’éviter de penser (« on sait bien que ») mais aussi s’éviter de répondre de ses choix (en diluant sa responsabilité dans un « nous » national). Assumer le « je », c’est accepter de partir de cette émotion face à ces milliers de vies fauchées, qui ne peut pas ne pas nous étreindre et nous hanter, si du moins nous arrêtons de l’étouffer à coup de petites phrases.

    C’est aussi se ressouvenir et se ré-emparer de notre capacité de penser, au sens fort : prendre le temps de l’information, de la lecture, de la discussion, de la rencontre aussi avec les concernés – cette « immigration » qui se compose de personnes humaines. C’est enfin, bien entendu, nourrir la réflexion, l’éclairer en partant du réel plutôt que des fantasmes et phobies d’invasion, et pour cela valoriser (médiatiquement, politiquement, culturellement) la somme considérable de travaux scientifiques (historiques, sociologiques, démographiques, économiques, géographiques [Lire l’Atlas des migrations édité en 2023 par Migreurop.]) qui tous, depuis des décennies, démentent formellement ces fantasmagories.

    Inventer un autre « nous », c’est abandonner ce « nous national » que critique notre livre, ce « nous » qui solidarise artificiellement exploiteurs et exploités, racistes et antiracistes, tout en excluant d’office une autre partie de la population : les résidents étrangers. Et lui substituer un « nous citoyen » beaucoup plus inclusif – inclusif notamment, pour commencer, lorsqu’il s’agit de débattre publiquement, et de « composer des panels » de participants au débat : la dispute sur l’immigration ne peut se faire sans les immigré·e·s, comme celle sur la condition féminine ne peut se faire sans les femmes.

    Ce nouveau « nous » devra toutefois être exclusif lui aussi, excluant et intolérant à sa manière – simplement pas avec les mêmes. Car rien de solidement et durablement positif et inclusif ne pourra se construire sans un moment « négatif » assumé de rejet d’une certaine composante de la « nation française », pour le moment « entendue », « comprise », excusée et cajolée au-delà de toute décence : celle qui exprime de plus en plus ouvertement et violemment son racisme, en agressant des migrant·e·s, en menaçant des élu·e·s, en incendiant leurs domiciles. Si déjà l’autorité de l’État se manifestait davantage pour soutenir les forces politiques, les collectifs citoyens, les élus locaux qui « accueillent », et réprimer celles qui les en empêchent en semant une véritable terreur, un grand pas serait fait.

    Reconsidérer notre « impuissance »… et notre puissance.

    Nous ne « pouvons » pas accueillir, nous dit-on, ou nous ne le pouvons plus. L’alternative, ici encore, consisterait à revenir au réel, et à l’assumer publiquement – et en premier lieu médiatiquement. La France est la seconde puissance économique européenne, la sixième puissance économique du monde, et l’un des pays au monde – et même en Europe – qui « accueille », en proportion de sa population totale, le moins de réfugié·e·s ou d’étranger·e·s. Parmi des dizaines de chiffres que nous citons, celui-ci est éloquent : 86% des émigrant·e·s de la planète trouvent refuge dans un pays « en développement ». Ou celui-ci : seuls 6,3% des personnes déplacées trouvent refuge dans un pays de l’Union européenne [Ces chiffres, comme les suivants, sont cités et référencés dans notre livre, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, op. cit.].

    Reconsidérer notre puissance, c’est aussi, on l’a vu, se rendre attentif au potentiel déjà existant : publiciser les initiatives locales de centres d’accueil ou de solidarités plus informelles, dont il est remarquable qu’elles sont rarement le fait de personnes particulièrement riches. C’est aussi défendre cette « puissance d’accueil » quand elle est menacée par des campagnes d’extrême droite, la valoriser au lieu de la réprimer. C’est donc aussi, très concrètement, abroger l’infâme « délit de solidarité » au nom duquel on a persécuté Cédric Herrou et tant d’autres. Aucun prétexte ne tient pour maintenir ce dispositif « performatif » (qui « déclare » l’accueil impossible, par l’interdit, afin de le rendre impossible, dans les faits). « Filières mafieuses », sur-exploitation des travailleurs sans-papiers, « marchands de sommeil » : tous ces fléaux sociaux pourraient parfaitement être combattus avec un arsenal légal délesté de ce sinistre « délit de solidarité » : le Droit du travail, le Droit du logement, et plus largement tout l’appareil pénal qui réprime déjà toute forme de violence, d’extorsion et d’abus de faiblesse.

    Repenser l’accueil, oser l’égalité.

    Si notre livre combat le rejet et valorise la solidarité, il critique pourtant la notion d’accueil ou celle d’hospitalité, telle qu’elle est mobilisée dans notre débat public. Pour une raison principalement : en entretenant la confusion entre le territoire national et la sphère domestique, le paradigme de l’hospitalité encourage les paniques sociales les plus irrationnelles (à commencer par le sentiment d’ « invasion »), mais aussi les régressions autoritaires les plus nocives (ce fameux « On est chez nous ! », qui assimile les étranger·e·s, fussent-ils ou elles titulaires d’un logement qui leur est propre, d’un bail ou d’un titre de propriété, à des intrus qui nous placent en situation de « légitime défense »). Ce qui est ainsi évacué du débat, c’est ni plus ni moins qu’un principe constitutionnel : le principe d’égalité de traitement de toutes et tous sur le territoire d’une république démocratique. Plusieurs dispositifs légaux, ici encore, seraient à abroger, parce qu’ils dérogent à ce principe d’égalité : la « double peine » , les « emplois réservés » – sans parler de la citoyenneté elle-même, qui gagnerait à être, comme dans la majorité des pays européens, ouvertes au moins partiellement aux résident·e·s étranger·e·s.

    Enfin, bien en deçà de ces mesures tout à fait réalisables, une urgence s’impose : avant de se demander si l’on va « accueillir », on pourrait commencer par laisser tranquilles les nouveaux arrivants. À défaut de les « loger chez soi », arrêter au moins de les déloger, partout où, avec leurs propres forces, à la sueur de leur front, ils ou elles élisent domicile – y compris quand il s’agit de simples tentes, cabanons et autres campements de fortune.

    Repenser le « tout », assumer les droits indivisibles

    Là encore la première des priorités, celle qui rend possible la suite, serait une pédagogie politique, et avant cela l’arrêt de la démagogie. Car là encore tout est connu, établi et documenté par des décennies de travaux, enquêtes, rapports, publiés par des laboratoires de recherche, des institutions internationales – et même des parlementaires de droite [Nous citons dans notre ouvrage ces différents rapports.].

    Il suffirait donc que ce savoir soit publicisé et utilisé pour éclairer le débat, en lieu et place de l’obscurantisme d’État qui fait qu’actuellement, des ministres continuent de mobiliser des fictions (le risque d’invasion et de submersion, le « coût de l’immigration », mais aussi ses effets « criminogènes ») que même les élus de leurs propres majorités démentent lorsqu’ils s’attèlent à un rapport parlementaire sur l’état des connaissances en la matière. Nous l’avons déjà dit : à l’échelle de la planète, seules 6,3% des personnes déplacées parviennent aux « portes de l’Europe » – et encore ce calcul n’inclut-il pas la plus radicale des « misères du monde », celle qui tue ou cloue sur place des populations, sans possibilité aucune de se déplacer. Cette vérité devrait suffire, si l’on osait la dire, pour congédier toutes les psychoses sur une supposée « totalité » miséreuse qui déferlerait « chez nous ».

    À l’opposé de cette « totalité » factice, prétendument « à nous portes », il y a lieu de repenser, assumer et revendiquer, sur un autre mode, et là encore à rebours de ce qui se pratique actuellement, une forme de « totalité » : celle qui sous-tend l’universalité et l’indivisibilité des droits humains, et du principe d’égalité de traitement : « tout » arrivant, on doit le reconnaître, a droit de bénéficier des mêmes protections, qu’il soit chrétien, juif ou musulman, que sa peau soit claire ou foncée, qu’il vienne d’Ukraine ou d’Afghanistan. Le droit d’asile, les dispositifs d’accueil d’urgence, les droits des femmes, les droits de l’enfant, le droit de vivre en famille, les droits sociaux, et au-delà l’ensemble du Droit déjà existant (rappelons-le !), ne doit plus souffrir une application à géométries variables.

    Il s’agit en l’occurrence de rompre, au-delà des quatre décennies de « lepénisation » qui ont infesté notre débat public, avec une tradition centenaire de discrimination institutionnelle : cette « pensée d’État » qui a toujours classé, hiérarchisé et « favorisé » certaines « populations » au détriment d’autres, toujours suivant les deux mêmes critères : le profit économique (ou plus précisément le marché de l’emploi et les besoins changeants du patronat) et la phobie raciste (certaines « cultures » étant déclarées moins « proches » et « assimilables » que d’autres, voire franchement « menaçantes »).

    Respecter la « misère du monde », reconnaître sa richesse.

    Il n’est pas question, bien sûr, de nier la situation de malheur, parfois extrême, qui est à l’origine d’une partie importante des migrations internationales, en particulier quand on fuit les persécutions, les guerres, les guerres civiles ou les catastrophes écologiques. Le problème réside dans le fait de réduire des personnes à cette appellation abstraite déshumanisante, essentialisante et réifiante : « misère du monde », en niant le fait que les migrant·e·s, y compris les plus « misérables », arrivent avec leurs carences sans doute, leurs traumas, leurs cicatrices, mais aussi avec leur rage de vivre, leur créativité, leur force de travail, bref : leur puissance. Loin de se réduire à une situation vécue, dont précisément ils et elles cherchent à s’arracher, ce sont de potentiels producteurs de richesses, en tant que travailleurs et travailleuses, cotisant·e·s et consommateurs·trices. Loin d’être seulement des corps souffrants à prendre en charge, ils et elles sont aussi, par exemple, des médecins et des aides-soignant·es, des auxiliaires de vie, des assistantes maternelles, et plus largement des travailleurs et des travailleuses du care – qui viennent donc, eux-mêmes et elles-mêmes, pour de vrai, accueillir et prendre en charge « notre misère ». Et cela d’une manière tout à fait avantageuse pour « nous », puisqu’ils et elles arrivent jeunes, en âge de travailler, déjà formé·es, et se retrouvent le plus souvent sous-payé·es par rapport aux standards nationaux.

    Là encore, la solution se manifeste d’elle-même dès lors que le problème est bien posé : il y a dans ladite « misère du monde » une richesse humaine, économique notamment mais pas seulement, qu’il serait intéressant de cultiver et associer au lieu de la saboter ou l’épuiser par le harcèlement policier, les dédales administratifs et la surexploitation. L’une des mises en pratique concrète de ce virage politique serait bien sûr une opération de régularisation massive des sans-papiers, permettant (nous sommes là encore en terrain connu, éprouvé et documenté) de soustraire les concerné·e·s des « sous-sols » de l’emploi « pour sans-papiers », véritable « délocalisation sur place », et de leur donner accès aux étages officiels de la vie économique, ainsi qu’au Droit du travail qui le régit.

    Il y a enfin, encore et toujours, ce travail de pédagogie à accomplir, qui nécessite simplement du courage politique : populariser le consensus scientifique existant depuis des décennies, quelles que soit les périodes ou les espaces (états-unien, européen, français, régional), concernant l’impact de l’immigration sur l’activité et la croissance économique, l’emploi et les salaires des autochtones, l’équilibre des finances publiques, bref : la vie économique au sens large. Que ces études soient l’oeuvre d’institutions internationales ou de laboratoires de recherche, elles n’ont cessé de démontrer que « le coût de l’immigration » est tout sauf avéré, que les nouveaux arrivant·e·s constituent davantage une aubaine qu’une charge, et qu’on pourrait donc aussi bien parler de « la jeunesse du monde » ou de « la puissance du monde » que de sa « misère ».

    Redevenir moraux, enfin.

    Le mot a mauvaise presse, où que l’on se trouve sur l’échiquier politique, et l’on devrait s’en étonner. On devrait même s’en inquiéter, surtout lorsque, comme dans ce « débat sur l’immigration », il est question, ni plus ni moins que de vies et de morts. Les ricanements et les postures viriles devraient s’incliner – ou nous devrions les forcer à s’incliner – devant la prise en considération de l’autre, qui constitue ce que l’on nomme la morale, l’éthique ou tout simplement notre humanité. Car s’il est à l’évidence louable de refuser de « faire la morale » à des adultes consentants sur des questions d’identité sexuelle ou de sexualité qui n’engagent qu’elles ou eux, sans nuire à autrui, il n’en va pas de même lorsque c’est la vie des autres qui est en jeu. Bref : l’interdit de plus en plus impérieux qui prévaut dans nos débats sur l’immigration, celui de « ne pas culpabiliser » l’électeur lepéniste, ne saurait être l’impératif catégorique ultime d’une démocratie saine.

    Pour le dire autrement, au-delà de la « misère » que les migrant·e·s cherchent à fuir, et de la « puissance » qu’ils ou elles injectent dans la vie économique, lesdit·es migrant·e·s sont une infinité d’autres choses : des sujets sociaux à part entière, doté·e·s d’une culture au sens le plus large du terme, et d’une personnalité, d’une créativité, irréductible à toute appellation expéditive et englobante (aussi bien « misère » que « richesse », aussi bien « charge » que « ressource »). Et s’il n’est pas inutile de rappeler tout le potentiel économique, toute l’énergie et « l’agentivité » de ces arrivant·e·s, afin de congédier les fictions anxiogènes sur « l’invasion » ou « le coût de l’immigration », il importe aussi et surtout de dénoncer l’égoïsme sordide de tous les questionnements focalisés sur les coûts et les avantages – et d’assumer plutôt un questionnement éthique. Car une société ne se fonde pas seulement sur des intérêts à défendre, mais aussi sur des principes à honorer – et il en va de même de toute subjectivité individuelle.

    Le réalisme dont se réclament volontiers nos gouvernants exige en somme que l’on prenne en compte aussi cette réalité-là : nous ne vivons pas seulement de pain, d’eau et de profit matériel, mais aussi de valeurs que nous sommes fiers d’incarner et qui nous permettent de nous regarder dans une glace. Personne ne peut ignorer durablement ces exigences morales sans finir par le payer, sous une forme ou une autre, par une inexpugnable honte. Et s’il est précisément honteux, inacceptable aux yeux de tous, de refuser des soins aux enfants, aux vieillards, aux malades ou aux handicapé·e·s en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il devrait être tout aussi inacceptable de le faire lorsque lesdit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·e·s viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte inhumanité.

    https://blogs.mediapart.fr/pierre-tevanian/blog/220923/immigration-une-autre-voie-est-possible-necessaire-urgente

    #complicité #Pierre_Tevanian #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #migrations #réfugiés #asile #déshumanisation #There_is_no_alternative (#TINA) #alternative #courage_politique #intelligence_collective #raison #réalisme #re-subjectivation #émotion #fantasmes #phobie #invasion #fantasmagorie #nationalisme #résidents_étrangers #nous_citoyen #racisme #xénophobie #impuissance #puissance #puissance_d’accueil #délit_de_solidarité #solidarité #extrême_droite #performativité #égalité #hospitalité #paniques_sociales #principe_d'égalité #double_peine #emplois_réservés #citoyenneté #hébergement #logement #pédagogie_politique #fictions #obscurantisme_d'Etat #droits_humains #égalité_de_traitement #lepénisation #débat_public #discrimination_institutionnelle #discriminations #déshumanisation #richesse #régularisation #sans-papiers #économie #morale #éthique #humanité #agentivité #potentialité_économique #valeurs
    #ressources_pédagogiques

    ping @isskein @reka @_kg_ @karine4

    • « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : la vraie histoire de la citation de #Michel_Rocard reprise par #Macron

      Le président de la République a cité, dimanche 24 septembre, la célèbre phrase de Rocard. L’occasion de revenir sur une déclaration à laquelle on a souvent fait dire ce qu’elle ne disait pas.

      C’est à la fois une des phrases les plus célèbres du débat politique français, mais aussi l’une des plus méconnues. Justifiant la politique de fermeté vis-à-vis des migrants arrivés à Lampedusa, Emmanuel Macron a déclaré hier : « On a un modèle social généreux, et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »

      https://twitter.com/TF1Info/status/1706009131448983961

      La citation est un emprunt à la déclaration de Michel Rocard. La droite aime à citer cette phrase, ce qui est une manière de justifier une politique de fermeté en matière d’immigration en citant un homme de gauche. Tandis que la gauche a souvent tendance à ajouter que le Premier ministre de François Mitterrand avait ajouté un volet d’humanité en rappelant que la France devait aussi « prendre sa part » (ou « s’y efforcer »), et donc que sa formule, loin d’être un appel à la fermeture des frontières, était en réalité un appel à l’accueil.

      En réalité, comme Libération l’avait expliqué en détail il y a quelques années, les choses sont moins simples. Contrairement à ce que la gauche aime dire, cette déclaration de Michel Rocard n’était, initialement, pas vraiment humaniste, et était invoquée par le responsable socialiste pour justifier la politique draconienne vis-à-vis de l’immigration du gouvernement d’alors.

      On retrouve la trame de cette formule dans un discours prononcé le 6 juin 1989 à l’Assemblée nationale (page 1 797 du document) : « Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles », déclare ce jour-là Michel Rocard, avant d’ajouter qu’il faut « résister à cette poussée constante ». Il n’est nullement question alors d’un quelconque devoir de prendre part à cet afflux.

      A l’époque, le climat est tendu sur la question de l’immigration. L’exclusion d’un collège de Creil de trois élèves musulmanes ayant refusé d’ôter leur foulard a provoqué, en octobre 1989, un vif débat national. En décembre, le FN écrase la législative partielle de Dreux. Les discours sur l’immigration se durcissent. Celui du PS n’échappe pas à la règle, d’autant que la gauche se voit reprocher d’être revenue sur les lois Pasqua. François Mitterrand déclare dans une interview à Europe 1 et Antenne 2, le 10 décembre 1989, que le « seuil de tolérance » des Français à l’égard des étrangers « a été atteint dans les années 70 ». Se met en place le discours qui va être celui du PS pendant quelques années. D’un côté, une volonté affichée de promouvoir l’intégration des immigrés réguliers en place (c’est en décembre 1989 qu’est institué le Haut Conseil à l’intégration). De l’autre côté, un objectif affirmé de verrouiller les flux migratoires, avec un accent mis sur la lutte contre l’immigration clandestine, mais pas seulement. Dans la même interview à France 2 et Europe 1, Mitterrand explique ainsi que le chiffre de « 4 100 000 à 4 200 000 cartes de séjour » atteint selon lui en 1982 ne doit, « autant que possible, pas être dépassé ».

      C’est dans ce contexte, le 3 décembre 1989, que Michel Rocard prononce la formule qui restera dans les mémoires. Michel Rocard est l’invité d’Anne Sinclair dans l’émission Sept sur sept sur TF1. Il précise la nouvelle position de la France en matière d’immigration et le moins qu’on puisse dire c’est que ses propos sont musclés. La France se limitera au respect des conventions de Genève, point final, explique-t-il : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […] Il faut savoir qu’en 1988 nous avons refoulé à nos frontières 66 000 personnes. 66 000 personnes refoulées aux frontières ! A quoi s’ajoutent une dizaine de milliers d’expulsions du territoire national. Et je m’attends à ce que pour l’année 1989 les chiffres soient un peu plus forts. »

      Après l’émission, Michel Rocard décline la formule à l’envi lors de ses discours les mois suivants, pour justifier de sa politique d’immigration. Le 13 décembre 1989, il déclare ainsi à l’Assemblée nationale : « Puisque, comme je l’ai dit, comme je le répète, même si comme vous je le regrette, notre pays ne peut accueillir et soulager toute la misère du monde, il nous faut prendre les moyens que cela implique. » Et précise les moyens en question : « Renforcement nécessaire des contrôles aux frontières », et « mobilisation de moyens sans précédent pour lutter contre une utilisation abusive de la procédure de demande d’asile politique ».

      Il la répète quelques jours plus tard, le 7 janvier 1990, devant des socialistes d’origine maghrébine réunis à l’occasion d’un colloque sur l’immigration. « J’ai beaucoup réfléchi avant d’assumer cette formule. Il m’a semblé que mon devoir était de l’assumer complètement. Aujourd’hui je le dis clairement. La France n’est plus, ne peut plus être, une terre d’immigration nouvelle. Je l’ai déjà dit et je le réaffirme, quelque généreux qu’on soit, nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », martèle-t-il devant un parterre d’élus pas très convaincus. Avant de conclure : « Le temps de l’accueil de main-d’œuvre étrangère relevant de solutions plus ou moins temporaires est donc désormais révolu. » Le reportage de France 2 consacré au colloque insiste sur le silence qui s’installe alors dans l’auditoire, avec un gros plan sur le visage dubitatif de Georges Morin, en charge du Maghreb pour le PS et animateur des débats.

      Le Premier ministre recycle son élément de langage dans un discours sur la politique d’immigration et d’intégration prononcé dans l’hémicycle le 22 mai 1990 : « Nous ne pouvons pas – hélas – soulager toutes les misères de la planète. » Le gouvernement reprendra aussi à son compte la petite phrase rocardienne, à l’image de Lionel Stoléru, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du Plan, qui, face à Jean-Marie Le Pen sur la Cinq le 5 décembre 1989, déclare : « Le Premier ministre a dit une phrase simple, qui est qu’on ne peut pas héberger toute la misère du monde, ce qui veut dire que les frontières de la France ne sont pas une passoire et que quel que soit notre désir et le désir de beaucoup d’êtres humains de venir nous ne pouvons pas les accueillir tous. Le problème de l’immigration, c’est essentiellement ceux qui sont déjà là… » On retrouve le double axe de la politique que revendique le gouvernement : effort pour intégrer les immigrés qui sont présents et limitation au maximum de toute nouvelle immigration.

      Il faudra attendre le 4 juillet 1993 pour une rectification tardive de Michel Rocard, en réaction à la politique anti-immigration de Charles Pasqua, raconte Thomas Deltombe, auteur d’un essai sur l’islamophobie dans les médias, dans un article du Monde diplomatique : « Laissez-moi lui ajouter son complément, à cette phrase », déclare alors Rocard dans Sept sur sept. « Je maintiens que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. La part qu’elle en a, elle prend la responsabilité de la traiter le mieux possible. »

      Trois ans plus tard, dans une tribune publiée dans le Monde du 24 août 1996 sous le titre « La part de la France », l’ex-Premier ministre assure que sa formule a été amputée et qu’elle s’accompagnait à l’époque d’un « [la France] doit en prendre fidèlement sa part ». Ce qu’il répète dans les pages de Libé en 2009, affirmant ainsi que sa pensée avait été « séparée de son contexte, tronquée, mutilée » et mise au service d’une idéologie « xénophobe ». Pourtant, cette seconde partie — censée contrebalancer la fermeté de la première — reste introuvable dans les archives, comme le pointait Rue89 en 2009. Une collaboratrice de Michel Rocard avait alors déclaré à la journaliste : « On ne saura jamais ce qu’il a vraiment dit. Lui se souvient l’avoir dit. En tout cas, dans son esprit, c’est ce qu’il voulait dire. Mais il n’y a plus de trace. On a cherché aussi, beaucoup de gens ont cherché mais on n’a rien. »

      Quelques années plus tard, en 2013, le chroniqueur de France Inter Thomas Legrand (désormais à Libération) a reposé la question à Michel Rocard, qui a alors assuré avoir retrouvé le texte d’un discours prononcé en novembre 1989 lors du cinquantenaire de la Cimade (Comité inter-mouvement auprès des évacués) . C’est là, affirme le Premier ministre, que la phrase aurait été prononcée. Voici ce que Rocard dit avoir déclaré : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite décemment la part qu’elle ne peut pas ne pas prendre. » Sauf que le verbatim de son discours n’a jamais été publié. Le site Vie publique ne donne qu’un résumé très sommaire de son intervention (« mise en cause du détournement du droit d’asile et importance de la rigueur dans l’admission des réfugiés »).

      Mais que ces mots aient été, ou pas, prononcés, devant la Cimade, ne change rien au fait qu’entre 1989 et 1990, la phrase a bien été assénée par Michel Rocard sans cette seconde partie, comme une justification de sa fermeté vis-à-vis de l’immigration. Et non comme un encouragement à l’accueil des immigrés.

      https://www.liberation.fr/checknews/on-ne-peut-pas-accueillir-toute-la-misere-du-monde-la-vraie-histoire-de-l
      #Emmanuel_Macron

  • Pourquoi le fisaco de Burning Man fascine autant les internautes ?
    https://www.ladn.eu/media-mutants/ebola-brulures-chimiques-les-inondations-de-burning-man-nourissent-les-rumeurs-

    Si l’on en croit TikTok, le festival Burning Man s’est transformé en catastrophe postapocalyptique. Sur place, les choses sont pourtant bien plus calmes. Et si cet emballement avait quelque chose à voir avec notre envie de voir des riches souffrir ?

    Depuis deux jours, le monde de la tech est sous l’eau… ou plutôt, il patauge dans la gadoue. En effet, le célèbre festival Burning Man qui se déroule tous les ans dans le désert de Black Rock au Nevada, et accueille tout le gratin de la Silicon Valley, vient de connaître un épisode de fortes pluies rendant le terrain impraticable. Si les véhicules à 4 roues motrices peuvent se déplacer, les vélos, les voitures ou les camping-cars sont totalement enlisés dans une boue visqueuse rendant le départ presque impossible. À cause des conditions météorologiques, la mise à feu de l’effigie qui siège au milieu de « la Playa » et qui donne le signal de la fin du festival a été repoussée à ce lundi 4 septembre. 

    @hkenza33
    BURNING MAN 2023 #burningman #burningman23

    ♬ Funny - Gold-Tiger
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    Un arrière-goût de Fyre Festival

    Plusieurs vidéos montrant des festivaliers en train de quitter le désert à pied pour rejoindre l’unique route ainsi que l’annonce d’un mort durant les averses a fini par transformer ces difficultés en véritable feuilleton catastrophe. Il faut dire que les images rappellent un autre évènement ; le fameux Fyre Festival de 2017 durant lequel de jeunes gens avaient payé une fortune pour se retrouver coincés dans un camp de fortune aux Bahamas. Mais cette ressemblance n’explique pas les multiples exagérations que l’on a pu entendre depuis ces dernières 24 heures. 

    Si l’on se fie aux très nombreuses vidéos YouTube et TikTok sur le sujet, les festivaliers souffriraient de faim et de soif, coincés dans un désert boueux sans moyen de contacter le monde extérieur. Les routes étant impraticables, les organisateurs du festival ont demandé à rationner l’eau et la nourriture, chaque participant étant censé avoir apporté de quoi se nourrir et s’hydrater en autonomie pendant une semaine. Certaines vidéos font référence au sable de Black Rock qui est si fin qu’il aspire l’humidité de la peau et provoque des blessures semblables à des brûlures chimiques. D’autres rumeurs plus folles évoquent des cas de maladies semblables à Ebola et un confinement du festival décidé par la FEMA (l’agence américaine spécialisée dans les situations d’urgence).

    #Burning_man #Paniques_morales #Médias #Médias_sociaux

  • Le débat politique s’empare des prévisions météorologiques aussi en Suisse Etienne Kocher - Miroslav Mares - RTS

    Trop alarmantes, erronées ou encore orientées politiquement : les prévisions météorologiques sont souvent critiquées cet été. La télévision alémanique SRF est même accusée de truquer les températures pour créer la panique.

    Dans plusieurs pays, les météorologues sont pris à partie, accusés de se tromper dans leurs prévisions, mais aussi de manipuler les bulletins pour les rendre plus alarmants.


    Normal de colorer le pays en rouge orangé

    Une situation vécue au mois de mai par l’agence météorologique nationale d’Espagne, lorsqu’elle a annoncé des températures anormalement élevées. La vague de chaleur s’est avérée correcte, mais les prévisions et les analyses ont généré un flot d’insultes et de menaces.

    Plusieurs messages anonymes ont mis en doute la véracité du changement climatique et ont sous-entendu que l’agence participait à un large complot pour créer la panique. Le gouvernement espagnol a dû prendre position pour dénoncer ces attaques.

    Un mois plus tard, en France, la chaîne publique France 2 a également constaté une hausse des accusations de désinformation à propos des évènements extrêmes et de leur lien avec le climat.

    La Suisse entre aussi dans le débat
    Au mois de juillet, Météosuisse avait lancé une alerte orage de quatre sur quatre, mais par rapport aux prévisions, la tempête s’est avérée moindre. A l’inverse, la tempête qui a ravagé La Chaux-de-Fonds n’a pas été prévue. A chacun de ces épisodes, les météorologues doivent s’expliquer, voire défendre leur travail.

    Des critiques viennent aussi du monde politique. Récemment, le journal conservateur Weltwoche a dénoncé les prévisions de l’application météo de SRF. Elles prévoyaient, dans certains endroits de la Méditerranée, des températures plus élevées de quelques degrés.

    Un conseiller national UDC accuse donc le diffuseur alémanique de truquer délibérément les prévisions pour alimenter une panique climatique et faire avancer l’agenda des Verts. Le météorologue en chef de SRF a reconnu des erreurs, tout en jugeant la critique absurde puisque ces prévisions sont le résultat d’un algorithme complètement automatique.

    Le public attend davantage de précision
    Invitée mercredi dans l’émission Forum, Marianne Giroud-Gaillard, météorologue à Météosuisse, constate une augmentation des critiques sur les réseaux sociaux. « Par moments, on a l’impression que cela est lié au fait que l’on est un service public ».

    « On peut estimer qu’il y a davantage d’attente du public en termes de précision et de durée de la prévision. On sait aussi que la population a accès à davantage d’information », observe la météorologue.

    Les phénomènes météorologiques restent complexes, ils intègrent une part d’incertitude, « on communique de plus en plus en termes de probabilité et de scénarios possibles. (...) En cas d’orages, on ne peut pas dire avant une heure où ils auront lieu », rappelle Marianne Giroud-Gaillard.

    #météo #propagande sur le #réchaufement_climatique #Climat #température #complot #panique #désinformation #journalistes #médias

    Source : https://www.rts.ch/info/suisse/14229728-le-debat-politique-sempare-des-previsions-meteorologiques-aussi-en-suis

    • Des milliers de contenus illicites retirés des réseaux sociaux
      https://www.lemonde.fr/societe/live/2023/07/05/emeutes-apres-la-mort-de-nahel-m-en-direct-le-bilan-chiffre-du-ministre-de-l

      Les réseaux sociaux ont « très rapidement retiré des milliers de contenus illicites et suspendu des centaines de comptes » à la demande de l’Etat pendant les émeutes, a annoncé mercredi à l’AFP le ministère délégué au numérique.

      Les ministères de l’intérieur et de la justice ont adressé aux grandes plates-formes – Twitter, TikTok, Meta (Facebook et Instagram) et Snapchat – des centaines de réquisitions, portant sur les contenus illicites, par exemple les appels à la violence et la divulgation de données personnelles de policiers. La collaboration avec les plates-formes s’est « très bien passée », s’est félicité le ministère, qui a aussi relevé la rapidité des décisions de retraits.

      Le gouvernement a également demandé à ces plates-formes « la plus grande vigilance sur leurs fonctionnalités qui peuvent être dévoyées pour porter atteinte à l’ordre public », a précisé le ministre délégué chargé de la transition numérique, Jean-Noël Barrot, à Challenges mercredi.

    • https://affordance.framasoft.org/2023/07/cest-la-faute-aux-reseaux-sociaux

      Depuis quelques jours après près la mort de Nahel, le discours politique face aux émeutes part totalement en vrille. Je vais rester sur la partie du commentaire politique qui mobilise mon domaine de recherche, à savoir le rôle des réseaux sociaux (ou des jeux vidéos) dans cette affaire. Emmanuel Macron souligne que certains jeunes seraient intoxiqués, Fabien Roussel propose de couper les réseaux sociaux dans certains quartiers, Eric Dupont-Moretti et Olivier Véran se transforment en Dolto de chez Wish et distribuent des leçons de parentalité, des préfets leur emboîtent le pas en recommandant de distribuer des claques aux gamins récalcitrants et c’est tout un choeur de politiques qui reprend à l’unisson des arguments étayés il est vrai depuis plus de 20 ans dans tout ce que la France compte de cafés du commerce et de débats de fins de banquets trop arrosés.

      #panique_morale

  • Enfants et écrans : « Les médias sont alarmistes, les études scientifiques beaucoup moins » - L’Express
    https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sciences/enfants-et-ecrans-les-medias-sont-alarmistes-les-etudes-scientifiques-beauc
    https://www.lexpress.fr/resizer/VDuhX4gk-JjvAO9i9Gp8sxr3L6o=/1200x630/filters:focal(2047x1685:2057x1695)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/45RENNSGDRE2BK62OR5EOPVAKY.jpg

    Halte au catastrophisme ! Coordonné par Anne Cordier, professeure des sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, et Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie cognitive à Rennes 2, Les Enfants et les écrans (Retz) regroupe les contributions de chercheurs en psychologie, psychiatrie, neurosciences ou sociologie (Franck Ramus, Grégoire Borst, Nicolas Poirel, Eric Jamet…). Le numérique diminue-t-il l’intelligence des enfants et des adolescents ? Les jeux vidéo et les réseaux sociaux sont-ils nuisibles pour la santé psychique des jeunes ? Loin des discours alarmistes en vogue sur les « crétins digitaux », ce livre indispensable fait un point sur les connaissances scientifiques, et rassurera des parents culpabilisés. Entretien.

    Vous rappelez que de la radio aux mangas, chaque nouvelle activité de loisir a suscité des discours alarmistes…

    Anne Cordier : Ce phénomène de panique morale s’est observé sur les émissions radiophoniques consacrées aux crimes dans les années 1940, les comics books dans les années 1950, les jeux de rôle type Donjons et Dragons dans les années 1980. Dans les années 1930, on a même vu des discours sur la corruption morale chez les jeunes provoqués par le flipper, qui venait d’être inventé…

    A chaque fois, il y a un schéma similaire. Des lanceurs d’alerte créent une panique morale, avant que des responsables politiques ne la récupèrent. En 1942, le maire de New York, Fiorello LaGuardia, avance ainsi que ces flippers sont des « machines du diable » et ira même jusqu’à se mettre en scène en train d’en détruire un avec une masse. Et ensuite, ça retombe. D’ici à ce qu’on arrive à un consensus scientifique sur les écrans, une nouvelle panique morale aura sans doute été lancée sur autre chose.

    #Panique_morale #Anne_Cordier #Séverine_Erhel

    • Un petit lien justpaste.it avec l’entretien en entier ?

      Le bouquin du neurologue Michel Desmurget, La fabrique du crétin digital (dont j’ai posté mes notes de lecture ici https://seenthis.net/messages/989587), m’a paru scientifiquement très solide. Dans sa première partie, il prend notamment pour cible ces experts qui s’emploient à relativiser l’impact des écrans sur la santé physique, mentale, cognitive des enfants, des adolescents et des adultes.

      Anne Cordier et Séverine Erhel, quant à elle, prennent pour cible Michel Desmurget. C’est en tous les cas ce que le début de cet entretien me laisse à penser...

    • @recriweb Si le livre de Michel Desmurget correspond à tes notes de lecture, c’est plus proche de la presse people que quelque chose de réellement scientifique à mon sens. Le fait qu’il s’en prenne à ceux du camp adverse plutôt que de prouver son point dans la première partie de son bouquin ne semble pas de bonne augure du tout pour moi.

      Je n’ai pas lu la littérature scientifique dans son entièreté sur ce sujet, je sais tout du moins qu’elle est bien moins catastrophique que ce que l’auteur semble vouloir le faire croire. Sur certains sujets comme les jeux vidéos, il n’y a clairement pas unanimité. Asséner des « La littérature scientifique montre sans ambiguïté » est au mieux de l’ignorance, au pire du pure raoultisme.

      Sinon dans le reste de ce que j’ai pu lire. Il y a un mélange entre corrélation et causalité sur certains points, comme à chaque fois que quelqu’un essaye de prouver quelque chose qui est loin d’être évident. Il y a aussi de nombreuses anecdotes du genre « tel programmeur de génie a dit que » ou « tel patron de la tech a dit que » qui ne prouvent malheureusement rien du tout.

      Couplé au titre putassier de l’œuvre, il m’est personnellement difficile de ne pas y voir un désir de reconnaissance médiatique (et financière) de la part de l’auteur, plutôt qu’une démarche scientifique rigoureuse pour parler d’un problème qui existe bel et bien (la place des écrans dans nos vies). C’est un procès d’intention de ma part j’en suis conscient, mais même si l’auteur y croit vraiment et qu’il a raison, ce que j’ai lu dessert complètement son point de vu pour moi.

  • Usul. Est-ce que vous condamnez les violences ?
    https://www.youtube.com/watch?v=L6OW3C-Y3fU

    « Est-ce que vous condamnez les violences ? » Vous avez sûrement entendu cette question, posée sur les plateaux de télévision à des gens de gauche pour leur demander de s’exprimer sur les terribles dégradations commises par des casseurs lors des manifestations. En revanche, on entend beaucoup moins les interrogations des éditorialistes sur les violences policières, et sur le changement de régime que nous sommes peut-être en train de vivre.

  • L’ère de la dévoration – sur Le capital, c’est ta vie de Hugues Jallon - AOC media
    https://aoc.media/critique/2023/01/18/lere-de-la-devoration-sur-le-capital-cest-ta-vie-de-hugues-jallon

    Du capitalisme nous savons presque tout. Nous le connaissons. Nous le reconnaissons. Il n’a pas de mystère pour nous. Le capital c’est ta vie de Hugues Jallon relate de l’emprise croissante du capital sur nos vie. Ce livre aurait alors pour objet de combler ce fossé entre l’intime et le social, les données immédiates de la conscience personnelle et l’histoire collective. Mais il pourrait être tout aussi bien une adresse à un ami désorienté, une main tendue et une invitation à en sortir.

    https://justpaste.it/cbmix

    #capitalisme #mondialisation #panique #littérature

  • Pourquoi détruit-on la planète ? Les dangers des explications pseudo-neuroscientifiques

    Des chercheurs en neurosciences et sociologie mettent en garde contre la thèse, qu’ils jugent scientifiquement infondée, selon laquelle une de nos #structures_cérébrales nous conditionnerait à surconsommer.

    Selon Thierry Ripoll et Sébastien Bohler, les ravages écologiques liés à la surconsommation des ressources planétaires seraient dus aux #comportements_individuels déterminés par notre cerveau. Une structure, le striatum, piloterait par l’intermédiaire d’une #molécule_neurochimique, la #dopamine, le désir de toujours plus, sans autolimitation, indiquaient-ils récemment dans un entretien au Monde.

    (#paywall)
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/07/07/pourquoi-detruit-on-la-planete-les-dangers-des-explications-pseudo-scientifi

    –—

    Tribune longue :

    Dans un entretien croisé pour Le Monde, Thierry Ripoll et Sébastien Bohler présentent leur thèse commune, développée dans deux ouvrages récents et que Bohler avait résumée dans un ouvrage précédent sous le titre évocateur de « bug humain » : les ravages écologiques liés à la surconsommation des ressources planétaires seraient dus aux comportements individuels déterminés par la structure même du cerveau. Précisément, le dogme de la croissance viendrait du striatum. Selon lui, cette structure cérébrale piloterait par l’intermédiaire d’une molécule neurochimique, la dopamine, le désir de toujours plus, sans autolimitation. Ripoll reprend cette thèse à son compte, et il affirme que la décroissance économique, qu’il appelle de ses vœux pour limiter les catastrophes en cours, bute ainsi sur des limites psychobiologiques.

    Cette thèse est très forte et a des conséquences politiques très préoccupantes : la #nature_humaine, ou plus précisément notre #programmation_biologique, conditionnerait le champ des possibles concernant l’organisation socio-économique. Le modèle de croissance économique serait le seul compatible avec le #fonctionnement_cérébral humain. Cela disqualifie les projets politiques de #décroissance ou de stabilité basés sur la #délibération_démocratique. Cela déresponsabilise également les individus[i] : leur #comportement destructeur de l’#environnement n’est « pas de leur faute » mais « celle de leur #striatum ». Une conséquence logique peut être la nécessité de changer notre nature, ce qui évoque des perspectives transhumanistes, ou bien des mesures autoritaires pour contraindre à consommer moins, solution évoquée explicitement par les deux auteurs. Les neurosciences et la #psychologie_cognitive justifient-elles vraiment de telles perspectives ?

    Nous souhaitons ici solennellement informer les lectrices et les lecteurs de la totale absence de fondement scientifique de cette thèse, et les mettre en garde contre ses implications que nous jugeons dangereuses. Ce message s’adresse également à ces deux auteurs que nous estimons fourvoyés, sans préjuger de leur bonne foi. Nous ne doutons pas qu’ils soient sincèrement et fort justement préoccupés des désastres environnementaux mettant en danger les conditions d’une vie décente de l’humanité sur Terre, et qu’ils aient souhaité mobiliser leurs connaissances pour aider à trouver des solutions. Les arguments déployés sont cependant problématiques, en particulier ceux relevant des neurosciences, notre domaine principal de compétence.

    Tout d’abord, le striatum ne produit pas de #dopamine (il la reçoit), et la dopamine n’est pas l’#hormone_du_plaisir. Le neuroscientifique #Roy_Wise, qui formula cette hypothèse dans les années 70, reconnut lui-même « je ne crois plus que la quantité de plaisir ressentie est proportionnelle à la quantité de dopamine » en… 1997. L’absence de « fonction stop » du striatum pour lequel il faudrait toujours « augmenter les doses » est une invention de #Bohler (reprise sans recul par #Ripoll) en contresens avec les études scientifiques. Plus largement, la vision localisationniste du xixe siècle consistant à rattacher une fonction psychologique (le #plaisir, le #désir, l’#ingéniosité) à une structure cérébrale est bien sûr totalement obsolète. Le fonctionnement d’une aire cérébrale est donc rarement transposable en termes psychologiques, a fortiori sociologiques.

    Rien ne justifie non plus une opposition, invoquée par ces auteurs, entre une partie de #cerveau qui serait « récente » (et rationnelle) et une autre qui serait « archaïque » (et émotionnelle donc responsable de nos désirs, ou « instinctive », concept qui n’a pas de définition scientifique). Le striatum, le #système_dopaminergique et le #cortex_frontal, régions du cerveau présentes chez tous les mammifères, ont évolué de concert. Chez les primates, dont les humains, le #cortex_préfrontal a connu un développement et une complexification sans équivalent. Mais cette évolution du cortex préfrontal correspond aussi à l’accroissement de ses liens avec le reste du cerveau, dont le système dopaminergique et le striatum, qui se sont également complexifiés, formant de nouveaux réseaux fonctionnels. Le striatum archaïque est donc un #neuromythe.

    Plus généralement, les données neuroscientifiques ne défendent pas un #déterminisme des comportements humains par « le striatum » ou « la dopamine ». Ce que montrent les études actuelles en neurosciences, ce sont certaines relations entre des éléments de comportements isolés dans des conditions expérimentales simplifiées et contrôlées, chez l’humain ou d’autres animaux, et des mesures d’activités dans des circuits neuronaux, impliquant entre autres le striatum, la dopamine ou le cortex préfrontal. Le striatum autocrate, dont nous serions l’esclave, est donc aussi un neuromythe.

    Par ailleurs, Bohler et Ripoll font appel à une lecture psycho-évolutionniste simpliste, en fantasmant la vie des êtres humains au paléolithique et en supposant que les #gènes codant pour les structures du cerveau seraient adaptés à des conditions de vie « primitive », et pas à celles du monde moderne caractérisé par une surabondance de biens et de possibles[ii]. Il y a deux problèmes majeurs avec cette proposition. Tout d’abord, les liens entre les gènes qui sont soumis à la sélection naturelle, les structures cérébrales, et les #comportements_sociaux sont extrêmement complexes. Les #facteurs_génétiques et environnementaux sont tellement intriqués et à tous les stades de développement qu’il est impossible aujourd’hui d’isoler de façon fiable des #déterminismes_génétiques de comportements sociaux (et ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé). Poser la surconsommation actuelle comme sélectionnée par l’évolution, sans données génétiques, est une spéculation dévoyée de la #psychologie_évolutionniste. Le second problème concerne les très faibles connaissances des modes d’#organisation_sociale des peuples qui ont vécu dans la longue période du paléolithique. Il n’existe pas à notre connaissance de preuves d’invariants ou d’un mode dominant dans leur organisation sociale. Les affirmations évolutionnistes de Bohler et Ripoll n’ont donc pas de statut scientifique.

    Il est toujours problématique de privilégier un facteur principal pour rendre compte d’évolutions historiques, quel qu’il soit d’ailleurs, mais encore plus quand ce facteur n’existe pas. Les sciences humaines et sociales montrent la diversité des modèles d’organisation sociale qui ont existé sur Terre ainsi que les multiples déterminismes socio-historiques de la « grande accélération » caractéristique des sociétés modernes dopées aux énergies fossiles. Non, toutes les sociétés n’ont pas toujours été tournées vers le désir de toujours plus, vers le progrès et la croissance économique : on peut même argumenter que la « religion du #progrès » devient dominante dans les sociétés occidentales au cours du xixe siècle[iii], tandis que le modèle de la #croissance_économique (plutôt que la recherche d’un équilibre) n’émerge qu’autour de la seconde guerre mondiale[iv]. Invoquer la « #croissance » comme principe universel du vivant, comme le fait Ripoll, abuse du flou conceptuel de ce terme, car la croissance du PIB n’a rien à voir avec la croissance des plantes.

    Il peut certes sembler légitime d’interroger si le fonctionnement du cerveau a, au côté des multiples déterminismes sociohistoriques, une part de #responsabilité dans l’état de la planète. Mais la question est mal posée, l’activité de « milliards de striatum » et les phénomènes socioéconomiques ne constituant pas le même niveau d’analyse. Bohler et Ripoll ne proposent d’ailleurs pas d’explications au niveau cérébral, mais cherchent à légitimer une explication psychologique prétendument universelle (l’absence d’#autolimitation) par la #biologie. Leurs réflexions s’inscrivent donc dans une filiation ancienne qui cherche une explication simpliste aux comportements humains dans un #déterminisme_biologique, ce qu’on appelle une « #naturalisation » des #comportements. Un discours longtemps à la mode (et encore présent dans la psychologie populaire) invoquait par exemple le « #cerveau_reptilien » à l’origine de comportements archaïques et inadaptés, alors que cette pseudo-théorie proposée dans les années 60 a été invalidée quasiment dès son origine[v]. Le « striatum », la « dopamine », le « #système_de_récompense », ou le « #cerveau_rapide et le #cerveau_lent » sont en fait de nouvelles expressions qui racontent toujours à peu près la même histoire. Loin d’être subversive, cette focalisation sur des déterminismes individuels substitue la #panique_morale [vi] à la #réflexion_politique et ne peut mener, puisque nous serions « déterminés », qu’à l’#impuissance ou à l’#autoritarisme.

    Les erreurs des arguments développés par Bohler et Ripoll ont d’ores et déjà été soulignées à propos d’ouvrages précédents de Bohler[vii]. Nous souhaitons également rappeler qu’il existe un processus d’évaluation des productions scientifiques (y compris théoriques) certes imparfait mais qui a fait ses preuves : la revue par les pairs. Aucun de ces deux auteurs ne s’y est soumis pour avancer ces propositions[viii]. Il n’est pas sûr que notre rôle de scientifiques consiste à évaluer les approximations (et c’est un euphémisme) qui sont en continu publiées dans des livres ou dans la presse. Notre réaction présente est une exception justifiée par une usurpation des neurosciences, la gravité des enjeux écologiques dont ces auteurs prétendent traiter, ainsi que par la popularité grandissante que ces thèses semblent malheureusement rencontrer[ix].

    _____________________

    Ce texte n’est pas issu des travaux de l’atelier d’écologie politique mais il résonne fortement avec d’autres travaux de l’atécopol. Il a été rédigé par Etienne Coutureau, chercheur CNRS en neurosciences (Bordeaux), Jean-Michel Hupé, chercheur CNRS en neurosciences et en écologie politique et membre de l’atécopol (Toulouse), Sébastien Lemerle, enseignant-chercheur en sociologie (Paris-Nanterre), Jérémie Naudé, chercheur CNRS en neurosciences (Montpellier) et Emmanuel Procyk, chercheur CNRS en neurosciences (Lyon).

    [i] Jean-Michel Hupé, Vanessa Lea, « Nature humaine. L’être humain est-il écocidaire par nature ? », dans Greenwashing : manuel pour dépolluer le débat public, Aurélien Berlan, Guillaume Carbou et Laure Teulières (coords.), Paris, Le Seuil, 2022, p. 150-156.

    [ii] Philippe Huneman, Hugh Desmond, Agathe Du Crest, « Du darwinisme en sciences humaines et sociales (1/2) », AOC, 15 décembre 2021.

    [iii] François Jarrige, Technocritiques, Paris, La Découverte, 2014.

    [iv] Timothy Mitchell, « Economentality : how the future entered government », Critical inquiry, 2014, vol. 40, p. 479-507. Karl Polanyi a par ailleurs montré comment l’économie de marché est une construction socio-historique : La Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, (1944) 1983.

    [v] Sébastien Lemerle, Le cerveau reptilien. Sur la popularité d’une erreur scientifique, Paris, CNRS éditions, 2021.

    [vi] Jean-Michel Hupé, Jérôme Lamy, Arnaud Saint-Martin, « Effondrement sociologique ou la panique morale d’un sociologue », Politix, n° 134, 2021. Cet article témoigne également que Bohler et Ripoll ne sont pas les seuls intellectuels mobilisant les neurosciences de façon très contestable.

    [vii] Jérémie Naudé (2019), « Les problèmes avec la théorie du "bug humain", selon laquelle nos problème d’écologie viendraient d’un bout de cerveau, le striatum » ; Thibault Gardette (2020), « La faute à notre cerveau, vraiment ? Les erreurs du Bug humain de S. Bohler » ; Alexandre Gabert (2021), « Le cortex cingulaire peut-il vraiment "changer l’avenir de notre civilisation" ? », Cortex Mag, interview d’Emmanuel Procyk à propos de Sébastien Bohler, Où est le sens ?, Paris, Robert Laffont, 2020.

    [viii] Le bug humain de Sébastien Bohler (Paris, Robert Laffont, 2019) a certes obtenu « le Grand Prix du Livre sur le Cerveau » en 2020, décerné par la Revue Neurologique, une revue scientifique à comité de lecture. Ce prix récompense « un ouvrage traitant du cerveau à destination du grand public ». Les thèses de Bohler n’ont en revanche pas fait l’objet d’une expertise contradictoire par des spécialistes du domaine avant la publication de leurs propos, comme c’est la norme pour les travaux scientifiques, même théoriques.

    [ix] La thèse du bug humain est ainsi reprise dans des discours de vulgarisation d’autorité sur le changement climatique, comme dans la bande dessinée de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, Le monde sans fin, Paris, Dargaud, 2021.

    https://blogs.mediapart.fr/atelier-decologie-politique-de-toulouse/blog/070722/pourquoi-detruit-la-planete-les-dangers-des-explications-pseudo-neur
    #neuro-science #neuroscience #critique #écologie #surconsommation #politisation #dépolitisation #politique

  • De la #démocratie en #Pandémie. #Santé, #recherche, #éducation

    La conviction qui nous anime en prenant aujourd’hui la parole, c’est que plutôt que de se taire par peur d’ajouter des polémiques à la confusion, le devoir des milieux universitaires et académiques est de rendre à nouveau possible la discussion scientifique et de la publier dans l’espace public, seule voie pour retisser un lien de confiance entre le savoir et les citoyens, lui-même indispensable à la survie de nos démocraties. La stratégie de l’omerta n’est pas la bonne. Notre conviction est au contraire que le sort de la démocratie dépendra très largement des forces de résistance du monde savant et de sa capacité à se faire entendre dans les débats politiques cruciaux qui vont devoir se mener, dans les mois et les années qui viennent, autour de la santé et de l’avenir du vivant.

    https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tracts/De-la-democratie-en-Pandemie

    –-

    Et une citation :

    « La conviction qui nous anime en prenant aujourd’hui la parole, c’est que plutôt que de se taire par peur d’ajouter des #polémiques à la #confusion, le devoir des milieux universitaires et académiques est de rendre à nouveau possible la discussion scientifique et de la publier dans l’espace public, seule voie pour retisser un lien de confiance entre le #savoir et les citoyens, lui-même indispensable à la survie de nos démocraties. La stratégie de l’ _#omerta_ n’est pas la bonne. Notre conviction est au contraire que le sort de la démocratie dépendra très largement des forces de résistance du monde savant et de sa capacité à se faire entendre dans les débats politiques cruciaux qui vont devoir se mener, dans les mois et les années qui viennent, autour de la santé et de l’avenir du vivant. »

    #syndémie #désert_médical #zoonose #répression #prévention #confinement #covid-19 #coronavirus #inégalités #autonomie #état_d'urgence #état_d'urgence_sanitaire #exception #régime_d'exception #Etat_de_droit #débat_public #science #conflits #discussion_scientifique #résistance #droit #santé #grève #manifestation #déni #rationalité #peur #panique #colère #confinement #enfermement #défiance #infantilisation #indiscipline #essentiel #responsabilité #improvisation #nudge #attestation_dérogatoire_de_déplacement #libéralisme_autoritaire #autoritarisme #néolibéralisme #colloque_Lippmann (1938) #économie_comportementale #Richard_Thaler #Cass_Sunstein #neuroscience #économie #action_publique #dictature_sanitaire #consentement #acceptabilité_sociale #manufacture_du_consentement #médias #nudging #consulting #conseil_scientifique #comité_analyse_recherche_et_expertise (#CARE) #conseil_de_défense #hôpitaux #hôpital_public #système_sanitaire #éducation #destruction #continuité_pédagogique #e-santé #université #portefeuille_de_compétences #capital_formation #civisme #vie_sociale #déconfinement #austérité #distanciation_sociale #héroïsation #rhétorique_martiale #guerre #médaille_à_l'engagement #primes #management #formations_hybrides #France_Université_Numérique (#FUN) #blended_learning #hybride #Loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR ou #LPPR) #innovation #start-up_nation #couvre-feu #humiliation #vaccin #vaccination
    #livre #livret #Barbara_Stiegler

    • secret @jjalmad
      https://twitter.com/jjalmad/status/1557720167248908288

      Alors. Pour Stiegler je veux bien des ref si tu as ça, j’avais un peu écouté des conf en mode méfiance mais il y a un moment, sans creuser, et je me disais que je devais pousser parce qu’en effet grosse ref à gauche

      @tapyplus

      https://twitter.com/tapyplus/status/1557720905828253698

      Check son entretien avec Desbiolles chez les colibris par ex. T’as aussi ses interventions à ASI, son entretien avec Ruffin, etc. C’est une philosophe médiatique, on la voit bcp. Et elle dit bien de la merde depuis qq tps. Aussi un live de la méthode scientifique avec Delfraissy

      Je suis pas sur le PC mais je peux te lister pas mal de sources. D’autant plus pbtk parce que « réf » à gauche. Mais dans le détail elle dit de la merde en mode minimiser le virus + méconnaissance de l’antivaccinisme. Et du « moi je réfléchit » bien claqué élitiste et méprisant.

      Quelques interventions de B Stiegler (en vrac) :
      Alors la première m’avait interpellée vu qu’elle était partie en HS complet à interpeller Delfraissy sur les effets secondaires des vaccins : https://radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-methode-scientifique/et-maintenant-la-science-d-apres-8387446
      (le pauve N Martin se retrouvait sur un débat complètement HS)

      Il y a d’une part la critique politique (rapport à la démocratie en santé publique), mais pour Stiegler outre la position « le gvt en fait trop, c’est des mesures autoritaires inutiles » elle se positionne par ailleurs sur des choix

      Parler des EI des vaccins sans balancer avec les effets de la maladie. Utilisation de la santé mentale des enfants pour critiquer le port du masque à l’école, lecture de la situation où il n’y aurait que gvt vs libertay, et en omettant complètement toutes les positions développées par l’autodéfense sanitaire et les militants antivalidistes et de collectifs de patients (immunodéprimés, covid long, ...) quand ils ne vont pas dans son narratif.

      Elle met de côté toutes les lectures matérialistes de la situation et sort clairement de son champ de compétence sur certains points, tout en ne donnant que très peu de sources et de points de référence pour étayer ses propos.

      Genre elle critique la pharmacovigilance et les EI mais elle ne donne jamais aucune source ni aucune information sur les outils, méthodes et acteurs qui travaillent ces sujets. Pareil quand elle dit découvrir les critiques des vaccination. Il y a de quoi faire avec les travaux historique sur la #santé_publique et la vaccination. A t elle interrogé des spécialiste de ces sujets, notamment les spécialistes qui ne vont pas que dans le sens de son propos. Elle semble manquer cruellement de référence historique sur le sujet alors qu’elle s’en saisit et qu’elle a une aura d’#intellectuelle_de_gauche, donc plein de monde lui accorde une confiance et trouve qu’elle est très pertinente sur certains sujets. Mais sur le traitement des points techniques elle me semble plutôt à la ramasse et ce qui ne va pas dans son sens est renvoyé à la doxa gouvernementale ou technoscientiste liberale, sans apparemment regarder les contenus eux même. Et Desbiolles c’est pareil. Alla je connais moins et je l’ai entendu dire qq trucs pertinents (sur les profils des non vaccines par exemple) mais le fait qu’il cite Desbiolles devant l’opecst, alors que celle ci racontait des trucs bien limites sur les masques et les enfants, ça me met des warnings.

      Je rajouterai 2 points : 1) il y a des sujets super intéressants à traiter de trouver comment on construit une position collective sur des questions de santé publique, ni individualiste ni subissant l’autorité de l’état. Genre comment penser une réflexions sur les vaccinations (en général, pas spécifiquement covid) dans une perspective émancipatrice et libertaire, comment on fait collectif, comment on mutualise des risques, comment on se donne des contraintes individuelles pour soutenir celles et ceux qui en ont plus besoin.

      Stiegler ne fait que critiquer l’autoritarisme d’état, parle de démocratie, mais ne propose aucune piste concrète ni axe de réflexion pour développer cela. D’autres personnes le font et développent cela, et c’est des sujets non triviaux sur lesquels il est important de délibérer.

      2) Un autre point c’est son discours, comme ceux d’autres intellectuels, est surtout axé sur la partie « choix libre » de la phrase « choix libre et éclairé », et n’évoquent pas vraiment la manière dont on construit collectivement la partie « éclairé »

      Il y a des sujets super importants à traiter sur le rapport aux paroles d’expert, de la place des scientifiques dans un débat public, de la dialectique entre connaissance scientifique et choix politiques et éthiques, bref plein d’enjeux d’éducation populaire

      Ah et aussi dernier point que j’ai déjà évoqué par le passé : l’axe « liberté » sur les questions de vaccination, c’est un argument central des discours antivaccinaux, qui axent sur le fait que les individus peuvent choisir librement etc. C’est assez documenté et c’est par exemple un registre argumentaire historique de la Ligue Nationale Pour la Liberté de Vaccination (LNPLV), qui défend le rapport au choix, défendant les personnes qui ont refusé les vaccinations obligatoires. Mais sous couvert de nuance et de démocratie, ce sont des positions antivaccinales assez claires qui sont défendues. Ce truc de la nuance et de la liberté, tu la retrouves par exemple également chez les anthroposophes (j’en parlais récemment dans un thread).

      j’ai enfin compris pourquoi on dit intellectuel de gauche : c’est pour indiquer avec quel pied leur marcher dessus.

  • Nupes : radiographie d’une panique éditoriale
    http://www.davduf.net/nupes-radiographie-d-une-panique-editoriale-par

    Lu sur Arrêt Sur Images | L’accord historique d’union de la gauche a été accueilli dans les grands médias par une vague d’éditoriaux apocalyptiques. On reproche au Parti socialiste d’avoir « trahi ses valeurs » en s’alliant à La France Insoumise ; à Jean-Luc Mélenchon, d’être un « autre Le Pen », un « Chavez », un « bolivarien » ; aux électeurs de gauche, de « vouloir gagner ». Analyse d’une panique médiatique qui en dit long... sur la (...) Revue de presse, du web & veille en tous genres

    / Une, #Présidentielle_2022

    #Revue_de_presse,du_web&_veille_en_tous_genres

    • « La campagne de la France insoumise pour les élections législatives, à laquelle se sont ralliées les autres formations de la gauche parlementaire a littéralement déchaîné les médias dominants. »

      Anatomie d’une campagne médiatique contre la gauche (1/3)
      https://www.acrimed.org/Anatomie-d-une-campagne-mediatique-contre-la

      « Illusionniste », « prestidigitateur », « chefs à plume », « petites cervelles », « fascisme à visage humain », « Polichinelle hâbleur », « escroquerie », « chiens », « pitbulls », « danger pour la France », « insurgé de prédilection »… La campagne de la France insoumise pour les élections législatives, à laquelle se sont ralliées les autres formations de la gauche parlementaire (Générations-EELV-PS-PCF), a littéralement déchaîné les médias dominants. Éditorialistes et journalistes politiques ont orchestré, du PAF aux grands quotidiens nationaux, une cabale d’une rare violence que nous traiterons en trois temps : 1) Mépriser, délégitimer : l’Union populaire n’adviendra pas ; 2) Stigmatiser : haro sur les « islamogauchistes » ; 3) Traquer : sus aux « déviants » de la social-démocratie. Premier mouvement.

      Aussitôt Emmanuel Macron réélu, les chiens de garde sécurisaient le périmètre de la « démocratie » en étouffant les critiques. « Dire du président qu’il a été "mal élu" ? C’est "ébranler la légitimité du vote, et par là même les fondements de la démocratie représentative" pour Le Monde. C’est "alimenter une défiance dans les institutions, dans notre système démocratique" pour David Pujadas. Des syndicats qui souhaitent être pris en compte ? "C’est factieux !" s’indigne Jean-Michel Aphatie. » Ce n’était là qu’un début.

      « Des gens dangereux »

      Pour Mathieu Bock-Côté (Europe 1, 27/04), « Jean-Luc Mélenchon veut accélérer la crise de régime », tenter « un coup de force » et « un dernier tour de piste avant de se laisser momifier vivant à la manière d’un petit Lénine français vénéré et contemplé par tous les sectateurs de la Révolution ». Un peu plus tôt sur la même antenne, face à Sonia Mabrouk, Raphaël Enthoven commentait l’affiche « Mélenchon Premier ministre » de la France insoumise, qui révélerait selon lui « qui [sont] les gens dangereux […] susceptibles de s’asseoir [sur les institutions] pour un bénéfice à peu près nul. » Un verdict partagé par l’ex-plume de Valeurs actuelles, Louis de Raguenel, désormais chef du service politique de la radio Bolloré : « À force de marteler ces messages dangereux, ça finit par donner aux ultras des espoirs de renversement de l’État. » (Europe 1, 2/05)

      C’est donc de (violent) concert avec l’extrême droite que les chantres de « l’extrême centre » pointent, d’un seul et même doigt, le péril de l’époque : la France insoumise et l’union de la gauche. Sur LCI, Jean-Michel Aphatie prévenait ses confrères (29/04) :

      Le fond de l’affaire, c’est qu’on dit que Marine Le Pen n’est pas républicaine, n’est pas démocrate, très bien, ça fait vingt ans qu’on fait une danse là-dessus à l’extrême-droite ! Et la France Insoumise, elle est comment ? Quel attachement à la démocratie et aux valeurs ?

      L’éditocratie poursuivra précisément sur cette lancée. À commencer par Catherine Nay (Europe 1, 30/04) :

      Si ça ne se passe pas comme prévu, « il faudra aller chercher la victoire dans la rue pour faire avancer la société ». Qui le dit ? C’est la Clémentine Autain [sic]. Vous savez avec son joli sourire et ses yeux myosotis. Et elle dit ça sans être morigénée par quiconque, c’est sa vision de la démocratie ! Ça s’appelle le fascisme à visage humain.

      Dans Le Figaro (6/05), Ivan Rioufol monte d’un cran : « S’il y a un totalitarisme qui vient, c’est au cœur de la gauche marxiste et révolutionnaire qu’il faut le traquer, comme toujours historiquement. » Et de poursuivre : « L’entourloupe sur "le cordon sanitaire" a permis à l’extrême gauche, sectaire et violente, de se comporter en terrain conquis. Oui, il y a un danger pour la République. Mais il est à débusquer dans la stratégie d’infiltration insurrectionnelle du soi-disant Insoumis. » Le totalitarisme, c’est également ce que l’union de la gauche inspire à Bernard-Henri Lévy : « Avec cet accord Insoumis/socialistes, c’est Chavez qu’on accorde avec Jaurès. Poutine avec Léon Blum. Et voilà bradé, pour un plat de lentilles (une poignée de circonscriptions), tout le patient travail de la gauche, depuis 50 ans, pour conjurer sa tentation totalitaire. Navrant. » (Twitter, 4/05).

      Sur LCI (6/05), Jean-François Kahn qualifie sans rire les Insoumis de « néo-bolcheviks ». « Un parti factieux, séditieux ? » interroge de son côté Frédéric Haziza (Radio J, 8/05). « Une secte » affirmait deux jours plus tôt Philippe Val (Europe 1, 6/05) : « Une secte dont certains militants se radicalisent sur internet, comme cette femme "gilet jaune", anti vax et mélenchoniste qui a récemment agressé un pompier », mais également « des irresponsables [qui] jouent la violence sociale contre le suffrage universel. » Un parti qui, en tout cas, « a réussi son pari de caler la gauche sur les extrêmes » selon Challenges (5/05), qualificatif employé partout, inspirant un espoir à Thomas Sotto face à Jean-Luc Mélenchon : « Est-ce que ça ne va pas faire le jeu d’Emmanuel Macron une gauche qui se radicalise ? » (France 2, 6/05).

      Le 2 mai, date de l’accord entre la France insoumise et Europe Écologie les Verts (EELV), David Reyrat, journaliste sportif au Figaro, synthétise : « Pour être certain de ne pas être coincé dans une faille temporelle. On parle bien en 2022 de porter au pouvoir en France des trotskistes, des maoïstes, des communistes, des khmers verts. En 2022. En France. C’est bien ça ? Vous confirmez ? » (Twitter, 2/05, tweet supprimé depuis). Franz-Olivier Giesbert confirme dans Le Point (5/05) : « La haine est en marche et rien ne semble pouvoir l’arrêter ». On ne le lui fait pas dire… « Certes, nous ne sommes pas en 1789 quand la populace […] saccageait et pillait tout sur son passage. […] Il y a en ce printemps ensoleillé mais saturnien beaucoup d’électricité dans l’air, une violence verbale peu ordinaire, en particulier du côté des chefs à plume de la France insoumise. » Et le non-violent-verbal de qualifier les responsables insoumis de « mufles » et de « braillards », quelques lignes seulement avant de fustiger la « décomposition démocratique » du pays : « Une partie des "élites" de la France d’en haut […] commence à basculer dans l’extrémisme de gauche ». Diantre ! L’élite médiatique, au moins, aura été épargnée.

      Pendant ce temps sur Twitter, en écoutant François Ruffin sur BFM-TV, l’ancien directeur du Nouvel Observateur Claude Weill weillise :

      Ce type est un grand malade. « Il y a un bâton pour chasser Macron ! » […] s’excite-t-il. Étonnez-vous que des petites cervelles insoumises, échaudées par ces appels incessants à la haine et au déni de démocratie finissent par aller taper sur des pompiers… (3/04)

      Qui est excité ?

      Jacques Julliard dans Marianne, sans nul doute. Le 4 mai, il tempête dans l’édito « Oui à l’union, non à Mélenchon ! » : « Le mélenchonisme n’est ni l’avenir ni la justice, c’est une construction qui repose sur un homme et sur les branches pourries du mouvement social. Épargnons-nous ce retour en arrière. » Sur France 5 (5/05), Denis Olivennes alerte :

      Il faut se souvenir de ce qu’a été Jean-Luc Mélenchon ! […] Il a quand même conspué les juges indépendants et la presse indépendante ! Je ne crois que ce que je vois. Et ce que je vois, c’est un leader qui a attaqué l’indépendance des juges, attaqué les journalistes, dont les amis c’est Poutine et Maduro, des gens qui n’acceptent pas la démocratie ! C’est ça Mélenchon !

      Le magazine hebdomadaire des Échos fait campagne plus qu’à son tour, et directement par la voix de son directeur adjoint de la rédaction : « Mélenchon ou la défaite de la raison » titre-t-il son édito (2/05). Tout y passe : « Héros fatigué d’une gauche en déliquescence », « amoureux transi des dirigeants d’un Venezuela en ruine », « un "insoumis sauf avec les dictateurs" », des « convictions […] flottantes », la « gauche régressive ». Bref… « la folie Mélenchon ».

      Un crachat que reprend en écho le rédacteur en chef adjoint de L’Est Républicain, dans l’édito qui garnit les huit titres du groupe Ebra – propriété du Crédit Mutuel (28/04) : « Jean-Luc Mélenchon incarne à merveille le Polichinelle hâbleur d’une gauche désorbitée, entraînée vers les abîmes d’une tragique bouffonnerie. » D’une rare brutalité contre « Méluche, le magnifique », l’éditorial se conclut sur un incontrôlable accès de mépris de classe : « Les chiens sont lâchés. Ses pitbulls aboient et mordent. [Mélenchon] est, nous dit-on l’idole des jeunes. Même diplômés. C’est dire l’incurie de l’époque. »

      Un désespoir partagé par l’une des grandes figures macronistes du Monde, Françoise Fressoz, qui aligne les formules de courtoisie à l’égard de Jean-Luc Mélenchon : « Trublion », « prestidigitateur », « acteur talentueux, doublé d’un séduisant bonimenteur. À 70 ans, il joue la partition de sa vie, fait croire que la gauche radicale peut gouverner le pays. » (10/05) Le désarroi puise sa source au milieu de l’article : « Avant le premier tour, il y avait deux France, celle d’Emmanuel Macron et celle de Marine Le Pen. Le soir du 10 avril, une troisième a surgi, celle de Jean-Luc Mélenchon. Depuis, le vaincu s’emploie à la faire survivre et prospérer, au prix d’une personnalisation du pouvoir totalement assumée. »

      Pendant ce temps sur Twitter, Raphaël Enthoven enthovenise :

      UE, OTAN, Syrie, Russie, gilets jaunes, vaccins, oligarchie, populisme, mépris de la constitution... L’avenir de LFI est dans l’alliance avec le RN, plutôt que dans une OPA sur la gauche dont les autres membres doivent renoncer à leur identité pour gratter quelques circos. (2/04)

      « On n’est pas en dictature ! Ce n’est pas Mélenchon qui décide ! »

      « OPA », « coup de force », « au forceps », « destruction », « soumission ». Partout, le champ lexical mobilisé pour décrire le processus d’accord est celui de la violence, les journalistes politiques moulant leur discours dans les diatribes et le narratif des grands pontes du PS qui refusent l’alliance avec la France insoumise.

      Le 5 mai, Le Figaro s’illustre à cet égard par sa Une tout en retenue – « Mélenchon soumet les Verts et le PS à la gauche extrême » – doublée d’un édito signé Vincent Tremolet de Villers, « Bienvenue en mélenchonie » :

      De Catilina à Jean-Luc Mélenchon, on peut écrire, sans risque, que le niveau s’est effondré. Les grossiers appétits écrasent, sans aucune gêne, toute autre considération. Fabien Roussel lâche tout pour un steak aux lentilles, Olivier Faure montre qu’il a les dispositions pour ouvrir un stand à la grande braderie de Lille.

      Brillant. Au moins autant que la chronique de son confrère Guillaume Tabard une page plus loin, relatant la « soumission idéologique » des « socialistes, écologistes et communistes […], passés sous les fourches caudines de l’Insoumis en renonçant à bien de leurs valeurs ». Dans « C ce soir » (France 5, 5/05), Thomas Snegaroff introduit l’émission – « Est-ce que le PS vit son moment populiste ? » – avant de présenter, entre autres, Denis Olivennes, « essayiste, chef d’entreprise » (et accessoirement co-gérant de Libération) : « Vous faites partie de ces figures de la gauche qui voient dans cet accord une forme de reddition, de capitulation, de soumission, de trahison, de suicide, vous me direz quel est le mot que vous préférez. » Réponse de l’intéressé : « Tous. »

      Le but de Jean-Luc Mélenchon selon Christophe Barbier ? « Faire une OPA sur tous les restes de la gauche ». Plus encore ? « Digérer et déchirer la gauche […], et ce qu’il ne digère pas, il veut le déchirer. […] Le rêve du trotskyste Mélenchon, c’est de détruire ce qu’il déteste le plus : ce n’est pas la droite, ce n’est pas l’extrême droite, ce n’est pas Macron ! C’est la social-démocratie ! » (RMC, 3/03) « Lider maximo » titre encore BFM-TV (5/05), dont Alain Marschall donne une déclinaison au moment d’interroger Aymeric Caron : « Le parti socialiste a été liquidé avec gourmandise ? » Sur RMC (3/03), la journaliste Catherine Rambert s’insurge : « On n’est pas en dictature ! Ce n’est pas Mélenchon qui décide ! » avant de s’illustrer par des propos homophobes et orduriers :

      - Catherine Rambert : J’ai une pensée et beaucoup de compassion pour les communistes, pour le PS et pour les Verts qui sont en train d’avaler d’énormes couleuvres pour rentrer dans cette union au forceps. Et quand je dis « avaler des couleuvres », je ne suis pas certaine que ça passe par là mais enfin bon, on ne va pas faire un cours d’anatomie aujourd’hui !

      - Daniel Riolo : On ne sait même pas si c’est des couleuvres hein Catherine !

      De la hargne à l’insulte, il n’y a qu’un pas… que franchit également – comme de coutume –, et sans trébucher, le dessinateur du Point, Xavier Gorce : « Connaissez-vous cette vieille comptine ? "Ce petit animal a la peau si tendue ; Que quand il ferme un œil ; Il ouvre le trou du cul." Pourquoi le sourire de Mélenchon me la rappelle ? » (Twitter, 27/04) Une berceuse que lui inspire la fameuse affiche de la discorde.

      Pile « hargne », face « moquerie »

      Dans Paris Match (5/05), Gilles Martin-Chauffier met à profit son mépris pour réussir l’un des meilleurs portraits du moment : Jean-Luc Mélenchon en « insurgé de prédilection », « faire-valoir du pouvoir ». Extrait :

      Comme un interrupteur, il ne possède que deux positions : allumé ou disjoncté. Sur une estrade, sur un plateau, dans son bureau, il faut qu’il attire l’attention. […] Une fois en scène, il porte le béret du Che, l’auréole de saint François d’Assise (les animaux sont un autre de ses dadas) et la kalachnikov de Castro. Et ça passe : sans avoir jamais pointé dans une entreprise ni lancé un pavé, ce révolutionnaire institutionnel est la voix reconnue des rebelles. Donc il proteste. Le sexisme, le racisme, le nucléaire, les OGM, le capitalisme, la chasse aux bébés phoques, la pluie en été, tout lui tourne les sangs. Malheureusement pour lui, si élevé soit l’arbre, ses feuilles tombent toujours par terre. Les capitalistes se moquent de ses diatribes comme de leur première OPA. Et les sceptiques ricanent : quitte à lutter contre le racisme, à aider le tiers-monde, à préserver la planète, n’importe quelle multinationale en fait cent fois plus que lui. Le leader des insoumis tire plus de flèches qu’il n’abat de proies.

      Puis, le 4 mai, L’Obs se joint au concert des petites mesquineries : « Bientôt primus inter pares, le nouveau chantre de l’union de la gauche s’est imaginé un destin de rechange. […] Le voilà qui prétend marcher sur les traces de Léon Blum […] ou de François Mitterrand […]. Mélenchon se voit à Matignon. Un scénario encore bien improbable. Mais, le cas échéant, il ne serait ni Blum, ni Mitterrand. » Invitée sur le service public – qui plébiscite donc ses outrances sur Europe 1 – Catherine Nay opte pour le filon culinaire : « Jean-Luc Mélenchon doit beaucoup jubiler [...] mais il veut faire un soufflé avec des miettes ! » Plus tard : « Il s’allie chacun pour un plat de lentilles ! » Mais encore ? « Jean-Luc Mélenchon a toujours tendance à faire d’un chou un potager. » Enfin ? « La grand-mère déguisée en loup, c’est Mélenchon. » (France 5, 3/05).

      Sur « Quotidien » aussi, on se bidonne avec l’union de la gauche au moment d’interroger Julien Bayou à la sortie du local de campagne de la France insoumise : « Le couple LFI-EELV s’est fait hier. Là, c’est quoi le challenge quand on se met à faire un trouple ? » Et les journalistes start-up tiennent à faire savoir qu’ils peuvent, comme Catherine Nay, filer les métaphores : « Vous pensez que ça va être une relation passionnelle ? Mais tumultueuse ? » ; « Il y a un mariage pour demain ? » ; « À deux, c’est déjà fait, à trois on va voir, et là à quatre euh… ? » (TMC, 3/05)

      Enfin, après avoir vitupéré contre un rassemblement « navrant », « assez minable » et témoignant d’une « inconséquence politique » (LCI, 4/05), Jean-Michel Aphatie fanfaronne deux jours plus tard : « Hélas, le titre grille le suspense, c’est pas très grave ! Dans les bons films, on essaie de regarder jusqu’au bout ! » et joue les maîtres de foire du plateau : « Olivier Faure, […] vous allez voir, a commenté cet événement avec un enthousiasme désarmant devant les journalistes hier soir ! Il est un peu fatigué le pauvre, il a eu des journées très, très longues, cette semaine ! [Rires] […] Bon, et puis après, il est allé se coucher ! » (LCI, 6/05)

      Pendant ce temps sur Twitter, Enthoven enthovenise – les Insoumis « sont définitivement (car délibérément) imperméables à la raison ». Quid des éditorialistes ?

      Intermède : le 1er mai ? La violence

      Pour ne pas rompre le rythme, il va sans dire qu’au lendemain du 1er mai, comme le jour même, les médias dominants concentrent leurs forces éditoriales sur « les violences » de la manifestation (parisienne). Les chaînes d’info en continu diffusent en boucle l’agression d’un pompier par une manifestante, tandis que France Inter se fend d’une brillante exclusivité : le « soutien à Mélenchon » de la manifestante en question, sur la base d’une exégèse de tweets qui permit à la rédaction de dénicher l’arme du crime : « Un selfie dans l’isoloir avec un bulletin Mélenchon » (2/05).

      Le soir dans « C dans l’air » (France 5, 2/05), on apprendra par Fanny Guinochet que les militants autonomes « souvent s’en prennent […] aux biens publics » comme « l’hôpital » avant que Caroline Roux mentionne seulement la revendication des salaires entre deux virgules… pour mieux embrayer : « Les Français auront surtout vu des scènes de violences, de pillages, en marge de cette manifestation. » Discours performatif au carré : s’ensuit un reportage de 15 secondes, dans lequel en effet, les Français verront exclusivement – soit non plus « en marge » – des scènes de pillage. Le clou du spectacle est atteint dans Le Figaro (6/05), avec Ivan Rioufol :

      Les « antifas » ont une nouvelle fois semé la terreur en brisant des commerces sur leur passage. Or ces milices, qui sévissent au nez de la police, sont les bras armés de l’extrême gauche. Ces nouvelles « chemises noires » partagent avec LFI, la violence en plus, les mêmes objectifs politiques.

      Mais à cet égard, notre palme revient à l’émission « Estelle Midi » (RMC, 3/04). Vingt minutes de bashing en roue libre, réparties entre trois chroniqueurs. Mélenchon ? Un « illusionniste », dont Daniel Riolo entend révéler la vraie nature :

      On l’a vu à la manif, […] dans les électeurs de Mélenchon, il y a cette jeune dame qui trouve ça bien de se balader avec des tournevis et des marteaux pour taper sur les pompiers. C’est cette extrême gauche là, aussi, qu’il y a dans le bloc Mélenchon ! Donc à un moment, je crois quand même que les gens vont devoir ouvrir les yeux, exactement comme on les ouvre parfois sur d’autres partis et se rendre compte que le bulletin […] Nupes là, c’est un danger pour la France !

      Une violence qui se prolonge lors des « prises de parole » des auditeurs. « Antonio », employé dans un service technique hospitalier et électeur de Jean-Luc Mélenchon, ne peut s’exprimer plus de dix secondes en continu sans subir les foudres obsessionnelles de Daniel Riolo :

      Eh Antonio ! Vous, la violence de Mélenchon, elle ne vous gêne pas ? [Quelle violence ?] Bah qu’on agresse des pompiers ? Il n’a pas condamné. Il n’a pas condamné. Il n’a pas condamné. Il n’a pas condamné. Il a accusé l’État de laisser la violence se propager. Il n’a pas condamné. Le discours sur la police, l’agression des pompiers, il n’a pas condamné !

      Six fois.

      Puis, « Antonio » est coupé au bout de six secondes : « Donc vous vous en foutez ! Dites-le ! » Sept secondes, et rebelote : « Donc vous, vous ne condamnez pas l’agression du pompier vous ? Bah il ne veut pas répondre ! Donc vous ne condamnez pas, monsieur ! [Je condamne toute violence.] Bah Mélenchon l’a pas fait ! » Puis… en fin d’émission :

      - Daniel Riolo : Je crois que [Mélenchon] a fini par condamner l’agression de la jeune femme sur le pompier finalement, sur France Inter il me semble. [Non, sur Twitter, NDLR].

      - Rémy Barret : Mais tu avais raison, il avait dit auparavant [Voooilà !] que les violences étaient inhérentes [Voooilà !] à la Préfecture de police [Voooilà !] qui n’avait pas fait son travail. [Voooilà !]

      - Daniel Riolo : Voooilà. Il a mis le temps, il a réfléchi un peu. Voilà.

      Voilà…

      Chronique d’un échec annoncé

      Alors que la quasi-totalité des éditorialistes accablent d’emblée une « union mal embarquée […], de bric et de broc » (Jean-Michel Aphatie, LCI, 6/05), « un mirage, une escroquerie » (Christophe Barbier, RMC, 3/03), une « fable » (Le Monde, 10/05), un « accord factice » et « moche » (Olivier Bost, RTL, 5/05), ou une alliance au « succès timide » (Challenges, 3/05) sur la base de premiers sondages, partout, les journalistes politiques tiennent également à faire la chronique de son échec annoncé. « Arme de conquête ou pistolet à eau ? » interroge Olivier Bost dans son édito en face-à-face avec Yves Calvi (RTL, 5/05). Spoil :

      - Olivier Bost : Ça marche quand vous avez une dynamique pour prendre le pouvoir, réelle et basée sur des gens qui veulent exercer le pouvoir. Très concrètement là aujourd’hui, c’est pas du tout cette histoire-là puisque c’est les plus radicaux qui l’emportent et la radicalité n’a pas pour objectif aujourd’hui d’exercer le pouvoir.

      - Yves Calvi : On a l’impression que cette union populaire, à peine commencée, elle a du plomb dans l’aile, en tout cas qu’on la prend pas au sérieux !

      C’est le moins qu’on puisse dire…

      « Comment va gouverner cet homme ? » s’insurge d’ailleurs Catherine Nay (Europe 1, 30/04). « Parce qu’on voit bien aussi que c’est quelqu’un qui a une certaine enflure de l’égo, qui ne veut pas quitter le pouvoir, qui n’admet pas d’avoir été défait ! Et plutôt que d’être déprimé comme il y a cinq ans, eh bien il dit "Le Premier ministre, c’est moi !" » Même tonalité dans Le Monde, qui prend position le 6 mai et tient à faire savoir sa déception : « manœuvre », « marchandages », chefs de partis qui « convoqu[ent] bruyamment l’Histoire », « Canossa des défaits », « contorsions sémantiques », « silences assourdissants », « reniements »… L’édito du Monde regorge de sentences pour une conclusion sans appel : cet accord « n’en fait […] pas un programme de gouvernement [...]. L’objectif de devenir la principale force d’opposition au président réélu peut permettre de s’en accommoder, tant bien que mal, à titre provisoire. Pas celui d’exercer les responsabilités. »

      Jeff Wittenberg, éditorialiste politique pour France TV, en doute aussi très fortement : « Les femmes et les hommes qui vont porter le futur programme si vous gagnez […], est-ce qu’ils ont suffisamment d’expérience ? » ; « Toutes les personnalités de la France insoumise, celles qui vous rejoignent au PS, les Verts, personne n’a connu de responsabilité gouvernementale. Est-ce que ce n’est pas tout de même un handicap ? ; « Dites-nous si le manque d’expérience à la tête de l’État n’est pas un frein ? » (France Inter, 8/05, face à Jean-Luc Mélenchon). Rappelons qu’il y a cinq ans, les mêmes éditocrates sortaient les violons pour l’entrée de ladite « société civile » macroniste dans l’hémicycle.

      Verdict plus violent dans l’édito des Échos (2/05). La gauche au pouvoir ? Une « supercherie », révélant « une profonde fascination pour le nihilisme. […] Mélenchon Premier ministre ? On se pince ! » Pas autant que nous… « Très difficile de réussir son pari » assène encore Christophe Barbier (BFM-TV, 5/05). L’une des raisons à cela ? « Le vote musulman. C’est-à-dire de ces 69% de Français qui se disent de confession musulmane et qui ont voté Jean-Luc Mélenchon. Ceux-là n’ont pas forcément envie d’aller voter pour X ou pour Y qui sera simplement le représentant de Mélenchon. Ils n’ont pas forcément adhéré à un programme, ils ont adhéré à cette personne. » Car il faut le savoir : ils sont bêtes (en plus d’être méchants).

      Le programme ? « Archaïque » !

      Un échec annoncé donc, qui n’empêche pas les journalistes politiques de délégitimer le programme de A à Z. Les positions de la France insoumise sur le nucléaire ? « Mentalité antiscientifique » et « désir régressif vers une nature fantasmée et divinisée » assène Mathieu Bock-Côté (Europe 1, 5/05). Jean-Luc Mélenchon évoque-t-il sur France Inter « une politique de la radicalité concrète sur le plan écologique » ? La journaliste Claire Gatinois (Le Monde) traduit : « Il y a une forme de brutalité sociale aussi du coup ? Vous nous dites […] j’applique mes actions quitte à ce que ce soit brutal finalement ? » (France Inter, 8/05). Et dans la matinale de RTL (2/05), Alba Ventura fait faire ses gammes à Stéphane Le Foll pour garnir les gros titres : « Il y a une dérive chez Jean-Luc Mélenchon ? C’est ce que vous êtes en train de nous dire ? […] Quand vous dites "autoritaire", quand vous dites "radicalité" ? »

      Au Figaro (6/05), on prend nettement moins de pincettes au moment de dénoncer « une "soviétisation" de l’économie française à plus de 300 milliards par an ». Le programme pour Christophe Barbier ? « Impraticable et infinançable » (RMC, 3/05). « Des promesses intenables », « une radicalité [...] en tout cas anachronique » tance Alain Finkelkraut avant de nuancer : une « radicalité monstrueuse » (Europe 1, 10/05). « Ça serait la faillite si c’était appliqué ! » radote Jean-François Kahn sur LCI (6/05). Quant à Jacques Julliard dans Marianne (4/05), il en est « convaincu » : « L’application brutale de l’ensemble des propositions du programme de Mélenchon nous conduirait à la catastrophe. » « Complétement dingue » ajoute Denis Olivennes sur France 5 (5/05) :

      Emmanuel Macron a fait la plus grosse relance keynésienne de toute l’histoire récente de la 5ème République ! Ce pays prétendument néolibéral atteint des niveaux de dépense publique, de dette publique, de dépense sociale, d’impôts, de fonctionnaires et de réglementations comme on n’en a jamais connus ! Et on va encore alourdir la bête ! Dans ce pays qui souffre déjà d’une faible croissance qui explique son niveau de chômage et son faible pouvoir d’achat, on va encore charger la mule et son ventre va toucher le sol ! Et on va rajouter encore 200 milliards de dépenses publiques, […] c’est complétement dingue !

      Et pour sortir de la dinguerie, rien de tel qu’un recul historique avec François Lenglet. L’objet de sa chronique (RTL, 3/05) ? Faire état du « bilan économique désastreux de l’expérience du Front populaire » ! L’occasion pour l’éditocrate d’anachroniser sa rengaine en fustigeant la « surenchère syndicale » de l’époque, ainsi qu’une France « affaiblie par les grèves à répétition et les nationalisations. » Avant de se faire le porte-parole de Léon Blum, qui « doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe en entendant Jean-Luc Mélenchon récuser la construction européenne qui a tant manqué à l’époque. » Toute honte bue. Autres références, même tonalité sur Europe 1, où Nicolas Bouzou avertit ses contemporains (Europe 1, 4/05) :

      La vérité, c’est que les programmes révolutionnaires du type « La France insoumise » n’ont jamais apporté rien d’autre que de la misère économique et sociale ! C’est toute l’histoire de l’Amérique Latine dans les années 1980 et 90, c’est parfaitement documenté historiquement. Ce type de programme met en place un système économique qui génère des rentes et qui entraîne une explosion des inégalités. Les riches, dans ce genre de système, s’en sortent toujours. Ce sont les plus fragiles qui en souffrent.

      « Révolutionnaire » ? Rétrograde, en tout cas, pour Denis Olivennes : « Back to the future ! On va refaire le programme d’il y a 40 ans, on rentre dans la modernité en refaisant le programme commun des années 70. Ça, c’est l’avenir de la social-démocratie. Euh… non ! » (France 5, 5/05). Paraphrasé le même jour par Challenges : « Il y a des éléments de son discours qui nous ramènent quarante ans en arrière : retraite à 60 ans (alors que l’espérance de vie a gagné presque dix ans depuis), augmentation des impôts et des dépenses publiques (alors que celles-ci ont déjà progressé de dix points de PIB), intervention massive de l’État… Il n’y manque qu’un bon programme de nationalisations ! » Chiche ! L’Europe ? « La même rhétorique que celle de Marine Le Pen […]. Bref, comme avec le projet du Rassemblement national, cela s’appelle un "Frexit" sans le dire. À nous de le répéter. » La majorité des confrères s’y attèlent déjà, dont Frédéric Haziza, tapant sur un « programme anti-européen et pro-Poutine. » (Radio J, 8/05).

      Mais la cabale vaut pour l’ensemble des aspects programmatiques : « Le blocage des prix ? C’est archaïque ! » vilipende Jean-Michel Aphatie (LCI, 6/05) avant de dérouler le prêchi-prêcha : « Tout le monde le sait : l’économie de marché, qu’on régule qu’on tempère, […] est la seule qui permet au consommateur et au producteur de vivre ensemble. » Puis : « Nationaliser les banques ? Mais pas un socialiste n’y croit ! » Et il ose :

      On a l’exemple du Crédit Lyonnais, on a vu ce que ça a donné ! Des masses d’argent non contrôlées, du scandale, du gaspillage… Je ne sais pas si Jean-Luc Mélenchon y croit d’ailleurs ! Mais lui, il a toujours dit ça, donc au moins faisons lui le crédit d’une cohérence intellectuelle à défaut de la sincérité.

      Et de poursuivre le dézingage en règle. La retraite à 60 ans ? « C’est l’un des plus gros bobards de la scène politique actuellement. Ça, Jean-Luc Mélenchon, il va falloir qu’il l’explique hein ! […] Parce que quand il était en campagne présidentielle, vraiment, personne n’a été attentif à ça. On est d’une complaisance souvent avec la gauche qui est très importante. »

      « Complaisance » ? Dans le dictionnaire éditocratique, nom féminin ; définit l’attitude des médias sus-cités, et celle de Paris Match en particulier, au moment d’évoquer les militants et sympathisants de la France insoumise qui « vont refaire un tour de piste d’ici au mois de juin pour aider Jean-Luc Mélenchon. » (5/05) Par exemple ?

      [L]es fameux zadistes qui chassent les paysans creusant des retenues d’eau sans leur permission. Au bout de quelques mois à jouer les Jacquou le Croquant, ils finiront à trente par sortir trois carottes et dix navets d’un terrain où un campagnard nourrissait un village à lui seul. Alors ils les apporteront sur le marché en tendant le poing et la sébile. Je vous rassure : entretemps, rien n’aura changé. Rien ne change jamais. Et Jean-Luc Mélenchon continuera de rêver de révolution comme la chaisière rêve d’épouser l’évêque.

      Terminons ce premier volet sur le service public en compagnie de Renaud Dély, présentateur de « 28 Minutes » sur Arte, également éditorialiste et présentateur sur France Info. Pour l’auteur de l’essai Anatomie d’une trahison. La gauche contre le progrès (mai 2022), la séquence actuelle est plus qu’une aubaine : cabale et auto-promo, d’une pierre deux coups !

      C’est donc en grand expert que Renaud Dély défile sur les ondes publiques : « C ce soir » (France 5, 2/05), France Inter (4/05) et « C à vous » (France 5, 5/05) – dont sont issus les propos qui suivent. Et en grand expert qu’il manie l’art des citations : « Comme disait le psychanalyste Jacques Lacan, "le réel, c’est quand on se cogne". » Voilà pourquoi les éditorialistes ne sont jamais assommés. « Le problème du projet unitaire qui est en voie d’être adopté, c’est qu’aussi sincère soit-il, il est en léger décalage avec le réel aujourd’hui sur de nombreux sujets ! » Plus précisément sur le fond du programme ?

      C’est le signe d’une gauche qui perd confiance en elle, qui rompt aussi avec une certaine idée du progrès, en tout cas du mouvement. C’est une gauche qui est profondément à la fois repliée sur des identités, des communautés qui s’affrontent et repliée sur le passé, qui est nostalgique. […] Ces derniers jours, on entend beaucoup parler du Front populaire, […] c’était il y a 86 ans !

      Le psychanalyste n’est pas encore au bout du raisonnement :

      Et donc cette gauche [veut] se rassurer […] parce qu’elle perd pied face au réel, parce qu’elle a du mal à le comprendre, à comprendre sa complexité et à le réformer. […] Ça contribue probablement à flatter, à enthousiasmer même une frange militante c’est vrai, mais à réduire le champ de la gauche sur un espace beaucoup plus réduit électoralement et à la décaler de la réalité du pays.

      Ce que confirment d’ailleurs noir sur blanc les résultats des deux dernières élections présidentielles.

      D’autres griefs ? Anne-Élisabeth Lemoine se charge du lancement : « C’est une gauche qui donne beaucoup de leçons également ! » « C’est la gauche indignée » acquiesce Renaud Dély, du même ton paternaliste. « C’est légitime et heureux de s’indigner dans la vie face à l’injustice et au malheur, mais ça ne fait pas un projet politique ! » Il n’en fallait pas plus à Patrick Cohen : « Il y a une formule formidable vous vous rappelez, c’est celle de Malek Boutih, "la gauche est condamnée à se liquéfier dans sa méchanceté". » Et les éditorialistes dans leur arrogance… bourgeoise, comme le rappelle Renaud Dély au moment de parler « écologie » :

      L’indignation ou la dénonciation d’une génération, par exemple les boomers […], ne suffit pas à construire le monde d’après ! Le problème de toute une frange de la gauche, et de toute une frange des écologistes au sens large, c’est de tenir parfois un discours anxiogène, catastrophiste, mais sans réussir à dessiner les contours du monde d’après. Si effectivement c’est foutu, s’il n’y a plus rien à faire, foutu pour foutu, on finit par se racheter des SUV !

      Éclats de rire sur tout le plateau.

      *

      Après avoir polarisé leur agenda de campagne autour de l’extrême droite, après avoir tapissé de chats un projet de société structurellement xénophobe et raciste, après avoir propulsé la candidature d’un néo-fasciste reçu partout avec déférence ou complaisance, les médias dominants exploitent la seule fenêtre médiatique (massive) arrachée par la gauche depuis des mois pour (massivement) instruire son procès.

      Dès lors, il faut au moins être éditorialiste au Figaro pour entrevoir, dans la séquence actuelle, un « cirque médiatique mené par l’extrême gauche autour de son nombril » (Ivan Rioufol, 6/05) ; travailler au Point pour titrer une chronique « Mélenchon, nouveau chouchou des médias » et critiquer une « lune de miel médiatique » (Jean-François Kahn, 12/05) ; ou encore vivre sur un plateau de CNews pour avoir « l’impression que c’est Jean-Luc Mélenchon qui a gagné l’élection présidentielle depuis quinze jours avec une complicité ou une douceur de l’espace médiatique » (Pascal Praud, 5/05). « L’extrême gauche n’affole surtout pas les médias bien-pensants. L’extrême droite toujours, l’extrême gauche jamais » lui rétorque l’ancien directeur général de LCI et membre de la direction de TF1 Éric Revel, plus lucide que jamais.

      Mépriser, moquer, délégitimer : les chiens de garde étaient bel et bien de sortie. Comme jamais ? Sans doute non. Mais avec plus d’une corde à leur arc. À suivre…

      Pauline Perrenot, grâce à un travail d’observation collectif des adhérent·e·s d’Acrimed

    • heureusement, le FN va tous nous sauver et appelle à faire barrage à Macron et en même temps à la Menace rouge :

      https://seenthis.net/messages/960181#message960182

      [NUPES] : une « union d’extrême gauche et anti-républicaine. Derrière Jean-Luc Mélenchon se constitue une véritable ZAD avec les idéologies les plus dangereuses pour la France : l’idéologie antiflics et le désarmement de l’État, le communautarisme, l’islamo-gauchisme, la censure de la pensée, la lutte des races et le rejet de la valeur travail : un bloc de 50 nuances de rouge », a prévenu, la mine grave, Jordan B. [et d’appeler] à un « front républicain » contre ce nouveau péril rouge.

    • Au boulot, quand j’ai annoncé que j’attendais la victoire de LFI pour mettre en place une rizière dans le jardin, rizière destinée à accueillir tous les dirigeants locaux de l’entreprise, une collègue m’a demandé ce que j’avais contre Mélenchon.

  • Goldige Verwahrlosung. Wie marode Brücken und Hochschulen Investore...
    https://diasp.eu/p/14069720

    Goldige Verwahrlosung. Wie marode Brücken und Hochschulen Investorenherzen höher schlagen lassen.

    Jetzt ist es raus: Deutschlands Autobahnbrücken sind so kaputt, dass sie schleunigst und unbürokratisch für Zigmilliarden Euro flott gemacht werden müssen. Das hat die neue Autobahn GmbH ermittelt. Wie sie das gemacht hat und wie schlimm die Sache wirklich ist, muss keinen interessieren. Hauptsache, die Bundesregierung hat verstanden und rückt das nötige Geld raus, um den in Jahrzehnten herbeigekürzten Verschleiß zu beheben, am besten gleich durch Komplettneubau. Und wenn sich dabei die Profiteure der Entstaatlichung am Scherbenaufkehren noch einmal bereichern, macht das die Sache noch viel besser – zum Beispiel für anlagesüchtige Banken, Versicherungen und Hedgefonds. Mit bröckelnden Unigebäuden geht (...)

  • Sur la catastrophe en cours et comment en sortir - Serge Quadruppani & Jérôme Floch
    https://lundi.am/Sur-la-catastrophe-en-cours-et-comment-en-sortir

    Il y a tout de même pas mal de choses intéressantes dans cet article de Quadruppani (qu’on sait déjà mais dites au public antibiopolitique).

    On a pourtant aussi toutes les raisons d’écouter le cri de rage d’un ami infirmier, à qui j’ai fait lire l’interview de Lamarck : « Je voudrais surtout pas tomber dans le pathos, mais le subjectif est là, et je vais pas le refouler : quand tu as vu des personnes âgées qui ont un nom : Marthe, Francis, Suzanne, Mario, Huguette , Gilberte et tant d’autres, magnifiques, qui ne demandaient qu’à finir leurs vies tranquilles, sereines et entourées, partir en 24 heures, emballées dans des housses mortuaires, sans préparation, sans que leurs proches ne puissent les voir, ne serait-ce qu’une dernière fois, quand tu as vu tes collègues infirmières et aides-soignantes, pourtant pleines d’expérience, et qui savent tenir la « bonne distance » professionnelle avec la mort, te tomber dans les bras et pleurer de détresse, que tu as vu toute l’équipe soignante aller au tapis, frappée de plein fouet par le virus, et les rares soignantes encore valides rester à poste 18h sur 24, que tu as vu le quart des personnes prises en charge mourir en une semaine, les poumons bouffés par le virus, et qu’il s’en fallait à peine d’un mois pour que des vaccins soient disponibles... alors le gus qui te déclare, du haut de son Olympe conceptuel : « c’est la porte ouverte à la modification moléculaire de l’humain », tu as juste envie de lui hurler : « ta gueule, connard ! Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles... ! » C’est con, hein ? »

    Non, c’est pas con, et d’autant moins que c’est assorti d’une critique des affirmations lamarckienne qui peut s’avérer fort utile pour dissiper les fantasmes attachés à ce vaccin à ARNm souvent au cœur des argumentaires antivax. « Bien, alors le truc affreux [d’après Lamarck] ce serait ces vaccins à ARN messager modifié « enrobés dans un vecteur complètement artificiel ». Le mot est lâché : « artificiel », sûrement opposé à « naturel ». Ne relevons même pas que bien des produits artificiels se sont révélés forts utiles, et que nombre de produits naturels peuvent être extrêmement nocifs. Le truc ici consiste à faire peur : c’est « artificiel » ! Pas bon ça ! Le vecteur en question est une microparticule avec 4 lipides (dont du cholestérol), 4 sels (chlorures de sodium, de potassium, dihydrogénophosphates de sodium, de potassium), du sucre (saccharose) et de l’eau... (c’est presque Bio !) Non, faut que ça fasse peur ! Car nous disent-ils tout ça « est injecté massivement depuis décembre 2020 sans tests cliniques suffisants tant sur l’innocuité que sur l’efficacité ». C’est évidement faux, les essais de phase I, II, et III ont bien eu lieu, et si la phase III se poursuit c’est pour étudier les effets secondaires inattendus, la durée de protection induite par la production d’anticorps et la mémoire immunitaire induite, et d’envisager le calendrier vaccinal de rappels le cas échéant … à ce jour près de 8 milliards de doses de vaccins contre la Covid ont été administrées, et près de 55% de la population mondiale a reçu au moins une dose (dont seulement 6% dans les pays pauvres). Jamais dans l’histoire des traitements et vaccins il n’y a eu une telle surveillance de pharmacovigilance. »

    Et jamais peut-être il n’a été aussi important d’éclaircir nos rapports avec la science en général, et avec la science médicale en particulier. L’humeur antivax est ancienne, en particulier dans des milieux où les ennemis du capitalisme se recrutent en grand nombre. Au risque de déplaire à bien des amis ou des alliés, disons-le sans détour : cette humeur repose pour l’essentiel sur des fantasmes sans fondement. Deux reproches principaux ont alimenté longtemps le refus de la vaccination, et, malgré tous les démentis, ont resurgi à la faveur de celle contre le Covid : son lien avec l’autisme et les accidents consécutifs à la présence d’aluminium. La première rumeur, qui eut d’abord les honneurs du Lancet, a ensuite été démentie et il s’est avéré que celui qui l’avait lancée était un escroc. Quant à la seconde, s’il est vrai que de l’aluminium a bien été ajouté à certains vaccins pour les booster, et que ce métal a, dans quelques cas, déclenché des réactions locales à l’endroit de l’injection, il n’a jamais entraîné d’accidents graves.

    […]

    On se gardera pourtant de reprendre à notre compte le vocable de « Big Pharma ». Pas seulement parce qu’on le retrouve systématiquement dans des bouches qui ont très mauvaise haleine, — est-ce un hasard ? — mais parce qu’il charrie une vision simpliste de ce à quoi nous faisons face et ne permet donc pas d’en saisir la complexité, les dynamiques et les rouages. « Big Pharma » est à l’ère des gouvernements biopolitiques revendiqués ce qu’était le mythe des deux cents familles au XIXe siècle. Il n’y a pas plus de gouvernement mondial secret que de Big Pharma, ce à quoi nous faisons face c’est à une coalition d’intérêts qui opèrent et prospèrent au sein d’un ordre du monde et d’une organisation sociale organisés par et pour eux. Il y a donc fort à parier que, à l’instar de toutes les structures étatiques, l’INSERM ne soit pas à l’abri de du lobbying général des grandes compagnies pharmaceutiques comme de l’influence de telle ou telle d’entre elles. Mais c’est justement parce qu’il s’agit d’une coalition d’intérêts particuliers et non pas d’une entité monolithique, qu’on peut compter sur l’existence de contradictions en son sein. Peut-on imaginer que s’il existait le moindre soupçon d’effets secondaires néfastes avec l’ARN, Johnson&Johnson et Astrazeneca, les concurrents sans ARN, épargneraient leurs rivaux d’une intense campagne de lobbying pour effrayer la population et récupérer tout le marché ? Et comment s’expliquer, sous le règne omnipotent de « Big Pharma » et du déjà un peu ancien « nouvel ordre mondial » que les stratégies sanitaires, idéologiques et politiques aient été aussi radicalement différentes des Etats-Unis à la France, d’Israël au Brésil, de la Suède à la Chine ?

    […]

    La vérité est à la fois beaucoup plus simple et complexe. Face à la pandémie, à la profondeur de ce qu’elle venait remettre en cause et au risque qu’elle faisait peser soudainement sur l’économie mondiale, les gouvernants ont paniqué. Et c’est cela que leurs litanies de mensonges devaient recouvrir, alors que tout leur pouvoir repose sur leur prétention à gérer et anticiper, ils ont dû bricoler, dans un premier temps du moins. Non pas pour sauver des vies mais pour préserver leur monde de l’économie. Au moment même où les appareils gouvernementaux de toutes les plus grandes puissances mondiales connaissaient leur plus grande crise de légitimité, certains ont voulu y voir le complot de leur toute puissance. Le complotiste aime les complots, il en a besoin, car sans cela il devrait prendre ses responsabilités, rompre avec l’impuissance, regarder le monde pour ce qu’il est et s’organiser.

    […]

    Dans la vidéo « La Résistance », dont le titre est illustré sans honte par des images de la seconde guerre mondiale, le Chant des Partisans en ouverture et Bella Ciao à la fin, on voit défiler les gourous anti-vax sus-cités. Renard Buté y nomme l’ennemi suivant le vocabulaire typique de QAnon : c’est l’ « Etat profond » et les « sociétés secrètes », il nous dit que le vaccin tue, que c’est un génocide qui est en cours, et qu’il faut s’y opposer par toutes sortes de moyens. La vidéo semble vouloir rallier les différentes chapelles antivax, de Réinfocovid au CNTf (organisation délirante, mêlant islamophobie, revendication du revenu garanti et permaculture, et partisane de rapatrier les troupes françaises pour… surveiller les frontières contre la « crise migratoire » et les banlieues), et après un appel à la fraternisation avec l’armée et la police (thème de prédilection du CNTf) débouche sur un autre appel… à la constitution d’une nouvelle banque qui serait entre les mains du peuple. Tout cela se mêle à des thèmes qui peuvent paraître pertinents aux yeux d’opposants radicaux au capitalisme : l’autonomie comme projet de vie, la manière de s’organiser et de faire des manifestations moins contrôlables, la démocratie directe… autant de thèmes et revendications qui pourraient sortir de bouches amies, voire des nôtres. Que ce genre de salmigondis touche pas mal de gens qui pourraient être des alliés, et que des amis proches puissent éventuellement avoir de l’indulgence pour ce genre de Renard fêlé, nous paraît un signe de l’ampleur de la secousse que la crise du Covid a provoquée dans les cerveaux.

    […]

    On a tendance, dans notre tradition très hégélienne de l’ultragauche à considérer que tout ce qui est négatif est intrinsèquement bon. Comme si par la magie de l’Histoire, la contestation de l’ordre des choses produisait automatiquement et mécaniquement la communauté humaine disposée à un régime de liberté supérieur. Pourtant, lorsque l’on se penche sur la nébuleuse anti-vaccin, c’est-à-dire sur les influenceurs et porte-paroles qui captent l’attention sur les réseaux sociaux, organisent et agrègent les énoncés et les rassemblements, on s’aperçoit qu’une écrasante majorité baigne depuis de longues années dans l’extrême droite la plus bête et la plus rance. Militaires à la retraite, invités hebdomadaires de radio courtoisie, lobbyistes contre les violences féminines (oui, oui...), il suffit de passer une heure à « googliser » ces porte-paroles autoproclamés pour avoir une idée assez précise des milieux dans lesquels ils grenouillent. Certes, on pourrait être magnanimes et essayer d’imaginer que l’épidémie de Covid ait pu transformer de telles raclures en généreux camarades révolutionnaires mais comment s’expliquer que les seules caisses de résonances que trouvent leurs théories alternatives sur le virus et l’épidémie soient Egalité et Réconciliation, Sud Radio, France Soir, Florian Phillipot, on en passe et des pires ? En fait, si on se peut se retrouver d’accord sur des énoncés formels, on bute bien vite sur un point fondamental, c’est-à-dire éthique : la manière dont on est affecté par une situation et à la façon que l’on a de se mouvoir en son sein. En l’occurrence, ce qui rend tous ces « rebelles » anti-macron aussi compatibles avec la fange fasciste c’est l’affect de peur paranoïaque qu’ils charrient et diffusent et qui sans surprise résonne absolument avec une longue tradition antisémite, xénophobe, etc. Et c’est là que l’on peut constater une différence qualitative énorme avec le mouvement gilets jaunes. Eux, partaient d’une vérité éprouvée et partagée : leur réalité matérielle vécue comme une humiliation. C’est en se retrouvant, sur les réseaux sociaux puis dans la rue, qu’ils ont pu retourner ce sentiment de honte en force et en courage. Au cœur du mouvement antivax se loge une toute autre origine affective, en l’occurrence la peur, celle qui s’est distillée des mois durant. La peur d’être contaminé, la peur d’être malade, la peur de ne plus rien comprendre à rien ; que cette peur du virus se transforme en peur du monde puis du vaccin, n’a finalement rien de surprenant. Mais il nous faut prendre au sérieux cette affect particulier et la manière dont il oriente les corps et les esprits. On ne s’oriente pas par la peur, on fuit un péril opposé et supposé, quitte à tomber dans les bras du premier charlatan ou sauveur auto-proclamé. Il n’y a qu’à voir les trois principales propositions alternatives qui agrègent la galaxie antivax : Didier Raoult et l’hydroxychloroquine, Louis Fouché et le renforcement du système immunitaires, l’Ivermectine et le présumé scandale de son efficacité préventive. Le point commun de ces trois variantes et qui explique l’engouement qu’elles suscitent, c’est qu’elles promettent d’échapper au virus ou d’en guérir. Toutes disent exactement la même chose : « Si vous croyez en moi, vous ne tomberez pas malade, je vous soignerai, vous survivrez. » Mot pour mot la parole biopolitique du gouvernement, dans sa mineure.

    […]
    Dans la soirée évoquée, ce n’est pas « quelqu’un du public » mais bien Matthieu Burnel lui-même qui avait ironisé sur les suceurs de cailloux !

    Parce que le pouvoir n’a jamais été aussi technocratique, livide et inhumain, certains tendent une oreille bienveillante aux premiers charlatans venus leur chanter « le vivant ». Mais l’engrenage est vicieux et une fois qu’on a adhéré à une supercherie du simple fait qu’elle prétende s’opposer au gouvernement, on a plus d’autre choix que de s’y enferrer et d’y croire. Lors d’une discussion un lundisoir, une personne du public avait commis quelques blagues peu finaudes à propos d’antivax qui lécheraient des pierres pour se soigner du cancer, et cela a apparemment provoqué quelques susceptibilités. Le problème en l’occurrence, c’est que cette plaisanterie n’était caricaturale que dans sa généralisation certainement abusive. Il n’en est pas moins vrai qu’Olivier Soulier, cofondateur de Réinfocovid assure soigner l’autisme et la sclérose en plaque par des stages de méditation et de l’homéopathie, que ce même réseau promulguait des remèdes à base de charbon aux malheureux vaccinés repentis pour se « dévacciner ». Autre nom, autre star, Jean-Dominique Michel, présenté comme l’un des plus grands experts mondiaux de la santé, il se propulse dès avril 2020 sur les devants de la scène grâce à deux vidéos sur youtube dans lesquelles il relativise l’importance et la gravité de l’épidémie, soutient Raoult et son élixir, et dénonce la dictature sanitaire à venir. Neurocoach vendant des séances de neurowisdom 101, il est membre d’honneur de la revue Inexploré qui assure soigner le cancer en buvant l’eau pure de l’une des 2000 sources miraculeuses où l’esprit des morts se pointe régulièrement pour repousser la maladie. Depuis, on a appris qu’il ne détenait aucun des diplômes allégués et qu’il s’était jusque-là fait remarquer à la télévision suisse pour son expertise en football et en cartes à collectionner Panini. Ses « expertises » ont été partagées par des millions de personnes, y compris des amis et il officie désormais dans le Conseil Scientifique Indépendant, épine dorsale de Réinfocovid, première source d’information du mouvement antivax. Ces exemples pourraient paraître amusants et kitchs s’ils étaient isolés mais ils ne le sont pas.

    […]

    Historiquement, ce qui a fait la rigueur, la justesse et la sincérité politique de notre parti, - et ce qui fait qu’il perdure-, c’est d’avoir toujours refusé de se compromettre avec les menteurs et les manipulateurs de quelque bord qu’ils soient, de s’être accrochés à une certaine idée de la vérité, envers et contre tous les mensonges déconcertants. Que le chaos de l’époque nous désoriente est une chose, que cela justifie que nous perdions tout repère et foncions tête baissée dans des alliances de circonstances en est une autre. Il n’y a aucune raison d’être plus intransigeant vis-à-vis du pouvoir que de ses fausses critiques.

    […]

    Au moment où l’idée même que l’on se faisait de la vie se trouvait acculée à être repensée et réinventé, on a critiqué les politiciens. Quand le gouvernement masquait si difficilement sa panique et son incapacité à exercer sa fonction fondamentale et spirituelle, prévoir, on a entendu certains gauchistes même anarchistes caqueter : si tout cela arrive, c’est qu’ils l’ont bien voulu ou décidé. Ironie cruelle, même lorsque l’État se retrouve dans les choux avec le plus grand mal à gouverner, il peut compter sur ses fidèles contempteurs pour y déceler sa toute puissance et s’en sentir finauds.

    Faire passer des coups de force, de l’opportunisme et du bricolage pour une planification méthodique, maîtrisée et rationnelle, voilà le premier objectif de tout gouvernement en temps de crise. En cela, il ne trouve pas meilleur allié que sa critique complotiste, toujours là pour deviner ses manœuvres omnipotentes et anticiper son plein pouvoir. C’est en cela que le gouvernant a besoin du complotiste, il le flatte.

    #Serge_Quadruppani #covid #antivax #gauche #émancipation #réflexion #science

  • D’un chaman à l’autre : théories du complot et impasses du debunking - AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/analyse/2021/12/29/dun-chaman-a-lautre-theories-du-complot-et-impasses-du-debunking-2/?loggedin=true

    D’un chaman à l’autre : théories du complot et impasses du debunking
    Par Nicolas Guilhot
    Historien
    Si Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information, ni que nous ayons affaire à un phénomène nouveau : ce qui frappe, à y regarder de plus près, c’est, au contraire, l’impression de déjà vu. Rediffusion du 9 novembre 2021

    Comme pour le jour de la photo de classe, la marche du 6 janvier sur le Capitole à Washington consistait à porter sa plus belle tenue. Si le tout-venant s’était contenté de l’uniforme de rigueur – de robustes vêtements de travail et une casquette MAGA (pour Make America Great Again) –, les plus exubérants avaient opté pour des costumes de super-héros, des toges romaines, des peaux d’animaux ou des tenues mimétiques. Les apparences étaient d’autant plus importantes qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre en jeu.

    En l’absence d’un programme politique défini et d’une réelle organisation, la pose a pris inévitablement le pas sur la politique : il s’agissait avant tout de faire acte de présence et de se faire remarquer. Seule la violence a sauvé cette fanfaronnade du ridicule. Décidée à reprendre le pays par la force, une foule un peu déphasée est sortie de l’épreuve de force avec un pupitre et quelques souvenirs de procédure parlementaire. Les véritables trophées de la journée furent les selfies.
    La vedette du jour ? Un homme, torse nu, coiffe en fourrure de coyote et cornes de bison, le visage peint aux couleurs du drapeau américain, la poitrine ornée de tatouages néo-païens. Véritable aimant pour les objectifs des caméras et des appareils photo, il est partout dans la couverture médiatique de l’événement : on le voit gonfler ses biceps sur l’estrade de la Chambre du Sénat, brandir une lance, déambuler dans les couloirs vides du pouvoir, inspecter un bureau encore jonché du fouillis d’une évacuation précipitée, s’adresser à des policiers interloqués.
    Devenu instantanément viral, l’homme a inspiré toute une série de comparaisons, du chanteur pop britannique Jamiroquai à Chewbacca de la Guerre des étoiles. Quelques jours à peine après l’émeute, il était possible d’acheter son effigie auprès d’un fabricant argentin de poupées de collection. Et il a fait des émules : en avril dernier, lors d’une manifestation contre la fermeture des restaurants à Rome, un ancien vendeur de lampes à bronzer, propriétaire d’une pizzeria à Modène, a pris part à l’émeute en arborant cornes et fourrure, le visage barbouillé du tricolore.
    Figure emblématique du 7 janvier, l’homme est connu sous le nom de « Q Shaman », en référence à la mouvance QAnon, dont les adeptes sont convaincus que le monde est gouverné par une cabale de pédophiles. Pour l’état civil, il s’agit de Jacob Chansley, un supporteur de Trump âgé de 33 ans et originaire de Phoenix, Arizona. Avant même de devenir le visage public de l’émeute du 6 janvier, les frasques politiques et le sens vestimentaire de Chansley lui avaient déjà valu l’attention de la presse locale. En 2019 et 2020, il assistait régulièrement aux rassemblements organisés par Trump et on pouvait, de temps à autre, le trouver faisant les cent pas devant le Capitole de l’Arizona et dispensant bruyamment la bonne parole de QAnon au rythme d’un tambourin chamanique.
    À la suite du 6 janvier et de l’arrestation de notre homme, des détails biographiques sont venus définir les contours d’une vie par ailleurs banale : une expulsion pour loyers impayés, suite à laquelle Chansley était retourné vivre avec sa mère ; quelques années d’université pendant lesquelles il avait étudié la religion, la psychologie et la céramique ; un passage dans la marine en tant qu’apprenti commis à l’approvisionnement sur un porte-avions ; des velléités rapidement déçues de faire une carrière d’acteur ; et deux ouvrages publiés à compte d’auteur, un essai et un roman, disponibles à la demande sur Amazon.
    Écrit sous le nom de plume de Jacob Angeli, One Mind At A Time (Un esprit à la fois) livre au lecteur les nombreuses opinions de Chansley sur le monde dans un flux ininterrompu et informel qui évoque l’équivalent stylistique de l’incontinence. L’ouvrage contient quelques autres éléments d’informations biographiques. On y apprend qu’adolescent, il se considérait un fervent partisan de George W. Bush, qu’il était indifférent aux questions environnementales, favorable à l’invasion de l’Irak et convaincu que les États-Unis étaient en droit d’exporter la liberté à coups de missiles de croisière – cela jusqu’à ce qu’il cesse de croire les médias grand public et voie la lumière, notamment grâce à « plusieurs expériences de dissolution des frontières […] à base de plantes psychédéliques ». Depuis lors, Chansley se considère comme un guérisseur et un praticien du chamanisme.
    L’attachement que Chansley voue à QAnon et sa participation à l’émeute du 6 janvier ont façonné notre manière d’interpréter politiquement ses gestes et sa personne. Certains commentateurs ont noté que ses tatouages sont des symboles de la mythologie nordique récupérés de longue date par les groupes suprématistes blancs. Et si cela peut sembler incompatible avec un attirail chamanique et une tenue qui évoque davantage une session de Fortnite qu’un penchant pour le look Waffen-SS, il est vrai qu’à ses débuts, le Ku Klux Klan aussi ressemblait à un carnaval qui aurait mal tourné, une sorte de pride macabre avec cosplay et kazoos, avant d’opter pour la sobriété de ce que James Thurber a appelé « la literie d’apparat ».
    L’extrême-droite contemporaine absorbe les répertoires contestataires progressistes et les schémas de la contre-culture pour les canaliser dans une direction réactionnaire.
    Même s’il est tentant de faire de Chansley un fasciste parmi d’autres, la reductio ad Hitlerum atteint rapidement ses limites heuristiques. Il ne fait aucun doute que les diatribes de Chansley recoupent pleinement les vues conspirationnistes de l’extrême-droite : « Q consiste à reprendre le pays aux mondialistes et aux communistes […] qui ont infiltré les médias […], le divertissement[…], la politique », a-t-il par exemple déclaré dans un entretien. Pourtant, à ne prêter attention qu’à ce qui renvoie aux fascismes du passé, on risque de passer à côté de ce qui est nouveau et singulier – et plus immédiatement pertinent.
    Dans son reportage sur les événements du 6 janvier pour le New Yorker, Luke Mogelson a observé que de nombreux participants aux précédentes manifestations contre le confinement « se percevaient comme des gardiens de la tradition du mouvement des droits civiques », et que certains d’entre eux allaient jusqu’à se comparer à Rosa Parks.
    Les adeptes de QAnon comptent dans leurs rangs d’anciens centristes et autres liberals désenchantés : certains ont voté pour Obama, d’autres viennent de familles pro-Hillary ou pro-Bernie. Ce n’est vraisemblablement pas le cas de Chansley, même si certaines de ses convictions pourraient fort bien figurer dans un pedigree progressiste.
    Dans One Mind At A Time, il décrit le monde qui émergera une fois vaincu le « fascisme d’entreprise militarisé » de l’État profond : les prisons seront « progressivement éliminées » et la peine de mort abolie ; les frontières disparaîtront et tout le monde pourra se déplacer librement ; il y aura « beaucoup d’argent pour que les enseignants soient mieux payés, pour que les soins de santé soient couverts pour tous les citoyens, pour que les sans-abri aient un toit et qu’aucun humain ou animal ne souffre de la faim ou de maltraitance ». Sans oublier le chanvre qui remplacera le bois et les colonies d’abeilles de l’Amazonie qui échapperont finalement aux méfaits de la déforestation.
    Il est facile de ne voir dans ces propos que les élucubrations d’un esprit confus – ce qui est le cas. Mais ce bric-à-brac idéologique incohérent – composé de diatribes enragées contre le mondialisme, d’idées qui ne dépareraient pas dans les manifestes Black Lives Matter (« defund the police »), voire dans le matériel de campagne d’un Bernie Sanders – reflète la capacité de l’extrême-droite contemporaine à absorber des répertoires contestataires progressistes et des schémas de la contre-culture pour les canaliser dans une direction réactionnaire.
    Si l’on doit parler de fascisme, c’est moins dans le sens d’une menace extérieure qui pèserait sur les institutions de la démocratie libérale, comme le suggèrent les images du 6 janvier, que dans celui d’un délitement interne de celles-ci. Il ne s’agit pas d’une idéologie codifiée dans le passé, mais d’un mouvement qui préempte et désamorce la nécessité du changement social en faveur du statu quo, un mouvement composé de magnats de l’industrie et d’ouvriers au chômage, de patrons de casinos et de concierges, de marchands de sommeil et de locataires expulsés, un mouvement qui a trouvé dans un escroc de l’immobilier le meilleur porte-drapeau possible.
    Ce qui importe n’est pas tant de savoir si des échos des brasseries des années 1930 résonnent dans les déclarations de Chansley, mais de comprendre pourquoi un éco-guerrier New Age de l’Arizona qui appelle de ses vœux une sécurité sociale à couverture universelle participe à une parodie de putsch aux côtés de néo-nazis et de soccer moms, pour finalement devenir le visage du fascisme gonzo du XXIe siècle. Une partie de la réponse, semble-t-il, est liée aux théories du complot.
    QAnon s’est construit à partir d’une rumeur plus ancienne, connue sous le nom de « Pizzagate », selon laquelle Hillary Clinton était à la tête d’un réseau pédophile opérant depuis le sous-sol de Comet Ping Pong, une célèbre pizzeria de Washington D.C. Même après qu’un adepte lourdement armé eut pris d’assaut les lieux pour ne rien trouver d’autre qu’une arrière-cuisine dans laquelle le personnel de l’établissement s’affairait à pétrir de la pâte à pizza, la rumeur ne s’est pas éteinte. Elle continua à se répandre sous la forme de prophéties cryptiques postées en ligne par un mystérieux contributeur qui signait ses missives de la lettre « Q », en référence à un niveau d’habilitation sécurité-défense du ministère de l’Énergie des États-Unis.
    Pour la communauté en ligne des fidèles, ces « Q drops » suggéraient que Trump était en train de mener une guerre secrète contre le réseau pédophile mondial niché au cœur de l’État profond. Le combat final aurait lieu au grand jour, bien que sous un éclairage crépusculaire, lorsque Trump ordonnerait à diverses branches des forces de sécurité de rafler les membres de la cabale – un événement baptisé « The Storm » (« La Tempête ») dans le folklore QAnon.
    Dans son célèbre essai sur la pensée complotiste, Le Style paranoïaque : théories du complot et droite radicale en Amérique (1964), Richard Hofstadter suggérait que ce qui caractérise l’esprit paranoïaque n’est pas seulement la croyance dans telle ou telle théorie du complot, mais le fait de considérer l’histoire elle-même comme une vaste conspiration. Pour Chansley, QAnon n’est pas seulement une théorie concernant l’establishment politique de Washington mais le canevas même de l’histoire américaine, dans la trame duquel chaque pièce du puzzle trouve sa place, des ovnis et de l’assassinat de John F. Kennedy aux récentes fusillades dans les écoles.
    Il est difficile de résumer les élucubrations de Chansley, à côté desquelles les divers épisodes d’Indiana Jones font l’effet d’un documentaire soporifique sur Arte. En résumé, la conviction que l’élite mondiale s’adonne au trafic d’êtres humains et au viol d’enfants n’est que la couche externe d’un complot bien plus vaste, complot dont les membres sont cooptés précisément du fait de leur dépravation, laquelle permet à l’État profond de s’assurer de leur docilité par la biais du chantage.
    Mais, dans ce cas, qu’est-ce que l’État profond, se demandera-t-on ? Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, explique Chansley, les États-Unis ont secrètement absorbé le réseau de renseignements nazi et, partant, les technologies de pointe allemandes, qui n’étaient pas toutes d’origine humaine : dans leur quête de suprématie, les nazis étaient entrés en possession de savoirs ésotériques, peut-être lors de leurs expéditions secrètes en Antarctique et en Asie, où ils seraient vraisemblablement entrés en contact avec des civilisations extraterrestres (d’où les mystérieux « Foo Fighters » de la fin de la Seconde Guerre Mondiale).
    Transplantés aux États-Unis, accompagnés peut-être de leurs collègues extraterrestres, les scientifiques nazis ont poursuivi leurs expériences médicales sur des sujets humains, ainsi que le développement de technologies extraterrestres secrètes (d’où les événements de Roswell). Cette vaste opération de camouflage se poursuit encore aujourd’hui : le sous-sol de la masse continentale nord-américaine est sillonné par un réseau de cavernes connues sous le nom de « Deep Underground Military Bunkers », ou DUMBs, « reliés par de grands tunnels qui utilise [sic] un train à sustentation magnétique se déplaçant à la vitesse Mach d’une base à l’autre ». Certains de ces bunkers souterrains abritent des installations militaires secrètes ou sont interdits d’accès, d’autres ont été maquillés en infrastructures civiles.
    De courageux chercheurs de vérité ont parfois exposé ces dernières : il est par exemple évident que l’aéroport international de Denver cache un DUMB s’enfonçant dans les entrailles de la terre sur huit niveaux, car comment expliquer autrement la disposition en forme de croix gammée de ses pistes, si ce n’est en guise de clin d’œil à son rôle de plaque tournante pour les fonctionnaires nazis de l’État profond ? Est-ce une coïncidence si l’existence d’un monde souterrain habité par des créatures non humaines soit attestée dans un certain nombre de civilisations anciennes ? Et que se passe-t-il au juste dans les cryptes de cet autre repaire de violeurs qu’est le Vatican ?
    Partout, de Comet Ping Pong à la salle d’embarquement de Denver, des gens sont enlevés pour servir de cobayes dans le cadre d’expériences de transformation génétique, de contrôle mental et de pouvoirs surnaturels, tandis que des enfants sont jetés ici et là en pâture à l’élite pédophile dont le rôle est de tenir l’État profond à l’abri des regards.
    Chansley, lui, a regardé droit dans les ténèbres et n’a pas bronché : « Quand j’ai découvert que 800 000 enfants et 600 000 adultes sont portés disparus chaque année rien qu’aux États-Unis, j’ai eu la Chair de poule [sic] ! » La fluoration des eaux municipales ainsi que le lavage de cerveau idéologique opéré via le système scolaire et les médias grand public garantissent la soumission de la population générale, tandis que des pouvoirs de contrôle mental permettent à l’État profond de commanditer des tueurs programmés et de fomenter des fusillades dans les écoles, et ce dans le but de désarmer les patriotes qui seraient tentés de vouloir libérer la population souterraine d’esclaves sexuels. Et puis, il y a les victimes dont personne ne parle : de mèche avec des sociétés maléfiques comme Monsanto, l’État profond se livre à un « écocide » et massacre non seulement des enfants innocents, mais aussi des millions de nos frères bovins. Où sont nos enfants ? Où sont nos bisons ?
    Les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot, mais cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information.
    Il existe de manière assez répandue, chez les universitaires, les responsables des politiques publiques et les chiens de garde de l’information, une tendance à considérer les théories du complot comme des théories, c’est-à-dire des affirmations sur le monde susceptibles d’être vraies ou fausses. Dans la mesure où elles sont typiquement fausses, nous les traitons comme des explications sociologiques erronées, fondées sur des incohérences logiques ou des vices de preuve.
    C’est après tout à un philosophe des sciences que nous devons le concept de « théorie du complot » : lorsque l’expression voit le jour en 1948 sous la plume de Karl Popper, elle désigne l’incapacité à interpréter les événements sociaux comme la résultante d’une myriade de processus interdépendants ; au lieu de cela, ils se trouvent réduits à l’expression d’une volonté unique et omnipotente émanant d’entités collectives invisibles (Popper mentionne pêle-mêle les capitalistes, les impérialistes, les sages de Sion…).
    La « théorie sociologique du complot », écrit Popper, s’apparente à « un type assez primitif de superstition ». Cette vision est restée prédominante depuis lors : dans un article influent publié il y a dix ans, deux juristes de Harvard – Cass Sunstein et Adrian Vermeule – parlent ainsi d’« épistémologies boîteuses ».
    Dès lors que les théories du complot sont considérées comme un problème de nature cognitive, elles deviennent aussi un problème d’ordre purement individuel. Si elles ne nous disent certes rien sur la société, elles nous parlent en revanche des personnes qui y adhèrent. Même lorsque le diagnostic se fait en des termes vaguement sociologiques (faible niveau d’éducation, classes populaires, etc.), les théories du complot deviennent le symptôme d’une déficience de la pensée, d’une incapacité à s’orienter dans l’environnement informationnel.
    En somme, nous avons réduit les théories du complot à de l’information, et ceux qui y croient à de médiocres processeurs d’information. On ne s’étonnera pas si de nombreux observateurs en viennent désormais à considérer les théories du complot contemporaines comme une forme d’analphabétisme propre à l’ère digitale : le « nouveau conspirationnisme », selon eux, ne se rapporterait à aucun événement réel (rien ne se passe à Comet Ping Pong contrairement, par exemple, à l’assassinat de Kennedy) et se réduirait à de l’air chaud généré par les serveurs de Facebook. Pour ces mêmes observateurs, QAnon est un phénomène qui jamais n’aurait été possible « ne serait-ce qu’au début de ce siècle ».
    Il est indéniable qu’Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot, mais cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information, ni que nous ayons affaire à un phénomène nouveau : ce qui frappe, à y regarder de plus près, c’est, au contraire, l’impression de déjà vu.
    Nous avons remplacé les conditions sociales et économiques par des biais cognitifs.
    En mai 1969, une rumeur se répand comme une traînée de poudre dans la ville d’Orléans : des jeunes femmes disparaissent mystérieusement dans les salons d’essayage de six boutiques de la ville. Les victimes sont droguées et enlevées via des tunnels souterrains afin d’être vendues à des réseaux internationaux de prostitution. Le fait que les propriétaires des magasins incriminés soient juifs n’est certainement pas un hasard.
    Au fur et à mesure que la rumeur prend de l’ampleur, le silence des médias locaux devient suspect et finit par se fondre dans la trame de la conspiration : la presse est achetée – fake news ! – et les autorités publiques sont de mèche. Le 31 mai, alors que de nombreux Orléanais font leur marché, des petits groupes se rassemblent devant les magasins incriminés dans une atmosphère volatile. Seule la fin du marché et le début du second tour de l’élection présidentielle désamorcent une situation explosive, dans laquelle il n’aurait pas été impensable que la rumeur pousse quelqu’un à l’action, comme ce fut le cas cinquante plus tard à Comet Ping Pong.
    Ce qui frappe dans l’incident d’Orléans, ce sont les similitudes avec les théories du complot actuelles : l’horreur cachée derrière la devanture d’un commerce populaire, le trafic sexuel mondial, les tunnels secrets, la collusion des médias et de l’élite politique. A une différence près : l’absence d’Internet.
    Au lendemain de la rumeur, le sociologue Edgar Morin s’était rendu à Orléans avec plusieurs de ses collègues afin de comprendre l’origine et la diffusion de la théorie du complot. Publié à chaud, La Rumeur d’Orléans est le récit de cette enquête de terrain. A ma connaissance, aucune analyse du phénomène QAnon n’a fait référence à cet ouvrage, pourtant traduit en anglais dès 1971.
    À le relire aujourd’hui, on est frappé par deux choses : la relative stabilité dans le temps des schémas complotistes, et, à l’inverse, la transformation radicale de notre façon de les analyser. Ne pouvant en attribuer la responsabilité à l’information en ligne, Edgar Morin identifia des facteurs sociaux, économiques et culturels plutôt que des mécanismes cognitifs ou des logiques d’information.
    Il tenta de déchiffrer la panique morale à l’origine des rumeurs antisémites en relation avec l’évolution de la structure démographique de la ville, les nouvelles identités de genre, le rôle des femmes sur le marché du travail, les processus de modernisation économique qui perturbaient le tissu social et les codes moraux de la ville, ainsi qu’un lent processus de déclin qui voyait une ancienne capitale médiévale se transformer en grande banlieue parisienne. Pour le dire brièvement, Morin s’est efforcé de comprendre la situation historique dans laquelle un mythe avait resurgi, et non une erreur d’inférence ou une épistémologie boîteuse.
    Le debunking s’avère être, en définitive, une défense du statu quo.
    Ce qui est remarquable, cinquante ans plus tard, c’est à quel point ce monde réel a disparu de nos réflexions sur les théories du complot. Nous avons remplacé les conditions sociales et économiques par des biais cognitifs, les mythologies politiques et religieuses par des erreurs étiologiques, l’histoire par des préjugés ataviques. Ce n’est pas seulement que nous avons projeté les causes du complotisme dans les profondeurs du cerveau humain : nous partons du principe que ces profondeurs sont plus faciles à sonder que le monde qui nous entoure, et plus faciles, aussi, à réformer.
    Ni les partisans de la démystification (debunking), ni les nouveaux justiciers de l’information ne considèrent la possibilité que la cause profonde des théories du complot puisse se situer en dehors de l’esprit, et nécessiter un réexamen du monde socio-économique qui est le nôtre. Il y a là un quiétisme implicite : ce qui est en cause, ce n’est pas le monde, mais les esprits individuels qui semblent ne pas le voir pour ce qu’il est.
    Il s’agit dès lors d’amener les gens à s’aligner sur une réalité qu’ils ne mesurent pas. Steven Pinker, l’un des paladins de la vérité et de la rationalité, suggère de mettre en œuvre rien moins que des programmes de « débiaisage » qui consisteraient à aider les gens à voir que le monde va bien et que tout se passera au mieux si nous laissons les responsables politiques et économiques continuer à s’en occuper sans leur faire entrave.
    Il s’agit de s’adapter au monde tel qu’il est et de résister à toute tentation de le transformer. Le debunking s’avère être, en définitive, une défense du statu quo – non pas parce que les théories du complot seraient vraies, mais parce que les tenants de la démystification les utilisent pour restreindre un peu plus la place accordée au politique. Par-delà leur opposition, le debunking et les théories du complot sont deux formes d’anti-politique.
    S’il fallait désigner un coupable de cette tendance à faire des théories du complot un problème de psychologie et de rationalité individuelles, ce serait Hofstadter. Selon les commentaires éditoriaux élogieux qui ont accueilli la récente réédition aux États-Unis de The Paranoid Style dans la prestigieuse collection Library of America, les travaux de Hofstadter sur « l’irrationalisme, la démagogie et la pensée complotiste » constituent une « pierre de touche pour donner un sens aux événements de 2020 ».
    Ces éloges ne témoignent pas seulement de l’importance d’Hofstadter pour la culture politique américaine : elles rendent aussi hommage à un historien qui voyait dans les théories du complot l’expression d’un atavisme, une sorte de monstre lacustre qui referait épisodiquement surface dans l’histoire américaine mais que l’on ne peut comprendre qu’en termes de « psychologie des profondeurs ».
    Paradoxalement, Hofstadter a doté de toute le prestige que confère un prix Pulitzer l’idée selon laquelle l’histoire a relativement peu à nous apprendre sur ce qui est en réalité une mentalité archaïque, parfois réveillée par les soubresauts de la modernité mais en dernière instance imperméable à cette dernière. Il ne faut pas s’étonner que le regain d’intérêt pour son essai sur le style paranoïaque ait lieu à l’époque des sciences cognitives et des politiques paternalistes du « nudging ».
    On a prêté beaucoup moins d’attention aux allusions répétées d’Hofstadter à l’Apocalypse. Le porte-parole paranoïaque, écrit Hofstadter, voit le monde « en termes apocalyptiques ». Il lance des « avertissements apocalyptiques » et « trafique la naissance et la mort de mondes entiers […]. Comme les millénaristes religieux, il exprime l’angoisse de ceux qui vivent les derniers jours et il est parfois disposé à fixer une date pour l’apocalypse ».
    Dans la tradition chrétienne, l’Apocalypse offre la première conception complotiste de l’histoire, dont la trame doit culminer dans une épreuve de force finale. Il s’agit d’une histoire d’imposture et d’usurpation. Dans le rôle principal, on trouve généralement l’Antéchrist, ou une version de celui-ci : un imitateur qui prend la place du Christ, il est le « crisis actor » (acteur de crise) et le « false flag » (faux drapeau) originel. Un usurpateur qui prétend unifier l’humanité dans le Royaume tout en installant en réalité sa tyrannie, il est le premier mondialiste et le stigmate qui pèse sur tous les mondialismes ultérieurs. Des anciens millénarismes aux élucubrations de Pat Robertson sur le « nouvel ordre mondial », il fait figure de modèle dans la plupart des théories du complot.
    QAnon aussi est une variation à peine laïcisée de l’Apocalypse : un récit sur le mal absolu paradant dans le monde sous l’apparence d’une dispensation libérale ; une variation sur la dépravation morale d’un globalisme nécessairement trompeur ; une pression eschatologique liée à l’imminence d’un jugement final, assorti du traditionnel avis de tempête.
    Comme l’a brillamment suggéré le critique littéraire Frank Kermode, l’Apocalypse est un récit qui nous permet de donner un sens à la finitude de notre monde, en projetant une cohérence liant sa fin à ce qui la précède. Sa structure profonde est la récapitulation : la fin reprend les événements passés sous la forme de la concordance, tout se vérifie parce que tout était lié dès le début d’une manière qui se révèle enfin. L’Apocalypse répond à un besoin profond de cohérence lorsqu’il s’agit d’appréhender l’idée de la fin ; il n’est pas étonnant que dès les années 1920 la psychiatrie ait fait la part belle à l’expérience de la fin du monde (« Weltuntergangserlebnis ») dans l’analyse de la paranoïa, ni qu’elle revienne sans cesse sous la plume d’un Hofstadter. Face à une échéance sans cesse reportée et à des réfutations répétées, elle doit être continuellement réinventée : « L’image de la fin », a souligné Kermode, « ne peut jamais être réfutée de façon permanente. »
    Cela devrait donner à réfléchir aux partisans du debunking. Non seulement les théories du complot s’appuient sur des modèles culturels fondamentaux qui ne sont pas faciles à déraciner, mais les religions établies sont elles aussi des « épistémologies boîteuses », pour reprendre l’expression de Sunstein et Vermeule. L’implication n’a pas échappé aux adeptes de QAnon : « Si Jésus revenait sur terre aujourd’hui, pensez-vous que vous le reconnaîtriez en raison de ses miracles ? », écrit l’un d’entre eux, « ou le qualifieriez-vous de théoricien du complot ? »
    Les théories du complot reposent sur la foi en ce que le temps tient en réserve. La « vérité » qu’elles défendent est définie par la révélation de ce qui est à venir, et non par une démonstration logique. Non seulement la démystification est impuissante dans ces cas-là, mais c’est précisément dans la persévérance face à l’adversité et aux preuves du contraire que se révèle la foi. Parce qu’elles s’articulent autour d’un sens apocalyptique du temps, les théories du complot ne sont pas seulement des idées erronées : elles sont, aussi, une manière spécifique d’être au monde.
    Hofstadter était trop occupé à faire passer une prise de position politique pour un diagnostic psychanalytique et à assimiler son tiède libéralisme à l’idée même de rationalité pour s’intéresser davantage aux métaphores apocalyptiques qu’il affectionnait. C’est à l’anthropologue des religions Ernesto De Martino que revient le mérite d’avoir exploré les affinités entre l’esprit paranoïaque et l’apocalypse dans un essai publié la même année que The Paranoid Style dans la revue italienne Nuovi argomenti et intitulé « Apocalypses culturelles et apocalypses psychopathologiques ».
    Rien n’indique qu’Hofstadter et De Martino avaient connaissance de leurs travaux respectifs, mais tous deux affrontaient la crise du progressisme libéral – Hofstadter avec le ton posé d’un porte-parole, en présentant ses mécontents comme un atavisme folklorique, et De Martino en développant une analyse historique et anthropologique plus critique. Ce dernier partait d’un diagnostic culturel pour lequel l’épuisement des idéologies du progrès et le déclin du religieux rendaient l’humanité incapable d’affronter autrement que sur un mode pathologique et paralysant les scénarios apocalyptiques que l’arme nucléaire rendait actuels.
    Pour De Martino, les visions rédemptrices de la fin du monde – ce qu’il appelle les « apocalypses culturelles » – constituent un phénomène universel. Si tout risque de se dissoudre dans le néant, ou est voué, de toute façon, à disparaître, l’élan productif qui soutient la vie collective disparaît. Ce n’est qu’en mettant de côté ce risque que les sociétés humaines ont pu donner une valeur à leur existence mondaine et se projeter dans l’histoire. Lorsque les premiers chrétiens de Thessalonique se sont persuadés de l’imminence des derniers jours et ont sombré dans une stupeur oisive, il a fallu toute la verve apocalyptique d’un Saint Paul pour transformer l’angoisse paralysante en promesse d’un monde meilleur autour duquel une communauté chrétienne pouvait organiser sa vie ici et maintenant.
    Les apocalypses culturelles, cependant, ne sont pas forcément religieuses ni ne signifient nécessairement la fin de l’existence terrestre en tant que telle. Elles peuvent aussi se manifester sous la forme de « l’aspect social et politique de la fin d’un monde historique donné » (De Martino s’est particulièrement intéressé aux mouvements millénaristes déclenchés par la fin de la domination coloniale en Afrique, mais aussi à la fin de la société capitaliste bourgeoise promise par le marxisme) ou d’un événement particulier dans la vie d’un individu ou d’une communauté. À chacun de ces moments critiques, les cérémonies religieuses, les rituels profanes, les idéologies progressistes ou révolutionnaires atténuent l’idée d’un effondrement final et révèlent à nouveau la possibilité d’une existence collective et porteuse de sens. Fondamentalement, les cultures apocalyptiques se résument au proverbial Keep Calm and Carry On du blitz anglais.
    En l’absence de ces médiations culturelles, les peurs apocalyptiques prennent une tournure strictement individuelle et, par conséquent, pathologique : l’effondrement du monde devient une expérience solitaire, privée, voire intime, et le sentiment de perte est détaché de toute communauté culturelle. L’individu se retrouve submergé par un sentiment d’aliénation et de passivité. En s’effondrant, le monde emporte avec lui la possibilité d’une présence au monde. Le familier devient étrange et inquiétant, comme si le monde qui figurait à l’arrière-plan du quotidien cédait soudainement et les relations stables et objectives entre les choses se dénouaient au profit de leurs connexions occultes. Le monde devient « un réseau de menaces diffuses, de forces hostiles, d’obscurs complots ourdis à nos dépens ».
    L’apocalypse psychopathologique, en définitive, est une forme paroxystique et existentielle de l’angoisse du statut dont Hofstadter avait fait le fondement psychologique de l’esprit paranoïaque. À une différence près, qui est de taille : là où Hofstadter croyait avoir circonscrit un problème de psychologie collective, De Martino voyait le résultat d’un échec culturel.
    Dans un livre plus ancien, De Martino s’était intéressé à ceux qui, dans le monde archaïque, conjuraient ces risques apocalyptiques : les chamans. Sa grande intuition était que le monde que nous considérons comme acquis, et qui constitue l’arrière-plan stable de nos vies, n’est pas une donnée mais une conquête historique et culturelle, dont dépend notre sentiment d’autonomie.
    Dans les sociétés primitives, il a fallu arracher ce monde à un environnement peuplé d’esprits invisibles et de forces magiques, auxquels l’individualité, encore balbutiante, risquait à tout moment de succomber. De peur qu’il n’anéantisse l’individu et ne menace la communauté tout entière – comme dans le cas des Thessaloniciens –, ce risque devait être contenu.
    Ne pouvant entièrement l’écarter, les chamans faisaient de ce risque d’effondrement de la présence au monde le point de départ de leurs rituels pour en transformer le sens : au lieu d’y succomber passivement, ils le provoquaient afin de contrôler les forces occultes de leurs cosmogonies. En apprivoisant les esprits invisibles et en les soumettant à leur emprise, ils recouvraient pour toute la communauté « le monde qui [était] sur le point d’être perdu », écartant ainsi le risque psychopathologique et enchâssant de manière pérenne l’expérience apocalyptique dans un tissu culturel collectif. Saint Paul n’était rien d’autre que le chaman du christianisme primitif.
    Les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et transforment les sentiments apocalyptiques en composantes pour la construction de communautés alternatives.
    Will & Power : Inside the Living Library est le roman que Chansley a publié en 2018 sous le pseudonyme de Loan Wold. Il y est question, là aussi, de chamanisme, et d’un monde perdu et retrouvé. Comme pour son essai, il s’agit d’une lecture qui met la bonne volonté du lecteur à l’épreuve. Le personnage principal, qui n’est pas sans rappeler l’auteur de l’ouvrage, part camper après s’être séparé de sa petite amie et avoir perdu son travail dans un magasin de jardinage.
    Au fond des bois, il rencontrer une créature d’une autre planète, semblable à un Sasquash, qui l’initie à une sagesse ancienne appelée « Shama » et lui enseigne à exploiter les pouvoirs du champ magnétique terrestre et à communiquer avec les esprits animaux et végétaux qui peuplent le monde. Bien qu’ils soient accessibles à tous les humains, les pouvoirs du chamanisme ont été gardés secrets et pervertis pour servir les desseins des « Seigneurs Noirs », une race maléfique de colonisateurs extraterrestres qui se dissimulent sous une apparence humaine.
    Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les détails embarrassants de l’intrigue, donnée à lire dans le style d’un SMS et la gamme sentimentale d’une palette d’emojis. La croyance dans le magnétisme animal n’a rien de nouveau et, depuis son origine au XVIIIe siècle sous la plume de Franz Mesmer, elle a été associée à l’idée d’action à distance et, souvent, à des théories du complot.
    Chansley donne toutefois à ces vieux thèmes une tournure contemporaine et technologique : ces flux d’énergie invisibles deviennent le « Life-Net », réseau par lequel les plantes et les créatures échangent « toutes sortes d’informations ». Les événements locaux sont « téléchargés » sur ce réseau et accessibles de partout dès lors que le nouvel initié au chamanisme s’y connecte. Le monde devient ainsi une « bibliothèque vivante » où chaque créature, chaque être est connecté à tout ce qui l’entoure : une dense forêt d’hyperliens dans laquelle on peut « surfer » indéfiniment.
    Le monde apocalyptique du paranoïaque, selon De Martino, se caractérise par un « excès de sens », une surcharge de signification qui fait que rien n’est exactement conforme aux apparences. Les choses sont insaisissables et mystérieuses, leurs liens sont obscurs, et la rencontre avec la réalité sans cesse repoussée. Les deux livres de Chansley traitent d’un monde tellement saturé de sens qu’il craque aux entournures.
    Dans son essai, il est question d’un univers désorientant, dans lequel aucune vie active n’est possible : une sorte de palais des glaces dans lequel on ne peut que courir après des points de fuite et se sentir impuissant, en proie aux forces menaçantes de l’État profond, et dépossédé de sa liberté.
    Dans son récit consacré au chamanisme, la même expérience de ces couches de sens infinies devient libératrice. Ce qui était auparavant un réseau mystérieux et insaisissable de connexions occultes devient une extension illimitée des pouvoirs individuels. L’étrange sentiment que « rien n’est exactement ce qu’il y paraît » se transforme en une prise de conscience stimulante que « tout est lié ». Le monde de la théorie du complot se retourne sur lui-même, comme un gant. En s’abandonnant aux forces invisibles de l’univers pour mieux les dominer, le « Q Shaman » recouvre lui aussi le monde perdu de la liberté humaine.
    Un chaman aux pouvoirs étendus, qui restitue aux autres leur puissance d’agir : la folie des grandeurs est bien sûr un symptôme classique de la paranoïa de persécution. De ce point de vue, le chamanisme de Chansley est risible. Ses pitreries bruyantes et son accoutrement prétentieux sont aussi authentiques sur le plan culturel que les canaux vénitiens à Las Vegas. Ses expériences avec les psychotropes sont des trips privés sans lien aucun avec quelque tradition vivante que ce soit. Et pourtant, ce chamanisme de pacotille traduit quelque chose de fondamental quant aux théories du complot, quelque chose que les considérations psychologiques ou cognitives, pour ne pas parler des dissertations épistémologiques ou des théories de l’information, ne parviennent pas à saisir. Il vise à exorciser l’emprise paralysante des angoisses apocalyptiques et à restaurer la perspective d’un monde commun. Pour le dire autrement : il esquisse ce que De Martino a appelé une apocalypse culturelle.
    Le « Q Shaman » est le reflet de quelque chose qui traverse, voire définit QAnon et tous les mouvements contemporains qui capitalisent sur la pensée conspirationniste : en prenant de l’ampleur, les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et cherchent à transformer les sentiments apocalyptiques en composantes de base pour la construction de communautés alternatives, qu’elles soient culturelles ou politiques.
    Si le chamanisme a disparu ou se retrouve désormais réduit au rang de survivance archaïque, ce n’est pas le cas de l’expérience apocalyptique que les chamans cherchaient à canaliser. Pour De Martino, ce « drame existentiel » est susceptible se manifester dans les sociétés modernes, en particulier dans des situations de « souffrance et de dénuement », comme les guerres ou les famines, qui placent l’individu dans une situation de détresse insoutenable.
    Ces situations dans lesquelles la présence au monde ne va plus de soi ne sont plus marginales : le dérèglement climatique et son cortège d’extinctions, la destruction d’écosystèmes d’ampleur continentale, le déracinement de communautés entières fuyant les ravages de guerres sans fin ou la dégradation irréversible de leur habitat, une pandémie mondiale qui ravage les plus vulnérables, des inégalités sociales et économiques sans précédents qui font que, pour des millions de personnes, la fin du mois fait parfois figure de fin du monde.
    Jamais auparavant notre existence en tant qu’individus et en tant qu’espèce n’a semblé aussi précaire. Jamais notre monde n’a semblé aussi fragile. Notre capacité à nous projeter dans l’avenir s’est considérablement réduite. Même les exploits spatiaux, autrefois considérés comme des pas de géant pour l’humanité, ressemblent aujourd’hui à des exercices d’évacuation pour les cabines de première classe. Les capsules de sauvetage privées qui mettent des milliardaires en orbite n’annoncent aucun progrès : elles confirment seulement qu’il est minuit moins une.
    Pourtant, la vie continue comme si de rien n’était. On cherche en vain les ressources culturelles et politiques qui nous aideraient à percer les brumes apocalyptique du présent pour discerner la lueur d’un nouveau jour qui serait aussi un jour meilleur. Dans cette situation schizophrénique, la dissonance cognitive ne peut que devenir la norme—et ce qui est peut-être étonnant n’est pas tant la diffusion des théories du complot que le fait qu’elles ne soient pas plus répandues encore.
    Dans son analyse de la rumeur d’Orléans, Edgar Morin soulignait que l’un des facteurs permettant à des mythologies dangereuses de s’imposer à une ville entière était la « sous-politisation ». La prolifération des théories du complot reflète la pauvreté d’une culture politique qui n’a rien à offrir à des millions d’individus confrontés à la disparition de leur monde. Parce qu’elles sont une tentative désespérée et indigente de donner du sens à la dimension catastrophique du présent lorsque les ressources culturelles disponibles n’y suffisent plus, les théories du complot sont une excroissance directe de ce vide politique.
    Fin observateur, Morin s’en prenait également à « l’incapacité de l’intelligentsia à aborder ces problèmes ». Rien n’a changé : ce n’est que depuis une position privilégiée où la certitude de leur monde est acquise que les experts d’aujourd’hui peuvent considérer les théories du complot comme des déficiences cognitives à corriger, et rester sourds à la crise existentielle qu’elles expriment.
    Si la propagation des théories du complot nous préoccupe, nous devons nous rendre compte que le debunking est une distraction, un passe-temps pour fact-checkers et chiens de garde de l’information. Nous devons nous pencher sur le manque de vision politique dont se nourrit le complotisme, et dont les commissions gouvernementales censées le combattre ne sont que les cache-misère.
    La politique a fondamentalement à voir avec le temps, et elle échoue lorsqu’elle s’apparente à l’administration des derniers jours. Repousser à plus tard la fin du monde a toujours été la justification conservatrice du maintien de l’ordre et de la préservation du statu quo. Quant à l’accélérationnisme aveugle qui fait aujourd’hui figure d’alternative, il n’est en réalité qu’une stratégie différente au service des mêmes objectifs. La seule et véritable alternative consiste à retrouver une capacité politique, à jeter des ponts par-delà un présent cataclysmique, à reconstruire la vision d’un monde commun et d’un avenir inclusif pour tous ceux qui sont en train de perdre le leur.
    À défaut, les théories du complot continueront de prospérer et d’occuper la place qui était autrefois celle des idéologies. Il est déjà clair que les politiciens tentés de les exploiter jouent à l’apprenti sorcier, pour ne pas dire à l’apprenti chaman. Et comme chacun le sait, leur heure vient quand sonnent les douze coups de minuit.

    Nicolas Guilhot
    Historien, professeur d’histoire intellectuelle à l’Institut universitaire européen de Florence

    Traduit de l’anglais par Hélène Borraz

    #complotisme #théories_du_complot #Qanon #Edgar_Morin #debunking #démystification

    • #rumeur_d'Orléans

      Au lendemain de la rumeur, le sociologue Edgar Morin s’était rendu à Orléans avec plusieurs de ses collègues afin de comprendre l’origine et la diffusion de la théorie du complot. Publié à chaud, La Rumeur d’Orléans est le récit de cette enquête de terrain. A ma connaissance, aucune analyse du phénomène QAnon n’a fait référence à cet ouvrage, pourtant traduit en anglais dès 1971.

      À le relire aujourd’hui, on est frappé par deux choses : la relative stabilité dans le temps des schémas complotistes, et, à l’inverse, la transformation radicale de notre façon de les analyser. Ne pouvant en attribuer la responsabilité à l’information en ligne, Edgar Morin identifia des facteurs sociaux, économiques et culturels plutôt que des mécanismes cognitifs ou des logiques d’information.

      Il tenta de déchiffrer la panique morale à l’origine des rumeurs antisémites en relation avec l’évolution de la structure démographique de la ville, les nouvelles identités de genre, le rôle des femmes sur le marché du travail, les processus de modernisation économique qui perturbaient le tissu social et les codes moraux de la ville, ainsi qu’un lent processus de déclin qui voyait une ancienne capitale médiévale se transformer en grande banlieue parisienne. Pour le dire brièvement, Morin s’est efforcé de comprendre la situation historique dans laquelle un mythe avait resurgi, et non une erreur d’inférence ou une épistémologie boîteuse.

    • « L’être de l’homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait pas l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme limite de sa liberté » , Jacques Lacan, journées psychiatriques de Bonneval, 1946.

      Un très grand merci, @sombre pour cet article. De quoi m’inciter à la lecture (trop retardée...) de la thèse de François Tosquelles, Le vécu de la fin du monde dans la folie. Le témoignage de Gérard de Nerval et de La fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles, de De Martino (auquel les textes de Wu Ming sur ces choses doivent tant).

      #vide_politique #anthropologie #apocalypses_culturelles #apocalypses_psychopathologiques #peur_apocalyptique #effondrement #psychopathologie #messianisme #millénarisme #Ernesto_De_Martino #QAnon

    • Et bien, disons que c’était mon cadeau pour la nouvelle année. :-))

      Je me plonge dès maintenant dans un long article de chez Cairn.info pour m’instruire sur l’aspect historique du #fact_checking et de ses méthodes d’investigation depuis son apparition aux États-Unis dans les années 1920.

    • bon, j’explicite rapido mon post précédent du coup. ce que je préfère de ce papier, c’est pas tant l’arrimage au raisonnement sociologique (Morin, et l’auteur), bien insuffisant à mes yeux (l’auteur le montre lui aussi lorsqu’il évoque la composition sociale hétérogène des QAnon) que l’analyse des enjeux subjectifs et politiques en tant que tels (le nouage psyche/angoisse/paranoïa et socius)

      La Fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles (extraits)
      https://journals.openedition.org/elh/605

    • En ce sens que l’analyse des théories du complot au crible de la sociologie ne serait que la partie émergée d’un processus qui prend forme dans l’interconnexion entre le « psychopathologique » type paranoïa et le parcours sociopolitique du sujet ?
      Une approche plus anthropologique en somme.

    • oui, ne pas en rester au raisonnement sociologique. histoire, socio, anthropo, rien n’est de trop, et trouver moyen d’explorer les subjectivités, sans psychologie.

      une société qui sépare en individus accroit l’impuissance, voilà une condition bien pathogène. les historiens le savent d’avoir observé, par exemple, la diminution du nombre de suicides lors de la Révolution française.

      autre temps, Nicolas Guilhot :

      Les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et transforment les sentiments apocalyptiques en composantes pour la construction de communautés alternatives.

      et il y a évidemment bien des communautés terribles :)

      comme en écho au " conspirer, c’est respirer ensemble" (avec des ffp2 !) que l’on pouvait entendre sur radio Alice à Bologne en 1977, avant l’arrivée des chars dans la ville (ce fut seule intervention militaire de ce type en europe occidentale), un livre à paraître

      Manifeste conspirationniste, Anonyme
      https://www.leslibraires.fr/livre/20145297-manifeste-conspirationniste-anonyme-seuil

      Le conspirationnisme procède de l’anxiété de l’individu impuissant confronté à l’appareil gigantesque de la société technologique et un cours historique inintelligible. Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s’adresser à l’anxiété d’où il sourd en produisant de l’intelligibilité historique et indiquer la voie d’une sortie de l’impuissance.

      On peut bien s’épuiser à tenter d’expliquer aux « pauvres en esprit » pourquoi ils se trompent, pourquoi les choses sont compliquées, pourquoi il est immoral de penser ceci ou cela, bref : à les évangéliser encore et toujours. Les médias peuvent bien éructer d’anathèmes. C’est le plus généralement sans effet, et parfois contre-productif.

      La vérité est qu’il y a dans le conspirationnisme une recherche éperdue de vérité, un refus de continuer à vivre en esclave travaillant et consommant aveuglément, un désir de trouver un plan commun en sécession avec l’ordre existant, un sentiment inné des machinations à l’œuvre, une sensibilité au sort que cette société réserve à l’enfance, au caractère proprement diabolique du pouvoir et de l’accumulation de richesse, mais surtout un réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser à l’extrême-droite.

  • Covid-19 : on vous explique pourquoi le nouveau variant détecté en Afrique du Sud est considéré comme « une menace majeure » - ladepeche.fr
    https://www.ladepeche.fr/2021/11/25/covid-19-on-vous-explique-pourquoi-pour-le-nouveau-variant-detecte-en-afri

    Le variant B.1.1.529 présente un nombre « extrêmement élevé » de mutations et « nous pouvons voir qu’il a un potentiel de propagation très rapide », a déclaré le virologue Tulio de Oliveira, lors d’une conférence de presse en ligne chapeautée par le ministère de la Santé. Son équipe de l’institut de recherche KRISP, adossé à l’Université du Kwazulu-Natal, avait déjà découvert l’année dernière le variant Beta, très contagieux.

    #SARS-CoV2 #variants

    • C’est vraiment pas d’chance s’il y a des variants et si ça casse toute la dynamique positive mise en place par nos zélites. Comme dit l’autre, en même temps, c’est pas que c’est un échec, c’est que ça n’a pas marché.

      Le coup de la 3ème dose pour continuer à avoir le pass, j’avoue, hier soir, ça m’a rendu grognon. Parce que pour le coup, je voyais arriver la 4ème et 5ème dose... alors même que le monde de la recherche semble s’être totalement désintéressé du sujet.

    • Nouvelle souche virale. Thread by Pr_Logos
      https://threadreaderapp.com/thread/1463620077643829256.html

      1/ Nouvelle souche virale. Thread.
      Le mutant du Botswana, B.1.1.529, a 32 points de mutation à la protéine Spike. C’est beaucoup, et ça ouvre la possibilité qu’il soit mal reconnu par le système immunitaire…

      C’est le scenario redouté pour cet hiver.

      3/ Si le graphique du Financial Times est correct, c’est un monstre. Une transmissibilité accrue d’un facteur gigantesque.

      etc...

    • C’est pas pour se faire peur. C’est juste pour dire qu’on en parle depuis des mois. Comme l’aérosolisation dont la première étude explicite sur le sujet date du printemps 2020. Ou le Delta, dont la Grande Bretagne parle depuis Mars-Avril 2021.

      Notre super-équipe de vainqueurs, ils ont décidé que le pire de cette crise, c’était de porter le masque. Et que la meilleure récompense qu’ils pouvaient nous faire, c’était de ne plus nous « obliger » à le porter. Et le pire, c’est qu’ils y croient eux même. Heureux de pouvoir recevoir du monde dans les palais, sans masques ni distanciation.

      Ils ne se rendent pas compte de la violence du contre-choc que cela représente, d’avoir décidé de faire croire que c’était terminé cet été, d’avoir décidé que tout le monde pouvait faire comme si on pouvait tout refaire comme avant... et là, au bout d’un petit mois de vie « quasi-normale », constater que rien n’est résolu, et que même, d’ailleurs, ça va être encore pire, parce que « business as usual », on n’a toujours pas investi dans la santé, car c’est aux copains du privé de le faire et qu’en fait, on a continué à désinvestir, comme dans l’enseignement, d’ailleurs. On radote. Je radote. On ne cesse de répéter la même chose. Et il faut faire la 3ème dose, sinon couic, plus de vie sociale. J’ai envie de dire « pourritures ». J’ai des envies de batte de baseball et de pétage de genoux. Mais faut pas le dire. Faut juste le faire. Comme les flics qu’on envoie dans les Caraïbes, pour faire comprendre qu’il n’y a pas d’alternatives, faut laisser l’eau ne pas couler, faut laisser le chlordécone tuer les gens sans punir les coupables, faut laisser la misère, parce que. On radote. Et ils se serrent les coudes. Autour de Hulot, autour de Darmanin, autour de DSK. Jusqu’à ce qu’ils puent trop, et alors on les envoie à Cnews, où le patron nous emmerdent tous de très haut, nous les puritains qui ne supportons plus les prédateurs, à la Ma*, à la Mo*, à la Ze*. Où le patron les héberge et les met au boulot, protégé par des cordons de CRS, comme hier à la Guillotière à Lyon, provocation obscène sous protection policière. On radote. Et on s’y complait. On continue à faire comme s’il n’y avait pas de solution. Voter ? Non. Ils sont tous pareils. Ils sont trop. Pas assez. On radote.

    • Apparemment, on parlait aussi de reprise épidémique depuis 2 mois. Mais là encore, les épidémiologistes auto-proclamés se sont fait surprendre par l’effet de surprise. Fulgurant (qu’ils disaient) ...

      https://threadreaderapp.com/thread/1439939177357975558.html

      1/21
      Pourquoi le rebond épidémique automnal 2021 va être plus long à percevoir que l’an dernier ?
      Petit thread pour éviter les mauvaises surprises dans les semaines à venir...
      2/21
      Tout d’abord pourquoi s’attendre à un rebond !?
      A] Rentrée scolaire sans vaccination des enfants et sans sécurisation sanitaire des établissements
      B] Rentrée « socio-économique » avec densité+++ dans les transports, entreprises, commerces...
      3/21
      C] ↘ des activités de plein air et retour dans les espaces clos à une période de l’année où leur aération tend à ↘
      D] Persistance du variant Delta hautement transmissible au sein d’une pop majoritairement immunisée via vaccination donc sans immunité mucosale...
      4/21
      Alors pourquoi un rebond plus long à percevoir que l’an dernier ?
      A] Vaccination et ↘↘ des formes symptomatiques d’infection.
      En moyenne, les études récentes montrent une ↘ de 78% des formes symptomatiques d’infection induites par Delta
      cdc.gov/coronavirus/20…
      Coronavirus Disease 2019 (COVID-19)
      CDC provides credible COVID-19 health information to the U.S.
      https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/science/science-briefs/fully-vaccinated-people.html
      5/21
      Cela signifie que la fréquence des formes d’infection conduisant le plus souvent à un dépistage, est ~4,5x plus faible que l’an dernier à la même période (avant vaccination).
      Ce n’est qu’un ordre de grandeur car Delta est plus virulent que les variants antérieurs...
      6/21
      Cette estimation ne tient pas compte non plus de l’atténuation immunitaire au cours du temps.
      C’est donc simplement un ordre de grandeur grossièrement estimé sur la seule efficacité vaccinale issues des données en « vie réelle ».
      7/21
      B] Vaccination et ↘↘ du dépistage
      Les motivations d’un dépistage sont triples :
      – infection symptomatique (maladie)
      – obligation réglementaire (pass, voyage...)
      – enquête de contact tracing
      8/21
      Avec désormais 64% de la population complètement vaccinée, nous avons au moins 64% de la population chez qui le dépistage s’est effondré :
      avec 4,5x moins de maladie chez les vaccinés, le recours au dépistage est au moins 4,5x faible...
      9/21
      L’obligation réglementaire de dépistage est levée du fait de la vaccination, ce qui réduit encore le recours au dépistage.
      Enfin, même si les vaccinés sont censés être inclus dans le contact tracing, l’ampleur du dépistage y est anecdotique (tracing déficient en France)...
      10/21
      Ainsi, on observe un fort ralentissement de l’activité de dépistage, malgré le pass sanitaire et les millions d’éligibles tjs pas vaccinés (ce qui interroge d’ailleurs sur l’application réelle de ce pass sanitaire)
      11/21
      On ne peut donc plus percevoir un rebond épidémique précocement via les indicateurs virologiques car l’activité de « testing » est désormais monopolisée par les asymptomatiques non-vaccinés qui valident leur pass sanitaire via des tests réguliers (cf. BEH)
      12/21
      Il va donc falloir attendre un impact de ce rebond sur la morbi-mortalité (↗ des formes symptomatiques, ↗ de la tension hospitalière...).
      Et pour cela il va au moins falloir attendre une circulation virale ~4,5x plus forte que celle qui « sonnait l’alerte » avant 💉
      13/21
      En reprenant le Re observé avec la vague estivale 2021 (Delta), on peut estimer ce retard à la détection.
      Cet été le Re a atteint 1,68.
      Avec une telle dynamique, le nombre de cas DÉTECTÉS double tous les ~7 à 10j...
      14/21
      Pour avoir une ↗ de ~4,5x sur le nombre de cas détectés, il faut donc un délai de ~19 jours.
      Ceci nous permet d’estimer grossièrement le « retard » à l’alerte...
      15/21
      Si avant la vaccination il fallait environ 3 semaines pour commencer à percevoir l’effet d’un évènement sur la progression épidémique, il faudrait désormais au moins 21+19 = 40 jours pour avoir la même perception !...
      16/21
      Tout ceci sous réserve que le Re soit au moins aussi fort que cet été, et que le recours au dépistage en cas d’infection symptomatique reste au même niveau (ce qui n’est pas garanti avec le déremboursement prochain des tests)...
      17/21
      Donc pour percevoir le rebond induit par la rentrée du 01/09/2021, il faudrait au moins attendre jusqu’au 12/10/2021...
      C’est ballot, on dérembourse les tests à partir du 15/10 ! 😅
      18/21
      L’allègement des mesures sanitaires est annoncé pour mercredi (décisions du Conseil de Défense), alors qu’on n’est même pas à la moitié de la période « critique » de surveillance épidémiologique post-rentrée !
      19/21
      Après >20 mois de pandémie, et la répétition inlassable des mêmes erreurs de relâchement quand il faut au contraire renforcer la prévention pour maintenir les bons résultats, et quand revient sans cesse le discours du « retour des jours heureux », il y a de quoi être agacé+++
      20/21
      Nous avons les tests, nous avons 4 vaccins efficaces+++, nous avons l’expérience de 20 mois décuplée par autant de pays qui ont été concernés, nous avons « l’habituation » aux mesures barrières, nous avons la connaissance des modes de transmission...
      21/21
      Avec tout ça, il serait légitime d’espérer ne pas avoir de nouveau rebond...
      Encore faut-il tenir compte de ces données et les exploiter à bon escient.

    • #B.1.1.529 : c’est la désignation scientifique du nouveau variant. Pour le grand public, il a été baptisé variant « nu » (de la lettre ν de l’alphabet grec correspondant au n de l’alphabet latin)

      Sur Twitter, il est qualifié d’horreur, de cauchemar absolu : 5 fois plus transmissible que « delta » et surtout possibilité d’échappement immunitaire.
      Les états membres de l’UE (dont la France) ferment leurs aéroports aux vols en provenance d’Afrique australe.
      Les indices boursiers plongent, tout comme le prix du baril de brent ...

      https://www.boursorama.com/bourse/actualites/vendredi-noir-les-investisseurs-saisis-par-la-peur-d-un-nouveau-variant-

      https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/nouveau-variant-du-covid-19-les-cours-du-petrole-s-effondrent-48d66897f3

      C’est la #panique ...

      A une échelle proche : 4 cas détecté en Israël (dont un en provenance du Malawi), et un cas détecté en Belgique.
      On n’ose imaginer combien sont passés sous les radars ...

      La constellation des mutations de B.1.1.529 (il y en a plus d’une trentaine sur le spicule) est une galerie des horreurs, avec de multiples mutations associées à des gains en transmissibilité ou en échappement immunitaire.

      https://twitter.com/Panda31808732/status/1464197382221012993

      Took a look at the spike mutations in B.1.1.529 this evening, and colour coded them (details below)...there is...not much green.🧵 Image
      First the obviously bad stuff (red): nine mutations seen in previous VOCs. There’s a lot of overlap already among VOCs (convergent evolution), but this variant has an unprecedented sampling from mutations previously seen in Alpha, Beta, Gamma and Delta separately.
      In orange are three mutations that are probably meaningful biological changes for the virus, but not previously seen in VOCs. Two from VUI level lineages that likely had modest advantages over original virus, and E484A which is at a key site in the receptor binding domain.
      Next eleven things seen rarely or never before (blue) that may be functional and just new to us, or may be a side-effect of whatever process led to so many mutations in this lineage (i.e. either neutral or mildly deleterious). Need more data on these.
      In green is just D614G, which has been fixed in all SARS-CoV-2 since early 2020.
      Finally, three shades of purple which are new (not in previous VOCs) but have some other data to suggest they may be functional. First is a deletion/substitution/insertion hotspot in the N terminal domain, that may be further remodelling the protein structure there.
      Then there’s a group of 4 nearby substitutions (3 in the space of 5 amino acids) that have not been seen before, but are so close together that I doubt its coincidence. They are also very close to the (previously conserved) binding site of sotrovimab, a therapeutic antibody. Image
      Finally S477N and Q498R, predicted in an experimental evolution paper to substantially increase ACE2 binding together with N501Y, but only seen in the wild separately or rarely. Seeing this full combination now (along with everything else) is grim.
      SARS-CoV-2 variant prediction and antiviral drug design are enabled by RBD in vitro evolution - Nature Microbiology
      Evolution of the SARS-CoV-2 spike protein receptor-binding domain in vitro recapitulates SARS-CoV-2 variant emergence and produces an effective antiviral spike receptor-binding domain variant.
      https://www.nature.com/articles/s41564-021-00954-4
      There are also multiple (possibly funcitonal) mutations in genes other than spike: notably R203K and G204R in nucleocapsid, which were recently shown to be key in increasing transmissibility, and are present in all VOCs to date.
      AAAS
      https://www.science.org/doi/10.1126/science.abl6184
      So the mutation profile is bad (as @PeacockFlu and others have already pointed out). We don’t yet know how they act together, or how a virus with so many changes will behave.
      We need to learn more, fast. To end on a hopeful note, it’s mind-blowing how quickly we’ve got this far. Kudos to @Tuliodna et al for getting this out, and setting the global scientific community onto experiments to answer more of these questions. Let’s get to work.

      https://pbs.twimg.com/media/FFETuhlXsAQKKHe?format=jpg&name=large

      https://twitter.com/jcbarret/status/1463975708770897923

    • D’après ce que j’ai entendu, l’Afrique du Sud est LE réservoir à variant planétaire en raison de la quantité d’immuno-déprimés en mesure de pratiquer un affinage longue durée du virus. Ils ont en particulier le plus haut taux de malades du VIH sans traitement.

      On peut toujours essayer de couper les ponts [aériens] directs avec eux, mais les voyages business ou tourisme indirects vont continuer à transporter du variant frais à travers le monde, j’imagine.

    • De toute façon, je pense que le mal est fait. Ce nouveau variant s’est déjà diffusé au niveau mondial. Perso, ça fait une semaine que j’ai vu passer l’info. Une semaine à mon humble niveau d’information. Combien de semaines précédentes se sont écoulées avant que l’alerte soit lancée ?

    • Quand est-ce que l’Union Européenne va cesser de s’opposer à la levée de la propriété industrielle sur les brevets des vaccins ? (cela peut être limité aux pays pauvres, sur lesquels les labos ne feront de toute façon jamais les profits qu’ils font dans les pays riches).
      Les dons de vaccins ne seront jamais suffisants, et l’Afrique du Sud a les usines pour fabriquer ces vaccins.

      Biden a demandé cette levée de la propriété industrielle sur les brevets des vaccins :

      https://www.reuters.com/article/sante-coronavirus-vaccins-derogations-idFRKBN2CN0BQ

      Actes criminels sur les populations migrantes, accaparement des vaccins, et refus de céder la propriété industrielle des vaccins aux pays pauvres : UNION EUROPÉENNE = UNION BARBARE.

  • Tremblez, les wokes veulent interdire le latin et le grec ! Vraiment ? http://www.slate.fr/story/219375/wokes-interdire-cours-latin-grec-faux-obsession-mediatique-etats-unis-reforme-

    « Ils veulent annuler les cours de latin » is the new « elles veulent interdire La Belle au bois dormant ».

    Spoiler : non. Ni aux États-Unis, ni en France. Et la disparition progressive de l’enseignement des langues anciennes n’a rien à voir avec eux.

    J’ai pris des bonnes résolutions. Par exemple, j’ai décidé de faire mon lit tous les matins (= étendre la couette d’une façon approximative). J’ai également décidé de ne plus cliquer sur les titres ridicules, du type « Face à l’idéologie “woke”, Jean-Michel Blanquer annonce un plan européen pour le latin et le grec ». Donc je n’ai rien lu sur Jean-Michel Blanquer, les cours de grec et le wokisme, jusqu’à ce que je tombe sur cet excellent décryptage d’Elodie Safaris.

    À partir de cet article, elle est allée regarder les liens. En réalité, dans l’article, rien ne concerne la France. Pour une raison assez simple à comprendre : en France, personne n’a demandé la fin des cours de grec ou de latin. C’est donc un non-sujet ici. Comme d’habitude, on parle en réalité des États-Unis –ce qui, rappelons-le à Jean-Michel Blanquer, ne correspond pas géographiquement à sa fiche de poste.

    L’article cite une enquête du Figaro de juin dernier dans lequel une prof italienne raconte qu’une fois, un élève l’a interrogée sur la misogynie de Platon et une autre fois sur le racisme et le sexisme de Homère. Oh mon Dieu... Mais c’est... terrible.

    Cette histoire des wokes contre le latin aura fait à certains toute l’année. Quasiment tous les mois, on a eu nos articles à la titraille bien accrocheuse...

    #débunking #panique-morale #madeInJean-MiMiBlanquer